Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-07-10
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 juillet 1909 10 juillet 1909
Description : 1909/07/10 (N14365). 1909/07/10 (N14365).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75450980
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/12/2012
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1V 14365 - 20 Messidor An 117. CINQ CENTIMES LE NUMERO Samedi 10 Juillet 1909. - N° 14365.
- - -
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AUGUSTE VACQUERIE
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LE RAPPEL
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TRIBUNE LIBRE
1 VANDALISME
1 ——-——-
La dernière harangue de
M. Jaurès a réalisé à la
Chambre l'unanimité des
admirations, qui donc, par-
mi cette assemblée, beau-
coup moins sectaire et béo-
tienne qu'on ne se plaît a Ja représen-
ter, se fut montré rebelle à la majesté
puissante de cette éloquence, se dérou-
lant en vagues superbes sous l'impul-
sion du souffle le plus noble, le plus
généreux qui jamais ait passé sur une
foule humaine ? Comment les mauvai-
ses querelles, les petites préoccupations
de parti auraient-elles pu ne point se
dérober, honteuses de leur médiocrité,
en présence de cette générosité vaillante
que servait (dans l'expression, tantôt
un lyrisme somptueux et riche, tantôt
la finesse pénétrante d'un esprit criti-
que agile et subtil.
Et certes, le parti radical s'entendit
adresser des réprimandes assez dures.
On eût tlit, en entendant l'orateur tra-
cer en traits de flamme le bilan de
l'œuvre que nous n'avons point ac-
complie, sentir en ses paroles on ne
sait quel regret, on ne sait quelle dé-
ception, de l'insuffisance de l'œuvre
réalisée. Que vous auriez pu faire de
belles choses, si vous aviez été vous,
semblait-il nous dire, si vous' n'aviez
pas renâclé à votre tâche, si vous aviez
songé à vous souvenir du programme
hautement démocratique qui était le
,vôtre. Ce n'est pas au nom d'un dog-
matisme rétréci, d'un catéchisme étroit
et sec, d'un Credo dédaigneusement
exclusif qu'il nous rappelait à notre de-
voir.Toute l'immense plainte populaire
vibrait à sa parole, écho superbe de la
douleur et de la misère humaine. Et
qu'il eût de bon cœur pardonné à notre
hérésie s'il l'avait pu trouver féconde
et hardiment agissante.
Qu'elle n'ait point été telle, c'est la
vérité peut-être, et ce n'est point ici
qu'on en disconviendra. Mais on nous
rendra bien cette justice que ce n'est
point notre faute à nous radicaux-socia-
listes. Devinant, pressentant, à d'évi-
dents symptômes l'avènement, décon-
certant à coup sûr, d'une politique de
bascule et de stagnation, nous avons
voici longtemps, dénoncé le danger,
prodigué les avis, affirmé notre désap-
probation.
Nous n'en avons tiré nul avantage,
si ce n'est celui de la satisfaction du
devoir accompli. Du moins pouvions-
nous espérer voir notre attitude appré-
ciée, je ne dis point avec sympathie,
du moins avec quelque équité ; et notre
probité persistante aux principes du
« radicalisme populaire » aurait pu
nous valoir l'indulgence de ceux qui se
sont fait une spécialité de parler au
nom des intérêts prolétariens.
M. Jaurès sait mieux que personne
quel fut le mérite de certaines attitudes,
et je suis sûr que dans sa conscience
il leur rend un hommage dont nous
avons lieu d'être fiers.
> D'où vient, cependant, l'acharnement
étrange dont les unifiés accablent les
meilleurs d'entre nous !
Je ne sais vraiment rien de lamenta-
ble et de choquant comme l'accueil fait
l'autre jour par des socialistes qui
s'étaient unifiés tout exprès pour cette
noble besogne, à notre grand ami Fer-
dinand Buisson.
Il a conté, lui-même, l'aventure dans
un article plein de cette philosophie
sereine, de cette candeur touchante qui
'donne tant d'attraits à sa pensée. Point
de basses récriminations. Point de ré-
volte devant l'iniquité. Comment se
plaindrait-il, d'ailleurs ; ce sont ses
détracteurs, ses agresseurs pourrait-on
dire, qui sont à plaindre du lâche tour
qu'ils s'efforcent de lui jouer, de l'em-
bûche sordide où ils cherchent à le faire
choir.
Quand donc cette conscience a-t-elle
vacillé dans ses principes ? Quand
donc a-t-elle renié la foi passée, l'idéal
entrevu ? Où trouverez-vous esprit
plus ardemment soucieux de la libéra-
tion prolétarienne ; qui donc, au Par-
lement, pourrait montrer plus noble
geste que cet éducateur, que cet éman-
cipateur de la pensée française - s'il
n'avait été le premier à oublier, sans
iioute, l'immensité des services rendus.
Eh bien ! c'est à celui-là qu'on s'en
iprend. Vaillance, dignité, fermeté, rien
ne compte. Son crime est irrémissible.
Il n'est pas de la chapelle collectiviste.
Il n'admet pas la formule orthodoxe.
Il veut bien donner au peuple plus de
bien-être, de savoir et de joie, mais non
point selon le rite. Bien plus, il s'est
permis d'émettre cette prétention sacri-
lège de combattre pacifiquement le so-
cialisme révolutionnaire en faisant
Xe mieux que lui s* Blasphème, vous
ûis-je 1
Ah Il nous sommes loin des puissant
fe tfûvoléeâ de l'éloquence de AL Jau-
rès. Sa pensée, qui planait tantôt à
l'air libre, qui la reconnaîtrait mainte-
nant, prise dans l'étroit réseau,- les
mesquines roueries d'une tactique qui
en constitue la plus flagrante négation.
Et c'est une constatation pesante et
triste, que de voir tant 'de noblesse
aboutir à tant de pauvreté — ou pour
bien dire de vandalisme.
Qu'importe i. Nous resterons nous-
mêmes.
Ce ne sont point des considérations
opportunistes qui dicteront notre con-
duite., Libre à de prétendus républi-
cains d'avant-garde de prendre à leur
compte les calomnies nationalistes et
de s'en faire une arme pour abattre la
République et les meilleurs républi-
caifts. Fermement attachés à notre
idéal, comme à la méthode de réforme
positive et légaliste qui seule le rend
réalisable, nous saurons le préserver
des glissades suspectes et des rétrogra-
dations sournoises, aussi bien que des
surenchères stériles et des folles turbu-
lences.
Et nous sommes assez sûrs de la rec-
titude de notre voie,pour ne point nous
laisser duper par certaines avances,
et pour ne point nous exposer à cer-
taines complicités.; *
T. STEEG.
, 1.>,,¡;i:(,\2'" Député,
LA POLITIQUE
LA MARINE A LA CHAMBRE
La séance d'hier, consacrée
par la Chambre à la discus-
sion sur la Marine, a éclairé
la situation du même jour que
l'excellent rapport de notre
collaborateur Henri Michel : désordre,
anarchie, gabegie, coulage, sur toute la
ligne. M. Chaumet a beau chanter la
palinodie, regretter ses accusations d'an-
tan, tout n'est pas pour le mieux dans
notre Marine — hélas i
Dans une intervention très remarqua-
ble, M. Leboucq, député de la Seine, a
signalé des gaspillages honteux. Et
dans une phrase qui nous ouvre des
horizons nouveaux il a ajouté : « Un"
simple rédacteur au ministère nous a
appris, sous la foi 'du serment, que le
budget servait uniquement de par-à-
vent. B,
C'est sur ce fait qu'il faudra faire de
plus en plus la lumière. Il importe de
faire voir au pays quels singuliers vire-
ments, joints à des complaisances qu'on
ne salirait qualifier, ont amené le minis-
tère de la marine à gaspiller io milliards
pour obtenir ce résultat piteux de faire
passer la France du 2e au 4e rang der-
rière l'Allemagne et aerrière les Etats-
Unis. - 1 - ¡-
Naturellement, M. Thomson de sa
jumelle scrute l'horizon ; il redoute le
grain et assiste avec intérêt aux discus-
sions sur la Marine ; il profite des oc-
casions pour se livrer à des tentatives
d'auto-sauvetage sous l'œil bienveillant
de M. Etienne que le hasard hisse à la
présidence de l'assemblée et qui surveille
attentivement le renflouage et le radou-
bage du vaisseau de haut bord près
duquel si longtemps il navigua ae con-
serve.
Mais, le Parlement ett le pays n'arri-
vent pas plus à comprendre, malgré les
flots 'd'éloquence de l'ex-ministre, pour-
quoi les archives de la Marine se trou-
vaient en croisière boulevard du Mont-
parnasse, qu'ils ne comprennent com-
ment M. Chaumet a pu, à lui tout seul,
remettre notre flotte en état, et cela, en
beaucoup moins d'un an.
Tout de même, qu'ils nous viennent
des confins du Sahara ou de la bordure
des Landes, ce sont des rudes hommes
ces travailleurs de la mer !
LES ON-DIT
-■ »ii
NOTRE AGENDA
'Aujourd'hui vendredi :
Lever du soleil à 4 h. 9 du matin ; cou-
cher à 8 h. 2 du .soir.
Première à Cluny.
Courses au trot à Saint-Cloud (Prix Le-
goux-Longpré). -
AUTREFOIS
Le Rappel du 10 juillet 1873 :
Des nouvelles reçues au sujet du dm
Banc-Paul de Cassagnac nous dorment des
détails rassurants sur la blessure de M..
Ranc.
C'est a l'avant-bras, ainsi que le consta-
U të$mès-yerbals%. UQH ft l'épaule,
comme le bruit en avait couru, que M.
Ranc a été touché.
Le sang a d'abord coulé avec assez de
force, mais s'est arrêté au bout de quel-
ques instants, et M. Ranc, qui a pu répar-
tir immédiatement avec ses témoins, n'é-
prouva d'autre effet de sa blessure qu'unè
gne de quelques jours dans les mouve-
ments du bras et des doigts.
Le combat a duré de quinze à dix-huit
tninutes.
Presque tous les membres de la Com-
mission du budget se sont prononcés con-
tre une proposition ayant pour objet l'éta-
blissement d'un nouvel impôt sur te sol.
— Le Shah a visité le Jardin il'acclima-
tation, et c'est l'aquarium qui a surtout
excité la curiosité du royal visiteur persan
et de ses compagnons.
Un malin
Un certain D. qui a 'donné son nom à
un quartier de Paris, qu'il a fait construire,
était en 1793, un de ces citoyens douteux
qui, cherchant une occasion de faire for-
tune dans le bouleversement, sentaient en
attendant le moment d'acquérir, le besoin
de se conserver.
Or, D. craignait de devenir l'objet des
rigueurs de cette époque, rigueurs qui at-
teignaient rarement, quoi qu'on en ait dit,
•les bons citovene.
D. étant donc de ceux qui pouvaient
être dénoncés par la clameur publique et
poursuivis par la justice révolutionnaire,
trouva un expédient admirable pour ne pas
être arrêté : il se fit gendarme.
Connais-toi
Le rieile Wdlson qui vient de mourir en
était au début de sa fortune. Traversant
New-York en voiture, il aperçoit un de ses
amis à pied.
Il fit arrêter et l'invita il monter à côté
de lui.
— Quoi ! lui dit l'ami en plaisantant, vous
me reconnaissez encore dans votre fortu-
ne ?
— Oh ! lui répondit l'autre sur le même
ton, je vous réponds de moi jusqu'à deux
millions 1
Historique.
Un jour Napoléon, fort mécontent à la
lecture d'une dépêche de Vienne, dit à Ma-
rie-Louise : (t Votre père est une gana-
che. » -
L'impératrice qui ignorait beaucoup de
termes français, s'adresse à un conseiller
d'Etat et lui demande dans quelle circons-
tance l'empereur l'a. employé. A cette de-
mande inattendue, le courtisan balbutie
que cela veut dire « un homme sage, de
poids, de bon conseil ».
Quelques jours après, la mémoire encore
route fraîche de sa nouvelle acquisition,
Marie-Louise, présidant le conseil d'Etat,
et voyant la discussion plus animée qu'elle
ne voulait, interpelle pour y mettre fin,
pambacérès qui, à ses côtés, baillait tant
soit peu aux corneilles. « C'est g, vous à
nous mettre d'accord dans Cette occasion
importante, lui dit-elle, vous serez mon ora-
cle ; car je vous tiens pour la première et
la meilleure « ganiaohe » de l'empire. u
Les morts glorieuses.
Mirabeau et Sieyès causaient ensemble
sur les morts célèbres dont l'antiquité nous
a transmis le récit. Mirabeau disserta long-
temps, avec son éloquence accoutumée, sur
le poignard de Lucrèce, la cigüe de So-
crate et l'épée de Caton. « Vous avez très
bien parlé, lui dit Sieyès, mais ces grands
personnages étaient soutenus par de gran-
des passions. Ils attachaient sur eux le re-
gard de tout un peuple, et pouivaient en-
tendre 4'avance les éloges de la postérité.
Je connais une mort dans laquelle il entre
peut-être encore plus de force d'âme et de
grandeur, et qui a bien plus de simplicté. »
— « Laquelle donc ? demanda Mirabeau. »
— « C'est la mort d'un pauvre soldat que
la mitraille vient de mutiler sur un champ
de bataille, qu'on jette dans une charrette
dont chacun des cahots lui cause d'horri-
bles souffrances, qu'on abandonne dans un
hôpital où l'on ne saurait trouver un chi-
rurgien pour le «penser, un lambeau de
linge pour aifêter son sang, un verre d'eau
pour étanciher sa soif ; qui a vécu obscur,
qui meurt de même, loin de ses parents,
sans amis, sans consolations, sans se-
cours. et qui meurt sans se plaindre !
« Ah ! s'écria Mirabeau, vous pourriez
bien avoir raison. »
A chacun son dû.
Le brick l'Inconstant, qui ramenait l'em-
pereur de l'Ile d'Elbe en 1815, était chargé
d'environ cinq cents hommes dont le bâ-
timent était encombré. La manœuvre était
entravée, et le commandlant Sari, capitaine
du brick, dit à l'empereur qu'il ne pouvait
virer au cabestan, sans exposer les per-
sonnes qui se pressaient sur le pont. L'em-
pereur, dont l'activité et l'animation Tu"
rent remarquables durant la traversée, se
porta vers les groupes pour éloigner les
officiers et autres personnes de distinction:
cc Allons, allons, messieurs, éloignez-vous,
leur disait-il en les poussant brusque-
ment. » Puis allant vers les vieux gro-
gnards, et s'adressant individuellement à
chacun d'eux : « Allons, mon ami, retire-
toi, disait-il avec douceur, tu es mal là, tu
t'exposes à avoir les jambes cassées. » Et
il passait à un autre qu'il engageait avec
bienveillance à se retirer.
On fit la remarque à l'empereur de la
différence de ses formes avec les soldats
et les gros bonnets. « Cette différence est
justice répondit-il, je dois bien plus aux
hommes qui livrent leur existence pour
quatre sous par jour, qu'à ceux qui l'es-
fomptent contre les honneurs et la fortu-
ne. »
A quelque chose malheur est bon.
Un explorateur racontait , récemment
qu'étant un jour tombé au pouvoir d'une
tribu de cannibales, il crut sa dernière
heure venue. Ceux-ci déclarèrent leurs fa-
méliques et funèbres intentions au pauvre
homme qui leur conseilla de ne pas goûter
à sa chair, car. elle était tout à fait im-
mangeable.
— D'ailleurs, dit-il, laissez-moi vous
donner un échantillon de ma jambe. Vous
en aurez vite assez.
Tirant alors un couteau 3e sa poche, il
se mit en devoir de couper une tranche S.
sa -iambe"et la cassejùaiix iIuœ'
*
çus qui libérèrent le missionnaire aussitôt.
L'heureux mystificateur avait une jam-
be de bois.
Les ailes de la victoire.
En 1713, le maréchal de Villars ayant
pris Landau, s'apprêtait vigoureusement à
assaillir le camp du prince Eugène, re-
tranché dans Roscoff.
— Mais, dit un de ses généraux au ma-
réchal, le coup qui vous cassait presque la
jambe à Malplaquet, vous empêchera d'es-
calader la montagne !
— Mon ami, répondit Villars, pourquoi
s'occuper de ma jambe, puisque je serais
porté jusqu'au sommet sur les ailes de la
victoire 1
Elégance et dollars.
Une dame de la haute société de New-
York porte un manteau d'hermine qui lui
a coûté 175.000 francs, et pour que nurn'en
doute, elle toujours le soin de promener
la toicture avec elle.
Les manteaux de 80.000 et 100.000 francs
sont chose commune.
Une consultation.
Un de nos auteurs qui a la réputation
méritée de ne pas attacher « ses chiens
avec des saucisses Il se trouvait, l'autre
soir, dans un salon, avec un médecin cé-
lèbre. Et comme l'auteur est grippé en ce
moment, il a tout de suite, cherché à extor-
quer une consultation gratuite.
— Docteur, lui dit-il, que faites-vous
quand vous êtes très enrhumé ?
— Je tousse ! répondit le médecin.,
La tasse des Chartreux
On demandait jadis, à je ne gais plus quel
chartreux, pourquoi les religieux de son
ordre, lorsqu'ils buvaient, tenaient si forte-
ment leur tasse des deux mains. -. « Voi-
là, répondit-il, on nous a déjà ôté Ta viande
et nous appréhendons qu'on veuille encore
nous enlever la tasse. »
»
Sor) Voyage
Le prochain voyage de « Catherine » la
Grande continue à « révolutionner le
monde.
Ce ne. sont que manifestations enthou-
siastes en l'honneur de l'héroïsme de l'im-
pératrice des échassoo. 1
Non seulement les marchands de calicot
et les buveurs d'eau thermale célèbrent à
l'envi son impériale gloire, mais encore la
presse est unanime à chanter ses vertus.
Ecoutez la Liberté :
« Ainsi qu'il a pris la précaution de le
révéler confidentilement aux agences,
notre grand colonial landais est « le pre-
mier ministre de la République qui visite
nos possessions asiatiques. » Celles-ci ne
sauraient être à plus flatteuse épreuve.
D'autant que monsieur M. Lacroix, avec
cette ingénuité souriante qui -est le propre
de son talent, se propose publiquement
« de beaucoup apprendre en ce long voya-
ge ». Non que le Colbert de Mont-de-Mar-
san ne sache délà toute la vérité, et mê-
me, un peu plus, sur l'Indo-Chine. Mais
enfin il y a certains détails dont on n'est
bien assuré que sur place. On sait que dès
son installation si légitime au ministère,
monsieur M. Lacroix s'était préoccupé d'a-
méliorer le sort des nègres du Haut-Ton-
kin. Comme on parait croire que l'éminent
homme d'Etat se trompe de couleur : « Eh
bien, vous oubliez les Pavillons-Noirs. »
observe-t-il gravement. Aujourd'hui, mon-
sieur M. Lacroix n'est plus certain que
les Pavillons-Noirs soient nègres ; mais il
ne peut se réisigner à les voir jaunes.Alors,
il va vérifier : il part, comme ça, tout bour-
geoisement, en cabine de luxe, sans même
un cuirassé, « avec une suite peu nom-
breuse ». Il est si simple. Tout de même,
l'Asie l'attend, et se met en frais.
« Monsieur M. Lacroix aura, entre au-
tres bonnes surprises, celle de trouver «ses
possessions aGiatiques » possédées, au
moins pour partie, par les plus pittores-
ques des brigands. Ce ne peut être que sur
le vœu formel de l'explorateur que le gou-
vernement général maintient en pleine ac-
tivité, jusqu'à trente kilomètres de Hanot,
une piraterie toujours insaisissable et sou-
vent victorieusfJ L'extravagante politique
pratiquée depuis plusieurs mois à l'égard
des chefs de bandes s'explique évidem-
ment par le désir de conserver jusqu'à la
venue du « premier ministre de la Répu-
blique » une attraction sensationnelle. »
Lors de sa dernière exploration « Cathe-
rine » se fit photographier avec un casque
colonial.
Cette fois, au retour de son voyage au
pays des danseuses de Sisowath, elle se
fera tirer en tutu esquissant le pas des
échasses.
Et nos colonies seront sauvées !
—— --
Actes et Paroles
*4»
« Malgré la violence de certains soubre-
sauts, la République doit donner sa con-
fiance à la .masse des travailleurs ; celle-
ci se perfectionne chaque jour ; elle accueil-
le avec enthousiasme l'arbitrage obliga-
toire et elle saura se conformer aux sen-
tances rendues, même s'il arrive que cel-
les-ci ne soient pas conformes à ses désirs
et à ses revendications.
« La République ne peut pas se séparer
du peuple ; c'est dans ses couches qu'elle
enfonce ses racines les plus profondes ;
c'est de lui qu'elle doit grandir et se déve-
lopper. Qu'elle édifie le Code du travail,
qu'elle rassemble les morceaux épars des
lois ouvrières ; qu'au milieu des crises les
plus aiguûs elle ne désespère jamais de sa
sagesse, le peuple aura tôt fait de tourner
le dos aux prédicateurs de violence, aux
apôtres de l action directe, pour n'avor
plus confiance que dans la vertu de la loi.»
Voilà certes, de saines et clairvoyantes
idées ; elles sont de M. René Bernard, dé-
puté d'Indre-et-Loire, secrétaire du comité
exécutif du parti radical et radical-socia-
liste. -
EJies traSuisent ïorfi éloquemment ïes
sentiments et les espérances de tous les
républicains soucieux de progrès social.
Seulement. M. Clemenceau pratique
une - goiifciqag SSactoient "i;r. r
A - LA CHAMBRE
* 'i » WM— >
L'ADMINISTRATION DE LA MSRISE
Vifs lacideats
-,- J.,
« Documents intéressant la défense nationale
détournés ; gaspillage ; favoritisme; incurie
criminelle », déclare M. Leboucq;
- MM.Chailiey et Benazet proposent une réor-
ganisation; 8
— MM. Chaumet et Thomson sont exécutés.
I « :
A deux heures et diemie, ,M. Etienne
préside.
Pourquoi est-ce M. Etienne qui préside ?
Est-ce parce que M. Thomson craint d'a-
voir besoin d'une .sonnette amie ? Mys-
tère et discrétion.
Quoiqu'il en soit, la séance est marquée
par de violents incidents. M. Thomson a —
par quel magnétisme ? — trouvé des dé-
fenseurs inattendus, qui feront plus de
bruit que de besogne — fort heureusement,
car elle serait trop mauvaise.
M. Chailley
M. Chailley n'entend pas apporter de
nouveaux griefs contre la scandaleuse ad-
ministration de la marine. Il préfère - et
il faut l'en féliciter — rechercher les
moyens de lui obtenir la place qu'elle
pourrait occuper avec une autre méthode.
Je voudrais qu'au ministère on fit le grand
nettoyage. M. de Lanessan avait déjà dit que
Les très nombreux comités permanents qui l'en-
combrent sont « un des plus puissants élé-
ments d'anarchie de la marine Il. Je regrette
qu'il ne les ait pas balayés lui-même.
Le premier devoir du ministre est d'être le
chef et de se réserver à lui seul l'autorité et la
responsabilité.
Donc, plus de comités. A la tête de chaque
service, un seul homme entouré des techniciens
nécessaires. Au-dessus de tous enfin, le minis-
tre.
Les maux étant connus et les remèdes pro-
posés par la commission d'enquête, je me tour-
ne vers la Chambre tout entière — car il ne
saurait en ces matières y avoir de distinctions
de partis — et je demande à M. le ministre ce
qu'il compte faire et ce qu'il a déjà fait.
Car il aurait pu déjà se mettre à l'œuvre, la
commission n'ayant révélé rien de nouveau à
personne et simplement condensé une masse de
documents connus depuis longtemps.
Et il y a urgence, il n'y a pas une minute à
perdre. La Chambre et l'opinion publique sont
impatientes.
M. Chailley, dont l'intervention fut d'au-
tant plus remarquée qu'elle se produisit
avec plus de bonne foi et de modération,
de documentation et de souci patriotique,
remporte un mérité succès. Il regagne sa
place au bruit - toujours doux à l'oreille
d'un virtuose — d'applaudisssements répé-
tés.
M. Leboucq intervient au nom
de la sous-commission
des marchés
A M. Ghailley succède M. Leboucq dont
l'intervention — entièrement vaillante et
loyale - va mettre MM. Chaumet et
Thomson en désastreuse posture.
Il était nécessaire, dit-il, qu'une commission
dégagée de toute préoccupation politique vînt
apporter au gouvernement sa contribution dé-
sintéressée pour l'œuvre de réformes qui s'im-
pose. En dix ans, nous avons dépensé 10 mil-
liards pour vôir notre marine passer du second
au quatrième rang. Il était urgent d'étudier
les moyens de remédier à pareil état de choses,
et la commission s'y est employée de toutes ses
forces.
A la sous-commission d'enquête qui s'est oc-
cupée spécialement des marchés, de nombreux
abus ont été signalés.
Nous ne nous sommes pas contentés d'enten-
dre des amiraux, des grands chefs : à Brest,
à Cherbourg, à Bizerte, à Toulon, partout,
nous avons entendu des employés, des ouvriers,
de modestes chefs de bureau qui, pour ne pas
porter de galons, n'en sont pas moins hommes
d'honneur. Un simple rédacteur au ministère
nous a appris, sous la foi du serment, que le
budget servait uniquement de paravent.
M. Chaumet exécuté
Le courage de M. Leboucq n'est pas du
goût de M. Chaumet qui, depuis le début
de la séance, se prodigue en œiliades bien
irritantes.
Le ci-devant accusateur public ae la ma-
rine croit devoir intervenir en laissant
sous-entendre — en des-termes jésuitiques
qui lui conviennent — que les rapports de
la commission d'enquête « se font l'écho
d'accusation dans le pays » et, par consé-
quent, peu intéressantes — tout en recon-
naissant qu'elles sont dangereuses.
Et une longue et orageuse discussion
s'engage entre MM. Leboucq et Chaumet
sur des actes de gaspillage invraisembla-
bles ~amerant dans les équipages un décou-
ragement profond.
M. IChaumet le sauteur (de conde) en
profite pour renier une fois de plus ce qu'il
a écrit et pour poser en principe que le té-
moignage sous la foi du serment d'un
adversaire de l'administration ne peut pas
être entendu, ou du moins tenu pour vrai.
Il s'agit de la déposition de M. Empis,
rédacteur à l'administration centrale.
,M. Leboucq exécute alors M. Chaumet
de main de maître.
Thomson en accusation
Cela ne fait pas l'affaire de M. Thomson
qui, se sentant touché, essaye de payer
d'audace.
Il balbutie des explications qui n'en sont
pas et qui, en tout cas, ne sont soutenues
que par quelques courtisans dont l'attitude
pourrait être trop facilement expliquée.
Trois se signalent surtout. Ce sont MM.
Trouin — sur le cas duquel il vaut mieux
ne pas insister, dans son propre intérêt ;
Dauzon, qui, pour ne pas obéir aux mê-
mes raisons que M. Trouin, en a qui ne
sont pas moins impérieuses ; et Chaumet
l'éternel repenti.
M. Trouin fait des miracles. Il bondit de
l'oreille de M. Thomson à celle de M.
Etienne, revient de M. Etienne à M. Thom-
son, etc. Au demeurant, il se fait une
peine inouïe, inutile et quelque peu ridi-
cule
Ces trois anabaptistes, malgré leurs
grands airs indignés, ne aisènt rien qui
raiUe. Heureusement mais gue c'est
donc beau le désintéressement bien com-
pris!
Les papiers Dupont
Ce sont les papiers Dupont qui portent
le tumulte à son comble.
Les répliques s'échangent cinglantes. M.
Thomson e§t touché à chaque reprise.
M. Leboucq. — La Chambre se souvient de
l'émoi provoqué par l'affaire Dupont. M. Du-
pont, ancien chef de cabinet de M. Thomson,
avait emporté chez lui du ministère une gran-
de quantité de pièces, dont plusieurs conuden-
tielles. (Bruit.)
Dans le nombre se trouvaient même les pa-
piers maculés, saisis dans la main crisr-éo du
timonier du Lutin après la terrible catastrophe.
Très bien ! sur divers bancs.) N '-étaient-ce pas
là des reliques nationales ? (Applaudissements.)
M. Thomson. - Vous êtes des juges : écoutez
la réponse 1
On ne vous dit pas que la plupart de ces
documents sont des copies. C'est moi qui avais
demandé à mon ancien chef de cabinet de les
garder.
N'est-il pas permis à un ministre quittant ses
fonctions, dans l'éventualité où il peut se trou-
ver dans l'avenir d'avoir à défendre sa ges-
tion de conserver la copie de décisions prises
par lui ? C'est un droit pour lui. (Mouvements
divers.) Cest par erreur que les pièces du l,u-
tin ont été emportées en même temps ; erreur
regrettable et qui a été réparée le plus tôt pos-
sible.
Lamiral Bienaimé. — Etant préfet mariti-
me. j avais adressé au ministre une lettre dont
j'ai eu besoin plus tard pour donner des expij-
cations à. la Chambre. 11 me fut répondu, au
ministère, que sous aucun prétexte cette com-
munication ne pouvait m'être faite, à moins
d'un vote de la Chambre elle-même. (Mouve-
ments divers.)
M. Lagasse. j'ai dit que la commission
n avait voulu faire aucune personnalité : mais
nous ne pouvons admettre que sous prétexte
de garnir la valise d'un ancien ministre, il soit
permis a celui-ci d'emporter ou des originaux
très importants, ou des coPies plus importantes
encore. Tels sont Far exemple les rapports
confidentiels de nos agents navals à l'étranger.
Est-ce que ces documents intéressent le mi-
nistre pour une défense personnelle à entre-
prendre plus tard ? Ces documents devaient
rester enfermés au ministère.
Songez-vous, dans le cas où les armoires qui
les contenaient à l'Ecole du génie maritime au-
raient été forcées, au mal qui pouvait en résul-
ter pour la France elle-même ? (Mouvements
divers.) 1
Il est difficile de trouver ici une impre
sion, si légère fut-elle, de l'énorme émo-
tion qui s'empare de la Chambre.
M. Thomson peut à peine causer ; les
huées partent et les pupitres claquent en
son honneur à qui mieux mieux. CUi
beau la popularité !
Incurie criminelle
Après un acte d'adoration adressé par
M. Dauzon à son « ami » Thomson, M.
Leboucq en revient aux gabegies découver-
tes par la sous-commission des marchés.
'Mais il est dee incohérences et une in-
curie encore plus graves qu'on ne peut
qualifier que de criminelle négligence.
Prenons la catastrophe du Lutin. Elle a éte
causée par. l'introduction d'un galet dans la
vanne donnant accès au ballast d'arrière et par
la résistance insuffisante des tôles de ce bal-
last.
Or. savez-vous ce qui résulte du procès-verbal
du dernier carénage effectué sur le Lulin ?
J'ai eu, comme du reste M. le ministre de'la
marine lui-même, toutes les peines du monde
à me procurer ce procès-verbal. Il a été heu-
reusement retrouvé hier et télégraphié à M. le
ministre qui a bien voulu me le communiquer.
Eh bien, ce procès-verbal porte, de la main
du commandant, que le carénage a été extrê-
mement rapide pour ne pas retarder la dispos
nibilité du dock. Il constate, en outre, que nt le
ballast d'arrière, ni les plombs de sécurité 'ol'!t
été visités.
Si pourtant ces plombs avaient été visités, Ua:
auraient sans doute pu être détachés au no*-
ment de la catastrophe, et la vie de douze de
nos marins eût été épargnée.
La leçon a-t-elle au moins servi ? A-fron pris
pour l'avenir, les précautions qu'elle devait fai-
re prendre ?
A Bizerte, il y a deux sous-marins, l'un me-
diocre, le Korrigan, l'autre éclopé, le Gnôme.
Voici la situation'du Korrigan. Le 17 décem-
bre 1908, le lieutenant qui le commande écri-
vait : « A la suite de l'accident du Lutin, le
ministère a décidé qu'à l'avenir les ballasts se-
raient munis de crépines pour empêcher l'intro-
duction dans leurs vannes de corps t:>ls que le
galet qui a causé la catastrophe du Lutin. »
Deux ans après, le 17 décembre 1908, ie com-
mandant du Korrigan signalait qu'aucune des
prises d'eau de so j navire ne possédait encore
de crépines malgré les réclamations successif
ves qu'il avait adressées à cet effet.
Ainsi, le Korrigan est exposé, à chacune de
ses plongées, à la même catastrophe que cOUe
du Lutin. (Exclamations.)
Pourquoi n'a-t-on pas répondu aux demanaer
du commandant du Korrigan ? C'est purce que,
a-t-on dit, il faudrait des crépines de grande di.
mension qui diminueraient la vitesse des bâti-
ments.
On préférait sacrifier la vie des matelots fi
la vitesse des sous-marins.
Ce n'est qu'après deux ans et (terni et sur la
demande pressante de l'amiral Beyle, qu'on a
enfin muni le malheureux navire des crépines
de garantie.
D'autres enseignements doivent ressortir des
catastrophes du Lutin et du Parfait. Les su-
mersibles devraient être munis de boucles et il
devrait exister des appareils élévateurs pour les
retirer de l'eau..
Or, à l'heure actuelle, nos submersibles ne
sont pas encore munis de ces boucles, et res-
lcni, par conséquent exposés aux mêmes catas-
trophes. La marine manque ainsi au plus sacre
de ses devoirs. (Applaudissements.)
D'autre part, quatre ateliers ont fait des pro-
positions pour des docks de relèvement. Mais
aucun marché n'a été passé. L'Allemagne ett a
construits ; nous, nous sommes toujours à fer
attendre.
Il y a là une împéritie criminelle.
Réformons
--En présence d'un tel état rde choses,
.œliClu..t M. LebQÚ ce ne sont Daâ deis
1V 14365 - 20 Messidor An 117. CINQ CENTIMES LE NUMERO Samedi 10 Juillet 1909. - N° 14365.
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TRIBUNE LIBRE
1 VANDALISME
1 ——-——-
La dernière harangue de
M. Jaurès a réalisé à la
Chambre l'unanimité des
admirations, qui donc, par-
mi cette assemblée, beau-
coup moins sectaire et béo-
tienne qu'on ne se plaît a Ja représen-
ter, se fut montré rebelle à la majesté
puissante de cette éloquence, se dérou-
lant en vagues superbes sous l'impul-
sion du souffle le plus noble, le plus
généreux qui jamais ait passé sur une
foule humaine ? Comment les mauvai-
ses querelles, les petites préoccupations
de parti auraient-elles pu ne point se
dérober, honteuses de leur médiocrité,
en présence de cette générosité vaillante
que servait (dans l'expression, tantôt
un lyrisme somptueux et riche, tantôt
la finesse pénétrante d'un esprit criti-
que agile et subtil.
Et certes, le parti radical s'entendit
adresser des réprimandes assez dures.
On eût tlit, en entendant l'orateur tra-
cer en traits de flamme le bilan de
l'œuvre que nous n'avons point ac-
complie, sentir en ses paroles on ne
sait quel regret, on ne sait quelle dé-
ception, de l'insuffisance de l'œuvre
réalisée. Que vous auriez pu faire de
belles choses, si vous aviez été vous,
semblait-il nous dire, si vous' n'aviez
pas renâclé à votre tâche, si vous aviez
songé à vous souvenir du programme
hautement démocratique qui était le
,vôtre. Ce n'est pas au nom d'un dog-
matisme rétréci, d'un catéchisme étroit
et sec, d'un Credo dédaigneusement
exclusif qu'il nous rappelait à notre de-
voir.Toute l'immense plainte populaire
vibrait à sa parole, écho superbe de la
douleur et de la misère humaine. Et
qu'il eût de bon cœur pardonné à notre
hérésie s'il l'avait pu trouver féconde
et hardiment agissante.
Qu'elle n'ait point été telle, c'est la
vérité peut-être, et ce n'est point ici
qu'on en disconviendra. Mais on nous
rendra bien cette justice que ce n'est
point notre faute à nous radicaux-socia-
listes. Devinant, pressentant, à d'évi-
dents symptômes l'avènement, décon-
certant à coup sûr, d'une politique de
bascule et de stagnation, nous avons
voici longtemps, dénoncé le danger,
prodigué les avis, affirmé notre désap-
probation.
Nous n'en avons tiré nul avantage,
si ce n'est celui de la satisfaction du
devoir accompli. Du moins pouvions-
nous espérer voir notre attitude appré-
ciée, je ne dis point avec sympathie,
du moins avec quelque équité ; et notre
probité persistante aux principes du
« radicalisme populaire » aurait pu
nous valoir l'indulgence de ceux qui se
sont fait une spécialité de parler au
nom des intérêts prolétariens.
M. Jaurès sait mieux que personne
quel fut le mérite de certaines attitudes,
et je suis sûr que dans sa conscience
il leur rend un hommage dont nous
avons lieu d'être fiers.
> D'où vient, cependant, l'acharnement
étrange dont les unifiés accablent les
meilleurs d'entre nous !
Je ne sais vraiment rien de lamenta-
ble et de choquant comme l'accueil fait
l'autre jour par des socialistes qui
s'étaient unifiés tout exprès pour cette
noble besogne, à notre grand ami Fer-
dinand Buisson.
Il a conté, lui-même, l'aventure dans
un article plein de cette philosophie
sereine, de cette candeur touchante qui
'donne tant d'attraits à sa pensée. Point
de basses récriminations. Point de ré-
volte devant l'iniquité. Comment se
plaindrait-il, d'ailleurs ; ce sont ses
détracteurs, ses agresseurs pourrait-on
dire, qui sont à plaindre du lâche tour
qu'ils s'efforcent de lui jouer, de l'em-
bûche sordide où ils cherchent à le faire
choir.
Quand donc cette conscience a-t-elle
vacillé dans ses principes ? Quand
donc a-t-elle renié la foi passée, l'idéal
entrevu ? Où trouverez-vous esprit
plus ardemment soucieux de la libéra-
tion prolétarienne ; qui donc, au Par-
lement, pourrait montrer plus noble
geste que cet éducateur, que cet éman-
cipateur de la pensée française - s'il
n'avait été le premier à oublier, sans
iioute, l'immensité des services rendus.
Eh bien ! c'est à celui-là qu'on s'en
iprend. Vaillance, dignité, fermeté, rien
ne compte. Son crime est irrémissible.
Il n'est pas de la chapelle collectiviste.
Il n'admet pas la formule orthodoxe.
Il veut bien donner au peuple plus de
bien-être, de savoir et de joie, mais non
point selon le rite. Bien plus, il s'est
permis d'émettre cette prétention sacri-
lège de combattre pacifiquement le so-
cialisme révolutionnaire en faisant
Xe mieux que lui s* Blasphème, vous
ûis-je 1
Ah Il nous sommes loin des puissant
fe tfûvoléeâ de l'éloquence de AL Jau-
rès. Sa pensée, qui planait tantôt à
l'air libre, qui la reconnaîtrait mainte-
nant, prise dans l'étroit réseau,- les
mesquines roueries d'une tactique qui
en constitue la plus flagrante négation.
Et c'est une constatation pesante et
triste, que de voir tant 'de noblesse
aboutir à tant de pauvreté — ou pour
bien dire de vandalisme.
Qu'importe i. Nous resterons nous-
mêmes.
Ce ne sont point des considérations
opportunistes qui dicteront notre con-
duite., Libre à de prétendus républi-
cains d'avant-garde de prendre à leur
compte les calomnies nationalistes et
de s'en faire une arme pour abattre la
République et les meilleurs républi-
caifts. Fermement attachés à notre
idéal, comme à la méthode de réforme
positive et légaliste qui seule le rend
réalisable, nous saurons le préserver
des glissades suspectes et des rétrogra-
dations sournoises, aussi bien que des
surenchères stériles et des folles turbu-
lences.
Et nous sommes assez sûrs de la rec-
titude de notre voie,pour ne point nous
laisser duper par certaines avances,
et pour ne point nous exposer à cer-
taines complicités.; *
T. STEEG.
, 1.>,,¡;i:(,\2'" Député,
LA POLITIQUE
LA MARINE A LA CHAMBRE
La séance d'hier, consacrée
par la Chambre à la discus-
sion sur la Marine, a éclairé
la situation du même jour que
l'excellent rapport de notre
collaborateur Henri Michel : désordre,
anarchie, gabegie, coulage, sur toute la
ligne. M. Chaumet a beau chanter la
palinodie, regretter ses accusations d'an-
tan, tout n'est pas pour le mieux dans
notre Marine — hélas i
Dans une intervention très remarqua-
ble, M. Leboucq, député de la Seine, a
signalé des gaspillages honteux. Et
dans une phrase qui nous ouvre des
horizons nouveaux il a ajouté : « Un"
simple rédacteur au ministère nous a
appris, sous la foi 'du serment, que le
budget servait uniquement de par-à-
vent. B,
C'est sur ce fait qu'il faudra faire de
plus en plus la lumière. Il importe de
faire voir au pays quels singuliers vire-
ments, joints à des complaisances qu'on
ne salirait qualifier, ont amené le minis-
tère de la marine à gaspiller io milliards
pour obtenir ce résultat piteux de faire
passer la France du 2e au 4e rang der-
rière l'Allemagne et aerrière les Etats-
Unis. - 1 - ¡-
Naturellement, M. Thomson de sa
jumelle scrute l'horizon ; il redoute le
grain et assiste avec intérêt aux discus-
sions sur la Marine ; il profite des oc-
casions pour se livrer à des tentatives
d'auto-sauvetage sous l'œil bienveillant
de M. Etienne que le hasard hisse à la
présidence de l'assemblée et qui surveille
attentivement le renflouage et le radou-
bage du vaisseau de haut bord près
duquel si longtemps il navigua ae con-
serve.
Mais, le Parlement ett le pays n'arri-
vent pas plus à comprendre, malgré les
flots 'd'éloquence de l'ex-ministre, pour-
quoi les archives de la Marine se trou-
vaient en croisière boulevard du Mont-
parnasse, qu'ils ne comprennent com-
ment M. Chaumet a pu, à lui tout seul,
remettre notre flotte en état, et cela, en
beaucoup moins d'un an.
Tout de même, qu'ils nous viennent
des confins du Sahara ou de la bordure
des Landes, ce sont des rudes hommes
ces travailleurs de la mer !
LES ON-DIT
-■ »ii
NOTRE AGENDA
'Aujourd'hui vendredi :
Lever du soleil à 4 h. 9 du matin ; cou-
cher à 8 h. 2 du .soir.
Première à Cluny.
Courses au trot à Saint-Cloud (Prix Le-
goux-Longpré). -
AUTREFOIS
Le Rappel du 10 juillet 1873 :
Des nouvelles reçues au sujet du dm
Banc-Paul de Cassagnac nous dorment des
détails rassurants sur la blessure de M..
Ranc.
C'est a l'avant-bras, ainsi que le consta-
U të$mès-yerbals%. UQH ft l'épaule,
comme le bruit en avait couru, que M.
Ranc a été touché.
Le sang a d'abord coulé avec assez de
force, mais s'est arrêté au bout de quel-
ques instants, et M. Ranc, qui a pu répar-
tir immédiatement avec ses témoins, n'é-
prouva d'autre effet de sa blessure qu'unè
gne de quelques jours dans les mouve-
ments du bras et des doigts.
Le combat a duré de quinze à dix-huit
tninutes.
Presque tous les membres de la Com-
mission du budget se sont prononcés con-
tre une proposition ayant pour objet l'éta-
blissement d'un nouvel impôt sur te sol.
— Le Shah a visité le Jardin il'acclima-
tation, et c'est l'aquarium qui a surtout
excité la curiosité du royal visiteur persan
et de ses compagnons.
Un malin
Un certain D. qui a 'donné son nom à
un quartier de Paris, qu'il a fait construire,
était en 1793, un de ces citoyens douteux
qui, cherchant une occasion de faire for-
tune dans le bouleversement, sentaient en
attendant le moment d'acquérir, le besoin
de se conserver.
Or, D. craignait de devenir l'objet des
rigueurs de cette époque, rigueurs qui at-
teignaient rarement, quoi qu'on en ait dit,
•les bons citovene.
D. étant donc de ceux qui pouvaient
être dénoncés par la clameur publique et
poursuivis par la justice révolutionnaire,
trouva un expédient admirable pour ne pas
être arrêté : il se fit gendarme.
Connais-toi
Le rieile Wdlson qui vient de mourir en
était au début de sa fortune. Traversant
New-York en voiture, il aperçoit un de ses
amis à pied.
Il fit arrêter et l'invita il monter à côté
de lui.
— Quoi ! lui dit l'ami en plaisantant, vous
me reconnaissez encore dans votre fortu-
ne ?
— Oh ! lui répondit l'autre sur le même
ton, je vous réponds de moi jusqu'à deux
millions 1
Historique.
Un jour Napoléon, fort mécontent à la
lecture d'une dépêche de Vienne, dit à Ma-
rie-Louise : (t Votre père est une gana-
che. » -
L'impératrice qui ignorait beaucoup de
termes français, s'adresse à un conseiller
d'Etat et lui demande dans quelle circons-
tance l'empereur l'a. employé. A cette de-
mande inattendue, le courtisan balbutie
que cela veut dire « un homme sage, de
poids, de bon conseil ».
Quelques jours après, la mémoire encore
route fraîche de sa nouvelle acquisition,
Marie-Louise, présidant le conseil d'Etat,
et voyant la discussion plus animée qu'elle
ne voulait, interpelle pour y mettre fin,
pambacérès qui, à ses côtés, baillait tant
soit peu aux corneilles. « C'est g, vous à
nous mettre d'accord dans Cette occasion
importante, lui dit-elle, vous serez mon ora-
cle ; car je vous tiens pour la première et
la meilleure « ganiaohe » de l'empire. u
Les morts glorieuses.
Mirabeau et Sieyès causaient ensemble
sur les morts célèbres dont l'antiquité nous
a transmis le récit. Mirabeau disserta long-
temps, avec son éloquence accoutumée, sur
le poignard de Lucrèce, la cigüe de So-
crate et l'épée de Caton. « Vous avez très
bien parlé, lui dit Sieyès, mais ces grands
personnages étaient soutenus par de gran-
des passions. Ils attachaient sur eux le re-
gard de tout un peuple, et pouivaient en-
tendre 4'avance les éloges de la postérité.
Je connais une mort dans laquelle il entre
peut-être encore plus de force d'âme et de
grandeur, et qui a bien plus de simplicté. »
— « Laquelle donc ? demanda Mirabeau. »
— « C'est la mort d'un pauvre soldat que
la mitraille vient de mutiler sur un champ
de bataille, qu'on jette dans une charrette
dont chacun des cahots lui cause d'horri-
bles souffrances, qu'on abandonne dans un
hôpital où l'on ne saurait trouver un chi-
rurgien pour le «penser, un lambeau de
linge pour aifêter son sang, un verre d'eau
pour étanciher sa soif ; qui a vécu obscur,
qui meurt de même, loin de ses parents,
sans amis, sans consolations, sans se-
cours. et qui meurt sans se plaindre !
« Ah ! s'écria Mirabeau, vous pourriez
bien avoir raison. »
A chacun son dû.
Le brick l'Inconstant, qui ramenait l'em-
pereur de l'Ile d'Elbe en 1815, était chargé
d'environ cinq cents hommes dont le bâ-
timent était encombré. La manœuvre était
entravée, et le commandlant Sari, capitaine
du brick, dit à l'empereur qu'il ne pouvait
virer au cabestan, sans exposer les per-
sonnes qui se pressaient sur le pont. L'em-
pereur, dont l'activité et l'animation Tu"
rent remarquables durant la traversée, se
porta vers les groupes pour éloigner les
officiers et autres personnes de distinction:
cc Allons, allons, messieurs, éloignez-vous,
leur disait-il en les poussant brusque-
ment. » Puis allant vers les vieux gro-
gnards, et s'adressant individuellement à
chacun d'eux : « Allons, mon ami, retire-
toi, disait-il avec douceur, tu es mal là, tu
t'exposes à avoir les jambes cassées. » Et
il passait à un autre qu'il engageait avec
bienveillance à se retirer.
On fit la remarque à l'empereur de la
différence de ses formes avec les soldats
et les gros bonnets. « Cette différence est
justice répondit-il, je dois bien plus aux
hommes qui livrent leur existence pour
quatre sous par jour, qu'à ceux qui l'es-
fomptent contre les honneurs et la fortu-
ne. »
A quelque chose malheur est bon.
Un explorateur racontait , récemment
qu'étant un jour tombé au pouvoir d'une
tribu de cannibales, il crut sa dernière
heure venue. Ceux-ci déclarèrent leurs fa-
méliques et funèbres intentions au pauvre
homme qui leur conseilla de ne pas goûter
à sa chair, car. elle était tout à fait im-
mangeable.
— D'ailleurs, dit-il, laissez-moi vous
donner un échantillon de ma jambe. Vous
en aurez vite assez.
Tirant alors un couteau 3e sa poche, il
se mit en devoir de couper une tranche S.
sa -iambe"et la cassejùaiix iIuœ'
*
çus qui libérèrent le missionnaire aussitôt.
L'heureux mystificateur avait une jam-
be de bois.
Les ailes de la victoire.
En 1713, le maréchal de Villars ayant
pris Landau, s'apprêtait vigoureusement à
assaillir le camp du prince Eugène, re-
tranché dans Roscoff.
— Mais, dit un de ses généraux au ma-
réchal, le coup qui vous cassait presque la
jambe à Malplaquet, vous empêchera d'es-
calader la montagne !
— Mon ami, répondit Villars, pourquoi
s'occuper de ma jambe, puisque je serais
porté jusqu'au sommet sur les ailes de la
victoire 1
Elégance et dollars.
Une dame de la haute société de New-
York porte un manteau d'hermine qui lui
a coûté 175.000 francs, et pour que nurn'en
doute, elle toujours le soin de promener
la toicture avec elle.
Les manteaux de 80.000 et 100.000 francs
sont chose commune.
Une consultation.
Un de nos auteurs qui a la réputation
méritée de ne pas attacher « ses chiens
avec des saucisses Il se trouvait, l'autre
soir, dans un salon, avec un médecin cé-
lèbre. Et comme l'auteur est grippé en ce
moment, il a tout de suite, cherché à extor-
quer une consultation gratuite.
— Docteur, lui dit-il, que faites-vous
quand vous êtes très enrhumé ?
— Je tousse ! répondit le médecin.,
La tasse des Chartreux
On demandait jadis, à je ne gais plus quel
chartreux, pourquoi les religieux de son
ordre, lorsqu'ils buvaient, tenaient si forte-
ment leur tasse des deux mains. -. « Voi-
là, répondit-il, on nous a déjà ôté Ta viande
et nous appréhendons qu'on veuille encore
nous enlever la tasse. »
»
Sor) Voyage
Le prochain voyage de « Catherine » la
Grande continue à « révolutionner le
monde.
Ce ne. sont que manifestations enthou-
siastes en l'honneur de l'héroïsme de l'im-
pératrice des échassoo. 1
Non seulement les marchands de calicot
et les buveurs d'eau thermale célèbrent à
l'envi son impériale gloire, mais encore la
presse est unanime à chanter ses vertus.
Ecoutez la Liberté :
« Ainsi qu'il a pris la précaution de le
révéler confidentilement aux agences,
notre grand colonial landais est « le pre-
mier ministre de la République qui visite
nos possessions asiatiques. » Celles-ci ne
sauraient être à plus flatteuse épreuve.
D'autant que monsieur M. Lacroix, avec
cette ingénuité souriante qui -est le propre
de son talent, se propose publiquement
« de beaucoup apprendre en ce long voya-
ge ». Non que le Colbert de Mont-de-Mar-
san ne sache délà toute la vérité, et mê-
me, un peu plus, sur l'Indo-Chine. Mais
enfin il y a certains détails dont on n'est
bien assuré que sur place. On sait que dès
son installation si légitime au ministère,
monsieur M. Lacroix s'était préoccupé d'a-
méliorer le sort des nègres du Haut-Ton-
kin. Comme on parait croire que l'éminent
homme d'Etat se trompe de couleur : « Eh
bien, vous oubliez les Pavillons-Noirs. »
observe-t-il gravement. Aujourd'hui, mon-
sieur M. Lacroix n'est plus certain que
les Pavillons-Noirs soient nègres ; mais il
ne peut se réisigner à les voir jaunes.Alors,
il va vérifier : il part, comme ça, tout bour-
geoisement, en cabine de luxe, sans même
un cuirassé, « avec une suite peu nom-
breuse ». Il est si simple. Tout de même,
l'Asie l'attend, et se met en frais.
« Monsieur M. Lacroix aura, entre au-
tres bonnes surprises, celle de trouver «ses
possessions aGiatiques » possédées, au
moins pour partie, par les plus pittores-
ques des brigands. Ce ne peut être que sur
le vœu formel de l'explorateur que le gou-
vernement général maintient en pleine ac-
tivité, jusqu'à trente kilomètres de Hanot,
une piraterie toujours insaisissable et sou-
vent victorieusfJ L'extravagante politique
pratiquée depuis plusieurs mois à l'égard
des chefs de bandes s'explique évidem-
ment par le désir de conserver jusqu'à la
venue du « premier ministre de la Répu-
blique » une attraction sensationnelle. »
Lors de sa dernière exploration « Cathe-
rine » se fit photographier avec un casque
colonial.
Cette fois, au retour de son voyage au
pays des danseuses de Sisowath, elle se
fera tirer en tutu esquissant le pas des
échasses.
Et nos colonies seront sauvées !
—— --
Actes et Paroles
*4»
« Malgré la violence de certains soubre-
sauts, la République doit donner sa con-
fiance à la .masse des travailleurs ; celle-
ci se perfectionne chaque jour ; elle accueil-
le avec enthousiasme l'arbitrage obliga-
toire et elle saura se conformer aux sen-
tances rendues, même s'il arrive que cel-
les-ci ne soient pas conformes à ses désirs
et à ses revendications.
« La République ne peut pas se séparer
du peuple ; c'est dans ses couches qu'elle
enfonce ses racines les plus profondes ;
c'est de lui qu'elle doit grandir et se déve-
lopper. Qu'elle édifie le Code du travail,
qu'elle rassemble les morceaux épars des
lois ouvrières ; qu'au milieu des crises les
plus aiguûs elle ne désespère jamais de sa
sagesse, le peuple aura tôt fait de tourner
le dos aux prédicateurs de violence, aux
apôtres de l action directe, pour n'avor
plus confiance que dans la vertu de la loi.»
Voilà certes, de saines et clairvoyantes
idées ; elles sont de M. René Bernard, dé-
puté d'Indre-et-Loire, secrétaire du comité
exécutif du parti radical et radical-socia-
liste. -
EJies traSuisent ïorfi éloquemment ïes
sentiments et les espérances de tous les
républicains soucieux de progrès social.
Seulement. M. Clemenceau pratique
une - goiifciqag SSactoient "i;r. r
A - LA CHAMBRE
* 'i » WM— >
L'ADMINISTRATION DE LA MSRISE
Vifs lacideats
-,- J.,
« Documents intéressant la défense nationale
détournés ; gaspillage ; favoritisme; incurie
criminelle », déclare M. Leboucq;
- MM.Chailiey et Benazet proposent une réor-
ganisation; 8
— MM. Chaumet et Thomson sont exécutés.
I « :
A deux heures et diemie, ,M. Etienne
préside.
Pourquoi est-ce M. Etienne qui préside ?
Est-ce parce que M. Thomson craint d'a-
voir besoin d'une .sonnette amie ? Mys-
tère et discrétion.
Quoiqu'il en soit, la séance est marquée
par de violents incidents. M. Thomson a —
par quel magnétisme ? — trouvé des dé-
fenseurs inattendus, qui feront plus de
bruit que de besogne — fort heureusement,
car elle serait trop mauvaise.
M. Chailley
M. Chailley n'entend pas apporter de
nouveaux griefs contre la scandaleuse ad-
ministration de la marine. Il préfère - et
il faut l'en féliciter — rechercher les
moyens de lui obtenir la place qu'elle
pourrait occuper avec une autre méthode.
Je voudrais qu'au ministère on fit le grand
nettoyage. M. de Lanessan avait déjà dit que
Les très nombreux comités permanents qui l'en-
combrent sont « un des plus puissants élé-
ments d'anarchie de la marine Il. Je regrette
qu'il ne les ait pas balayés lui-même.
Le premier devoir du ministre est d'être le
chef et de se réserver à lui seul l'autorité et la
responsabilité.
Donc, plus de comités. A la tête de chaque
service, un seul homme entouré des techniciens
nécessaires. Au-dessus de tous enfin, le minis-
tre.
Les maux étant connus et les remèdes pro-
posés par la commission d'enquête, je me tour-
ne vers la Chambre tout entière — car il ne
saurait en ces matières y avoir de distinctions
de partis — et je demande à M. le ministre ce
qu'il compte faire et ce qu'il a déjà fait.
Car il aurait pu déjà se mettre à l'œuvre, la
commission n'ayant révélé rien de nouveau à
personne et simplement condensé une masse de
documents connus depuis longtemps.
Et il y a urgence, il n'y a pas une minute à
perdre. La Chambre et l'opinion publique sont
impatientes.
M. Chailley, dont l'intervention fut d'au-
tant plus remarquée qu'elle se produisit
avec plus de bonne foi et de modération,
de documentation et de souci patriotique,
remporte un mérité succès. Il regagne sa
place au bruit - toujours doux à l'oreille
d'un virtuose — d'applaudisssements répé-
tés.
M. Leboucq intervient au nom
de la sous-commission
des marchés
A M. Ghailley succède M. Leboucq dont
l'intervention — entièrement vaillante et
loyale - va mettre MM. Chaumet et
Thomson en désastreuse posture.
Il était nécessaire, dit-il, qu'une commission
dégagée de toute préoccupation politique vînt
apporter au gouvernement sa contribution dé-
sintéressée pour l'œuvre de réformes qui s'im-
pose. En dix ans, nous avons dépensé 10 mil-
liards pour vôir notre marine passer du second
au quatrième rang. Il était urgent d'étudier
les moyens de remédier à pareil état de choses,
et la commission s'y est employée de toutes ses
forces.
A la sous-commission d'enquête qui s'est oc-
cupée spécialement des marchés, de nombreux
abus ont été signalés.
Nous ne nous sommes pas contentés d'enten-
dre des amiraux, des grands chefs : à Brest,
à Cherbourg, à Bizerte, à Toulon, partout,
nous avons entendu des employés, des ouvriers,
de modestes chefs de bureau qui, pour ne pas
porter de galons, n'en sont pas moins hommes
d'honneur. Un simple rédacteur au ministère
nous a appris, sous la foi du serment, que le
budget servait uniquement de paravent.
M. Chaumet exécuté
Le courage de M. Leboucq n'est pas du
goût de M. Chaumet qui, depuis le début
de la séance, se prodigue en œiliades bien
irritantes.
Le ci-devant accusateur public ae la ma-
rine croit devoir intervenir en laissant
sous-entendre — en des-termes jésuitiques
qui lui conviennent — que les rapports de
la commission d'enquête « se font l'écho
d'accusation dans le pays » et, par consé-
quent, peu intéressantes — tout en recon-
naissant qu'elles sont dangereuses.
Et une longue et orageuse discussion
s'engage entre MM. Leboucq et Chaumet
sur des actes de gaspillage invraisembla-
bles ~amerant dans les équipages un décou-
ragement profond.
M. IChaumet le sauteur (de conde) en
profite pour renier une fois de plus ce qu'il
a écrit et pour poser en principe que le té-
moignage sous la foi du serment d'un
adversaire de l'administration ne peut pas
être entendu, ou du moins tenu pour vrai.
Il s'agit de la déposition de M. Empis,
rédacteur à l'administration centrale.
,M. Leboucq exécute alors M. Chaumet
de main de maître.
Thomson en accusation
Cela ne fait pas l'affaire de M. Thomson
qui, se sentant touché, essaye de payer
d'audace.
Il balbutie des explications qui n'en sont
pas et qui, en tout cas, ne sont soutenues
que par quelques courtisans dont l'attitude
pourrait être trop facilement expliquée.
Trois se signalent surtout. Ce sont MM.
Trouin — sur le cas duquel il vaut mieux
ne pas insister, dans son propre intérêt ;
Dauzon, qui, pour ne pas obéir aux mê-
mes raisons que M. Trouin, en a qui ne
sont pas moins impérieuses ; et Chaumet
l'éternel repenti.
M. Trouin fait des miracles. Il bondit de
l'oreille de M. Thomson à celle de M.
Etienne, revient de M. Etienne à M. Thom-
son, etc. Au demeurant, il se fait une
peine inouïe, inutile et quelque peu ridi-
cule
Ces trois anabaptistes, malgré leurs
grands airs indignés, ne aisènt rien qui
raiUe. Heureusement mais gue c'est
donc beau le désintéressement bien com-
pris!
Les papiers Dupont
Ce sont les papiers Dupont qui portent
le tumulte à son comble.
Les répliques s'échangent cinglantes. M.
Thomson e§t touché à chaque reprise.
M. Leboucq. — La Chambre se souvient de
l'émoi provoqué par l'affaire Dupont. M. Du-
pont, ancien chef de cabinet de M. Thomson,
avait emporté chez lui du ministère une gran-
de quantité de pièces, dont plusieurs conuden-
tielles. (Bruit.)
Dans le nombre se trouvaient même les pa-
piers maculés, saisis dans la main crisr-éo du
timonier du Lutin après la terrible catastrophe.
Très bien ! sur divers bancs.) N '-étaient-ce pas
là des reliques nationales ? (Applaudissements.)
M. Thomson. - Vous êtes des juges : écoutez
la réponse 1
On ne vous dit pas que la plupart de ces
documents sont des copies. C'est moi qui avais
demandé à mon ancien chef de cabinet de les
garder.
N'est-il pas permis à un ministre quittant ses
fonctions, dans l'éventualité où il peut se trou-
ver dans l'avenir d'avoir à défendre sa ges-
tion de conserver la copie de décisions prises
par lui ? C'est un droit pour lui. (Mouvements
divers.) Cest par erreur que les pièces du l,u-
tin ont été emportées en même temps ; erreur
regrettable et qui a été réparée le plus tôt pos-
sible.
Lamiral Bienaimé. — Etant préfet mariti-
me. j avais adressé au ministre une lettre dont
j'ai eu besoin plus tard pour donner des expij-
cations à. la Chambre. 11 me fut répondu, au
ministère, que sous aucun prétexte cette com-
munication ne pouvait m'être faite, à moins
d'un vote de la Chambre elle-même. (Mouve-
ments divers.)
M. Lagasse. j'ai dit que la commission
n avait voulu faire aucune personnalité : mais
nous ne pouvons admettre que sous prétexte
de garnir la valise d'un ancien ministre, il soit
permis a celui-ci d'emporter ou des originaux
très importants, ou des coPies plus importantes
encore. Tels sont Far exemple les rapports
confidentiels de nos agents navals à l'étranger.
Est-ce que ces documents intéressent le mi-
nistre pour une défense personnelle à entre-
prendre plus tard ? Ces documents devaient
rester enfermés au ministère.
Songez-vous, dans le cas où les armoires qui
les contenaient à l'Ecole du génie maritime au-
raient été forcées, au mal qui pouvait en résul-
ter pour la France elle-même ? (Mouvements
divers.) 1
Il est difficile de trouver ici une impre
sion, si légère fut-elle, de l'énorme émo-
tion qui s'empare de la Chambre.
M. Thomson peut à peine causer ; les
huées partent et les pupitres claquent en
son honneur à qui mieux mieux. CUi
beau la popularité !
Incurie criminelle
Après un acte d'adoration adressé par
M. Dauzon à son « ami » Thomson, M.
Leboucq en revient aux gabegies découver-
tes par la sous-commission des marchés.
'Mais il est dee incohérences et une in-
curie encore plus graves qu'on ne peut
qualifier que de criminelle négligence.
Prenons la catastrophe du Lutin. Elle a éte
causée par. l'introduction d'un galet dans la
vanne donnant accès au ballast d'arrière et par
la résistance insuffisante des tôles de ce bal-
last.
Or. savez-vous ce qui résulte du procès-verbal
du dernier carénage effectué sur le Lulin ?
J'ai eu, comme du reste M. le ministre de'la
marine lui-même, toutes les peines du monde
à me procurer ce procès-verbal. Il a été heu-
reusement retrouvé hier et télégraphié à M. le
ministre qui a bien voulu me le communiquer.
Eh bien, ce procès-verbal porte, de la main
du commandant, que le carénage a été extrê-
mement rapide pour ne pas retarder la dispos
nibilité du dock. Il constate, en outre, que nt le
ballast d'arrière, ni les plombs de sécurité 'ol'!t
été visités.
Si pourtant ces plombs avaient été visités, Ua:
auraient sans doute pu être détachés au no*-
ment de la catastrophe, et la vie de douze de
nos marins eût été épargnée.
La leçon a-t-elle au moins servi ? A-fron pris
pour l'avenir, les précautions qu'elle devait fai-
re prendre ?
A Bizerte, il y a deux sous-marins, l'un me-
diocre, le Korrigan, l'autre éclopé, le Gnôme.
Voici la situation'du Korrigan. Le 17 décem-
bre 1908, le lieutenant qui le commande écri-
vait : « A la suite de l'accident du Lutin, le
ministère a décidé qu'à l'avenir les ballasts se-
raient munis de crépines pour empêcher l'intro-
duction dans leurs vannes de corps t:>ls que le
galet qui a causé la catastrophe du Lutin. »
Deux ans après, le 17 décembre 1908, ie com-
mandant du Korrigan signalait qu'aucune des
prises d'eau de so j navire ne possédait encore
de crépines malgré les réclamations successif
ves qu'il avait adressées à cet effet.
Ainsi, le Korrigan est exposé, à chacune de
ses plongées, à la même catastrophe que cOUe
du Lutin. (Exclamations.)
Pourquoi n'a-t-on pas répondu aux demanaer
du commandant du Korrigan ? C'est purce que,
a-t-on dit, il faudrait des crépines de grande di.
mension qui diminueraient la vitesse des bâti-
ments.
On préférait sacrifier la vie des matelots fi
la vitesse des sous-marins.
Ce n'est qu'après deux ans et (terni et sur la
demande pressante de l'amiral Beyle, qu'on a
enfin muni le malheureux navire des crépines
de garantie.
D'autres enseignements doivent ressortir des
catastrophes du Lutin et du Parfait. Les su-
mersibles devraient être munis de boucles et il
devrait exister des appareils élévateurs pour les
retirer de l'eau..
Or, à l'heure actuelle, nos submersibles ne
sont pas encore munis de ces boucles, et res-
lcni, par conséquent exposés aux mêmes catas-
trophes. La marine manque ainsi au plus sacre
de ses devoirs. (Applaudissements.)
D'autre part, quatre ateliers ont fait des pro-
positions pour des docks de relèvement. Mais
aucun marché n'a été passé. L'Allemagne ett a
construits ; nous, nous sommes toujours à fer
attendre.
Il y a là une împéritie criminelle.
Réformons
--En présence d'un tel état rde choses,
.œliClu..t M. LebQÚ ce ne sont Daâ deis
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