Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-03-26
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 mars 1903 26 mars 1903
Description : 1903/03/26 (N8631,A25). 1903/03/26 (N8631,A25).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7546450v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/10/2012
me ANNEE. — NUMERO 8631
JEUDI 26 MARS 1905
A. PEITIV R-P. OLLENDORFF
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Devant des Relipes
Tandis que, le jour de la Mi-Carême,
le populaire s'écrasait, tumultueux,
avide, de plaisir,. autour - des chars
de clinquant et des masques d'oc-
.casio n, huriait à la joie, se fouettait de
confettis poussiéreux avec une sorte do
délire, refluait comme quelque énorme
iame de fond sur les boulevards endi-
manchés, je me suis réfugié au musée
de l'Armée.
Il n'est pas un lieu de pèlerinage où
rame puisse mieux se retremper, s'exal-
lber, se consoler et vibrer pour peu qu'elle
ait le vertige dei la gloire et l'adoration
du passé.
De chaque chose émane un souvenir,
5in exemple et une leçon d'énergie. L'E-
popée y revit fulgurante et fabuleuse.
.On se sent tout petit parmi ces épaves de
géants. On s'imagine que dans - ce si-
lence d'eglise vont strider soudain des
fanfares de victorieux, des salves d'or-
- gueil, des clameurs formidables- de mê-
lée et de charge, des voix dominatrices
et entraînantes de héros. On a honte de
soi-même, de n'avoir rien ajouté aux
fastes que ces braves entre les braves
éclaboussèrent presque tous de leur
sang généreux. On regrette plus amère-
ment qu'ailleurs d'être venu, comme l'a
'dit le poète, trop tard dans un siècle trop
vieux, dans des temps de paix obligatoi-
re et de veulerie servile où les drapeaux
attendent vainement le baptême du feu,
où l'on rit des songei-creux entêtés qui
aspirent quand même à une revanche,
où de lamentables lois militaires sem-
blent ne poursuivre d'autre but que de
faire le jeu de l'ennemi, que de transfor-
mer insensiblement l'armée en garde na-
tionale. -
* #
Voici, entre quatre fantômes de cava-
liers, un hussard et un chasseur, un
cuirassier et un dragon des Vieux de la
Vieille, le chapeau légendaire de l'Em-
pereur, le petit chapeau usé, taché, sali,
dont les bords déformés, les déchirures,
la cocarde déteinte, vous font songer à
quelque 'rude et longue campagne, à des
marches forcées que cinglait la pluie,
aux larges saluts qui planaient sur ceux
qui allaient mourir, sur les Aigles fré-
missantes des étendards en lambeaux.
Voici les chaises et la tabLe de bois qui
meublaient à Auxonne la chambre mo-
deste du pauvre lieutenant d'artillerie,
-dont le cœur se mourait d'ennui, le mors
de bride du cheval que le conquérant,
trahi par la fortuné, maintenait immo-
bile de ses doigts crispés, au milieu du
dernier carré de Waterloo. Voici la sé-
pia naïve qui représente l'étroite et basse
maison de Longwood, où se consomma
le crime des Anglais,. le modeste fau-
teuil de cuir où le prisonnier dicta les
pages sublimes du Mémorial; et des frag-
ments de tombe, des feuilles sèches de
saule pleureur ramassées par de pieuses
mains dans le vallon de tristesse qui fut
la dernière étape de l'exil et du martyre.
Plus loin, ce sont les uniformes éli-
més, déchiquetés des vétérans d'hier,
de ceux qui, comme le maréchal des lo-
gis chef de carabiniers Blachier, chevau-
chèrent de royaumes en royaumes, épin-
glèrent fièrement sous leur cuirasse bos-
selée et leur casque à chenille rouge la
liste des étapes d'Auerstœdb aux Quatre-
Bras, le baudrier splendide et le ceintu-
ron de parade de Lannes, des habits de
généraux chamarrés de broderies. Et la
isabrètache d'Antoine Tinchant, dit Ma-
rengo, avec ses emblèmes de la Révolu-
tion et la jambe de bois toute noirçie de
ce Daumesnil qui nargua si insolem-
ment les Alliés" la casquette du Père Bu-
igeaud, les lourds schakos des troupiers
de la légère qui conquirent pied à pied
Cette Algérie, où M. Loubet et ses mi-
nistres s'apprêtent à faire un voyage d'a-
grément, les chéchias des zouaves qui
montèrent à l'assaut de Constantine, les
belles tuniques pimpantes des volti-
geurs et des grenadiers qui gagnèrent la
partie à Magenta et à Solférino, et, vi-
sion morne qui vous serre le cœur,
qui vous emplit les yeux de larmes, la
vareuse déformée, rapiéciée, misérable,
le pantalon gris à bande rouge, le képi
an loques d'un moblot de soixante-dix,
d'un des derniers qui tentèrent de bar-
rer la route aux envahisseurs. Et l'épée
de Renaud de l'arrière-garde, et le sabre
'd'honneur que les francs-tireurs des
Vosges offrirent à l'ardent et téméraire
Bourras et le bâton semé d'abeilles don
du maréchal Canrobert dont nul net sur-
passa le courage, la loyauté et l'abnéga-
tion.
-. Voici enfin dans d'autres vitrines les
affiches prometteuses des sergents raco-
leurs qui attiraient, comme un miroir
à alouettes, les beaux gars sans ouvrage
'des villes et des champs, les placards
coloriés où quelque silhouette fringante
de bravache, le tricorne campé sur une
perruque à cadenettes; le torse sanglé
dans un bel habit passementé à revers
de moire, tentait les jeunes homiiies
plus que le chiffre illusoire de la solde
et le renom du colonel. Et les régiments
entiers, les états-majors de petits soldats
et de petits officiers du premier et du se-
cond Empire que découpèrent, que col-
lèrent sur du carton, qu'enluminèrent
durant des années et des années avec une
patience minutieuse et savante de béné-
dictin, deux braves bourgeois de Stras-
bourg, le père et le fils, cocardiers com-
me on l'était et comme on l'est aujour-
d'hui encore au pays perdu.
# *
*
Et devant ces précieuses reliques, de-
vant ces uni'formes superbes de cavaliers
et de fantassins qui étincelènent au soleil
id'Austerlitz et d'Iéna, je me. rappelai
l'importance qu'attachait aux moindres
détails de la tenue et de l'équipement
l'incomparable entraîneur d'hommes
.que fut Napoléon, les dessins, les pro-
jets qu'il demandait à ses artistes préfé-
rés, qu'il étudiait lui-même, qu'il retou-
chait, qu'il annotait de son écriture vio-
lente et tourmentée; je songeai à l'espè-
ce de costûme monochrome, disgracieux,
à moitié boër. à moitié anglais, dont la
général André médite d'affubler l'infan-
terie, la cavalerie, l'artillerie et le génie.
Que deviendrait l'esprit dei corps qui
est, presque autant que la discipline, la
force principale des armées, si cette ré-
forme s'ajoutait à tant d'autres dont s'in-
quiètent, à tort où à raison, nos chefs
Jes plus anciens et les plus réputés?
Obtiendrait-on de certaines troupes d'é-
pite et d'avanl-garde, les efforts et les élans
parfois surhumains que l'on en a obtenus
jusqu'ici, le jour où un simple parement
les distinguerait de leurs camarades?
Et combien hésiteraient à rengager, a~
rester au régiment, s'il devaient renoncer
à leur dolman de hussard ou à leur cas-
que de dragon?
Vive le panache qui dé-fie le péril et
qui conduit à la victoire!
FLAMBEAU.
— O
La Politiqua
L'autorité de Georges Leygues
Le diable devenu vieux se fait quelque-
fois ermite, surtout lorsqu'il ne peut plus
se faire ministre. M. Georges Leygues,
qui tout de même devient chaque jour
un peu moins jeune, se fait ermite à son
tour en attelndant qu'il se fasse ou qu'on
le fasse ministre. Surtout, il ne veut
pas qu'on l'oublie!
Et nous vîmes hier le séduisant Geor-
ges défendre les congrégations prédi-
cantes. Il les défendit sans succès. Mais
j'ai hâte d'ajouter que c'est à la tribune
seulement que notre gracieux Georges
n'est pas irrésistible. Il a employé de
bons arguments, et, favorisé par des in-
terruptions véhémentes, il n'a pu céder
à sa prolixité habituelle, Il fut donc, une
fois par hasard, au-dessus de lui-même;
ce n'est d'ailleurs pas dire qu'il s'est éle-
vé bien haut. En effet, la loi ou la léga-
lité, lorsque c'est le doux Georges qui les
invoque, ont l'air de ne plus être que des
plaisanteries infiniment aimables; et on
à tout de suite ernvie de ne plus les pren-
dre au sérieux.
M. Combes avait dit : « Exécutons d'a-
bord théoriquement toutes les congréga-
tions prédicantes; mais nous verrons en-
$ui|te id en toiérer quelques-unes, car
nous ne pouvons les supprimer, les li-
quider toutes à la fois. Et une congréga-
tion surtout, c'est dur à liquider! » M.
Georges Leygues lui répondit : « Mais
précisément la loi vise, prévoit et évite
ces difficultés en ordonnant l'examen, in-
dividuel de chaque demande d'autorisa-
tion et en interdisant de se prononcer par
un vote unique sur des espèces différen-
tes exigeant des votes distincts. »
Dès que le beau Georges. eut dit ces
paroles, on fut immédiatement enclin à
faire le contraire de ce qu'il disait. Pour-
quoi? Parce que Georges Leygues a cette
habitude de songer beaucoup moins au
grand intérêt de la patrie et de la Répu-
blique qu'à ses intérêts personnels. Et si
d'aventure il a raison, on se demande,
quel intérêt il a à avoir raison; et on ne
songe plus à suivre ses conseils. Tant
on pense qu'il est peu qualifié pour les
donner.
En politique, peu importe le conseil,
tout dépend de celui qui le donne! Le
groupe auquel appartient l'incomparable
Georges tient bien peu à ses opinions,
ou est bien mal organisé pour qu'il laisse
ainsi parler ceux qui peuvent le moins
efficacement agir sur la Chambre. Il a
laissé parler Georges Leygues. Il n'a.. pu
aboutir à rien et pendent interrupta ope-
ra. A propos d'opéra, en effet, on sait
trop à la Chambre que toutes les évolu-
tions du beau Georges doivent le condui-
re en quelque ministère; et que ce politi-
que n'aime tant le ballet que pour être
plus sûrement du côté du manche.
GIL BLAS.
^^1
Gil Blas sera seivi gratuitement, pen-
dant cinq jours, à toute personne qui
en fera la demande.
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à 2 heures, courses à Au-
teuil.
Pronostics du Gil Blas :
Prix de la Bise. — Chilpéric, Neuwied.
Prix Tant Mieux. - Touareg II, Révolu-
tionnaire.
Prix Grandmaster. - Idole, Hexamètre.
Prix de Porche fontaine. — Killarney,
Vieux Marcheur.
Prix Revenge. — Beliané, Tolbiac. -
Prix des Bouleaux. — Maréchal Niel, Ca-
nonnier. 1
WVVWWV
Où le mettra-t-on ?
C'est à propos du ministère des Colo-
nies qu'on peut se livrer à ce petit jeu de
société. Où instaHlera-tron, leis bureaux
dont on demande périodiquement le dé-
placement loin des collections du Lou-
vre ?
Un article de la loii de finances votée
l'année dernière, décidait impérative-
ment le transfert du ministère des Co-
lonies dans les locaux occupés par le
commissariat général de l'Exposition à
l'angle du quai d'Orsay et de l'avenue
Rapp. Mais ilyaraît — ce dont on ne
s'était pas avisé — qu'en n'y pourrait
transporter que les bureaux ; les appar-
tements du ministre devraient, faute de
place, rester au pavillon de Flore. C'est
dire que les craintes d'incendiel subsis-
teraient. Aussi va-t-on proposer au Par-
lement de revenir sur la décision prise,
- il y a moins d'un an.
Le gouvernement; a, dans ce but, fait
étudier une autre solution. C'est dans un
immeuble du quai d'Orsay, appartenant
au Domaine, que serait installé le minis-
tère des Colonies : on pourrait y établir
tous ses bureaux, tous les services de ce
ministère et aussi les appartements du
ministre. Ce second projet va être porté
à bref délai devant les Chambres. Sans
doute on l'adoptera ; et un nouveau vote,
non moins impératif que le précédent,
mais en contradiction avec lui, inter-
viendra. En tiendra-t-on compte cette
fois ? et donnera-t-on enfin à cette grave.
question la prompte et définitiver solu-
tion, depuis si longtemps réclamée et at-
tendue ? Nous le souhaitons, sans trop
l'espérer. ,
1/vwwwv
A propos d'Arsène Houssaye.
L'auteur des Grandes Darnes, des
Courtisanes du Monde et de tant d'au-
tres œuvres de goût parfait, mais si ga-
lantes, fut le plus tendre des pères et des
maris.
Il fut marié deux fois, la première
dans des circonstances qui rappellent
un peu le roman mêlé de larmes et d'é-
preuves de Swift, ce grand maître de
la manière noire comme Arsène Hous-
saye fut le petit maître de la manière
rose. Lui-même a raconté dans ses Sou-
venirs ce jeu de l'Amour et du Hasard.
Etant déjà fiancé avec Mlle Y. H.,
il rencontra par un hasard mondain
Mlle Fanny Bourgeois de la Valette. La
distinction de son esprit, le charme de sa
personne, firent sur le jeune écrivain
une impression tellement victorieuse
qu'il ne tarda pas à « voir clair dans son
cœur » et à se convaincre qu'il n'appar-
tenait plus ni à celle à qui il s'était pro-
mis, ni à lui-même.
Le plus beau et le plus rare dans cette
délicate histoire, c'est que Mlle Y. H.,
amie de celle qui lui était préférée, par-
donna et à l'infidèle et à son amie elle-
même.
L'union d'Arsène Houssaye avec Mlle
de la Valette devait être rompue par la
mort, après douze ans seulement, En
1862 il se remaria avec une jeune Péru-
vienne, Mlle Jane della Torre, qui fut,
elle aussi, enlevée après deux ans, deux
courtes années de mariage. Oh ! qu'ils
doivent être deux fois amers les mal-
heurs d'un homme heureux !.
Peut-être est-ce là le secret du travail
énorme dans lequel atmait à se plonger
cet épicurien d'un autre âge égaré parmi
nous.
I\N\I\I\I\I\I\,
Les gaietés de la correctionnelle.
On sait que l'application de la loi Bé-
renger assure au condamné la virginité
de son casier judiciaire pendant cinq
ans, et la plupart des présidents en ex-
pliquent ainsi le fonctionnement : « Con-
duisez-vous bien pendant cinq ans, ne re-
commencez plus et vous ne ferez pas.
votre peine ! » ,
M. la président Séré de Rivières, dont
les mots d'esprit ont fait pendant quatre
ans la joie de la chambre des divorces et
qui vient d'être nommé à la huitième
chambre correctionnelle, emploie une
formule à la fois plus sceptique et plus
moderne : « Vous avez la loi Bérenger,
dit-il, au délinquant ; dans cinq ans seu-
lement vous pourrez recommencer J »
'\I\I\I\I\I\N\,
La coupe. et les lèvres.
Oyez la grande tentation d'un conser-
vateur de Musée, ses perplexités et com-
ment il échappa à ce malheur dont parle
le proverbe.
C'était à. dans une grande capitale
d'Europe, entre Lisbonne et Saint-Pé-
tersbourg. Le conservateur d'antiques
en question reçut un jour cette lettre f
« Vouleiz-vous acquérir un vase célè-
bre dans l'histoire de la céramique ? Je
suis prêt à vous l'assurer. Seulement,
gardez le secret et décidez-vous vite. »
Le vase était signé ; la description en
figurait, détaillée et gravée dans tous les
recueils spéciaux. On voulait le vendre
en secret, pour tourner une loi de pro-
tection des objets di'art fort sévère dans
le pays d'origine.
Le crâne du conservateur connut ce
jour-là une tempête. Mais la tentation ga-
gnait de plus en plus sur le scrupule. En-
fin l'examen de la pièce le décida, appuyé
par la confrontation avec les gravures et
les mesures soigneusement prises au
compas sur les planches gravées et repor-
tées sur l'original.
Survient un ami.
— Quelle chance inespérée! s'écrie le
savant. La merveille des merveilles 1
Non, je ne la laisse pas échapper!
— Etes-vous bien sûr de l'authenti-
cité ?
— Comment ? Voyez la planche, et
voyez l'objet : les personnages'ont les
mêmes dimensions ; l'intervalle entre
eux est exactement le même ; prenez ce
compas et mesurez.
L'ami eut un sourirei :
- Donc, la coupe est fausse, dit-il.
'— Comment ?.
---.. Mais c'est justement cette identité
mathématique des mesures qui prouve le
faux ; la gravure est plane et la coupe
est ronde. Si cette coupe était la vraie,
le repérage ne devrait pas, précisément
à cause de la concavité, coïncider avec
l'image figurée. Ce n'est pas la gravure
qui a été faite sur la coupe, c'est la coupe
qui a été laite. d'après la gravure.
Le savant donna à son ami une poi-
gnée de main éloquente. Et le lende-
main, quand la direction des musées lui
demanda son opinion :
— C'est un faux, dit-il très nettement.
Cela saute aux yeux !.
wwwwv
Pour Augusta Hotmès.
Les amis de la poétesse et de la musi-
cienne avaient eu la touchante pensée de
donner un concert pour accomplir son
dernier vœu : avoir une tombe, à Versa.il-
;les, auprès de son père.
Leur appel a été compris et a ras-
semblé hier, dans une commémoration
d'art et de cœur, quelques-uns de nos pre-
miers artistes et une assistance très bril-
lante.
La musique et les vers dAugusta Hol-
mès formaient naturellement le pro-
gramme. Des vers inédits, passionnés et
frémissants, des musiques célèbres, et
qui ont soulevé déjà bien des émotions.
Mlle Lucienne Bréval a chanté avec sa
grande maîtrise un air de la Montagne
Noire et une Sérénade de Printemps ;
le compositeur Raynaldo Hahn a montré
qu'il interprète exquisement d'autres
mélodies que les siennes. Mlle de Béri-
dez, M. Paul Gamurtt et un trio d'artis-
tes, pianiste, violon, violoncelle, ont
complété ce concert, qui a ravive les re-
grets d'un sort si rigoureux, d'une vie
si tôt tranchée,, d'un talent frappé en
pleine fécondité.
+ "WWWWV
Les vieux cris de Paris.
Qui se souvient de ces anciens cris de
Paris, jadis l'animation de nos échos,
des rues étrolites. et sinueuses et des
sombres cours des derniers vieux quar-
tiers ? Ils vont rej oindre dans l'oubli,
les romances et les chansons de nos pè-
res. Et cependant l'un de ces cris pitto-
resques refleurit avec le doux prin-
temps. C'est le gai, c'est le bien chan-
tant : « Plantez, plantez n}esdames..
c'est la saison d' planter !. » On l'en-
tend depuis quelques jours sur les hau-
teurs Saint-Jacques et sur le versant
« MouffeiLard » de la sainte Montagne.
On fait des concours d'enseignes ar-
tistiques et des concours de jouets pari-
siens. Dans Louise, Charpentier a ciselé
comm,e un bijou le joli cri : Voilà le plai-
::r, mesdames ! Voilà le plaisir ! N'est-il
donc pas un moyen de sauver Tes der-
niers cris de Paris et de faire revivre les
plus pittoresques ?
-WWWWV
MEDAILLON
Ibsen.
Le vieux génie de la Norvège vient d'at-
teindre ses soixante-quinze ans.
Parmi son peuple et à l'étranger, une élite
— cette élite qui seide compte à ses yeux —
avait projeté de célébrer cette date par de
grandes fêles, des envois de dépulaliojis, des
journées d'hommage public. La santé d'Ib-
sen ne l'a pas permis. Pendant de longues
années, isolé de par sa nature et sa volonté,
il cache aujourd'hui, et on l'aide pieusement
à. cacher, son lent et mélancolique déclin.
Pour cet anniversaire, Ibsen a reçp, quan-
tité d'adresses, de dépêches, qu'il n'a sans
doute point lues. La jeunesse, de près et de
loin, l'a couvert de fleurs, espérons-le, sans
l'arrière-pensée qu'il a exprimée avec une
profondeur amère en faisant tuer par Hilde
Solness le Constructeur, qu'elle admire. On
a fleuri le vieil homme du Nord même d'ita-
lie, de ce pays de soleil et de libre vie qui l'a
séduit, lui aussi, comme les, filles de Sicile
avaient séduit autrefois les rudes Vikings
ses ancêtres.
En ce jour Ibsen a vu un seul visiteur :
Biœrnstiern-Bjœrnson. Ce Capulet et ce
Monlaigu de la pensée, qui se sont disputé
si longtemps la domination sur l'âme pas-
sionnée, mobile, et violente de leur race, ont
causé de bonne amitié : tels deux capitaines
après un abordage dans lequel il n'y a eu ni
vainqueur ni vaincu. Ibsen a déposé les ar-
mes : il ne peut plus écrire ; il n'a jamais
aimé à parler. Et, aujourd'hui, les mots mê-
mes commencent à le fuir. La pensée inté-
rieure renie seule debout dans ce fort len-
tement démantelé. Bjœrnson est encore en
pleine possession de ses forces de combat-
tant., mais lui aussi serti les approçlies de
ce soir qui apaise les controverses dans l'é-
ternel silence. Et les deux vieux adversaires
se tendent la main dans l'ombre grandissan-
te qui va les envelopper. — TH. L.
wwwwv
Est-elle équestre ? , r
Les naturels de la jolie petite ville de
Gaillac ont été émus, ces jours derniers,
par un cependant bien inoffensif écho
de Gil Blas, qui signalait ce détail char-
mant : la statué d'un maréchal — c'est
le général d'Hautpoul en réalité — qui
orne la place principale de la ville, est dé-
signée sur le piédestal comme statue
équestre, alors que ce brave militaire,
mis à pied, s'appuie mélancoliquement
sur son sabre de bataille.
Et les nobles habitants réclament; ils
réclament, d'ailleurs, pour confirmer. Car
voici l'Inscription exacte que porte le pié-
destal :
« Il sera fait, avec le bronze des canons
« pris à Vennemi, une statu:e équestre au
a général d'Hautpoul. ».
'«NAPOLÉON.»
Sans doute le vaillant soldat est repré-
senté en pied, mais on peut croire qu'il
abandonna son cheval aux mains de son
ordonnance. C'est du moins ce que ra-
content les spirituels Gaillacois, pour ex-
primer le phénomène.
A propos de cette statue, on narre, à
Toulouse, cette historiette.
« Un jour, quelques artistes lyriques
« passent en tournée à Gaillac. L'un
« d'eux, choriste au Capitole, va se pro-
« mener à travers la ville et, au retour,
« ses camarades l'interrogent :
« - As-tu vu la statue du général?
« —Certes!
« — Eh bien, est-elle équestre?
« Le digne choriste est bouleversé
« d'un tel mot. Equestre, cela ne lui dit
« rien. Alors, pour ne pas trop se com-
« promettre :
« — Si elle est équestre? Mon Dieu,
«. oui, un peu. »
'\I\I\N\I\I\IV\
« Le carnet du Roi ».
Les Argus de la frontière, de Bruxelles
et de toute la Belgique, recherchent tou-
jours très activement les traces du fa-
meux Carnet du Roi, édité à Paris et in-
troduit clandestinement dans le royau-
me de Léojjold II. Quoique tous les li-
braires aient reçu des visites de saisie,
le Carnet scandaleux continue à courir
sous le manteau. Et la police des stations
vient encore d'en saisir plusieurs en-
vois.
Entre la Belgique et nous, c'est, depuis
-longtemps, un libre échange de publica-
tions interdites et pourchassées. Sous
l'Empire elle nous envoyait la Lanterne
de Rochefort, cachée de la manière la
plus ingénieuse, et jusque dans des bus-
tes de Napoléon III. Cette fois, c'est nous
qui faisons passer aux Belges le préten-
du Carnet du Roi. Des couvertures éti-
quetées Cuisinière belge ou autres titres
inoffensifs et de tout repos couvrent cette
contrebande explosive.
wwwwv
Enfin. seuls f
Oui, seuls, mais chacun de son côté,
et. pour jamais. Un communiqué offi-
cieux de M. André Giron le confirme :
« Ces jours derniers on a fait entendre à
la princesse que l'enfant qu'elle attend
lui serait enlevé si elle ne voulait pas-
rom pre i rrévo cable m en t.
« Il s'est livré alors entre la mère et
l'amante un combat suprême dont la
mère est sortie triomphante. Elle a donc
décidé, àprès bien des larmes, de renon-
celr pour toujours à lui. »
Cela pour mettre un point final à la
première grande histoire passionnelle du
vingtième siècle, qui fut mêlée, comme
toutes les choses humaines, de tristesses
sincères et de quelque involontaire co-
mique.
Mais il faut s'attendre à un épilogue
quand même. La princesse Louise, pro-
fondément irritée du manifeste du roi de
Saxe qui la drape comme on sait, a dit. :
« Ainsi voilà le remerciement du silence
que j'ai gardé! » Elle veut maintenant ri-
poster par des révélations. Cette réponse
serait intitulée : Pourquoi je les ai quit-
tés.
Et M. Giron?
Il pourra méditer ceci à propos de son
aventure :
Un jour Bismarck reçut la visite du
prince. Alexandre. de Battenberg. Les
Bulgares lui offraient un trône. Lui, hési-
tait :
- Acceptez toujours, lui dit Bismarck,
avec son sourire à la Méphistophélès ;
cela vous fera un joli souvenir de jeu-
nesse.
Ce mot de Pascal, de vue plus haute,
peut servir aussi de guide à un jeune
homme désorienté :
« Qu'une vie est belle, qui commence 1
par l'amour et finit par l'ambition. »
'WWWWV
« l a Gangues.
La Gangue, le nouveau roman de Paul
Brulat, ce chef-d'œuvre de passion et de
sensibilité frémissante, a déjà conquis
l'admiration des lettrés, mais il s'affirme
aussi comme un grand succès de protes-
tation contre une littérature frivole ou
obscène. En six semaines, plus de vingt
mille exemplaires de La Gangue se sont
enlevés. C'est un (le ces livres, rares au-
jourd'hui, dont on peut dire qu'on se
sent meilleur après les avoir lus.
V\",/!'f''
Les chefs-d'œuvre des Grands Maîtres.
Posséder les , Chefs - d? œuvre des
Grands Maîtres, ce souhait que nul n'o-
sait formuler jusqu'ici, loi librairie Ha-
chette le réalise aujourd'hui. Désormais,
pour le décor artistique de la maison, les
plus beaux tableaux des grands musées
se trouvent être à la portée de tous. L'ou-
vrage sera complet en 15 livraisons de
quatre gravures chacune. Chacune de
cés gravures peut être encadrée. On se
disputera les livraisons, on voudra les
avoir toutes. La modicité de leur prix r
1 fr. 50 n'a jamais été atteinte. On prévoit
pour cette publication d'art véritable-
ment populaire, le plus franc, !e I:lus du-
rable et le plus universel succès.
WWWWV
Les étrangers eux-mêmes reconnais-
sent, d'ailleurs fort galamment., la supé-
riorité du goût français en matière d'art;
mais il est une branche entre toutes, où
nos artistes ne rencontrent pas de rivaux,
c'est dans l'affiche, qui depuis plusieurs
années s'est transformée, et est devenue
véritablement artistique; les maîtres en
ce genre se sont créé-une réputation de
goût pleinement justifiée, par le chic et
le cachet do leurs œuvres, et dans cet
ordre d'idées il faut mettre au premier
rang, toute la série d'affiches du jeune
et déjà célèbre artiste Misti, dont les
compositions murales spécialement exé-
cutées pour les différentes expositions
des grands Magasins de Pygmalion, fu-
rent si remarquées par le public pari-
sien : mais cette fois, on peut dire que le
jeune peintre s'est surpassé, car sa der-
nière affiche, qui fait l'ornement des
murs de la Capitale, est incontestable-
ment une œuvre de premier ordre, vive-
ment appréciée par tous les connais-
seurs..
wwwwv
On demandait à Napoléon après la
campagne de Russie :
— Vous êtes-vous arrêté longtemps à
Moscou? <
- Non, je l'ai «@brûlée, n..
LE DIABLE BOITEUX.
L'ORGANISTE PRODIGE
de Saint-Maur
Un nouveau petit Mozart nous serait-il né?
En tous cas, ce ne serait pas un Mozart pia-
niste, mais un Mozart organiste. Il a neuf
ans, le petit virtuose. Dans la commune de
Saint-Maur, il n'est question que de lui et
bientôt sa réputation va avoir dépassé les
limites de l'octroi et franchi les fortifications
de Paris.
C'est un délice que d'aller à la découverte
du jeune phénomène par une tiède journée
de printemps qui suspend de la neige blan-
che ou rose à tous les arbrisseaux. J'arrive
à Saint-Maur-les-Fossés sans connaître mê-
me le nom du petit bonhomme déjà célèbre,
et le premier habitant du village que j'inter-
pelle sait de qui je veux parler.
— Vous voulez voir, me dit-il, le jeune
Pierre Chagnon, le fils du professeur de mu-
sique ? Tenez, là-bas, rue de l'Abbaye.
Le logis est vite trouvé : petit apparte-
ment gentil et modeste ; dans le salon très
bourgeoisement meublé, avec au milieu, un
piano, une gravure représente Mozart en-
fant. Comme Léopold, le père de Mozart, le
père du petit Chagnon enseigne la musique ;
et peut-être la gravure de Mozart enfant
n'est-elle pas là par un @ simple hasard : on es-
père chez les Chagnon avoir en la personne
du "jeune Pierre un futur Mozart.
Le petit Pierre arrive, appelé par sa mère :
une bonne figure de gamin espiègle qui, dès
qu'il a dit bonjour, s'enfuit pour aller jouer.
Il faut presque le gronder pour qu'il consente
à rester dans le salon et subir un léger inter-
rogatoire. Mais voyant qu'il n'y a pas grand'-
chose à tirer du jeune virtuose, son père lui
demande de se mettre au piano, et Pierre
commence une sonate de Mozart qu'il inter-
rompt pour passer à une fugue de Bach ; là
vraiment je commence à être surpris. Il y
a au Conservatoire des gamins ou des ga-
mines qui peuvent « attraper » du Mozart ;
mais du Bach ! c'est une autre affaire, et sur-
tout Pierre Chagnon y témoigne d'une égalité
de doigts, d'une pureté de style, qu'il a évi-
demment eu à peine le temps d'acquérir et
qui sont presque un don naturel. ;
Mais le père me raconte que le piano n'est -
qu'un amusement pour son fils ; là où il ex-
celle, c'est à l'orgue. Depuis deux ans qu'il
tient l'orgue à l'église de Saint-Maur, il ac-
complit des prodiges ; il improvise avec une
rare facilité. Aux mariages, aux enterre-
ments, c'est lui qui, sans s'être fait rempla-
cer une seule fois, a joué régulièrement. Ah !
s'il pouvait noter tout ce qui lui a passé par
la tête depuis ces deux ans! Et M.Chagnon me
montre un 0 Salutaris que l'enfant a écrit en
cachette, sur le bout d'une table, pendant
qu'à l'école du village un maître lui ensei-
gnait l'arithmétique. Il va sans dire que le
petit Pierre n'a aucune disposition pour Je
calcul ; mais comme il a une mémoire prodi-
gieuse, il arrive, malgré son inattention sou-
tenue, à étoncer son professeur en lui redi-
sant, à quelques erreurs près, la leçon qu'il 1
vient d'entendre distraitement.
— Ah ! monsieur , si j'avais les moyens
de faire faire des études sérieuses de musi-
que à ce petit bonhomme ! Comme il irait
loin ! Il a neuf ans ; je l'envoie au cours de
solfège du Conservatoire, mais c'est vrai-
ment trop peu pour développer les disposi-
tions qu'il montre. Songez qu'à l'âge de qua-
tre ans il me nommait imperturbablement
toutes les notes que je touchais sur le pia-
no; que trois mois plus tard, il me suffisait
de plaquer un accord, si bizarre qu'il fût
pour qu'il m'en désignât sans faute la tona-
lité. Je lui ai donné dès lors des leçons de
piano, et ses petits doigts qui pouvaient à
peine atteindre les notes exécutaient en lest
simplifiant, mais en en donnant l'impression
toutes les difficultés. Aujourd'hui, il raffole
de la musique classique la plus pure : le'
études ardues de Bach, les fantaisies de
Hummel, les sonatines de Moschelès, les
pièces de Couperin, n'ont plus de secret pour
lui. Regardez tous les livres qu'il lit : ce
sont des biographies de musiciens célèbres..
Son professeur d'orgue, M. Priad, est émer-
veillé de ses progrès ; et si notre-petit Pierre
a des facilités naturelles. M. Priad a hea nnnnrL.
fait pour les perfectionner. - Il lui a surtout
permis de tenir l'orgue dont il est le titulaire
dans l'église de Saint-Maur ; et nous lui en
sommes profondément reconnaissants. C'est:
à lui que Pierre doit d'avoir pu exécuter son
0 Salutaris avec accompagnement de violon
et violoncelle. Je vous assure que ce jour-là,
l'église de Saint-Maur avait une belle affluen.
ce de fidèles et que mon gamin a eu de chau-
des et sincères félicitations.
'- Mais il faut le pousser votre fils, dis-je
à M. Chagnon. Aujourd'hui, avec les bourses
de l'Etat, on a moins de peine à apprendre
qu'autrefois; et nul doute qu'au concours vo-
tre fils ne soit le premier..,
— Oui,. mais il faudrait conduire mon fils
tous les jours à Paris,, et nous avons trois
enfants à élever, et-des leçons à donner ici
dans le village. On ne peut pas tout abandon-
ner, il faut vivre.
Le jeune Pierre rentre sur ces entrefaites,
rouge d'avoir couru, et je lui fais des com-
pliments dont il n'a pas l'air de se soucier..
Je lui demande ce qui lui ferait plaisir. Et le
gamin me réplique :
— Je voudrais une bicyclette pour pouvoir
aller à Paris tons les jours, et un piano, parce
que le nôtre est bien usé.
Voilà des vœux qui ne sont pas assez im«
possibles pour n'être pas réalisés. Mozart.
lui, n'aurait peut-être souhaité qu'un piano
ou un clavecin. Mais il faut être de son
temps, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en soit. le
nom du jeune Pierre Chagnon est à retenir j
c'est un compositeur qui promet.
Louis Schneider.
-—.————-————— O ——'——————— -V
L'HOMME DU JOUR
Faire parler de soi les hommes,
Tente l'humaine vanité ;
, Et cela procure des sommes
Aux courtiers de publicité.
Alcibiade était d'Athènes,
Qui coupa la queue à son chien..
Mais, dans des cités moins lointaines,
Beaucoup l'imitent assez bien.
Tam-taro ! Pétard ! Chichi ! Réclame i •
Tout ce qui vous distingue est bon.
D'aucuns sont friands de la lame,
Comme un gourmand l'est de jambon l
Mais voyez ! La Gloire est ingrate L ,
Elle te fuit, toi qui l'attend& ;
Tel, qu'elle démange, se gratte,
Et pourra se gratter longtemps ;
Cependant que tel qui s'en fiche,
— Pour ce bon motif qu'il est mort, —
Reverrait son nom sur l'affiche,
Si les morts pouvaient voir encor 1
Car enfin, celui dont on cause,
L'homme du jour et des journaux,
L'ancien vivant, dont le nom cause
Des flux d'encre phénoménaux,
Ce n'est ni Pierre Decourcelle,
Ce n'est ni Champsaur ; ni Jaurès.
Ni Sarah, Cadenat, ni Selle t
C'est çe vieux Saitaphamès !
LOUIS MARSOLLEAU.
Le crime du Cercle
, de la rue Cambon
Par MAURICE LEBLANC
Pour qui connaît la disposition des
lieux, ce crime du oerole de la rue Cam-
bon, dont tout le monde s'entretient, est
vraiment inexplicable. Il faut bien sa
rendre compter en effet, que la rotonde
désormais fameuse, où la chose s'est ac-
complie, fait en réalité-partie de la salle,.
où se trouvaient les joueurs, et que la
baie qui s'ouvre d'une pièce sur l'autre,
n'est fermée que par un. simpJe rideau
de velours. Or, entre l'instant où M. Ri-
chevance, la victime, a quitté la table
pourpier fumer une cigarette à l'une des
fenêtres de ladite rotonde, iusau'à l'ins-
tant où ses collègues l'ont trouvé à terre,
baigné de sang et frappé de coups de cou-
teau, personne n'a pénétré dans la roton-
de et personne n'en est sorti.
En outre, pas un bruit, ce qui estpeuf-
être plus étonnant encore, étant donnée
la proximité de l'endroit. Et puis, quel
motif ? Ni la montre de M. Richevance,,
ni ses bagues, ni son portefeuille, n'ont
disparu. Dans de telles conditions, com-
ment serait-il possible de découvrir la
vérité ?
Cependant hier — je tiens le fait d'una
source certaine, et j'en connais tous les
détails — hier, le comité du cercle s'étant
réuni, M. de Beautrelef, un ancien ma-
gistrat qui a suivi l'affaire de très près,
M- de Beautrelet a pris la parole en ces
termes :
— C'est à minuit quarante que M. Ri-
chcvance proposa un écarté, "s'offrant à
tenir tous les coups. Six de nos collègues
étaient encore présents. Ils acceptèrent.
La partie fut d'abord des plus calmes,
car si M. Richevance était devenu peu à
peu, par suite de sa vie aventureuse, une
sorte de professionnel du jeu, nos amis,
bien que fort beaux joueurs et coutu.-
JEUDI 26 MARS 1905
A. PEITIV R-P. OLLENDORFF
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On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste
Devant des Relipes
Tandis que, le jour de la Mi-Carême,
le populaire s'écrasait, tumultueux,
avide, de plaisir,. autour - des chars
de clinquant et des masques d'oc-
.casio n, huriait à la joie, se fouettait de
confettis poussiéreux avec une sorte do
délire, refluait comme quelque énorme
iame de fond sur les boulevards endi-
manchés, je me suis réfugié au musée
de l'Armée.
Il n'est pas un lieu de pèlerinage où
rame puisse mieux se retremper, s'exal-
lber, se consoler et vibrer pour peu qu'elle
ait le vertige dei la gloire et l'adoration
du passé.
De chaque chose émane un souvenir,
5in exemple et une leçon d'énergie. L'E-
popée y revit fulgurante et fabuleuse.
.On se sent tout petit parmi ces épaves de
géants. On s'imagine que dans - ce si-
lence d'eglise vont strider soudain des
fanfares de victorieux, des salves d'or-
- gueil, des clameurs formidables- de mê-
lée et de charge, des voix dominatrices
et entraînantes de héros. On a honte de
soi-même, de n'avoir rien ajouté aux
fastes que ces braves entre les braves
éclaboussèrent presque tous de leur
sang généreux. On regrette plus amère-
ment qu'ailleurs d'être venu, comme l'a
'dit le poète, trop tard dans un siècle trop
vieux, dans des temps de paix obligatoi-
re et de veulerie servile où les drapeaux
attendent vainement le baptême du feu,
où l'on rit des songei-creux entêtés qui
aspirent quand même à une revanche,
où de lamentables lois militaires sem-
blent ne poursuivre d'autre but que de
faire le jeu de l'ennemi, que de transfor-
mer insensiblement l'armée en garde na-
tionale. -
* #
Voici, entre quatre fantômes de cava-
liers, un hussard et un chasseur, un
cuirassier et un dragon des Vieux de la
Vieille, le chapeau légendaire de l'Em-
pereur, le petit chapeau usé, taché, sali,
dont les bords déformés, les déchirures,
la cocarde déteinte, vous font songer à
quelque 'rude et longue campagne, à des
marches forcées que cinglait la pluie,
aux larges saluts qui planaient sur ceux
qui allaient mourir, sur les Aigles fré-
missantes des étendards en lambeaux.
Voici les chaises et la tabLe de bois qui
meublaient à Auxonne la chambre mo-
deste du pauvre lieutenant d'artillerie,
-dont le cœur se mourait d'ennui, le mors
de bride du cheval que le conquérant,
trahi par la fortuné, maintenait immo-
bile de ses doigts crispés, au milieu du
dernier carré de Waterloo. Voici la sé-
pia naïve qui représente l'étroite et basse
maison de Longwood, où se consomma
le crime des Anglais,. le modeste fau-
teuil de cuir où le prisonnier dicta les
pages sublimes du Mémorial; et des frag-
ments de tombe, des feuilles sèches de
saule pleureur ramassées par de pieuses
mains dans le vallon de tristesse qui fut
la dernière étape de l'exil et du martyre.
Plus loin, ce sont les uniformes éli-
més, déchiquetés des vétérans d'hier,
de ceux qui, comme le maréchal des lo-
gis chef de carabiniers Blachier, chevau-
chèrent de royaumes en royaumes, épin-
glèrent fièrement sous leur cuirasse bos-
selée et leur casque à chenille rouge la
liste des étapes d'Auerstœdb aux Quatre-
Bras, le baudrier splendide et le ceintu-
ron de parade de Lannes, des habits de
généraux chamarrés de broderies. Et la
isabrètache d'Antoine Tinchant, dit Ma-
rengo, avec ses emblèmes de la Révolu-
tion et la jambe de bois toute noirçie de
ce Daumesnil qui nargua si insolem-
ment les Alliés" la casquette du Père Bu-
igeaud, les lourds schakos des troupiers
de la légère qui conquirent pied à pied
Cette Algérie, où M. Loubet et ses mi-
nistres s'apprêtent à faire un voyage d'a-
grément, les chéchias des zouaves qui
montèrent à l'assaut de Constantine, les
belles tuniques pimpantes des volti-
geurs et des grenadiers qui gagnèrent la
partie à Magenta et à Solférino, et, vi-
sion morne qui vous serre le cœur,
qui vous emplit les yeux de larmes, la
vareuse déformée, rapiéciée, misérable,
le pantalon gris à bande rouge, le képi
an loques d'un moblot de soixante-dix,
d'un des derniers qui tentèrent de bar-
rer la route aux envahisseurs. Et l'épée
de Renaud de l'arrière-garde, et le sabre
'd'honneur que les francs-tireurs des
Vosges offrirent à l'ardent et téméraire
Bourras et le bâton semé d'abeilles don
du maréchal Canrobert dont nul net sur-
passa le courage, la loyauté et l'abnéga-
tion.
-. Voici enfin dans d'autres vitrines les
affiches prometteuses des sergents raco-
leurs qui attiraient, comme un miroir
à alouettes, les beaux gars sans ouvrage
'des villes et des champs, les placards
coloriés où quelque silhouette fringante
de bravache, le tricorne campé sur une
perruque à cadenettes; le torse sanglé
dans un bel habit passementé à revers
de moire, tentait les jeunes homiiies
plus que le chiffre illusoire de la solde
et le renom du colonel. Et les régiments
entiers, les états-majors de petits soldats
et de petits officiers du premier et du se-
cond Empire que découpèrent, que col-
lèrent sur du carton, qu'enluminèrent
durant des années et des années avec une
patience minutieuse et savante de béné-
dictin, deux braves bourgeois de Stras-
bourg, le père et le fils, cocardiers com-
me on l'était et comme on l'est aujour-
d'hui encore au pays perdu.
# *
*
Et devant ces précieuses reliques, de-
vant ces uni'formes superbes de cavaliers
et de fantassins qui étincelènent au soleil
id'Austerlitz et d'Iéna, je me. rappelai
l'importance qu'attachait aux moindres
détails de la tenue et de l'équipement
l'incomparable entraîneur d'hommes
.que fut Napoléon, les dessins, les pro-
jets qu'il demandait à ses artistes préfé-
rés, qu'il étudiait lui-même, qu'il retou-
chait, qu'il annotait de son écriture vio-
lente et tourmentée; je songeai à l'espè-
ce de costûme monochrome, disgracieux,
à moitié boër. à moitié anglais, dont la
général André médite d'affubler l'infan-
terie, la cavalerie, l'artillerie et le génie.
Que deviendrait l'esprit dei corps qui
est, presque autant que la discipline, la
force principale des armées, si cette ré-
forme s'ajoutait à tant d'autres dont s'in-
quiètent, à tort où à raison, nos chefs
Jes plus anciens et les plus réputés?
Obtiendrait-on de certaines troupes d'é-
pite et d'avanl-garde, les efforts et les élans
parfois surhumains que l'on en a obtenus
jusqu'ici, le jour où un simple parement
les distinguerait de leurs camarades?
Et combien hésiteraient à rengager, a~
rester au régiment, s'il devaient renoncer
à leur dolman de hussard ou à leur cas-
que de dragon?
Vive le panache qui dé-fie le péril et
qui conduit à la victoire!
FLAMBEAU.
— O
La Politiqua
L'autorité de Georges Leygues
Le diable devenu vieux se fait quelque-
fois ermite, surtout lorsqu'il ne peut plus
se faire ministre. M. Georges Leygues,
qui tout de même devient chaque jour
un peu moins jeune, se fait ermite à son
tour en attelndant qu'il se fasse ou qu'on
le fasse ministre. Surtout, il ne veut
pas qu'on l'oublie!
Et nous vîmes hier le séduisant Geor-
ges défendre les congrégations prédi-
cantes. Il les défendit sans succès. Mais
j'ai hâte d'ajouter que c'est à la tribune
seulement que notre gracieux Georges
n'est pas irrésistible. Il a employé de
bons arguments, et, favorisé par des in-
terruptions véhémentes, il n'a pu céder
à sa prolixité habituelle, Il fut donc, une
fois par hasard, au-dessus de lui-même;
ce n'est d'ailleurs pas dire qu'il s'est éle-
vé bien haut. En effet, la loi ou la léga-
lité, lorsque c'est le doux Georges qui les
invoque, ont l'air de ne plus être que des
plaisanteries infiniment aimables; et on
à tout de suite ernvie de ne plus les pren-
dre au sérieux.
M. Combes avait dit : « Exécutons d'a-
bord théoriquement toutes les congréga-
tions prédicantes; mais nous verrons en-
$ui|te id en toiérer quelques-unes, car
nous ne pouvons les supprimer, les li-
quider toutes à la fois. Et une congréga-
tion surtout, c'est dur à liquider! » M.
Georges Leygues lui répondit : « Mais
précisément la loi vise, prévoit et évite
ces difficultés en ordonnant l'examen, in-
dividuel de chaque demande d'autorisa-
tion et en interdisant de se prononcer par
un vote unique sur des espèces différen-
tes exigeant des votes distincts. »
Dès que le beau Georges. eut dit ces
paroles, on fut immédiatement enclin à
faire le contraire de ce qu'il disait. Pour-
quoi? Parce que Georges Leygues a cette
habitude de songer beaucoup moins au
grand intérêt de la patrie et de la Répu-
blique qu'à ses intérêts personnels. Et si
d'aventure il a raison, on se demande,
quel intérêt il a à avoir raison; et on ne
songe plus à suivre ses conseils. Tant
on pense qu'il est peu qualifié pour les
donner.
En politique, peu importe le conseil,
tout dépend de celui qui le donne! Le
groupe auquel appartient l'incomparable
Georges tient bien peu à ses opinions,
ou est bien mal organisé pour qu'il laisse
ainsi parler ceux qui peuvent le moins
efficacement agir sur la Chambre. Il a
laissé parler Georges Leygues. Il n'a.. pu
aboutir à rien et pendent interrupta ope-
ra. A propos d'opéra, en effet, on sait
trop à la Chambre que toutes les évolu-
tions du beau Georges doivent le condui-
re en quelque ministère; et que ce politi-
que n'aime tant le ballet que pour être
plus sûrement du côté du manche.
GIL BLAS.
^^1
Gil Blas sera seivi gratuitement, pen-
dant cinq jours, à toute personne qui
en fera la demande.
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à 2 heures, courses à Au-
teuil.
Pronostics du Gil Blas :
Prix de la Bise. — Chilpéric, Neuwied.
Prix Tant Mieux. - Touareg II, Révolu-
tionnaire.
Prix Grandmaster. - Idole, Hexamètre.
Prix de Porche fontaine. — Killarney,
Vieux Marcheur.
Prix Revenge. — Beliané, Tolbiac. -
Prix des Bouleaux. — Maréchal Niel, Ca-
nonnier. 1
WVVWWV
Où le mettra-t-on ?
C'est à propos du ministère des Colo-
nies qu'on peut se livrer à ce petit jeu de
société. Où instaHlera-tron, leis bureaux
dont on demande périodiquement le dé-
placement loin des collections du Lou-
vre ?
Un article de la loii de finances votée
l'année dernière, décidait impérative-
ment le transfert du ministère des Co-
lonies dans les locaux occupés par le
commissariat général de l'Exposition à
l'angle du quai d'Orsay et de l'avenue
Rapp. Mais ilyaraît — ce dont on ne
s'était pas avisé — qu'en n'y pourrait
transporter que les bureaux ; les appar-
tements du ministre devraient, faute de
place, rester au pavillon de Flore. C'est
dire que les craintes d'incendiel subsis-
teraient. Aussi va-t-on proposer au Par-
lement de revenir sur la décision prise,
- il y a moins d'un an.
Le gouvernement; a, dans ce but, fait
étudier une autre solution. C'est dans un
immeuble du quai d'Orsay, appartenant
au Domaine, que serait installé le minis-
tère des Colonies : on pourrait y établir
tous ses bureaux, tous les services de ce
ministère et aussi les appartements du
ministre. Ce second projet va être porté
à bref délai devant les Chambres. Sans
doute on l'adoptera ; et un nouveau vote,
non moins impératif que le précédent,
mais en contradiction avec lui, inter-
viendra. En tiendra-t-on compte cette
fois ? et donnera-t-on enfin à cette grave.
question la prompte et définitiver solu-
tion, depuis si longtemps réclamée et at-
tendue ? Nous le souhaitons, sans trop
l'espérer. ,
1/vwwwv
A propos d'Arsène Houssaye.
L'auteur des Grandes Darnes, des
Courtisanes du Monde et de tant d'au-
tres œuvres de goût parfait, mais si ga-
lantes, fut le plus tendre des pères et des
maris.
Il fut marié deux fois, la première
dans des circonstances qui rappellent
un peu le roman mêlé de larmes et d'é-
preuves de Swift, ce grand maître de
la manière noire comme Arsène Hous-
saye fut le petit maître de la manière
rose. Lui-même a raconté dans ses Sou-
venirs ce jeu de l'Amour et du Hasard.
Etant déjà fiancé avec Mlle Y. H.,
il rencontra par un hasard mondain
Mlle Fanny Bourgeois de la Valette. La
distinction de son esprit, le charme de sa
personne, firent sur le jeune écrivain
une impression tellement victorieuse
qu'il ne tarda pas à « voir clair dans son
cœur » et à se convaincre qu'il n'appar-
tenait plus ni à celle à qui il s'était pro-
mis, ni à lui-même.
Le plus beau et le plus rare dans cette
délicate histoire, c'est que Mlle Y. H.,
amie de celle qui lui était préférée, par-
donna et à l'infidèle et à son amie elle-
même.
L'union d'Arsène Houssaye avec Mlle
de la Valette devait être rompue par la
mort, après douze ans seulement, En
1862 il se remaria avec une jeune Péru-
vienne, Mlle Jane della Torre, qui fut,
elle aussi, enlevée après deux ans, deux
courtes années de mariage. Oh ! qu'ils
doivent être deux fois amers les mal-
heurs d'un homme heureux !.
Peut-être est-ce là le secret du travail
énorme dans lequel atmait à se plonger
cet épicurien d'un autre âge égaré parmi
nous.
I\N\I\I\I\I\I\,
Les gaietés de la correctionnelle.
On sait que l'application de la loi Bé-
renger assure au condamné la virginité
de son casier judiciaire pendant cinq
ans, et la plupart des présidents en ex-
pliquent ainsi le fonctionnement : « Con-
duisez-vous bien pendant cinq ans, ne re-
commencez plus et vous ne ferez pas.
votre peine ! » ,
M. la président Séré de Rivières, dont
les mots d'esprit ont fait pendant quatre
ans la joie de la chambre des divorces et
qui vient d'être nommé à la huitième
chambre correctionnelle, emploie une
formule à la fois plus sceptique et plus
moderne : « Vous avez la loi Bérenger,
dit-il, au délinquant ; dans cinq ans seu-
lement vous pourrez recommencer J »
'\I\I\I\I\I\N\,
La coupe. et les lèvres.
Oyez la grande tentation d'un conser-
vateur de Musée, ses perplexités et com-
ment il échappa à ce malheur dont parle
le proverbe.
C'était à. dans une grande capitale
d'Europe, entre Lisbonne et Saint-Pé-
tersbourg. Le conservateur d'antiques
en question reçut un jour cette lettre f
« Vouleiz-vous acquérir un vase célè-
bre dans l'histoire de la céramique ? Je
suis prêt à vous l'assurer. Seulement,
gardez le secret et décidez-vous vite. »
Le vase était signé ; la description en
figurait, détaillée et gravée dans tous les
recueils spéciaux. On voulait le vendre
en secret, pour tourner une loi de pro-
tection des objets di'art fort sévère dans
le pays d'origine.
Le crâne du conservateur connut ce
jour-là une tempête. Mais la tentation ga-
gnait de plus en plus sur le scrupule. En-
fin l'examen de la pièce le décida, appuyé
par la confrontation avec les gravures et
les mesures soigneusement prises au
compas sur les planches gravées et repor-
tées sur l'original.
Survient un ami.
— Quelle chance inespérée! s'écrie le
savant. La merveille des merveilles 1
Non, je ne la laisse pas échapper!
— Etes-vous bien sûr de l'authenti-
cité ?
— Comment ? Voyez la planche, et
voyez l'objet : les personnages'ont les
mêmes dimensions ; l'intervalle entre
eux est exactement le même ; prenez ce
compas et mesurez.
L'ami eut un sourirei :
- Donc, la coupe est fausse, dit-il.
'— Comment ?.
---.. Mais c'est justement cette identité
mathématique des mesures qui prouve le
faux ; la gravure est plane et la coupe
est ronde. Si cette coupe était la vraie,
le repérage ne devrait pas, précisément
à cause de la concavité, coïncider avec
l'image figurée. Ce n'est pas la gravure
qui a été faite sur la coupe, c'est la coupe
qui a été laite. d'après la gravure.
Le savant donna à son ami une poi-
gnée de main éloquente. Et le lende-
main, quand la direction des musées lui
demanda son opinion :
— C'est un faux, dit-il très nettement.
Cela saute aux yeux !.
wwwwv
Pour Augusta Hotmès.
Les amis de la poétesse et de la musi-
cienne avaient eu la touchante pensée de
donner un concert pour accomplir son
dernier vœu : avoir une tombe, à Versa.il-
;les, auprès de son père.
Leur appel a été compris et a ras-
semblé hier, dans une commémoration
d'art et de cœur, quelques-uns de nos pre-
miers artistes et une assistance très bril-
lante.
La musique et les vers dAugusta Hol-
mès formaient naturellement le pro-
gramme. Des vers inédits, passionnés et
frémissants, des musiques célèbres, et
qui ont soulevé déjà bien des émotions.
Mlle Lucienne Bréval a chanté avec sa
grande maîtrise un air de la Montagne
Noire et une Sérénade de Printemps ;
le compositeur Raynaldo Hahn a montré
qu'il interprète exquisement d'autres
mélodies que les siennes. Mlle de Béri-
dez, M. Paul Gamurtt et un trio d'artis-
tes, pianiste, violon, violoncelle, ont
complété ce concert, qui a ravive les re-
grets d'un sort si rigoureux, d'une vie
si tôt tranchée,, d'un talent frappé en
pleine fécondité.
+ "WWWWV
Les vieux cris de Paris.
Qui se souvient de ces anciens cris de
Paris, jadis l'animation de nos échos,
des rues étrolites. et sinueuses et des
sombres cours des derniers vieux quar-
tiers ? Ils vont rej oindre dans l'oubli,
les romances et les chansons de nos pè-
res. Et cependant l'un de ces cris pitto-
resques refleurit avec le doux prin-
temps. C'est le gai, c'est le bien chan-
tant : « Plantez, plantez n}esdames..
c'est la saison d' planter !. » On l'en-
tend depuis quelques jours sur les hau-
teurs Saint-Jacques et sur le versant
« MouffeiLard » de la sainte Montagne.
On fait des concours d'enseignes ar-
tistiques et des concours de jouets pari-
siens. Dans Louise, Charpentier a ciselé
comm,e un bijou le joli cri : Voilà le plai-
::r, mesdames ! Voilà le plaisir ! N'est-il
donc pas un moyen de sauver Tes der-
niers cris de Paris et de faire revivre les
plus pittoresques ?
-WWWWV
MEDAILLON
Ibsen.
Le vieux génie de la Norvège vient d'at-
teindre ses soixante-quinze ans.
Parmi son peuple et à l'étranger, une élite
— cette élite qui seide compte à ses yeux —
avait projeté de célébrer cette date par de
grandes fêles, des envois de dépulaliojis, des
journées d'hommage public. La santé d'Ib-
sen ne l'a pas permis. Pendant de longues
années, isolé de par sa nature et sa volonté,
il cache aujourd'hui, et on l'aide pieusement
à. cacher, son lent et mélancolique déclin.
Pour cet anniversaire, Ibsen a reçp, quan-
tité d'adresses, de dépêches, qu'il n'a sans
doute point lues. La jeunesse, de près et de
loin, l'a couvert de fleurs, espérons-le, sans
l'arrière-pensée qu'il a exprimée avec une
profondeur amère en faisant tuer par Hilde
Solness le Constructeur, qu'elle admire. On
a fleuri le vieil homme du Nord même d'ita-
lie, de ce pays de soleil et de libre vie qui l'a
séduit, lui aussi, comme les, filles de Sicile
avaient séduit autrefois les rudes Vikings
ses ancêtres.
En ce jour Ibsen a vu un seul visiteur :
Biœrnstiern-Bjœrnson. Ce Capulet et ce
Monlaigu de la pensée, qui se sont disputé
si longtemps la domination sur l'âme pas-
sionnée, mobile, et violente de leur race, ont
causé de bonne amitié : tels deux capitaines
après un abordage dans lequel il n'y a eu ni
vainqueur ni vaincu. Ibsen a déposé les ar-
mes : il ne peut plus écrire ; il n'a jamais
aimé à parler. Et, aujourd'hui, les mots mê-
mes commencent à le fuir. La pensée inté-
rieure renie seule debout dans ce fort len-
tement démantelé. Bjœrnson est encore en
pleine possession de ses forces de combat-
tant., mais lui aussi serti les approçlies de
ce soir qui apaise les controverses dans l'é-
ternel silence. Et les deux vieux adversaires
se tendent la main dans l'ombre grandissan-
te qui va les envelopper. — TH. L.
wwwwv
Est-elle équestre ? , r
Les naturels de la jolie petite ville de
Gaillac ont été émus, ces jours derniers,
par un cependant bien inoffensif écho
de Gil Blas, qui signalait ce détail char-
mant : la statué d'un maréchal — c'est
le général d'Hautpoul en réalité — qui
orne la place principale de la ville, est dé-
signée sur le piédestal comme statue
équestre, alors que ce brave militaire,
mis à pied, s'appuie mélancoliquement
sur son sabre de bataille.
Et les nobles habitants réclament; ils
réclament, d'ailleurs, pour confirmer. Car
voici l'Inscription exacte que porte le pié-
destal :
« Il sera fait, avec le bronze des canons
« pris à Vennemi, une statu:e équestre au
a général d'Hautpoul. ».
'«NAPOLÉON.»
Sans doute le vaillant soldat est repré-
senté en pied, mais on peut croire qu'il
abandonna son cheval aux mains de son
ordonnance. C'est du moins ce que ra-
content les spirituels Gaillacois, pour ex-
primer le phénomène.
A propos de cette statue, on narre, à
Toulouse, cette historiette.
« Un jour, quelques artistes lyriques
« passent en tournée à Gaillac. L'un
« d'eux, choriste au Capitole, va se pro-
« mener à travers la ville et, au retour,
« ses camarades l'interrogent :
« - As-tu vu la statue du général?
« —Certes!
« — Eh bien, est-elle équestre?
« Le digne choriste est bouleversé
« d'un tel mot. Equestre, cela ne lui dit
« rien. Alors, pour ne pas trop se com-
« promettre :
« — Si elle est équestre? Mon Dieu,
«. oui, un peu. »
'\I\I\N\I\I\IV\
« Le carnet du Roi ».
Les Argus de la frontière, de Bruxelles
et de toute la Belgique, recherchent tou-
jours très activement les traces du fa-
meux Carnet du Roi, édité à Paris et in-
troduit clandestinement dans le royau-
me de Léojjold II. Quoique tous les li-
braires aient reçu des visites de saisie,
le Carnet scandaleux continue à courir
sous le manteau. Et la police des stations
vient encore d'en saisir plusieurs en-
vois.
Entre la Belgique et nous, c'est, depuis
-longtemps, un libre échange de publica-
tions interdites et pourchassées. Sous
l'Empire elle nous envoyait la Lanterne
de Rochefort, cachée de la manière la
plus ingénieuse, et jusque dans des bus-
tes de Napoléon III. Cette fois, c'est nous
qui faisons passer aux Belges le préten-
du Carnet du Roi. Des couvertures éti-
quetées Cuisinière belge ou autres titres
inoffensifs et de tout repos couvrent cette
contrebande explosive.
wwwwv
Enfin. seuls f
Oui, seuls, mais chacun de son côté,
et. pour jamais. Un communiqué offi-
cieux de M. André Giron le confirme :
« Ces jours derniers on a fait entendre à
la princesse que l'enfant qu'elle attend
lui serait enlevé si elle ne voulait pas-
rom pre i rrévo cable m en t.
« Il s'est livré alors entre la mère et
l'amante un combat suprême dont la
mère est sortie triomphante. Elle a donc
décidé, àprès bien des larmes, de renon-
celr pour toujours à lui. »
Cela pour mettre un point final à la
première grande histoire passionnelle du
vingtième siècle, qui fut mêlée, comme
toutes les choses humaines, de tristesses
sincères et de quelque involontaire co-
mique.
Mais il faut s'attendre à un épilogue
quand même. La princesse Louise, pro-
fondément irritée du manifeste du roi de
Saxe qui la drape comme on sait, a dit. :
« Ainsi voilà le remerciement du silence
que j'ai gardé! » Elle veut maintenant ri-
poster par des révélations. Cette réponse
serait intitulée : Pourquoi je les ai quit-
tés.
Et M. Giron?
Il pourra méditer ceci à propos de son
aventure :
Un jour Bismarck reçut la visite du
prince. Alexandre. de Battenberg. Les
Bulgares lui offraient un trône. Lui, hési-
tait :
- Acceptez toujours, lui dit Bismarck,
avec son sourire à la Méphistophélès ;
cela vous fera un joli souvenir de jeu-
nesse.
Ce mot de Pascal, de vue plus haute,
peut servir aussi de guide à un jeune
homme désorienté :
« Qu'une vie est belle, qui commence 1
par l'amour et finit par l'ambition. »
'WWWWV
« l a Gangues.
La Gangue, le nouveau roman de Paul
Brulat, ce chef-d'œuvre de passion et de
sensibilité frémissante, a déjà conquis
l'admiration des lettrés, mais il s'affirme
aussi comme un grand succès de protes-
tation contre une littérature frivole ou
obscène. En six semaines, plus de vingt
mille exemplaires de La Gangue se sont
enlevés. C'est un (le ces livres, rares au-
jourd'hui, dont on peut dire qu'on se
sent meilleur après les avoir lus.
V\",/!'f''
Les chefs-d'œuvre des Grands Maîtres.
Posséder les , Chefs - d? œuvre des
Grands Maîtres, ce souhait que nul n'o-
sait formuler jusqu'ici, loi librairie Ha-
chette le réalise aujourd'hui. Désormais,
pour le décor artistique de la maison, les
plus beaux tableaux des grands musées
se trouvent être à la portée de tous. L'ou-
vrage sera complet en 15 livraisons de
quatre gravures chacune. Chacune de
cés gravures peut être encadrée. On se
disputera les livraisons, on voudra les
avoir toutes. La modicité de leur prix r
1 fr. 50 n'a jamais été atteinte. On prévoit
pour cette publication d'art véritable-
ment populaire, le plus franc, !e I:lus du-
rable et le plus universel succès.
WWWWV
Les étrangers eux-mêmes reconnais-
sent, d'ailleurs fort galamment., la supé-
riorité du goût français en matière d'art;
mais il est une branche entre toutes, où
nos artistes ne rencontrent pas de rivaux,
c'est dans l'affiche, qui depuis plusieurs
années s'est transformée, et est devenue
véritablement artistique; les maîtres en
ce genre se sont créé-une réputation de
goût pleinement justifiée, par le chic et
le cachet do leurs œuvres, et dans cet
ordre d'idées il faut mettre au premier
rang, toute la série d'affiches du jeune
et déjà célèbre artiste Misti, dont les
compositions murales spécialement exé-
cutées pour les différentes expositions
des grands Magasins de Pygmalion, fu-
rent si remarquées par le public pari-
sien : mais cette fois, on peut dire que le
jeune peintre s'est surpassé, car sa der-
nière affiche, qui fait l'ornement des
murs de la Capitale, est incontestable-
ment une œuvre de premier ordre, vive-
ment appréciée par tous les connais-
seurs..
wwwwv
On demandait à Napoléon après la
campagne de Russie :
— Vous êtes-vous arrêté longtemps à
Moscou? <
- Non, je l'ai «@brûlée, n..
LE DIABLE BOITEUX.
L'ORGANISTE PRODIGE
de Saint-Maur
Un nouveau petit Mozart nous serait-il né?
En tous cas, ce ne serait pas un Mozart pia-
niste, mais un Mozart organiste. Il a neuf
ans, le petit virtuose. Dans la commune de
Saint-Maur, il n'est question que de lui et
bientôt sa réputation va avoir dépassé les
limites de l'octroi et franchi les fortifications
de Paris.
C'est un délice que d'aller à la découverte
du jeune phénomène par une tiède journée
de printemps qui suspend de la neige blan-
che ou rose à tous les arbrisseaux. J'arrive
à Saint-Maur-les-Fossés sans connaître mê-
me le nom du petit bonhomme déjà célèbre,
et le premier habitant du village que j'inter-
pelle sait de qui je veux parler.
— Vous voulez voir, me dit-il, le jeune
Pierre Chagnon, le fils du professeur de mu-
sique ? Tenez, là-bas, rue de l'Abbaye.
Le logis est vite trouvé : petit apparte-
ment gentil et modeste ; dans le salon très
bourgeoisement meublé, avec au milieu, un
piano, une gravure représente Mozart en-
fant. Comme Léopold, le père de Mozart, le
père du petit Chagnon enseigne la musique ;
et peut-être la gravure de Mozart enfant
n'est-elle pas là par un @ simple hasard : on es-
père chez les Chagnon avoir en la personne
du "jeune Pierre un futur Mozart.
Le petit Pierre arrive, appelé par sa mère :
une bonne figure de gamin espiègle qui, dès
qu'il a dit bonjour, s'enfuit pour aller jouer.
Il faut presque le gronder pour qu'il consente
à rester dans le salon et subir un léger inter-
rogatoire. Mais voyant qu'il n'y a pas grand'-
chose à tirer du jeune virtuose, son père lui
demande de se mettre au piano, et Pierre
commence une sonate de Mozart qu'il inter-
rompt pour passer à une fugue de Bach ; là
vraiment je commence à être surpris. Il y
a au Conservatoire des gamins ou des ga-
mines qui peuvent « attraper » du Mozart ;
mais du Bach ! c'est une autre affaire, et sur-
tout Pierre Chagnon y témoigne d'une égalité
de doigts, d'une pureté de style, qu'il a évi-
demment eu à peine le temps d'acquérir et
qui sont presque un don naturel. ;
Mais le père me raconte que le piano n'est -
qu'un amusement pour son fils ; là où il ex-
celle, c'est à l'orgue. Depuis deux ans qu'il
tient l'orgue à l'église de Saint-Maur, il ac-
complit des prodiges ; il improvise avec une
rare facilité. Aux mariages, aux enterre-
ments, c'est lui qui, sans s'être fait rempla-
cer une seule fois, a joué régulièrement. Ah !
s'il pouvait noter tout ce qui lui a passé par
la tête depuis ces deux ans! Et M.Chagnon me
montre un 0 Salutaris que l'enfant a écrit en
cachette, sur le bout d'une table, pendant
qu'à l'école du village un maître lui ensei-
gnait l'arithmétique. Il va sans dire que le
petit Pierre n'a aucune disposition pour Je
calcul ; mais comme il a une mémoire prodi-
gieuse, il arrive, malgré son inattention sou-
tenue, à étoncer son professeur en lui redi-
sant, à quelques erreurs près, la leçon qu'il 1
vient d'entendre distraitement.
— Ah ! monsieur , si j'avais les moyens
de faire faire des études sérieuses de musi-
que à ce petit bonhomme ! Comme il irait
loin ! Il a neuf ans ; je l'envoie au cours de
solfège du Conservatoire, mais c'est vrai-
ment trop peu pour développer les disposi-
tions qu'il montre. Songez qu'à l'âge de qua-
tre ans il me nommait imperturbablement
toutes les notes que je touchais sur le pia-
no; que trois mois plus tard, il me suffisait
de plaquer un accord, si bizarre qu'il fût
pour qu'il m'en désignât sans faute la tona-
lité. Je lui ai donné dès lors des leçons de
piano, et ses petits doigts qui pouvaient à
peine atteindre les notes exécutaient en lest
simplifiant, mais en en donnant l'impression
toutes les difficultés. Aujourd'hui, il raffole
de la musique classique la plus pure : le'
études ardues de Bach, les fantaisies de
Hummel, les sonatines de Moschelès, les
pièces de Couperin, n'ont plus de secret pour
lui. Regardez tous les livres qu'il lit : ce
sont des biographies de musiciens célèbres..
Son professeur d'orgue, M. Priad, est émer-
veillé de ses progrès ; et si notre-petit Pierre
a des facilités naturelles. M. Priad a hea nnnnrL.
fait pour les perfectionner. - Il lui a surtout
permis de tenir l'orgue dont il est le titulaire
dans l'église de Saint-Maur ; et nous lui en
sommes profondément reconnaissants. C'est:
à lui que Pierre doit d'avoir pu exécuter son
0 Salutaris avec accompagnement de violon
et violoncelle. Je vous assure que ce jour-là,
l'église de Saint-Maur avait une belle affluen.
ce de fidèles et que mon gamin a eu de chau-
des et sincères félicitations.
'- Mais il faut le pousser votre fils, dis-je
à M. Chagnon. Aujourd'hui, avec les bourses
de l'Etat, on a moins de peine à apprendre
qu'autrefois; et nul doute qu'au concours vo-
tre fils ne soit le premier..,
— Oui,. mais il faudrait conduire mon fils
tous les jours à Paris,, et nous avons trois
enfants à élever, et-des leçons à donner ici
dans le village. On ne peut pas tout abandon-
ner, il faut vivre.
Le jeune Pierre rentre sur ces entrefaites,
rouge d'avoir couru, et je lui fais des com-
pliments dont il n'a pas l'air de se soucier..
Je lui demande ce qui lui ferait plaisir. Et le
gamin me réplique :
— Je voudrais une bicyclette pour pouvoir
aller à Paris tons les jours, et un piano, parce
que le nôtre est bien usé.
Voilà des vœux qui ne sont pas assez im«
possibles pour n'être pas réalisés. Mozart.
lui, n'aurait peut-être souhaité qu'un piano
ou un clavecin. Mais il faut être de son
temps, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en soit. le
nom du jeune Pierre Chagnon est à retenir j
c'est un compositeur qui promet.
Louis Schneider.
-—.————-————— O ——'——————— -V
L'HOMME DU JOUR
Faire parler de soi les hommes,
Tente l'humaine vanité ;
, Et cela procure des sommes
Aux courtiers de publicité.
Alcibiade était d'Athènes,
Qui coupa la queue à son chien..
Mais, dans des cités moins lointaines,
Beaucoup l'imitent assez bien.
Tam-taro ! Pétard ! Chichi ! Réclame i •
Tout ce qui vous distingue est bon.
D'aucuns sont friands de la lame,
Comme un gourmand l'est de jambon l
Mais voyez ! La Gloire est ingrate L ,
Elle te fuit, toi qui l'attend& ;
Tel, qu'elle démange, se gratte,
Et pourra se gratter longtemps ;
Cependant que tel qui s'en fiche,
— Pour ce bon motif qu'il est mort, —
Reverrait son nom sur l'affiche,
Si les morts pouvaient voir encor 1
Car enfin, celui dont on cause,
L'homme du jour et des journaux,
L'ancien vivant, dont le nom cause
Des flux d'encre phénoménaux,
Ce n'est ni Pierre Decourcelle,
Ce n'est ni Champsaur ; ni Jaurès.
Ni Sarah, Cadenat, ni Selle t
C'est çe vieux Saitaphamès !
LOUIS MARSOLLEAU.
Le crime du Cercle
, de la rue Cambon
Par MAURICE LEBLANC
Pour qui connaît la disposition des
lieux, ce crime du oerole de la rue Cam-
bon, dont tout le monde s'entretient, est
vraiment inexplicable. Il faut bien sa
rendre compter en effet, que la rotonde
désormais fameuse, où la chose s'est ac-
complie, fait en réalité-partie de la salle,.
où se trouvaient les joueurs, et que la
baie qui s'ouvre d'une pièce sur l'autre,
n'est fermée que par un. simpJe rideau
de velours. Or, entre l'instant où M. Ri-
chevance, la victime, a quitté la table
pourpier fumer une cigarette à l'une des
fenêtres de ladite rotonde, iusau'à l'ins-
tant où ses collègues l'ont trouvé à terre,
baigné de sang et frappé de coups de cou-
teau, personne n'a pénétré dans la roton-
de et personne n'en est sorti.
En outre, pas un bruit, ce qui estpeuf-
être plus étonnant encore, étant donnée
la proximité de l'endroit. Et puis, quel
motif ? Ni la montre de M. Richevance,,
ni ses bagues, ni son portefeuille, n'ont
disparu. Dans de telles conditions, com-
ment serait-il possible de découvrir la
vérité ?
Cependant hier — je tiens le fait d'una
source certaine, et j'en connais tous les
détails — hier, le comité du cercle s'étant
réuni, M. de Beautrelef, un ancien ma-
gistrat qui a suivi l'affaire de très près,
M- de Beautrelet a pris la parole en ces
termes :
— C'est à minuit quarante que M. Ri-
chcvance proposa un écarté, "s'offrant à
tenir tous les coups. Six de nos collègues
étaient encore présents. Ils acceptèrent.
La partie fut d'abord des plus calmes,
car si M. Richevance était devenu peu à
peu, par suite de sa vie aventureuse, une
sorte de professionnel du jeu, nos amis,
bien que fort beaux joueurs et coutu.-
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