Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-03-18
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 mars 1884 18 mars 1884
Description : 1884/03/18 (A6,N1582). 1884/03/18 (A6,N1582).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/07/2012
e, EME ANNÉE — NUMERO 1582.: HJn Numéro: Paris, 13 éent.; DépartèmentA, 20 cent." MARDI 18 MARS 1884,
A. DUMONT, Directeur
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— 3 —. r4o
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3 mois.. 16 »
12 — 60 »
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H. BERGER, via Broletto, 26; à Barcelona,
chez A. PIAGET, 20, Rambla del Centro;
à St-Pétersbourp, au bureau de poste, et
chez VIOLLET père, 10, canal Catherine,
pont de Cazan; à Londres, chez M M. DE.
LIZY-DAVIES etCte, t, Finch.Lane, Cornhill.
Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd'hui et recommencer
1 le lendemain. — J. JANIN, préface de Gil Blas.
A. DUMONT Directeur
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DÉPARRTEMENTS, 3 mois. le »
— 12 - 60 »
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ANNONCES ET RÉCLAMES
MM. DOLMNQEN FILS, SÉGUY ET Ci*
16 rue de la Grange-Batelière, 16
ET A L'ADMINISTRATION
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
ID, BOULEVARD DES CAPUCINES. 16
SOMMAIRE
ADIEU. - Maufrigncuse.
NOUVELLES ET ECHOS. — Le Diable Boiteux.
LE BON VIN. — Joseph Montet.
A TRAVERS LA POLITIQUE. — Intérim.
INFORMATIONS. — Georges Duret.
LES PROPOS DU DOCTEUR. — Dr E. Monin.
LES RÉUNIONS D'HIER. — Paul Rt}!/cI'.
LE CONSEIL QUOTIDIEN. — Octave Sully.
FAITS DIVERS. — Pierre Ferrarc.
TOUR DU MONDE. — Louis Rozicr. ,-
'JOURNAUX ET REVUES. — Jean Ciseaux.
- LES LIVRES. — Paul Ginisty.
LES HOMMES DE CHEVAL. — Baron de Vaux,
SPORT. — The Farmer,
COURRIER DES THÉÂTRES. — C. de Trogoff.
LA SEMAINE FINANCIÈRE.
PASSE-TEMPS QUOTIDIEN. - E. Framcry.
FEUILLETON : CHÉRIE. — Edmond de Concourt.
ADIEU
Les deux amis achevaient de diner. De
la fenêtre du café ils - voyaient le boule-
vard couvert de monde. Ils sentaient pas-
ser ces souffles tièdes qui courent dans
Paris par les douces nuits d'été, et font
lever la tête aux passants et donnent en-
vie de partir, d'aller là-bas, on ne sait où,
sous des feuilles, et font rêver de rivières
éclairées par la lune, de vers luisants et
de rossignols.
- L'un d'eux, Henri Simon, prononça,
en soupirant profondément : — « Ah ! je
vieillis. C'est triste. Autrefois, par des
soirs pareils, je me sentais le diable au
corps. Aujourd'hui je ne me %ens plus que
des regrets. Ça va vite, la vie !»
Il était un peu gros déjà, vieux de qua-
.ante-cinq ans peut-être, et très chauve.
L'autre, Pierre Carnier, un ,rien plus
âgé, mais plus maigre et plus vivant,
reprit : « Moi, mon cher, j'ai vieilli sans
m'en apercevoir le moins du monde.
J'étais toujours gai, gaillard, vigoureux et
le reste. Or, comme on se regarde chaque
jour dans son miroir, on ne voit pas le
travail de l'âge s'accomplir, car il est
lent, régulier, et il modifie le visage si
doucement que les transitions sont insen-
sibles. C'est uniquement pour cela que
nous ne mourons pas de chagrin après
deux ou trois ans seulement de ravages.
Car nous ne les pouvons apprécier. Il
faudrait, pour s'en rendre compte, rester
six mois sans regarder sa figure — oh !
alors quel coup 1 '-'
Et les femmes, mon cher, comme je les
plains, les pauvres - êtres. Tout leur bon-
heur, toute leur puissance, toute leur vie
sont dans leur beauté qui dure dix ans.
- Donc, moi, j'ai vieilli sans m'en douter.
je me croyais presque un adolescent alors
que j'avais près de cinquante ans. Ne
me sentant aucune infirmité d'aucune
sorte, j'allais, heureux et tranquille.
La révélation de ma décadence m'est
venue d'une façon simple et terrible qui
m'a atterré pendant près de six mois.
puis j'en ai pris mon parti. -
J'ai été .souvent amoureux, comme
presque tous les hommes, mais principa-
lement une fois.
Je l'avais rencontrée au bord de la mer,
à Etretat, voici douze ans environ, un peu
après la guerre. Rien de gentil comme
cette plage, le matin, à l'heure des bains.
Elle est petite, arrondie en fer à cheval,
encadrée par ces hautes falaises blanches
percées de ces trous singuliers qu'on nom-
me les Portes, l'une énorme, allongeant
ijans la mer sa jambe de géante, l'autre
en face, accroupie -et rondo; la foule des
femmes se rassemble, se masse sur l'é-
troite langue de galets qu'-elle couvre
d'un éclatant jardin de toilettes claires,
dans ce. cadre de hauts rochers. Le soleil
tombe en plein sur les côtes, sur les om-
brelles.de toute nuance, sur la mer d'un
bleu verdâtre; et tout cela est gai, char-
mant, sourit aux yeux. On va s'asseoir
tout contre l'eau, et on regarde les bai-
gneuses. Elles descendent, drapées dans
un peignoir dë fifanelle - qu'elles rejettent
d'un joli mouvement en atteignant la
frange d'écume des courtes vagues ; et
elles entrent dans la mer, d'un petit pas
rapide qu'arrête parfois un frisson de froid
délicieux, une courte suffocation.
- Bien peu résistent à cette épreuve du
bain. C'est là qu'on les juge, depuis le
inollet jusqu'à laegorge. La sortie surtout
revèle les faibles, bien que l'eau de mer
soit d'un puissant secours aux chairs
amollies.
La première fois que je vis ainsi cette
jeune femme, je fus ravi et séduit. Elle te-
nait bon, elle tenait ferme. Puis il y a
des figures dont le charme entre en nous
brusquement, nous envahit tout d'un coup.
Il semble qu'on trouve la femme qu'on
était né pour aimer. J'ai eu cette sensa-
tion et cette secousse. I
Je me fis présenter et je fus bientôt
pincé comme je ne l'avais jamais été. Elle
me ravageait le cœur. C'est une chose
effroyable et délicieuse que de subir ainsi
la domination d'une femme. C'est presque
pn supplice et, en même temps, un in-
croyable bonheur. Son regard, son sou-
rire, les cheveux die sa nuque quand la
brise les soulevait, toutes les plus petites
lignes de son visage, les moindres mou-
vements de ses traits, me ravissaient, me
bouleversaient, m'affolaient. Elle me pos-
sédait par toute, sa personne, par ses
gestes, par ses attitudes, même par les
choses qu'elle portait qui devenaient en-
sorcelantes. Je m'attendrissais à voir sa
voilette sur un meuble, ses gants jetés
sur un fauteuil. Ses 'toilettes me sem-
blaient inimitables. Personne n'ayait des
chapeaux pareils aux siens.
Elle était mariée, mais l'époux venait
tous les samedis pour repartir, les lundis.
Il me laissait d'ailleurs indifférent. Je
n'en étais point jaloux, je ne sais pourquoi
jamais un être ne me parut avoir aussi
peu d'importance dans la vie, n'attira
,oins mon attention que cet homme.
Comme je l'aimais, elle 1 Et comme elle.
était belle, gracieuse et jeune ! C'était la
jeunesse, l'élégance et la fraîcheur même.
Jamais je n'avais senti de cette façon
comme la femme est un être joli, fin, dis-
tingué, délicat, fait de charme et de grâce.
Jamais je n'avais compris ce qu'il y a de
beauté séduisante dans la courbe d'une
joue, dans le mouvement d'une lèvre, dans
les plis ronds d'une petite oreille, dans la
forme de ce soV organe qu'on nomme le
nez. ,
Cela dura trois mois, puis je partis pour
l'Amérique, le cœur broyé de désespoir.
Mais sa pensée demeura en moi, persis-
tante, triomphante.. Elle me possédait de
loin comme elle m'avait possédé de près.
Des années passèrent. Je ne l'oubliais
point. Son image charmante restait de-
vant mes yeux et dans mon cœur. Et ma
tendresse lui demeurait fidèle, une ten-
dresse tranquille, maintenant, quelque
chose comme le souvenir aimé de ce que
j'avais rencontré de plus beau et de plus
séduisant dans la vie.
0 CO
Douze ans sont si peu de chose dans
l'existence d'un homme! On ne les sent
point passer ! Elles vont l'une après l'au-
tre, les années, doucement et vite, lentes
et pressées ; chacune est longue et si tôt
finie! Et elles s'additionnent si prompte-
ment, elles laissent si peu de trace der-
rière elles, elles s'évanouissent si com-
plètement qu'en se retournant pour voir
la temps parcouru on n'aperçoit plus rien,
et on ne comprend pas comment il se fait
qu'on soit vieux.
Il me semblait vraiment que quelques
mois à peine me séparaient de cette sai-
son charmante sur le galet d'Etretat.
J'allais au printemps dernier dîner à
Maisons-Laflltte, chez des amis.
Au moment où le train partait, une
grosse dame monta dans mon wagon, es-
cortée de quatre petites filles. Je jetai à
peine un coup d'œil sur cette mère poule
très large, très ronde, avec une face de
pleine lune qu'encadrait un chapeau en
rubanné.
Elle respirait fortement essoufflée d'a-
voir marché vite. Et les enfants se mirent
à babiller. J'ouvris mon journal et je
commençai à lire.
Nous venions de passer Asnières,
quand ma voisine me dit tout à coup :
— « Pardon, monsieur, n'êtes-vous pas
monsieur Carnier ? »
— « Oui, madame. » -
Alors elle se mit à rire, d'un rire con-
tent de brave femme, et un peu triste
pourtant.
— « Vous ne me reconnaissez'pas ? »
J'hésitais. Je croyais bien en effet avoir
vu quelque part ce visage ; mais où ? mais
quand ? Je répondis : « Oui. et non. Je
vous connais certainement, sans retrou-
ver votre nom. »
Elle rougit un peu. « Madame Julie Le-
fèvre. »
Jamais je ne reçus un pareil coup. Il
me sembla en une seconde que tout était
fini pour moi ! Je sentais seulement qu'un
voile s'était déchiré devant mes yeux et
que j'allais découvrir des choses affreuses
et navrantes.
C'était elle ! cette grosse femme com-
mune, elle ? Et elle avait pondu ces qua-
tre filles depuis que je ne l'avais vue: Et
ces petits êtres m'étônnaient autant que
leur mère elle-même, Ils sortaient d'elle ;
ils étaient grands déjà, ils avaient pris
place dans la vie. Tandis qu'elle ne comp-
tait plus, elle, cette mprveille de. grâce
coquette et fine. Je l'avais vue hier, me
semblait-il, et je la retrouvais ainsi 1
Etait-ce possible ? Une douleur violente
m'étreignait le cœur, et aussi une révolte
contre la nature même, une indignation
irraisonnée contre cette œuvre brutale,
infâme de destruction.
Je la regardais effaré. Puis je lui pris
la main ; et des larmes me montèrent aux
yeux. Je pleurais sa jeunesse, je pleurais
sa mort. Car je ne connaissais point cette
grosse dame. - -
Elle, émue aussi, balbutia :« Je suis bien
changée, n'est-ce pas? Que voulez-vous,
tout passe. Vous voyez, je suis devenue
une mère, rien qu'une mère, une bonne
mère. Adieu le reste, c'est fini. Oh ! je
pensais bien que vous ne me reconnaîtriez
pas, si nous nous rencontrions jamais.
Vous aussi, d'ailleurs, vous êtes changé;
il m'a fallu quelque temps pour être sùre
do ne me point tromper. Vous êtes de-
venu tout blanc. Songez. Voici douze ans !
Douze ans! Ma fille ainée a dix ans déjà. »
Je regardai l'enfant. Et je retrouvai en
elle quelque chose du charme ancien de
la mère, mais quelque chose d'indécis en-
core, de peu formé, de prochain. Et la vie
brusquement m'apparut rapide comme un
train qui passe.
Nous arrivions à Maisons-Laffitte. Je
baisai la main de ma vieille amie. Je n'a-
vais rien trouvé à lui dire que d'affreuses
banalités. J'étais trop bouleversé pour
parler.
Le soir, tout seul, chez moi, je me re-
gardai longtemps dans ma glace, très
longtemps. Et je finis par me rappeler ce
que j'avais été, par revoir en pensée, ma
moustache brune et mes cheveux neirs,
et la physionomie jeune de mon visage.
Maintenant j'étais vieux. Adieu.
MAUFRIGNEUSE.
- +»■■■ ——
Nouvelles & Echos
La soirée qui a été donnée hier par M.
Falateuf, le bâtonnier de l'ordre des avo-
cats, a été une des plus réussies de la
saison. Les somptueux salons du boule-
vard des Capucines étaient presque trop
trop petits pour contenir toutes les nota-
bilités qui assistaient à cette fête. Le pro-
gramme de la séance était, du resté, des
plus intéressants. Parmi les artistes gui
ont été les plus applaudis, citons Mme
Bilbaut-Vauchelet qui a chanté avec son
talent habituel l'air du Pré aux Clercs,
d'Herold; MM. Louis Emma et Pietraper-
tosa qui ont joué avec un brio sans pareil,
l'un avec sa guitare, l'autre avec sa man-
doline, une fantaisie sur Mignon, une autre
;sur Faust. La Sérénade espagnole leur a
valu les honneurs du bis. Après eux. ci-
tons encore. M. Roze qui s'est fait applau-
dir avec son solo de clarinette sur Rigo-
letto ; MM. Nicot et Duprez. ont chanté les
Deux Vieux amis, de Gounod. C'est avec
le duo de Carmen chanté par Mme Bil-
bault-Vaucbelet et Nicot qu'on a terminé
cette superbe soirée.
Il s'est répandu des bruits fort inquié-
tants sur l'état de santé de M. Catulle
Mendès.
La vérité, c'est que notre éminent col-
laborateur souffre depuis quinze jours
d'une indisposition excessivement doulou-
reuse mais qui ne saurait inspirer la
moindre inquiétude.
.-A-
La femme de notre collaborateur et
ami Jean Richepin, est heureusement ac-
couchée d'un garçon qui a reçu les noms
de François-Denis-Tiarko.
La mère, auquel le docteur Lambert a
donné ses soins, se porte aussi bien que
le nouveau-né.
,--
Bel exemple donné par un éditeur.
Samedi, à l'occasion des récentes élec-
tions académiques, M. Alphonse Lemerre
réunissait à dîner un certain nombre
d'amis de M. François Coppée, parmi les-
quels MM. Barbey d'Aurevilly, Sully-
Prudhomme, André Theuriet,Paul Arène,
Armand Renaud, André Lemoyne, Porel,
Coquelin Cadet, etc.
Au dessert, M. Lemerre a offert au
poète, dont il publia les premiers vers, la
surprise (l'un magnifique exemplaire de
Severo Torelli, sur japon, avec cette note-
imprimée en ex-libris :
CE LIVRE DE MON AMI
FRANÇOIS COPPÉE
EST SORTI LE PREMIER DE MON
IMPRIMERIE
RUE DES GRANDS-AUGUSTINS, 2.5, A PARIS
LE XV MARS MDCCCLXXXIV
On sait- que M. Lemerre vient de se
rendre acquéreur du matériel et des ca-
ractères de Perrin, le célèbre typographe
lyonnais, un de ceux qui ont le plus fait
ipour remettre en honneur parmi nous le
igoût des beaux livres.
Plusieurs journaux ont annoncé que
M. de Lapeyrère épousait Mlle de Ché-
risey, fille du marquis de Chérisey, qui
commandait, il y a quelques mois encore,
le 14e régiment de chasseurs. - -
Mlle Catherine de Chérisey, qu'épouse
en effet M. de Lapeyrère, est la filté du
marquis de Chérisey, officier aux zouaves
pontificaux, mort en 1874, et non pas du
colonel de Chérisey.
r Mardi prochain, M. le marquis d'Aoust
convie dans les magnifiques salons de ré-
ception de son hôtel de la rue du Général-
Foy, l'élite de la société parisienne à l'au-
dition de l'une de ses œuvres. Il s'agit
d'un opéra comique en un acte intitulé :
lo Chasse aux rivaux. Cette charmante
composition sera interprétée par Mlle Si-
monnet et M. Isnaraon, deux seconds
prix du Conservatoire si remarqués aux
derniers concours.
Un amateur de talent, M. le baron.
chantera le troisième rôle. L'auditoire
sera des plus brillants, car, à toutes ces
personnalités en vue du monde élégant se
joindront nos illustrations artistiques par-
mi lesquelles on comptera MM. Ambroise
Thomas, Gounod, etc., etc.
M. Perrichon, le graveur bien connu,
envoie au Salon de cette année, la Bièvre
à Paris et la Bièvre à Gentilly. Ces deux
tableaux sont deux merveilles. Le sculp-
teur Godebski envoie un haut-relief con-
sidérable, représentant l'Ange de là Pa-
trie ressuscitant deux orphelins,et le buste
de notre confrère Armand Silvestre ; Mes-
plès expose le portrait do Mlle Durand,
de la Comédie-Française, un vrai chef-
d'œuvre.
Le mariage de M. René Grenier, fils du
général Grenier, avec Mlle Marie Li-
gocau, fille du contrôleur de première
classe - de l'administration de l'armée,
aura lieu le 25 mars, à midi précis, à l'é-
glise de la Trinité.
On annonce encore le mariage du fils
de l'amiral Jauréguiberry, avec Mlle
Claris, fille de l'ancien conseiller général
du Nord.
Quoique nous, soyons en carême, les
fêtes et les dîners ne chôment pas trop.
Avant-hier c'était la comtesse des Bordes
qui recevait, en grand gala, le corps di-
plomatique ; aujourd'hui c'est Mme Odo-
esc-o, la grâce faite femme, qui reçoit ses
amis à dîner. Parmi les convives du
chargé d'affaires de Roumanie, on remar-
quait la princesse Soutzo, Mme et Mlle
Vacaresco, le baron .et la baronne de
Reiter, le vicomte et la xicomtesse de
Carapebus, M. Bleit-Garra, M. et Mme
Bentzold.
Après le dîner, il y a eu soirée musi-
cale et comédie. Mlle Santa Victorià
Odobesco, Mme Dubail et la baronne de
Vimont, ont charmé l'auditoire, par la
manière merveilleuse avec laquelle elles
ont interprété Gounod, Auber, Herold..
C'est l'Ingénue, un'e pièce charmante
de Ludovic Halévy, qui a terminé cette
soirée. Le succès a été très grand pour
les interprètes, fct une mention spéciale.
est due à Mlle Jeanne de Louvière, qui a
réellement bfûié les planches.
Reconnu dans l'assistance : le prince
et la princesse Mawalsky, M. Dupuy de
Lomé, M. G. Bengesco, E. Mayrocordato,
Mme et Mlle Dubail, etc.
Ils vont bien en province.
Deux coqs vivaient en paix, une poule survint,..
La poule est tout bonnement une can-
tinière des Folies-Bergère ep rupture do
tin, exportée- dans une de nos grandes
villes de l'Est par un jeune armateur,
fils d'un fabricant 'de flanelle ou de coton-
nade dudit lieu.
Elle arpentait les rues à la recherche
d'ujg petit foyer garni pour y abriter leurs
amours nouvelles. Lui, l'escortait à quinze
pas, marchant tantôt devant, tantôt der-
rière.
Pensez donc, si papa les avait ren-
contrés.
Or, il se trouva que, sur la route suivie
par les deux amoureux, un jeune substi-
tut, blond comme les blés, tendre comme
l'amour et bouillant comme Achille, se
mit de la partie, et, second Brésilien, em-
boîta le pas à la nouvelle débarquée — les
femmes se font si rares à X. — et poussa
même le sans-gêne jusqu'à vouloir se
substituer à l'armateur, lui substitut, en
faisant l'offre à la belle de fondre leurs
deux robes dans une commune étreinte.
X
L'étrangère ne répondit pas, mais com-
me elle venait de pénétrer dans le sanc-
tuaire d'un photographe, voisin du Véfour
de l'endroit, le bouillant magistrat —
sans consulter son procureur—envoya
le chasseur des cabinets particuliers offrir
à la belle les douceurs d'un déjeuner en
tête-à-tête.
Le petit amoureux n° 1 était furieux.
Ce n'était cependant pas pour .la magis-
trature qu'il avait fait veair de Paris une
si aimante et si douce créature !
Aussi, n'écoutant que la voix du ressen-
timent, il se campa — nouveau David de-
vant. Goliath - en face du blond substitut
et lui jeta une de ces épithète#. carabi-
nées.
Une vigoureuse claque y répondit.
Témoins furent envoyés par l'un, ren-
voyés par l'autre et enfin, le lendemain,
coups de canne en pleine place publique.
Le petit David était vengé !
Pour éviter ces désagréments, ne de-
vrait-on pas créer des harems Ambulants
à l'usage des substituts nouvellement
nommés ?
Ils sont si jeunes T
La crise monétaire qui sévit de plus en
plus à Paris, porte aux cercles un préju-
dice très grave. La partie est mourante
et malgré les efforts des croupiers, il est
fort difficile de constituer une banque.
C'est sans doute pour cela que deux grecs
haut titrés ont traversé la Méditerranée
pour aller tenter la chance au pays des
Beni-Hassen. L'un d'eux est membre d'un
des plus grands cercles de Paris, l'autre
a eu autrefois des malheurs, de grands
malheurs même dans deux ou trois cercles
de Paris. -
Comme conclusion de la conférence
d'une haute portée scientifique et patrio-
tique, qu'il a faite hier soir dans le grand
amphithéâtre de la Sorbonne, et qui con-
tient un parallèle entre Descartes et
Newton, M. Hervé Faye, membre de
l'Institut, demande qu'on élève une sta-
tue à Descartes au milieu de la cour de la
nouvelle Sorbonne, et qu'on y place cette
inscription;
A RENÉ DESCARTES
LE RÉFORMATEUR DE LA PTIILOSOPIHE,
LE CRÉATEUR DE LA GÉOMÉTRIE ANA-
LYTIQUE, L'INSPIRATEUR DE LA SCIENCE
MODERNE.
Cette péroraison, inspirée comme la
conférence tout entière, par un vif senti-
ment de patriotisme et d équité, a excité
l'enthousiasme de l'auditoire.
L'idée de M. Faye fera son chemin ; la
semence qu'il vient de jeter ne sera pas
perdue.
- Nous rappelons à nos lecteurs, artistes
peintres, que lé vote pour le jury de
peinture du Salon de 1884 aura lieu, au
Palais des Champs-Elysées, demain lundi
17 mars, de neuf à quatre heures.
Arrivé, il y deux jours, en plein
West-End.
I.. Une duchesse, fort admirée aux der-
niers drawin rooms de la reine, possède
une femme dd chambre parisienne, une
merveille d'adresse. Tout dernièrement,
sur une verte réplique de la maiden, la
Sairesse se fâche et répond par. un souf-
flet. -
La Parisienne monte chez elle, fait ses
malles, les embarque dans un cab et ren-
tre chez la duchesse pour prendre congé.
Comme elle est aussi vigoureuse qu'a-
droite, elle s'approche de la noble dame,
passe le bras oerrière sa taille, la force à
s'incliner, la trousse et. vous connaissez
la scène du battoir décrite par Zola. Je
n'en dirai pas davantage.
— Maintenant, madame la duchesse,
dit-elle en réparant le désordre de toilette
de la pairesse, nous sommes quittes l
--
Soirée de musique toute intime hier soir
chez Mme la vicomtesse de La Jonquiè-
res. Après l'audition d'un morcearu inédit
du prince de Polignac, Mlle Dclisle, une
jeune artiste de grand talent, a chanté,
avec accompagnement de mandoline et
de guitare : Amor, de Francis Thomé.
On annonce pour le 22 de ce mois une
grande comédie et un magnifique concert
chez M. C; Robineau, dans son bel hôtel,
rue Marignan. --«-.
L'exposition des aquarellistes fermera
le 23 mars, celle des œuvres de L. Leloir
devant avoir lieu 8, rue de SOse.
NOUVELLES A LA MAIN
Parmi les ducs qui figurent dans l'état-
major orléaniste, il en en e'st deux que
l'on voit toujours au premier rang.
L'un s'occupe surtout de stimuler le
parti, d'échauffer les tièdes ; on' l'a sur-
nommé : le duc d'Aiguillon.
L'autre fait des phrases, arrondit des
périodes à effet. C'est le duc. d'Em-
phase.
o o
On sait que le député Lacretelle est
l'auteur d'une proposition sur le rétablis-
sement des tours, laquello n'apparaît ja-
mais à l'ordre du joig.
Hier, le député-poète versait ses plain-
tes dans l'oreille du président de la Cham-
bre.
— Allons, mon président, un bon mou-
vement, gémissait-il. Pour commencer,
donnez-moi un tour. de faveur !. -
LE DIABLE BQ1TE&X* -
LE BON VIN
Quand il sut que les Prussiens allaient
arriver, François Venette pensa choir de
son haut.
- Est-ce possible ? s'écria-t-il.
— Tiens ! fit l'armurier Jeannot, chez
qui la nouvelle venait d'être apportée,
pourquoi veux-tu que ça ne soit pas possi-
ble ? Leurs chevaux ont de bonnes jam-
ibes, et maintenant qu'ils ont coupé en
deux l'armée de la Loire.
— Est-ce vrai, ça-?- ,
— Vrai ou non, le certain, c'est qu'ils
sont à Tours depuis quarante-huit hou-
res. Or nous sommes à huit lieues de
Tours. La seule chose qui m'étonne, c'est
que nous n'ayons pas encore vu briller
là-bas, sur la route de Paris, les pointes
de leurs casques !.
François Venette prit son chapeau,
qu'il avait posé sur le comptoir, et se di-
rigea vers la porte.
— Adieu, dit-il, je rentre chez moi.
L'armurier Jeannot ne put s'empêcher
dé rire ertle voyant se sauver comme s'il
avait eu le feu au fond de sa culotte.
- Hé t François, lui cria-t-il du seuil
de la porte, vas-tu donc te barricader
-pour soutenir un siège à toi tout seul ?
Attends un peu, que je te donne deux ou
trois fusils de rechange !
Mais François ne 1 entendait déjà plus.
Il avait tourné le coin de la rue déserte.
L'armurier rentra dans sa boutique, et
e'adressant à son voisin Pintaud, le mar-
chand de vin, qui était -resté assis sur le
comptoir:
— Sacré Venette, dit-il, en voilà un qui
est bien nommé.
— Dame, observa le marchand de vin,
d'un ton convaincu, c'est peut-être son
nom qui l'a rendu comme ça.
— En tout cas, si vous n'aviez que des
soldats de sa trempe, ce n'est pas à Tours
que les Prussiens seraient à cette heure,
mais à Perpignan.
— Et encore parce qu'ils n'auraient pas
pu aller plus loin.
— Pas brave ce pauvre François, mais
brave homme tout de même avec ça: Il y
a longtemps que je lesconnais, moi. Voilà
bien tout à l'heure quarante ans que nous
étions ensemble à l'école.
— Eh bien, s'il était à cette époque-là
comme aujourd'hui, car ne devait pas être
un batailleur. Je parie qu'il recevait plus
de coups de poing qu'il n'en donnait?
— C'est vrai .dli- ",,';W ionhtswnne
tranquille. Va-t-il faire une fichue tête,
le malheureux, quand il verra les Prus-
siens dans sa maison !
- Sa. chère maison! lui ani en était si
fier, qui ne vivait que pour. elle, qui se
mirait dans Ses parquets cirés comme
dans une glace. C'est-il vrai qu'il vous
raccompagnait à la porte avec Un chiffon
d'une main et une brosse de l'autre pour
effacer les traces de vos" pieds.
d — Ça ne m'étonnerait pas, tant il est
maniaque. Mais, dites-donc, voisin, il
.n'y en aura pas que pour lui 6 l'ômbête-
n' y en aura
ment. C'est ça qui ne va pas être drôle,
d'avoir ces ostrogoths-là chez soi jour et
nuit. Pour deux sous, je mettrais la clef
sous la porte, moi 1
— Eb bien, et votre mère, qu'est-ce que
vous en feriez ?
— C'est bien pour elle que je reste.
— C'est comme moi ; sans madame Pin
taud, qui est dans une position intéres-
sante,je serais déjà parti.
- Tandis que cette vieille bête de
François, riche, vieux garçon, sans pa-
rents ni enfants, je vous demanae un peu
ce qui le retient ici.
- Sa maison, parbleu 1 S'il la quittait,
il en mourrait, comme un escargot sorti
de sa coquille.
— Dites donc, alors, monsieur Pintaud,
c'est entendu, ce que je vous demandais
tout à l'heure, quand il était ici.
— Votre pouare ? Bien sûr que c'est en-
tendu. Il y en a beaucoup ?
- Beaucoup ? Je crois bien. Tout ce
qu'on m'a envoyé de Châtellérault, avec
la commande de cartouches.
— Eh bien, nous la mettrons dans une
barrique, et je vous remiserai ça tout au
fond de ma cave, dans un cellier dissimu-
lé par un,tas de futailles pleines. Du dia-
ble s'ils vont la découvrir là ! Elle y sera
eu sûreté, soyez tranquille.
— Tandis que chez moi, «leur première
idée serait de chercher si j'ai des muni-
tions. Et ça m'aurait crevé le cœur de
penser que ces brigands auraient pu tirer
sur nos pauvres moblôts avec de la poudre
française qu'ils auraient prise chez moi.
- Ce soir, maître Jeannot, ce sera fait.
*
— Par les cornes du diable, notre hôte,
votre vin devient mauvais ! Qu'en pensez-
vous, messieurs ?
— Nous pensons comme vous, major !
répondit la table tout d'une voix..
— Ceci, notre hôte, est une négligence
inqualifiable! Quand on a l'honneur d'hé-
berger chez soi une demi-douzaine d'of-
ficiers supérieurs, le moins qu'on leur
doive, c'est de 11e pas - leur servir dé la
piquette.
François Venette, très intimidé, restait
adossé au chambranle de la porte, em-
brassant d'un regarçl navré cette horde
chamarrée installée dans sa: salle à man-
ger. autour de sa table, leurs lourdes
bottes écrasant sur son parquet ciré les
plaques de boue que leurs semelles avaient
apportées du dehors.
- Messieurs, répondit-il enfin d'une
voix mal assurée, je vais vous dire.
C'est que, depuis huit jours que vous êtes
ici, vous avez bu le meilleur!
— Est-ce un reproche, monsieur Ve-
nette r interrompit le major d Sn air
froissé.
— Non,non, messieurs, reprit le smal-
heureux François, du ton d'un écoljer
qui sent venir le coup de férule. Ce n'est
pas un reproche. Seulement, c'est pour
vous dire qu'il ne resje plus maintenant
que de l'ordinaire.
- Eh bien, il est exérable votre or-
dinaire. Avisez un peu à vous en procurer
d'autre, et dès ce soir, n'est-ce pas ?
- J!irai voir chez le marchand, s'il lui
en reste.
- Et pourquoi ne lui en resterait-ilipàs?
- Dame, c'est que depuis quinze jOurs
que votre régiment est ici, on a bu quel-
ques bouteilles de plus dans la ville.
— Eh bien, cela prouve,.que nous fai-
sons honneur au vin de France, et vos vi-
gnerons en doivent être flattés. N'est-ce
pas, messieurs?. -
— Vous avez raison, maior ! cria. toute
la table en partant d'un éclat de rire qui
secoua les vitres.
François Venette s'était éclipsé. Il re-
mit sur sa tète le chapeau qu'il avait tenu
à la main pendant son interrogatoire, et
resta un instant dans le vestibule, tout
seul, le menton dans sa main, dans l'atti-
tude d'un homme qui réfléchit.
Se demandàit-il à quelle maison il de-
vrait s'adresser pour trouver-du vin digne
de ses hôtes? C'était probable. Au bout
d'un instant, il releva la tête d'un air dé-
cidé. Evidemment il avait trouvé.
Il ouvrit la porte du vestibule, descen*
dit les marches du perron, se dirigea vers
la grille à pointes dorées qui séparait son
jardin de la routé, et sortit de chez lui.
La maison de François Venette était si-
tuée sur la route de Paris, hors de la
ville, à cinq minutes de l'octroi. Un quart
d'heure après, notre homme arrivait
chez maître Pintaud, le marchand de
vins, l'entraînait au fond de la boutique,
et lui faisait sa commande. Bien certaine-
ment François Venette devait avoir com*
mandé un vin extraordinaire, car maître
Pintaud avait eu un haut-le-corps d'èton-
nement. Mais son client ayant fait un
geste d'une suprême éloquence et tiré de
sa poche un portefeuille convenablement
bourré, le marchand'de vins s'inclina, re-
çut une liasse de billets qu'il compta et
alla séance tenante serrer dans sa caisse.
- Alôrs, dit-il, vous allez voir l'ami
Jeannot ?
— Non, répondit François Venette,
puisque je l'ai vu tout à l'heure. Je n'a
plus rien à lui dire.
- Eh bien ! bonjour, dans deux heures
les trois barriques seront chez vous. -
— Et surtout, reprit François, recom
mandez bien à vos hommes de ne pas trol
secouer la pièce de supérieur 1
— Soyez tranquille. Je vous enverrdt
deux gaillards de confiance.
Maître Pintaud était un homme de pa-
role. Deux heures plus tard, Français
Venette était à la porte de sa grille, sur-
veillant le déchargement des trois futailles
que les hommes descendirent une à une
d'un long camion et roulèrent avec pré-
caution jusqu'à l'entrée de la cave, située
3ôus le perron.
Comme ils laissaient glisser la , der-
nière sur 00 plan incliné formé par deux
poutres et modéraient la descente à l'aide
d'une grosse corde qui retenait la barri-
qw, lo major prussien^flanqué 4e deux
officiers, entra dans le jardin, venant du
dehors.
— Ah, ah ! fit-il en apercevant son hôte,
à la bonne heure. Vous n'avez pas publié
la consigne. Eh bien, 'aurons-nous dm
bon vin ce soir à dîner ?
— Vous m'en direz des nouvelles! ré-
pondit François d'un air tout réjoui.
Et, la dernière futaille ayant touché
terre, il descendit dans la cave avec les
deux hommes.
— Celle-là, dit-il en montrant du doigt
une barrique, c'est bien le supérieur?.
Bon ! Alors, vous allez me la .rouler ici
dans le caveau séparé, qui ferme à clef
Depuis que ces gueux sont ici, j'ai ren-
voyé ma cuisinière. Ils se font servir par
des hommes à eux, et les gaillards ont le
gosier en pente.*. Tenez, ajouta-t-il, en
revenant dans la grande cave, percez-tnoi
tout de suite cette barrique (d'ordinaire.
C'est moi-même qui tirerai le vin, poar
plus de sûreté»
*
A six heures et demie, dans la salle à
manger toute flambante de bougies allu-
mées, les pensionnaires de François Ve-
nette étaient installés autour de la table,
et attaquaient vigoureusement un roast-
beef cuit à point. Le maître du logis ed-
tra, et déposa soigneusement près de la
cheminée un panier. garni de bouteilles.
- Voilà une aimable prévenance, mes-
sieurs ! s'écria le major. Notre hôte veut
que nous buvions son nouveau vin à la
température convenable. Cette sollicitude
vaut bien une politesse. A la santé de
notre hôte, messieurs !
Et le major leva son verre en riant.
François Venette salua d'un air-pénétré
de reconnaissance. Puis il sortit, et, sans
lumière, à tâtons, il ouvrit une porte sons
la cage de l'escalier, et descendit quel-
la ca g e
ques marches. Bientôt il sentit sous ses
pieds le sol de la cave, et, se dirigeant le
long du mur, il arriva devant la porte du
cellier où était enfermé le vin supérieur.
Il glissa une clef dans la serrure, ouvrit
et pénétra dans le réduit. Une minute
après il en ressortit, referma la porte et
resta un instant immobile. Puis il frotta
sur son genou une allumette, s'accroupit,
et promena près de terre son allumette
enflammée, comme s'il cherchait quelque
chose. sa clef sans doute, qu'il avait
,
laissée tomber. La recherche ne fut pas
longue. ILsouflla son allumette, remonta
l'escalier, ouvrit sans bruit la porte du
vestibule, descendit le perron, franchit la
grille, se trouva sur la route, dans la nuit
noire dont pas une étoile ne piquait l'obs-
curité. La-bas, à gauche, brillastt seul le
réverbère de l'octroi. François Venette
prit sa drQitë, et tournant le dos à la ville,
il s'en alla sur la chaussée, les mains
dans ses poches, en sifflotant un air de
chasse que son ami Jeannot, l'armurier,
lui avait appris.
Un quart d'heure après, une estafette
courait au grand trop sur la route, venant
de la ville. L'état major allemand venait-
il (Je recevoir une nouvelle importante ?
C'était probable. * Or, comme le cavalier
était à cent mètres de la maison Venette,
il arrêta brusquement son cheval d'un vio-
lent coup de rênes, et 'resta comme mé-
dusé sur sa selle. Devant lui, une lueur
subite embrasait la nuit et au même ins-
tant une formidable détonation ébranlait
l'atmosphère. -
C'était la maison du placide François
qui venait de sauter.
î)epuis, quand il raconte cette bis-
toire, l'armurier Jeanaot^n© pas
d'ajouter ;
A. DUMONT, Directeur
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pont de Cazan; à Londres, chez M M. DE.
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Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd'hui et recommencer
1 le lendemain. — J. JANIN, préface de Gil Blas.
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ET A L'ADMINISTRATION
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
ID, BOULEVARD DES CAPUCINES. 16
SOMMAIRE
ADIEU. - Maufrigncuse.
NOUVELLES ET ECHOS. — Le Diable Boiteux.
LE BON VIN. — Joseph Montet.
A TRAVERS LA POLITIQUE. — Intérim.
INFORMATIONS. — Georges Duret.
LES PROPOS DU DOCTEUR. — Dr E. Monin.
LES RÉUNIONS D'HIER. — Paul Rt}!/cI'.
LE CONSEIL QUOTIDIEN. — Octave Sully.
FAITS DIVERS. — Pierre Ferrarc.
TOUR DU MONDE. — Louis Rozicr. ,-
'JOURNAUX ET REVUES. — Jean Ciseaux.
- LES LIVRES. — Paul Ginisty.
LES HOMMES DE CHEVAL. — Baron de Vaux,
SPORT. — The Farmer,
COURRIER DES THÉÂTRES. — C. de Trogoff.
LA SEMAINE FINANCIÈRE.
PASSE-TEMPS QUOTIDIEN. - E. Framcry.
FEUILLETON : CHÉRIE. — Edmond de Concourt.
ADIEU
Les deux amis achevaient de diner. De
la fenêtre du café ils - voyaient le boule-
vard couvert de monde. Ils sentaient pas-
ser ces souffles tièdes qui courent dans
Paris par les douces nuits d'été, et font
lever la tête aux passants et donnent en-
vie de partir, d'aller là-bas, on ne sait où,
sous des feuilles, et font rêver de rivières
éclairées par la lune, de vers luisants et
de rossignols.
- L'un d'eux, Henri Simon, prononça,
en soupirant profondément : — « Ah ! je
vieillis. C'est triste. Autrefois, par des
soirs pareils, je me sentais le diable au
corps. Aujourd'hui je ne me %ens plus que
des regrets. Ça va vite, la vie !»
Il était un peu gros déjà, vieux de qua-
.ante-cinq ans peut-être, et très chauve.
L'autre, Pierre Carnier, un ,rien plus
âgé, mais plus maigre et plus vivant,
reprit : « Moi, mon cher, j'ai vieilli sans
m'en apercevoir le moins du monde.
J'étais toujours gai, gaillard, vigoureux et
le reste. Or, comme on se regarde chaque
jour dans son miroir, on ne voit pas le
travail de l'âge s'accomplir, car il est
lent, régulier, et il modifie le visage si
doucement que les transitions sont insen-
sibles. C'est uniquement pour cela que
nous ne mourons pas de chagrin après
deux ou trois ans seulement de ravages.
Car nous ne les pouvons apprécier. Il
faudrait, pour s'en rendre compte, rester
six mois sans regarder sa figure — oh !
alors quel coup 1 '-'
Et les femmes, mon cher, comme je les
plains, les pauvres - êtres. Tout leur bon-
heur, toute leur puissance, toute leur vie
sont dans leur beauté qui dure dix ans.
- Donc, moi, j'ai vieilli sans m'en douter.
je me croyais presque un adolescent alors
que j'avais près de cinquante ans. Ne
me sentant aucune infirmité d'aucune
sorte, j'allais, heureux et tranquille.
La révélation de ma décadence m'est
venue d'une façon simple et terrible qui
m'a atterré pendant près de six mois.
puis j'en ai pris mon parti. -
J'ai été .souvent amoureux, comme
presque tous les hommes, mais principa-
lement une fois.
Je l'avais rencontrée au bord de la mer,
à Etretat, voici douze ans environ, un peu
après la guerre. Rien de gentil comme
cette plage, le matin, à l'heure des bains.
Elle est petite, arrondie en fer à cheval,
encadrée par ces hautes falaises blanches
percées de ces trous singuliers qu'on nom-
me les Portes, l'une énorme, allongeant
ijans la mer sa jambe de géante, l'autre
en face, accroupie -et rondo; la foule des
femmes se rassemble, se masse sur l'é-
troite langue de galets qu'-elle couvre
d'un éclatant jardin de toilettes claires,
dans ce. cadre de hauts rochers. Le soleil
tombe en plein sur les côtes, sur les om-
brelles.de toute nuance, sur la mer d'un
bleu verdâtre; et tout cela est gai, char-
mant, sourit aux yeux. On va s'asseoir
tout contre l'eau, et on regarde les bai-
gneuses. Elles descendent, drapées dans
un peignoir dë fifanelle - qu'elles rejettent
d'un joli mouvement en atteignant la
frange d'écume des courtes vagues ; et
elles entrent dans la mer, d'un petit pas
rapide qu'arrête parfois un frisson de froid
délicieux, une courte suffocation.
- Bien peu résistent à cette épreuve du
bain. C'est là qu'on les juge, depuis le
inollet jusqu'à laegorge. La sortie surtout
revèle les faibles, bien que l'eau de mer
soit d'un puissant secours aux chairs
amollies.
La première fois que je vis ainsi cette
jeune femme, je fus ravi et séduit. Elle te-
nait bon, elle tenait ferme. Puis il y a
des figures dont le charme entre en nous
brusquement, nous envahit tout d'un coup.
Il semble qu'on trouve la femme qu'on
était né pour aimer. J'ai eu cette sensa-
tion et cette secousse. I
Je me fis présenter et je fus bientôt
pincé comme je ne l'avais jamais été. Elle
me ravageait le cœur. C'est une chose
effroyable et délicieuse que de subir ainsi
la domination d'une femme. C'est presque
pn supplice et, en même temps, un in-
croyable bonheur. Son regard, son sou-
rire, les cheveux die sa nuque quand la
brise les soulevait, toutes les plus petites
lignes de son visage, les moindres mou-
vements de ses traits, me ravissaient, me
bouleversaient, m'affolaient. Elle me pos-
sédait par toute, sa personne, par ses
gestes, par ses attitudes, même par les
choses qu'elle portait qui devenaient en-
sorcelantes. Je m'attendrissais à voir sa
voilette sur un meuble, ses gants jetés
sur un fauteuil. Ses 'toilettes me sem-
blaient inimitables. Personne n'ayait des
chapeaux pareils aux siens.
Elle était mariée, mais l'époux venait
tous les samedis pour repartir, les lundis.
Il me laissait d'ailleurs indifférent. Je
n'en étais point jaloux, je ne sais pourquoi
jamais un être ne me parut avoir aussi
peu d'importance dans la vie, n'attira
,oins mon attention que cet homme.
Comme je l'aimais, elle 1 Et comme elle.
était belle, gracieuse et jeune ! C'était la
jeunesse, l'élégance et la fraîcheur même.
Jamais je n'avais senti de cette façon
comme la femme est un être joli, fin, dis-
tingué, délicat, fait de charme et de grâce.
Jamais je n'avais compris ce qu'il y a de
beauté séduisante dans la courbe d'une
joue, dans le mouvement d'une lèvre, dans
les plis ronds d'une petite oreille, dans la
forme de ce soV organe qu'on nomme le
nez. ,
Cela dura trois mois, puis je partis pour
l'Amérique, le cœur broyé de désespoir.
Mais sa pensée demeura en moi, persis-
tante, triomphante.. Elle me possédait de
loin comme elle m'avait possédé de près.
Des années passèrent. Je ne l'oubliais
point. Son image charmante restait de-
vant mes yeux et dans mon cœur. Et ma
tendresse lui demeurait fidèle, une ten-
dresse tranquille, maintenant, quelque
chose comme le souvenir aimé de ce que
j'avais rencontré de plus beau et de plus
séduisant dans la vie.
0 CO
Douze ans sont si peu de chose dans
l'existence d'un homme! On ne les sent
point passer ! Elles vont l'une après l'au-
tre, les années, doucement et vite, lentes
et pressées ; chacune est longue et si tôt
finie! Et elles s'additionnent si prompte-
ment, elles laissent si peu de trace der-
rière elles, elles s'évanouissent si com-
plètement qu'en se retournant pour voir
la temps parcouru on n'aperçoit plus rien,
et on ne comprend pas comment il se fait
qu'on soit vieux.
Il me semblait vraiment que quelques
mois à peine me séparaient de cette sai-
son charmante sur le galet d'Etretat.
J'allais au printemps dernier dîner à
Maisons-Laflltte, chez des amis.
Au moment où le train partait, une
grosse dame monta dans mon wagon, es-
cortée de quatre petites filles. Je jetai à
peine un coup d'œil sur cette mère poule
très large, très ronde, avec une face de
pleine lune qu'encadrait un chapeau en
rubanné.
Elle respirait fortement essoufflée d'a-
voir marché vite. Et les enfants se mirent
à babiller. J'ouvris mon journal et je
commençai à lire.
Nous venions de passer Asnières,
quand ma voisine me dit tout à coup :
— « Pardon, monsieur, n'êtes-vous pas
monsieur Carnier ? »
— « Oui, madame. » -
Alors elle se mit à rire, d'un rire con-
tent de brave femme, et un peu triste
pourtant.
— « Vous ne me reconnaissez'pas ? »
J'hésitais. Je croyais bien en effet avoir
vu quelque part ce visage ; mais où ? mais
quand ? Je répondis : « Oui. et non. Je
vous connais certainement, sans retrou-
ver votre nom. »
Elle rougit un peu. « Madame Julie Le-
fèvre. »
Jamais je ne reçus un pareil coup. Il
me sembla en une seconde que tout était
fini pour moi ! Je sentais seulement qu'un
voile s'était déchiré devant mes yeux et
que j'allais découvrir des choses affreuses
et navrantes.
C'était elle ! cette grosse femme com-
mune, elle ? Et elle avait pondu ces qua-
tre filles depuis que je ne l'avais vue: Et
ces petits êtres m'étônnaient autant que
leur mère elle-même, Ils sortaient d'elle ;
ils étaient grands déjà, ils avaient pris
place dans la vie. Tandis qu'elle ne comp-
tait plus, elle, cette mprveille de. grâce
coquette et fine. Je l'avais vue hier, me
semblait-il, et je la retrouvais ainsi 1
Etait-ce possible ? Une douleur violente
m'étreignait le cœur, et aussi une révolte
contre la nature même, une indignation
irraisonnée contre cette œuvre brutale,
infâme de destruction.
Je la regardais effaré. Puis je lui pris
la main ; et des larmes me montèrent aux
yeux. Je pleurais sa jeunesse, je pleurais
sa mort. Car je ne connaissais point cette
grosse dame. - -
Elle, émue aussi, balbutia :« Je suis bien
changée, n'est-ce pas? Que voulez-vous,
tout passe. Vous voyez, je suis devenue
une mère, rien qu'une mère, une bonne
mère. Adieu le reste, c'est fini. Oh ! je
pensais bien que vous ne me reconnaîtriez
pas, si nous nous rencontrions jamais.
Vous aussi, d'ailleurs, vous êtes changé;
il m'a fallu quelque temps pour être sùre
do ne me point tromper. Vous êtes de-
venu tout blanc. Songez. Voici douze ans !
Douze ans! Ma fille ainée a dix ans déjà. »
Je regardai l'enfant. Et je retrouvai en
elle quelque chose du charme ancien de
la mère, mais quelque chose d'indécis en-
core, de peu formé, de prochain. Et la vie
brusquement m'apparut rapide comme un
train qui passe.
Nous arrivions à Maisons-Laffitte. Je
baisai la main de ma vieille amie. Je n'a-
vais rien trouvé à lui dire que d'affreuses
banalités. J'étais trop bouleversé pour
parler.
Le soir, tout seul, chez moi, je me re-
gardai longtemps dans ma glace, très
longtemps. Et je finis par me rappeler ce
que j'avais été, par revoir en pensée, ma
moustache brune et mes cheveux neirs,
et la physionomie jeune de mon visage.
Maintenant j'étais vieux. Adieu.
MAUFRIGNEUSE.
- +»■■■ ——
Nouvelles & Echos
La soirée qui a été donnée hier par M.
Falateuf, le bâtonnier de l'ordre des avo-
cats, a été une des plus réussies de la
saison. Les somptueux salons du boule-
vard des Capucines étaient presque trop
trop petits pour contenir toutes les nota-
bilités qui assistaient à cette fête. Le pro-
gramme de la séance était, du resté, des
plus intéressants. Parmi les artistes gui
ont été les plus applaudis, citons Mme
Bilbaut-Vauchelet qui a chanté avec son
talent habituel l'air du Pré aux Clercs,
d'Herold; MM. Louis Emma et Pietraper-
tosa qui ont joué avec un brio sans pareil,
l'un avec sa guitare, l'autre avec sa man-
doline, une fantaisie sur Mignon, une autre
;sur Faust. La Sérénade espagnole leur a
valu les honneurs du bis. Après eux. ci-
tons encore. M. Roze qui s'est fait applau-
dir avec son solo de clarinette sur Rigo-
letto ; MM. Nicot et Duprez. ont chanté les
Deux Vieux amis, de Gounod. C'est avec
le duo de Carmen chanté par Mme Bil-
bault-Vaucbelet et Nicot qu'on a terminé
cette superbe soirée.
Il s'est répandu des bruits fort inquié-
tants sur l'état de santé de M. Catulle
Mendès.
La vérité, c'est que notre éminent col-
laborateur souffre depuis quinze jours
d'une indisposition excessivement doulou-
reuse mais qui ne saurait inspirer la
moindre inquiétude.
.-A-
La femme de notre collaborateur et
ami Jean Richepin, est heureusement ac-
couchée d'un garçon qui a reçu les noms
de François-Denis-Tiarko.
La mère, auquel le docteur Lambert a
donné ses soins, se porte aussi bien que
le nouveau-né.
,--
Bel exemple donné par un éditeur.
Samedi, à l'occasion des récentes élec-
tions académiques, M. Alphonse Lemerre
réunissait à dîner un certain nombre
d'amis de M. François Coppée, parmi les-
quels MM. Barbey d'Aurevilly, Sully-
Prudhomme, André Theuriet,Paul Arène,
Armand Renaud, André Lemoyne, Porel,
Coquelin Cadet, etc.
Au dessert, M. Lemerre a offert au
poète, dont il publia les premiers vers, la
surprise (l'un magnifique exemplaire de
Severo Torelli, sur japon, avec cette note-
imprimée en ex-libris :
CE LIVRE DE MON AMI
FRANÇOIS COPPÉE
EST SORTI LE PREMIER DE MON
IMPRIMERIE
RUE DES GRANDS-AUGUSTINS, 2.5, A PARIS
LE XV MARS MDCCCLXXXIV
On sait- que M. Lemerre vient de se
rendre acquéreur du matériel et des ca-
ractères de Perrin, le célèbre typographe
lyonnais, un de ceux qui ont le plus fait
ipour remettre en honneur parmi nous le
igoût des beaux livres.
Plusieurs journaux ont annoncé que
M. de Lapeyrère épousait Mlle de Ché-
risey, fille du marquis de Chérisey, qui
commandait, il y a quelques mois encore,
le 14e régiment de chasseurs. - -
Mlle Catherine de Chérisey, qu'épouse
en effet M. de Lapeyrère, est la filté du
marquis de Chérisey, officier aux zouaves
pontificaux, mort en 1874, et non pas du
colonel de Chérisey.
r Mardi prochain, M. le marquis d'Aoust
convie dans les magnifiques salons de ré-
ception de son hôtel de la rue du Général-
Foy, l'élite de la société parisienne à l'au-
dition de l'une de ses œuvres. Il s'agit
d'un opéra comique en un acte intitulé :
lo Chasse aux rivaux. Cette charmante
composition sera interprétée par Mlle Si-
monnet et M. Isnaraon, deux seconds
prix du Conservatoire si remarqués aux
derniers concours.
Un amateur de talent, M. le baron.
chantera le troisième rôle. L'auditoire
sera des plus brillants, car, à toutes ces
personnalités en vue du monde élégant se
joindront nos illustrations artistiques par-
mi lesquelles on comptera MM. Ambroise
Thomas, Gounod, etc., etc.
M. Perrichon, le graveur bien connu,
envoie au Salon de cette année, la Bièvre
à Paris et la Bièvre à Gentilly. Ces deux
tableaux sont deux merveilles. Le sculp-
teur Godebski envoie un haut-relief con-
sidérable, représentant l'Ange de là Pa-
trie ressuscitant deux orphelins,et le buste
de notre confrère Armand Silvestre ; Mes-
plès expose le portrait do Mlle Durand,
de la Comédie-Française, un vrai chef-
d'œuvre.
Le mariage de M. René Grenier, fils du
général Grenier, avec Mlle Marie Li-
gocau, fille du contrôleur de première
classe - de l'administration de l'armée,
aura lieu le 25 mars, à midi précis, à l'é-
glise de la Trinité.
On annonce encore le mariage du fils
de l'amiral Jauréguiberry, avec Mlle
Claris, fille de l'ancien conseiller général
du Nord.
Quoique nous, soyons en carême, les
fêtes et les dîners ne chôment pas trop.
Avant-hier c'était la comtesse des Bordes
qui recevait, en grand gala, le corps di-
plomatique ; aujourd'hui c'est Mme Odo-
esc-o, la grâce faite femme, qui reçoit ses
amis à dîner. Parmi les convives du
chargé d'affaires de Roumanie, on remar-
quait la princesse Soutzo, Mme et Mlle
Vacaresco, le baron .et la baronne de
Reiter, le vicomte et la xicomtesse de
Carapebus, M. Bleit-Garra, M. et Mme
Bentzold.
Après le dîner, il y a eu soirée musi-
cale et comédie. Mlle Santa Victorià
Odobesco, Mme Dubail et la baronne de
Vimont, ont charmé l'auditoire, par la
manière merveilleuse avec laquelle elles
ont interprété Gounod, Auber, Herold..
C'est l'Ingénue, un'e pièce charmante
de Ludovic Halévy, qui a terminé cette
soirée. Le succès a été très grand pour
les interprètes, fct une mention spéciale.
est due à Mlle Jeanne de Louvière, qui a
réellement bfûié les planches.
Reconnu dans l'assistance : le prince
et la princesse Mawalsky, M. Dupuy de
Lomé, M. G. Bengesco, E. Mayrocordato,
Mme et Mlle Dubail, etc.
Ils vont bien en province.
Deux coqs vivaient en paix, une poule survint,..
La poule est tout bonnement une can-
tinière des Folies-Bergère ep rupture do
tin, exportée- dans une de nos grandes
villes de l'Est par un jeune armateur,
fils d'un fabricant 'de flanelle ou de coton-
nade dudit lieu.
Elle arpentait les rues à la recherche
d'ujg petit foyer garni pour y abriter leurs
amours nouvelles. Lui, l'escortait à quinze
pas, marchant tantôt devant, tantôt der-
rière.
Pensez donc, si papa les avait ren-
contrés.
Or, il se trouva que, sur la route suivie
par les deux amoureux, un jeune substi-
tut, blond comme les blés, tendre comme
l'amour et bouillant comme Achille, se
mit de la partie, et, second Brésilien, em-
boîta le pas à la nouvelle débarquée — les
femmes se font si rares à X. — et poussa
même le sans-gêne jusqu'à vouloir se
substituer à l'armateur, lui substitut, en
faisant l'offre à la belle de fondre leurs
deux robes dans une commune étreinte.
X
L'étrangère ne répondit pas, mais com-
me elle venait de pénétrer dans le sanc-
tuaire d'un photographe, voisin du Véfour
de l'endroit, le bouillant magistrat —
sans consulter son procureur—envoya
le chasseur des cabinets particuliers offrir
à la belle les douceurs d'un déjeuner en
tête-à-tête.
Le petit amoureux n° 1 était furieux.
Ce n'était cependant pas pour .la magis-
trature qu'il avait fait veair de Paris une
si aimante et si douce créature !
Aussi, n'écoutant que la voix du ressen-
timent, il se campa — nouveau David de-
vant. Goliath - en face du blond substitut
et lui jeta une de ces épithète#. carabi-
nées.
Une vigoureuse claque y répondit.
Témoins furent envoyés par l'un, ren-
voyés par l'autre et enfin, le lendemain,
coups de canne en pleine place publique.
Le petit David était vengé !
Pour éviter ces désagréments, ne de-
vrait-on pas créer des harems Ambulants
à l'usage des substituts nouvellement
nommés ?
Ils sont si jeunes T
La crise monétaire qui sévit de plus en
plus à Paris, porte aux cercles un préju-
dice très grave. La partie est mourante
et malgré les efforts des croupiers, il est
fort difficile de constituer une banque.
C'est sans doute pour cela que deux grecs
haut titrés ont traversé la Méditerranée
pour aller tenter la chance au pays des
Beni-Hassen. L'un d'eux est membre d'un
des plus grands cercles de Paris, l'autre
a eu autrefois des malheurs, de grands
malheurs même dans deux ou trois cercles
de Paris. -
Comme conclusion de la conférence
d'une haute portée scientifique et patrio-
tique, qu'il a faite hier soir dans le grand
amphithéâtre de la Sorbonne, et qui con-
tient un parallèle entre Descartes et
Newton, M. Hervé Faye, membre de
l'Institut, demande qu'on élève une sta-
tue à Descartes au milieu de la cour de la
nouvelle Sorbonne, et qu'on y place cette
inscription;
A RENÉ DESCARTES
LE RÉFORMATEUR DE LA PTIILOSOPIHE,
LE CRÉATEUR DE LA GÉOMÉTRIE ANA-
LYTIQUE, L'INSPIRATEUR DE LA SCIENCE
MODERNE.
Cette péroraison, inspirée comme la
conférence tout entière, par un vif senti-
ment de patriotisme et d équité, a excité
l'enthousiasme de l'auditoire.
L'idée de M. Faye fera son chemin ; la
semence qu'il vient de jeter ne sera pas
perdue.
- Nous rappelons à nos lecteurs, artistes
peintres, que lé vote pour le jury de
peinture du Salon de 1884 aura lieu, au
Palais des Champs-Elysées, demain lundi
17 mars, de neuf à quatre heures.
Arrivé, il y deux jours, en plein
West-End.
I.. Une duchesse, fort admirée aux der-
niers drawin rooms de la reine, possède
une femme dd chambre parisienne, une
merveille d'adresse. Tout dernièrement,
sur une verte réplique de la maiden, la
Sairesse se fâche et répond par. un souf-
flet. -
La Parisienne monte chez elle, fait ses
malles, les embarque dans un cab et ren-
tre chez la duchesse pour prendre congé.
Comme elle est aussi vigoureuse qu'a-
droite, elle s'approche de la noble dame,
passe le bras oerrière sa taille, la force à
s'incliner, la trousse et. vous connaissez
la scène du battoir décrite par Zola. Je
n'en dirai pas davantage.
— Maintenant, madame la duchesse,
dit-elle en réparant le désordre de toilette
de la pairesse, nous sommes quittes l
--
Soirée de musique toute intime hier soir
chez Mme la vicomtesse de La Jonquiè-
res. Après l'audition d'un morcearu inédit
du prince de Polignac, Mlle Dclisle, une
jeune artiste de grand talent, a chanté,
avec accompagnement de mandoline et
de guitare : Amor, de Francis Thomé.
On annonce pour le 22 de ce mois une
grande comédie et un magnifique concert
chez M. C; Robineau, dans son bel hôtel,
rue Marignan. --«-.
L'exposition des aquarellistes fermera
le 23 mars, celle des œuvres de L. Leloir
devant avoir lieu 8, rue de SOse.
NOUVELLES A LA MAIN
Parmi les ducs qui figurent dans l'état-
major orléaniste, il en en e'st deux que
l'on voit toujours au premier rang.
L'un s'occupe surtout de stimuler le
parti, d'échauffer les tièdes ; on' l'a sur-
nommé : le duc d'Aiguillon.
L'autre fait des phrases, arrondit des
périodes à effet. C'est le duc. d'Em-
phase.
o o
On sait que le député Lacretelle est
l'auteur d'une proposition sur le rétablis-
sement des tours, laquello n'apparaît ja-
mais à l'ordre du joig.
Hier, le député-poète versait ses plain-
tes dans l'oreille du président de la Cham-
bre.
— Allons, mon président, un bon mou-
vement, gémissait-il. Pour commencer,
donnez-moi un tour. de faveur !. -
LE DIABLE BQ1TE&X* -
LE BON VIN
Quand il sut que les Prussiens allaient
arriver, François Venette pensa choir de
son haut.
- Est-ce possible ? s'écria-t-il.
— Tiens ! fit l'armurier Jeannot, chez
qui la nouvelle venait d'être apportée,
pourquoi veux-tu que ça ne soit pas possi-
ble ? Leurs chevaux ont de bonnes jam-
ibes, et maintenant qu'ils ont coupé en
deux l'armée de la Loire.
— Est-ce vrai, ça-?- ,
— Vrai ou non, le certain, c'est qu'ils
sont à Tours depuis quarante-huit hou-
res. Or nous sommes à huit lieues de
Tours. La seule chose qui m'étonne, c'est
que nous n'ayons pas encore vu briller
là-bas, sur la route de Paris, les pointes
de leurs casques !.
François Venette prit son chapeau,
qu'il avait posé sur le comptoir, et se di-
rigea vers la porte.
— Adieu, dit-il, je rentre chez moi.
L'armurier Jeannot ne put s'empêcher
dé rire ertle voyant se sauver comme s'il
avait eu le feu au fond de sa culotte.
- Hé t François, lui cria-t-il du seuil
de la porte, vas-tu donc te barricader
-pour soutenir un siège à toi tout seul ?
Attends un peu, que je te donne deux ou
trois fusils de rechange !
Mais François ne 1 entendait déjà plus.
Il avait tourné le coin de la rue déserte.
L'armurier rentra dans sa boutique, et
e'adressant à son voisin Pintaud, le mar-
chand de vin, qui était -resté assis sur le
comptoir:
— Sacré Venette, dit-il, en voilà un qui
est bien nommé.
— Dame, observa le marchand de vin,
d'un ton convaincu, c'est peut-être son
nom qui l'a rendu comme ça.
— En tout cas, si vous n'aviez que des
soldats de sa trempe, ce n'est pas à Tours
que les Prussiens seraient à cette heure,
mais à Perpignan.
— Et encore parce qu'ils n'auraient pas
pu aller plus loin.
— Pas brave ce pauvre François, mais
brave homme tout de même avec ça: Il y
a longtemps que je lesconnais, moi. Voilà
bien tout à l'heure quarante ans que nous
étions ensemble à l'école.
— Eh bien, s'il était à cette époque-là
comme aujourd'hui, car ne devait pas être
un batailleur. Je parie qu'il recevait plus
de coups de poing qu'il n'en donnait?
— C'est vrai .dli- ",,';W ionhtswnne
tranquille. Va-t-il faire une fichue tête,
le malheureux, quand il verra les Prus-
siens dans sa maison !
- Sa. chère maison! lui ani en était si
fier, qui ne vivait que pour. elle, qui se
mirait dans Ses parquets cirés comme
dans une glace. C'est-il vrai qu'il vous
raccompagnait à la porte avec Un chiffon
d'une main et une brosse de l'autre pour
effacer les traces de vos" pieds.
d — Ça ne m'étonnerait pas, tant il est
maniaque. Mais, dites-donc, voisin, il
.n'y en aura pas que pour lui 6 l'ômbête-
n' y en aura
ment. C'est ça qui ne va pas être drôle,
d'avoir ces ostrogoths-là chez soi jour et
nuit. Pour deux sous, je mettrais la clef
sous la porte, moi 1
— Eb bien, et votre mère, qu'est-ce que
vous en feriez ?
— C'est bien pour elle que je reste.
— C'est comme moi ; sans madame Pin
taud, qui est dans une position intéres-
sante,je serais déjà parti.
- Tandis que cette vieille bête de
François, riche, vieux garçon, sans pa-
rents ni enfants, je vous demanae un peu
ce qui le retient ici.
- Sa maison, parbleu 1 S'il la quittait,
il en mourrait, comme un escargot sorti
de sa coquille.
— Dites donc, alors, monsieur Pintaud,
c'est entendu, ce que je vous demandais
tout à l'heure, quand il était ici.
— Votre pouare ? Bien sûr que c'est en-
tendu. Il y en a beaucoup ?
- Beaucoup ? Je crois bien. Tout ce
qu'on m'a envoyé de Châtellérault, avec
la commande de cartouches.
— Eh bien, nous la mettrons dans une
barrique, et je vous remiserai ça tout au
fond de ma cave, dans un cellier dissimu-
lé par un,tas de futailles pleines. Du dia-
ble s'ils vont la découvrir là ! Elle y sera
eu sûreté, soyez tranquille.
— Tandis que chez moi, «leur première
idée serait de chercher si j'ai des muni-
tions. Et ça m'aurait crevé le cœur de
penser que ces brigands auraient pu tirer
sur nos pauvres moblôts avec de la poudre
française qu'ils auraient prise chez moi.
- Ce soir, maître Jeannot, ce sera fait.
*
— Par les cornes du diable, notre hôte,
votre vin devient mauvais ! Qu'en pensez-
vous, messieurs ?
— Nous pensons comme vous, major !
répondit la table tout d'une voix..
— Ceci, notre hôte, est une négligence
inqualifiable! Quand on a l'honneur d'hé-
berger chez soi une demi-douzaine d'of-
ficiers supérieurs, le moins qu'on leur
doive, c'est de 11e pas - leur servir dé la
piquette.
François Venette, très intimidé, restait
adossé au chambranle de la porte, em-
brassant d'un regarçl navré cette horde
chamarrée installée dans sa: salle à man-
ger. autour de sa table, leurs lourdes
bottes écrasant sur son parquet ciré les
plaques de boue que leurs semelles avaient
apportées du dehors.
- Messieurs, répondit-il enfin d'une
voix mal assurée, je vais vous dire.
C'est que, depuis huit jours que vous êtes
ici, vous avez bu le meilleur!
— Est-ce un reproche, monsieur Ve-
nette r interrompit le major d Sn air
froissé.
— Non,non, messieurs, reprit le smal-
heureux François, du ton d'un écoljer
qui sent venir le coup de férule. Ce n'est
pas un reproche. Seulement, c'est pour
vous dire qu'il ne resje plus maintenant
que de l'ordinaire.
- Eh bien, il est exérable votre or-
dinaire. Avisez un peu à vous en procurer
d'autre, et dès ce soir, n'est-ce pas ?
- J!irai voir chez le marchand, s'il lui
en reste.
- Et pourquoi ne lui en resterait-ilipàs?
- Dame, c'est que depuis quinze jOurs
que votre régiment est ici, on a bu quel-
ques bouteilles de plus dans la ville.
— Eh bien, cela prouve,.que nous fai-
sons honneur au vin de France, et vos vi-
gnerons en doivent être flattés. N'est-ce
pas, messieurs?. -
— Vous avez raison, maior ! cria. toute
la table en partant d'un éclat de rire qui
secoua les vitres.
François Venette s'était éclipsé. Il re-
mit sur sa tète le chapeau qu'il avait tenu
à la main pendant son interrogatoire, et
resta un instant dans le vestibule, tout
seul, le menton dans sa main, dans l'atti-
tude d'un homme qui réfléchit.
Se demandàit-il à quelle maison il de-
vrait s'adresser pour trouver-du vin digne
de ses hôtes? C'était probable. Au bout
d'un instant, il releva la tête d'un air dé-
cidé. Evidemment il avait trouvé.
Il ouvrit la porte du vestibule, descen*
dit les marches du perron, se dirigea vers
la grille à pointes dorées qui séparait son
jardin de la routé, et sortit de chez lui.
La maison de François Venette était si-
tuée sur la route de Paris, hors de la
ville, à cinq minutes de l'octroi. Un quart
d'heure après, notre homme arrivait
chez maître Pintaud, le marchand de
vins, l'entraînait au fond de la boutique,
et lui faisait sa commande. Bien certaine-
ment François Venette devait avoir com*
mandé un vin extraordinaire, car maître
Pintaud avait eu un haut-le-corps d'èton-
nement. Mais son client ayant fait un
geste d'une suprême éloquence et tiré de
sa poche un portefeuille convenablement
bourré, le marchand'de vins s'inclina, re-
çut une liasse de billets qu'il compta et
alla séance tenante serrer dans sa caisse.
- Alôrs, dit-il, vous allez voir l'ami
Jeannot ?
— Non, répondit François Venette,
puisque je l'ai vu tout à l'heure. Je n'a
plus rien à lui dire.
- Eh bien ! bonjour, dans deux heures
les trois barriques seront chez vous. -
— Et surtout, reprit François, recom
mandez bien à vos hommes de ne pas trol
secouer la pièce de supérieur 1
— Soyez tranquille. Je vous enverrdt
deux gaillards de confiance.
Maître Pintaud était un homme de pa-
role. Deux heures plus tard, Français
Venette était à la porte de sa grille, sur-
veillant le déchargement des trois futailles
que les hommes descendirent une à une
d'un long camion et roulèrent avec pré-
caution jusqu'à l'entrée de la cave, située
3ôus le perron.
Comme ils laissaient glisser la , der-
nière sur 00 plan incliné formé par deux
poutres et modéraient la descente à l'aide
d'une grosse corde qui retenait la barri-
qw, lo major prussien^flanqué 4e deux
officiers, entra dans le jardin, venant du
dehors.
— Ah, ah ! fit-il en apercevant son hôte,
à la bonne heure. Vous n'avez pas publié
la consigne. Eh bien, 'aurons-nous dm
bon vin ce soir à dîner ?
— Vous m'en direz des nouvelles! ré-
pondit François d'un air tout réjoui.
Et, la dernière futaille ayant touché
terre, il descendit dans la cave avec les
deux hommes.
— Celle-là, dit-il en montrant du doigt
une barrique, c'est bien le supérieur?.
Bon ! Alors, vous allez me la .rouler ici
dans le caveau séparé, qui ferme à clef
Depuis que ces gueux sont ici, j'ai ren-
voyé ma cuisinière. Ils se font servir par
des hommes à eux, et les gaillards ont le
gosier en pente.*. Tenez, ajouta-t-il, en
revenant dans la grande cave, percez-tnoi
tout de suite cette barrique (d'ordinaire.
C'est moi-même qui tirerai le vin, poar
plus de sûreté»
*
A six heures et demie, dans la salle à
manger toute flambante de bougies allu-
mées, les pensionnaires de François Ve-
nette étaient installés autour de la table,
et attaquaient vigoureusement un roast-
beef cuit à point. Le maître du logis ed-
tra, et déposa soigneusement près de la
cheminée un panier. garni de bouteilles.
- Voilà une aimable prévenance, mes-
sieurs ! s'écria le major. Notre hôte veut
que nous buvions son nouveau vin à la
température convenable. Cette sollicitude
vaut bien une politesse. A la santé de
notre hôte, messieurs !
Et le major leva son verre en riant.
François Venette salua d'un air-pénétré
de reconnaissance. Puis il sortit, et, sans
lumière, à tâtons, il ouvrit une porte sons
la cage de l'escalier, et descendit quel-
la ca g e
ques marches. Bientôt il sentit sous ses
pieds le sol de la cave, et, se dirigeant le
long du mur, il arriva devant la porte du
cellier où était enfermé le vin supérieur.
Il glissa une clef dans la serrure, ouvrit
et pénétra dans le réduit. Une minute
après il en ressortit, referma la porte et
resta un instant immobile. Puis il frotta
sur son genou une allumette, s'accroupit,
et promena près de terre son allumette
enflammée, comme s'il cherchait quelque
chose. sa clef sans doute, qu'il avait
,
laissée tomber. La recherche ne fut pas
longue. ILsouflla son allumette, remonta
l'escalier, ouvrit sans bruit la porte du
vestibule, descendit le perron, franchit la
grille, se trouva sur la route, dans la nuit
noire dont pas une étoile ne piquait l'obs-
curité. La-bas, à gauche, brillastt seul le
réverbère de l'octroi. François Venette
prit sa drQitë, et tournant le dos à la ville,
il s'en alla sur la chaussée, les mains
dans ses poches, en sifflotant un air de
chasse que son ami Jeannot, l'armurier,
lui avait appris.
Un quart d'heure après, une estafette
courait au grand trop sur la route, venant
de la ville. L'état major allemand venait-
il (Je recevoir une nouvelle importante ?
C'était probable. * Or, comme le cavalier
était à cent mètres de la maison Venette,
il arrêta brusquement son cheval d'un vio-
lent coup de rênes, et 'resta comme mé-
dusé sur sa selle. Devant lui, une lueur
subite embrasait la nuit et au même ins-
tant une formidable détonation ébranlait
l'atmosphère. -
C'était la maison du placide François
qui venait de sauter.
î)epuis, quand il raconte cette bis-
toire, l'armurier Jeanaot^n© pas
d'ajouter ;
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