Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-03-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 mars 1886 15 mars 1886
Description : 1886/03/15 (A17,N5180). 1886/03/15 (A17,N5180).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-sèptième &»née. - — Ne SUJO
Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes
Lundi 15 mars 1886
T LJV !i YAT1A Y" ÇÙÏIFJJPIIIï J JFli
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
S'adresser an Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
16, r"U.& Cadet; 1Q
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus
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DEPARTEMENTS
Trois mois 18 »»
gïx mois 32 »»
1Jnan. 62 »»
PARIS
Trois mois. 13 »»
Six mois. 25 »»
Un an. 50 mm
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6, place de la Bourse, 6
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te* Lettres non affranchies seront refuséei
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87, Charlotte Street, Fltzroy Square,
Et 15, Tlehborne Street, (Café Mon!co. 2d.i
MM. les Souscripteurs dont l'abonne-
ment expire le 31 mars sont priés
de le renouveler avant le 29, s'ils ne
veulent pas éprouver de retard dans
l'envoi du journal.
SOMMAIRE
Bulletin — Louis HENRIQUE.
Informations particulières.
A qui la faute? — A.-EDOUARD PORTALIS.
Concluez. — DOCTEUR RALPH.
Les Fausses Marques de fabrique.- CHAR-
LES TISSIER.
En voyage avec un ministre. — Dr V. DU
CLAUX.
Nouvelles de l'étranger.
Echos du jour. - BRICHANTEAU.
La Presse aujourlejour.- P.-P. DEJUINNE.
Pages retrouvées.
Les Expositions. — FERDINAND MERLET.
Le Sport du jour. — FAVBLLBS.
Là Température.
Les Livres.
Courrier hebdomadaire de la Bourse. —
H. LE FAURE.
Faits divers. — JEAN vàmùrz.
Courrier des théâtres. — EMILE MENDEL.
Causerie dramatique. — HENRY FOUQUIEB.
BULLETIN
Aujourd'hui la Chambre continuera la
discussion de l'interpellation sur les évé-
nements de Decazeville.
Le Sénat reprend ses séances.
Le Journal officiel de dimanche a pu-
blié le tableau statistique des importations
et exportations pendant les deux mois de
janvier et de février.
Le chiffre des importations s'est élevé à
655,456,000 fr. ; le chiffre des exportations,
à 452.778.000 francs.
- Pendant la période correspondante de
1885, les importations s'étaient élevées
à 717,002,000
Les exportations à 390,108,000
Ces chiffres accusent des différences
sensibles.
En 1886, les importations ont diminué
de 61,546,000 par rapport à 1885; les ex-
portations ont augmenté, pendant la même
période, de 62,670,000.
Enfin, si l'on compare les importations
et les exportations, on constate qu'en
i886 les importations ont dépassé les ex-
porI ations de 202,678,000 pendant les deux
premiers mois de l'année 1886.
Pendant la période correspondante de
l'exercice 1885, l'écart avait été de 326 mil-
lions 894,000 francs.
L'affaire d'Andorre s'éclaircit et s'ar-
range. La cause la plus futile a donné
naissance au conflit; le mauvais esprit des
partisans de l'évêque d'Urgel a amené la
collision que l'on sait. Le viguier fran-
çais, M. Bonaventure Vigo. a été cerné par
ses adversaires jusqu'à l'arrivée des « pa-
roissiens » d'Eucamp et de Canillo, qui
l'ont délivré en mettant en déroute les Es-
pagnols. Autant dire une bataille d'opéra-
comique.
Au surplus, M. Papinaud vient d'arriver
à Perpignan ; on ne doute pas que son in-
fluence personnelle, qui est grande, n'ait
raison des mauvaises têtes d'Andorre.
L'agitation ouvrière continue à Man-
chester. Une grande réunion a en lieu sa-
medi ; on en propose une nouvelle pour
aujourd'hui. Le but est de créer une fédé-
ration ouvrière entre Manchester, Sandford
et lés autres centres manufacturiers des
alentours.
Les menaces ridicules de la Gazette de
Cologne à l'adresse de la France ont pro-
voqué le rire dans toute l'Europe. Le
Journal de Genève fait justice de cette
sotte rodomontade de la feuille allemande :
« La Gazette de Cologne a été chargée de
jouer le- rôle du chœur antique. Peut-être
aussi est-ce une réponse anticipée au pro-
jet de loi sur l'espionnage préparé par le
général Boulanger, car, de nouveau, l'hal-
lucination des espions est à l'ordre du
jour, et ce n'est pas seulement à Paris que
sévit cette maladie. On en voit des symp-
tômes dans d'autres capitales, et même
chez les peuples les plus raisonnables,
même chez ceux qui haussent les épaules
en parlant de ces vaines terreurs qu'ils
qualifient d'enfantillage.
» Au fond, sauf les rancunes qui dorment
et les antipathies auxquelles on ne com-
mande pas, jamais une guerre de revan-
che n'a été moins populaire en France
qu'en ce moment ; et comme, en Allema-
gne, on n'est nullement disposé à recom-
mencer les sacrifices douloureux d'il y a
seize ans, au risque de compromettre les
résultats obtenus, il n'y a vraiment aucune
chance de conflit prochain entre les deux
peuples. »
L'Observer croit savoir que la première
partie du projet législatif de M. Gladstone,
relatif au règlement de la question irlan-
daise, a été soumise au conseil de cabinet
tenu hier.
Ce projet propose une mesure générale
pour l'achat des propriétés rurales en Ir-
lande, qui se ferait d'abord aux frais du
Trésor impérial. L'administration des
fonds ainsi votés serait confiée à une com-
mission irlandaise locale.
On a laissé entendre aux membres du
cabinet que cette commission aurait le ca-
ractère d'un Parlement irlandais.
L'accueil fait à ce projet laisse prévoir
qu'il faudra le retirer ou que, s'il est
maintenu, il amènera la dislocation du
ministère.
La question irlandaise n'est pas résolue,
et il ne semble pas qu'elle doive l'être par
le Parlement actuel.
LOUIS HENRIQUE.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Le résident général du Cambodge
Par décret en date du 13 mars 1886, M. G.-J.
Piquet, ancien directeur de l'intérieur en Co-
chinchine, est nommé résident général au
Cambodge.
L'adjoint à la résidence de Madagascar
M. Daumas, ancien magistrat, ancien se-
crétaire général à la mairie de Marseille, est
appelé à servir à Madagascar, auprès de M. le
résident général, en qualité d'adjoint à la ré-
sidence.
L'Exposition de 1889
M. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, recevra, mardi prochain, la com-
mission du conseil municipal chargée d'étu-
dier la question de la participation de la Ville
à l'Exposition de 1889.
L'Union des Gauches
L'Union des Gauches de la Chambre se réu-
nira aujourd'hui lundi 1.5 mars, à une heure,
au 7e bureau.
Les délégués mineurs
D'après une dépêche de Saint-Etienne, le
secrétaire de la Fédération des mineurs de
France, fait connaître qu'à la suite de la dé-
cision du président de la commission parle-
mentaire d'entendre les délégués séparé-
ment, les principaux bassins houillers n'en-
verront aucun délégué.
+
A QUI LA FAUTE?
Si le bon renom du régime parlemen-
taire tel qu'il a été organisé par la Cons-
titution de 1875 devait seul être com-
promis par des avortements comme
celui dont la Chambre a donné hier le
spectacle, il n'y aurait que demi-mal.
Les Etats-Unis et la Suisse sont la
preuve que le parlementarisme n'est pas
le couronnement nécessaire des institu-
tions républicaines et qu'un pays peut
très bien jouir de la liberté sans que le
pouvoir y soit, comme en Angleterre et
en France, le prix de l'opposition la
plus systématique et parfois la moins
loyale. Mais la masse ignore comment
les choses se passent dans les pays les
plus libres. Le suffrage universel, sur-
tout avec le scrutin de liste qui est le
plus brutal des modes de scrutin, ap-
prouve ou condamne en bloc. Le jour
où l'impuissance et les inconvénients
du système actuel lui serait démontré,
ce n'est pas contre le régime parle-
mentaire qu'il voterait, c'est contre la
République.
Là est le danger auquel doivent veiller
tous les républicains.
Naturellement les journaux ne sont
pas d'accord sur les causes qui ont
amené hier le rejet successif des onze
ordres du jour. Autant de journaux, au-
tant d'opinions. Les uns reprochent à
M. de Freycinet son abstention, comme
si c'était le rôle d'un chef de gouverne-
ment d'être sans cesse sur la brèche
pour toutes les discussions, même pour
celles qui ont un caractère tout spécial,
comme si M. de Freycinet n'avait pas
précédemment fait connaître son opinion
sur la question minière et comme si l'or-
dre du jour accepté par lui dans la discus-
sion soulevée par M. Basly n'avait pas
obtenu une immense majorité ! D'autres,
comme la République française, s'en
prennent aux radicaux. Pour certains
groupes parlementaires, c'est une vieille
habitude de rejeter sur les radicaux tout
ce qui se fait de mal dans la Chambre.
Les radicaux, certes, ne sont pas im-
peccables. Souvent ils se laissent en-
traîner par la recherche d'une popula-
rité éphémère. Ils ont trop le goût des
manifestations éclatantes et pas assez
le souci de la stabilité ministérielle.
Mais enfin, tels qu'ils sont, ils repré-
sentent une force qu'il serait insensé,
dans l'état actuel des partis à la Cham-
bre, de considérer comme une quantité
négligeable. C'était évidemment le sen-
timent qui animait M. de Freycinet quand
il a fait entrer dans son cabinet MM.
Lockroy et Granet. Dans le cas présent,
si l'Union des Gauches peut reprocher
'aux radicaux de ne pas avoir voté pour
l'ordre du jour de MM. Letellier et
Etienne, les radicaux peuvent tout aussi
légitimement reprocher à l'Union des
Gauches de ne pas avoir voté l'ordre du
jour de MM. Viette et Maurice Faure,
qui exprimait également la confiance de
la Chambre dans la sollicitude du gou-
vernement.
On peut enfin demander pourquoi le
ministre des travaux publics, M. Baï-
haut, a donné la préférence à l'ordre du
jour de MM. Letellier et Etienne plutôt
qu'à un autre, et même plutôt qu'à l'or-
dre du jour pur et simple qui n'aurait
peut-être pas été la plus mauvaise ma-
nière de terminer le débat. Un gouver-
nement ne peut pas avoir la prétention
d'exiger à tout propos du Parlement et
pour chacun de ses membres une décla-
ration de confiance !
Au lieu de rejeter les uns sur les au-
tres la part de responsabilité qui incombe
à chacun, ne serait-il pas en vérité plus
sage de tirer de la séance d'hier le seul
enseignement qu'elle comporte? ne se-
rait-il pas d'un patriotisme mieux en-
tendu de prendre la ferme résolution
de ne plus se lancer dans des discussions
confuses sans entente préalable entre
tous les républicains dont le concours
est indispensable pour former une majo-
rité, et de sacrifier l'Union des Gauches
avec son grand U à l'union des républi-
cains ? On nous accusera si l'on veut de
- rabâchage ! Nous n'en continuerons pas
moins de répéter que l'union des répu-
blicains est, dans les circonstances ac-
tuelles, la condition essentielle au fonc-
tionnement normal d'un gouvernement
républicain. C'est jusqu'à nouvel ordre
notre Delenda Carthago.
A.-EDOUARD PORTALIS.
————————— ————————
Le bruit courait samedi soir que M. Baï-
haut, ministre des travaux publics, avait
donné sa démission. Plusieurs journaux re-
produisaient cette nouvelle hier matin.
Il est presque inutile de faire remarquer
que M. Baïhaut, si tant est qu'il ait manifesté
l'intention de se retirer, ne pourra mettre son
projet à exécution qu'après la clôture de l'in-
terpellation de M. Cawélinat.
Aujourd'hui la Chambre votera un ordre du
jour clôturant l'interpellation sur Decazeville.
M. Baïhaut aura accepté ou aura refusé de
s'associer au vote. C'est seulement dans ce
dernier cas que le ministre des travaux pu-
blics se retirerait. Rappelons enfin que M. Baï-
haut doit encore prendre part à l'interpella-
tion sur les tarifs de chemins de fer, dont la
discussion est actuellement ouverte et dans
laquelle son administration est spécialement
intéressée.
Les amis de M. Baïhaut font courir le bruit
que M. de Freycinet, prévenu des difficultés
qui se présentaient samedi pour la clôture
de, j'interpellation. de M. Caméîinat, ne se se-
rait pas rendu à l'invitation du ministre des
travaux publics. Ce bruit ne repose sur au-
cun fondement. M. de Freycinet n'a nulle-
ment été prévenu de l'embarras où se trou-
vait M. Baïhaut.
M. Baïhaut a eu le tort d'écouter les conseils
de ceux qui lui affirmaient que le concours
de l'Union des Gauches lui devait suffire pour
rallier une majorité.
"■ u
CONCLUEZ
Dans quelques heures, la Chambre va
se retrouver en face de cette montagne
d'ordres du jour qui l'a effrayée samedi
et l'a mise en fuite sans qu'elle ait pu
en adopter aucun. Aujourd'hui il n'y a
plus moyen de reculer, il faut conclure.
Nous n'avons pas besoin de montrer les
graves conséquences qui découleraient
d'un aveu d'impuissance, du rejet suc-
cessif de tous les ordres du jour moti-
vés, si bien que l'interpellation se ter-
minerait comme cela ne s'est jamais vu,
par le néant, puisque l'ordre du jour
pur et simple lui-même, qui est quelque
chose, qui signifie quelque chose, a été
préalablement écarté au scrutin public.
Oui, il faut conclure dans l'intérêt des
événements qui se passent à Decazeville
comme aussi pour l'honneur de la Cham-
bre. Mais comment conclure? Un pre-
mier moyen s'offre aux députés. Si au
jourd'hui, à deux heures, quand les
urnes seront sur le point de circuler,
ils ne se sentent pas mieux en mesure
que samedi de discerner le texte qui
doit résumer la situation présente et
montrer les espérances de l'avenir, ils
peuvent réclamer, d'après le règlement,
le renvoi en bloc aux bureaux de tous
les ordres du jour motivés.
De la sorte, ils échapperont à un em-
barras pressant, immédiat. Est-ce le
meilleur moyen ? Oui, si l'on croit que,
dans les bureaux, les ambitions per-
sonnelles, les rivalités de groupes, d'au-
tres misères encore sur lesquelles on
nous permettra de ne pas insister, s'ef-
faceront devant l'intérêt général. Non,
si l'on n'aperçoit aucune chance d'em-
pêcher tel membre de présenter une ré-
daction pour le seul orgueil de l'avoir
signée. Non, si l'on n'aperçoit aucune
chance d'amener tel groupe à voter un
ordre du jour dont le texte lui convient,
mais qu'il repousse parce qu'il porte
certaines signatures.
Le renvoi dans les bureaux ne serait
utile que si l'on avait espoir de faire
disparaître, hors de la séance publique,
les causes qui, en séance, ont paralysé
la majorité républicaine et l'ont con-
duite au plus triste émiettement. Pour
retomber dans les mêmes conflits, il ne
vaudrait pas la peine de tenir en sus-
pens un vote dont le retard a son écho
dans la crise de Decazeville.
Si l'on n'aperçoit pas une utilité pra-
tique au renvoi dans les bureaux, il faut
se décider à reprendre l'affaire en séance
publique. Mais est-il bon de se remet-
tre encore à voter silencieusement,
comme on l'a fait samedi, durant trois
heures d'horloge ? Nous ne le croyons
pas. Les mêmes résultats négatifs cour-
raient risque de se reproduire encore.
Certes nous ne demandons pas que la
discussion générale, qui est plus qu'épui-
sée, qui a été close, soit rouverte. Mais
nous souhaitons que, suivant un droit
constamment exercé, des explications
soient fournies par un membre sur l'or-
dre du jour qui aura d'avance réuni le
plus grand nombre de signatures répu-
blicaines.
Sans doute les explications sont dif-
Sans doute les e xîèla résulte de ce
ficiles à donner. Cela résulte de ce
qu'on est engagé dans une impasse, de
ce qu'on a voulu faire, par voie d'inter-
pellation, ce qu'il fallait faire par voie de
projet de loi. Mais c'est là peut-être le
commentaire qu'il conviendrait de four-
nir à la majorité pour l'aider à sortir de
l'impasse.
Pour notre part, nous ne dirions pas
aux députés : « Vous allez trouver tout
dans tel ordre du jour ». Nous leur di-
rions qu'il n'est pas prudent de chercher
la quadrature du cercle, qu'un ordre du
jour motivé n'est pas un projet de loi,
que le premier ne peut guère avoir plus
de dix lignes, que le second peut avoir
cinquante articles, et qu'on ne saurait
définir une question en dix lignes comme
en cinquante articles.
Personne ne conteste la nécessité de
reviser la législation de 1810. Tout le
monde sur ce point est d'accord. Il nous
paraîtrait bien simple de le constater
sans vouloir entreprendre des défini-
tions qui arriveront difficilement à réu-
nir une majorité parce qu'elles reste-
ront toujours forcément incomplètes.
La Chambre, d'ailleurs, n'a pas intérêt
à tenter plus qu'on n'est en droit de lui
demander. Or, à l'heure actuelle, au
terme d'une interpellation, on n'est en
droit de lui demander qu'un engagement
et un voeu. L"engagement, il a été pris
au nom du cabinet. Le vœu, il a été
exprimé par les orateurs partis des ré-
gions les plus opposées. Il ne manque
plus qu'une formule. On la trouvera en
se rappelant la leçon de philosophie
donnée à M. Jourdain, en laissant les
idées et les mots se placer dans leur or-
dre naturel au lieu d'alambiquer avec
les abstracteurs de quintessence. Les
députés doivent avoir d'autant plus
grande hâte de s'arrêter enfin à une con-
clusion simple, inspirée par le seul bon
sens, que les accès de byzantinisme ont
toujours fait beaucoup de mal aux Par-
lements.
Docteur RALPH.
-
LES FAUSSES MARQUES DE FAB RIUIE
M. Lockroy, ministre du commerce, pre-
nant en juste considération le préjudice
causé à notre industrie par la pratique
qui consiste à introduire en France des
objets fabriqués à l'étranger et portant
soit la désignation d'une localité française,
soit le nom véritable ou simulé d'un fabri-
cant français, a décidé, de concert avec ses
collègues des finances et de la justice, de
faire saisir à la frontière, les produits pré-
sentés avec une fausse mention d'origine.
C'est ce qui résulte d'une circulaire
adressée aux Chambres de commerce en
date du 26 février dernier.
L'intention de M. le ministre du com-
merce et de l'industrie est on ne peut plus
louable et elle montre avec quelle sollici-
tude il compte s'occuper de défendre nos
industriels contre les agissements fraudu-
leux de leurs concurrents étrangers. Mal-
heureusement, dans l'espèce, nous crai-
gnons que les prescriptions ministérielles
ne restent lettre morte, au moins jusqu'à
la revision de la convention internationale
du 20 mars 1883 sur la propriété indus-
trielle.
M. Lockroy, dans sa circulaire, s'appuie
sur un arrêt de la cour de cassation déci-
dant que le fait d'apposer sur des produits
fabriqués à l'étranger des mentions telles
que : Nouveautés de Paris, Modes pari-
siennes, entraîne la prohibition et qu'il n'y
a pas lieu de distinguer si Vapposition a
eu lieu sur Fordre d'un commerçant fran-
çais.
Or l'article 10 de la convention inter-
nationale du 20 mars 1883, devenue exé-
cutoire au mois de juillet 1884, c'est-à-dire
six mois après l'arrêt de la cour de cassa-
tion, supprime le délit de contrefaçon de
marque admis par la cour, lorsqu'il n'y
aura pas l'apposition d'un nom commer-
cial fictif ou frauduleusement emprunté.
Il en ressort que les saisies ordonnées
par M. le ministre du commerce ne peu-
vent pas être pratiquées lorsqu'à côté de
l'indication d'origine se trouve mention-
née une raison sociale véritable, et qui
supprime le caractère frauduleux.
Les fabricants de soieries lyonnais ont
même si bien compris que la convention
du 20 mars 1883 les laissait désarmés pour
lutter contre leurs concurrents suisses et
allemands, qu'ils ont obtenu dernièrement,
de la municipalité de Lyon, le droit de
faire apposer une marque de fabrique spé-
ciale et uniforme aux armes de la ville
sur tous les tissus fabriqués chez eux.
Toutes les industries ne peuvent adopter
semblable mesure.
Quel est alors le remède dont il con-
vient d'user pour faire cesser des abus qui
portent à l'industrie française un préju-
dice des plus graves ?
Il est tout indiqué. C'est de reviser la
convention internationale du 20 mars
1883, reconnue mauvaise non seulement
pour les marques de fabrique, mais aussi
pour les brevets d'invention ainsi que
l'ont fait ressortir les principales Chambres
de commerce.
La prochaine conférence pour la revi-
sion dont elle est susceptible doit avoir
lieu à Rome le 28 avril de cette année ;
nous pensons que d'ici là il convient de
nommer une commission spéciale qui pro-
voquera un débat contradictoire et arrê-
tera un projet d'instructions à donner aux
délégués français.
L'administration ne doit pas chercher à
monopoliser l'étude de questions aussi
importantes, qui ne peuvent être résolues
au mieux de l'intérêt de nos producteurs
qu'à la suite d'une discussion où toutes
les opinions pourront se faire jour.
On a appelé, peut-être avec raison, la
convention du 20 mars 1883 une aggrava*
tion du traité de Francfort ; il convient de
ne pas en laisser subsister les articles que
la pratique aura fait reconnaître avanta-
geux pour l'industrie étrangère au dé-
triment de l'industrie nationale,
Les abus qui peuvent se produire impu-
nément, par exemple sur les travaux d'im-
primerie, sont déjà bien assez nombreux
pour qu'on soit en droit de réclamer un
examen approfondi du régime internatio-
nal auquel sont soumis les inventeurs et
les possesseurs de marques de fabrique
français.
Aujourd'hui, c'est sous le couvert même
de sa renommée que les étrangers cher-
chent à anéantir notre industrie. La situa-
tion s'aggravant tous les jours, il importe
de réagir le plus tôt possible.
CHARLES TISSIER.
Feuilleton du XIXè SIÈCLE
4 Du i5 mars 1886
CAUSERIE
DRAMATIQUE"
COMÉDIE-FRANÇAISE : l'Ecole des femmes (dé-
buts). — La situation à la Comédie. —
THÉÂTRE DU GYMNASE : Fromont jeune et
Risler aîné (reprise). — THÉÂTRE DÉJAZET :
les Maris inquiets (reprise); Coup double,
comédie en un acte, de M. E. Noël.
La Comédie-Française continue à faire
infiniment de bruit dans le monde : elle
en fait un peu sur la scène et davantage
dans la coulisse. Commençons par la
scène, en disant quelques mots du troi-
sième début de M. Laugier dans l'Ecole
des femmes. Cette Ecole des femmes est
une des pièces de Molière qui furent le
plus discutées de son vivant, et qui,
encore aujourd'hui, prêtent le plus à
des commentaires contradictoires. Mo-
lière cependant prit le soin, tout comme
M. Richepin, mais avec plus de modéra-
tion, de répondre à la critique de son
temps. Nous avons donc le commentaire
de l'œuvre par son propre auteur, et à
ce commentaire on peut ajouter la con-
naissance de la tradition et celle des
gloses nombreuses faites sur la portée
et le sens de la comédie. Tout cela est
utile pour apprécier la façon dont le per-
sonnage d'Arnoîphe est interprété. Le
débat sur ce point a été excellemment
egpœé dbrtauaé dose uao dwrféreacfc
de M. Coquelin. Pour lui, et j'incline à
croire qu'il a tout fait raison, Arnolphe
doit rester constamment un personnage
« ridicule », qui, s'il cessait un instant
d'être comique, deviendrait plutôt odieux
que sympathique.
Il est juste de dire que, du temps
même de Molière, l'opinion contraire a
été vigoureusement défendue, et on a
voulu voir dans Arnolphe un malheureux
qui n'est pas indigne de pitié. Pour don-
ner du poids à cette conception du rôle,
on imagina d'affirmer que Molière, qui
avait justement l'âge d'Arnolphe, avait
peint lui-même ses propres douleurs
et les souffrances que lui causait l'hu-
meur volage de sa femme. Cette glose
apparaît d'abord dans un des mille
pamphlets que les nombreux dévots
firent écrire contre Molière. Elle a été
reprise avec éclat par Th. Gautier.
C'était une thèse volontiers soutenue
par les romantiques que les auteurs
dramatiques avaient presque toujours
mis quelque chose d'eux au théâtre ; et
quand l'auteur était en même temps ac-
teur, il était très séduisant de penser
qu'il avait joué sa propre vie devant le
parterre et versé de vraies larmes ti-
rées de son cœur. Il parait que Prorost
adopta cette interprétation et joua en
tragique le rôle d'Arnolphe.
M. Coquelin se sépare de lui sur ce
point, ainsi que de M. Claretie, ce qui
est assez piquant. « Il y a quelques
jours, dit-il, je voyais dans un roman
de Claretie, d'ailleurs intéressant, le
Troisième dessous, le récit de la mort
d'un grand acteur, et ce grand acteur,
au momemt swprwae? peint rwrsem-
blant ses forces défaillantes pour don-
ner à son fils, acteur aussi, une le-
çon sur Arnolphe; il lui apprend à le
jouer au tragique, à quoi la circonstance
l'aide beaucoup ; il meurt ensuite, ex-
trêmement satisfait. Je n'en dirai pas
autant de Molière. »
Le morceau est charmant, et M. Co-
quelin, tout en rendant justice au ro-
man « d'ailleurs intéressant» de M. l'ad-
ministrateur général, laisse assez voir
qu'il tient celui-ci pour assez innocent
dans son appréciation de Molière. M.
Coquelin établit, en effet, que l'Ecole
des femmes est de 1662 et que Molière
était alors en pleine lune de miel, sa
femme ne devant le tromper qu'en
1664, avec l'abbé de Richelieu. Puis,
passant à des considérations générales,
il ne laisse rien subsister de l'opinion
« d'ailleurs intéressante» qui veut met-
tre dans Arnolphe un grain des fureurs
tragiques d'Othello. Partons donc de ce
point de vue qu'Arnolphe est un per-
sonnage comique, et constamment co-
mique, depuis le premier mot du rôle
jusqu'à l' « ouf » de la fin, qui n'a rien
de tragique.
Ce qui, en dehors de la légende re-
lative à Molière, a pu amener quelque
confusion dans les esprits, c'est qu'Ar-
nolphe n'est pas un vieillard. Il a qua-
rante-deux ans et, à cet âge, un homme
peut espérer être aimé, même d'une
femme jeune. Dans notre société, d'ail-
leurs, on aime plus tard que du temps
de Molière, qui, s'il écrivait de nos jours,
donnerait trente ans à, Célimène et
soixante - à Harpagon. Mais si l'âge
la'Arno%*e pem n;;i-w, ce qoe ne
peut tromper, c'est la critique de son
système d'éducation. La pièce, en réa-
lité, est là toute entière, dans le déve-
loppement d'idées chères à Molière et
déjà exposées par lui dans l'Ecole des
maris. Esprit merveilleusement pondéré,
génie fait de bon sens, ayant pour les
femmes une tendresse exquise, Molière
est à la fois l'ennemi des précieuses,
bas-bleus, politiciennes, prudes par
raffinement, et des sottes qui n'ont pas
« des clartés de tout », comme le vou-
lait Chrysale lui-même. Seulement il
n'a garde, dans sa justice, de s'en pren-
dre à la délicieuse Agnès ; il s'en prend
à Arnolphe. Molière tient pour le monde
contre le couvent, pour les conversa-
tions des honnêtes gens contre les pe-
tits manuels ridicules, pour la vertu
éclairée contre l'ignorance, pour le
laissez - faire des cœurs droits contre
la tyrannie des volontés de l'homme.
Le désespoir d'Arnolphe n'est que la
pénitence de son système d'éducation
odieux et ridicule, et, par cela, son dé-
sespoir ne doit pas nous toucher plus
que celui d'Harpagon ou que les ter-
reurs de Pourceaugnac. Molière, toute
proportion gardée entre les sexes, veut
qu'on élève les filles comme Rabelais
voulait qu'on élevât les garçons ; Rabe-
lais dont la prose admirable coule par-
tout ici, peut-on dire, dans les vers ad-
mirables de Molière. Et sa haine contre
Arnolphe, qui a sur les femmes les idées
d'un Turc qui serait un bigot, se plaît à
le montrer, pendant cinq actes, pris à
ses précautions, victime de ses habile-
tés ; d'ailleurs coeii en Tièrbe ét qui le
stetfa en gerbfe, a sfe marie., ne sachant
pas l'être avec décence et honnêteté,
selon la philosophie de Chrysale, qui
parle comme Voltaire et comme Boi-
leau, lequel, disons-le en passant, fit
acte de courage en défendant Molière
contre la levée de boucliers des hypo-
crites.
Je pense bien, à tout prendre, que
le débutant, M. Laugier, a compris le
personnage d'Arnolphe comme je viens
de le dire, après d'autres. Il l'a correc-
tement joué ; mais c'est tout. Outre que
M. Laugier avait la voix un peu prise et
enrouée, par l'émotion peut-être, outre
que la fréquence du geste, défaut ordi-
naire des jeunes acteurs, en souligne la
monotonie, je ne sais si son physique se
prête assez au personnage. Grand, bien
découplé, la voix naturellement belle et
le visage régulier et ouvert, M. Laugier
n'avait rien de l'aspect grognon, sour-
nois, désagréable, sot, — car de La
Souche est un triple sot ! — que M. Got
lui donnait sans effort apparent. Vrai-
ment, pour jouer Arnolphe, il eût fallu
un membre du comité qui vient de don-
ner sa démission !
A côté de M. Laugier, dont le début
reste honorable, mais sans éclat, on a
retrouvé la distribution ordinaire de
l'Ecole des femmes, MM. Delaunay, Sil-
vain, Truffier, Mmes Samary et Muller.
Cette distribution est excellente, et la
représentation a satisfait depuis les raf-
finés, qui savent la pièce par cœur et ne
s'intéressent plus qu'aux nuances de
l'interprétation, jusqu'aux naïfs — il y
en a toujours dans le public — qui sont
tout heureux d'apprendre au dénone-
amnt qu'Agnès est ta fille d'Angélique !
Passons maintenant aux choses de la
coulisse. C'est là qu'a eu lieu, hier, un
autre début, celui de l'honorable admi-
nistrateur général dans le rôle des
« personnages sévères» et des « tyrans ».
Mais procédons par ordre, si le mot n'a
pas l'air d'une trop cruelle ironie dans
tontes ces affaires. Nous avons laissé, la
semaine dernière, la Comédie-Française
sans comité. Elle en a un aujourd'hui.
Les membres les moins revêches de
l'ancien comité ont repris le tablier qu'ils
avaient rendu. On leur a adjoint ce qui
restait de sociétaires-hommes et, vaille
que vaille, M. Coquelin cadet administre
M. Coquelin ainé et M. Silvain M. Got.
Le comité raccommodé a déjà pris pos-
session et tenu séance, et les journaux
dévoués à M. l'administrateur général
nous ont appris qu'il avait prononcé là
un petit discours improvisé. Devant le
comité, M. Claretie s'est montré d'hu-
meur gracieuse ; il a joué les Amilcar,
ma chère ! « On parle beaucoup trop de
nos affaires, a-t-il dit ou à peu près,
selon le Temps ; la Comédie est une
grande dame qui ne doit se faire con-
nattre que par ses bonnes œuvres, je
veux dire par les chefs-d'œuvre qu'elle
joue. » Ceci est à merveille. Seulement,
pour le passé, on pourrait se rappeler
que M. Claretie n'a pas perdu une occa-
sion ou publique ou secrète de parler
ou de faire parler de la Comédie. Inter-
views , lettres, recommandations de-
mandées et publiées, professions de foi,
projets et plans, demi-promesses et pro-
messes pleines, assurances de défendre
le répertoire, mais d'ouvrir la porte aux
jeunes, rien n'y a masqué, et, depuis
Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes
Lundi 15 mars 1886
T LJV !i YAT1A Y" ÇÙÏIFJJPIIIï J JFli
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
S'adresser an Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
16, r"U.& Cadet; 1Q
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus
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DEPARTEMENTS
Trois mois 18 »»
gïx mois 32 »»
1Jnan. 62 »»
PARIS
Trois mois. 13 »»
Six mois. 25 »»
Un an. 50 mm
Supplément pr l'Etranger (Europe) 1 fr. par trimestre
Les abonneœts partent des 1er et 15 de chaque mois
:&eV!' 4«a d'annonces : MM. LAGRANGE, CERF et C*
6, place de la Bourse, 6
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrâtes?
16, rue Gadets i6
te* Lettres non affranchies seront refuséei
EN VENTE A LONDRES
A la librairie Pet.it.jean
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ET DANS SES SUCCURSALES
87, Charlotte Street, Fltzroy Square,
Et 15, Tlehborne Street, (Café Mon!co. 2d.i
MM. les Souscripteurs dont l'abonne-
ment expire le 31 mars sont priés
de le renouveler avant le 29, s'ils ne
veulent pas éprouver de retard dans
l'envoi du journal.
SOMMAIRE
Bulletin — Louis HENRIQUE.
Informations particulières.
A qui la faute? — A.-EDOUARD PORTALIS.
Concluez. — DOCTEUR RALPH.
Les Fausses Marques de fabrique.- CHAR-
LES TISSIER.
En voyage avec un ministre. — Dr V. DU
CLAUX.
Nouvelles de l'étranger.
Echos du jour. - BRICHANTEAU.
La Presse aujourlejour.- P.-P. DEJUINNE.
Pages retrouvées.
Les Expositions. — FERDINAND MERLET.
Le Sport du jour. — FAVBLLBS.
Là Température.
Les Livres.
Courrier hebdomadaire de la Bourse. —
H. LE FAURE.
Faits divers. — JEAN vàmùrz.
Courrier des théâtres. — EMILE MENDEL.
Causerie dramatique. — HENRY FOUQUIEB.
BULLETIN
Aujourd'hui la Chambre continuera la
discussion de l'interpellation sur les évé-
nements de Decazeville.
Le Sénat reprend ses séances.
Le Journal officiel de dimanche a pu-
blié le tableau statistique des importations
et exportations pendant les deux mois de
janvier et de février.
Le chiffre des importations s'est élevé à
655,456,000 fr. ; le chiffre des exportations,
à 452.778.000 francs.
- Pendant la période correspondante de
1885, les importations s'étaient élevées
à 717,002,000
Les exportations à 390,108,000
Ces chiffres accusent des différences
sensibles.
En 1886, les importations ont diminué
de 61,546,000 par rapport à 1885; les ex-
portations ont augmenté, pendant la même
période, de 62,670,000.
Enfin, si l'on compare les importations
et les exportations, on constate qu'en
i886 les importations ont dépassé les ex-
porI ations de 202,678,000 pendant les deux
premiers mois de l'année 1886.
Pendant la période correspondante de
l'exercice 1885, l'écart avait été de 326 mil-
lions 894,000 francs.
L'affaire d'Andorre s'éclaircit et s'ar-
range. La cause la plus futile a donné
naissance au conflit; le mauvais esprit des
partisans de l'évêque d'Urgel a amené la
collision que l'on sait. Le viguier fran-
çais, M. Bonaventure Vigo. a été cerné par
ses adversaires jusqu'à l'arrivée des « pa-
roissiens » d'Eucamp et de Canillo, qui
l'ont délivré en mettant en déroute les Es-
pagnols. Autant dire une bataille d'opéra-
comique.
Au surplus, M. Papinaud vient d'arriver
à Perpignan ; on ne doute pas que son in-
fluence personnelle, qui est grande, n'ait
raison des mauvaises têtes d'Andorre.
L'agitation ouvrière continue à Man-
chester. Une grande réunion a en lieu sa-
medi ; on en propose une nouvelle pour
aujourd'hui. Le but est de créer une fédé-
ration ouvrière entre Manchester, Sandford
et lés autres centres manufacturiers des
alentours.
Les menaces ridicules de la Gazette de
Cologne à l'adresse de la France ont pro-
voqué le rire dans toute l'Europe. Le
Journal de Genève fait justice de cette
sotte rodomontade de la feuille allemande :
« La Gazette de Cologne a été chargée de
jouer le- rôle du chœur antique. Peut-être
aussi est-ce une réponse anticipée au pro-
jet de loi sur l'espionnage préparé par le
général Boulanger, car, de nouveau, l'hal-
lucination des espions est à l'ordre du
jour, et ce n'est pas seulement à Paris que
sévit cette maladie. On en voit des symp-
tômes dans d'autres capitales, et même
chez les peuples les plus raisonnables,
même chez ceux qui haussent les épaules
en parlant de ces vaines terreurs qu'ils
qualifient d'enfantillage.
» Au fond, sauf les rancunes qui dorment
et les antipathies auxquelles on ne com-
mande pas, jamais une guerre de revan-
che n'a été moins populaire en France
qu'en ce moment ; et comme, en Allema-
gne, on n'est nullement disposé à recom-
mencer les sacrifices douloureux d'il y a
seize ans, au risque de compromettre les
résultats obtenus, il n'y a vraiment aucune
chance de conflit prochain entre les deux
peuples. »
L'Observer croit savoir que la première
partie du projet législatif de M. Gladstone,
relatif au règlement de la question irlan-
daise, a été soumise au conseil de cabinet
tenu hier.
Ce projet propose une mesure générale
pour l'achat des propriétés rurales en Ir-
lande, qui se ferait d'abord aux frais du
Trésor impérial. L'administration des
fonds ainsi votés serait confiée à une com-
mission irlandaise locale.
On a laissé entendre aux membres du
cabinet que cette commission aurait le ca-
ractère d'un Parlement irlandais.
L'accueil fait à ce projet laisse prévoir
qu'il faudra le retirer ou que, s'il est
maintenu, il amènera la dislocation du
ministère.
La question irlandaise n'est pas résolue,
et il ne semble pas qu'elle doive l'être par
le Parlement actuel.
LOUIS HENRIQUE.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Le résident général du Cambodge
Par décret en date du 13 mars 1886, M. G.-J.
Piquet, ancien directeur de l'intérieur en Co-
chinchine, est nommé résident général au
Cambodge.
L'adjoint à la résidence de Madagascar
M. Daumas, ancien magistrat, ancien se-
crétaire général à la mairie de Marseille, est
appelé à servir à Madagascar, auprès de M. le
résident général, en qualité d'adjoint à la ré-
sidence.
L'Exposition de 1889
M. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, recevra, mardi prochain, la com-
mission du conseil municipal chargée d'étu-
dier la question de la participation de la Ville
à l'Exposition de 1889.
L'Union des Gauches
L'Union des Gauches de la Chambre se réu-
nira aujourd'hui lundi 1.5 mars, à une heure,
au 7e bureau.
Les délégués mineurs
D'après une dépêche de Saint-Etienne, le
secrétaire de la Fédération des mineurs de
France, fait connaître qu'à la suite de la dé-
cision du président de la commission parle-
mentaire d'entendre les délégués séparé-
ment, les principaux bassins houillers n'en-
verront aucun délégué.
+
A QUI LA FAUTE?
Si le bon renom du régime parlemen-
taire tel qu'il a été organisé par la Cons-
titution de 1875 devait seul être com-
promis par des avortements comme
celui dont la Chambre a donné hier le
spectacle, il n'y aurait que demi-mal.
Les Etats-Unis et la Suisse sont la
preuve que le parlementarisme n'est pas
le couronnement nécessaire des institu-
tions républicaines et qu'un pays peut
très bien jouir de la liberté sans que le
pouvoir y soit, comme en Angleterre et
en France, le prix de l'opposition la
plus systématique et parfois la moins
loyale. Mais la masse ignore comment
les choses se passent dans les pays les
plus libres. Le suffrage universel, sur-
tout avec le scrutin de liste qui est le
plus brutal des modes de scrutin, ap-
prouve ou condamne en bloc. Le jour
où l'impuissance et les inconvénients
du système actuel lui serait démontré,
ce n'est pas contre le régime parle-
mentaire qu'il voterait, c'est contre la
République.
Là est le danger auquel doivent veiller
tous les républicains.
Naturellement les journaux ne sont
pas d'accord sur les causes qui ont
amené hier le rejet successif des onze
ordres du jour. Autant de journaux, au-
tant d'opinions. Les uns reprochent à
M. de Freycinet son abstention, comme
si c'était le rôle d'un chef de gouverne-
ment d'être sans cesse sur la brèche
pour toutes les discussions, même pour
celles qui ont un caractère tout spécial,
comme si M. de Freycinet n'avait pas
précédemment fait connaître son opinion
sur la question minière et comme si l'or-
dre du jour accepté par lui dans la discus-
sion soulevée par M. Basly n'avait pas
obtenu une immense majorité ! D'autres,
comme la République française, s'en
prennent aux radicaux. Pour certains
groupes parlementaires, c'est une vieille
habitude de rejeter sur les radicaux tout
ce qui se fait de mal dans la Chambre.
Les radicaux, certes, ne sont pas im-
peccables. Souvent ils se laissent en-
traîner par la recherche d'une popula-
rité éphémère. Ils ont trop le goût des
manifestations éclatantes et pas assez
le souci de la stabilité ministérielle.
Mais enfin, tels qu'ils sont, ils repré-
sentent une force qu'il serait insensé,
dans l'état actuel des partis à la Cham-
bre, de considérer comme une quantité
négligeable. C'était évidemment le sen-
timent qui animait M. de Freycinet quand
il a fait entrer dans son cabinet MM.
Lockroy et Granet. Dans le cas présent,
si l'Union des Gauches peut reprocher
'aux radicaux de ne pas avoir voté pour
l'ordre du jour de MM. Letellier et
Etienne, les radicaux peuvent tout aussi
légitimement reprocher à l'Union des
Gauches de ne pas avoir voté l'ordre du
jour de MM. Viette et Maurice Faure,
qui exprimait également la confiance de
la Chambre dans la sollicitude du gou-
vernement.
On peut enfin demander pourquoi le
ministre des travaux publics, M. Baï-
haut, a donné la préférence à l'ordre du
jour de MM. Letellier et Etienne plutôt
qu'à un autre, et même plutôt qu'à l'or-
dre du jour pur et simple qui n'aurait
peut-être pas été la plus mauvaise ma-
nière de terminer le débat. Un gouver-
nement ne peut pas avoir la prétention
d'exiger à tout propos du Parlement et
pour chacun de ses membres une décla-
ration de confiance !
Au lieu de rejeter les uns sur les au-
tres la part de responsabilité qui incombe
à chacun, ne serait-il pas en vérité plus
sage de tirer de la séance d'hier le seul
enseignement qu'elle comporte? ne se-
rait-il pas d'un patriotisme mieux en-
tendu de prendre la ferme résolution
de ne plus se lancer dans des discussions
confuses sans entente préalable entre
tous les républicains dont le concours
est indispensable pour former une majo-
rité, et de sacrifier l'Union des Gauches
avec son grand U à l'union des républi-
cains ? On nous accusera si l'on veut de
- rabâchage ! Nous n'en continuerons pas
moins de répéter que l'union des répu-
blicains est, dans les circonstances ac-
tuelles, la condition essentielle au fonc-
tionnement normal d'un gouvernement
républicain. C'est jusqu'à nouvel ordre
notre Delenda Carthago.
A.-EDOUARD PORTALIS.
————————— ————————
Le bruit courait samedi soir que M. Baï-
haut, ministre des travaux publics, avait
donné sa démission. Plusieurs journaux re-
produisaient cette nouvelle hier matin.
Il est presque inutile de faire remarquer
que M. Baïhaut, si tant est qu'il ait manifesté
l'intention de se retirer, ne pourra mettre son
projet à exécution qu'après la clôture de l'in-
terpellation de M. Cawélinat.
Aujourd'hui la Chambre votera un ordre du
jour clôturant l'interpellation sur Decazeville.
M. Baïhaut aura accepté ou aura refusé de
s'associer au vote. C'est seulement dans ce
dernier cas que le ministre des travaux pu-
blics se retirerait. Rappelons enfin que M. Baï-
haut doit encore prendre part à l'interpella-
tion sur les tarifs de chemins de fer, dont la
discussion est actuellement ouverte et dans
laquelle son administration est spécialement
intéressée.
Les amis de M. Baïhaut font courir le bruit
que M. de Freycinet, prévenu des difficultés
qui se présentaient samedi pour la clôture
de, j'interpellation. de M. Caméîinat, ne se se-
rait pas rendu à l'invitation du ministre des
travaux publics. Ce bruit ne repose sur au-
cun fondement. M. de Freycinet n'a nulle-
ment été prévenu de l'embarras où se trou-
vait M. Baïhaut.
M. Baïhaut a eu le tort d'écouter les conseils
de ceux qui lui affirmaient que le concours
de l'Union des Gauches lui devait suffire pour
rallier une majorité.
"■ u
CONCLUEZ
Dans quelques heures, la Chambre va
se retrouver en face de cette montagne
d'ordres du jour qui l'a effrayée samedi
et l'a mise en fuite sans qu'elle ait pu
en adopter aucun. Aujourd'hui il n'y a
plus moyen de reculer, il faut conclure.
Nous n'avons pas besoin de montrer les
graves conséquences qui découleraient
d'un aveu d'impuissance, du rejet suc-
cessif de tous les ordres du jour moti-
vés, si bien que l'interpellation se ter-
minerait comme cela ne s'est jamais vu,
par le néant, puisque l'ordre du jour
pur et simple lui-même, qui est quelque
chose, qui signifie quelque chose, a été
préalablement écarté au scrutin public.
Oui, il faut conclure dans l'intérêt des
événements qui se passent à Decazeville
comme aussi pour l'honneur de la Cham-
bre. Mais comment conclure? Un pre-
mier moyen s'offre aux députés. Si au
jourd'hui, à deux heures, quand les
urnes seront sur le point de circuler,
ils ne se sentent pas mieux en mesure
que samedi de discerner le texte qui
doit résumer la situation présente et
montrer les espérances de l'avenir, ils
peuvent réclamer, d'après le règlement,
le renvoi en bloc aux bureaux de tous
les ordres du jour motivés.
De la sorte, ils échapperont à un em-
barras pressant, immédiat. Est-ce le
meilleur moyen ? Oui, si l'on croit que,
dans les bureaux, les ambitions per-
sonnelles, les rivalités de groupes, d'au-
tres misères encore sur lesquelles on
nous permettra de ne pas insister, s'ef-
faceront devant l'intérêt général. Non,
si l'on n'aperçoit aucune chance d'em-
pêcher tel membre de présenter une ré-
daction pour le seul orgueil de l'avoir
signée. Non, si l'on n'aperçoit aucune
chance d'amener tel groupe à voter un
ordre du jour dont le texte lui convient,
mais qu'il repousse parce qu'il porte
certaines signatures.
Le renvoi dans les bureaux ne serait
utile que si l'on avait espoir de faire
disparaître, hors de la séance publique,
les causes qui, en séance, ont paralysé
la majorité républicaine et l'ont con-
duite au plus triste émiettement. Pour
retomber dans les mêmes conflits, il ne
vaudrait pas la peine de tenir en sus-
pens un vote dont le retard a son écho
dans la crise de Decazeville.
Si l'on n'aperçoit pas une utilité pra-
tique au renvoi dans les bureaux, il faut
se décider à reprendre l'affaire en séance
publique. Mais est-il bon de se remet-
tre encore à voter silencieusement,
comme on l'a fait samedi, durant trois
heures d'horloge ? Nous ne le croyons
pas. Les mêmes résultats négatifs cour-
raient risque de se reproduire encore.
Certes nous ne demandons pas que la
discussion générale, qui est plus qu'épui-
sée, qui a été close, soit rouverte. Mais
nous souhaitons que, suivant un droit
constamment exercé, des explications
soient fournies par un membre sur l'or-
dre du jour qui aura d'avance réuni le
plus grand nombre de signatures répu-
blicaines.
Sans doute les explications sont dif-
Sans doute les e xîèla résulte de ce
ficiles à donner. Cela résulte de ce
qu'on est engagé dans une impasse, de
ce qu'on a voulu faire, par voie d'inter-
pellation, ce qu'il fallait faire par voie de
projet de loi. Mais c'est là peut-être le
commentaire qu'il conviendrait de four-
nir à la majorité pour l'aider à sortir de
l'impasse.
Pour notre part, nous ne dirions pas
aux députés : « Vous allez trouver tout
dans tel ordre du jour ». Nous leur di-
rions qu'il n'est pas prudent de chercher
la quadrature du cercle, qu'un ordre du
jour motivé n'est pas un projet de loi,
que le premier ne peut guère avoir plus
de dix lignes, que le second peut avoir
cinquante articles, et qu'on ne saurait
définir une question en dix lignes comme
en cinquante articles.
Personne ne conteste la nécessité de
reviser la législation de 1810. Tout le
monde sur ce point est d'accord. Il nous
paraîtrait bien simple de le constater
sans vouloir entreprendre des défini-
tions qui arriveront difficilement à réu-
nir une majorité parce qu'elles reste-
ront toujours forcément incomplètes.
La Chambre, d'ailleurs, n'a pas intérêt
à tenter plus qu'on n'est en droit de lui
demander. Or, à l'heure actuelle, au
terme d'une interpellation, on n'est en
droit de lui demander qu'un engagement
et un voeu. L"engagement, il a été pris
au nom du cabinet. Le vœu, il a été
exprimé par les orateurs partis des ré-
gions les plus opposées. Il ne manque
plus qu'une formule. On la trouvera en
se rappelant la leçon de philosophie
donnée à M. Jourdain, en laissant les
idées et les mots se placer dans leur or-
dre naturel au lieu d'alambiquer avec
les abstracteurs de quintessence. Les
députés doivent avoir d'autant plus
grande hâte de s'arrêter enfin à une con-
clusion simple, inspirée par le seul bon
sens, que les accès de byzantinisme ont
toujours fait beaucoup de mal aux Par-
lements.
Docteur RALPH.
-
LES FAUSSES MARQUES DE FAB RIUIE
M. Lockroy, ministre du commerce, pre-
nant en juste considération le préjudice
causé à notre industrie par la pratique
qui consiste à introduire en France des
objets fabriqués à l'étranger et portant
soit la désignation d'une localité française,
soit le nom véritable ou simulé d'un fabri-
cant français, a décidé, de concert avec ses
collègues des finances et de la justice, de
faire saisir à la frontière, les produits pré-
sentés avec une fausse mention d'origine.
C'est ce qui résulte d'une circulaire
adressée aux Chambres de commerce en
date du 26 février dernier.
L'intention de M. le ministre du com-
merce et de l'industrie est on ne peut plus
louable et elle montre avec quelle sollici-
tude il compte s'occuper de défendre nos
industriels contre les agissements fraudu-
leux de leurs concurrents étrangers. Mal-
heureusement, dans l'espèce, nous crai-
gnons que les prescriptions ministérielles
ne restent lettre morte, au moins jusqu'à
la revision de la convention internationale
du 20 mars 1883 sur la propriété indus-
trielle.
M. Lockroy, dans sa circulaire, s'appuie
sur un arrêt de la cour de cassation déci-
dant que le fait d'apposer sur des produits
fabriqués à l'étranger des mentions telles
que : Nouveautés de Paris, Modes pari-
siennes, entraîne la prohibition et qu'il n'y
a pas lieu de distinguer si Vapposition a
eu lieu sur Fordre d'un commerçant fran-
çais.
Or l'article 10 de la convention inter-
nationale du 20 mars 1883, devenue exé-
cutoire au mois de juillet 1884, c'est-à-dire
six mois après l'arrêt de la cour de cassa-
tion, supprime le délit de contrefaçon de
marque admis par la cour, lorsqu'il n'y
aura pas l'apposition d'un nom commer-
cial fictif ou frauduleusement emprunté.
Il en ressort que les saisies ordonnées
par M. le ministre du commerce ne peu-
vent pas être pratiquées lorsqu'à côté de
l'indication d'origine se trouve mention-
née une raison sociale véritable, et qui
supprime le caractère frauduleux.
Les fabricants de soieries lyonnais ont
même si bien compris que la convention
du 20 mars 1883 les laissait désarmés pour
lutter contre leurs concurrents suisses et
allemands, qu'ils ont obtenu dernièrement,
de la municipalité de Lyon, le droit de
faire apposer une marque de fabrique spé-
ciale et uniforme aux armes de la ville
sur tous les tissus fabriqués chez eux.
Toutes les industries ne peuvent adopter
semblable mesure.
Quel est alors le remède dont il con-
vient d'user pour faire cesser des abus qui
portent à l'industrie française un préju-
dice des plus graves ?
Il est tout indiqué. C'est de reviser la
convention internationale du 20 mars
1883, reconnue mauvaise non seulement
pour les marques de fabrique, mais aussi
pour les brevets d'invention ainsi que
l'ont fait ressortir les principales Chambres
de commerce.
La prochaine conférence pour la revi-
sion dont elle est susceptible doit avoir
lieu à Rome le 28 avril de cette année ;
nous pensons que d'ici là il convient de
nommer une commission spéciale qui pro-
voquera un débat contradictoire et arrê-
tera un projet d'instructions à donner aux
délégués français.
L'administration ne doit pas chercher à
monopoliser l'étude de questions aussi
importantes, qui ne peuvent être résolues
au mieux de l'intérêt de nos producteurs
qu'à la suite d'une discussion où toutes
les opinions pourront se faire jour.
On a appelé, peut-être avec raison, la
convention du 20 mars 1883 une aggrava*
tion du traité de Francfort ; il convient de
ne pas en laisser subsister les articles que
la pratique aura fait reconnaître avanta-
geux pour l'industrie étrangère au dé-
triment de l'industrie nationale,
Les abus qui peuvent se produire impu-
nément, par exemple sur les travaux d'im-
primerie, sont déjà bien assez nombreux
pour qu'on soit en droit de réclamer un
examen approfondi du régime internatio-
nal auquel sont soumis les inventeurs et
les possesseurs de marques de fabrique
français.
Aujourd'hui, c'est sous le couvert même
de sa renommée que les étrangers cher-
chent à anéantir notre industrie. La situa-
tion s'aggravant tous les jours, il importe
de réagir le plus tôt possible.
CHARLES TISSIER.
Feuilleton du XIXè SIÈCLE
4 Du i5 mars 1886
CAUSERIE
DRAMATIQUE"
COMÉDIE-FRANÇAISE : l'Ecole des femmes (dé-
buts). — La situation à la Comédie. —
THÉÂTRE DU GYMNASE : Fromont jeune et
Risler aîné (reprise). — THÉÂTRE DÉJAZET :
les Maris inquiets (reprise); Coup double,
comédie en un acte, de M. E. Noël.
La Comédie-Française continue à faire
infiniment de bruit dans le monde : elle
en fait un peu sur la scène et davantage
dans la coulisse. Commençons par la
scène, en disant quelques mots du troi-
sième début de M. Laugier dans l'Ecole
des femmes. Cette Ecole des femmes est
une des pièces de Molière qui furent le
plus discutées de son vivant, et qui,
encore aujourd'hui, prêtent le plus à
des commentaires contradictoires. Mo-
lière cependant prit le soin, tout comme
M. Richepin, mais avec plus de modéra-
tion, de répondre à la critique de son
temps. Nous avons donc le commentaire
de l'œuvre par son propre auteur, et à
ce commentaire on peut ajouter la con-
naissance de la tradition et celle des
gloses nombreuses faites sur la portée
et le sens de la comédie. Tout cela est
utile pour apprécier la façon dont le per-
sonnage d'Arnoîphe est interprété. Le
débat sur ce point a été excellemment
egpœé dbrtauaé dose uao dwrféreacfc
de M. Coquelin. Pour lui, et j'incline à
croire qu'il a tout fait raison, Arnolphe
doit rester constamment un personnage
« ridicule », qui, s'il cessait un instant
d'être comique, deviendrait plutôt odieux
que sympathique.
Il est juste de dire que, du temps
même de Molière, l'opinion contraire a
été vigoureusement défendue, et on a
voulu voir dans Arnolphe un malheureux
qui n'est pas indigne de pitié. Pour don-
ner du poids à cette conception du rôle,
on imagina d'affirmer que Molière, qui
avait justement l'âge d'Arnolphe, avait
peint lui-même ses propres douleurs
et les souffrances que lui causait l'hu-
meur volage de sa femme. Cette glose
apparaît d'abord dans un des mille
pamphlets que les nombreux dévots
firent écrire contre Molière. Elle a été
reprise avec éclat par Th. Gautier.
C'était une thèse volontiers soutenue
par les romantiques que les auteurs
dramatiques avaient presque toujours
mis quelque chose d'eux au théâtre ; et
quand l'auteur était en même temps ac-
teur, il était très séduisant de penser
qu'il avait joué sa propre vie devant le
parterre et versé de vraies larmes ti-
rées de son cœur. Il parait que Prorost
adopta cette interprétation et joua en
tragique le rôle d'Arnolphe.
M. Coquelin se sépare de lui sur ce
point, ainsi que de M. Claretie, ce qui
est assez piquant. « Il y a quelques
jours, dit-il, je voyais dans un roman
de Claretie, d'ailleurs intéressant, le
Troisième dessous, le récit de la mort
d'un grand acteur, et ce grand acteur,
au momemt swprwae? peint rwrsem-
blant ses forces défaillantes pour don-
ner à son fils, acteur aussi, une le-
çon sur Arnolphe; il lui apprend à le
jouer au tragique, à quoi la circonstance
l'aide beaucoup ; il meurt ensuite, ex-
trêmement satisfait. Je n'en dirai pas
autant de Molière. »
Le morceau est charmant, et M. Co-
quelin, tout en rendant justice au ro-
man « d'ailleurs intéressant» de M. l'ad-
ministrateur général, laisse assez voir
qu'il tient celui-ci pour assez innocent
dans son appréciation de Molière. M.
Coquelin établit, en effet, que l'Ecole
des femmes est de 1662 et que Molière
était alors en pleine lune de miel, sa
femme ne devant le tromper qu'en
1664, avec l'abbé de Richelieu. Puis,
passant à des considérations générales,
il ne laisse rien subsister de l'opinion
« d'ailleurs intéressante» qui veut met-
tre dans Arnolphe un grain des fureurs
tragiques d'Othello. Partons donc de ce
point de vue qu'Arnolphe est un per-
sonnage comique, et constamment co-
mique, depuis le premier mot du rôle
jusqu'à l' « ouf » de la fin, qui n'a rien
de tragique.
Ce qui, en dehors de la légende re-
lative à Molière, a pu amener quelque
confusion dans les esprits, c'est qu'Ar-
nolphe n'est pas un vieillard. Il a qua-
rante-deux ans et, à cet âge, un homme
peut espérer être aimé, même d'une
femme jeune. Dans notre société, d'ail-
leurs, on aime plus tard que du temps
de Molière, qui, s'il écrivait de nos jours,
donnerait trente ans à, Célimène et
soixante - à Harpagon. Mais si l'âge
la'Arno%*e pem n;;i-w, ce qoe ne
peut tromper, c'est la critique de son
système d'éducation. La pièce, en réa-
lité, est là toute entière, dans le déve-
loppement d'idées chères à Molière et
déjà exposées par lui dans l'Ecole des
maris. Esprit merveilleusement pondéré,
génie fait de bon sens, ayant pour les
femmes une tendresse exquise, Molière
est à la fois l'ennemi des précieuses,
bas-bleus, politiciennes, prudes par
raffinement, et des sottes qui n'ont pas
« des clartés de tout », comme le vou-
lait Chrysale lui-même. Seulement il
n'a garde, dans sa justice, de s'en pren-
dre à la délicieuse Agnès ; il s'en prend
à Arnolphe. Molière tient pour le monde
contre le couvent, pour les conversa-
tions des honnêtes gens contre les pe-
tits manuels ridicules, pour la vertu
éclairée contre l'ignorance, pour le
laissez - faire des cœurs droits contre
la tyrannie des volontés de l'homme.
Le désespoir d'Arnolphe n'est que la
pénitence de son système d'éducation
odieux et ridicule, et, par cela, son dé-
sespoir ne doit pas nous toucher plus
que celui d'Harpagon ou que les ter-
reurs de Pourceaugnac. Molière, toute
proportion gardée entre les sexes, veut
qu'on élève les filles comme Rabelais
voulait qu'on élevât les garçons ; Rabe-
lais dont la prose admirable coule par-
tout ici, peut-on dire, dans les vers ad-
mirables de Molière. Et sa haine contre
Arnolphe, qui a sur les femmes les idées
d'un Turc qui serait un bigot, se plaît à
le montrer, pendant cinq actes, pris à
ses précautions, victime de ses habile-
tés ; d'ailleurs coeii en Tièrbe ét qui le
stetfa en gerbfe, a sfe marie., ne sachant
pas l'être avec décence et honnêteté,
selon la philosophie de Chrysale, qui
parle comme Voltaire et comme Boi-
leau, lequel, disons-le en passant, fit
acte de courage en défendant Molière
contre la levée de boucliers des hypo-
crites.
Je pense bien, à tout prendre, que
le débutant, M. Laugier, a compris le
personnage d'Arnolphe comme je viens
de le dire, après d'autres. Il l'a correc-
tement joué ; mais c'est tout. Outre que
M. Laugier avait la voix un peu prise et
enrouée, par l'émotion peut-être, outre
que la fréquence du geste, défaut ordi-
naire des jeunes acteurs, en souligne la
monotonie, je ne sais si son physique se
prête assez au personnage. Grand, bien
découplé, la voix naturellement belle et
le visage régulier et ouvert, M. Laugier
n'avait rien de l'aspect grognon, sour-
nois, désagréable, sot, — car de La
Souche est un triple sot ! — que M. Got
lui donnait sans effort apparent. Vrai-
ment, pour jouer Arnolphe, il eût fallu
un membre du comité qui vient de don-
ner sa démission !
A côté de M. Laugier, dont le début
reste honorable, mais sans éclat, on a
retrouvé la distribution ordinaire de
l'Ecole des femmes, MM. Delaunay, Sil-
vain, Truffier, Mmes Samary et Muller.
Cette distribution est excellente, et la
représentation a satisfait depuis les raf-
finés, qui savent la pièce par cœur et ne
s'intéressent plus qu'aux nuances de
l'interprétation, jusqu'aux naïfs — il y
en a toujours dans le public — qui sont
tout heureux d'apprendre au dénone-
amnt qu'Agnès est ta fille d'Angélique !
Passons maintenant aux choses de la
coulisse. C'est là qu'a eu lieu, hier, un
autre début, celui de l'honorable admi-
nistrateur général dans le rôle des
« personnages sévères» et des « tyrans ».
Mais procédons par ordre, si le mot n'a
pas l'air d'une trop cruelle ironie dans
tontes ces affaires. Nous avons laissé, la
semaine dernière, la Comédie-Française
sans comité. Elle en a un aujourd'hui.
Les membres les moins revêches de
l'ancien comité ont repris le tablier qu'ils
avaient rendu. On leur a adjoint ce qui
restait de sociétaires-hommes et, vaille
que vaille, M. Coquelin cadet administre
M. Coquelin ainé et M. Silvain M. Got.
Le comité raccommodé a déjà pris pos-
session et tenu séance, et les journaux
dévoués à M. l'administrateur général
nous ont appris qu'il avait prononcé là
un petit discours improvisé. Devant le
comité, M. Claretie s'est montré d'hu-
meur gracieuse ; il a joué les Amilcar,
ma chère ! « On parle beaucoup trop de
nos affaires, a-t-il dit ou à peu près,
selon le Temps ; la Comédie est une
grande dame qui ne doit se faire con-
nattre que par ses bonnes œuvres, je
veux dire par les chefs-d'œuvre qu'elle
joue. » Ceci est à merveille. Seulement,
pour le passé, on pourrait se rappeler
que M. Claretie n'a pas perdu une occa-
sion ou publique ou secrète de parler
ou de faire parler de la Comédie. Inter-
views , lettres, recommandations de-
mandées et publiées, professions de foi,
projets et plans, demi-promesses et pro-
messes pleines, assurances de défendre
le répertoire, mais d'ouvrir la porte aux
jeunes, rien n'y a masqué, et, depuis
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