Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-12-22
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 86207 Nombre total de vues : 86207
Description : 22 décembre 1908 22 décembre 1908
Description : 1908/12/22 (N11566,A31). 1908/12/22 (N11566,A31).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75155999
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
• jh~' r •saa^ -3^ ^ÉMaii^■■ .a» .---••-•*»?
LE NUMÉRO
emme
CENTIMES
RÉDACTION, ADMINISTRATION & ANNONCES
Boulevard Poissonnière. PARIS
TÉLÉPHONE: 101)99; après minuit, 143,93
Tout ce qui concerne l'Administration du Journal -
doit être adressé à l'Administrateur ,
ABONNEMENTS
Paris et Départements
UN MOIS. 1 FR. 50
TROIS MOIS. 4 FR. 50
SIX MOIS. 9 FR. » 0
UN AN.,., 18 FR. » »
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
- Directeur-Rédacteur en Chef '," -
Victor FLACHON
ABONNEMENTS
Etranger
1. (UNION POSTALB) --
TROIS MOIS. 9 FR. 9 0
SIX MOIS. 18 FR. » »
UN AN. •. 36 FR. » »
TRENTE ET UNIEME ANNÉE. - NUMERO 11,566
,0 MARDI 22 DECEMBRE 1908
1ER NIVÔSE. — AN 117.
Lés Abonnements sont reçus sans frais dans
tous les bureaux de poste
tes manuscrits non insérés ne sont pas rendus*
LE NUMÉRO
5
CENTIMES
Ce qu'il reste à lie
Nous avons signalé hier à nos lec-
teurs le langage rassurant qu'ont tenu
au Sénat le ministre de la guerre et le
général Langlois. Tous deux ont rendu
hommage aux qualités de notre armée
et répondu victorieusement à la campa-
gne de dénigrement systématique menée
par les réactionnaires. Ils ont montré
les effets bienfaisants de la loi de deux
ans et constaté ensemble. la parfaite
santé morale de nos soldats.
Ainsi se trouvent ramenées à leur
juste valeur les critiques intéressées des
adversaires du régime républicain.
S'ensuit-il que nous, les républicains,
nous n'ayions plus rien à dire, plus
rien à désirer ? Nous ne le pensons pas.
Ce qui manque encore à notre armée,
c'est d'être en harmonie avec le régime
politique du pays. L'armée de la Répu-
blique n'est pas encore une armée ré-
publicaine. Les principes démocratiques
y sont inconnus ou méconnus.
Notre corps d'officiers notamment de-
meure, malgré tous-les efforts tentés
depuis dix ans, presque complètement
fermé aux idées démocratiques. C'est à
peine si l'on compte un officier républi-
cain sur dix. Et les officiers républi-
cains, au lieu de bénéficier de la bien-
veillance de leurs chefs, sont le plus
souvent victimes des opinions dont on i
devrait leur tenir compte. Les faveurs,
les postes de choix, l'avancement, tout
cela se gagne plus facilement par les
flatteries que par les bons services.
Dans la plupart des régiments, il vaut
mieux, pour être bien noté, se montrer
assidu aux offices religieux et aux ré-
ceptions de la colonelle qu'aux exerci-
ces et aux manoeuvres.
Trop d'officiers perdent leur temps et
gaspillent leur activité aux futilités de
la vie de garnison., Ceux qui prennent
au sérieux leur métier se dépensent en
vains efforts pour employer leurs loi-
sirs à des études profitables,. Faute
d'une direction précise, ou paree qu'ils
ne peuvent espérer une récompense de
leurs travaux, il travaillent dans le vide
ou se laissent aller comme les autres à
faire leur service, et rien de plus.
Mais le vice essentiel de notre orga-
v nisation militaire, c'est que les grades
élevés demeurent à peu près inaccessi-
bles aux enfants du peuple. Mal payés,
les officiers subalternes sont obligés de
mener une existence mondaine qui les
condamne à la gêne. On exige d'eux
qu'ils fassent figure dans les salons. Et
l'on traite en suspects ceux que leur
pauvreté condamne à l'isolement. Les
meilleurs résistent et végètent. Les au-
tres se résignent, et pour plaire à leurs
chefs, vont à la messe et médisent de la
République.
Il y a beaucoup à faire pour réformer
les mœurs de notre corps d'officiers. Il
faut y faire pénétrer l'esprit démocra-
tique, il faut donner à la République
une armée républicaine, où des républi-
cains puissent servir sans abandonner
leurs idées, où les fils d'ouvriers et de
paysans puissent tenir leur place, sans
avoir à rougir de leur origine.
L'esprit de caste et l'esprit de réac-
tion n'ont pas encore disparu. Il faut
les faire disparaître. Notre année ne
sera vraiment forte, elle ne -sera tout à
fait prête pour le grand rôle qui lui in-
combe que le jour où cette réforme mo-
rale sera accomplie.
TROP TARD !
L'Eglise n'est jamais au bout des perfi-
dies; une manœuvre échoue, elle en tente
immédiatement une autre, rien ne la dé-
courage. La tactique de la lutte ouverte
ayant pitoyablement échoué, elle a recours
à la tactique de l'accommodement.
Une dépêche tout à fait étrange nous a
été adressée dé Rome : Les lecteurs de La
Lanterne ont pu lire, hier, que des pour-
parlers avaient été engagés, après les fa-
meuses fêtes jubilaires, entre le pape et
certains évêques français, on aurait essayé
de démontrer à Sarto et à Merry del Val
,que « la prolongation de la situation actuelle
serait des plus préjudiciables aux intérêts
de l'Eglise ».
Il est certain que le recrutement du cler-
gé devient difficile, il n'est pas douteux que
les ressources diminuent, malgré l'activité
les mendiants ensoutanés. On comprend à
merveille l'effort désespéré tenté par l'épis-
copat pour reconquérir, au moins en partie,
tes anciens privilèges, mais la Républi-
que ne peut avoir qu'une réponse pour ceux
qui tenteraient de négocier, cette réponse
tient en deux mots : « Trop tard ! »
A l'occasion de la mort du cardinal Le-
cot, nous nous souvenons que, chaque fois
qu'un essai de conciliation fut fait, au mo-
ment de la lutte décisive, Rome redoubla
d'intransigeance et persista dans ses inso-
lents refus. M. Lecot multiplia les dëmar-
chao, il démontra lui-même la possibilité
de la création des cultuelles en instituant
ea h diocésaine », le Vatican le désavoua:,
et il dut se soumettre avec Ceux qui cons-
tituaient, en somme, la grande majorité de
l'épiscopat français. ','"
Nous avons donc vaincu de haute lutte,
et c'est à cette heure même où ceux qui
nous combattirent sans merci ont épuisé
toutes les armes, qu'ils - songent à des
transactions. '-'
Les républicains n'ont pas à s'inquiéter
de la situation où leurs irréductibles adver-
saires sont tombés par leur faute ; ils ont
un désir, celui de rendre impossible, dans
l'avenir, le retour offensif d'une secte, dont
l'existence est incompatible avec l'idéal dé-
mocratique. j
La lutte doit être menée jusqu'au bout,
jusqu'à la disparition du dernier prêtre,
et l'effondrement du dernier temple ; la ba-
taille continue, il ne saurait être question
de paix.
ENSEtGNEMENT SECONDAIRE
j Avant-hier à été distribué, au Sénat, le
très remarquable et très documenté rapport
de notre collaborateur, M. Maurice-Faure,
sur le budget de l'instruction publique. Tous
les amis de l'Université le feuilletteront avec
intérêt. Ils y trouveront, certes, des aver-
tissements, des critiques même, mais aussi
de nombreux motifs de réconfort et d'espé-
rance. -: ':'
GhoisissonS-en un, au hasard. Vous vous
rappelez les cris de joie farouche poussés
par les acharnés adversaires de notre en-
seignement secondaire laïque, à la pensée
que la population de nos lycées, de nos col-
lèges de garçons était en pleine décroissan-
ce. Plus de cinq cents élèves ne man-
quaient-ils pas à l'appel, l'an dernier ? Ce
nombre n'allait-il pas être encore dépassé
cette année ? — On l'espérait ! On l'affir-
mait ! On le proclamait ! — Mais voici ve-
nir les statistiques officielles, que M. Mau-
rice-Faure a eu le temps de recevoir. Il en
résulte que le mouvement de régression —
loin de s'accentner, s'atténue très sensible-
ment. Certes,' certains lycées et collèges oat
vu baisser le nombre des entrées. Mais
d'autres établissements présentent des
gains importants, et, finalement, il ne
manque, par rapport à l'an dernier, que 92
lycéens et 78 collégiens, sur un total de
60,000 élèves.
Encore faudrait-il s'expliquer à propos
de ces pertes minimes. — Ne convient-il
pas d'abord, de tenir compte de l'affaiblis-
sement de notre natalité ? Faut-il blâmer,
en outre, nombre de familles de diriger
leurs enfants vers l'enseignement commer-
cial, industriel ? L'enseignement primaire
supérieur ne vient-il pas, lui aussi, con-
currencer légitimement nos lycées ? Enfin,
ne nous montrons-nous pas trop parcimo-
nieux quand il s'agit des boursiers de l'en-
seignement secondaire ?
Mais il est une autre constatation qui ré-
duit à néant les sottes espérances de nos
cléricaux hurlant à la mort de nos établis-
sements secondaires, « foyers de pestilence
laïque ». Savez-vous combien nos collèges
et lycées de jeunes filles ont gagné d'élè-
ves. cette année ? — Quatre cent neuf ! —
C'est un joli chiffre, surtout quand on con-
sidère avec quelle habileté, avec quelle téna-
cité, avec quelle fureur, nos éternels adver-
saires mènent campagne contre cette bran-
che de l'enseignement. Pensez donc 1 La
femme échappant à l'Eglise ! N'est-ce pas
la désolation, l'abomination ! C'est ce-
pendant la vérité. Et c'est sur cet accrois-
sement de la population de nos lycées de
jeunes filles que nous attendons les expli-
cations des journaux de sacristie.
PRUDENCE !
MM. les protectionnistes sont gens pres-
sés. Ils multiplient leurs démarches auprès
de M. Clemenceau, de M. Cruppi, de M.
Ruau.
Ce qu'ils veulent ? - La mise à l'ordre
du jour de la Chambre de la revision doua-
nière. « Les travaux préparatoires en sont
achevés », disent-ils. il n'y a plus qu'à les
sanctionner. -
A quoi M. Clemenceau — s'adressant à
M. Méline, qui, vous n'en doutez pas, s'é-
tait mis à la tête d'une délégation de métal-
lurgistes, de sucriers, d'agriculteurs, etc.,
etc., — a répondu, en substance, qu'il ne
niait pas la nécessité d'une revision de ce
genre, mais que le gouvernement « sou-
cieux de nos relations avec l'étranger, dé-
sirait que cette revision soit faite avec pru-
dence ».
Ce dernier mot, ce n'est certainement pas
celui que ces messieurs attendaient. Il a
dû leur faire l'effet d'une douche. Que res-
tera-t-il des cc travaux préparatoires » d'une
commission où les protectionnistes domi-
nent, si le Parlement, lui aussi, s'avise de
prudence ?
Vous la connaissez, là naïve et malfaisan-
te prétention de ces messieurs : il s'agit
de vivre et même de dormir à l;abri de
hautes barrières douanières. Sous prétexte
de protéger la production française, on veut
fermer la porte aux produits étrangers. '"-
Résultat ? - C'est l'inertie encouragée ;
c'est l'entente entre gros, producteurs fa-
vorisée ; c'est l'écrasement des petits ; c'est
le renchérissement de la vie ; c'est, enfin,
c'est surtout le ralentissement forcé de nos
exportations.
Les produits, en effet, ne s'échangent que
contre d'autres produits. Si nous rendons
trop difficile l'écoulement sur notre mar-
ché des marchandises venues du dehors,
non seulement l'étranger songera immédia-
tement à des représailles, mais encore, par
cela même que son pouvoir d'achat sera di-
minué — et comment ne le serait-il pas,
puisque nous ne voulons rien lui acheter !
—- il ne pourra pas, alors même qu'il le
voudrait, s'approvisionner chez nous.
C'est le vieux dicton : « Passe moi la
rhubarbe, je te passerai le séné ! » qui est
toujours de circonstance en ces matières.
Que le libre-échange absolu ne soit pas pra-
ticable, nous le voulons bien. Mais la pro-
tection, telle que l'entendent ces messieurs,
aboutirait à la ruine. La vérité est dans la
modération, dans les concessions récipro-
ques, dans d'équitables traités de commer-
ce. Et des conventions de ce genre ne sont
possibles que si nous n'élevons pas déme-
surément nos tarifs. « Prudence ! » a dit
M. Clémenceau. « Prudence ! » répétons-
nous au Parlement:
Lire à la troisième page :
LES TABLETTES DU PROGRES
PAR ÊMius GAUTIER
,0 TRIBUNE LIBRE
CIIINOISERIES MILITAIRES
..: - 1 - - —
Les Morts qui rapportent
Un soldat français est tué au Tonkin
par les bandits qui infestent la frontiè-i
re, ou bien il succombe à la maladie,
dans une de ces garnisons où le climat
humide et chaud épuise parfois en quel-
ques mois les tempéraments les plus ré-
sistants. Bref, il meurt, et le hasard
veut qu'au moment de son décès il ait
à recevoir de l'autorité militaire, com-
me primeou bonification de solde, la
somme exacte de 25 francs.
Comme il à laissé des parents au
pays, le plus simple moyen de s'acquit-
ter envers le pauvre diable qui a donné
sa vie pour le drapeau serait peut-être
que le corps auquel il appartenait en-
voyât (par la voie hiérarchique, natu-
rellement), le montant de son modeste
pécule au maire de sa commune, afin
que sa famille reçût ce qui lui revient
légitimement. On pourrait encore, si
l'on avait quelque raison de ne pas fai-
re appel à l'autorité municipale, char-
ger tout simplement la gendarmerie de
verser aux ayants-droit l'argent du sol-
dat tombé au loin.
Oui, cela - serait simple, raisonnable,
économique en effet ; mais ce ne serait
pas administratif, et l'on sait que dans
l'armée, plus quie partout ailleurs, l'ad-
ministration est souveraine. -
Alors, voici comment on procède.
Par les soins du ministre de la guer-
re, — qui n'en sait rien, cela va sans
aire, car c'est dans les bureaux que
cela se règle, — les 25 francs sont ver-
sés à la Caisse des Dépôts et Consigna-
tions au crédit du mort, afin que la per-
sonne qui prétendra les toucher four-
nisse, avant de les recevoir, toutes les
preuves établissant qu'elle y a droit.
Et vous allez voir comment, en agis-
sant ainsi, l'Etat, non content de gêner
les familles, trouve le moyen de faire
ses petites affaires sur le dos d'un pau-
vre marsouin décédé. -
Comme l'histoire est d'hier ; comme
elle concerne un soldat originaire du
département que j'ai l'honneur de re-
présenter ; comme elle m'a été rappor-
tée, preuves en mains, par les habi-
tants mêmes du chef-lieu de canton où
habite la famille intéressée ; comme
enfin j'ai dû intervenir personnellement
afin de voiler la cruauté commise et
d'en réparer les effets, on voudra bien
admettre que je n'avance ici rien que
de scrupuleusement exact.
Le père existant encore, c'est à lui
que revenait l'argent déposé. Il le ré-
clama et ce fut nécessairement à un no-
taire qu'il lui fallut s'adresser pour les
démarches à faire. Cet officier ministé-
riel fit toute diligence, établit les piè-
ces exigées par la Caisse des Dépôts et
Consignations. et produisit enfin le
compte de frais que je résume ci-des,
sous :
1° Acte de décès légalisé (servant à
baser l'acte de notoriété). — Timbre dû
au Trésor : 1 fr. 80. Vacation à léga-
lisation : 0 fr. 25. Commission au se-
crétaire de mairie, affranchissement,
envoi de timbres, légalisation au gref-
fier : 0 fr. 95.
20 Acte de notoriété. — Timbre dû au
Trésor : 0 fr. 60. Enregistrement dû
au Trésor : 3 fr. 75. Honoraires : 6
francs. ;
3° Certificat de propriété. — Timbre
dû au Trésor : 0 fr. 60. Enregistrement
dû au Trésor : 3 fr. 75. Honoraires :
4 francs. Légalisation : 0 fr. 25.
Total des frais : 22 fr. 20, dont
10 fr. 50 pour le notaire, 10 fr. 50
pour le fisc et le reste, soit 1 fr. 20,
pour menues dépenses.
Dans ce compte ne sont pas Compris
les droits de mutation par décès, qui
s'élèvent au total à 1 fr. 23. Ce aui fait
que sur les vingt-cinq francs qui appar-
tenaient à un soldat français mort en
campagne, son père a définitivement
reçu un franc cinquante-sept centimes,
tandis que l'officier ministériel a préle-
vé dix francs cinquante et que la Ré-
publique française a encaissé onze
francs soixante-treize centimes.
C'est elle qui a hérité l
Cela pourrait se passer de commen-
taires. Cependant il me semble qu'une
observation au moins s'impose. Je n'ai
rien à objecter au droit de mutation
par décès, puisque le législateur n'a
pas encore pensé à exempter de ce droit
le patrimoine des citoyens qui tombent
pour la patrie. La loi existant, on l'ap-
plique : soit ; elle est, dans l'espèce,
odieuse et abusive ; mais elle est la
loi : rien à dire.
M'expliquera-t-on, en revanche, pour-
quoi il faut payer un timbre de 1 fr. 80
pour l'acte de décès d'un militaire,
alors que cet acte a été valablement
dressé par le régiment où il comptait ?
Faut-il encore payer une redevance à
l'Etat pour s'être fait tuer à l'ennemi ?
M'expliquera-t-on aussi pourquoi il
faut 0 fr. 60 de timbre et 3 fr. 75 d'en-
registrement pour un acte de notoriété,
et puis encore 0 fr. 60 de timbre et
3 fr. 75 d'enregistrement pour un cer-
tificat' de propriété, alors que les for-
malités administratives remplies par le
ministère de la guerre devraient tenir
lieu de toute cette paperasse ?
En résumé, voilà un père qui a perdu
son fils et à qui l'Etat juge décent de
prendre encore plus de la moitié de ce
que possédait l'enfant disparu, de ce
qui était précisément le prix de servi-
ces rendus à l'Etat 1 -- ,
Avec ce système, - on se - demande
quelles garanties peuvent avoir tous les
braves gens qui" combattent pour nous
au loin alors que, s'ils succombent à la
peine, leur famille ne rentrera jamais
en possession de ce qui leur appartient !
Le procédé qui consiste à déposer
l'argent du défunt dans une caisse d'où
les survivants ne peuvent le retirer
qu'en payant de lourds honoraires à
un officier ministériel et en soldant une
foule de taxes et de frais dont ils de-
vraient être exemptés, ce procédé est
une chinoiserie de plus ajoutée à tou-
tes celles que j'ai déjà signalées dans,
.notre organisation militaire. -
Mais celle-ci n'est pas seulement ri-
sible, comme les autres : elle est lugu-
bre. C'est un véritable supplice (un sup-
plice chinois) ajouté au deuil respecta-
ble entre tous des familles qui ont con-
isacré leurs enfants à la défense et à ?a
gloire du pays.
Charles HUMBERT,
Sénateur.
FAUSSE ALERTE
Il y a, pensons-nous, une petite leçon à
tirer des commentaires auxquels ont donné
lieu, dans certains journaux français, les
.notes presque identiques parues, avant-
- hier, dans la Gazette de Cologne et dans la
- Gazette de Frànclort, à propos de la limi-
tation de la frontière algéro-marocaine. On
a voulu voir dans la simultanéité et la si-
militude de ces notes l'écho officiel des
préoccupations de la chancellerie impériale.
Et, par cela même, s'est posée la question
de savoir si le gouvernement français, lui
aussi, n'avait pas à en délibérer. Mais, in-
formations prises — et nous avons été des
premiers à les prendre — il est absolument
inexact que le Quai d'Orsay ait reçu à ce
sujet la moindre communication. L'alerte se
réduit donc à rien. Mais si nous ne pou-
vons pas empêcher le comité allemand au
Maroc de glisser, de temps en temps dans
la presse, des notes de ce genre, ne de-
vrions-nous pas, du moins, les accueillir
avec plus de sang-froid ?
Le malheur n'est pas grand, d'ailleurs.
Cette petite polémique aura même eu cet
avantage de faire reconnaître une fois de
plus ce qui ressortait déjà, et des instruc-
tions données au général Liautey et de la
documentation du dernier Livre Jaune, à
savoir qu'en vertu d'actes antérieurs inter-
venus entre le Maroc et nous, et reconnus,
sans discussion, à Algésiras même, un droit
de police et de suite — droit dont nous
n'abusons certes pas — nous est réservé sur
la frontière marocaine.
Quant aux appréhensions que les com-
merçants allemands des ports marocains
peuvent concevoir du fait que notre chemin
de fer Sud-Algérien pourra drainer vers
Oran une partie du commerce marocain,
nous ne demandons pas mieux — sans trop
y croire, d'ailleurs — qu'elles soient fon-
dées. Cette ligne a surtout pour nous un in-
térêt stratégique. Mais alors même qu'elle
présenterait dans l'avenir un intérêt écono-
mique, messieurs les pangermanistes n'au-
raient rien à y voir, rien à y redire.
Mais, encore une fois, ne rendons pas la
chancellerie impériale responsable des exa-
gérations de ces mêmes pangermanistes.
Une certaine détente s'est produite entre
Berlin et Paris, à propos du Maroc. Elle
s'accentuera, nous l'espérons, surtout si des
deux côtés de la frontière, la presse s'ef-
force de calmer les inquiétudes au lieu de
les faire naître.
L'ARTILLERIE
Et les consultations nous arrivent tou-
jours sur cette fameuse question de la
réorganisation de l'artillerie ! — Est-il en-
core temps de les enregistrer, pour l'édifi-
cation de la Chambre ? — Espérons-le.
Voici donc, en substance, la dernière.
Elle est signée du général Godard, ancien
commandant de corps d'armée. Ce général
avait son quartier général à Bourges. C'est
dire qu'il était bien placé pour s'intéresser
particulièrement aux questions d'artillerie.
Aujourd'hui, il n'hésite pas : il est pour la
batterie de six pièces.
Tout d'abord, il redoute « .l'allongement
des colonnes » qu'entraîne forcément le
système des batteries de quatre pièces, né-
cessitant un personnel plus nombreux. K
tant faire que d'allonger la colonne, nous
dit-il, mieux vaut augmenter les trains de
ravitaillement et de munitions,car nos batte-
ries sont de grandes mangeuses de cartou-
ches.
te qu'il redoute encore, avec la batterie
de quatre pièces, c'est l'infériorité où elle
sera réduite, au moindre accident, en face
d'une batterie ennemie de six pièces. Sup-
posons des pertes égales des deux côtés.
C'est une pièce qui, de part et d'autre, a
été mise hors de combat. Nous n'avons
plus que trois pièces, alors que l'adver-
saire en possède encore cinq.
Il ne faut pas, également, s'illusionner
sur les prévisions actuelles en ce qui tou-
che le nombre d'officiers, d'officiers supé-
rieurs, d'officiers généraux que nécessitera
ie système: des batteries à quatre pièces.
Ces prévisions seront, peu à peu, dépas-
sées, et de beaucoup.
Finalement, le général Godard est pour
le renforcement des batteries actuelles,
mais, très sagement, il ajoute que le nom-
bre n'en devra être augmenté que suivant
nos besoins et suivant nos ressources.
Ce n'est pas ainsi, on le sait, que l'entend
la direction de l'artillerie. Certes, il lui
faut des pièces nouvelles, et, à cela person-
ne ne contredit. Mais ce. qu'il lui faut aussi,
c'est une formation qui entraîne un person-
nel nombreux, c'est-à-dire beaucoup plus
de galons, beaucoup plus de graines d'épi-
nards.
LA LOI DE DÉVOLUTION
Il est bien peu d'évêques qui n'aient ima-
giné des moyens d'empêcher l'application
de la loi sur la dévolution des biens. Les
excommunications s'abattent à peu près
partout sur les acheteurs ou les locataires
d'immeubles possédés sans droit jusqu'ici
par l'Eglise. L'évêque de Coutances vient
d'étendre encore la liste des personnes pas-
sibles de cette peine : les membres des con-
seils municipaux, des commissions de bien-
faisance, les détenteurs de rente qui, en
Vertu de la loi nouvelle cesseraient de les
payer à l'Eglise, sont désormais justicia-
bles de Sarto.
Nulle part cependant encore les prêtres
n'avaient poussé l'audace aussi loin que
l'évêque' de Vannes. Celui-ci fait défense
aux donateurs ou aux héritiers directs des
donateurs rentrés en possession des biens
de s'en considérer comme les légitimes pro-
priétaires. C'est donc l'Eglise qui doit en
garder la propriété.
Nous ne pensons pas que le législateur qui
à permis aux donateurs d'exercer leur droit 1
de retour, ait entendu lui permettre de se dé-
posséder à nouveau en faveur de l'Eglise. ]
S'il en était ainsi, la nouvelle donation dé-
guisée devrait être considérée comme un
refus de rentrer en possession des biens et
les cléricaux seraient mal-venus à se plain-
dre de leur attribution à -l'Etat ou aux com-
munes. 1
Les personnes intéressées qui, telon les
instructions de l'évêque de Vannes doivent
s'entendre avec lui au sujet de la conduite
à tenir, seront donc bien inspirées en se
préoccupant des conséquences possibles de
ses décisions.
Il n'y a en somme dans tout cela que des
intérêts matériels en jeu. Les prêtres veu-
lent de l'argent, et nous ne sommes pas
très sûrs que, s'il ne fallait qu'être excom-
munié pour en avoir, beaucoup n'hésite-
raient pas à subir cette peine. Du reste, en
pareil cas. le Vatican se ferait un devoir de
ne point l'appliquer.
Que les propriétaires invités à ~micrcer
aux revenus de leurs biens ouvrent donc les
yeux. Qu'ils considèrent que si le nombre
,des naïfs diminue tous les jours, c'est que
la vérité telle que nous venons de la for-
muler apparaît de plus en plus clairement.
ÉLECTIONS LEGISLATIVES
SAONE-ET-LOIRE
Arrondissement de Charolles (2* circons.)
SCRUTIN DE BALLOTTAGE
MM. Ducarrouge, soc. unifié., 6.851 ELU
Pierre Sarrien, rad. soc. 5.360 voix
Magnin, react. 301 —
Prost, ind. 6 -
Au premier tour de scrutin, -les Voix s'étaient
ainsi réparties : MM. Pierre Sarrien. rad. soc.,
5,770 : Ducarrouge, soc. un., 4,367 ; Magnin,
réae.. 3,968 ; Prost, ind., 15.
Il s'agissait de remplacer M. Sarrien père élu
sénateur.
Aux élections législatives dernières, M. Sar-
rien, député depuis 1876. avait été élu par 11,920
voix contre 3,215 à M. Bouzeroud, nationaliste,
et 1,337 à M. Bretin, socialiste unifié.
AVEYRON
ArrondissemenÍ de Villefranche (2e circons.)
SCRUTIN DE BALLOTTAGE
MM. Cabrol, soc. un. 7.521 ELU
Bos, rad. soc. 6.971 voix
Barbe, réact. 151 —
Au premier tour de scrutin, les voix s'étaient
ainsi réparties : MM. Louis Bos, rad. soc.,
5,796 ; Cabrol, soc. un., 4,892 ; Lacombe, rad.
soc., 3,319 ; Barbe, réac., 400.
Il s'agissait de remplacer M. Maruéjouls, ré-
publicain de gauclie, décédé, qui avait été réélu
aux élections générales de 1906 par 9,980 voix
contre -4.299 à M. Desseilligny, libéral, et 1,836 à
M. Duc-Quercy, socialiste.
ÉCHOS
EN ROUTE POUR LE POLE
Un télégramme de Punta-Arcnas, 17 dé-
cembre, annonce que M. Charcot avec son
expédition, est parti pour l'Antarctique dans
d'excellentes conditions.
Bon voyage. et surtout bon retour.
LE TEMPS QU'IL FERA
Voici les prédictions des météorologistes
pour cette semaine:
Aujourd'hui lundi: matin, une petite on-
dée; soir, assez beau.
Le mardi 22: rosée le matin, mais très
beau temps le soir; très nuageux; froid.
Le mercredi 23. couvert, pluie par ondées
et averses, vent assez fort, température très
froide..
Le jeudi 24: nuageux le matin et très beau
temps dans toute la France sur le soir par
temps assez doux.
D'OU VIENT LE CHÈQUE?
Au commencement du siècle dernier, à la
faveur d'un brouillard aussi dense que per-
sistant, les vols et les attentats contre les
garçons de recette de Londres devinrent si
nombreux, que les commerçants et industriels
songèrent à se défendre.
Ils inventèrent dow le chèque, qui permet,
de sortir sans argent et supprime par là mê-
me les indiscrètes perquisitions des pickpoc-
kets. ,
Le chèque eut une destinée des plus ,heureu-
ses et triompha un peu partout, en France,
en Allemagne, en Amérique.
Dans cette affaire, les voleurs à lâ tire
perdirent 80 -
AU SENAT
LA DISCUSSION DU BUDGET DE 1909
Les derniers chapitres. — Le budget de
l'instruction publique. - Les aumôniers.
de$ lycées. — Le cours de M. Thala-
- , mas. — La loi des finances
-. Le Sénat a tenu une séance, hier diman-
che, pour hâter la fin de son examen du
budget.
Le dernier budget à examiner était celui
de 1 instruction publique, à la discussion
duquel n'a pu assister M. Maurice-Faure,
rapporteur, retenu chez lui par la mala-
die.
Le général Mercier, au milieu de l'indif-
férence générale, c'est étonné de ce que le
gouvernement ait cru pouvoir faire au
professeur Thalamas là faveur de l'appelei
à la Sorbonne. - >
M. Couyba demande que le nombre des
heures affectées à l'étude de la langue na-
tionale soit augmenté, dans les lycées, car
il est constaté qu'il est devenu insuffisant.
L'orateur se préoccupe des avantages que
la jeunesse est appelée à retirer de la diffu-
sion de renseignement technique et de son
étroit mariage avec l'enseignement théori-
que. .,'
M. de Lamarzelle dit que les engage:
ments, en ce qui concerne les services re-
ligieux à l'intérieur des lycées et collèges,
sont méconnus. ,
Le ministre de l'instruction publique ré-
pond a M. Couyba que ses craintes pour
l'enseignement du français sont exagérées.
En ce qui concerne l'observation de M. de
Lamarzelle, M. Doumergue dit que le Par.
lement, en supprimant les aumôniers, n'à
pas voulu priver les élèves qui le demn-x
deraient de l'enseignement religieux. L'au-
tonomie des lycées permet de résoudre lé
problème, les lycées ayant le droit de de-
mander une rétribution supplémentaire.
Le ministre rend hommage au corps
d'instituteurs qui font preuve dans l'exer-
cice de leur sacerdoce d'un véritable dé-
vouement.
M. Doumergue, ministre de l'instruction pu-
blique. — D'un rapprochement qu'a fait M. Riou
entre le rapport de M. Maurice Faure et celui
d'un conseiller municipal, M. Achille, il semble
résulter que l'augmentation du nombre des in-
soumis proviendrait de l'enseignement des ins-
tituteurs. Il importe de ne pas laisser subsister
ce malentendu.
Je dois déclarer que notre corps d'enstigne-
ment primaire, dans sa grande majorité, est
excellent et que, plus je le vois de près, plus
j'apprécie son dévouement.
Les instituteurs, avec un désintéressement
admirable, consacrent très souvent leurs heures
de liberté à renseignement des adultes. Dane
les œuvres de patronage, ils exercent un véri-
table sacerdoce.
M; Dominique ~DeIaIaaye. — Appelez- les des
grands-prêtres !
M. de Lamarzelle. — Sans doute laïques.
M. Dominique Delahaye. — Ajoutez maçon-
niques.
M. Doumergue. — Je ne vois aucun incon-
vénient à dire qu'ils exercent, en effet, un sa-
cerdoce laïque. La très grande majorité des
instituteurs sont tels que je viens de le dire.
S'il se trouvait quelques rares exceptions, je
n'hésite pas à déclarer que je réprimerais vigou-
reusement toutes les incartades quj viendraient
à se produire.
En le faisant, j'obéirais non pas à un senti-
ment de malveillance vis-à-vis des instituteurs,
mais au sentiment de l'intérêt que je leur porte,
au sentiment de l'intérêt même de l'enseigne-
ment.
Donc, les cas qui préoccupent M. Riou après
M. Maurice-Faure sont extrêmement rares el
je n'ai eu à faire usage de mon autorité que
dans des cas exceptionnels.
C'est un hommage que je rends à tout notre
corps enseignant de l'enseignement primaire.
Répondant au général Mercier, l'orateur
dit que c'est le conseil de l'Université qui a
donné un avis favorable à la demande de
M. Thalamas. Quant à l'émotion causée au
quartier Latin par cette nomination, il y
a un autre désir que celui de protester,
c'est celui d'empêcher les cours à la Sor-
bonne et celui de crier dans les désordres :
CI Vive le roi ! »
La discussion générale est close.
Les chapitres du budget de l'instruction
publique sont adoptés.
La loi des finances
Le Sénat procède ensuite à l'examen de la
loi des finances. L'article premier est ré-
servé.
M. Ratier demande le rétablissement de
l'article 3 voté par la Chambre, exemptant
de la taxe les Sociétés qui consacrent tout
ou partie de leur patrimoine à la construc-
tion et à la vente des maisons à bon mar-
ché.
MM. Caillaux et Poincaré demandent que
le Sénat maintienne la disjonction, car lè
texte présenté au Sénat permettrait à des
sociétés qui n'auraient aucunement la phi-
lanthropie pour objet d'obtenir, en consa.-
crant une faible partie de leurs ressources
à la construction ou à la vente d'habitations
à bon marché, une exemption d'impôts am
s'étendrait à leurs autres immeubles. -
- La disjonction est-maintenue.
- L'article 4 est rejeté et l'article 5 disjoint
Après une intervention de MM. Caillaux
et Poincaré, l'article 6 est adopté avec une
légère modification.
Le Sénat se réunira ce matin pour termi-
ner la loi des finances.
LA CRISE ORIENTALE
Les pourparlers entre la Turctule et SAq
triche. — Les relations entre les gou-
vernements autrichien et russe. -
Les incidents du boycottage
des marchandises
Vienne, 20 décembre. — Rechid bey, le
nouvel ambassadeur ottoman, arrivera ic
dans le courant de la semaine. Sa venue
est considérée comme un indice de la mar-
che favorable des négociations austro-tur-
ques. 1 .1' l't.. 'r
Dans les milieux politiques. de Vienne or
a conscience, avec une clarté croissante, de
l'importance des pourparlers actuels entre
la Turquie et l'Autriche-Hongne. Le bruit
court dans certains milieux que la Russie
serait moins favorable qu'on ne l'aurait
cru à l'idée de la conférence, qu'eUe fut
pourtant la première à proposer. Si - ces
dires sont exacts, le cabinet - de Vienne ne
se montrerait pas, sur ce projet russe,
« plus Russe que Pétersbourg », et il pour-
suivrait la conclusion des accords partiel»-
LE NUMÉRO
emme
CENTIMES
RÉDACTION, ADMINISTRATION & ANNONCES
Boulevard Poissonnière. PARIS
TÉLÉPHONE: 101)99; après minuit, 143,93
Tout ce qui concerne l'Administration du Journal -
doit être adressé à l'Administrateur ,
ABONNEMENTS
Paris et Départements
UN MOIS. 1 FR. 50
TROIS MOIS. 4 FR. 50
SIX MOIS. 9 FR. » 0
UN AN.,., 18 FR. » »
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
- Directeur-Rédacteur en Chef '," -
Victor FLACHON
ABONNEMENTS
Etranger
1. (UNION POSTALB) --
TROIS MOIS. 9 FR. 9 0
SIX MOIS. 18 FR. » »
UN AN. •. 36 FR. » »
TRENTE ET UNIEME ANNÉE. - NUMERO 11,566
,0 MARDI 22 DECEMBRE 1908
1ER NIVÔSE. — AN 117.
Lés Abonnements sont reçus sans frais dans
tous les bureaux de poste
tes manuscrits non insérés ne sont pas rendus*
LE NUMÉRO
5
CENTIMES
Ce qu'il reste à lie
Nous avons signalé hier à nos lec-
teurs le langage rassurant qu'ont tenu
au Sénat le ministre de la guerre et le
général Langlois. Tous deux ont rendu
hommage aux qualités de notre armée
et répondu victorieusement à la campa-
gne de dénigrement systématique menée
par les réactionnaires. Ils ont montré
les effets bienfaisants de la loi de deux
ans et constaté ensemble. la parfaite
santé morale de nos soldats.
Ainsi se trouvent ramenées à leur
juste valeur les critiques intéressées des
adversaires du régime républicain.
S'ensuit-il que nous, les républicains,
nous n'ayions plus rien à dire, plus
rien à désirer ? Nous ne le pensons pas.
Ce qui manque encore à notre armée,
c'est d'être en harmonie avec le régime
politique du pays. L'armée de la Répu-
blique n'est pas encore une armée ré-
publicaine. Les principes démocratiques
y sont inconnus ou méconnus.
Notre corps d'officiers notamment de-
meure, malgré tous-les efforts tentés
depuis dix ans, presque complètement
fermé aux idées démocratiques. C'est à
peine si l'on compte un officier républi-
cain sur dix. Et les officiers républi-
cains, au lieu de bénéficier de la bien-
veillance de leurs chefs, sont le plus
souvent victimes des opinions dont on i
devrait leur tenir compte. Les faveurs,
les postes de choix, l'avancement, tout
cela se gagne plus facilement par les
flatteries que par les bons services.
Dans la plupart des régiments, il vaut
mieux, pour être bien noté, se montrer
assidu aux offices religieux et aux ré-
ceptions de la colonelle qu'aux exerci-
ces et aux manoeuvres.
Trop d'officiers perdent leur temps et
gaspillent leur activité aux futilités de
la vie de garnison., Ceux qui prennent
au sérieux leur métier se dépensent en
vains efforts pour employer leurs loi-
sirs à des études profitables,. Faute
d'une direction précise, ou paree qu'ils
ne peuvent espérer une récompense de
leurs travaux, il travaillent dans le vide
ou se laissent aller comme les autres à
faire leur service, et rien de plus.
Mais le vice essentiel de notre orga-
v nisation militaire, c'est que les grades
élevés demeurent à peu près inaccessi-
bles aux enfants du peuple. Mal payés,
les officiers subalternes sont obligés de
mener une existence mondaine qui les
condamne à la gêne. On exige d'eux
qu'ils fassent figure dans les salons. Et
l'on traite en suspects ceux que leur
pauvreté condamne à l'isolement. Les
meilleurs résistent et végètent. Les au-
tres se résignent, et pour plaire à leurs
chefs, vont à la messe et médisent de la
République.
Il y a beaucoup à faire pour réformer
les mœurs de notre corps d'officiers. Il
faut y faire pénétrer l'esprit démocra-
tique, il faut donner à la République
une armée républicaine, où des républi-
cains puissent servir sans abandonner
leurs idées, où les fils d'ouvriers et de
paysans puissent tenir leur place, sans
avoir à rougir de leur origine.
L'esprit de caste et l'esprit de réac-
tion n'ont pas encore disparu. Il faut
les faire disparaître. Notre année ne
sera vraiment forte, elle ne -sera tout à
fait prête pour le grand rôle qui lui in-
combe que le jour où cette réforme mo-
rale sera accomplie.
TROP TARD !
L'Eglise n'est jamais au bout des perfi-
dies; une manœuvre échoue, elle en tente
immédiatement une autre, rien ne la dé-
courage. La tactique de la lutte ouverte
ayant pitoyablement échoué, elle a recours
à la tactique de l'accommodement.
Une dépêche tout à fait étrange nous a
été adressée dé Rome : Les lecteurs de La
Lanterne ont pu lire, hier, que des pour-
parlers avaient été engagés, après les fa-
meuses fêtes jubilaires, entre le pape et
certains évêques français, on aurait essayé
de démontrer à Sarto et à Merry del Val
,que « la prolongation de la situation actuelle
serait des plus préjudiciables aux intérêts
de l'Eglise ».
Il est certain que le recrutement du cler-
gé devient difficile, il n'est pas douteux que
les ressources diminuent, malgré l'activité
les mendiants ensoutanés. On comprend à
merveille l'effort désespéré tenté par l'épis-
copat pour reconquérir, au moins en partie,
tes anciens privilèges, mais la Républi-
que ne peut avoir qu'une réponse pour ceux
qui tenteraient de négocier, cette réponse
tient en deux mots : « Trop tard ! »
A l'occasion de la mort du cardinal Le-
cot, nous nous souvenons que, chaque fois
qu'un essai de conciliation fut fait, au mo-
ment de la lutte décisive, Rome redoubla
d'intransigeance et persista dans ses inso-
lents refus. M. Lecot multiplia les dëmar-
chao, il démontra lui-même la possibilité
de la création des cultuelles en instituant
ea h diocésaine », le Vatican le désavoua:,
et il dut se soumettre avec Ceux qui cons-
tituaient, en somme, la grande majorité de
l'épiscopat français. ','"
Nous avons donc vaincu de haute lutte,
et c'est à cette heure même où ceux qui
nous combattirent sans merci ont épuisé
toutes les armes, qu'ils - songent à des
transactions. '-'
Les républicains n'ont pas à s'inquiéter
de la situation où leurs irréductibles adver-
saires sont tombés par leur faute ; ils ont
un désir, celui de rendre impossible, dans
l'avenir, le retour offensif d'une secte, dont
l'existence est incompatible avec l'idéal dé-
mocratique. j
La lutte doit être menée jusqu'au bout,
jusqu'à la disparition du dernier prêtre,
et l'effondrement du dernier temple ; la ba-
taille continue, il ne saurait être question
de paix.
ENSEtGNEMENT SECONDAIRE
j Avant-hier à été distribué, au Sénat, le
très remarquable et très documenté rapport
de notre collaborateur, M. Maurice-Faure,
sur le budget de l'instruction publique. Tous
les amis de l'Université le feuilletteront avec
intérêt. Ils y trouveront, certes, des aver-
tissements, des critiques même, mais aussi
de nombreux motifs de réconfort et d'espé-
rance. -: ':'
GhoisissonS-en un, au hasard. Vous vous
rappelez les cris de joie farouche poussés
par les acharnés adversaires de notre en-
seignement secondaire laïque, à la pensée
que la population de nos lycées, de nos col-
lèges de garçons était en pleine décroissan-
ce. Plus de cinq cents élèves ne man-
quaient-ils pas à l'appel, l'an dernier ? Ce
nombre n'allait-il pas être encore dépassé
cette année ? — On l'espérait ! On l'affir-
mait ! On le proclamait ! — Mais voici ve-
nir les statistiques officielles, que M. Mau-
rice-Faure a eu le temps de recevoir. Il en
résulte que le mouvement de régression —
loin de s'accentner, s'atténue très sensible-
ment. Certes,' certains lycées et collèges oat
vu baisser le nombre des entrées. Mais
d'autres établissements présentent des
gains importants, et, finalement, il ne
manque, par rapport à l'an dernier, que 92
lycéens et 78 collégiens, sur un total de
60,000 élèves.
Encore faudrait-il s'expliquer à propos
de ces pertes minimes. — Ne convient-il
pas d'abord, de tenir compte de l'affaiblis-
sement de notre natalité ? Faut-il blâmer,
en outre, nombre de familles de diriger
leurs enfants vers l'enseignement commer-
cial, industriel ? L'enseignement primaire
supérieur ne vient-il pas, lui aussi, con-
currencer légitimement nos lycées ? Enfin,
ne nous montrons-nous pas trop parcimo-
nieux quand il s'agit des boursiers de l'en-
seignement secondaire ?
Mais il est une autre constatation qui ré-
duit à néant les sottes espérances de nos
cléricaux hurlant à la mort de nos établis-
sements secondaires, « foyers de pestilence
laïque ». Savez-vous combien nos collèges
et lycées de jeunes filles ont gagné d'élè-
ves. cette année ? — Quatre cent neuf ! —
C'est un joli chiffre, surtout quand on con-
sidère avec quelle habileté, avec quelle téna-
cité, avec quelle fureur, nos éternels adver-
saires mènent campagne contre cette bran-
che de l'enseignement. Pensez donc 1 La
femme échappant à l'Eglise ! N'est-ce pas
la désolation, l'abomination ! C'est ce-
pendant la vérité. Et c'est sur cet accrois-
sement de la population de nos lycées de
jeunes filles que nous attendons les expli-
cations des journaux de sacristie.
PRUDENCE !
MM. les protectionnistes sont gens pres-
sés. Ils multiplient leurs démarches auprès
de M. Clemenceau, de M. Cruppi, de M.
Ruau.
Ce qu'ils veulent ? - La mise à l'ordre
du jour de la Chambre de la revision doua-
nière. « Les travaux préparatoires en sont
achevés », disent-ils. il n'y a plus qu'à les
sanctionner. -
A quoi M. Clemenceau — s'adressant à
M. Méline, qui, vous n'en doutez pas, s'é-
tait mis à la tête d'une délégation de métal-
lurgistes, de sucriers, d'agriculteurs, etc.,
etc., — a répondu, en substance, qu'il ne
niait pas la nécessité d'une revision de ce
genre, mais que le gouvernement « sou-
cieux de nos relations avec l'étranger, dé-
sirait que cette revision soit faite avec pru-
dence ».
Ce dernier mot, ce n'est certainement pas
celui que ces messieurs attendaient. Il a
dû leur faire l'effet d'une douche. Que res-
tera-t-il des cc travaux préparatoires » d'une
commission où les protectionnistes domi-
nent, si le Parlement, lui aussi, s'avise de
prudence ?
Vous la connaissez, là naïve et malfaisan-
te prétention de ces messieurs : il s'agit
de vivre et même de dormir à l;abri de
hautes barrières douanières. Sous prétexte
de protéger la production française, on veut
fermer la porte aux produits étrangers. '"-
Résultat ? - C'est l'inertie encouragée ;
c'est l'entente entre gros, producteurs fa-
vorisée ; c'est l'écrasement des petits ; c'est
le renchérissement de la vie ; c'est, enfin,
c'est surtout le ralentissement forcé de nos
exportations.
Les produits, en effet, ne s'échangent que
contre d'autres produits. Si nous rendons
trop difficile l'écoulement sur notre mar-
ché des marchandises venues du dehors,
non seulement l'étranger songera immédia-
tement à des représailles, mais encore, par
cela même que son pouvoir d'achat sera di-
minué — et comment ne le serait-il pas,
puisque nous ne voulons rien lui acheter !
—- il ne pourra pas, alors même qu'il le
voudrait, s'approvisionner chez nous.
C'est le vieux dicton : « Passe moi la
rhubarbe, je te passerai le séné ! » qui est
toujours de circonstance en ces matières.
Que le libre-échange absolu ne soit pas pra-
ticable, nous le voulons bien. Mais la pro-
tection, telle que l'entendent ces messieurs,
aboutirait à la ruine. La vérité est dans la
modération, dans les concessions récipro-
ques, dans d'équitables traités de commer-
ce. Et des conventions de ce genre ne sont
possibles que si nous n'élevons pas déme-
surément nos tarifs. « Prudence ! » a dit
M. Clémenceau. « Prudence ! » répétons-
nous au Parlement:
Lire à la troisième page :
LES TABLETTES DU PROGRES
PAR ÊMius GAUTIER
,0 TRIBUNE LIBRE
CIIINOISERIES MILITAIRES
..: - 1 - - —
Les Morts qui rapportent
Un soldat français est tué au Tonkin
par les bandits qui infestent la frontiè-i
re, ou bien il succombe à la maladie,
dans une de ces garnisons où le climat
humide et chaud épuise parfois en quel-
ques mois les tempéraments les plus ré-
sistants. Bref, il meurt, et le hasard
veut qu'au moment de son décès il ait
à recevoir de l'autorité militaire, com-
me primeou bonification de solde, la
somme exacte de 25 francs.
Comme il à laissé des parents au
pays, le plus simple moyen de s'acquit-
ter envers le pauvre diable qui a donné
sa vie pour le drapeau serait peut-être
que le corps auquel il appartenait en-
voyât (par la voie hiérarchique, natu-
rellement), le montant de son modeste
pécule au maire de sa commune, afin
que sa famille reçût ce qui lui revient
légitimement. On pourrait encore, si
l'on avait quelque raison de ne pas fai-
re appel à l'autorité municipale, char-
ger tout simplement la gendarmerie de
verser aux ayants-droit l'argent du sol-
dat tombé au loin.
Oui, cela - serait simple, raisonnable,
économique en effet ; mais ce ne serait
pas administratif, et l'on sait que dans
l'armée, plus quie partout ailleurs, l'ad-
ministration est souveraine. -
Alors, voici comment on procède.
Par les soins du ministre de la guer-
re, — qui n'en sait rien, cela va sans
aire, car c'est dans les bureaux que
cela se règle, — les 25 francs sont ver-
sés à la Caisse des Dépôts et Consigna-
tions au crédit du mort, afin que la per-
sonne qui prétendra les toucher four-
nisse, avant de les recevoir, toutes les
preuves établissant qu'elle y a droit.
Et vous allez voir comment, en agis-
sant ainsi, l'Etat, non content de gêner
les familles, trouve le moyen de faire
ses petites affaires sur le dos d'un pau-
vre marsouin décédé. -
Comme l'histoire est d'hier ; comme
elle concerne un soldat originaire du
département que j'ai l'honneur de re-
présenter ; comme elle m'a été rappor-
tée, preuves en mains, par les habi-
tants mêmes du chef-lieu de canton où
habite la famille intéressée ; comme
enfin j'ai dû intervenir personnellement
afin de voiler la cruauté commise et
d'en réparer les effets, on voudra bien
admettre que je n'avance ici rien que
de scrupuleusement exact.
Le père existant encore, c'est à lui
que revenait l'argent déposé. Il le ré-
clama et ce fut nécessairement à un no-
taire qu'il lui fallut s'adresser pour les
démarches à faire. Cet officier ministé-
riel fit toute diligence, établit les piè-
ces exigées par la Caisse des Dépôts et
Consignations. et produisit enfin le
compte de frais que je résume ci-des,
sous :
1° Acte de décès légalisé (servant à
baser l'acte de notoriété). — Timbre dû
au Trésor : 1 fr. 80. Vacation à léga-
lisation : 0 fr. 25. Commission au se-
crétaire de mairie, affranchissement,
envoi de timbres, légalisation au gref-
fier : 0 fr. 95.
20 Acte de notoriété. — Timbre dû au
Trésor : 0 fr. 60. Enregistrement dû
au Trésor : 3 fr. 75. Honoraires : 6
francs. ;
3° Certificat de propriété. — Timbre
dû au Trésor : 0 fr. 60. Enregistrement
dû au Trésor : 3 fr. 75. Honoraires :
4 francs. Légalisation : 0 fr. 25.
Total des frais : 22 fr. 20, dont
10 fr. 50 pour le notaire, 10 fr. 50
pour le fisc et le reste, soit 1 fr. 20,
pour menues dépenses.
Dans ce compte ne sont pas Compris
les droits de mutation par décès, qui
s'élèvent au total à 1 fr. 23. Ce aui fait
que sur les vingt-cinq francs qui appar-
tenaient à un soldat français mort en
campagne, son père a définitivement
reçu un franc cinquante-sept centimes,
tandis que l'officier ministériel a préle-
vé dix francs cinquante et que la Ré-
publique française a encaissé onze
francs soixante-treize centimes.
C'est elle qui a hérité l
Cela pourrait se passer de commen-
taires. Cependant il me semble qu'une
observation au moins s'impose. Je n'ai
rien à objecter au droit de mutation
par décès, puisque le législateur n'a
pas encore pensé à exempter de ce droit
le patrimoine des citoyens qui tombent
pour la patrie. La loi existant, on l'ap-
plique : soit ; elle est, dans l'espèce,
odieuse et abusive ; mais elle est la
loi : rien à dire.
M'expliquera-t-on, en revanche, pour-
quoi il faut payer un timbre de 1 fr. 80
pour l'acte de décès d'un militaire,
alors que cet acte a été valablement
dressé par le régiment où il comptait ?
Faut-il encore payer une redevance à
l'Etat pour s'être fait tuer à l'ennemi ?
M'expliquera-t-on aussi pourquoi il
faut 0 fr. 60 de timbre et 3 fr. 75 d'en-
registrement pour un acte de notoriété,
et puis encore 0 fr. 60 de timbre et
3 fr. 75 d'enregistrement pour un cer-
tificat' de propriété, alors que les for-
malités administratives remplies par le
ministère de la guerre devraient tenir
lieu de toute cette paperasse ?
En résumé, voilà un père qui a perdu
son fils et à qui l'Etat juge décent de
prendre encore plus de la moitié de ce
que possédait l'enfant disparu, de ce
qui était précisément le prix de servi-
ces rendus à l'Etat 1 -- ,
Avec ce système, - on se - demande
quelles garanties peuvent avoir tous les
braves gens qui" combattent pour nous
au loin alors que, s'ils succombent à la
peine, leur famille ne rentrera jamais
en possession de ce qui leur appartient !
Le procédé qui consiste à déposer
l'argent du défunt dans une caisse d'où
les survivants ne peuvent le retirer
qu'en payant de lourds honoraires à
un officier ministériel et en soldant une
foule de taxes et de frais dont ils de-
vraient être exemptés, ce procédé est
une chinoiserie de plus ajoutée à tou-
tes celles que j'ai déjà signalées dans,
.notre organisation militaire. -
Mais celle-ci n'est pas seulement ri-
sible, comme les autres : elle est lugu-
bre. C'est un véritable supplice (un sup-
plice chinois) ajouté au deuil respecta-
ble entre tous des familles qui ont con-
isacré leurs enfants à la défense et à ?a
gloire du pays.
Charles HUMBERT,
Sénateur.
FAUSSE ALERTE
Il y a, pensons-nous, une petite leçon à
tirer des commentaires auxquels ont donné
lieu, dans certains journaux français, les
.notes presque identiques parues, avant-
- hier, dans la Gazette de Cologne et dans la
- Gazette de Frànclort, à propos de la limi-
tation de la frontière algéro-marocaine. On
a voulu voir dans la simultanéité et la si-
militude de ces notes l'écho officiel des
préoccupations de la chancellerie impériale.
Et, par cela même, s'est posée la question
de savoir si le gouvernement français, lui
aussi, n'avait pas à en délibérer. Mais, in-
formations prises — et nous avons été des
premiers à les prendre — il est absolument
inexact que le Quai d'Orsay ait reçu à ce
sujet la moindre communication. L'alerte se
réduit donc à rien. Mais si nous ne pou-
vons pas empêcher le comité allemand au
Maroc de glisser, de temps en temps dans
la presse, des notes de ce genre, ne de-
vrions-nous pas, du moins, les accueillir
avec plus de sang-froid ?
Le malheur n'est pas grand, d'ailleurs.
Cette petite polémique aura même eu cet
avantage de faire reconnaître une fois de
plus ce qui ressortait déjà, et des instruc-
tions données au général Liautey et de la
documentation du dernier Livre Jaune, à
savoir qu'en vertu d'actes antérieurs inter-
venus entre le Maroc et nous, et reconnus,
sans discussion, à Algésiras même, un droit
de police et de suite — droit dont nous
n'abusons certes pas — nous est réservé sur
la frontière marocaine.
Quant aux appréhensions que les com-
merçants allemands des ports marocains
peuvent concevoir du fait que notre chemin
de fer Sud-Algérien pourra drainer vers
Oran une partie du commerce marocain,
nous ne demandons pas mieux — sans trop
y croire, d'ailleurs — qu'elles soient fon-
dées. Cette ligne a surtout pour nous un in-
térêt stratégique. Mais alors même qu'elle
présenterait dans l'avenir un intérêt écono-
mique, messieurs les pangermanistes n'au-
raient rien à y voir, rien à y redire.
Mais, encore une fois, ne rendons pas la
chancellerie impériale responsable des exa-
gérations de ces mêmes pangermanistes.
Une certaine détente s'est produite entre
Berlin et Paris, à propos du Maroc. Elle
s'accentuera, nous l'espérons, surtout si des
deux côtés de la frontière, la presse s'ef-
force de calmer les inquiétudes au lieu de
les faire naître.
L'ARTILLERIE
Et les consultations nous arrivent tou-
jours sur cette fameuse question de la
réorganisation de l'artillerie ! — Est-il en-
core temps de les enregistrer, pour l'édifi-
cation de la Chambre ? — Espérons-le.
Voici donc, en substance, la dernière.
Elle est signée du général Godard, ancien
commandant de corps d'armée. Ce général
avait son quartier général à Bourges. C'est
dire qu'il était bien placé pour s'intéresser
particulièrement aux questions d'artillerie.
Aujourd'hui, il n'hésite pas : il est pour la
batterie de six pièces.
Tout d'abord, il redoute « .l'allongement
des colonnes » qu'entraîne forcément le
système des batteries de quatre pièces, né-
cessitant un personnel plus nombreux. K
tant faire que d'allonger la colonne, nous
dit-il, mieux vaut augmenter les trains de
ravitaillement et de munitions,car nos batte-
ries sont de grandes mangeuses de cartou-
ches.
te qu'il redoute encore, avec la batterie
de quatre pièces, c'est l'infériorité où elle
sera réduite, au moindre accident, en face
d'une batterie ennemie de six pièces. Sup-
posons des pertes égales des deux côtés.
C'est une pièce qui, de part et d'autre, a
été mise hors de combat. Nous n'avons
plus que trois pièces, alors que l'adver-
saire en possède encore cinq.
Il ne faut pas, également, s'illusionner
sur les prévisions actuelles en ce qui tou-
che le nombre d'officiers, d'officiers supé-
rieurs, d'officiers généraux que nécessitera
ie système: des batteries à quatre pièces.
Ces prévisions seront, peu à peu, dépas-
sées, et de beaucoup.
Finalement, le général Godard est pour
le renforcement des batteries actuelles,
mais, très sagement, il ajoute que le nom-
bre n'en devra être augmenté que suivant
nos besoins et suivant nos ressources.
Ce n'est pas ainsi, on le sait, que l'entend
la direction de l'artillerie. Certes, il lui
faut des pièces nouvelles, et, à cela person-
ne ne contredit. Mais ce. qu'il lui faut aussi,
c'est une formation qui entraîne un person-
nel nombreux, c'est-à-dire beaucoup plus
de galons, beaucoup plus de graines d'épi-
nards.
LA LOI DE DÉVOLUTION
Il est bien peu d'évêques qui n'aient ima-
giné des moyens d'empêcher l'application
de la loi sur la dévolution des biens. Les
excommunications s'abattent à peu près
partout sur les acheteurs ou les locataires
d'immeubles possédés sans droit jusqu'ici
par l'Eglise. L'évêque de Coutances vient
d'étendre encore la liste des personnes pas-
sibles de cette peine : les membres des con-
seils municipaux, des commissions de bien-
faisance, les détenteurs de rente qui, en
Vertu de la loi nouvelle cesseraient de les
payer à l'Eglise, sont désormais justicia-
bles de Sarto.
Nulle part cependant encore les prêtres
n'avaient poussé l'audace aussi loin que
l'évêque' de Vannes. Celui-ci fait défense
aux donateurs ou aux héritiers directs des
donateurs rentrés en possession des biens
de s'en considérer comme les légitimes pro-
priétaires. C'est donc l'Eglise qui doit en
garder la propriété.
Nous ne pensons pas que le législateur qui
à permis aux donateurs d'exercer leur droit 1
de retour, ait entendu lui permettre de se dé-
posséder à nouveau en faveur de l'Eglise. ]
S'il en était ainsi, la nouvelle donation dé-
guisée devrait être considérée comme un
refus de rentrer en possession des biens et
les cléricaux seraient mal-venus à se plain-
dre de leur attribution à -l'Etat ou aux com-
munes. 1
Les personnes intéressées qui, telon les
instructions de l'évêque de Vannes doivent
s'entendre avec lui au sujet de la conduite
à tenir, seront donc bien inspirées en se
préoccupant des conséquences possibles de
ses décisions.
Il n'y a en somme dans tout cela que des
intérêts matériels en jeu. Les prêtres veu-
lent de l'argent, et nous ne sommes pas
très sûrs que, s'il ne fallait qu'être excom-
munié pour en avoir, beaucoup n'hésite-
raient pas à subir cette peine. Du reste, en
pareil cas. le Vatican se ferait un devoir de
ne point l'appliquer.
Que les propriétaires invités à ~micrcer
aux revenus de leurs biens ouvrent donc les
yeux. Qu'ils considèrent que si le nombre
,des naïfs diminue tous les jours, c'est que
la vérité telle que nous venons de la for-
muler apparaît de plus en plus clairement.
ÉLECTIONS LEGISLATIVES
SAONE-ET-LOIRE
Arrondissement de Charolles (2* circons.)
SCRUTIN DE BALLOTTAGE
MM. Ducarrouge, soc. unifié., 6.851 ELU
Pierre Sarrien, rad. soc. 5.360 voix
Magnin, react. 301 —
Prost, ind. 6 -
Au premier tour de scrutin, -les Voix s'étaient
ainsi réparties : MM. Pierre Sarrien. rad. soc.,
5,770 : Ducarrouge, soc. un., 4,367 ; Magnin,
réae.. 3,968 ; Prost, ind., 15.
Il s'agissait de remplacer M. Sarrien père élu
sénateur.
Aux élections législatives dernières, M. Sar-
rien, député depuis 1876. avait été élu par 11,920
voix contre 3,215 à M. Bouzeroud, nationaliste,
et 1,337 à M. Bretin, socialiste unifié.
AVEYRON
ArrondissemenÍ de Villefranche (2e circons.)
SCRUTIN DE BALLOTTAGE
MM. Cabrol, soc. un. 7.521 ELU
Bos, rad. soc. 6.971 voix
Barbe, réact. 151 —
Au premier tour de scrutin, les voix s'étaient
ainsi réparties : MM. Louis Bos, rad. soc.,
5,796 ; Cabrol, soc. un., 4,892 ; Lacombe, rad.
soc., 3,319 ; Barbe, réac., 400.
Il s'agissait de remplacer M. Maruéjouls, ré-
publicain de gauclie, décédé, qui avait été réélu
aux élections générales de 1906 par 9,980 voix
contre -4.299 à M. Desseilligny, libéral, et 1,836 à
M. Duc-Quercy, socialiste.
ÉCHOS
EN ROUTE POUR LE POLE
Un télégramme de Punta-Arcnas, 17 dé-
cembre, annonce que M. Charcot avec son
expédition, est parti pour l'Antarctique dans
d'excellentes conditions.
Bon voyage. et surtout bon retour.
LE TEMPS QU'IL FERA
Voici les prédictions des météorologistes
pour cette semaine:
Aujourd'hui lundi: matin, une petite on-
dée; soir, assez beau.
Le mardi 22: rosée le matin, mais très
beau temps le soir; très nuageux; froid.
Le mercredi 23. couvert, pluie par ondées
et averses, vent assez fort, température très
froide..
Le jeudi 24: nuageux le matin et très beau
temps dans toute la France sur le soir par
temps assez doux.
D'OU VIENT LE CHÈQUE?
Au commencement du siècle dernier, à la
faveur d'un brouillard aussi dense que per-
sistant, les vols et les attentats contre les
garçons de recette de Londres devinrent si
nombreux, que les commerçants et industriels
songèrent à se défendre.
Ils inventèrent dow le chèque, qui permet,
de sortir sans argent et supprime par là mê-
me les indiscrètes perquisitions des pickpoc-
kets. ,
Le chèque eut une destinée des plus ,heureu-
ses et triompha un peu partout, en France,
en Allemagne, en Amérique.
Dans cette affaire, les voleurs à lâ tire
perdirent 80 -
AU SENAT
LA DISCUSSION DU BUDGET DE 1909
Les derniers chapitres. — Le budget de
l'instruction publique. - Les aumôniers.
de$ lycées. — Le cours de M. Thala-
- , mas. — La loi des finances
-. Le Sénat a tenu une séance, hier diman-
che, pour hâter la fin de son examen du
budget.
Le dernier budget à examiner était celui
de 1 instruction publique, à la discussion
duquel n'a pu assister M. Maurice-Faure,
rapporteur, retenu chez lui par la mala-
die.
Le général Mercier, au milieu de l'indif-
férence générale, c'est étonné de ce que le
gouvernement ait cru pouvoir faire au
professeur Thalamas là faveur de l'appelei
à la Sorbonne. - >
M. Couyba demande que le nombre des
heures affectées à l'étude de la langue na-
tionale soit augmenté, dans les lycées, car
il est constaté qu'il est devenu insuffisant.
L'orateur se préoccupe des avantages que
la jeunesse est appelée à retirer de la diffu-
sion de renseignement technique et de son
étroit mariage avec l'enseignement théori-
que. .,'
M. de Lamarzelle dit que les engage:
ments, en ce qui concerne les services re-
ligieux à l'intérieur des lycées et collèges,
sont méconnus. ,
Le ministre de l'instruction publique ré-
pond a M. Couyba que ses craintes pour
l'enseignement du français sont exagérées.
En ce qui concerne l'observation de M. de
Lamarzelle, M. Doumergue dit que le Par.
lement, en supprimant les aumôniers, n'à
pas voulu priver les élèves qui le demn-x
deraient de l'enseignement religieux. L'au-
tonomie des lycées permet de résoudre lé
problème, les lycées ayant le droit de de-
mander une rétribution supplémentaire.
Le ministre rend hommage au corps
d'instituteurs qui font preuve dans l'exer-
cice de leur sacerdoce d'un véritable dé-
vouement.
M. Doumergue, ministre de l'instruction pu-
blique. — D'un rapprochement qu'a fait M. Riou
entre le rapport de M. Maurice Faure et celui
d'un conseiller municipal, M. Achille, il semble
résulter que l'augmentation du nombre des in-
soumis proviendrait de l'enseignement des ins-
tituteurs. Il importe de ne pas laisser subsister
ce malentendu.
Je dois déclarer que notre corps d'enstigne-
ment primaire, dans sa grande majorité, est
excellent et que, plus je le vois de près, plus
j'apprécie son dévouement.
Les instituteurs, avec un désintéressement
admirable, consacrent très souvent leurs heures
de liberté à renseignement des adultes. Dane
les œuvres de patronage, ils exercent un véri-
table sacerdoce.
M; Dominique ~DeIaIaaye. — Appelez- les des
grands-prêtres !
M. de Lamarzelle. — Sans doute laïques.
M. Dominique Delahaye. — Ajoutez maçon-
niques.
M. Doumergue. — Je ne vois aucun incon-
vénient à dire qu'ils exercent, en effet, un sa-
cerdoce laïque. La très grande majorité des
instituteurs sont tels que je viens de le dire.
S'il se trouvait quelques rares exceptions, je
n'hésite pas à déclarer que je réprimerais vigou-
reusement toutes les incartades quj viendraient
à se produire.
En le faisant, j'obéirais non pas à un senti-
ment de malveillance vis-à-vis des instituteurs,
mais au sentiment de l'intérêt que je leur porte,
au sentiment de l'intérêt même de l'enseigne-
ment.
Donc, les cas qui préoccupent M. Riou après
M. Maurice-Faure sont extrêmement rares el
je n'ai eu à faire usage de mon autorité que
dans des cas exceptionnels.
C'est un hommage que je rends à tout notre
corps enseignant de l'enseignement primaire.
Répondant au général Mercier, l'orateur
dit que c'est le conseil de l'Université qui a
donné un avis favorable à la demande de
M. Thalamas. Quant à l'émotion causée au
quartier Latin par cette nomination, il y
a un autre désir que celui de protester,
c'est celui d'empêcher les cours à la Sor-
bonne et celui de crier dans les désordres :
CI Vive le roi ! »
La discussion générale est close.
Les chapitres du budget de l'instruction
publique sont adoptés.
La loi des finances
Le Sénat procède ensuite à l'examen de la
loi des finances. L'article premier est ré-
servé.
M. Ratier demande le rétablissement de
l'article 3 voté par la Chambre, exemptant
de la taxe les Sociétés qui consacrent tout
ou partie de leur patrimoine à la construc-
tion et à la vente des maisons à bon mar-
ché.
MM. Caillaux et Poincaré demandent que
le Sénat maintienne la disjonction, car lè
texte présenté au Sénat permettrait à des
sociétés qui n'auraient aucunement la phi-
lanthropie pour objet d'obtenir, en consa.-
crant une faible partie de leurs ressources
à la construction ou à la vente d'habitations
à bon marché, une exemption d'impôts am
s'étendrait à leurs autres immeubles. -
- La disjonction est-maintenue.
- L'article 4 est rejeté et l'article 5 disjoint
Après une intervention de MM. Caillaux
et Poincaré, l'article 6 est adopté avec une
légère modification.
Le Sénat se réunira ce matin pour termi-
ner la loi des finances.
LA CRISE ORIENTALE
Les pourparlers entre la Turctule et SAq
triche. — Les relations entre les gou-
vernements autrichien et russe. -
Les incidents du boycottage
des marchandises
Vienne, 20 décembre. — Rechid bey, le
nouvel ambassadeur ottoman, arrivera ic
dans le courant de la semaine. Sa venue
est considérée comme un indice de la mar-
che favorable des négociations austro-tur-
ques. 1 .1' l't.. 'r
Dans les milieux politiques. de Vienne or
a conscience, avec une clarté croissante, de
l'importance des pourparlers actuels entre
la Turquie et l'Autriche-Hongne. Le bruit
court dans certains milieux que la Russie
serait moins favorable qu'on ne l'aurait
cru à l'idée de la conférence, qu'eUe fut
pourtant la première à proposer. Si - ces
dires sont exacts, le cabinet - de Vienne ne
se montrerait pas, sur ce projet russe,
« plus Russe que Pétersbourg », et il pour-
suivrait la conclusion des accords partiel»-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"
- Auteurs similaires
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75155999/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75155999/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75155999/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75155999/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75155999
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75155999
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75155999/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest