Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1893-12-21
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 décembre 1893 21 décembre 1893
Description : 1893/12/21 (N5147,A15). 1893/12/21 (N5147,A15).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/07/2012
QUINZIÈME ANNÉE - NUMERO 5147 Un INuméro : Paris, 15 cent. - Départements, 20 oent. JEUDI 21 DÉCEMBRE 1893
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SOMMAIRE
COURRIER SE PARIS. — Carle dts Perrières,
Lx COLLIER DE CHIEN. — Pompon.
LES PETITS MÉMOIRES DU JOUR. — Lapomély.
L'ORGUEIL DU BONHEUR. — Marcel L'Heureux.
A TRAVERS LA POLITIQUE. - Adrien Duvand.
COULISSES DB LA FINANCE. - Don Caprice.
Las ANARCHISTES. — XXX.
PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS. — Léon Bernard-
Derosne.
LA SOIRÉE PARISIENNE. - Richard O'Monroy.
Puoros DE COULISSES. - Gaultier-G ar Quille.
CYCLISMB. — F. de Villeniont.
FEUILLETON : NOTES SUR BERLIN.*— Jean Ajal-
bert.1
GIL BLAS DE DEMAIN
Contes et Chroniques par :
Abel Hermant.
Paul Foucher.
Léon Bloy.
r I I* HUHUMI M1. UMMA
COURRIER DE PARIS
Un des romanciers les plus en vogue
auprès du monde féminin, le psycholo-
gue amer qui s'est donné pour mission
d'exposer les douloureux problèmes que
nous nous posons si souvent, en pré-
sence de certains mystères du cœur, a
publié une psychologie de l'amour qui
n'a pas été sans soulever bien des con-
tradictions..Le sexe laid y est divisé en
deux parties bien distinctes : ceux qui
ont été, sont ou seront aimés, et ceux,
plus ou moins heureux, comme vous
voudrez, qui sont destinés à passer toute
leur vie a côté de l'amour sans voir ja-
mais s'entre-bâiller pour eux cette porte
du Paradis.
Une étude aussi intéressante est celle
du séducteur patenté, de celui qui, par
grâce d'état, trouve auprès des femmes
une indulgence éternelle, qui traverse
la vie entre trois ou quatre amours se
succédant a l'envi, et laisse dans le sou-
venir de celles qui l'ont approché comme
un sillon lent à se combler. La femme
est sa chose; elle lui appartient; il vit
par elle et pour elle.' Qu'il s'y attache
plus ou moins, suivant son cœur et ses
facultés aimantes, peu importe; par de-
voir, comme par tempérament, la fidé-
lité lui est interdite. Nous sommes en
présence de l'homme à femmes. L'hom-
me à femmes existe dans toutes les clas-
ses de la société; il y en a parmi les mi-
nistres et parmi les portefaix.
il est évident que ses procédés varient
suivant son éducation et la catégorie de
femmes auxquelles il s'adresse. Mais il y
a toujours, dans l'homme à femmes,
cette sécurité, cet aplomb tranquille,
ce calme, acquis après tant de victoi-
res, qui constitue la moitié du succès.
Les victimes, d'ailleurs, ne s'y trom-
pent pas un instant. A première inspec-
tion d'un homme, une femme, si illet-
trée et si naïve qu'elle puisse être, vous
dira s'il appartient ou non a la catégo-
rie de ces Don Juans inodernes.
Partout où il se présente, l'homme à
femmes attire l'attention, pour ainsi
dire, malgré lui. N'allez pas croire que
tous soient des fats, par trop satisfaits
de leur personne. Pas du tout. Il en est
d'absolument modestes, qui connaissent
le prix de la discrétion et l'ont prise,
pour ainsi dire, pour enseigne. Il n'ont
ni grande allure, ni beauté mâle et vi-
goureuse, ni cet esprit scintillant et
agressif qui force les regards féminins.
Leur charme est en eux-mêmes et la
femme sait à merveille l'y découvrir.
Sous une enveloppe des plus ordinaires,
ce sont les plus dangereux.
C'est comme une sorte de magnétisme
qui s'établit et que subissent immédiate-
ment les sujets les plus rebelles.
Un soir a l'Odéon, Jane E***, imagi-
nation violente, tempérament d'artiste,
fausse poitrinaire détaillée bien souvent
par les lorgnettes des fauteuils d'or-
chestre, reçoit sur sa superbe toilette
tout un jet de pompe mal dirigé par le
pompier du cintre.
A peine descendu, le malheureux est
recueilli par une de ces bordées de sot-
tises a faire rougir un escadron. La phti-
sique pour rire était hors d'elle.
— Idiot, crétin, butor, imbécile. Peut-
on être stupide a ce point? C'est inouï!
Puis, levant les yeux sur lui, elle s'ar-
rêta court.
— Tiens ! fit-elle, il n'est pas mal du
tout, ce garçon-la !
Le pompier était un homme a femmes.
A
Inutile, n'est-ce pas, de vous répéter
ce qui a été dit si souvent : l'homme à
femmes n'a pas du tout besoin d'être
joli garçon ; bien au contraire, pour em-
brasser cette spécialité, ce serait plutôt
nuisible. La plupart des grands séduc-
teurs sont laids, d'une laideur parfois
distinguée et toujours expressive. Le
bel homme se laisse admirer sans avoir
souci de s'occuper d'une femme.
Ti est également inutile d'avoir ce que
l'on est convenu d'appeler de l'esprit ;
cependant, l'homme à femmes est géné-
ralement très intelligent. Quant à sa
sincérité, elle est souvent réelle pendant
quelques minutes. A l'heure où il parle,
il se croit absolument convaincu et de la
meilleure foi du monde.
Dans l'homme à femmes, il y a pres-
que toujours une bonne moitié de cabo-
tin ; ceux qui peuvent entrer dans la
peau de leur rôle au point de jurer de
vrais serments et de pleurer de vraies
larmes augmentent leurs chances de
succès dans une proportion considérable.
Ce qu'il lui faut, avant tout, c'est l'a-
mour de la femme, poussé à l'état de
passion, d'idée fixe ; cela devient le mo-
bile de tous ses actes ; si vous le voyez
au bal, au théâtre, dans une réunion
quelconque, en déplacement de chasse,
aux eaux où il va pour se soigner, après
s'être promis une claustration complète,
en dépit de ses serments et de ses bon-
nes intentions, croyez que, malgré tout,
l'homme a femmes a déjà jeté son dé-
volu et qu'il sent à merveille que, dès la
première minute, il a été remarqué.
C'est là que nous verrons se dévelop-
per sa qualité maîtresse, celle sans la-
quelle il n'y a pas d'homme à femmes :
la persistance. Toujours là, épiant le mo-
ment, souvent repoussé, jamais rebuté,
il attend, humble avec les unes, impé-
rieux et hautain avec les autres, sûr d'a-
vance que son heure viendra, même si
son heure se borne à quelques minutes.
Suivant le caractère du sujet, il mo-
difie ses allures ; railleur et cynique avec
celle-ci, il est sombre et désespéré avec
celle-là; il sait jouer de l'ironie ou de la
violence, être tour à tour Werther et
Desgenais.
Attentionné, délicat, plein de promes-
ses amoureuses vis-a-vis de la camériste,
il sait devenir brutal, mal élevé, pres-
que grossier, vis-à-vis de la grande
dame, curieuse de contrastes. Il n'i-
gnore pas qu'il sera pardonné d'avance.
Quand il est dans la place, s'il tient à
y demeurer, il se rend indispensable.
Sans cesse auprès d'elle, il joue les rôles
de grande utilité et chasse l'ennui qui
plisse le front de la femme aimée. S'il
disparaît à dessein, on le cherche cent
fois dans la journée, on a besoin de lui,
on le regrette, et l'on se demande avec
rage où il peut bien être. Soyez tran-
quille, madame, il n'est pas bien loin.
Mais si son absence se prolonge, vous
pouvez tout redouter pour votre fragile
bonheur.
Quarante-huit heures et vous serez
certaine que l'homme à femmes est sur
une autre piste et, comme l'Indien Co-
manche, qu'il est rentré, armé de pied
en cap, sur le sentier de la guerre.
*
Tout n'est pas roses dans l'existence
de l'homme a femmes. Pour tenir l'em-
ploi avec quelque avantage, il faut sa-
voir ne donner de sa personne ni la
tête, ni le cœur. Pour être heureux a sa
manière, il doit descendre la vie sans
affection comme sans regrets, n'ayant
pour les larmes qu'il voit couler qu'un
geste d'adieu, une caresse banale et un
sourire.
Quel joli mot d'hommel à femmes
que celui d'un des frères Cogniard qui,
le lendemain de son mariage, se lève,
s'habille à la hâte, et s'approchant du
lit conjugal où repose sa jeune femme,
l'embrasse au front d'un air distrait :
— Eh! bien, lui dit-il, au revoir, bébé.
Quand te reverrai-je ?
^Mais si, par un accident plus fréquent
qu'on ne le pense généralement, l'hom-
me à femmes est capable d'un véritable
amour, s'il laisse un fragment de son
cœur à chaque buisson, quel long et
effroyable martyre il va avoir à endu-
rer !
L'homme à femmes est aussi trompé
qu'il a été aimé. Et alors, revanche ter-
rible des choses d'ici-bas, le brillant sé-
ducteur se trouve angoissé, meurtri,
torturé, ridiculisé par quelque Goton de
carrefour.
Pour être complet, l'homme à femmes
doit être implacablement égoïste. Hâ-
tons-nous d'ajouter que le cas est des
plus rares; un homme à femmes ainsi
constitué serait une trop redoutable ma-
chine de guerre.
Il a ses faiblesses, et c'est précisément
pour ses faiblesses qu'on l'aime.
S'il a gardé quelqu'une de ses liaisons
passées, l'homme a femmes vieillit ainsi,
occupant cette situation louche que l'ar-
got parisien a baptisée d'un sobriquet
sévère.
Il est devenu le pivot d'un faux mé-
nage et, comme il n'a pas cessé d'être
homme à femmes, sur ce vieux faux-mé-
nage sont venus se greffer deux ou trois
autres faux-ménages nouveaux. Sa vie
n'est plus qu'un long mensonge; son
imagination lui suggère chaque jour de
nouveaux subterfuges et il l'éternise
ainsi, au milieu de la déconsidération,
traînant ses vieilles amours rivées à son
pied.
Si l'homme à fejnmes n'est capable
d'aucun attachement, il finit seul, en
parfait égoïste, en vieux garçon. Aux
mauvais jours, il reçoit, par-ci par-là, la
visite de quelque souvenir d'autrefois ;
mais elles se font de plus en plus rares,
celles qui se souviennent, et l'homme à
femmes n'exerce plus son prestige que
sur sa gouvernante.
Nestor Roqueplan, merveilleusement
laid, fut l'homme à femmes le plus spiri-
tuel du monde. A cinquante ans, il était
à la fois hideux et irrésistible.
Mais, comme il caractérisait à mer-
veille cette situation lorsqu'il disait, de
son lit d'agonie ce mot, fort connu d'ail-
leurs, à propos des visites de ses an-
ciennes maîtresses :
— Les amies, c'est la garde nationale
du cœur. Et montrant sa vieille bonne
qui entrait, une tasse de tisane à la
main.
— Tiens ! Voilà la ligne !
Si t'avais un fils, ie ne ferais en sa fa-
veur qu'une prière au Tout-Puissant :
— Faites que mon fils ne soit jamais
un homme à femmes !
CARLE DES PERRIÈRES
INSTANTANÉS
MADAME RSQUET-LEMONKIER
Une façon de mère Angot plantureuse dont
la face épanouie, colorée, nargue les tristesses
vaines, évoque le franc rire que magnifia Ra-
belais, dont les exubérances, la voix clairon-
nante, la verve canaille, les hanches rebondies
passionnent le populaire. La note réchauffante
dans les mélos. Toutes les bouffonneries ou-
trées, toutes les charges, tout le débraillement
impétueux d'une pîtresse qui connait son pu-
blic, mais avec des trouvailles imprévues où
se révélé la comédienne. Serait vraiment le
type que l'on rêve pour incarner à la scène
une de ces silhouettes de parvenue, sucre,
chocolat, cannelle ou pétrole, qui font du
monde pèle-mêlé d'aujourd'hui une si hilarante
parade. Signe particulier : N'est vraiment
heureuse que lorsqu'elle interprète une pièce
de son mari. — M.
Nouvelles et Échos
AUJOURD'HUI
Courses à Pau. Pronostics du Git Blas :
Prix d'Ouverture : Frisson, Quintin II.
Prix de Paris : Beau Géant, Du Gues-
clin.
Prix d'Essai : Bigourdan, Clémence.
Prix des Tourelles : Le Ciron, Hermès.
Très belle réunion dimanche, chez le mar-
quis de Casaux, en son château d'Hulay,
près Nemours.
On a dansé un très beau cotillon, que
conduisait mademoiselle Jeanne de Casaux
et M. de Montesquiou.
Emile Kohler a joué ses danses les plus en-
traînantes.
Un dîner très bien servi a clos cette fête
des plus élégantes.
Parmi les invités : baron et baronne
Reille, baronne Van Have, comte et com-
tesse d'Exeville, comte et comtesse de Mes-
sey, comte et comtesse Botreau, madame et
mademoiselle de Bourgelly, madame de
Beauvais, le baron de Vernat, M. de Lastic,
etc., etc.
Décidément la bicyclette est reine ! On
se demande depuis quelque temps quelle
est l'élégante et jolie blonde, adorablement
moulée dans un très suggestif costume de
cyclewoman, qui, chaque matin, bravant la
brise piquante, parcourt, en exquise profes-
sionnelle les principales allées du Bois.
Cette déesse de la pédale n'est autre
qu'Etelka Borry, la tragédienne viennoise,
qui a remporté d'immenses succès à Saint-
Pétersbourg et en Amérique.
Le Père-la-Gaieté, qui l'autre matin la
voyait filer à toute vitesse dans l'allée
Sainte-Marguerite, n'a pas pu s'empêcher
d'avoir cette réflexion :
— Belle fille, cristi ! Mais si elle mène
toutes les besognes de la même façon.
Et le reste de la phrase se perdit sous
Bois.
Avant de quitter Paris pour sa villa des
Orangers, située en pleine Côte d'Azur,dans
le féerique paysage de Beaulieu, la baronne
de Noirefontaine a donné à ses privilégiés
une soirée intime ravissamment réussie.
Au programme : la cantatrice Lina de
Nori qui a délicieusement soupiré: Occki
Turchini, mélodie italienne de Deuza ;
Porte joie, qui a interprété avec tout l'art
qu'on lui connaît, Dans les roses, de Mario
Costa ; le compositeur Gaston Lemaire, le
pianiste Dussautoy, le harpiste Verdolle,etc.
La soirée s'est terminée par Il faut qu'un
cœur soit ouvert ou fermé, une jolie pié-
cette d'Edme Paze, interprétée par Mlle
Emilie Lendet, de Déjazet, et M. S. Bertol,
le nouveau pensionnaire que le directeur de
la Comédie-Parisienne vient de s'attacher
pour cinq ans, et qui retrouvera assurément
sur cette scène élégante tout son succès du
Gymnase.
Sonadieu, qui aime bien joindre les plai-
sirs artistiques aux joies profanes de la
haute noce, m'a emmené, hier soir, aux
Bouffes-du-Nord, applaudir de nouveau la
tant jolie Aimée Martial.
Le fait est qu'elle compose ce rôle de
Nana avec une intelligence et une' science
dramatiques qui la sacrent aujourd'hui
grande artiste et la classent désormais parmi
les princesses de la rampe.
Quelle félinerie dans le regard, quelle ca-
resse enveloppeuse dans la prunelle, quelle
grâce onduleuse et agrippante lorsqu'il faut
être la courtisane aimante; et aussi quelle
brutalité dans le geste, quelle franchise dans
l'écœurement, quand elle refuse l'amour
vendu.
Le dernier acte, particulièrement, est ad-
mirablement rendu, et là, plus qu'ailleurs, la
belle Aimée atteint au grand art.
— Cette Martial, me disait Sonadieu à
la sortie, elle a des coulées de lave dans les
yeux !
Médaillon :
LIANE DE LANCY
La seule qui puisse, après la jolie Pougy,
se permettre de porter l'expressif prénom de
Liane.
Pas même vingt ans. Hier encore incon-
nue parmi les ine
nue parmi les inconnues, sera demain, grâce
à ses yeux, heureux rivaux des plus beaux
yeux de Paris, la plus éclatante des étoiles
d'amour. Coiffée en larges bandeaux blonds
et d'un bizarre encadrement de cheveux, a
l'air tout à la fois d'un vicieux baby anglais
et de quelque vierge de Botticelli.
Habite, rue Legendre, un hôtel aux allu-
res byzantines, qui fait un cadre adorable à
sa beauté spéciale. C'est là qu'elle se pré-
pare par de longues heures d'étude à mon-
ter bientôt sur quelqu'une de nos scènes
lyriques.
Signes distinctifs : N'a jamais ni corset
ni ceinture, et porte des chaussettes, été
comme hiver.
Sa devise : Tout de bon c.oeur.
Echos de Versailles : .a
Un superbe ctfncert sera donné à Ver-
sailles le jeudi 28 décembre avec le con-
cours de madame Anna Judic, qui chantera
ses plus jolies pages ; madame Augusta Hol-
mes Qui interorètera de ses oeuvres ; made-
moiselle Alice Verdié de Saula, cette vio-
loniste à l'apogée du talent, malgré sa jeu-
nesse, et qui a un jeu si brillant; mademoi-
selle Jeanne Mérey, l'élève de madame La-
borde, qui remporta ce mois-ci un si beau
succès dans La/wzé, au théâtre ; mademoi-
selle d'Alvar, de l'Opéra; M. Mondeville,
des Concerts-Colonne ; M. Roger Randal,
le transfuge de l'Odéon, avec quelques-uns
de ses camarades dans plusieurs petites
pièces.
C'est là une fort belle pléiade qui assu-
rera le succès de cette belle soirée que MM.
Lagrange ont organisée.
Le programme du Casino-de-Paris vient
d'être entièrement renouvelé, sauf pour le
charmant ballet Tentations, qui continue le
cours de son succès. Ce programme nou-
veau est des plus attrayants; il faut men-
tionner surtout Spessardi et ses ours bien
amusants et dressés d'une façon tout à fait
nouvelle et curieuse, la jolie trapéziste miss
Zéphora, deux vélocipédistes remarquables,
etc., etc. En résumé, des nouveautés extrê-
mement originales et divertissantes.
Ce soir grande fête de nuit.
Plusieurs de nos lectrices nous écrivent
pour réclamer à nouveau le rétablissement
des compartiments réservés aux dames seu-
les sur le chemin de fer de ceinture. Ces
compaitiments existent, paraît-il, pour les
secondes et non pour les premières où il
devrait y en avoir a fortiortk De là vient
peut-être le malentendu..En tous cas, nous
sommes persuadés que la Compagnie de
l'Ouest fera droit à cette juste demande avec
sa bonne grâce et sa galanterie accoutu-
mées.
Le Tout-Paris, l'Annuaire si connu de
la société parisienne, fait paraître aujour-
d'hui son édition de 1894, considérablement
augmentée et corrigée avec un soin méticu-
leux.
Nous croyons rendre un réel service à
nos abonnés et à tous ceux qui appartien-
nent à un titre quelconque à la société pari-
sienne en leur signalant l'apparition de cet
ouvrage, qui devient de plus en plus indis-
pensable.
Le Tout Paris a déjà dix ans d'existence
et à chaque nouvelle édition son succès va
grandissant.
A l'approche du jour de l'An, il est utile
d'avoir sous la main ce recueil, qui permet
de préparer facilement ses visites, ses en-
vois de cartes.
M. Alfred Rambaud, à qui ses remarqua-
bles travaux sur l'histoire et la diplomatie
russes ont valu une distinction bien méritée,
vient de publier sous le titre : l'Anneau de
César, une histoire de la Gaule qui est à la
fois un modèle de reconstitution historique
autant que d'imagination. et une excellente
leçon de patriotisme.
Ces Souvenirs d'un Soldat de Vercingé-
torix marchent de pair avec l'Histoire d'un
Paysan, d'Erckmann-Chatrian, avec les
chefs-d'œuvre de Viollet-le-Duc ; Histoire
d'une forteresse, Histoire d'un hôtel de
ville et d'une Cathédrale, Histoire de l'Ha-
bitation humaine.
Nous allions oublier de dire que c'était
Hetzel, l'éditeur de Y Anneau de César,
brillamment illustré par Georges Roux ;
c'est à la fois un livre d'étrennes et un ou-
vrage de bibliothèque.
Mes belles lectrices, employez le Lys Ve-
louté, qui vous rendra plus blanches. que
la blanche hermine. Ce produit merveilleux,
qui supprime poudres et fards, est en vente
22, rue Lafayette.
NOUVELLES A LA MAIN
X., le rastaquouère bien connu, vient de
reparaître.
— Tiens, dit quelqu'un, je le croyais re-
tiré de la circulation pour longtemps !
- Oh 1 ce n'est pas étonnant de le revoir,
réplique Andhrée Forestier ; ces gens-là re-
viennent toujours à la marée montante.
Rue Saint-Lazare :
Deux gavroches, en jouant, bousculent
une dame d'un âge mûr, qui leur dit d'un
ton rogue :
— Voulez-vous pas bousculer le monde
comme ça, polissons !
L'un d'eux se retourne et s'écrie :
- Oh! là là. c'te dame qui se prend
pour du monde. C'est p't-être une belle-
mère!
LE DIABLE BOITEUX
-—————————— ——————————
Le Collier de Chien
Nous revenions l'autre soir de la Dame
aux Camélias avec le peintre impres-
sionniste Max-Petrus, et, tout en des-
cendant avec nous les boulevards, il
s'extasiait sur la robe de bal portée par
Sarah Bernhardt au quatrième acte, avec
les nuances fondues de lilas et de rose
apparaissant sous les guirlandes de
fleurs.
— Rien que cette robe-la suffirait à
me faire aimer la pièce ! s'écriait-il.
Et comme nous plaisantions cet en-
thousiasme paradoxal, sacrifiant l'auteur
pour donner le pas au couturier, Max-
Petrus nous dit en souriant :
— Que voulez-vous ? Je suis ainsi fait.
J'ai le sentiment de la couleur et de
l'harmonie des tons poussé à un si haut
degré, que j'éprouve à la vue d'une toi-
lette bien conçue la jouissance qu'on res-
sentirait à entendre une jolie musique.
Au contraire, toute faute de goût, toute
nuance qui détonne dans l'ensemble me
cause une impression douloureuse, et
agit directement sur mes nerfs exacer-
bés au point de me causer une véritable
souffrance. Si géniale que soit l'œuvre,
je ne saurais l'applaudir si elle m'est
présentée dans un cadre dont la couleur
me choque. Je vais plus loin. Si radieu-
sement belle que soit une femme, il me
serait impossible de l'aimer si son élé-
gance n'était pas harmonique. Tenez,
précisément, lors de la dernière reprise
de la Dame aux Camélias aux Variétés
- vous rappelez-vous comme ce pauvre
Damala était déjà malade dans son com-
plet mastic ? — il m'est arrivé une aven-
ture que je vais vous conter :
— Nous vous écoutons mon cher Pe-
trus.
— Eh bien, j'avais remarqué, dans l'a-
vant-scène de gauche, une fort jolie
personne, ma foi très brune, avec des
cheveux plantés bas sur le front, un
teint mat, des lèvres pourpres, des yeux
immenses couleur taille de guêpe, fran-
gés de cils Invraisemblables, bref, le
type de la créole dans ce qu'il a de
plus séduisant et de plus voluptueux.
Eh bien, tout cet ensemble était déparé,
je dirai plus, déshonoré par certain col-
lier de chien. A cette époque, la mode
était pour les femmes de s'enserrer le
cou dans un ruban de satin, mode absur-
de, mais qui, en somme, est encore to-
lérable lorsque le ton du collier s'har-
monise avec la nuance du teint. C'est
toujours un peu la tête du décapité par-
lant, mais au moins la tête est posée
sur un socle qui la met en relief.
Or, le collier de ma brune était en sa-
tin blanc ! Figurez-vous ce visage mat,
souligné par ce ruban clair ! On eût dit
une négresse, une véritable négresse, et
dans la débâcle causée par cette faute
de goût qui me donnait envie de hurler,
les yeux admirables, la bouche sen-
suelle, l'ovale charmant du visage, tout
disparaissait, tout s'écroulait, pour ne me
laisser voir qu'une créature désagréa-
ble à regarder et par conséquent haïssa-
ble au premier chef.
Sans doute, avec cette intuition ner-
veuse qui est le propre des femmes,
avait-elle deviné ce qui se passait en
moi, car, a la vue de ma mine boudeuse
et renfrognée, elle se mit à déployer
dans son avant-scène tout l'arsenal de la
plus savante coquetterie. Il n'y avait de
ma part, en dépit de ces marques d'at-
tention spéciale, aucune fatuité à conce-
voir. Sans doute, habituée à son effet de
séduction irrésistible, elle ne pouvait
pas admettre qu'il y eût dans la salle un
seul spectateur qui ne fût pas conquis,
et par le fait que je résistais, j'étais un
ennemi qu'il fallait vaincre. Aussi les
œillades incendiaires, et les mines pro-
vocantes continuaient - elles derrière
l'éventail, et moi je restais impassible et
maussade, tant et tant qu'a la fin d'Esti-
gnac, qui était avec moi aux fauteuils,
s'écrie impatienté :
— Mais tu es donc aveugle ! Tu ne vois
donc pas que la belle Pépa Cortès te fait
un œil insensé !
— Bah, lui dis-je, on lui aura conté
que j'étais Max-Pétrus, et elle a envie
que je lui peigne son portrait, voilà tout.
Mais moi je sais bien que je ne le ferai
jamais, ce portrait, jamais, jamais,car je
trouve la femme atTreuse.
— Affreuse, Pepa ? Tu es fou !
— Pas du tout. Regarde cet horrible
collier de satin blanc. Regarde !
- Je te concède que la nuance du
ruban est mal choisie, mais Pepa n'en
reste pas moins une ravissante créature
qui t'envoie en ce moment un sourire à
damner un saint. Sacrebleu! Mais tu ne
sais donc pas que cette femme est, de
l'aveu des quelques privilégiés qui ont
eu ses faveurs le plus merveilleux livre
de volupté qu'on puisse lire !
— Ah! fis-je intéressé malgré moi par
cette évocation de la Bête.
— Allons, crois-moi, ce serait absurde
de manquer une occasionpareille. Voici
l'entr'acte, je vais te présenter, veinard,
mais a charge de revanche, tu sais.
Je suivis sans grande conviction, et,
toute modestie à part, je dois avouer que
je fus reçu à bras ouverts. Pepa m'avait
emmené dans le petit salon assez obscur
situé au fond de la loge, et dans la pé-
nombre, son collier s'adoucissait de ton,
s'estompait dans une espèce de gris cré-
meux qui détonnait moins. Bref, je la
trouvai cette fois beaucoup plus jolie que
lorsqu'elle était éclairée par la lumière
crue de la rampe. L'ami d'Estignac s'é-
tait esquivé discrètement et je parlai à
Pepa tout près, tout près, me grisant
d'une bonne odeur d'amande amère qui
s'exhalait de toute sa brune personne.
J'adore ce parfum-là qui a toujours eu la
propriété de me causer une exaltation
extraordinaire. A un moment donné, la
belle ayant soulevé lebras pourarranger
je ne sais quelle mèche sur son front, le
parfum redoubla et devint si acre, si ca-
piteux, si intense que, complètement
pris et dompté par cette odor difemina,
je murmurai, la voix rauque :
- Je vous en supplie, laissez-moi vous
reconduire chez vous ce soir ?
— Déjà, fit-elle avec une petite moue,
déjà! Elle réfléchit un instant, puis tout
à coup, agitant sa tête frisée dans un
mouvement de révolte : — Bah ! les fo-
lies sont encore ce qu'il y a de meilleur
en ce monde. En somme, je vous connais
depuis longtèmps. Venez m'offrir votre
bras à la sortie.
Je retournai à mon fauteuil, où j'eus
à subir les félicitations ironiques de
d'Estignac, et Pepa reprit sa place à
l'avant-scène.
Hélas, le charme était rompu, le col-
lier de satin blanc resplendissait à nou-
veau aux feux de l'électricité et la spec-
tatrice était tout à coup redevenue la
négresse abhorrée. Bien entendu, elle
ne comprenait rien à ma froideur subite
et, un peu étonnée, elle se demandait
s'il y avait de ma part une simple ques-
tion de tact et de réserve.
Moi, cependant, esclave de ma pro-
messe, j'allai à la fin du spectacle la
chercher dans l'avant-scène comme un
chat qu'on fouette, je montai très gro-
gnon en voiture, et arrivé devant la
porte de son hôtel, je lui souhaitai le
bonsoir le plus cérémonieusement du
monde, lui laissant l'impression que j'é-
tais un bien singulier original.
— Le fait est, mon pauvre Max, qu'on
n'est pas ours à ce point.
— Attendez, messieurs, l'histoire n'est
pas finie. J'étais resté sur cette impres-
sion fâcheuse lorsqu'une quinzaine de
jours après, je rencontre Pepa dans un
bal de bienfaisance. 0 bonheur ! Trans-
formation complète. Elle avait au cou un
collier de velours rouge carmin, et je ne
saurais vous dire comme cette nuance
chaude, vibrante, mettait en relief les
pâleurs de son teint, avivait le regard,
nimbait toute sa personne d'un éclat
surnaturel. Cette fois, je fus tout à fait
subjugué; je ne la quittai pas une mi-
nute de la soirée, m'efforçant par la sin-
cérité de ma passion, de faire oublier ma
sotte conduite de la fois précédente.
Je valsai avec elle, m'affolant à nou-
veau par les effluves capiteux qui, la
chaleur du bal aidant, s'exhalaient de*
épaules nues, de la gorge en parade
évoquant dans ma pensée les beaux vers
de Richepin :
La salive de tes baisers sent la dragée
Avec je ne sais quoi d'une épice enragée.
Bref, après avoir bien imploré, bien
supplié, j'obtins de reconduire la belle,
très décidé cette fois à ne pas m'arrêter
comme un imbécile au seuil du paradis,
et à franchir gaillardement la porte co-
chère. La voiture s'arrête devant l'hôtel.
Pepa sonne et comme je veux la sui vre
elle se retourne et me dit avec une
nuance d'embarras :
— Non. Pas ce soir.
— Pourquoi pas ce soir !
— Eh bien. vous n'avez donc pas vu
la couleur de mon collier? Rappelez-
vous Marguerite Gauthier qui avait tou-
jours un bouquet de camélias blancs.
excepté quelques jours par mois pendant
lesquels elle arborait les camélias rou-
ges. Eh bien, je suis comme elle. Pen-
dant vingt-quatre jours, je porte le col-
lier de satin blanc ; pendant six jours le
collier de velours rouge. Vous serez
averti, maintenant. Ce soir, j'ai moi:
collier rouge ; donc, bonsoir, mot
ami.
Et elle me ferma la porte au nez.
POMPON
(Reproduction interdite.)
————————————— «
LES PETITS MEMOIRES DU JOUR
Comment passer sous silence les incidents
qui marquèrent cette soirée mémorable,
où les critiques réunis au Vaudeville jugè-
rent en dernier ressort la Parisienne de M.
Henry Becque ? Il s'agissait de décider si
la pièce méritait ou non d'être admise au
rang de chef-d'œuvre : affaire grave, qui
fut conduite avec la prudence méticuleuse
et la solennité imposante d'un procès de
canonisation en cour de Rome.
Les avocats du diable soulevèrent mille ar-
guments spécieux : « l'auteur, affirmaient-
ils, avait évidemment du génie, mais il le
ménageait avec une parcimonieonteuse ;
son théâtre était plein d'hérésies contre les
formules consacrées de l'art dramatique ;
il avait donné l'exemple de la révolte ou-
verte contre les décisions des maîtres les
plus vénérables de la soirée et du feuille-
ton ; on oubliait trop enfin le caractère
agressif de ses plaisanteries ordinaires et
son ingratitude envers le Souverain-Pon-
tife de la Comédie-Française. »
M. Francisque Sarcey se montra parties
lièrement acrimonieux : « Je n'ai pas fer-
mé l'œil de tout le premier acte. Au se-
cond, je pus m'assoupir un instant, mais à
peine mon somme commencé, — ce somme
indispensable à ma digestion, — voici qu'un
affreux cauchemar me réveille : j'ai rêve.
que ce pauvre Gandillot ne faisait plus re-
cette. Et puis, cette salle enthousiaste m'a
exaspéré : c'est la première fois que je vois
le public tenir si peu compte de mes déci-
sions. Ah, sans cette coquine de Réjane !
Son talent a fait tout le mal. Je la repin-
cerai! »
M. Jules Lemaître semblait encore plub
pâle et plus défait que de coutume; on eût
dit un juré de Ravachol: Quand vint son
tour d'exprimer son avis, il essaya de s'é-
vader à l'aide de souvenirs classiques :
« M. Becque, balbutia-t-il, me fait songer à
l'infortuné Sisyphe roulant son énorme
bloc.,. » « Eh ! eh! mon cher maître, inter-
rompit le cruel Pierre Veber, savez-vous
qu'on vous place déjà dans les mêmes pa-
rages de l'enfer littéraire : vous vous épui-
serez éternellement, m'a-t-on dit, à vouloir
arracher un petit pavé. »
M. Pessard sourit, bien qu'à son âge on
ait généralement la pudeur de montrer
peu de goût pour ce genre de plaisante-
ries ; M. Henry Fouquier lui, éclata fran-
chement. Seul, M. Paul Perret prit une
attitude vexée et serra furtivement la main
de sonéminent confrère dos Débats roses.
Ce fut M. Henry Bauer qui plaida. au
nom des Jeunes, la cause de la, Parisienne :
« En vérité, messieurs, je ne comprends
pas vos scrupules? Becque est incontesta-
blement le grand initiateur des nouvelles
couches esthétiques. C'est à lui que nous
devons Antoine et la brillande pléïade du
Théâtre-Libre. Ce titre suffit pour que
nous luirendions un juste hommage. Quant
à sa pièce, le public la jugée contre vus ju-
gements ; inclinez-vous. On ne discute pas
avec un souverain, quand ce souverain
s'appelle l'opinion. »
Ces paroles vibrantes entraînèrent les
plus hésitants. On fit encore quelques ob-
jections pour la forme, puis l'on finit par
s'entendre. On convint que, décidément, la
pièce de M. Henry Becque était bien un
chef-d'œuvre, mais on ajouta, par défé-
rence pour M. Sarcey, que ce chef-d'œuvre
était fait d'un vieux vaudeville assaisonné
du pessimisme de Forain.
Après le verdict, chacun s'en fut satifr
fait de soi-même et des autres.
Lapomély.
————————————— --
CHOSES MORTES
L'ORGUEIL DU BONHEUR
C'est un dimanche, à la sortie de la grand'-
messe. Des groupes se forment sur la
place de l'église; les blouses bleues relui-
sent et les bonnets tuyautés brillent au
clair soleil, qui argente la neige, sur les
toits des maisons, et là-bas sur les co-
teaux boisés. Les deux vieilles dames
descendent lentement les marches. L'u-
ne, un peu grosse et belle encore, malgré
l'empâtement du visage et la fatigue
des traits. L'autre, laide, sèche et ri-
dée.
PREMIÈBE VIEILLE DAME. — M. le curë
a bien parlé, ne trouvez-vous pas, chère
amie ?
DEUXIÈME VIEILLE DAME. — Un peu Ion,
guement peut-être.
PREMIÈRE VIEILLE DAME. — Tout lu
monde n'est pas aussi pressé que vous,
ma bonne. Si l'on vous en croyait, la
messe, le sermon, la quête, tout cela se-
rait expédié en une demi-heure.
DEUXIÈME VIEILLE DAME. — A vouei
pourtant que M. le curé se fait vieux.
PREMIÈRE VIEILLE DAME.- Dame. C'est
facile à compter. Il a deux ans de plua
A. DUMOIVT. Fondateur
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SOMMAIRE
COURRIER SE PARIS. — Carle dts Perrières,
Lx COLLIER DE CHIEN. — Pompon.
LES PETITS MÉMOIRES DU JOUR. — Lapomély.
L'ORGUEIL DU BONHEUR. — Marcel L'Heureux.
A TRAVERS LA POLITIQUE. - Adrien Duvand.
COULISSES DB LA FINANCE. - Don Caprice.
Las ANARCHISTES. — XXX.
PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS. — Léon Bernard-
Derosne.
LA SOIRÉE PARISIENNE. - Richard O'Monroy.
Puoros DE COULISSES. - Gaultier-G ar Quille.
CYCLISMB. — F. de Villeniont.
FEUILLETON : NOTES SUR BERLIN.*— Jean Ajal-
bert.1
GIL BLAS DE DEMAIN
Contes et Chroniques par :
Abel Hermant.
Paul Foucher.
Léon Bloy.
r I I* HUHUMI M1. UMMA
COURRIER DE PARIS
Un des romanciers les plus en vogue
auprès du monde féminin, le psycholo-
gue amer qui s'est donné pour mission
d'exposer les douloureux problèmes que
nous nous posons si souvent, en pré-
sence de certains mystères du cœur, a
publié une psychologie de l'amour qui
n'a pas été sans soulever bien des con-
tradictions..Le sexe laid y est divisé en
deux parties bien distinctes : ceux qui
ont été, sont ou seront aimés, et ceux,
plus ou moins heureux, comme vous
voudrez, qui sont destinés à passer toute
leur vie a côté de l'amour sans voir ja-
mais s'entre-bâiller pour eux cette porte
du Paradis.
Une étude aussi intéressante est celle
du séducteur patenté, de celui qui, par
grâce d'état, trouve auprès des femmes
une indulgence éternelle, qui traverse
la vie entre trois ou quatre amours se
succédant a l'envi, et laisse dans le sou-
venir de celles qui l'ont approché comme
un sillon lent à se combler. La femme
est sa chose; elle lui appartient; il vit
par elle et pour elle.' Qu'il s'y attache
plus ou moins, suivant son cœur et ses
facultés aimantes, peu importe; par de-
voir, comme par tempérament, la fidé-
lité lui est interdite. Nous sommes en
présence de l'homme à femmes. L'hom-
me à femmes existe dans toutes les clas-
ses de la société; il y en a parmi les mi-
nistres et parmi les portefaix.
il est évident que ses procédés varient
suivant son éducation et la catégorie de
femmes auxquelles il s'adresse. Mais il y
a toujours, dans l'homme à femmes,
cette sécurité, cet aplomb tranquille,
ce calme, acquis après tant de victoi-
res, qui constitue la moitié du succès.
Les victimes, d'ailleurs, ne s'y trom-
pent pas un instant. A première inspec-
tion d'un homme, une femme, si illet-
trée et si naïve qu'elle puisse être, vous
dira s'il appartient ou non a la catégo-
rie de ces Don Juans inodernes.
Partout où il se présente, l'homme à
femmes attire l'attention, pour ainsi
dire, malgré lui. N'allez pas croire que
tous soient des fats, par trop satisfaits
de leur personne. Pas du tout. Il en est
d'absolument modestes, qui connaissent
le prix de la discrétion et l'ont prise,
pour ainsi dire, pour enseigne. Il n'ont
ni grande allure, ni beauté mâle et vi-
goureuse, ni cet esprit scintillant et
agressif qui force les regards féminins.
Leur charme est en eux-mêmes et la
femme sait à merveille l'y découvrir.
Sous une enveloppe des plus ordinaires,
ce sont les plus dangereux.
C'est comme une sorte de magnétisme
qui s'établit et que subissent immédiate-
ment les sujets les plus rebelles.
Un soir a l'Odéon, Jane E***, imagi-
nation violente, tempérament d'artiste,
fausse poitrinaire détaillée bien souvent
par les lorgnettes des fauteuils d'or-
chestre, reçoit sur sa superbe toilette
tout un jet de pompe mal dirigé par le
pompier du cintre.
A peine descendu, le malheureux est
recueilli par une de ces bordées de sot-
tises a faire rougir un escadron. La phti-
sique pour rire était hors d'elle.
— Idiot, crétin, butor, imbécile. Peut-
on être stupide a ce point? C'est inouï!
Puis, levant les yeux sur lui, elle s'ar-
rêta court.
— Tiens ! fit-elle, il n'est pas mal du
tout, ce garçon-la !
Le pompier était un homme a femmes.
A
Inutile, n'est-ce pas, de vous répéter
ce qui a été dit si souvent : l'homme à
femmes n'a pas du tout besoin d'être
joli garçon ; bien au contraire, pour em-
brasser cette spécialité, ce serait plutôt
nuisible. La plupart des grands séduc-
teurs sont laids, d'une laideur parfois
distinguée et toujours expressive. Le
bel homme se laisse admirer sans avoir
souci de s'occuper d'une femme.
Ti est également inutile d'avoir ce que
l'on est convenu d'appeler de l'esprit ;
cependant, l'homme à femmes est géné-
ralement très intelligent. Quant à sa
sincérité, elle est souvent réelle pendant
quelques minutes. A l'heure où il parle,
il se croit absolument convaincu et de la
meilleure foi du monde.
Dans l'homme à femmes, il y a pres-
que toujours une bonne moitié de cabo-
tin ; ceux qui peuvent entrer dans la
peau de leur rôle au point de jurer de
vrais serments et de pleurer de vraies
larmes augmentent leurs chances de
succès dans une proportion considérable.
Ce qu'il lui faut, avant tout, c'est l'a-
mour de la femme, poussé à l'état de
passion, d'idée fixe ; cela devient le mo-
bile de tous ses actes ; si vous le voyez
au bal, au théâtre, dans une réunion
quelconque, en déplacement de chasse,
aux eaux où il va pour se soigner, après
s'être promis une claustration complète,
en dépit de ses serments et de ses bon-
nes intentions, croyez que, malgré tout,
l'homme a femmes a déjà jeté son dé-
volu et qu'il sent à merveille que, dès la
première minute, il a été remarqué.
C'est là que nous verrons se dévelop-
per sa qualité maîtresse, celle sans la-
quelle il n'y a pas d'homme à femmes :
la persistance. Toujours là, épiant le mo-
ment, souvent repoussé, jamais rebuté,
il attend, humble avec les unes, impé-
rieux et hautain avec les autres, sûr d'a-
vance que son heure viendra, même si
son heure se borne à quelques minutes.
Suivant le caractère du sujet, il mo-
difie ses allures ; railleur et cynique avec
celle-ci, il est sombre et désespéré avec
celle-là; il sait jouer de l'ironie ou de la
violence, être tour à tour Werther et
Desgenais.
Attentionné, délicat, plein de promes-
ses amoureuses vis-a-vis de la camériste,
il sait devenir brutal, mal élevé, pres-
que grossier, vis-à-vis de la grande
dame, curieuse de contrastes. Il n'i-
gnore pas qu'il sera pardonné d'avance.
Quand il est dans la place, s'il tient à
y demeurer, il se rend indispensable.
Sans cesse auprès d'elle, il joue les rôles
de grande utilité et chasse l'ennui qui
plisse le front de la femme aimée. S'il
disparaît à dessein, on le cherche cent
fois dans la journée, on a besoin de lui,
on le regrette, et l'on se demande avec
rage où il peut bien être. Soyez tran-
quille, madame, il n'est pas bien loin.
Mais si son absence se prolonge, vous
pouvez tout redouter pour votre fragile
bonheur.
Quarante-huit heures et vous serez
certaine que l'homme à femmes est sur
une autre piste et, comme l'Indien Co-
manche, qu'il est rentré, armé de pied
en cap, sur le sentier de la guerre.
*
Tout n'est pas roses dans l'existence
de l'homme a femmes. Pour tenir l'em-
ploi avec quelque avantage, il faut sa-
voir ne donner de sa personne ni la
tête, ni le cœur. Pour être heureux a sa
manière, il doit descendre la vie sans
affection comme sans regrets, n'ayant
pour les larmes qu'il voit couler qu'un
geste d'adieu, une caresse banale et un
sourire.
Quel joli mot d'hommel à femmes
que celui d'un des frères Cogniard qui,
le lendemain de son mariage, se lève,
s'habille à la hâte, et s'approchant du
lit conjugal où repose sa jeune femme,
l'embrasse au front d'un air distrait :
— Eh! bien, lui dit-il, au revoir, bébé.
Quand te reverrai-je ?
^Mais si, par un accident plus fréquent
qu'on ne le pense généralement, l'hom-
me à femmes est capable d'un véritable
amour, s'il laisse un fragment de son
cœur à chaque buisson, quel long et
effroyable martyre il va avoir à endu-
rer !
L'homme à femmes est aussi trompé
qu'il a été aimé. Et alors, revanche ter-
rible des choses d'ici-bas, le brillant sé-
ducteur se trouve angoissé, meurtri,
torturé, ridiculisé par quelque Goton de
carrefour.
Pour être complet, l'homme à femmes
doit être implacablement égoïste. Hâ-
tons-nous d'ajouter que le cas est des
plus rares; un homme à femmes ainsi
constitué serait une trop redoutable ma-
chine de guerre.
Il a ses faiblesses, et c'est précisément
pour ses faiblesses qu'on l'aime.
S'il a gardé quelqu'une de ses liaisons
passées, l'homme a femmes vieillit ainsi,
occupant cette situation louche que l'ar-
got parisien a baptisée d'un sobriquet
sévère.
Il est devenu le pivot d'un faux mé-
nage et, comme il n'a pas cessé d'être
homme à femmes, sur ce vieux faux-mé-
nage sont venus se greffer deux ou trois
autres faux-ménages nouveaux. Sa vie
n'est plus qu'un long mensonge; son
imagination lui suggère chaque jour de
nouveaux subterfuges et il l'éternise
ainsi, au milieu de la déconsidération,
traînant ses vieilles amours rivées à son
pied.
Si l'homme à fejnmes n'est capable
d'aucun attachement, il finit seul, en
parfait égoïste, en vieux garçon. Aux
mauvais jours, il reçoit, par-ci par-là, la
visite de quelque souvenir d'autrefois ;
mais elles se font de plus en plus rares,
celles qui se souviennent, et l'homme à
femmes n'exerce plus son prestige que
sur sa gouvernante.
Nestor Roqueplan, merveilleusement
laid, fut l'homme à femmes le plus spiri-
tuel du monde. A cinquante ans, il était
à la fois hideux et irrésistible.
Mais, comme il caractérisait à mer-
veille cette situation lorsqu'il disait, de
son lit d'agonie ce mot, fort connu d'ail-
leurs, à propos des visites de ses an-
ciennes maîtresses :
— Les amies, c'est la garde nationale
du cœur. Et montrant sa vieille bonne
qui entrait, une tasse de tisane à la
main.
— Tiens ! Voilà la ligne !
Si t'avais un fils, ie ne ferais en sa fa-
veur qu'une prière au Tout-Puissant :
— Faites que mon fils ne soit jamais
un homme à femmes !
CARLE DES PERRIÈRES
INSTANTANÉS
MADAME RSQUET-LEMONKIER
Une façon de mère Angot plantureuse dont
la face épanouie, colorée, nargue les tristesses
vaines, évoque le franc rire que magnifia Ra-
belais, dont les exubérances, la voix clairon-
nante, la verve canaille, les hanches rebondies
passionnent le populaire. La note réchauffante
dans les mélos. Toutes les bouffonneries ou-
trées, toutes les charges, tout le débraillement
impétueux d'une pîtresse qui connait son pu-
blic, mais avec des trouvailles imprévues où
se révélé la comédienne. Serait vraiment le
type que l'on rêve pour incarner à la scène
une de ces silhouettes de parvenue, sucre,
chocolat, cannelle ou pétrole, qui font du
monde pèle-mêlé d'aujourd'hui une si hilarante
parade. Signe particulier : N'est vraiment
heureuse que lorsqu'elle interprète une pièce
de son mari. — M.
Nouvelles et Échos
AUJOURD'HUI
Courses à Pau. Pronostics du Git Blas :
Prix d'Ouverture : Frisson, Quintin II.
Prix de Paris : Beau Géant, Du Gues-
clin.
Prix d'Essai : Bigourdan, Clémence.
Prix des Tourelles : Le Ciron, Hermès.
Très belle réunion dimanche, chez le mar-
quis de Casaux, en son château d'Hulay,
près Nemours.
On a dansé un très beau cotillon, que
conduisait mademoiselle Jeanne de Casaux
et M. de Montesquiou.
Emile Kohler a joué ses danses les plus en-
traînantes.
Un dîner très bien servi a clos cette fête
des plus élégantes.
Parmi les invités : baron et baronne
Reille, baronne Van Have, comte et com-
tesse d'Exeville, comte et comtesse de Mes-
sey, comte et comtesse Botreau, madame et
mademoiselle de Bourgelly, madame de
Beauvais, le baron de Vernat, M. de Lastic,
etc., etc.
Décidément la bicyclette est reine ! On
se demande depuis quelque temps quelle
est l'élégante et jolie blonde, adorablement
moulée dans un très suggestif costume de
cyclewoman, qui, chaque matin, bravant la
brise piquante, parcourt, en exquise profes-
sionnelle les principales allées du Bois.
Cette déesse de la pédale n'est autre
qu'Etelka Borry, la tragédienne viennoise,
qui a remporté d'immenses succès à Saint-
Pétersbourg et en Amérique.
Le Père-la-Gaieté, qui l'autre matin la
voyait filer à toute vitesse dans l'allée
Sainte-Marguerite, n'a pas pu s'empêcher
d'avoir cette réflexion :
— Belle fille, cristi ! Mais si elle mène
toutes les besognes de la même façon.
Et le reste de la phrase se perdit sous
Bois.
Avant de quitter Paris pour sa villa des
Orangers, située en pleine Côte d'Azur,dans
le féerique paysage de Beaulieu, la baronne
de Noirefontaine a donné à ses privilégiés
une soirée intime ravissamment réussie.
Au programme : la cantatrice Lina de
Nori qui a délicieusement soupiré: Occki
Turchini, mélodie italienne de Deuza ;
Porte joie, qui a interprété avec tout l'art
qu'on lui connaît, Dans les roses, de Mario
Costa ; le compositeur Gaston Lemaire, le
pianiste Dussautoy, le harpiste Verdolle,etc.
La soirée s'est terminée par Il faut qu'un
cœur soit ouvert ou fermé, une jolie pié-
cette d'Edme Paze, interprétée par Mlle
Emilie Lendet, de Déjazet, et M. S. Bertol,
le nouveau pensionnaire que le directeur de
la Comédie-Parisienne vient de s'attacher
pour cinq ans, et qui retrouvera assurément
sur cette scène élégante tout son succès du
Gymnase.
Sonadieu, qui aime bien joindre les plai-
sirs artistiques aux joies profanes de la
haute noce, m'a emmené, hier soir, aux
Bouffes-du-Nord, applaudir de nouveau la
tant jolie Aimée Martial.
Le fait est qu'elle compose ce rôle de
Nana avec une intelligence et une' science
dramatiques qui la sacrent aujourd'hui
grande artiste et la classent désormais parmi
les princesses de la rampe.
Quelle félinerie dans le regard, quelle ca-
resse enveloppeuse dans la prunelle, quelle
grâce onduleuse et agrippante lorsqu'il faut
être la courtisane aimante; et aussi quelle
brutalité dans le geste, quelle franchise dans
l'écœurement, quand elle refuse l'amour
vendu.
Le dernier acte, particulièrement, est ad-
mirablement rendu, et là, plus qu'ailleurs, la
belle Aimée atteint au grand art.
— Cette Martial, me disait Sonadieu à
la sortie, elle a des coulées de lave dans les
yeux !
Médaillon :
LIANE DE LANCY
La seule qui puisse, après la jolie Pougy,
se permettre de porter l'expressif prénom de
Liane.
Pas même vingt ans. Hier encore incon-
nue parmi les ine
nue parmi les inconnues, sera demain, grâce
à ses yeux, heureux rivaux des plus beaux
yeux de Paris, la plus éclatante des étoiles
d'amour. Coiffée en larges bandeaux blonds
et d'un bizarre encadrement de cheveux, a
l'air tout à la fois d'un vicieux baby anglais
et de quelque vierge de Botticelli.
Habite, rue Legendre, un hôtel aux allu-
res byzantines, qui fait un cadre adorable à
sa beauté spéciale. C'est là qu'elle se pré-
pare par de longues heures d'étude à mon-
ter bientôt sur quelqu'une de nos scènes
lyriques.
Signes distinctifs : N'a jamais ni corset
ni ceinture, et porte des chaussettes, été
comme hiver.
Sa devise : Tout de bon c.oeur.
Echos de Versailles : .a
Un superbe ctfncert sera donné à Ver-
sailles le jeudi 28 décembre avec le con-
cours de madame Anna Judic, qui chantera
ses plus jolies pages ; madame Augusta Hol-
mes Qui interorètera de ses oeuvres ; made-
moiselle Alice Verdié de Saula, cette vio-
loniste à l'apogée du talent, malgré sa jeu-
nesse, et qui a un jeu si brillant; mademoi-
selle Jeanne Mérey, l'élève de madame La-
borde, qui remporta ce mois-ci un si beau
succès dans La/wzé, au théâtre ; mademoi-
selle d'Alvar, de l'Opéra; M. Mondeville,
des Concerts-Colonne ; M. Roger Randal,
le transfuge de l'Odéon, avec quelques-uns
de ses camarades dans plusieurs petites
pièces.
C'est là une fort belle pléiade qui assu-
rera le succès de cette belle soirée que MM.
Lagrange ont organisée.
Le programme du Casino-de-Paris vient
d'être entièrement renouvelé, sauf pour le
charmant ballet Tentations, qui continue le
cours de son succès. Ce programme nou-
veau est des plus attrayants; il faut men-
tionner surtout Spessardi et ses ours bien
amusants et dressés d'une façon tout à fait
nouvelle et curieuse, la jolie trapéziste miss
Zéphora, deux vélocipédistes remarquables,
etc., etc. En résumé, des nouveautés extrê-
mement originales et divertissantes.
Ce soir grande fête de nuit.
Plusieurs de nos lectrices nous écrivent
pour réclamer à nouveau le rétablissement
des compartiments réservés aux dames seu-
les sur le chemin de fer de ceinture. Ces
compaitiments existent, paraît-il, pour les
secondes et non pour les premières où il
devrait y en avoir a fortiortk De là vient
peut-être le malentendu..En tous cas, nous
sommes persuadés que la Compagnie de
l'Ouest fera droit à cette juste demande avec
sa bonne grâce et sa galanterie accoutu-
mées.
Le Tout-Paris, l'Annuaire si connu de
la société parisienne, fait paraître aujour-
d'hui son édition de 1894, considérablement
augmentée et corrigée avec un soin méticu-
leux.
Nous croyons rendre un réel service à
nos abonnés et à tous ceux qui appartien-
nent à un titre quelconque à la société pari-
sienne en leur signalant l'apparition de cet
ouvrage, qui devient de plus en plus indis-
pensable.
Le Tout Paris a déjà dix ans d'existence
et à chaque nouvelle édition son succès va
grandissant.
A l'approche du jour de l'An, il est utile
d'avoir sous la main ce recueil, qui permet
de préparer facilement ses visites, ses en-
vois de cartes.
M. Alfred Rambaud, à qui ses remarqua-
bles travaux sur l'histoire et la diplomatie
russes ont valu une distinction bien méritée,
vient de publier sous le titre : l'Anneau de
César, une histoire de la Gaule qui est à la
fois un modèle de reconstitution historique
autant que d'imagination. et une excellente
leçon de patriotisme.
Ces Souvenirs d'un Soldat de Vercingé-
torix marchent de pair avec l'Histoire d'un
Paysan, d'Erckmann-Chatrian, avec les
chefs-d'œuvre de Viollet-le-Duc ; Histoire
d'une forteresse, Histoire d'un hôtel de
ville et d'une Cathédrale, Histoire de l'Ha-
bitation humaine.
Nous allions oublier de dire que c'était
Hetzel, l'éditeur de Y Anneau de César,
brillamment illustré par Georges Roux ;
c'est à la fois un livre d'étrennes et un ou-
vrage de bibliothèque.
Mes belles lectrices, employez le Lys Ve-
louté, qui vous rendra plus blanches. que
la blanche hermine. Ce produit merveilleux,
qui supprime poudres et fards, est en vente
22, rue Lafayette.
NOUVELLES A LA MAIN
X., le rastaquouère bien connu, vient de
reparaître.
— Tiens, dit quelqu'un, je le croyais re-
tiré de la circulation pour longtemps !
- Oh 1 ce n'est pas étonnant de le revoir,
réplique Andhrée Forestier ; ces gens-là re-
viennent toujours à la marée montante.
Rue Saint-Lazare :
Deux gavroches, en jouant, bousculent
une dame d'un âge mûr, qui leur dit d'un
ton rogue :
— Voulez-vous pas bousculer le monde
comme ça, polissons !
L'un d'eux se retourne et s'écrie :
- Oh! là là. c'te dame qui se prend
pour du monde. C'est p't-être une belle-
mère!
LE DIABLE BOITEUX
-—————————— ——————————
Le Collier de Chien
Nous revenions l'autre soir de la Dame
aux Camélias avec le peintre impres-
sionniste Max-Petrus, et, tout en des-
cendant avec nous les boulevards, il
s'extasiait sur la robe de bal portée par
Sarah Bernhardt au quatrième acte, avec
les nuances fondues de lilas et de rose
apparaissant sous les guirlandes de
fleurs.
— Rien que cette robe-la suffirait à
me faire aimer la pièce ! s'écriait-il.
Et comme nous plaisantions cet en-
thousiasme paradoxal, sacrifiant l'auteur
pour donner le pas au couturier, Max-
Petrus nous dit en souriant :
— Que voulez-vous ? Je suis ainsi fait.
J'ai le sentiment de la couleur et de
l'harmonie des tons poussé à un si haut
degré, que j'éprouve à la vue d'une toi-
lette bien conçue la jouissance qu'on res-
sentirait à entendre une jolie musique.
Au contraire, toute faute de goût, toute
nuance qui détonne dans l'ensemble me
cause une impression douloureuse, et
agit directement sur mes nerfs exacer-
bés au point de me causer une véritable
souffrance. Si géniale que soit l'œuvre,
je ne saurais l'applaudir si elle m'est
présentée dans un cadre dont la couleur
me choque. Je vais plus loin. Si radieu-
sement belle que soit une femme, il me
serait impossible de l'aimer si son élé-
gance n'était pas harmonique. Tenez,
précisément, lors de la dernière reprise
de la Dame aux Camélias aux Variétés
- vous rappelez-vous comme ce pauvre
Damala était déjà malade dans son com-
plet mastic ? — il m'est arrivé une aven-
ture que je vais vous conter :
— Nous vous écoutons mon cher Pe-
trus.
— Eh bien, j'avais remarqué, dans l'a-
vant-scène de gauche, une fort jolie
personne, ma foi très brune, avec des
cheveux plantés bas sur le front, un
teint mat, des lèvres pourpres, des yeux
immenses couleur taille de guêpe, fran-
gés de cils Invraisemblables, bref, le
type de la créole dans ce qu'il a de
plus séduisant et de plus voluptueux.
Eh bien, tout cet ensemble était déparé,
je dirai plus, déshonoré par certain col-
lier de chien. A cette époque, la mode
était pour les femmes de s'enserrer le
cou dans un ruban de satin, mode absur-
de, mais qui, en somme, est encore to-
lérable lorsque le ton du collier s'har-
monise avec la nuance du teint. C'est
toujours un peu la tête du décapité par-
lant, mais au moins la tête est posée
sur un socle qui la met en relief.
Or, le collier de ma brune était en sa-
tin blanc ! Figurez-vous ce visage mat,
souligné par ce ruban clair ! On eût dit
une négresse, une véritable négresse, et
dans la débâcle causée par cette faute
de goût qui me donnait envie de hurler,
les yeux admirables, la bouche sen-
suelle, l'ovale charmant du visage, tout
disparaissait, tout s'écroulait, pour ne me
laisser voir qu'une créature désagréa-
ble à regarder et par conséquent haïssa-
ble au premier chef.
Sans doute, avec cette intuition ner-
veuse qui est le propre des femmes,
avait-elle deviné ce qui se passait en
moi, car, a la vue de ma mine boudeuse
et renfrognée, elle se mit à déployer
dans son avant-scène tout l'arsenal de la
plus savante coquetterie. Il n'y avait de
ma part, en dépit de ces marques d'at-
tention spéciale, aucune fatuité à conce-
voir. Sans doute, habituée à son effet de
séduction irrésistible, elle ne pouvait
pas admettre qu'il y eût dans la salle un
seul spectateur qui ne fût pas conquis,
et par le fait que je résistais, j'étais un
ennemi qu'il fallait vaincre. Aussi les
œillades incendiaires, et les mines pro-
vocantes continuaient - elles derrière
l'éventail, et moi je restais impassible et
maussade, tant et tant qu'a la fin d'Esti-
gnac, qui était avec moi aux fauteuils,
s'écrie impatienté :
— Mais tu es donc aveugle ! Tu ne vois
donc pas que la belle Pépa Cortès te fait
un œil insensé !
— Bah, lui dis-je, on lui aura conté
que j'étais Max-Pétrus, et elle a envie
que je lui peigne son portrait, voilà tout.
Mais moi je sais bien que je ne le ferai
jamais, ce portrait, jamais, jamais,car je
trouve la femme atTreuse.
— Affreuse, Pepa ? Tu es fou !
— Pas du tout. Regarde cet horrible
collier de satin blanc. Regarde !
- Je te concède que la nuance du
ruban est mal choisie, mais Pepa n'en
reste pas moins une ravissante créature
qui t'envoie en ce moment un sourire à
damner un saint. Sacrebleu! Mais tu ne
sais donc pas que cette femme est, de
l'aveu des quelques privilégiés qui ont
eu ses faveurs le plus merveilleux livre
de volupté qu'on puisse lire !
— Ah! fis-je intéressé malgré moi par
cette évocation de la Bête.
— Allons, crois-moi, ce serait absurde
de manquer une occasionpareille. Voici
l'entr'acte, je vais te présenter, veinard,
mais a charge de revanche, tu sais.
Je suivis sans grande conviction, et,
toute modestie à part, je dois avouer que
je fus reçu à bras ouverts. Pepa m'avait
emmené dans le petit salon assez obscur
situé au fond de la loge, et dans la pé-
nombre, son collier s'adoucissait de ton,
s'estompait dans une espèce de gris cré-
meux qui détonnait moins. Bref, je la
trouvai cette fois beaucoup plus jolie que
lorsqu'elle était éclairée par la lumière
crue de la rampe. L'ami d'Estignac s'é-
tait esquivé discrètement et je parlai à
Pepa tout près, tout près, me grisant
d'une bonne odeur d'amande amère qui
s'exhalait de toute sa brune personne.
J'adore ce parfum-là qui a toujours eu la
propriété de me causer une exaltation
extraordinaire. A un moment donné, la
belle ayant soulevé lebras pourarranger
je ne sais quelle mèche sur son front, le
parfum redoubla et devint si acre, si ca-
piteux, si intense que, complètement
pris et dompté par cette odor difemina,
je murmurai, la voix rauque :
- Je vous en supplie, laissez-moi vous
reconduire chez vous ce soir ?
— Déjà, fit-elle avec une petite moue,
déjà! Elle réfléchit un instant, puis tout
à coup, agitant sa tête frisée dans un
mouvement de révolte : — Bah ! les fo-
lies sont encore ce qu'il y a de meilleur
en ce monde. En somme, je vous connais
depuis longtèmps. Venez m'offrir votre
bras à la sortie.
Je retournai à mon fauteuil, où j'eus
à subir les félicitations ironiques de
d'Estignac, et Pepa reprit sa place à
l'avant-scène.
Hélas, le charme était rompu, le col-
lier de satin blanc resplendissait à nou-
veau aux feux de l'électricité et la spec-
tatrice était tout à coup redevenue la
négresse abhorrée. Bien entendu, elle
ne comprenait rien à ma froideur subite
et, un peu étonnée, elle se demandait
s'il y avait de ma part une simple ques-
tion de tact et de réserve.
Moi, cependant, esclave de ma pro-
messe, j'allai à la fin du spectacle la
chercher dans l'avant-scène comme un
chat qu'on fouette, je montai très gro-
gnon en voiture, et arrivé devant la
porte de son hôtel, je lui souhaitai le
bonsoir le plus cérémonieusement du
monde, lui laissant l'impression que j'é-
tais un bien singulier original.
— Le fait est, mon pauvre Max, qu'on
n'est pas ours à ce point.
— Attendez, messieurs, l'histoire n'est
pas finie. J'étais resté sur cette impres-
sion fâcheuse lorsqu'une quinzaine de
jours après, je rencontre Pepa dans un
bal de bienfaisance. 0 bonheur ! Trans-
formation complète. Elle avait au cou un
collier de velours rouge carmin, et je ne
saurais vous dire comme cette nuance
chaude, vibrante, mettait en relief les
pâleurs de son teint, avivait le regard,
nimbait toute sa personne d'un éclat
surnaturel. Cette fois, je fus tout à fait
subjugué; je ne la quittai pas une mi-
nute de la soirée, m'efforçant par la sin-
cérité de ma passion, de faire oublier ma
sotte conduite de la fois précédente.
Je valsai avec elle, m'affolant à nou-
veau par les effluves capiteux qui, la
chaleur du bal aidant, s'exhalaient de*
épaules nues, de la gorge en parade
évoquant dans ma pensée les beaux vers
de Richepin :
La salive de tes baisers sent la dragée
Avec je ne sais quoi d'une épice enragée.
Bref, après avoir bien imploré, bien
supplié, j'obtins de reconduire la belle,
très décidé cette fois à ne pas m'arrêter
comme un imbécile au seuil du paradis,
et à franchir gaillardement la porte co-
chère. La voiture s'arrête devant l'hôtel.
Pepa sonne et comme je veux la sui vre
elle se retourne et me dit avec une
nuance d'embarras :
— Non. Pas ce soir.
— Pourquoi pas ce soir !
— Eh bien. vous n'avez donc pas vu
la couleur de mon collier? Rappelez-
vous Marguerite Gauthier qui avait tou-
jours un bouquet de camélias blancs.
excepté quelques jours par mois pendant
lesquels elle arborait les camélias rou-
ges. Eh bien, je suis comme elle. Pen-
dant vingt-quatre jours, je porte le col-
lier de satin blanc ; pendant six jours le
collier de velours rouge. Vous serez
averti, maintenant. Ce soir, j'ai moi:
collier rouge ; donc, bonsoir, mot
ami.
Et elle me ferma la porte au nez.
POMPON
(Reproduction interdite.)
————————————— «
LES PETITS MEMOIRES DU JOUR
Comment passer sous silence les incidents
qui marquèrent cette soirée mémorable,
où les critiques réunis au Vaudeville jugè-
rent en dernier ressort la Parisienne de M.
Henry Becque ? Il s'agissait de décider si
la pièce méritait ou non d'être admise au
rang de chef-d'œuvre : affaire grave, qui
fut conduite avec la prudence méticuleuse
et la solennité imposante d'un procès de
canonisation en cour de Rome.
Les avocats du diable soulevèrent mille ar-
guments spécieux : « l'auteur, affirmaient-
ils, avait évidemment du génie, mais il le
ménageait avec une parcimonieonteuse ;
son théâtre était plein d'hérésies contre les
formules consacrées de l'art dramatique ;
il avait donné l'exemple de la révolte ou-
verte contre les décisions des maîtres les
plus vénérables de la soirée et du feuille-
ton ; on oubliait trop enfin le caractère
agressif de ses plaisanteries ordinaires et
son ingratitude envers le Souverain-Pon-
tife de la Comédie-Française. »
M. Francisque Sarcey se montra parties
lièrement acrimonieux : « Je n'ai pas fer-
mé l'œil de tout le premier acte. Au se-
cond, je pus m'assoupir un instant, mais à
peine mon somme commencé, — ce somme
indispensable à ma digestion, — voici qu'un
affreux cauchemar me réveille : j'ai rêve.
que ce pauvre Gandillot ne faisait plus re-
cette. Et puis, cette salle enthousiaste m'a
exaspéré : c'est la première fois que je vois
le public tenir si peu compte de mes déci-
sions. Ah, sans cette coquine de Réjane !
Son talent a fait tout le mal. Je la repin-
cerai! »
M. Jules Lemaître semblait encore plub
pâle et plus défait que de coutume; on eût
dit un juré de Ravachol: Quand vint son
tour d'exprimer son avis, il essaya de s'é-
vader à l'aide de souvenirs classiques :
« M. Becque, balbutia-t-il, me fait songer à
l'infortuné Sisyphe roulant son énorme
bloc.,. » « Eh ! eh! mon cher maître, inter-
rompit le cruel Pierre Veber, savez-vous
qu'on vous place déjà dans les mêmes pa-
rages de l'enfer littéraire : vous vous épui-
serez éternellement, m'a-t-on dit, à vouloir
arracher un petit pavé. »
M. Pessard sourit, bien qu'à son âge on
ait généralement la pudeur de montrer
peu de goût pour ce genre de plaisante-
ries ; M. Henry Fouquier lui, éclata fran-
chement. Seul, M. Paul Perret prit une
attitude vexée et serra furtivement la main
de sonéminent confrère dos Débats roses.
Ce fut M. Henry Bauer qui plaida. au
nom des Jeunes, la cause de la, Parisienne :
« En vérité, messieurs, je ne comprends
pas vos scrupules? Becque est incontesta-
blement le grand initiateur des nouvelles
couches esthétiques. C'est à lui que nous
devons Antoine et la brillande pléïade du
Théâtre-Libre. Ce titre suffit pour que
nous luirendions un juste hommage. Quant
à sa pièce, le public la jugée contre vus ju-
gements ; inclinez-vous. On ne discute pas
avec un souverain, quand ce souverain
s'appelle l'opinion. »
Ces paroles vibrantes entraînèrent les
plus hésitants. On fit encore quelques ob-
jections pour la forme, puis l'on finit par
s'entendre. On convint que, décidément, la
pièce de M. Henry Becque était bien un
chef-d'œuvre, mais on ajouta, par défé-
rence pour M. Sarcey, que ce chef-d'œuvre
était fait d'un vieux vaudeville assaisonné
du pessimisme de Forain.
Après le verdict, chacun s'en fut satifr
fait de soi-même et des autres.
Lapomély.
————————————— --
CHOSES MORTES
L'ORGUEIL DU BONHEUR
C'est un dimanche, à la sortie de la grand'-
messe. Des groupes se forment sur la
place de l'église; les blouses bleues relui-
sent et les bonnets tuyautés brillent au
clair soleil, qui argente la neige, sur les
toits des maisons, et là-bas sur les co-
teaux boisés. Les deux vieilles dames
descendent lentement les marches. L'u-
ne, un peu grosse et belle encore, malgré
l'empâtement du visage et la fatigue
des traits. L'autre, laide, sèche et ri-
dée.
PREMIÈBE VIEILLE DAME. — M. le curë
a bien parlé, ne trouvez-vous pas, chère
amie ?
DEUXIÈME VIEILLE DAME. — Un peu Ion,
guement peut-être.
PREMIÈRE VIEILLE DAME. — Tout lu
monde n'est pas aussi pressé que vous,
ma bonne. Si l'on vous en croyait, la
messe, le sermon, la quête, tout cela se-
rait expédié en une demi-heure.
DEUXIÈME VIEILLE DAME. — A vouei
pourtant que M. le curé se fait vieux.
PREMIÈRE VIEILLE DAME.- Dame. C'est
facile à compter. Il a deux ans de plua
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