Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-03-14
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 mars 1886 14 mars 1886
Description : 1886/03/14 (A17,N5179). 1886/03/14 (A17,N5179).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7561962s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-septième &nnea. - - Ne 5179 Prix du numéro à Mis; 15 centimes- —i J^artements : 20 centimes Dimanche 14 mars l#8t>
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'Hongrois.- 84 5/16.
Priorité 373 25, 368 75.
Tabacs. 410.
SOMMAIRE
Bulletin — Louis HENRIQUE.
Informations particulières.
Questions du jour (le Bon Gouvernement). -
EUG. LIÉBERT.
Séance de la Chambre. — Docteur RALPH.
Coulisses parlementaires.
Trois Nouvelles Californies. — EM. D.
Nouvelles de l'étranger.
Nouvelles coloniales.
Echos du jour. - BRICHANTEAU.
La Presse au jour le jour. — P.-P. DEJUÏNNB.
Courrier de la Bourse. — H. L. FAOSB.
Gazette du Palais. — Me GERVASY.
Le Sport du jour. — FAVELLBS. V
Faits divera. - JUN VALLIER*.
La Température.
Courrier des théâtres. - EMILE MENDEL.
Bibliographie.
Feuilleton (Américaine). - GEoRexs Bou-
TELLKAU.
BULLETIN
Hier, la Chambre a repris le débat ou-
vert jeudi sur les événements de Decaze-
ville. Le vote de l'ordre du jour a été ren-
voyé à lundi à la suite de onze scrutins
qui ont tous donné un résultat négatif.
L'affaire d'Andorre a été assez chaude.
Il y a des morts et des blessés dans la
lutte ; le parti français a eu le dessus en
fin de compte.
Le gouvernement français, dès la pre-
mière nouvelle de ces événements, a pris
des mesures pour aplanir les difficultés
que soulève ce conflit sanglant.
On annonce que M. de Freycinet aurait
.donné mission à M. Papinaud, député de
l'Aude, de se rendre dans la république
,d'Andorre et de négocier avec l'évêque
d'Urgel en vue d'une entente à établir pour
couper court à de nouvelles difficultés.
Il serait même question de proposer à
l'Espagne une rectification de frontières et
d'annexer le territoire d'Andorre à la
France.
Que vont penser les Andorrans de ce pro-
jet que nous nous bornons d'ailleurs à men-
tionner sans y insister? Us n'y croiront
pas, et ils n'auront pas tout à fait tort.
Le monopole de l'alcool en Allemagne a
reçu le coup de grâce au Reichstag. M. de
Bismarck, contrairement aux promesses
faites par le ministre des finances, ne s'est
point dérangé pour soutenir le projet que
fon dit lui tenir au cœur. Il avait même
laissé dire par son organe officieux, la Ga-
zette de CAllemagne du Nord, que la
« Chambre ne perdrait point son temps et
ses jours à amuser MM. Windthorst et Ri-
chter par de beaux discours ». Le secret
de cette indifférence dédaigneuse est
connu : M. de Bismarck savait à n'en pas
douter qu'il serait mis en minorité ; il a
laissé à M. de Scholz, ministre des finan-
ces, l'honneur de la défaite.
Que faut-il conclure du rejet du mono-
pole ? Le vote du Reichstag ne prouve rien
ni pour ni contre. La question a été jugée
surtout au point de vue politique. C'est
d'ailleurs une raison de plus pour que l'é-
chec subi par le chancelier de l'empire lui
soit particulièrement désagréable.
On sait par quels actes de violence s'est
manifestée naguère à Londres la détresse
des classes laborieuses. La Chambre des
communes a eu à porter son attention sur
la situation pénible faite à l'industrie et
aux ouvriers sans travail. M. Dawson avait
déposé une proposition invitant le gouver-
nement à exécuter certains travaux pu-
blics, par exemple des ports de refuge.
C'est le remède qui a été proposé chez
nous et qui paraît devoir être appliqué
prochainement : M. le ministre de l'inté-
rieur adressait hier une circulaire dans ce
sens aux préfets.
En Angleterre, on voit les choses sous un
jour différent. Un membre du cabinet, M.
Chamberlain, a combattu la proposition.
Le gouvernement ne peut pas créer des
ports ici ou là, à moins que l'on ne soit dé-
cidé à en créer partout où cela est néces-
sire; sous peine de favoriser certaines lo-
calité. L'argument est discutable, mais en
définitive il signifie ceci :
Les ports sont des entreprises d'intérêt
local ; que les villes qui en veulent les fas-
sent. Ce langage n'aurait aucune chance
d'être compris en France, si logique qu'il
soit. En le tenant, M. Chamberlain a eu sans
doute pour but principal de réagir contre
les tendances de socialisme d'Etat qui se
manifestent en Angleterre avec une cer-
taine persistance.
LOUIS HENRIQUE.
INFORÏÀTIOHS JPARTICDLIÈRES
Le conseil des ministres
M. Sadi Carnot, ministre des finances, a en-
tretenu hier le conseil des ministres de l'ex-
posé définitif du projet de budget pour 1887.
Ce projet a. été approuvé et sera déposé mardi
prochain sur le bureau de la Chambre. L'im-
pression, qui se poursuit actuellement, sera
terminée assez promptement pour que ce
projet soit distribué aux députés peu de jours
après le dépôt.
Le budget de 1887
Voici quelques détails précis sur la cdmbi-
naisonbudgétaire adoptée hier, à l'unanimité,
par le conseil des ministres.
Le montant des obligations à court terme
qu'il s'agit de convertir s'élève à 618 millions.
Dans ce nombre figurent les 155 millions d'obli-
gations à court terme que comporte la loi de
finances de 1886.
La conversion des obligations à court terme
entraîne la suppression du fonds d'amortisse-
ment. On sait que ce fonds s'élève à 100 mil-
lions.
D'autre part, le gouvernement se propose
de rembourser, au moyen d'une émission en
3 0/0 perpétuel, une partie importante de la
dette flottante, 382 millions environ. La dette
floitante serait ainsi ramenée à un chiffre
normal et, pour en restreindre l'extension
dans l'avenir, on limiterait à 600 millons le
chiffre des dépôts que les caisses d'épargne
pourraient effectuer dans les caisses du Tré-
sor.
Enfin le gouvernement supprime le budget
sur ressources extraordinaires et fait rentrer
dans le budget ordinaire les dépenses à pré-
voir pour le service des travaux publics ainsi
que les dépenses coloniales. Le budget ordi-
naire se trouve de la sorte grevé de dépenses
nouvelles que les économies réalisées ne peu-
vent entièrement couvrir. En effet, compen-
sation établie entre les économies et les dé-
penses nouvelles, le budget ordinaire laisse
apparaître une insuffisance de 159 millions.
Pour combler ce déficit, on inscrit aux re-
cettes générales du budget le fonds de 100
millions qui était réservé à - -l'amortisre ment
des obligations à court terme, et on applique
une surtaxe à l'alcool. Le droit qui frappe
l'alcool est porté de 156 francs par hectolitre
à 215 francs. Le produit de cette surtaxe est
évalué à 93 millions. Les ressources généra-
les du budget se trouveraient donc accrues-
de 193 millions; l'insuffisance à couvrir étant
de 159 millions, une somme de 34 millions
resterait disponible.
Pour compenser l'élévation des droits éta-
blis sur l'alcool, le gouvernement propose
d'introduire diverses modifications dans le
régime fiscal des boissons. Il s'agit de sup-
primer l'exercice, le dioit de détail et le pri-
vilège des bouilleurs de cru.
Dans les prévisions du ministre des finan-
ces, la suppression du privilège des bouil-
leurs de cru, outre qu'elle constituera une
répression de la fraude, augmentera d'une
vingtaine de millions les ressources du bud-
get.
En ce qui concerne la suppression de
l'exercice et du droit de détail chez les débi-
tants de boissons, elle aurait pour consé-
quence les mesures suivantes : on étendrait
la taxe unique qui n'existe actuellement que
pour les villes dont la population est supé-
rieure à 10,000 habitants aux villes d'une po-
pulation beaucoup plus faible et, quant aux
débitant des campagnes, on les astreindrait à
l'abonnement. On sait que l'abonnement est
actuellement facultatif. Il s'agirait de -le ren-
dre obligatoire.
Quant au compte spécial que la loi de finan-
ces de 1886 a créé pour le service des garan-
ties d'intérêt à payer aux Compagnies de
chemins de fer, il sera maintenu pour 1887 et
alimenté par une émission d'obligations
vingtenaires, dont le montant est évalué à
100 millions.
Les ressources disponibles provenant de la
surtaxe de l'alcool et de la suppression du pri-
vilège des bouilleurs de cru seraient affec-
tées au service des obligations vingtenaires
et des rentes perpétuelles qu'il s'agit d'é-
metire.
Tel est dans ses dispositions essentielles
le projet de budget que ie ministre des finan-
ces compte déposer mardi sur le bureau de
la Chambre. L'établissement de ce projet est
conforme aux indications données à ce sujet
par le gouvernement dans la déclaration du
16 janvier. Le budget sur ressources extraor-
dinaires est supprimé; travaux publics et dé-
penses coloniales rentrent dans ie budget or-
dinaire, des économies notables sont réali-
sées, aucun impôt nouveau n'est créé, la
dette flottante est réduite et une partie de
cette dette est remboursée.
Quant à l'emprunt, il n'est pas émis en
vue de réaliser l'équilibre budgétaire ; il a
pour but. de transformer une dette et non d'en
créer une nouvelle. Ce n'est donc pas un
emprunt dans le sens ordinaire du mot.
Au cas où le budget ne serait pas commu-
niqué mardi à la Chambre, M. de Mackau
adresserait une question, ou même une in-
terpellation, au ministre des finances.
Les protectorats *
On s'occupe activement, au ministère des
affaires étrangères, de l'organisation des bu-
reaux des protectorats installés provisoire-
ment, comme on sait, au ministère de la ma-
rine.
M. Nisard sera placé à la tête de la sous-di-
rection et M. Jusserand remplira les fonctions
de sous-directeur adjoint.
Il y aura deux services établis, comprenant
l'un les protectorats d'Afrique avec la Tuni-
sie et Madagascar, l'autre les protectorats
d'Asie avec le Tonkin, l'Annam et le Cam-
bodge.
Ces services entreront définitivement en
fonctions le 1er avril.
Ajoutons à ce propos qu'un certain nombre
de fonctionnaires s'embarqueront le 28 mars
pour le Tonkin et le 8 avril pour Madagas-
car, avec M. Le Myre de Villers.
Débarquement des troupes du Tonkin
Le gouvernement se propose de déposer
sur le bureau de la Chambre un projet de loi
ouvrant un crédit de 200,000 fr. pour faire
face aux frais de débarquement des troupes
revenant du Tonkin.
On sait que ce3 débarquements s'opéreront
à Port-Cros. ':
Les douanes de la Roumélie
Le ministre des affaires étrangères a in-
formé hier le conseil que satisfaction avait
été donnée à nos réclamations au sujet du
déplacement de la ligne de douanes de la
Roumélie : cette ligne de douanes sera re-
portée comme précédemment à la limite de
séparation de la Bulgarie et de la Roumé-
lie, et maintenue tant que les puissances
n'auront pas statué sur le statut de la Rou-
mélie. Ajoutons que le ministre a informé que
les ambassadeurs des puissances se réunis-
sent aujourd'hui en conférence pour statuer
sur l'arrangement turco-bulgare. 'f
—
Il y a un double enseignement à tirer de
la séance d'hier.
L'inutilité des interpellations au point
de vue pratique est d'abord pleinement
démontrée. ,
En second lieu, le fait inouï que sur
onze ordres du jour présentés aucun n'ait
pu être voté prouve qu'aucune fraction
du parti républicain ne peut se vanter à
elle seule de posséder la majorité.
Le ministre en présence duquel la Cham-
bre se trouvait hier appartient à un groupe
qui n'a pas renoncé à la prétention de
constituer le seul point d'appui sur lequel
un gouvernement puisse compter.
L ordre du jour auquel ce ministre s'é-
tait rallié et qui avait été présenté par M.
Etienne a été repoussé.
Si les républicains tiennent à ne pas
dégoûter le pays du régime parlementaire
et même de la République, ils feront donc
sagement de renoncer au système des in-
terpellations et à leurs anciennes divi-
sions.
Actuellement, sans l'union des républi-
cains, la République ne peut aboutir qu'à
une négation. C'est autre chose qu'on at-
tend d'elle.
■ m
QUESTIONS DU JOUR
Le bon gouvernement
Le ministère a su déjà doubler, avec
autant de bonheur que d'habileté, plu-
sieurs caps périlleux ; aussi comme ses
adversaires ses amis ont-ils foi géné-
ralement dans sa durée. Il a certes
acquis une réelle autorité, qui repose
sur deux solides fondements : la con-
fiance et l'estime publiques. Tout mi-
nistère, à ses débuts, passe nécessai-
rement par un temps d'épreuves, et
souvent il arrive que son crédit. n'y
résiste point. Or le ministère actuel s'est
fortifié de jour en jour durant cette
première période. Il est donc naturel de
bien augurer de son avenir, et c'est un
grand sujet de satisfaction pour la
France, que de trop fréquentes crises
politiques ont souvent découragée et
lassée. Serions-nous donc à la veille de
jouir des bienfaits d'un bon gouverne-
ment? On l'espère. Et on l'aura si cha-
cun de ceux qui participent à la direc-
tion de nos affaires comprend ses de-
voirs et s'astreint à les bien remplir.
Je n'insiste pas sur les devoirs du
pouvoir exécutif; ils sont bien connus.
Ils se résument à peu près ainsi : assu-
rer l'exercice de la liberté, limitée par
le seul respect des lois ; se renseigner
constamment sur les besoins et les in-
térêts du pays au point de vue de son
agriculture, de son industrie, de son
commerce ; favoriser le développement
de l'instruction, le progrès des arts et
des sciences ; veiller à la défense mili-
taire ; conduire enfin avec clairvoyance,
attention et fermeté nos relations ex-
térieures. La tâche n'est certes pas tou-
jours aisée ; mais elle n'est pas au-des-
sus des efforts d'un ministère intelligent,
instruit, laborieux et patriote.
Ce qui est plus difficile à régler, c'est
le travail parlementaire. Hier, dans ce
journal, on a pu lire un article dicté par
le bon sens sur la question de méthode.
Je n'y ajouterai qu'un mot, pour insister
sur le devoir spécial de la majorité ré-
publicaine au point de vue de la gestion
des affaires publiques.
Une vérité dont tous nos députés ne
paraissent pas encore assez pénétrés,
— si l'on en juge du moins par la prati-
que, — c'est que l'accord ne saurait ja-
mais être trop étroit entre la majorité
républicaine et le cabinet qui a s'a con-
fiance et n'en a point démérité. Je vou-
drais qu'entre ministère et majorité
l'on prît l'habitude de se concerter d'a-
vance sur tous les points un peu impor-
tants ; que l'on s'entendit sur le règle-
ment de l'ordre du jour pour tout ce
qui en vaut la peine; et qu'enfin, du
côté de la majorité, l'on évitât les in-
terpellations soudaines, les dépôts et les
prises en considération de propositions
inattendues, enfin tout ce qui inter-
rompt subitement le cours des travaux
ordinaires sans aucune espèce d'avan-
tage et trop souvent même avec mille
inconvénients fâcheux. Chaque chose
ainsi se ferait en son temps, et nous
n'aurions plus à regretter ce mélange
désordonné de discussions que nous
avons vu trop souvent, au cours des an-
nées précédentes, aboutir à la désorga-
nisation de tout le travail parlemen-
taire.
Une Assemblée qui a la conscience de
son mandat et qui comprend sa tâche
devrait, après quelques semaines d'exa-
men, de réflexions et d'études prélimi-
naires, avoir arrêté son plan de travail
dans ses grandes lignes pour la durée
de sa législature, et puis se mettre à
l'œuvre, de compte à demi avec le mi-
nistère, ainsi que je le disais tout à
l'heure, sans se proposer autre chose
que le bien public et aussi sans se lais-
ser écarter de sa route, si ce n'est en
cas de nécessité absolue.
Il ne faut ni trop embrasser ni trop
peu. La principale affaire est de savoir
régler sur la durée de son mandat l'é-
tendue de sa tâche. Si l'on met pêle-
mêle à l'ordre du jour plus de projets
de réformes, bons ou mauvais, qu'il n'en
faudrait pour alimenter dix législatures,
on finit par y perdre la tête. Qu'on choi-
sisse donc d'abord, parmi toutes les
questions agitées devant le corps élec-
toral en 1883, celles dont le caractère
d'urgence et de maturité est incontes-
table ; si, d'accord avec le cabinet, on
les étudie avec l'application qu'elles com-
portent, et si on sait enfin les résoudre
en conformité des vœux et des intérêts
du pays, on pourra se dire, en remettant
son mandat au bout de quatre ans, qu'on
l'aura rempli comme on devait.
Cinq ou six réformes importantes, le
vote éclairé des budgets et un sage
concours apporté au gouvernement dans
l'examen des affaires courantes, voilà,
— sauf événements extraordinaires, —
tout ce que l'on peut demander à une
Chambre élue pour quatre ans ; et cette
Chambre elle-même, si la majorité y est
douée de quelque expérience et de
quelque bon sens, devra se renfermer
dans ces justes bornes.
Ce n'est pas à dire, cependant, qu'il
faille renoncer à toute interpellation, à
toute question motivée par les incidents
de la vie publique. Il est juste, il est né-
cessaire que le gouvernement soit ap-
pelé à donner des explications sur tels
ou tels faits dont l'opinion s'inquiète ou
simplement se préoccupe. Mais c'est de
l'excès des interpellations et questions
qu'il faut se garder; si l'on écoutait
quelques députés, ceux de droite sur-
tout, on emploierait en interpellations
neuf séances sur dix, et l'on interrom-
prait ainsi toute espèce de travail pro-
ductif.
Il existe un autre ordre de délibéra-
tions dont je veux dire un mot: ce sont
celles que l'on présume ne pouvoir abou-
tir actuellement à aucun résultat pra-
tique. Naturellement, nul esprit sensé
ne désirera que l'ordre du jour en soit
encombré ; mais les mêmes esprits sen-
sés ne voudront pas non plus qu'elles
soient éeartées par système. Au con-
traire, j'estime qu'il sera intéressant
d'ouvrir la discussion, quand on le
pourra, sur un certain nombre de ces
questions dont la solution n'est pas
prête ou n'existe pas.
Parmi toutes les propositions de ré-
formes qui ont paru dans les program-
mes* électoraux, et dont l'application se-
rait irréalisable aujourd'hui, je voudrais
qu'on examinât, au grand jour d'un
débat public, celles dont l'opinion s'est
le plus émue.
Il y en a une douzaine environ, qui
sont de deux sortes :
D'abord, les propositions qui ne sont
pas mûres, parce qu'elles choquent en-
core aujourd'hui trop de préjugés et
parce qu'une notable partie de la popu-
lation y serait rebelle. Des débats pu-
blics, sans devoir aboutir actuellement
à la confection d'une loi quelconque,
feront mûrir les propositions de cette
catégorie. Et l'on ne se livrera point, en
pareil cas, à de vains tournois oratoires,
puisque l'on obtiendra ainsi le résultat
très appréciable d'éclairer et de pré-
parer l'opinion ;
En second lieu, les propositions pu-
rement utopiques, qui abuseront quan-
tité d'esprits simples, tant qu'on n'aura
pas pris la peine de montrer qu'il n'y a
que du vent dans ces outres. Il faut en
finir avec des formules qui ne laissent
point de troubler beaucoup de cerveaux.
Ce ne sera pas du temps perdu, et toute
discussion qui dissipera des illusions et
des chimères sera, certes, utile au
pays.
Voilà, me semble-t-il, ce que devrait
être, dans ses grandes lignes, la politi-
que pratiquée en commun par le minis-
tère et par la majorité de la représenta-
tion nationale. Ces choses sont telle-
ment élémentaires qu'on se demande si
elles ont besoin d'être redites. Je crois
qu'il est sage, dût-on passer pour un peu
rabâcheur, de les répéter de temps à
autre ; car les vérités les plus simples
risquent d'être oubliées, quand il s'agit
surtout de règle de conduite. En poli-
tique, c'est trop souvent la passion du
moment qui commande; si nous ne nous
gardons pas contre elle, elle nous as-
sourdit, elle nous aveugle, elle nous
entraîne et elle a bientôt fait de nous
égarer.
ËUG. LIÉBRRT.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
La grève de Decazeville
On n'avait pas tort, hier matin, de dire
ici que la voie des interpellations est vrai-
ment une voie mauvaise pour aboutir dans
les questions économiques. La Chambre
vient de tenir une séance qui a été aussi
longue que déplorable, qui a duré jusqu'à
huit heures et demie, sans qu'on ait pu at-
teindre aucun résultat. Il n'y a pas là,
dans ce singulier emploi d'un temps pré-
cieux, de quoi fournir au gouvernement
beaucoup de lumières, ni de quoi donner
à la Chambre elle-même beaucoup de cou-
rage pour aborder et pour résoudre lesdif-
cites problèmes de l'organisation mi-
nière.
Après avoir épuisé la liste des orateurs
inscrits et avoir entendu toutes les thèses,
on s'est débattu au milieu d'une pluie
d'ordres du jour sans savoir lequel choi-
sir. On était venu cependant pour con-
clure.
Les vingt-quatre heures écoulées depuis
l'ouverture des débats avaient amené dans
les esprits cette conviction que, suivant
le vœu de M. Baïhaut, il fallait tâcher,
pour le présent, de pacifier le conflit en-
gagé et pour l'avenir chercher un remède
contre de nouveaux conflits dans une ré-
forme de la loi de 1810.
Ce sentiment s'était répandu qu'au mo-
ment où une crise éclate ce n'est ni le lé-
gislateur ni le gouvernement qui la peut
trancher en jetant le poids de sa force dans
la balance, parce que la crise a sa source
dans des causes antérieures, dans des lois
mal faites, et qu'au mal accompli il n'y a
guère de remède instantané. Les pouvoirs
publics sont institués pour travailler à
prévoir et à prévenir les maux du lende-
main ; ceux de la veille, ils les aggravent
souvent en y portant la main.
m
* «
Ces idées, qui s'échangeaient dans les
couloirs, avaient donné d abord très bonne
allure à la séance. Ni d'un côté ni de l'au-
tre on n'avait été violent.
M. Laguerre était ensuite venu plaider
la cause des mineurs. Il s'était plaint que
la présence des troupes pût faire croire
que le gouvernement prenait parti pour la
Compagnie. Il avait signalé l'empresse-
ment avec lequel le procureur de Villef
franche avait procédé à des arrestations
préventives. Mais il s'était empressé de
reconnaître les efforts du préfet pour ame-
ner la Compagnie à donner des satisfac-
tions aux ouvriers. Il n'avait rien dit qui
fût de nature à envenimer le débat dans la
Chambre, à exciter les esprits au dehors.
D'un bout à l'autre, son discours n'avait
tendu qu'à placer sous la protection spé-
ciale du gouvernement, les déshérités, les
faibles, les « petits ». Et M. Laguerre avait
soutenu cette thèse dans un langage d'une
grande correction.
La défense des ouvriers présentée sous
cette forme imposait silence même à ceux
qui dans la Droite refusent de voir qu'une
responsabilité incombe à la Compagnie.
De part et. d'autre les nerfs étaient déten-
dus au moment où M. Laguerre a quitté la
tribune.
*
* *
En lui succédant, le ministre de la guerre
n'était pas destiné à raviver l'irritation.
Avec le franc-parler du soldat, le général
Boulanger expose que les troupes ne sont
pas allées au pays des mines comme une
menace contre l'ouvrier, mais comme une
protection pour tous. Il invoque le témoi-
gnage de M. Camélinat, qui lui a déclaré à
lui-même que l'entente la plus cordiale
règne entre les troupes et les habitants de
Decazeville.
Donc tout concourt à l'apaisement. Mais,
sur le nom de M. Camélinat, quelques
membres de Droite ont le mauvais goût de
faire : « Oh ! oh ! » -
Sur quoi M. de Douville-Maillefeu se
lève avec la vivacité d'un ressort et s'é-
crie :
— Vous faites fi de votre collègue ! Mais
vous ne savez donc pas qui vous êtes ,
misérables !
M. Floquet le rappelle à l'ordre et les
choses en resteraient là si M. Tony Révil-
Ion ne jetait cette apostrophe :
— Je voudrais bien qu'un de ceux qui
a fait « oh ! » se levât.
— Il n'y a pas de danger, reprend M. de
Douville-Maillefeu. Ce sont des lâches !
En d'autres temps, il n'en faudrait pas
davantage pour mettre le feu aux poudres.
Cette fois, il y a comme une résolution
unanime de ne pas livrer carrière à des
scènes qui ne conviendraient point dans
un si grave débat, et l'incident se dissipe
sans orage.
Le général Boulanger trouve un habile
moyen de faire applaudir par presque tout
le monde la présence des troupes à De-
cazeville. Il déclare que les soldats parta-
gent leur pain et leur soupe avec les mi-
neurs. tf
*
«r *
Voici M. de Montéty. Lui aussi, dans ces
brûlantes questions , peut être dange-
reux. Il représente l'Aveyron et il appar-
tient à la Droite. Rien de plus modéré que
son discours. Il se borne à affirmer que les
députés de l'Aveyron déplorent les souf-
frances des ouvriers de Decazeville tout
aussi vivement que si ceux-ci avaient voté
pour eux. Il se donne la satisfaction d'atta-
quer un peu la municipalité de Decazeville,
mais il le fait en termes vagues, voilés. Il
termine enfin en signalant la nécessité de
laisser de côté la politique pour les lois
d'affaires.
Tout cela n'est pas bien chaud et laisse
laChambre très froide. M. Boyer lui-même,
bien qu'il soit de Marseille et passe pour
très fougueux, ne la réchauffe pas. Il re-
produit avec moins de clarté la thèse et
les arguments de M. Camélinat. S'il n'a-
vait, en quittant la tribune, une prise de
bec personnelle avec M. Brousse qui le
traite d'imbécile et auquel il réplique :
« Vous êtes un âne,» il passerait inaperçu.
«I
Très brièvement, le garde des sceaux,
M. Demôle, défend le procureur de Ville-
franche et expose que l'état de la législa-
tion rendait nécessaires les arrestations
signalées par M. Laguerre.
Faisant un ricochet en dehors du débat,
M. Le Provost de Launay demande à M.
Sarrien pourquoi il a permis au conseil
municipal de Paris de prendre parti dans
la grève. M. Sarrien réplique que le con-
seil municipal a eu soin de se mettre à
l'abri d'un décret d'annulation en donnant
à son vote la forme d'un secours accordé
à des malheureux. Or pareil droit a tou-
jours été reconnu aux conseils municipaux.
M. Maillard recommence les discours de
M. Camélinat et de M. Boyer. Il réclame
l'exploitation de la mine en régie ; on lui
crie : « Et de l'argent ? » Il réplique d'un
geste large :
- La France est assez riche 1
11
M. Baïhaut, ramenant la Chambre en
face de la situation vraie, lui montre
que, en l'état actuel, la loi de 1810
est impuissante, qu'elle ne permet au
gouvernement que de protéger lamine.
C'est fait. Quant aux réformes, elles se-
ront étudiées par le gouvernement et M.
Baïhaut prie la Chambre d'en prendre acte
dans un ordre du jour.
Si l'on votait de suite, sous l'impression
de ces paroles très simples et très sages,
on trouverait peut-être une formule et
une majorité. Mais les économistes sont
terribles. M. Frédéric Passy a un discours
à placer. Il proclame que la meilleure so-
lution est d'inviter les capitalistes et les
ouvriers à se jeter dans les bras les uns
des autres. Ce généreux discours n'a qu'un
défaut, celui d'appartenir au domaine de
la prédication et non point à celui de la
politique.
Le débat se termine par une nouvelle
édition du discours de M. Camélinat, due
cette fois à M. Camélinat lui-même.
il
¥ *
Il s'agit de voter, de conclure. Dix or-
dres du jour sont successivement apportés
au président. Il y en a qui sont des fantai-
sies d'auteur, comme celui de M. de Bau-
dry-d'Asson. Il y en a qui sont le résultat
de l'amour-propre personnel de gens qui
ne veulent pas signer ce que le voisin a
écrit. Il y en a qui sont la conséquence de
rivalités de groupes.
Si bien que, dans une Chambre où la
majorité, d'accord avec le bon sens, recon-
naît qu'il n'y a rien à faire qu'à dire au
gouvernement de préparer une nouvelle
loi sur les mines, on arrive à ne rien dire
du tout, à proclamer le gâchis, le chaos,
l'anarchie.
Onze scrutins se succèdent, tous néga-
tifs. On commence par repousser l'ordre
dn jour pur et simple par 313 voix contre
194. Puis on ne statue plus que sur des de
mandes de priorité. Pas de priorité pour
M. Ernest Lefèvre, qui parle d'une ré-
forme « destinée à garantir les droits de
la nation et les intérêts des travailleurs ».
Pas de priorité pour M. Camélinat, qui
n'obtient que 41 voix. Pas de priorité pour
M. Bourgeois, qui vise l'idée de la parti-
cipation aux bénéfices. Pas de priorité
pour M. Letellier, qui obtient 226 voix con-
tre 256 et qui se borne à exprimer la con-
fiance de la Chambre dans l'initiative du
gouvernement.
Et ainsi de suite les ordres du jour s'a-
battent comme de malheureux capucins
de cartes. Lasse, écœurée, un instant la
Chambre donne, par vingt voix de majo-
rité, la priorité à M. Maurice Faure, qui
vise une réforme sauvegardant les droits
de l'Etat et améliorant la condition des
mineurs. Mais un quart d'heure après elle
repousse le même ordre du jour par 10
voix de majorité.
Et enfin ? Enfin on veut dîner et l'on
renvoie à lundi. Nous conseillons à la
Chambre de ne pas continuer ce jeu-la !
Docteur RALPH.
COULISSES PARLEMENTAIRES
Le serntin d'hier. — Une proposition
de M. Boyssct
Les scrutins sur les divers ordres du jour
qui se sont produits à la suite de l'interpella-
tion de M. Camélinat sur la grève de Decaze-
ville ont démontré clairement l'impossibilité
de former une majorité à la Chambre en de-
hors de l'accord des groupes du Centre avec
les groupes radicaux. Les ordres du jour pré-
sentés par l'Extrême-Gauche ont été successi-
vement repoussés, tout aussi bien que ceux
présentés par l'Union des Gauches, et cela
grâce à l'appoint des Droites qui votaient con-
tre tout.
Dans ces conditions, le gouvernement n'a
pas été atteint par ces votes successifs. Tous
les ordres du jour, auf bien entendu ceux
de MM. Camélinat et Baudry-d'Asson, expri-
maient, du reste, la confiance au cabinet.
*
* «
MM. Charles Boysset, Wilson, Dubois, Sy-
mian, Guillemaut, Barodet, etc., viennent de
soumettre à la Chambre une proposition de
loi tendant à modifier par une disposition ad-
ditionnelle les dispositions de l'article 443 du
Code d'instruction criminelle relatives à la re-
vision des sentences criminelles ou correc-
tionnelles.
Aux termes de cette proposition, la revi- -
sion des sentences serait complémentaire-
ment admise dans le cas où l'auteur signalé
d'un crime ou d'un délit pour lequel aurait été
prononcée une première condamnation ne
pourrait plus être poursuivi par suite de dé-
cès, de prescription, d'irresponsabilité pénale
cès, d'excusabilité, et encore dans le cas où
ou
par les mêmes motifs un témoin sur la fausse
déposition duquel la condamnation se serait
produite ne pourrait plus être poursuivi.
TROIS NOUVELLES CALIFORNIES
Un député de la Droite, M. de Soubeyran,
a, il y a quelques jours, porté à la tribune
de la Chambre une thèse économique que
ses collègues ont écoutée sans l'entendre
et dont les échos ne sont pas même par-
venus au public. Elle se résume en ceci :
la crise industrielle qui sévit sur le monde
est une crise monétaire ; le seul remède
qu'il soit possible aux hommes d'Etat d'ap-
pliquer avec fruit est l'abolition de toutes
les lois et traités qui nuisent à la circula-
tion de la monnaie d'argent. Plus il y
aura de monnaie dans le monde, plus il y
aura sous cette forme de métaux précieux
en circulation, plus les prix hausseront,
aussi bien ceux des matières Dremières
que ceux des produits manufacturés.
M. de Soubeyran aurait pu citer des pré-
cédents historiques : le grand mouvement
qui se produisit dans la vieille Europe
après qu'Alexandre y eut jeté les trésors
de l'Inde et de la Perse; la hausse consi-
dérable des prix qui fut la première con-
séquence de la découverte de l'Amérique
et de l'exploitation de ses mines d'or; enfin,
le développement industriel et commer-
cial qui coïncida avec l'aurore du second
Empire. Les flatteurs disaient alors que la
stabilité que l'Empire avait assurée aux
affaires était la cause des progrès réalisés.
C'était une erreur. Tout le mérite de ce
grand mouvement, qui fut une source
d'enrichissement pour tous les pays d'Eu-
rope aussi bien que pour la France, reve-
venait aux aventuriers qui avaient ex-
ploité les premiers, avec l'ardeur que l'on
sait, les mines d'or d'Australie et de Cali-
lifornie.
Le vrai remède à la crise universelle, il
faut le demander à une augmentation de
la quantité de métaux précieux circulant
dans le monde.
A ce titre, c'est un événement considé-
rable que la découverte simultanée qui
vient d'être faite de trois riches gisements
d'or sur trois points du globe très diffé-
rents et très éloignés les uns des autres.
On nous écrit qu'en Bolivie, où l'argent
seul est jusqu'ici abondant et les mines
d'argent seules exploitées, les ouvriers qui
tracent la route future, qui aura 356 kilo-
mètres de développement et donnera accès
à la Bolivie du côté de l'Atlantique, par le
bassin de la Plata, ont, en pénétrant dans
des fourrés, découvert des gisements d'or
en pépites d'une valeur et d'un poids peu
communs. Le consul de Bolivie au Para-
guay aurait écrit qu'il était dépositaire
d'une pépite d'une valeur de 32,000 francs;.
c'est lingot qu'il. faudrait dire. Une pa-
reille trouvaille promet, et la Bolivie en est
fort troublée.
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liadresser au Secrétaire de la Rédactioa
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'Hongrois.- 84 5/16.
Priorité 373 25, 368 75.
Tabacs. 410.
SOMMAIRE
Bulletin — Louis HENRIQUE.
Informations particulières.
Questions du jour (le Bon Gouvernement). -
EUG. LIÉBERT.
Séance de la Chambre. — Docteur RALPH.
Coulisses parlementaires.
Trois Nouvelles Californies. — EM. D.
Nouvelles de l'étranger.
Nouvelles coloniales.
Echos du jour. - BRICHANTEAU.
La Presse au jour le jour. — P.-P. DEJUÏNNB.
Courrier de la Bourse. — H. L. FAOSB.
Gazette du Palais. — Me GERVASY.
Le Sport du jour. — FAVELLBS. V
Faits divera. - JUN VALLIER*.
La Température.
Courrier des théâtres. - EMILE MENDEL.
Bibliographie.
Feuilleton (Américaine). - GEoRexs Bou-
TELLKAU.
BULLETIN
Hier, la Chambre a repris le débat ou-
vert jeudi sur les événements de Decaze-
ville. Le vote de l'ordre du jour a été ren-
voyé à lundi à la suite de onze scrutins
qui ont tous donné un résultat négatif.
L'affaire d'Andorre a été assez chaude.
Il y a des morts et des blessés dans la
lutte ; le parti français a eu le dessus en
fin de compte.
Le gouvernement français, dès la pre-
mière nouvelle de ces événements, a pris
des mesures pour aplanir les difficultés
que soulève ce conflit sanglant.
On annonce que M. de Freycinet aurait
.donné mission à M. Papinaud, député de
l'Aude, de se rendre dans la république
,d'Andorre et de négocier avec l'évêque
d'Urgel en vue d'une entente à établir pour
couper court à de nouvelles difficultés.
Il serait même question de proposer à
l'Espagne une rectification de frontières et
d'annexer le territoire d'Andorre à la
France.
Que vont penser les Andorrans de ce pro-
jet que nous nous bornons d'ailleurs à men-
tionner sans y insister? Us n'y croiront
pas, et ils n'auront pas tout à fait tort.
Le monopole de l'alcool en Allemagne a
reçu le coup de grâce au Reichstag. M. de
Bismarck, contrairement aux promesses
faites par le ministre des finances, ne s'est
point dérangé pour soutenir le projet que
fon dit lui tenir au cœur. Il avait même
laissé dire par son organe officieux, la Ga-
zette de CAllemagne du Nord, que la
« Chambre ne perdrait point son temps et
ses jours à amuser MM. Windthorst et Ri-
chter par de beaux discours ». Le secret
de cette indifférence dédaigneuse est
connu : M. de Bismarck savait à n'en pas
douter qu'il serait mis en minorité ; il a
laissé à M. de Scholz, ministre des finan-
ces, l'honneur de la défaite.
Que faut-il conclure du rejet du mono-
pole ? Le vote du Reichstag ne prouve rien
ni pour ni contre. La question a été jugée
surtout au point de vue politique. C'est
d'ailleurs une raison de plus pour que l'é-
chec subi par le chancelier de l'empire lui
soit particulièrement désagréable.
On sait par quels actes de violence s'est
manifestée naguère à Londres la détresse
des classes laborieuses. La Chambre des
communes a eu à porter son attention sur
la situation pénible faite à l'industrie et
aux ouvriers sans travail. M. Dawson avait
déposé une proposition invitant le gouver-
nement à exécuter certains travaux pu-
blics, par exemple des ports de refuge.
C'est le remède qui a été proposé chez
nous et qui paraît devoir être appliqué
prochainement : M. le ministre de l'inté-
rieur adressait hier une circulaire dans ce
sens aux préfets.
En Angleterre, on voit les choses sous un
jour différent. Un membre du cabinet, M.
Chamberlain, a combattu la proposition.
Le gouvernement ne peut pas créer des
ports ici ou là, à moins que l'on ne soit dé-
cidé à en créer partout où cela est néces-
sire; sous peine de favoriser certaines lo-
calité. L'argument est discutable, mais en
définitive il signifie ceci :
Les ports sont des entreprises d'intérêt
local ; que les villes qui en veulent les fas-
sent. Ce langage n'aurait aucune chance
d'être compris en France, si logique qu'il
soit. En le tenant, M. Chamberlain a eu sans
doute pour but principal de réagir contre
les tendances de socialisme d'Etat qui se
manifestent en Angleterre avec une cer-
taine persistance.
LOUIS HENRIQUE.
INFORÏÀTIOHS JPARTICDLIÈRES
Le conseil des ministres
M. Sadi Carnot, ministre des finances, a en-
tretenu hier le conseil des ministres de l'ex-
posé définitif du projet de budget pour 1887.
Ce projet a. été approuvé et sera déposé mardi
prochain sur le bureau de la Chambre. L'im-
pression, qui se poursuit actuellement, sera
terminée assez promptement pour que ce
projet soit distribué aux députés peu de jours
après le dépôt.
Le budget de 1887
Voici quelques détails précis sur la cdmbi-
naisonbudgétaire adoptée hier, à l'unanimité,
par le conseil des ministres.
Le montant des obligations à court terme
qu'il s'agit de convertir s'élève à 618 millions.
Dans ce nombre figurent les 155 millions d'obli-
gations à court terme que comporte la loi de
finances de 1886.
La conversion des obligations à court terme
entraîne la suppression du fonds d'amortisse-
ment. On sait que ce fonds s'élève à 100 mil-
lions.
D'autre part, le gouvernement se propose
de rembourser, au moyen d'une émission en
3 0/0 perpétuel, une partie importante de la
dette flottante, 382 millions environ. La dette
floitante serait ainsi ramenée à un chiffre
normal et, pour en restreindre l'extension
dans l'avenir, on limiterait à 600 millons le
chiffre des dépôts que les caisses d'épargne
pourraient effectuer dans les caisses du Tré-
sor.
Enfin le gouvernement supprime le budget
sur ressources extraordinaires et fait rentrer
dans le budget ordinaire les dépenses à pré-
voir pour le service des travaux publics ainsi
que les dépenses coloniales. Le budget ordi-
naire se trouve de la sorte grevé de dépenses
nouvelles que les économies réalisées ne peu-
vent entièrement couvrir. En effet, compen-
sation établie entre les économies et les dé-
penses nouvelles, le budget ordinaire laisse
apparaître une insuffisance de 159 millions.
Pour combler ce déficit, on inscrit aux re-
cettes générales du budget le fonds de 100
millions qui était réservé à - -l'amortisre ment
des obligations à court terme, et on applique
une surtaxe à l'alcool. Le droit qui frappe
l'alcool est porté de 156 francs par hectolitre
à 215 francs. Le produit de cette surtaxe est
évalué à 93 millions. Les ressources généra-
les du budget se trouveraient donc accrues-
de 193 millions; l'insuffisance à couvrir étant
de 159 millions, une somme de 34 millions
resterait disponible.
Pour compenser l'élévation des droits éta-
blis sur l'alcool, le gouvernement propose
d'introduire diverses modifications dans le
régime fiscal des boissons. Il s'agit de sup-
primer l'exercice, le dioit de détail et le pri-
vilège des bouilleurs de cru.
Dans les prévisions du ministre des finan-
ces, la suppression du privilège des bouil-
leurs de cru, outre qu'elle constituera une
répression de la fraude, augmentera d'une
vingtaine de millions les ressources du bud-
get.
En ce qui concerne la suppression de
l'exercice et du droit de détail chez les débi-
tants de boissons, elle aurait pour consé-
quence les mesures suivantes : on étendrait
la taxe unique qui n'existe actuellement que
pour les villes dont la population est supé-
rieure à 10,000 habitants aux villes d'une po-
pulation beaucoup plus faible et, quant aux
débitant des campagnes, on les astreindrait à
l'abonnement. On sait que l'abonnement est
actuellement facultatif. Il s'agirait de -le ren-
dre obligatoire.
Quant au compte spécial que la loi de finan-
ces de 1886 a créé pour le service des garan-
ties d'intérêt à payer aux Compagnies de
chemins de fer, il sera maintenu pour 1887 et
alimenté par une émission d'obligations
vingtenaires, dont le montant est évalué à
100 millions.
Les ressources disponibles provenant de la
surtaxe de l'alcool et de la suppression du pri-
vilège des bouilleurs de cru seraient affec-
tées au service des obligations vingtenaires
et des rentes perpétuelles qu'il s'agit d'é-
metire.
Tel est dans ses dispositions essentielles
le projet de budget que ie ministre des finan-
ces compte déposer mardi sur le bureau de
la Chambre. L'établissement de ce projet est
conforme aux indications données à ce sujet
par le gouvernement dans la déclaration du
16 janvier. Le budget sur ressources extraor-
dinaires est supprimé; travaux publics et dé-
penses coloniales rentrent dans ie budget or-
dinaire, des économies notables sont réali-
sées, aucun impôt nouveau n'est créé, la
dette flottante est réduite et une partie de
cette dette est remboursée.
Quant à l'emprunt, il n'est pas émis en
vue de réaliser l'équilibre budgétaire ; il a
pour but. de transformer une dette et non d'en
créer une nouvelle. Ce n'est donc pas un
emprunt dans le sens ordinaire du mot.
Au cas où le budget ne serait pas commu-
niqué mardi à la Chambre, M. de Mackau
adresserait une question, ou même une in-
terpellation, au ministre des finances.
Les protectorats *
On s'occupe activement, au ministère des
affaires étrangères, de l'organisation des bu-
reaux des protectorats installés provisoire-
ment, comme on sait, au ministère de la ma-
rine.
M. Nisard sera placé à la tête de la sous-di-
rection et M. Jusserand remplira les fonctions
de sous-directeur adjoint.
Il y aura deux services établis, comprenant
l'un les protectorats d'Afrique avec la Tuni-
sie et Madagascar, l'autre les protectorats
d'Asie avec le Tonkin, l'Annam et le Cam-
bodge.
Ces services entreront définitivement en
fonctions le 1er avril.
Ajoutons à ce propos qu'un certain nombre
de fonctionnaires s'embarqueront le 28 mars
pour le Tonkin et le 8 avril pour Madagas-
car, avec M. Le Myre de Villers.
Débarquement des troupes du Tonkin
Le gouvernement se propose de déposer
sur le bureau de la Chambre un projet de loi
ouvrant un crédit de 200,000 fr. pour faire
face aux frais de débarquement des troupes
revenant du Tonkin.
On sait que ce3 débarquements s'opéreront
à Port-Cros. ':
Les douanes de la Roumélie
Le ministre des affaires étrangères a in-
formé hier le conseil que satisfaction avait
été donnée à nos réclamations au sujet du
déplacement de la ligne de douanes de la
Roumélie : cette ligne de douanes sera re-
portée comme précédemment à la limite de
séparation de la Bulgarie et de la Roumé-
lie, et maintenue tant que les puissances
n'auront pas statué sur le statut de la Rou-
mélie. Ajoutons que le ministre a informé que
les ambassadeurs des puissances se réunis-
sent aujourd'hui en conférence pour statuer
sur l'arrangement turco-bulgare. 'f
—
Il y a un double enseignement à tirer de
la séance d'hier.
L'inutilité des interpellations au point
de vue pratique est d'abord pleinement
démontrée. ,
En second lieu, le fait inouï que sur
onze ordres du jour présentés aucun n'ait
pu être voté prouve qu'aucune fraction
du parti républicain ne peut se vanter à
elle seule de posséder la majorité.
Le ministre en présence duquel la Cham-
bre se trouvait hier appartient à un groupe
qui n'a pas renoncé à la prétention de
constituer le seul point d'appui sur lequel
un gouvernement puisse compter.
L ordre du jour auquel ce ministre s'é-
tait rallié et qui avait été présenté par M.
Etienne a été repoussé.
Si les républicains tiennent à ne pas
dégoûter le pays du régime parlementaire
et même de la République, ils feront donc
sagement de renoncer au système des in-
terpellations et à leurs anciennes divi-
sions.
Actuellement, sans l'union des républi-
cains, la République ne peut aboutir qu'à
une négation. C'est autre chose qu'on at-
tend d'elle.
■ m
QUESTIONS DU JOUR
Le bon gouvernement
Le ministère a su déjà doubler, avec
autant de bonheur que d'habileté, plu-
sieurs caps périlleux ; aussi comme ses
adversaires ses amis ont-ils foi géné-
ralement dans sa durée. Il a certes
acquis une réelle autorité, qui repose
sur deux solides fondements : la con-
fiance et l'estime publiques. Tout mi-
nistère, à ses débuts, passe nécessai-
rement par un temps d'épreuves, et
souvent il arrive que son crédit. n'y
résiste point. Or le ministère actuel s'est
fortifié de jour en jour durant cette
première période. Il est donc naturel de
bien augurer de son avenir, et c'est un
grand sujet de satisfaction pour la
France, que de trop fréquentes crises
politiques ont souvent découragée et
lassée. Serions-nous donc à la veille de
jouir des bienfaits d'un bon gouverne-
ment? On l'espère. Et on l'aura si cha-
cun de ceux qui participent à la direc-
tion de nos affaires comprend ses de-
voirs et s'astreint à les bien remplir.
Je n'insiste pas sur les devoirs du
pouvoir exécutif; ils sont bien connus.
Ils se résument à peu près ainsi : assu-
rer l'exercice de la liberté, limitée par
le seul respect des lois ; se renseigner
constamment sur les besoins et les in-
térêts du pays au point de vue de son
agriculture, de son industrie, de son
commerce ; favoriser le développement
de l'instruction, le progrès des arts et
des sciences ; veiller à la défense mili-
taire ; conduire enfin avec clairvoyance,
attention et fermeté nos relations ex-
térieures. La tâche n'est certes pas tou-
jours aisée ; mais elle n'est pas au-des-
sus des efforts d'un ministère intelligent,
instruit, laborieux et patriote.
Ce qui est plus difficile à régler, c'est
le travail parlementaire. Hier, dans ce
journal, on a pu lire un article dicté par
le bon sens sur la question de méthode.
Je n'y ajouterai qu'un mot, pour insister
sur le devoir spécial de la majorité ré-
publicaine au point de vue de la gestion
des affaires publiques.
Une vérité dont tous nos députés ne
paraissent pas encore assez pénétrés,
— si l'on en juge du moins par la prati-
que, — c'est que l'accord ne saurait ja-
mais être trop étroit entre la majorité
républicaine et le cabinet qui a s'a con-
fiance et n'en a point démérité. Je vou-
drais qu'entre ministère et majorité
l'on prît l'habitude de se concerter d'a-
vance sur tous les points un peu impor-
tants ; que l'on s'entendit sur le règle-
ment de l'ordre du jour pour tout ce
qui en vaut la peine; et qu'enfin, du
côté de la majorité, l'on évitât les in-
terpellations soudaines, les dépôts et les
prises en considération de propositions
inattendues, enfin tout ce qui inter-
rompt subitement le cours des travaux
ordinaires sans aucune espèce d'avan-
tage et trop souvent même avec mille
inconvénients fâcheux. Chaque chose
ainsi se ferait en son temps, et nous
n'aurions plus à regretter ce mélange
désordonné de discussions que nous
avons vu trop souvent, au cours des an-
nées précédentes, aboutir à la désorga-
nisation de tout le travail parlemen-
taire.
Une Assemblée qui a la conscience de
son mandat et qui comprend sa tâche
devrait, après quelques semaines d'exa-
men, de réflexions et d'études prélimi-
naires, avoir arrêté son plan de travail
dans ses grandes lignes pour la durée
de sa législature, et puis se mettre à
l'œuvre, de compte à demi avec le mi-
nistère, ainsi que je le disais tout à
l'heure, sans se proposer autre chose
que le bien public et aussi sans se lais-
ser écarter de sa route, si ce n'est en
cas de nécessité absolue.
Il ne faut ni trop embrasser ni trop
peu. La principale affaire est de savoir
régler sur la durée de son mandat l'é-
tendue de sa tâche. Si l'on met pêle-
mêle à l'ordre du jour plus de projets
de réformes, bons ou mauvais, qu'il n'en
faudrait pour alimenter dix législatures,
on finit par y perdre la tête. Qu'on choi-
sisse donc d'abord, parmi toutes les
questions agitées devant le corps élec-
toral en 1883, celles dont le caractère
d'urgence et de maturité est incontes-
table ; si, d'accord avec le cabinet, on
les étudie avec l'application qu'elles com-
portent, et si on sait enfin les résoudre
en conformité des vœux et des intérêts
du pays, on pourra se dire, en remettant
son mandat au bout de quatre ans, qu'on
l'aura rempli comme on devait.
Cinq ou six réformes importantes, le
vote éclairé des budgets et un sage
concours apporté au gouvernement dans
l'examen des affaires courantes, voilà,
— sauf événements extraordinaires, —
tout ce que l'on peut demander à une
Chambre élue pour quatre ans ; et cette
Chambre elle-même, si la majorité y est
douée de quelque expérience et de
quelque bon sens, devra se renfermer
dans ces justes bornes.
Ce n'est pas à dire, cependant, qu'il
faille renoncer à toute interpellation, à
toute question motivée par les incidents
de la vie publique. Il est juste, il est né-
cessaire que le gouvernement soit ap-
pelé à donner des explications sur tels
ou tels faits dont l'opinion s'inquiète ou
simplement se préoccupe. Mais c'est de
l'excès des interpellations et questions
qu'il faut se garder; si l'on écoutait
quelques députés, ceux de droite sur-
tout, on emploierait en interpellations
neuf séances sur dix, et l'on interrom-
prait ainsi toute espèce de travail pro-
ductif.
Il existe un autre ordre de délibéra-
tions dont je veux dire un mot: ce sont
celles que l'on présume ne pouvoir abou-
tir actuellement à aucun résultat pra-
tique. Naturellement, nul esprit sensé
ne désirera que l'ordre du jour en soit
encombré ; mais les mêmes esprits sen-
sés ne voudront pas non plus qu'elles
soient éeartées par système. Au con-
traire, j'estime qu'il sera intéressant
d'ouvrir la discussion, quand on le
pourra, sur un certain nombre de ces
questions dont la solution n'est pas
prête ou n'existe pas.
Parmi toutes les propositions de ré-
formes qui ont paru dans les program-
mes* électoraux, et dont l'application se-
rait irréalisable aujourd'hui, je voudrais
qu'on examinât, au grand jour d'un
débat public, celles dont l'opinion s'est
le plus émue.
Il y en a une douzaine environ, qui
sont de deux sortes :
D'abord, les propositions qui ne sont
pas mûres, parce qu'elles choquent en-
core aujourd'hui trop de préjugés et
parce qu'une notable partie de la popu-
lation y serait rebelle. Des débats pu-
blics, sans devoir aboutir actuellement
à la confection d'une loi quelconque,
feront mûrir les propositions de cette
catégorie. Et l'on ne se livrera point, en
pareil cas, à de vains tournois oratoires,
puisque l'on obtiendra ainsi le résultat
très appréciable d'éclairer et de pré-
parer l'opinion ;
En second lieu, les propositions pu-
rement utopiques, qui abuseront quan-
tité d'esprits simples, tant qu'on n'aura
pas pris la peine de montrer qu'il n'y a
que du vent dans ces outres. Il faut en
finir avec des formules qui ne laissent
point de troubler beaucoup de cerveaux.
Ce ne sera pas du temps perdu, et toute
discussion qui dissipera des illusions et
des chimères sera, certes, utile au
pays.
Voilà, me semble-t-il, ce que devrait
être, dans ses grandes lignes, la politi-
que pratiquée en commun par le minis-
tère et par la majorité de la représenta-
tion nationale. Ces choses sont telle-
ment élémentaires qu'on se demande si
elles ont besoin d'être redites. Je crois
qu'il est sage, dût-on passer pour un peu
rabâcheur, de les répéter de temps à
autre ; car les vérités les plus simples
risquent d'être oubliées, quand il s'agit
surtout de règle de conduite. En poli-
tique, c'est trop souvent la passion du
moment qui commande; si nous ne nous
gardons pas contre elle, elle nous as-
sourdit, elle nous aveugle, elle nous
entraîne et elle a bientôt fait de nous
égarer.
ËUG. LIÉBRRT.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
La grève de Decazeville
On n'avait pas tort, hier matin, de dire
ici que la voie des interpellations est vrai-
ment une voie mauvaise pour aboutir dans
les questions économiques. La Chambre
vient de tenir une séance qui a été aussi
longue que déplorable, qui a duré jusqu'à
huit heures et demie, sans qu'on ait pu at-
teindre aucun résultat. Il n'y a pas là,
dans ce singulier emploi d'un temps pré-
cieux, de quoi fournir au gouvernement
beaucoup de lumières, ni de quoi donner
à la Chambre elle-même beaucoup de cou-
rage pour aborder et pour résoudre lesdif-
cites problèmes de l'organisation mi-
nière.
Après avoir épuisé la liste des orateurs
inscrits et avoir entendu toutes les thèses,
on s'est débattu au milieu d'une pluie
d'ordres du jour sans savoir lequel choi-
sir. On était venu cependant pour con-
clure.
Les vingt-quatre heures écoulées depuis
l'ouverture des débats avaient amené dans
les esprits cette conviction que, suivant
le vœu de M. Baïhaut, il fallait tâcher,
pour le présent, de pacifier le conflit en-
gagé et pour l'avenir chercher un remède
contre de nouveaux conflits dans une ré-
forme de la loi de 1810.
Ce sentiment s'était répandu qu'au mo-
ment où une crise éclate ce n'est ni le lé-
gislateur ni le gouvernement qui la peut
trancher en jetant le poids de sa force dans
la balance, parce que la crise a sa source
dans des causes antérieures, dans des lois
mal faites, et qu'au mal accompli il n'y a
guère de remède instantané. Les pouvoirs
publics sont institués pour travailler à
prévoir et à prévenir les maux du lende-
main ; ceux de la veille, ils les aggravent
souvent en y portant la main.
m
* «
Ces idées, qui s'échangeaient dans les
couloirs, avaient donné d abord très bonne
allure à la séance. Ni d'un côté ni de l'au-
tre on n'avait été violent.
M. Laguerre était ensuite venu plaider
la cause des mineurs. Il s'était plaint que
la présence des troupes pût faire croire
que le gouvernement prenait parti pour la
Compagnie. Il avait signalé l'empresse-
ment avec lequel le procureur de Villef
franche avait procédé à des arrestations
préventives. Mais il s'était empressé de
reconnaître les efforts du préfet pour ame-
ner la Compagnie à donner des satisfac-
tions aux ouvriers. Il n'avait rien dit qui
fût de nature à envenimer le débat dans la
Chambre, à exciter les esprits au dehors.
D'un bout à l'autre, son discours n'avait
tendu qu'à placer sous la protection spé-
ciale du gouvernement, les déshérités, les
faibles, les « petits ». Et M. Laguerre avait
soutenu cette thèse dans un langage d'une
grande correction.
La défense des ouvriers présentée sous
cette forme imposait silence même à ceux
qui dans la Droite refusent de voir qu'une
responsabilité incombe à la Compagnie.
De part et. d'autre les nerfs étaient déten-
dus au moment où M. Laguerre a quitté la
tribune.
*
* *
En lui succédant, le ministre de la guerre
n'était pas destiné à raviver l'irritation.
Avec le franc-parler du soldat, le général
Boulanger expose que les troupes ne sont
pas allées au pays des mines comme une
menace contre l'ouvrier, mais comme une
protection pour tous. Il invoque le témoi-
gnage de M. Camélinat, qui lui a déclaré à
lui-même que l'entente la plus cordiale
règne entre les troupes et les habitants de
Decazeville.
Donc tout concourt à l'apaisement. Mais,
sur le nom de M. Camélinat, quelques
membres de Droite ont le mauvais goût de
faire : « Oh ! oh ! » -
Sur quoi M. de Douville-Maillefeu se
lève avec la vivacité d'un ressort et s'é-
crie :
— Vous faites fi de votre collègue ! Mais
vous ne savez donc pas qui vous êtes ,
misérables !
M. Floquet le rappelle à l'ordre et les
choses en resteraient là si M. Tony Révil-
Ion ne jetait cette apostrophe :
— Je voudrais bien qu'un de ceux qui
a fait « oh ! » se levât.
— Il n'y a pas de danger, reprend M. de
Douville-Maillefeu. Ce sont des lâches !
En d'autres temps, il n'en faudrait pas
davantage pour mettre le feu aux poudres.
Cette fois, il y a comme une résolution
unanime de ne pas livrer carrière à des
scènes qui ne conviendraient point dans
un si grave débat, et l'incident se dissipe
sans orage.
Le général Boulanger trouve un habile
moyen de faire applaudir par presque tout
le monde la présence des troupes à De-
cazeville. Il déclare que les soldats parta-
gent leur pain et leur soupe avec les mi-
neurs. tf
*
«r *
Voici M. de Montéty. Lui aussi, dans ces
brûlantes questions , peut être dange-
reux. Il représente l'Aveyron et il appar-
tient à la Droite. Rien de plus modéré que
son discours. Il se borne à affirmer que les
députés de l'Aveyron déplorent les souf-
frances des ouvriers de Decazeville tout
aussi vivement que si ceux-ci avaient voté
pour eux. Il se donne la satisfaction d'atta-
quer un peu la municipalité de Decazeville,
mais il le fait en termes vagues, voilés. Il
termine enfin en signalant la nécessité de
laisser de côté la politique pour les lois
d'affaires.
Tout cela n'est pas bien chaud et laisse
laChambre très froide. M. Boyer lui-même,
bien qu'il soit de Marseille et passe pour
très fougueux, ne la réchauffe pas. Il re-
produit avec moins de clarté la thèse et
les arguments de M. Camélinat. S'il n'a-
vait, en quittant la tribune, une prise de
bec personnelle avec M. Brousse qui le
traite d'imbécile et auquel il réplique :
« Vous êtes un âne,» il passerait inaperçu.
«I
Très brièvement, le garde des sceaux,
M. Demôle, défend le procureur de Ville-
franche et expose que l'état de la législa-
tion rendait nécessaires les arrestations
signalées par M. Laguerre.
Faisant un ricochet en dehors du débat,
M. Le Provost de Launay demande à M.
Sarrien pourquoi il a permis au conseil
municipal de Paris de prendre parti dans
la grève. M. Sarrien réplique que le con-
seil municipal a eu soin de se mettre à
l'abri d'un décret d'annulation en donnant
à son vote la forme d'un secours accordé
à des malheureux. Or pareil droit a tou-
jours été reconnu aux conseils municipaux.
M. Maillard recommence les discours de
M. Camélinat et de M. Boyer. Il réclame
l'exploitation de la mine en régie ; on lui
crie : « Et de l'argent ? » Il réplique d'un
geste large :
- La France est assez riche 1
11
M. Baïhaut, ramenant la Chambre en
face de la situation vraie, lui montre
que, en l'état actuel, la loi de 1810
est impuissante, qu'elle ne permet au
gouvernement que de protéger lamine.
C'est fait. Quant aux réformes, elles se-
ront étudiées par le gouvernement et M.
Baïhaut prie la Chambre d'en prendre acte
dans un ordre du jour.
Si l'on votait de suite, sous l'impression
de ces paroles très simples et très sages,
on trouverait peut-être une formule et
une majorité. Mais les économistes sont
terribles. M. Frédéric Passy a un discours
à placer. Il proclame que la meilleure so-
lution est d'inviter les capitalistes et les
ouvriers à se jeter dans les bras les uns
des autres. Ce généreux discours n'a qu'un
défaut, celui d'appartenir au domaine de
la prédication et non point à celui de la
politique.
Le débat se termine par une nouvelle
édition du discours de M. Camélinat, due
cette fois à M. Camélinat lui-même.
il
¥ *
Il s'agit de voter, de conclure. Dix or-
dres du jour sont successivement apportés
au président. Il y en a qui sont des fantai-
sies d'auteur, comme celui de M. de Bau-
dry-d'Asson. Il y en a qui sont le résultat
de l'amour-propre personnel de gens qui
ne veulent pas signer ce que le voisin a
écrit. Il y en a qui sont la conséquence de
rivalités de groupes.
Si bien que, dans une Chambre où la
majorité, d'accord avec le bon sens, recon-
naît qu'il n'y a rien à faire qu'à dire au
gouvernement de préparer une nouvelle
loi sur les mines, on arrive à ne rien dire
du tout, à proclamer le gâchis, le chaos,
l'anarchie.
Onze scrutins se succèdent, tous néga-
tifs. On commence par repousser l'ordre
dn jour pur et simple par 313 voix contre
194. Puis on ne statue plus que sur des de
mandes de priorité. Pas de priorité pour
M. Ernest Lefèvre, qui parle d'une ré-
forme « destinée à garantir les droits de
la nation et les intérêts des travailleurs ».
Pas de priorité pour M. Camélinat, qui
n'obtient que 41 voix. Pas de priorité pour
M. Bourgeois, qui vise l'idée de la parti-
cipation aux bénéfices. Pas de priorité
pour M. Letellier, qui obtient 226 voix con-
tre 256 et qui se borne à exprimer la con-
fiance de la Chambre dans l'initiative du
gouvernement.
Et ainsi de suite les ordres du jour s'a-
battent comme de malheureux capucins
de cartes. Lasse, écœurée, un instant la
Chambre donne, par vingt voix de majo-
rité, la priorité à M. Maurice Faure, qui
vise une réforme sauvegardant les droits
de l'Etat et améliorant la condition des
mineurs. Mais un quart d'heure après elle
repousse le même ordre du jour par 10
voix de majorité.
Et enfin ? Enfin on veut dîner et l'on
renvoie à lundi. Nous conseillons à la
Chambre de ne pas continuer ce jeu-la !
Docteur RALPH.
COULISSES PARLEMENTAIRES
Le serntin d'hier. — Une proposition
de M. Boyssct
Les scrutins sur les divers ordres du jour
qui se sont produits à la suite de l'interpella-
tion de M. Camélinat sur la grève de Decaze-
ville ont démontré clairement l'impossibilité
de former une majorité à la Chambre en de-
hors de l'accord des groupes du Centre avec
les groupes radicaux. Les ordres du jour pré-
sentés par l'Extrême-Gauche ont été successi-
vement repoussés, tout aussi bien que ceux
présentés par l'Union des Gauches, et cela
grâce à l'appoint des Droites qui votaient con-
tre tout.
Dans ces conditions, le gouvernement n'a
pas été atteint par ces votes successifs. Tous
les ordres du jour, auf bien entendu ceux
de MM. Camélinat et Baudry-d'Asson, expri-
maient, du reste, la confiance au cabinet.
*
* «
MM. Charles Boysset, Wilson, Dubois, Sy-
mian, Guillemaut, Barodet, etc., viennent de
soumettre à la Chambre une proposition de
loi tendant à modifier par une disposition ad-
ditionnelle les dispositions de l'article 443 du
Code d'instruction criminelle relatives à la re-
vision des sentences criminelles ou correc-
tionnelles.
Aux termes de cette proposition, la revi- -
sion des sentences serait complémentaire-
ment admise dans le cas où l'auteur signalé
d'un crime ou d'un délit pour lequel aurait été
prononcée une première condamnation ne
pourrait plus être poursuivi par suite de dé-
cès, de prescription, d'irresponsabilité pénale
cès, d'excusabilité, et encore dans le cas où
ou
par les mêmes motifs un témoin sur la fausse
déposition duquel la condamnation se serait
produite ne pourrait plus être poursuivi.
TROIS NOUVELLES CALIFORNIES
Un député de la Droite, M. de Soubeyran,
a, il y a quelques jours, porté à la tribune
de la Chambre une thèse économique que
ses collègues ont écoutée sans l'entendre
et dont les échos ne sont pas même par-
venus au public. Elle se résume en ceci :
la crise industrielle qui sévit sur le monde
est une crise monétaire ; le seul remède
qu'il soit possible aux hommes d'Etat d'ap-
pliquer avec fruit est l'abolition de toutes
les lois et traités qui nuisent à la circula-
tion de la monnaie d'argent. Plus il y
aura de monnaie dans le monde, plus il y
aura sous cette forme de métaux précieux
en circulation, plus les prix hausseront,
aussi bien ceux des matières Dremières
que ceux des produits manufacturés.
M. de Soubeyran aurait pu citer des pré-
cédents historiques : le grand mouvement
qui se produisit dans la vieille Europe
après qu'Alexandre y eut jeté les trésors
de l'Inde et de la Perse; la hausse consi-
dérable des prix qui fut la première con-
séquence de la découverte de l'Amérique
et de l'exploitation de ses mines d'or; enfin,
le développement industriel et commer-
cial qui coïncida avec l'aurore du second
Empire. Les flatteurs disaient alors que la
stabilité que l'Empire avait assurée aux
affaires était la cause des progrès réalisés.
C'était une erreur. Tout le mérite de ce
grand mouvement, qui fut une source
d'enrichissement pour tous les pays d'Eu-
rope aussi bien que pour la France, reve-
venait aux aventuriers qui avaient ex-
ploité les premiers, avec l'ardeur que l'on
sait, les mines d'or d'Australie et de Cali-
lifornie.
Le vrai remède à la crise universelle, il
faut le demander à une augmentation de
la quantité de métaux précieux circulant
dans le monde.
A ce titre, c'est un événement considé-
rable que la découverte simultanée qui
vient d'être faite de trois riches gisements
d'or sur trois points du globe très diffé-
rents et très éloignés les uns des autres.
On nous écrit qu'en Bolivie, où l'argent
seul est jusqu'ici abondant et les mines
d'argent seules exploitées, les ouvriers qui
tracent la route future, qui aura 356 kilo-
mètres de développement et donnera accès
à la Bolivie du côté de l'Atlantique, par le
bassin de la Plata, ont, en pénétrant dans
des fourrés, découvert des gisements d'or
en pépites d'une valeur et d'un poids peu
communs. Le consul de Bolivie au Para-
guay aurait écrit qu'il était dépositaire
d'une pépite d'une valeur de 32,000 francs;.
c'est lingot qu'il. faudrait dire. Une pa-
reille trouvaille promet, et la Bolivie en est
fort troublée.
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