Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1878-07-01
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 juillet 1878 01 juillet 1878
Description : 1878/07/01 (N3034). 1878/07/01 (N3034).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75299462
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/08/2012
Ne 3034 SS Emndi t'fi. Juillet 1878 JLe mimera$flO e# - jtféimrtemenfis f f 5 çf t S Messidor an 86 —5 W SQ^tl
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RÉDACTION
f^&reeser au Secrétaire de la Rédaction
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JPf 4 £ 6 heures du soir
Il, Bur %B VALOIS, i®
la mADUKrits non insérés ne seront pal rend*
ANNONCES
D. Ch. LAGRANGE, CERF et CR
C, pace de la BoWle, 0
1
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ADMINISTRATION V \V
18, RUE DB Iàiois. ifc \*^
ABONNEMENTS
PARIS
frota moi. io Il
tlïtccie. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 51'1
Six moto. v* «
— K
Admeer lettres et mandM*
A M. ERNEST LEFÈYEB *
ABMINlSTRATKDB-GÉ&AJfX
LA FETEMMBAI~
Le grand caractère de la fête d'au-
jourd'hui, c'est la spontanéité. Le gou-
vernement a invité les citoyens à com-
pléter la fête générale par des fêtes
locales et personnelles. L'invitation
était inutile. Tout Paris se serait pa-
voisé et illuminé de lui-même. Ce n'est
plus ici, comme sous l'empire, une ré-
jouissance par ordre. Il dépendait de
l'empire d'allumer du gaz sur les édi-
fices publics, mais les maisons ne par-
tageaient pas « sa flamme », comme on
dit dans les tragédies. Ce n'était qu'à
force de menaces que ses commissaires
de police arrachaient à quelques mar-
chands de vin et à quelques boutiquiers
un drapeau solitaire et une demi-dou-
zaine de lampions qui s'ennuyaient
'd'être tout seuls dans la rue. Aujour-
d'hui, les lampions auront de la com-
pagnie et les drapeaux pourront dire :
t-Je m'appelle légion !
Aussi les monarchistes, qui ne se
jsont jamais vus à pareille fête, sont-ils
aussi étonnés que consternés. « Serions-
nous devenus un peuple de fous ? » de-
mande un journal légitimiste. Et un
journal bonapartiste, avec un cri qui
ressemble à un vague aboiement :
« Qui fête-t-on? Pour quel anniversaire
illumine-t-on ces façades ? » Pour au-
cun anniversaire, journal de Chisle-
hurst, et l'on ne fête personne. Et c'est
ce qui fait de la fête d'aujourd'hui une
fête plus profondément nationale que
les autres.
-,o,'Ce n'est pas que nous soyons opposés
aux fêtes d'anniversaire. Quand on
roudra fêter n'importe quel anniver-
iaire de l'admirable Révolution dont
pous nous vantons d'être les fils, l'an-
niversaire du 14 juillet qui a démoli la
3astille ou celui du 22 septembre qui a
fedifié la République, nous en serons.
Biais si chers que nous soient ces
grands anniversaires, tout anniversaire
est du passé. La fête d'aujourd'hui est
du présent et de l'avenir. Elle ne re-
garde pas en arrière, elle regarde de-
vant elle. Elle ne jend pas hdmmage à
à France morte, elle rend hommage
& la France vivante — et immortelle.
Et « qui fête-t-on » ? C'est yrai, les
fêtes de l'empire fêtaient quelqu'un.
iElles fêtaient celui qui n'était pas
ancore l'homme de Sedan, mais qui
Stait déjà l'homme de Décembre. Elles
fêtaient le faux serment, la trahison, le
guet-apens, l'étranglement de la loi, le
yiol de la représentation nationale, le
massacre des passants sur le boule-
yard, la déportation en masse, l'écra-
sement du pays sous une botte aux tâ-
tons de laquelle il y avait de la cervelle
de Français. Je vous accorde, bonapar-
tistes, que la fête d'aujourd'hui ne fête
rien de tout cela. Je vous accorde
qu'elle ne glorifie aucun parjure.
Je vous accorde qu'elle n'acclame
aucun assassinat. Vous demandez de
jijui elle est la fête? De personne. Ni
d'uji^ empereur, ni d'un saint. De per-
sonne. Elle n'est que la fête de tout le
monde.
C'est pourquoi tout le monde s'en'
mêle. C'est pourquoi elle n'a pas besoin
de faire menacer les marchands de vin
et les boutiquiers par les commissaires
de police. C'est pourquoi les drapeaux
jaillissent des fenêtres sans qu'on les en
prie. C'est pourquoi les façades s'étoi-
lent de lanternes. C'est pourquoi les
arcs de triomphe surgissent des pavés.
C'est pourquoi les musiques éclatent.
C'est pourquoi l'allégresse est univer-
selle. Vous aviez, vous, la fête d'un
homme; nous avons, nous, la fête de la
France.
Ce soir, les illuminations ; ce matin,
les drapeaux. Y en a-t-il! Comptez-les,
monarchistes. C'est par grappes qu'ils
pendent aux fenêtres. En voyant toutes
les rues égayées parleurs trois couleurs,
nous comparons ce que la République
fait du drapeau à ce qu'en a fait l'em-
pire. Nôus revoyons les jours funèbres
où, à Sedan et à Metz, l'un l'a rendu
et l'autre l'a vendu. Qui ne se souvient
des pleurs de rage de nos soldats, con-
damnés par la capitulation à remettre
leurs drapeaux aux Prussiens ? Ah ! com-
bien ont refusé de les donner, et les
ont brûlés 1 Brûlés ou prisonniers en
Prusse, les drapeaux de la France
étaient morts : les voici qui ressusci-
tent ! Partout, il y en a partout, ils fris-
sonnent au yent, ils éclatent au soleil,
tils revivent, et la France revit avec eux!
La fête d'aujourd'hui, c'est le retour
des drapeaux. L'empire les avait livrés
à la Prusse, la République nous les rend.
Vive la République 1
AUGUSTE VACQUERIE.
Nous aurions voulu qu'aujourd'hui l'en-
trée de l'Exposition fût absolument gra-
tuite. On a craint, parait-il, un excès d'en-
combrement. Les commissaires étrangers
,auraient déclaré que, devant le péril au-
ququel une pareille invasion exposerait
leurs vitrines, ils se croiraient obligés de
fermer. On a dû se contenter de réduire le
prix d'entrée à 25 centimes.
Sur.quoi, un journal bonapartiste :
« La République est économe quand il
S'agit du peuple, ayant tant de gros fonc-
tionnaires à payer. » -
ens! c'est la République qui a de
igtvj fonctionnaires à payer? eh bien,
pe croyais que c'était l'empire. Oui, je
[croyais que c'était l'empire qui payait, par
exemple, à M. Rouher (je commence par
,lui, puisque c'est son journal qui parle)
1f88,000 francs par an (515 francs 05 centi-
mes par jour), — au général de Goyon
i97,000 francs par an (530 francs 25 centi-
mes par jour), — au maréchal Canrobert,
au maréchal Baraguey d'Hilliers et à Ba-
Izalne, oui, à Bazaine, 200,000 francs par
[an (547 francs 75 centimes par jour), —
au maréchal Vaillant 268,000 francs (735
francs 25 centimes par jour), - à M. Tro-
plong 356,000 francs (975 francs 05 centi-
mes par jour).
Et je croyais que l'empereur prenait,
tous les ans, au pays, pour lui 25 millions,
et 1 million 500 mille francs pour la fa-
mille impériale ; total 26 millions et demi.
Ce qui fait par jour la faible somme de
soixante-douze nulle six cent deux francs.
L'Ordre me ferait plaisir en m'apprenant
quelle est la famille qui coûte soixante-
douze mille six cent deux francs par jour
à la France sous la République.
—
Il paraît que la loi n'est pas faite pour
,es catholiques. Il serait monstrueux d'au-
toriser une manifestation pour le cente-
laire de Voltaire, mais il est monstrueux
l'interdire une manifestation pour lelSa-
îré-Cœurl
La municipalité de Marseille ayant em-
pêché, en vertu de la loi, une procession
m l'honneur du Sacré-Cœur, les catholi-
ques de Marseille ont trouvé un moyen de
se moquer de la municipalité et de la loi.
C'était de remplacer la procession défen-
due par un rendez-vous à la statue de Bel-
zunce.
Si l'on doutait de l'intention dans la-
quelle a été organisé ce rendez^vous, il
suffirait de lire les journaux cléricaux de
Marseille. Par exemple, la Vedette, qui, la
veille, publiait un supplément où elle par-
lait ainsi du maire :
« Ame affadie, esprit obscurci, cœur
mou; sa voix grêle n'est pas l'organe de
nos mâles climats. Fuyard, fanfaron, lâ-
che, nous lui arracherons ses masques.
Tu protestes, ô Marseille, contre la tyran-
nie de tes usurpateurs étrangers. Pendant
qu'avec eux l'enfer ricane, avec toi. les
anges du ciel sourient. »
La prose ne suffisant pas aux cléricaux,
ils insultaient en vers le maire et le con-
seil municipal :
Allons, municipaux, rouge et sinistre clique,
Allons, toujours au nom de votre République.
Et le poète de la Vedette ajoutait que le
maire « le faisait rire avec sa voix d'eu-
nuque et son regard chinois », que les
conseillers municipaux étaient « des in-
justes et des faquins », et qu'il ne savait
vraiment « lequel était le plus à craindre,
d'eux ou de la peste ».
Ce poète avait, d'ailleurs, la sincérité de
caractériser ainsi sa muse :
0 ma muse farouche,
Ichevelée, ayant de l'écume à la bouche.
Ces « anges » qui ont « de l'écume à la
bouche - », ces « conservateurs » ---- qui
oracnent de l ecume à la face des auto-
rités et des élus de leur ville, avaient donc
organisé une manifestation qui était un
défi au maire et au conseil municipal.
Qu'ils aient eu à leur tête" M. de Grandval,
président de la chambre de commerce,
cela semble déjà fort, mais un journal
« conservateur » affirme que dejux des ma-
niiestants auraient été le général Lalle-
mand, commandant en chef le 15e corps
d'armée, et le général Guyot-Varnier,
commandant sous ses ordres, qui auraient
ainsi fait partie d'un attroupement illégal.
Nous verrons ce que leur dira le ministre
de la guerre.
Une pareille provocation au premier
magistrat et au conseil élu a sipcité une
opposition à laquelle il fallait s'attendre.
Nous avons publié hier le récit de l'agence
Havas, et nous* attendons celui des jour-
naux de Marseille.
Les cléricaux de Paris n'attendent pas,
eux, les journaux pour trouver que les
coupables sont ceux qui ont protesté con-
tre une manifestation illégale. VUnion va
jusqu'à dire : « En attendant, nous ne,
saurions trop féliciter nos amis de l\!dr'¿
veille de leur conduite courat^euse, ni trop
engager les catholiques à s'inspirer de
leur exemple pour défendre énergique-
ment leurs droits sur le terrain de la léga-
lité. M
Si, quand on a interdit la manifestation
pour le centenaire de Voltaire, nous avions
engagé ceux qui l'avaient désirée à
a défendre énergiqaemeiit leurs droits »"
les. monarchistes cléricaux auraient crié au ]
mépris de la loi, à la sédition et à la sub- Jj
version.
Les républicains ont mieux aimé se.
soumettre à une interdiction qu'ils blâ-
maient que de fournir le moindre prétexte;
au moindre désordre. Les monarchico-
oléricaux aiment mieux qu'on se batte dans j
les rues. C'est ainsi que ce sont les monar-
chistes qui sont le parti de l'ordre.
—♦
Le Journal officiel d'aujourd'hui 29 juin
publie les deux notes suivantes :
Par décision du 26 de ce mois, rendue sur
le rapport du garde des sceaux, ministre de la
justice, le président de la République a daigné
accorder des grâces, commutations ou réduc-
tions à 1,269 condamnés à des peines de droit
commun, détenus dans les colonies, maisons
centrales, pénitenciers agricoles et autres pri-
sons de France et d'Algérie, qui se sont créé
des titres à l'indulgence par leur repentir, leur
soumission et leur assiduité au travail. Ces
décisions gracieuses, qui ont été prises sur les
notes dressées par des directeurs des établisse-
lnents pénitentiaires devront être exécutées à
partir du 30 juin.
Depuis le 14 décembre jusqu'à ce jour 25
décrets de grâces concernant les individus
condamnés pour des crimes et des délits com-
mis pendant l'insurrection de 1871 ont été si-
gnés par M. le président de la République.
Ces décrets comprennent 890 condamnés aux-
quels ont été accordées 435 grâces entières,
2Î3 réductions et 242 commutations de
peines.
La commission des grâces instituée au mi-
nistère de la justice a examiné, dans ses
séances hebdomadaires, la situation de tous.
les condamnés qui ont forint des recours et
sur le compte desquels l'administration de la
marine ou l'administration pénitentiaire ont
transmis des renseignements. 1,378 dossiers
ont été l'objet de rapports, 141 ont été ajour-
nés pour insuffisance de renseignements.
Les 847 rejets prononcés par la commission
ont été motivés par des condamnations anté-
rieures pour crimes et délits de droit commun,
par la gravité des faits se rattachant aux as-
sassinats, aux vols ou aux incendies, et, enfin,
par la mauvaise conduite en prison.
En résumé, pendant les six derniers mois,
890 condamnés ont été l'objet de mesures de
clémence accordées par M. le président de la
République.
On lit au sujet de ces deux notes, dans
la correspondance Havas :
Nous n'avons que peu de renseignements
personnels à ajouter à ceux qui sont con,.
tenus dans les deux notes officielles qui pré-
cèdent.
On remarquera que les mesures prises à l'é-
gard des condamnés de droit commun ont un
caractère collectif, tandis que les grâces ac-
cordées aux personnes condamnées à raison
de leur participation à l'insurrection de 1871
ont fait depuis l'avènement du ministère du
14 décembre l'objet de vingt-cinq décrets suc-
cessifs.
La raison en est bien simple.
Ces mesures de clémence, qui sont prises
sur l'avis de la commission des grâces insti-
tuée au ministère de la justice, ne pouvaient
faire l'objet d'un décret collectif. L'humanité
commandait de faire exécuter sur le champ
des grâces successivement accordées depuis
six mois, à la suite des réunions hebdoma-
daires de la commission.
A côté des 435 grâces entières qui ont été
accordées depuis le 14 décembre dernier, 242
commutations de peines ont été pronon-
cées.
Pour comprendre la portée de ce dernier
chiffre, il est utile de faire remarquer que, par
une mesure purement disciplinaire, les indi-
vidus condamnés à la déportation ne reçoivent
ipas immédiatement leur grâce entière. La
¡condamnation qu'ils avaient précédemment
iencourue est commuée, dans le plus grand
nombre des cas, en une détention dont la du-
rée est calculée de façon à les maintenir pen-
dant la traversée sous le régime-pénitentiaire
Jet à assurer leur mise en liberté à une épo-i
que contemporaine de leur retour en France.
En réalité les commutations de peines ac-
cordées aux déportés ont le caractère d'une
grâce entière dont l'exécution est reculée d'un
.petit nombre de mois pour permettre de le%
•rapatrier dans des conditions complètes de se-,
:curité et de bon ordre.
La note publiée par le Journal officiel indique
que la commission aes garces a épuisé 1 exa- i
men des recours dont elle était saisie. Il con-
vient d'ajouter que de nouveaux recours ar-
irivent quotidiennement au ministère de la
justice et que la commission poursuit active-
iment ses travaux dans l'esprit qui a dicté ses
iprécédentes décisions..-
-
COULISSES DEVERSAIS
On sait que la Chambre dissoute avait
inséré dans la loi de finances pour 1877
un article prescrivant de dresser l'état de
toutes les congrégations religieuses auto-
risées ou non reconnues par la loi, avec
obligation pour le gouvernement de faire
distribuer cet état aux membres des deux
Chambres à l'expiration du 1er semestre
ide 1877. Or ce premier semestre expira
juste au début du régime du 16 mai. Le
ministère d'alors s'empressa, en cela com-
me en toutes choses, de désobéir à la loi.
Non-seulement il ne fit pas procéder à
l'enquête ordonnée légalement, mais il fit
arrêter tous les travaux commencés dans
ce but par ordre du cabinet Jules Si-
mon.
Un des premiers soins du cabinet actuel,
après le 14 décembre, a été de reprendre
cette œuvre au point où le ministère du
16 mai l'avait interrompue. L'enquête a
été reprise et terminée sous la direction
du ministre de la justice, du ministre des
cultes et du ministre de l'intérieur. Aujour-
d'hui on achève l'impression de tous les
états, le ministre des cultes corrige les
épreuves au fur et à mesure et, à la ren-
trée, la statistique complète des congréga-
tions sera distribuée aux députés et aux
sénateurs.
Depuis 1863, époque à laquelle M. Rou-
land, alors ministre des cultes, avait fait
procéder au recensement des congréga-
tions existantes en France, aucun relevé
de ce genre n'avait été fait.
Il paraît que la statistique nouvelle ré-
vèle un accroissement considérable des
congrégations dans les quinze dernières
années, de 1863 à 1878. C'est surtout à la
faveur des premiers ministres de l'ordre
moral, à la suite du 24 mai que cet ac-
croissement s'est manifesté.
Peut-être ces faits inspireront-ils au
Parlement l'idée d'opposer, par une nou-
velle législation, -une digue à ce déborde-
ment de cléricalisme.
-o-
Le ministre de l'instruction publique
fait mettre à exécution en ce moment une
loi votée sur son initiative par les deux
Chambres avant leur séparation, et ten-
dant à porter à 500 francs la pension de
retraite de tous les instituteurs qui n'a-
vaient pas encore atteint cette somme.
Ce sont les instituteurs et les institutri-
ces retraités antérieurement au 1er janvier
1874 qui sont appelés, à bénéficier de cet
avantage. Désormais, il n'y aura plus un
seul instituteur et une seule institutrice ne
touchant pas 500 francs de retraite.
En même temps on élèvera à 166 francs
la pension de retraite de toutes les veuves
d'instituteurs décédés antérieurement au
1" janvier 1874. Toutes les autres touchent
déjà une retraite de cette valeur.
4» *
A la suite d'un excès de fatigue, M. Vic-
tor Hugo a été de nouveau pris du zona
dont il avait déjà souffert il y a quelque
temps, et le repos le plus absolu lui a été
commandé.
Il prie ses amis de l'excuser s'il est obli-
gé, pendant quelques jours, de cesser de
Mes recevoir.
EXPOSITION UNIVERSELLE
L'ORIENT A L'EXPOSITION
LE JAPON
., II
Allons droit à la maison japonaise.
Avant de regarder le mobilier, il faut
voir l'habitation : le contenant avant le
contenu. Tout le monde connaît cette
foire cosmopolite du Trocadéro, qui
réunit les nations- les plus disparates
dans un curieux pêle-mêle de bazars.
Il y a là un pavillon persan près d'une
maison du Caire ; les formes massives
de l'architecture pharaonique écrasent
les toits retroussés d'un palais chinois,
et certain châlet scandinave doit être
fort surpris d'entendre toute la journée
le bourdonnement nasillard de musi-
que arabe qui lui vient du café tuni-
sien.
Un singulier étendard, figurant un
poisson qui semble nager dans le ciel
dès que le vent le fait onduler, annonce
de loin l'empire du soleil levant. D'au-
tres drapeaux, marqués d'un caractère
blanc sur fond violet, flottent le long de
hampes en bambou, à la pointe des-
quelles brille un bizarre enchevêtre-
ment de disques dorés. Il y a là une
maisonnette, des boutiques, une basse-
cour, un jardin, des champs; c'est tout
un petit coin du Japon.
Du dehors même, la palissade en
bambous adroitement croisés et noués
de crins, l'entrée caractéristique faite
tout simplement de quatre poutres, la
silhouette amusante des grands toits
de planches tombant très bas sur la
front de la maison, au milieu de petits
arbres, composent un tableau curieux,
auquel il ne manque plus que le per-
sonnel ordinaire des scènes et des
mœurs japonaises: les messieurs dans
leurs longues robes chamarrées aux
manches traînantes ; les guerriers san-
glés dans leurs lourdes carapaces de
métal bruni et noirci; les dames aux
sourcils étonnés, aux chignons hérissés
de bizarres colifichets. Malheureuse-
ment, on n'y aperçoit que la foule eu-
ropéenne des visiteurs de l'Exposi-
tion.
La porte principale est en bois sur-
chargé de sculptures, dans un style
d'un rococo assez divertissant. Ce sont
des feuillages touffus, minutieusement
découpés et fouillés, tout à jour sur les
larges échancrures évidées dans les
panneaux. Un beau coq, perché sur un
des battants se rengorge en sultan dans
sa collerette de plumes, et semble n'a-
voir pas trop de peine à faire la con-
quête de la poule qui lui fait pen-
dant. d if..¡hl v-
Nous voilà dans le jardin : dans un
coin se trouve un champ de céréales
et de plantes potagères qui ne nous arrê-
tent pas longtemps : avouons notre
ignoramee; les blés du Japon nous
paraissent exactement semblables à
ceux de la Brie. Mais le jardin est très
amusant : il contient de nombreux
échantillons de la flore du pays : chaque
brin de végétation porte, sur une éti-
quette, son nom écrit deux fois, en ca«
ractères orientaux, et dans le latin des
botanistes. Les plates-bandes où ils sont
plantés ont des bordures de tuiles de cou-
le'.ur. Il y a aussi là nombre de ces petits
arbustes auxquels l'horticulture japonai-
se se plaît à donner des formes de nains
contrefaits; des pins et des arbres verts
en miniature, tordus comme s'ils avaient
été souffletés par une tempête perpé-
tuelle; des plantes qu'on a obligées à
entrelacer leurs branches et à moulei
leur feuillage en forme de cloches. —
Cela pousse dans des pots de toutes les
formes, ropds ou hexagones, évasés ou
ventrus, et parfois dans quelque souche
de bois contournée à l'écorce rugueuse
toute chenue de lichens. Ça et là, de
grands parasols, fichés en terre; offrent
leur ombre aux visiteurs qui veulent
s'asseoir au frais. || 5
Regardez un instant cette petite pièce
d'eau; un tronc d'arbre rustique, dif-
forme et mutilé, s'incline sur le bor^
ses moignons de branches crachent de
travers en tous sens des jets d'eau t
nus comme des fils de soie, recueillis
par une belle vasque de porcelaine vertë,
qui semble une feuille énorme ployée
en coupe, et d'où ils retombent en nap-
pe dans le bassin.
Voilà bien un échantillon de ces jar-
dins d'une curiosité un peu artificielle
et un peu puérile, et qu'on aime en
Chine et au Japon. Maintenant, jetez
un coup d'œil sur la basse-cour où se
pavane un coq magnifique : et si vous
voulez acheter des bibelots, porcelaines,
jouels) lanternes de papier, allez aux
petites boutiques serrées dans un coin.
Derrière l'étalage se tiennent les Japo-
nais habillés à l'européenne. Le cos-
tume de drap noir a remplacé les belles
étoffes de décoration fantaisiste; le crâne
ne porte plus la longue tonsure partant
du front et s'arrêtant sur l'occiput à
une touffe nouée en queue. Pourtant
on reconnaît au premier coup d'œil cet
petits hommes, à la physionomie exoti
que et douce, à qui leur taille exigut
jf eu nieton du RAPPEL
- DU lU JUILLET
21
L'ENNEMI -
JDES FEMMES
CHAPITRE X
ta Coupe des aauçalUes
(Suite)
La musique des hussards, mise, par le
jiiajor, à la disposition des ordonnateurs
de la fête avait reçu un costume turc, et
pour plus de couleur locale- elle débuta
par la marche des janissaires.
Alors, toute la compagnie se mit solen-
nellement en marche, par couples, sEldiri-
'geant vers une tente gigantesque dressée
'dans le jardin. Les invités trouvèrent là
lune table servie, avec un luxe extravagant,
par des domestiques habillés, une partie
Voir le Rmpel du 10 au 30 juin.
à la vieille moae polonaise, une partie à
la mode cosaque.
Un maître d'hôtel armé, ou orné d'un
bâton d'argent présidait à la cérémonie.
Le repas fut gai et prépara l'entrain
du bal.
Diogène semblait vouloir enivrer et
affoler tous les assistants. Il fut d'une
verve intarissable ; porta dix ou douze
toasts, et ninterrompit les fusées de son
esprit que quand Melbachowski donna le
;signal du feu d'artifice dreasé à l'extrémité
d'une pelouse.
Après le bouquet, la marche de Dom-
browski se fit entendre ; les hourrahs
éclatèrent, et Diogène réclama le privilége
de conduire selon l'antique usage, la Po-
lonaise.
En Frànce, l'exercice violent qui porte
le nom de polonaise, et les danses qui sui-
virent , eussent semblé bien superflues
après ce tumulte, ce repas, ces griseries
de toutes sortes. En Galicie, la danse
a besoin de ce prologue, de ce premier
délire qui prépare l'autre.
Diogène marchait donc en tête de la fa-
randole polonaise. Mme Pirowska lui avait
donné deux doigts de la main droite, tan-
dis que de la main gauche elle relevait dé-
licatement , comme une châtelaine du
temps passé, ses jupes traînantes. Elle
était seule habillée d'une jupe longue.
Toutes les jeunes femmes et quelques jeu-
nes filles avaient des robes très courtes,
qui laissaient voir leurs pieds chaussés de
petites bottes de couleur, avec des épe-
r ons d'argent. Elles étaient vêtues de ja-
quettes fermées devant, richement bordées
de fourrures et de velours, doutées man-
ches entaillées flottaient sur le dos. Des
nattes, entremêlées de rubans, sortaient de
petites casquettes carrées surmontées
d'aigrettes en plumes de héron.
Ce n'est pas une petite affaire, que de
conduire la polonaise; de commander ces
centaines de manœuvres, d'entrelace-
ments, et de dénouer à l'improviste ses
noeuds enchevêtrés, de conduire à travers
lès allées du jardin, dans la maison, par
lès corridors, par les chambres, par les
escaliers, ce gigantesque serpent à mu-
sique retentissante.
Lorsque le sceptique qui présidait grave-
ment à cette folle manœuvre eut ramené
toute la bande barriolée, étincelante dans
les salons^il M félicité ; il salua,
j
abdiqua; on n'avait plus maintenant qu'à
danser d'une façon cosmopolite.
— Est-ce que nous ne verrons pas votre
amie, Mme Nadège? demanda-t-il à Mme
Pirowska en là saluant.
— Non, elle n'a pas voulu venir. Je
crois qu'elle a eu, peur de vous rencon-
trer.
— Si j'avais été prévenu, c'est moi qui
aurais décliné rhonne ur de votre invita-
tion, madame, pour ne pas vous priver du
plaisir de la recevoir.
— Vous savez bien que ce n'était pas
possible.
— Peut-être Mme Ossokhine s'est-elle
seulement trouvée embarrassée d'un cos-
tume. Elle n'a pas osé venir dans son
costume professionnel.
— Quel costume?
Diogène reprit avec un rire amer et
presque douloureux : 1
— Celui de la Vérité. C'est dommage.
Mme Pirowska se mit à rire d'un petit
rire scandalisé.
— Cet excellent M. Pirowski doit être
bien désolé de l'absence de Mme Ossokhine.
continua Diogène.
- Sans doute, il la regrette comme moi.
Elle eût été facilement la plus belle du
bal.
— Oh ! oh 1 c'est généreux à vous de la
regretter t
— Moi, je suis une vieille femme.
— Ne dites pas cela à votre mari! il
n'est déjà que trop amoureux de la belle
Nadège.
— Amoureux ! lui ?
Mme Pirowska eut un petit rire incré-
dule et méprisant.
Diogène l'affronta sans s'y associer, et,
reprenant son thème, assura gravement
que M. Pirowski était à la veille de com-
mettre les plus grandes folies pour Mme
Osskhine. - D'autant plus, ajouta-t-il, qu'à
une attraction naturelle se joint une ar-
rière-pensée de vengeance conjugale.
— Que voulez-vous dire ? demanda Mme
Pirowska surprise.
Diogène insinua doucement, charitable-
ment, de ce ton galant qui fait pénétrer la
confidence en ne semblant qu'effleurer
l'esprit, que M. Pirowski avait été proba-
blement averti de l'amour ancien du major
Casimir pour la belle Mme Pirowska. En
voyant revenir le major chez lui, il avait
pu croire à la reprise d'un sentiment mal
éteint. La conscience du mari së croyait
dégagée par la coquetterie supposée dg
femme. j~\
Il en est de la calomnie comme de la
flatterie. La plus grosse a autant de chan-
ees que la plus fine. J'ai besoin de ïairé
cette remarque pour expliquer toutes le*
manœuvres de Diogène, assez méprisant
pour compter sur la sottise humaine beau-
coup plus que sur son habileté person-
nelle. Ce conte absurde débité d'un ton
léger produisit, malgré tout, une impres.
sion sur Mme Pirowska.
Selon la logique de la passion féminiao
(le mot passion veut dire simplement ici
regret ou dépit), Mme Pirowska en voulul
à son mari des griefs vraisemblables qu'il
avait contre elle; et quand Diogène la
quitta, aprjs ces piqûres, elle était bien
décidée à taquiner, à exaspérer cette J a
lousie de M. Pirowski, à faire du majoi
son complice autant qu'elle le pourrait,
sans se compromettre, et à contrarier
de toutes ses forces cette admiration
béate du vieux gentilhomme pour Na-
dège.
SACRER MAS0Û0&
(A swyre.y
--- -
RÉDACTION
f^&reeser au Secrétaire de la Rédaction
h
JPf 4 £ 6 heures du soir
Il, Bur %B VALOIS, i®
la mADUKrits non insérés ne seront pal rend*
ANNONCES
D. Ch. LAGRANGE, CERF et CR
C, pace de la BoWle, 0
1
■ < •
ADMINISTRATION V \V
18, RUE DB Iàiois. ifc \*^
ABONNEMENTS
PARIS
frota moi. io Il
tlïtccie. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 51'1
Six moto. v* «
— K
Admeer lettres et mandM*
A M. ERNEST LEFÈYEB *
ABMINlSTRATKDB-GÉ&AJfX
LA FETEMMBAI~
Le grand caractère de la fête d'au-
jourd'hui, c'est la spontanéité. Le gou-
vernement a invité les citoyens à com-
pléter la fête générale par des fêtes
locales et personnelles. L'invitation
était inutile. Tout Paris se serait pa-
voisé et illuminé de lui-même. Ce n'est
plus ici, comme sous l'empire, une ré-
jouissance par ordre. Il dépendait de
l'empire d'allumer du gaz sur les édi-
fices publics, mais les maisons ne par-
tageaient pas « sa flamme », comme on
dit dans les tragédies. Ce n'était qu'à
force de menaces que ses commissaires
de police arrachaient à quelques mar-
chands de vin et à quelques boutiquiers
un drapeau solitaire et une demi-dou-
zaine de lampions qui s'ennuyaient
'd'être tout seuls dans la rue. Aujour-
d'hui, les lampions auront de la com-
pagnie et les drapeaux pourront dire :
t-Je m'appelle légion !
Aussi les monarchistes, qui ne se
jsont jamais vus à pareille fête, sont-ils
aussi étonnés que consternés. « Serions-
nous devenus un peuple de fous ? » de-
mande un journal légitimiste. Et un
journal bonapartiste, avec un cri qui
ressemble à un vague aboiement :
« Qui fête-t-on? Pour quel anniversaire
illumine-t-on ces façades ? » Pour au-
cun anniversaire, journal de Chisle-
hurst, et l'on ne fête personne. Et c'est
ce qui fait de la fête d'aujourd'hui une
fête plus profondément nationale que
les autres.
-,o,'Ce n'est pas que nous soyons opposés
aux fêtes d'anniversaire. Quand on
roudra fêter n'importe quel anniver-
iaire de l'admirable Révolution dont
pous nous vantons d'être les fils, l'an-
niversaire du 14 juillet qui a démoli la
3astille ou celui du 22 septembre qui a
fedifié la République, nous en serons.
Biais si chers que nous soient ces
grands anniversaires, tout anniversaire
est du passé. La fête d'aujourd'hui est
du présent et de l'avenir. Elle ne re-
garde pas en arrière, elle regarde de-
vant elle. Elle ne jend pas hdmmage à
à France morte, elle rend hommage
& la France vivante — et immortelle.
Et « qui fête-t-on » ? C'est yrai, les
fêtes de l'empire fêtaient quelqu'un.
iElles fêtaient celui qui n'était pas
ancore l'homme de Sedan, mais qui
Stait déjà l'homme de Décembre. Elles
fêtaient le faux serment, la trahison, le
guet-apens, l'étranglement de la loi, le
yiol de la représentation nationale, le
massacre des passants sur le boule-
yard, la déportation en masse, l'écra-
sement du pays sous une botte aux tâ-
tons de laquelle il y avait de la cervelle
de Français. Je vous accorde, bonapar-
tistes, que la fête d'aujourd'hui ne fête
rien de tout cela. Je vous accorde
qu'elle ne glorifie aucun parjure.
Je vous accorde qu'elle n'acclame
aucun assassinat. Vous demandez de
jijui elle est la fête? De personne. Ni
d'uji^ empereur, ni d'un saint. De per-
sonne. Elle n'est que la fête de tout le
monde.
C'est pourquoi tout le monde s'en'
mêle. C'est pourquoi elle n'a pas besoin
de faire menacer les marchands de vin
et les boutiquiers par les commissaires
de police. C'est pourquoi les drapeaux
jaillissent des fenêtres sans qu'on les en
prie. C'est pourquoi les façades s'étoi-
lent de lanternes. C'est pourquoi les
arcs de triomphe surgissent des pavés.
C'est pourquoi les musiques éclatent.
C'est pourquoi l'allégresse est univer-
selle. Vous aviez, vous, la fête d'un
homme; nous avons, nous, la fête de la
France.
Ce soir, les illuminations ; ce matin,
les drapeaux. Y en a-t-il! Comptez-les,
monarchistes. C'est par grappes qu'ils
pendent aux fenêtres. En voyant toutes
les rues égayées parleurs trois couleurs,
nous comparons ce que la République
fait du drapeau à ce qu'en a fait l'em-
pire. Nôus revoyons les jours funèbres
où, à Sedan et à Metz, l'un l'a rendu
et l'autre l'a vendu. Qui ne se souvient
des pleurs de rage de nos soldats, con-
damnés par la capitulation à remettre
leurs drapeaux aux Prussiens ? Ah ! com-
bien ont refusé de les donner, et les
ont brûlés 1 Brûlés ou prisonniers en
Prusse, les drapeaux de la France
étaient morts : les voici qui ressusci-
tent ! Partout, il y en a partout, ils fris-
sonnent au yent, ils éclatent au soleil,
tils revivent, et la France revit avec eux!
La fête d'aujourd'hui, c'est le retour
des drapeaux. L'empire les avait livrés
à la Prusse, la République nous les rend.
Vive la République 1
AUGUSTE VACQUERIE.
Nous aurions voulu qu'aujourd'hui l'en-
trée de l'Exposition fût absolument gra-
tuite. On a craint, parait-il, un excès d'en-
combrement. Les commissaires étrangers
,auraient déclaré que, devant le péril au-
ququel une pareille invasion exposerait
leurs vitrines, ils se croiraient obligés de
fermer. On a dû se contenter de réduire le
prix d'entrée à 25 centimes.
Sur.quoi, un journal bonapartiste :
« La République est économe quand il
S'agit du peuple, ayant tant de gros fonc-
tionnaires à payer. » -
ens! c'est la République qui a de
igtvj fonctionnaires à payer? eh bien,
pe croyais que c'était l'empire. Oui, je
[croyais que c'était l'empire qui payait, par
exemple, à M. Rouher (je commence par
,lui, puisque c'est son journal qui parle)
1f88,000 francs par an (515 francs 05 centi-
mes par jour), — au général de Goyon
i97,000 francs par an (530 francs 25 centi-
mes par jour), — au maréchal Canrobert,
au maréchal Baraguey d'Hilliers et à Ba-
Izalne, oui, à Bazaine, 200,000 francs par
[an (547 francs 75 centimes par jour), —
au maréchal Vaillant 268,000 francs (735
francs 25 centimes par jour), - à M. Tro-
plong 356,000 francs (975 francs 05 centi-
mes par jour).
Et je croyais que l'empereur prenait,
tous les ans, au pays, pour lui 25 millions,
et 1 million 500 mille francs pour la fa-
mille impériale ; total 26 millions et demi.
Ce qui fait par jour la faible somme de
soixante-douze nulle six cent deux francs.
L'Ordre me ferait plaisir en m'apprenant
quelle est la famille qui coûte soixante-
douze mille six cent deux francs par jour
à la France sous la République.
—
Il paraît que la loi n'est pas faite pour
,es catholiques. Il serait monstrueux d'au-
toriser une manifestation pour le cente-
laire de Voltaire, mais il est monstrueux
l'interdire une manifestation pour lelSa-
îré-Cœurl
La municipalité de Marseille ayant em-
pêché, en vertu de la loi, une procession
m l'honneur du Sacré-Cœur, les catholi-
ques de Marseille ont trouvé un moyen de
se moquer de la municipalité et de la loi.
C'était de remplacer la procession défen-
due par un rendez-vous à la statue de Bel-
zunce.
Si l'on doutait de l'intention dans la-
quelle a été organisé ce rendez^vous, il
suffirait de lire les journaux cléricaux de
Marseille. Par exemple, la Vedette, qui, la
veille, publiait un supplément où elle par-
lait ainsi du maire :
« Ame affadie, esprit obscurci, cœur
mou; sa voix grêle n'est pas l'organe de
nos mâles climats. Fuyard, fanfaron, lâ-
che, nous lui arracherons ses masques.
Tu protestes, ô Marseille, contre la tyran-
nie de tes usurpateurs étrangers. Pendant
qu'avec eux l'enfer ricane, avec toi. les
anges du ciel sourient. »
La prose ne suffisant pas aux cléricaux,
ils insultaient en vers le maire et le con-
seil municipal :
Allons, municipaux, rouge et sinistre clique,
Allons, toujours au nom de votre République.
Et le poète de la Vedette ajoutait que le
maire « le faisait rire avec sa voix d'eu-
nuque et son regard chinois », que les
conseillers municipaux étaient « des in-
justes et des faquins », et qu'il ne savait
vraiment « lequel était le plus à craindre,
d'eux ou de la peste ».
Ce poète avait, d'ailleurs, la sincérité de
caractériser ainsi sa muse :
0 ma muse farouche,
Ichevelée, ayant de l'écume à la bouche.
Ces « anges » qui ont « de l'écume à la
bouche - », ces « conservateurs » ---- qui
oracnent de l ecume à la face des auto-
rités et des élus de leur ville, avaient donc
organisé une manifestation qui était un
défi au maire et au conseil municipal.
Qu'ils aient eu à leur tête" M. de Grandval,
président de la chambre de commerce,
cela semble déjà fort, mais un journal
« conservateur » affirme que dejux des ma-
niiestants auraient été le général Lalle-
mand, commandant en chef le 15e corps
d'armée, et le général Guyot-Varnier,
commandant sous ses ordres, qui auraient
ainsi fait partie d'un attroupement illégal.
Nous verrons ce que leur dira le ministre
de la guerre.
Une pareille provocation au premier
magistrat et au conseil élu a sipcité une
opposition à laquelle il fallait s'attendre.
Nous avons publié hier le récit de l'agence
Havas, et nous* attendons celui des jour-
naux de Marseille.
Les cléricaux de Paris n'attendent pas,
eux, les journaux pour trouver que les
coupables sont ceux qui ont protesté con-
tre une manifestation illégale. VUnion va
jusqu'à dire : « En attendant, nous ne,
saurions trop féliciter nos amis de l\!dr'¿
veille de leur conduite courat^euse, ni trop
engager les catholiques à s'inspirer de
leur exemple pour défendre énergique-
ment leurs droits sur le terrain de la léga-
lité. M
Si, quand on a interdit la manifestation
pour le centenaire de Voltaire, nous avions
engagé ceux qui l'avaient désirée à
a défendre énergiqaemeiit leurs droits »"
les. monarchistes cléricaux auraient crié au ]
mépris de la loi, à la sédition et à la sub- Jj
version.
Les républicains ont mieux aimé se.
soumettre à une interdiction qu'ils blâ-
maient que de fournir le moindre prétexte;
au moindre désordre. Les monarchico-
oléricaux aiment mieux qu'on se batte dans j
les rues. C'est ainsi que ce sont les monar-
chistes qui sont le parti de l'ordre.
—♦
Le Journal officiel d'aujourd'hui 29 juin
publie les deux notes suivantes :
Par décision du 26 de ce mois, rendue sur
le rapport du garde des sceaux, ministre de la
justice, le président de la République a daigné
accorder des grâces, commutations ou réduc-
tions à 1,269 condamnés à des peines de droit
commun, détenus dans les colonies, maisons
centrales, pénitenciers agricoles et autres pri-
sons de France et d'Algérie, qui se sont créé
des titres à l'indulgence par leur repentir, leur
soumission et leur assiduité au travail. Ces
décisions gracieuses, qui ont été prises sur les
notes dressées par des directeurs des établisse-
lnents pénitentiaires devront être exécutées à
partir du 30 juin.
Depuis le 14 décembre jusqu'à ce jour 25
décrets de grâces concernant les individus
condamnés pour des crimes et des délits com-
mis pendant l'insurrection de 1871 ont été si-
gnés par M. le président de la République.
Ces décrets comprennent 890 condamnés aux-
quels ont été accordées 435 grâces entières,
2Î3 réductions et 242 commutations de
peines.
La commission des grâces instituée au mi-
nistère de la justice a examiné, dans ses
séances hebdomadaires, la situation de tous.
les condamnés qui ont forint des recours et
sur le compte desquels l'administration de la
marine ou l'administration pénitentiaire ont
transmis des renseignements. 1,378 dossiers
ont été l'objet de rapports, 141 ont été ajour-
nés pour insuffisance de renseignements.
Les 847 rejets prononcés par la commission
ont été motivés par des condamnations anté-
rieures pour crimes et délits de droit commun,
par la gravité des faits se rattachant aux as-
sassinats, aux vols ou aux incendies, et, enfin,
par la mauvaise conduite en prison.
En résumé, pendant les six derniers mois,
890 condamnés ont été l'objet de mesures de
clémence accordées par M. le président de la
République.
On lit au sujet de ces deux notes, dans
la correspondance Havas :
Nous n'avons que peu de renseignements
personnels à ajouter à ceux qui sont con,.
tenus dans les deux notes officielles qui pré-
cèdent.
On remarquera que les mesures prises à l'é-
gard des condamnés de droit commun ont un
caractère collectif, tandis que les grâces ac-
cordées aux personnes condamnées à raison
de leur participation à l'insurrection de 1871
ont fait depuis l'avènement du ministère du
14 décembre l'objet de vingt-cinq décrets suc-
cessifs.
La raison en est bien simple.
Ces mesures de clémence, qui sont prises
sur l'avis de la commission des grâces insti-
tuée au ministère de la justice, ne pouvaient
faire l'objet d'un décret collectif. L'humanité
commandait de faire exécuter sur le champ
des grâces successivement accordées depuis
six mois, à la suite des réunions hebdoma-
daires de la commission.
A côté des 435 grâces entières qui ont été
accordées depuis le 14 décembre dernier, 242
commutations de peines ont été pronon-
cées.
Pour comprendre la portée de ce dernier
chiffre, il est utile de faire remarquer que, par
une mesure purement disciplinaire, les indi-
vidus condamnés à la déportation ne reçoivent
ipas immédiatement leur grâce entière. La
¡condamnation qu'ils avaient précédemment
iencourue est commuée, dans le plus grand
nombre des cas, en une détention dont la du-
rée est calculée de façon à les maintenir pen-
dant la traversée sous le régime-pénitentiaire
Jet à assurer leur mise en liberté à une épo-i
que contemporaine de leur retour en France.
En réalité les commutations de peines ac-
cordées aux déportés ont le caractère d'une
grâce entière dont l'exécution est reculée d'un
.petit nombre de mois pour permettre de le%
•rapatrier dans des conditions complètes de se-,
:curité et de bon ordre.
La note publiée par le Journal officiel indique
que la commission aes garces a épuisé 1 exa- i
men des recours dont elle était saisie. Il con-
vient d'ajouter que de nouveaux recours ar-
irivent quotidiennement au ministère de la
justice et que la commission poursuit active-
iment ses travaux dans l'esprit qui a dicté ses
iprécédentes décisions..-
-
COULISSES DEVERSAIS
On sait que la Chambre dissoute avait
inséré dans la loi de finances pour 1877
un article prescrivant de dresser l'état de
toutes les congrégations religieuses auto-
risées ou non reconnues par la loi, avec
obligation pour le gouvernement de faire
distribuer cet état aux membres des deux
Chambres à l'expiration du 1er semestre
ide 1877. Or ce premier semestre expira
juste au début du régime du 16 mai. Le
ministère d'alors s'empressa, en cela com-
me en toutes choses, de désobéir à la loi.
Non-seulement il ne fit pas procéder à
l'enquête ordonnée légalement, mais il fit
arrêter tous les travaux commencés dans
ce but par ordre du cabinet Jules Si-
mon.
Un des premiers soins du cabinet actuel,
après le 14 décembre, a été de reprendre
cette œuvre au point où le ministère du
16 mai l'avait interrompue. L'enquête a
été reprise et terminée sous la direction
du ministre de la justice, du ministre des
cultes et du ministre de l'intérieur. Aujour-
d'hui on achève l'impression de tous les
états, le ministre des cultes corrige les
épreuves au fur et à mesure et, à la ren-
trée, la statistique complète des congréga-
tions sera distribuée aux députés et aux
sénateurs.
Depuis 1863, époque à laquelle M. Rou-
land, alors ministre des cultes, avait fait
procéder au recensement des congréga-
tions existantes en France, aucun relevé
de ce genre n'avait été fait.
Il paraît que la statistique nouvelle ré-
vèle un accroissement considérable des
congrégations dans les quinze dernières
années, de 1863 à 1878. C'est surtout à la
faveur des premiers ministres de l'ordre
moral, à la suite du 24 mai que cet ac-
croissement s'est manifesté.
Peut-être ces faits inspireront-ils au
Parlement l'idée d'opposer, par une nou-
velle législation, -une digue à ce déborde-
ment de cléricalisme.
-o-
Le ministre de l'instruction publique
fait mettre à exécution en ce moment une
loi votée sur son initiative par les deux
Chambres avant leur séparation, et ten-
dant à porter à 500 francs la pension de
retraite de tous les instituteurs qui n'a-
vaient pas encore atteint cette somme.
Ce sont les instituteurs et les institutri-
ces retraités antérieurement au 1er janvier
1874 qui sont appelés, à bénéficier de cet
avantage. Désormais, il n'y aura plus un
seul instituteur et une seule institutrice ne
touchant pas 500 francs de retraite.
En même temps on élèvera à 166 francs
la pension de retraite de toutes les veuves
d'instituteurs décédés antérieurement au
1" janvier 1874. Toutes les autres touchent
déjà une retraite de cette valeur.
4» *
A la suite d'un excès de fatigue, M. Vic-
tor Hugo a été de nouveau pris du zona
dont il avait déjà souffert il y a quelque
temps, et le repos le plus absolu lui a été
commandé.
Il prie ses amis de l'excuser s'il est obli-
gé, pendant quelques jours, de cesser de
Mes recevoir.
EXPOSITION UNIVERSELLE
L'ORIENT A L'EXPOSITION
LE JAPON
., II
Allons droit à la maison japonaise.
Avant de regarder le mobilier, il faut
voir l'habitation : le contenant avant le
contenu. Tout le monde connaît cette
foire cosmopolite du Trocadéro, qui
réunit les nations- les plus disparates
dans un curieux pêle-mêle de bazars.
Il y a là un pavillon persan près d'une
maison du Caire ; les formes massives
de l'architecture pharaonique écrasent
les toits retroussés d'un palais chinois,
et certain châlet scandinave doit être
fort surpris d'entendre toute la journée
le bourdonnement nasillard de musi-
que arabe qui lui vient du café tuni-
sien.
Un singulier étendard, figurant un
poisson qui semble nager dans le ciel
dès que le vent le fait onduler, annonce
de loin l'empire du soleil levant. D'au-
tres drapeaux, marqués d'un caractère
blanc sur fond violet, flottent le long de
hampes en bambou, à la pointe des-
quelles brille un bizarre enchevêtre-
ment de disques dorés. Il y a là une
maisonnette, des boutiques, une basse-
cour, un jardin, des champs; c'est tout
un petit coin du Japon.
Du dehors même, la palissade en
bambous adroitement croisés et noués
de crins, l'entrée caractéristique faite
tout simplement de quatre poutres, la
silhouette amusante des grands toits
de planches tombant très bas sur la
front de la maison, au milieu de petits
arbres, composent un tableau curieux,
auquel il ne manque plus que le per-
sonnel ordinaire des scènes et des
mœurs japonaises: les messieurs dans
leurs longues robes chamarrées aux
manches traînantes ; les guerriers san-
glés dans leurs lourdes carapaces de
métal bruni et noirci; les dames aux
sourcils étonnés, aux chignons hérissés
de bizarres colifichets. Malheureuse-
ment, on n'y aperçoit que la foule eu-
ropéenne des visiteurs de l'Exposi-
tion.
La porte principale est en bois sur-
chargé de sculptures, dans un style
d'un rococo assez divertissant. Ce sont
des feuillages touffus, minutieusement
découpés et fouillés, tout à jour sur les
larges échancrures évidées dans les
panneaux. Un beau coq, perché sur un
des battants se rengorge en sultan dans
sa collerette de plumes, et semble n'a-
voir pas trop de peine à faire la con-
quête de la poule qui lui fait pen-
dant. d if..¡hl v-
Nous voilà dans le jardin : dans un
coin se trouve un champ de céréales
et de plantes potagères qui ne nous arrê-
tent pas longtemps : avouons notre
ignoramee; les blés du Japon nous
paraissent exactement semblables à
ceux de la Brie. Mais le jardin est très
amusant : il contient de nombreux
échantillons de la flore du pays : chaque
brin de végétation porte, sur une éti-
quette, son nom écrit deux fois, en ca«
ractères orientaux, et dans le latin des
botanistes. Les plates-bandes où ils sont
plantés ont des bordures de tuiles de cou-
le'.ur. Il y a aussi là nombre de ces petits
arbustes auxquels l'horticulture japonai-
se se plaît à donner des formes de nains
contrefaits; des pins et des arbres verts
en miniature, tordus comme s'ils avaient
été souffletés par une tempête perpé-
tuelle; des plantes qu'on a obligées à
entrelacer leurs branches et à moulei
leur feuillage en forme de cloches. —
Cela pousse dans des pots de toutes les
formes, ropds ou hexagones, évasés ou
ventrus, et parfois dans quelque souche
de bois contournée à l'écorce rugueuse
toute chenue de lichens. Ça et là, de
grands parasols, fichés en terre; offrent
leur ombre aux visiteurs qui veulent
s'asseoir au frais. || 5
Regardez un instant cette petite pièce
d'eau; un tronc d'arbre rustique, dif-
forme et mutilé, s'incline sur le bor^
ses moignons de branches crachent de
travers en tous sens des jets d'eau t
nus comme des fils de soie, recueillis
par une belle vasque de porcelaine vertë,
qui semble une feuille énorme ployée
en coupe, et d'où ils retombent en nap-
pe dans le bassin.
Voilà bien un échantillon de ces jar-
dins d'une curiosité un peu artificielle
et un peu puérile, et qu'on aime en
Chine et au Japon. Maintenant, jetez
un coup d'œil sur la basse-cour où se
pavane un coq magnifique : et si vous
voulez acheter des bibelots, porcelaines,
jouels) lanternes de papier, allez aux
petites boutiques serrées dans un coin.
Derrière l'étalage se tiennent les Japo-
nais habillés à l'européenne. Le cos-
tume de drap noir a remplacé les belles
étoffes de décoration fantaisiste; le crâne
ne porte plus la longue tonsure partant
du front et s'arrêtant sur l'occiput à
une touffe nouée en queue. Pourtant
on reconnaît au premier coup d'œil cet
petits hommes, à la physionomie exoti
que et douce, à qui leur taille exigut
jf eu nieton du RAPPEL
- DU lU JUILLET
21
L'ENNEMI -
JDES FEMMES
CHAPITRE X
ta Coupe des aauçalUes
(Suite)
La musique des hussards, mise, par le
jiiajor, à la disposition des ordonnateurs
de la fête avait reçu un costume turc, et
pour plus de couleur locale- elle débuta
par la marche des janissaires.
Alors, toute la compagnie se mit solen-
nellement en marche, par couples, sEldiri-
'geant vers une tente gigantesque dressée
'dans le jardin. Les invités trouvèrent là
lune table servie, avec un luxe extravagant,
par des domestiques habillés, une partie
Voir le Rmpel du 10 au 30 juin.
à la vieille moae polonaise, une partie à
la mode cosaque.
Un maître d'hôtel armé, ou orné d'un
bâton d'argent présidait à la cérémonie.
Le repas fut gai et prépara l'entrain
du bal.
Diogène semblait vouloir enivrer et
affoler tous les assistants. Il fut d'une
verve intarissable ; porta dix ou douze
toasts, et ninterrompit les fusées de son
esprit que quand Melbachowski donna le
;signal du feu d'artifice dreasé à l'extrémité
d'une pelouse.
Après le bouquet, la marche de Dom-
browski se fit entendre ; les hourrahs
éclatèrent, et Diogène réclama le privilége
de conduire selon l'antique usage, la Po-
lonaise.
En Frànce, l'exercice violent qui porte
le nom de polonaise, et les danses qui sui-
virent , eussent semblé bien superflues
après ce tumulte, ce repas, ces griseries
de toutes sortes. En Galicie, la danse
a besoin de ce prologue, de ce premier
délire qui prépare l'autre.
Diogène marchait donc en tête de la fa-
randole polonaise. Mme Pirowska lui avait
donné deux doigts de la main droite, tan-
dis que de la main gauche elle relevait dé-
licatement , comme une châtelaine du
temps passé, ses jupes traînantes. Elle
était seule habillée d'une jupe longue.
Toutes les jeunes femmes et quelques jeu-
nes filles avaient des robes très courtes,
qui laissaient voir leurs pieds chaussés de
petites bottes de couleur, avec des épe-
r ons d'argent. Elles étaient vêtues de ja-
quettes fermées devant, richement bordées
de fourrures et de velours, doutées man-
ches entaillées flottaient sur le dos. Des
nattes, entremêlées de rubans, sortaient de
petites casquettes carrées surmontées
d'aigrettes en plumes de héron.
Ce n'est pas une petite affaire, que de
conduire la polonaise; de commander ces
centaines de manœuvres, d'entrelace-
ments, et de dénouer à l'improviste ses
noeuds enchevêtrés, de conduire à travers
lès allées du jardin, dans la maison, par
lès corridors, par les chambres, par les
escaliers, ce gigantesque serpent à mu-
sique retentissante.
Lorsque le sceptique qui présidait grave-
ment à cette folle manœuvre eut ramené
toute la bande barriolée, étincelante dans
les salons^il M félicité ; il salua,
j
abdiqua; on n'avait plus maintenant qu'à
danser d'une façon cosmopolite.
— Est-ce que nous ne verrons pas votre
amie, Mme Nadège? demanda-t-il à Mme
Pirowska en là saluant.
— Non, elle n'a pas voulu venir. Je
crois qu'elle a eu, peur de vous rencon-
trer.
— Si j'avais été prévenu, c'est moi qui
aurais décliné rhonne ur de votre invita-
tion, madame, pour ne pas vous priver du
plaisir de la recevoir.
— Vous savez bien que ce n'était pas
possible.
— Peut-être Mme Ossokhine s'est-elle
seulement trouvée embarrassée d'un cos-
tume. Elle n'a pas osé venir dans son
costume professionnel.
— Quel costume?
Diogène reprit avec un rire amer et
presque douloureux : 1
— Celui de la Vérité. C'est dommage.
Mme Pirowska se mit à rire d'un petit
rire scandalisé.
— Cet excellent M. Pirowski doit être
bien désolé de l'absence de Mme Ossokhine.
continua Diogène.
- Sans doute, il la regrette comme moi.
Elle eût été facilement la plus belle du
bal.
— Oh ! oh 1 c'est généreux à vous de la
regretter t
— Moi, je suis une vieille femme.
— Ne dites pas cela à votre mari! il
n'est déjà que trop amoureux de la belle
Nadège.
— Amoureux ! lui ?
Mme Pirowska eut un petit rire incré-
dule et méprisant.
Diogène l'affronta sans s'y associer, et,
reprenant son thème, assura gravement
que M. Pirowski était à la veille de com-
mettre les plus grandes folies pour Mme
Osskhine. - D'autant plus, ajouta-t-il, qu'à
une attraction naturelle se joint une ar-
rière-pensée de vengeance conjugale.
— Que voulez-vous dire ? demanda Mme
Pirowska surprise.
Diogène insinua doucement, charitable-
ment, de ce ton galant qui fait pénétrer la
confidence en ne semblant qu'effleurer
l'esprit, que M. Pirowski avait été proba-
blement averti de l'amour ancien du major
Casimir pour la belle Mme Pirowska. En
voyant revenir le major chez lui, il avait
pu croire à la reprise d'un sentiment mal
éteint. La conscience du mari së croyait
dégagée par la coquetterie supposée dg
femme. j~\
Il en est de la calomnie comme de la
flatterie. La plus grosse a autant de chan-
ees que la plus fine. J'ai besoin de ïairé
cette remarque pour expliquer toutes le*
manœuvres de Diogène, assez méprisant
pour compter sur la sottise humaine beau-
coup plus que sur son habileté person-
nelle. Ce conte absurde débité d'un ton
léger produisit, malgré tout, une impres.
sion sur Mme Pirowska.
Selon la logique de la passion féminiao
(le mot passion veut dire simplement ici
regret ou dépit), Mme Pirowska en voulul
à son mari des griefs vraisemblables qu'il
avait contre elle; et quand Diogène la
quitta, aprjs ces piqûres, elle était bien
décidée à taquiner, à exaspérer cette J a
lousie de M. Pirowski, à faire du majoi
son complice autant qu'elle le pourrait,
sans se compromettre, et à contrarier
de toutes ses forces cette admiration
béate du vieux gentilhomme pour Na-
dège.
SACRER MAS0Û0&
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