Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-06-21
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 juin 1889 21 juin 1889
Description : 1889/06/21 (N4444,A13). 1889/06/21 (N4444,A13).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
Lui ■ Lanterne
ADMINISTRATION. RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
IL Ob - la ue Rlcher - 19
Les articles non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PA R I 3
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 5 FR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN. 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DBF^TEMENTS
Le Numéro : 5 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX mois 11 FR.
UN AN. 20 FR.
TREIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 4444
VENDREDI 21 JUIN 1883
3 MESSIDOR — AN 97
Les commandements de Dieu
Que viennent faire ici, nous deman-
dera-t-on, les commandements de Dieu
et quel rapport cela a-t-il avec les pro-
blèmes gouvernementaux qui sont à
l'ordre du jour?
Est-ce que par hasard les susdits
commandements auraient statué sur
la question de la revision, ou sur
celle des octrois, ou sur cèlle du ser-
vice militaire de trois ans ou de cinq
ans?
Dieu, dans son immuable sagesse,
aurait-il prévu le "bouiangisme, l'or-
léanisme, le bonapartisme, le n'impor-
tequisme et tous ces fléaux qui, sem-
blables aux sept plaies d'Egypte, ron-
gent notre pauvre pays et aurait-il in-
diqué, dans ses commandements, le
remède à tous ces maux ?
A vrai dire, nous n'en savons rien,
nous qui n'avons pas été élevés sur
les genoux de l'Eglise et qui sommes
plus familiers avec la déclaration des
droits de l'homme qu'avec les émana-
tions du Très-Haut, mais, si nous de-
vons en croire un personnage qui passe
pour être un des flambeaux de la droite
orléaniste, M. Lefèvre-Pontalis, c'est
dans les commandements de Dieu et
non ailleurs qu'il faut chercher la so-
lution de toutes les grandes questions
politiques et sociales de l'heure pré-
sente. -
C'est dans l'assemblée réaction-
naire tenue, tout récemment, Ver-
sailles, que ledit Lefèvre-Pontalis, cet
inconsolableblackboulédu suffrage uni-
versel, a émis cet axiome pyramidal
que, pour en finir avec tous les maux
dont souffre la France, il suffirait que
« la législation s'inspirât des comman-
dements de Dieu ».
Vous comprenez, amis lecteurs, ce
que cela veut dire : Dieu étant repré-
senté dans notre monde sublunaire
par les ensoutanés, cela veut dire
qu'il faut nous laisser gouverner par
l'Eglise et instituer, dans sa plénitude,
le régime théocratique.
C'est dans un retour en arrière de
plusieurs siècles que le leader des
droites à Versailles voit le salut de la
France. Merci du cadeau, bonhomme.
Mais, pensera-t-on peut-être, M. Le-
fèvre-Pontalis n'a exprimé dans l'as-
semblée de Versailles que ses vues
personnelles. C'est un fanatique de
rétrogradation, qui n'a parlé que pour
lui et il n'y a aucune importance à
attacher à ses paroles.
Eh bien! ce serait une grande erreur
que d'en juger ainsi :
M. Lefèvre-Pontalis, en proposant
de faire une législation théocratique,
en attaquant avec une extrême vio-
lence la Révolution et les principes de
89, en déclarant que le seul régime
acceptable est celui qui a existé sous
la Restauration, au temps de la toute
puissance des congrégations a expri-
mé exactement, ainsi que l'ont prouvé
les applaudissements qui ont accueilli
son discours, les idées et les tendan-
ces, non seulement de son auditoire,
mais de tous les partis qui poursui-
vent le renversement de la Républi-
que.
Pour ces partis, la question monar-
chique ne vient qu'au second rang. Ce
qu'ils veulent, c'est ne rien laisser sub-
sister de l'œuvre de la Révolution et
donner la haute main à l'Eglise dans le
gouvernement de la France.
Ainsi, M. Lefèvre-Pontalis, qui est
lependant un orléaniste, n'a pas hésité,
ivec l'assentiment des orléanistes pré-
lents dans la réunion, à désavouer la
Révolution de 1830, imitant en cela le
petit-fils même de Louis-Philippe qui,
en allant se jeter aux genoux du comte
de Chambord, a renié son grand-père
et son père.
Non, il n'y a plus de parti royaliste
ou bonapartiste dans le vieux sens du
mot, il n'y a plus que le parti clérical,
lequel, s'il parvenait à s'emparer du
pouvoir ne laisserait rien subsister
des principes de 89 et livrerait la
France aux jésuites, ces vrais maîtres
de l'Eglise.
Le discours de M. Lefèvre-Pontalis,
un des individus les plus qualifiés pour
parler au nom de la réaction, son ap-
pel à une législation s'inspirant exclu-
sivement des commandements de Dieu
dissiperaient tous les doutes à cet
égard, s'il avait pu en exister encore.
La lutte dans les prochaines élec-
tions ne va pas être entre la monar-
chie et la République, elle va être en-
tre la Révolution et la théocratie, en-
tre le pouvoir civil et l'Eglise, entre
les principes de 89 et les principes du
Syllabus.
Aux électeurs de choisir.
L'INCIDENT TRARIEUX
Tapage boulangiste. — Une lettre de
démenti. — Beaucoup de bruit
pour peu.
Les boulangistes, toujours à l'affût d'une
occasion de scandale et de tapage, ne
pouvaient manquer d'exploiter à grand
fracas la misérable petite histoire qu'on
appelle « l'incident Trarieux ».
M. Trarieux, jadis député de la Gironde,
radical farouche avant son élection, op-
portuniste édulcoré quand il s'est agi
d'obtenir un sous-secrétariat, aujourd'hui
sénateur du centre gauche, fait partie de
la fameuse « commission des neuf » qui
doit faire office de juge d'instruction con-
tre M. Boulanger.
Parmi les innombrables pièces que
garde, baïonnette au canon, la force ar-
mée requise par la Haute-Cour, M. Tra-
rieux a trouvé une carte de visite, au
nom de M. Eugène L. Renault, fils de
M. Leon lienault, senateur, lequel a re-
fusé de siéger et même de voter quand
il s'est agi de constituer la Haute-Cour.
Et, « pour que le nom de M. Renault ne
traînât pas dans cette affaire », M. Tra-
rieux a cru devoir retirer cette carte du
dossier, et l'envoyer à M. Léon Renault.
Il y a sur la correspondance qui a ac-
compagné cet envoi, plusieurs versions.
Naturellement, les journaux boulangis-
tes ont fait de cette vétille toute une tra-
gédie. M. Renault lils, boulangiste insurgé
contre la tyrannie paternelle, aurait écrit
à M. Trarieux. Bref, M. Le Hérissé compte
foudroyer le gouvernement et la Haute-
Cour des feux de son éloquence. C'est
samedi que nous assisterons à cette pe-
tite fête.
On lira plus loin la lettre de démenti
et de désaveu que M. Eugène Renault
adresse aux journaux boulangistes.
C'est beaucoup de bruit pour peu de
chose.
Non pas que nous approuvions M. Tra-
rieux. Des juges, surtout des juges d'ex-
ception, poursuivant une procédure où
la réserve, la prudence, la correction
sont des devoirs stricts, n'ont point le
droit de diveitir, si peu importantes
soient-elles, les pièces à conviction. Cette
légèreté sénatoriale ne nous étonne ce-
pendant pas beaucoup de la part de M.
Trarieux dont l'opportunisme s'est ré-
vélé comme aussi fougueux qu'inconsi-
déré. Mais l'incorrection de M. Trarieux
n'a point, tant s'en faut, les proportions
d'un événement et il faut l'impudence
menteuse et tapageuse des boulangistes
pour faire une grosse affaire de cette
ineptie.
Les détails de l'incident
Voici, d'ailleurs, les détails de l'inci-
dent :
Un journal boulangiste annonçait à
grand renfort de trompettes que M. Léon
Renault, sénateur, avait reçu la lettre
suivante :
Mon cher collègue,
On a trouve cette carte de votre fils dans
les papiers saisis au cours des perquisitions
faites par la Haute Cour.
Je vous la retourne pour que votre nom ne
traîne pas dans ce procès.
Dites à votre fils de ne plus recommencer.
Signé : TRARIEUX.
A cette lettre était jointe la carte sai-
sie dans la perquisition chez Mme Bec-
ker, carte de visite portant quelques
mots de félicitation à l'adresse de M. Bou-
langer.
Les boulangistes. naturellement, ont
dé suite accusé le président de la com-
mission d'instruction de la Haute-Cour
de détournements de pièces.
Ils ajoutaient que M. Renault fils, s'é-
tait empressé de répondre à M. Trarieux
par la lettre suivante :
Monsieur le Sénateur,
Mon père m'a dit l'excellent procédé que
vous avez eu à mon endroit.
Il part d'un très bon naturel dont je ne
peux que vous féliciter.
Mais je dois vous prévenir que J'ai eu de
fréquentes occasions d'écrire au général
Boulanger, et comme il pourrait vous tom-
ber d autres cartes ou lettres de moi sous
.les yeux,je vous avertis charitablement que
vous pouvez les garder et vous éviter la
peine de me les renvoyer.
Agréez, etc. LÉON RENAULT fils.
Interrogé par un de nos confrères M.
Léon Renault père a déclaré qu'on attri-
buait à son fils des propos inexacts et des
lettres qu'il n'avait jamais écrites.
M. Léon Renault a ajouté que son fils
avait d'ailleurs adressé hier matin à M.
Le Hérissé la lettre rectificative que
voici :
Cher monsieur,
Les propos, un peu irréfléchis d'ailleurs,
que j'ai tenus et qui ont amené l'article que
la Cocarde a publié hier soir ont été singu-
lièrement exagérés et inexactement rappor-
tés.
Je ne me doutais pas de l'interprétation
qui pouvait leur être donnée, et je remplis
un devoir en rétablissant la vérité.
Jamais mon père n'a reçu de M. Trarieux
une lettre semblable à celle qui a été publiée
par la Cocarde.
Quant à la lettre que j'aurais adressée à
M. Trarieux, et dont un résumé se rencontre
dans un grand nombre de journaux parus ce
matin, je la désavoue formellement n'ayant
rien écrit à M. Trarieux.
Je vous prie, cher monsieur, de vouloir
bien insérer cette lettre dans la Cocarde de
ce soir, et je vous prie de croire à mes meil-
leurs et plus affectueux sentiments.
Eugène RENAULT.
M. Eugène Renault, après avoir écrit
cette lettre, en a, paraît-il, adressé une
autre dans la soirée à M. Le Hérissé pour
lui dire qu'il n'avait jamais entendu met-
tre en doute, quant au fond le récit fait
le premier jour par le journal boulan-
giste.
M. Eugène Renault, qui est d'ailleurs
un peu jeune, manque légèrement de
sérieux dans toute cette affaire.
Cela ne nous étonne pas qu'il soit bou-
langiste.
COftVENTIQAI AVEC LA ROUMANIE
Bucharest, 19 juin. — La Chambre a
voté la convention franco-roumaine pour
la protection des marques de fabrique.
LE 20 JUIN 1189
LE SERMENT DU JEU DE PAUME
Attitude de la noblesse. — Le clergé
négocie. — L'assemblée nationale.
- La représentation de la
France dans la rue.
Convoqués par la monarchie aux abois,
les Etats généraux, composés des repré-
sentants de la noblesse, du clergé et du
Tiers, s étaient réunis à Versailles le
5 mai - 17b9.
Dès les premiers jours, un profond dis-
sentiment éclata parmi ces délégués des
diverses classes de la nation, A l'occa-
sion de la vérification des pouvoirs, la
question se posa de savoir si les délibé-
rations auraient lieu par ordre ou par
tète. Grave question de la solution de la-
quelle dépendait, on peut le dire, toute
la Révolution.
Si l'on délibérait par ordre, c'est-à-dire
chaque ordre ayant une voix quel que
fût le nombre de ses mandants, les deux
ordres privilégiés, la noblesse et le
clergé, les moins nombreux, se se-
raient coalisés contre le Tiers et auraient
annulé toutes ses résolutions.
Si l'on délibérait par tête, c'est-à-dire,
en assemblée piéniére des trois ordres,
c était la prépondérance assurée, contre
la noblesse et le clergé, au Tiers qui, à
lui seul, comptait un nombre de membres
égal à celui des deux autres ordres.
Linterêt en jeu étant, comme on le
voit, considérable, les hostilités commen-
cèrent aussitôt. Très respectueusement,
mais très fermement, le Tiers invita le
clergé et la noblesse à se réunir avec lui
pour vérifier ensemble les pouvoirs des
députés. Par vanité, et dans un sentiment
instinctif de défense personnelle, la no-
blesse refusa net. Plus souple, moins
porté aux résolutions extrêmes, essen-
tiellement ami des transactions hypo-
crites qui ménagent les intérêts spiri-
tuels en sauvegardant les intérêts tem-
porels, le clergé ne dit ni oui ni non et
se tint sur la réserve, voyant venir, flai-
rant le vent, prêt à se porter au moment
opportun du côté du manche.
Représentant de l'immense majorité de
la nation qui l'appuyait énergiquement,
le Tiers, après cette invitation adressée
pour la forme aux deux autres ordres,
commença immédiatement à vérifier ses
pouvoirs et mena rondement la discus-
sion.
Entre temps, pour n'avoir rien à se re-
procher et aussi par prudence, car il fal-
lait éviter de mettre les torts de son
côté, il envoyait délégations sur déléga-
tions aux autres ordres pour les engager
à se joindre a lui.
La noblesse se défendait toujours, ré-
pugnant à l'idée de se commmettre avec
des roturiers qui, d ailleurs, professaient
des idées quelle jugeait étrangement
hardies; le clergé se désagrégeait peu
a peu et manuestait lintention de passer
à l'ennemi, un grand nombre de ses
membres appartenant au bas clergé qui
soutirait alors autant que la roture des
exactions de la royauté et de la noblesse.
L'Assemblée nationale
Le Tiers, délibérant toujours isolé, avait
terminé la vérification de ses pouvoirs ;
en attendant que les autres ordres vins-
sent à lui, il prit spontanément des réso-
lutions imliortantes.
Il se constitua en Assemblée natio-
nale. A un siècle de distance, cela n'a
l'air de rien : c'était tout alors; c'était la
nation émergeant subitement du chaos
du moyen-âge et se posant devant 'la
royaute expirante en lui disant : A nous
deux, maintenant!
Par une autre délibération non moins
hardie et aussi efficace, le Tiers, veillant
aux droits de la nation et à sa défense, dé-
clara que toutes les impositions existan-
tes étaient inégalés, qu'elles continue-
raient cependant à être perçues dans les
mêmes formes, à moins que l'Assemblée
nationale ne fût brusquement dissoute ;
auquel cas le peuple aurait le droit et le
devoir de refuser l'impôt.
La royauté et la noblesse n'en reve-
naient pas de surprise et d'indignation.
Le clergé aussi surpris, mais moins indi-
gné, se disait : la puissance est du côté
du Tiers ; allons-y.
Et de fait il y allait; ces résolutions
avaient été votées aux applaudissements
enthousiastes de la nation qui se voyait
enfin maîtresse d'elle-même, le 17 juin
1789. Dès le lendemain, le clergé annon-
çait qu'il se joindrait au Tiers dans sa
séance du 20 juin.
A cette nouvelle, la noblesse se sentant
débordée assaillit le roi de ses instances
pour le décider à empêcher cette réunion
qui devait consacrer le triomphe du
Tiers.
Cédant par ennui, et sans bien se ren-
dre compte, plutôt qu'en vertu d'un plan
que son esprit faible et débonnaire était
incapable d arrêter, le roi donna l'ordre
de fermer la salle où devait avoir lieu
cette réunion, sous prétexte de l'aména-
ger pour une séance royale des Etats gé-
néraux qu'il se proposait de tenir le
22 juin.
Le 20 juin
Aussi le 20 juin, au matin, lorsque
Bailly, le président du Tiers, où pour
mieux dire de 1 Assemblée nationale, se
présenta à l'entrée principale de la salle
où il se rendait à son poste pour ouvrir
la séance, il trouva la porte close et gar-
dée par un détachement militaire.
L'officier de garde, appelé par Bailly et
somme de lui livrer passage, déclare qu'il
a l'ordre de ne laisser pénétrer per-
sonne.
Bailly proteste contre l'obstacle maté-
riel qui lui est opposé, et se retournant
vers la foule des députés qui, arrivant
successivement, se tenaient groupés der-
rière lui, déclare la séance tenante.
Et alors, en plein air, on délibère con-
fusément sur la situation faite aux re-
présentants de la nation souveraine.
Bientôt les esprits s'échauffent. Dans le
peuple accouru de Paris et entourant ses
députés, les motions les plus diverses se
produisent accompagnées des commen-
taires les plus alarmants. On se dit :
Allons à Marly où le roi s'est caché, et
que la séance se tienne dans le château
même qui abrite le despotisme. — Le
gouvernement veut amener la guerre ci-
vile pour dissoudre l'Assemblée. — La
disette est partout, l'Assemblée allait y
remédier et on veut l'empêcher de sié-
ger. — Allons sur la place d'armes, c'est
là que nous tiendrons le Champ de Mai.
Au Jeu de Paume
Mais une rumeur se fait entendre : on
annonce que, sur la proposition du doc-
teur Guillotin - l'inventeur du sinistre
instrument qui porte son nom — on va
se rendre au Jeu de Paume.
La foule s'ébranle : on s'encourage en
marchant, on promet de résister aux en-
treprises de la royauté, jusqu'à la mort.
On arrive : le propriétaire du Jeu re-
çoit avec joie les mandataires de la na-
tion. Deux députés sont placés à la porte
pour empêcher la foule d'entrer.
Avertis, les gardes de la prévôté vien-
nent offrir de continuer le service comme
dans la salle ordinaire. L'offre de,ces sol-
dats citoyens, — deux mots qui se ren-
contrent alors pour la première fois —
est acceptée avec transport.
Les députés remplissent la piste de ce
gymnase, construit, suivant les expres-
sions d'un contemporain, pour de frivo-
le exercices et devenu l'asile de la li-
berté. On offre un fauteuil à Bailly. Il le
réluse en disant que le président ne sau-
rait rester assis quand l'élite. de la na-
tion est debout. La séance est ouverte.
Bailly expose la situation et met en dé-
libération le parti qu'il faut prendre.
Un conseil de l'abbé Siéyès
Dans un coin quelques députés, de ceux
que ion désigne déjà comme les plus
avancés, écoutent un de leurs collègues
au regard fuyant bien que pétillant de
feu, qui leur parie en scandant chacune
de ses paroles d un geste saccadé.
C'est ciéyès, l abbe biéyès, la plus forte
tête de la Révolution s'il en fut le carac-
tère le plus timide, qui jugeant, dans une
de ces vues de génie qui lui étaient alors
surtout familières/tout le parti que l'on
peut tirer de la situation leur dit : « A
Paris! allons à Paris, dans cet ardent
foyer de la Révolution et plaçons-nous
sous la sauvegarde du peuple. »
Si le conseil de Siéyès eût été suivi,
l'histoire changeait peut-être de face, la
Révolution se lût peut être accomplie en
quelques jours et n'eût pas connu les ef-
froyables épreuves qui 1 attendaient,
Instruits de ce projet, les habiles, les
opportunistes du temps comprirent que
si 1 Assemblée allait à Paris, le peuple
entrait immédiatement en scène, et le
mouvement, qu ils prétendaient retenir
dans la sphère de leurs intérêts allait
leur échapper.
Le serment
Parant à ce danger, l'un d'eux, Mou-
nier, s'empressa de faire une proposition
éloquente propre à énerver l'action de
l'Assemblée dans le fracas des paroles
retentissantes.
Il dit que dans les circonstances, les re-
présentants de la nation doivent se lier
au salut public et aux intérêts de la pa-
trie par un serment solennel.
Un cri unanime se fait entendre, et
l'Assemblée prend un arrêté aux termes
duquel elle déclare qu'elle ne se séparera
pas tant qu'elle n aura pas donné au pays
une Constitution et que rien ne pourra
empêcher ses délibérations en quelque
lieu qu elle soit forcée de s'établir.
Toutes les mains se lèvent pour prêter
ce serment.
Bailly réclame, comme président, l'hon-
neur de jurer le premier. Un silence
religieux s'établit, et au dehors le peu-
ple qui se presse autour du Jeu de Paume
entend la voix grave du président pro-
noncer la formule qui contient cette pre-
mière et définitive affirmation de la sou-
veraineté nationale.
Tous les députés signent l'arrêté solen-
nel qui vient d être pris. Tous, sauf un
seul : l'histoire a retenu son nom. Il s'ap-
pelait Martin, d'Auch ^dubaillage de Cas-
telnauaary). Lorsque l un des secrétaires
annonce qu'il y a un opposant, un long
cri de réprobation s'élève. Bailly impose
le silence et invite l'assemblée a enten-
dre les raisons ds Martin.
Après quelques balbutiements de ce
malheureux, il est décidé qu'on laissera
sa signature sur ie registre pour prouver
la liberté des opposants.
Après ce grand exemple l'assemblée
se sépare et s'ajourne au 22 pour la
séance royale.
Tel fut cette journée ; la seconde' qui,
suivant l'expression de Bailly dans ses
mémoires doit-être inscrite dans les fas-
tes de la nation.
Journée mémorable qui consacra par
une manifestation solennelle la déchéance
du pouvoir absolu.
Désormais, il n'y eut plus d'autre sou-
verain en France que la nation elle-
même.
Mais Siéyès n'avait pas été écouté : il
fallut défendre cette nouvelle souverai-
neté. Ce fut le peuple qui s'en chargea
au 11 juillet.
A VERSAILLES
La fête du 20 juin
Trois ministres, MM. Faye, Spuller et
Constans, représenteront aujourd hui le
gouvernement à la fête organisée à Ver-
sailles, en commémoration du serment du
Jeu de Paume.
Les ministres partiront à trois heures,
par la gare Montparnasse, et arriveront
a Versailles à quatre heures.
M. Bargetton, préfet de Seine-et-Oise,
et le maire de Versailles, recevront les
ministres à la gare et les conduiront à
l'Hôtel de Ville.
Le cortège officiel se rendra ensuite à
la salle du Jeu-de-Paume.
M. de Lafayette souhaitera la bienve-
nue aux ministres, et M. Thévenet ré-
pondra au nom du gouvernement.
Au banquet de trois cent cinquante
couverts qui sera servi à huit heures,
trois discours seront prononcés.
A neuf heures, il y aura réception ou-
verte à l'Hôtel de Ville.
Le SUPPLÉMENT LI.TTÉRAIRE
ILLUSTRE de La Lanterne parait deux
fois par semaine, les MARDI et VBNDUDI,
LA CHAMBRE
DISCUSSION DU BUDGET
Le budget des beaux-arts. — La ques-
tion de l'Opéra-Comique. — Les
subventions. — Décoration du
Panthéon. - La guerre.
M. de Lamarzelle débute par une ques-
tion au ministre de l'instruction publique.
Il voudrait savoir pourquoi la grammaire
Uacosta a été imposée dans les écoles
par une circulaire spéciale adressée aux
instituteurs de la Seine.
Le ministre répond que cet ouvrage fi-
gurait sur la liste officielle, et que la loi
n'a été violée en rien.
On passe ensuite au budget des beaux.
drts. Il a été voté tel que la commission
le présentait après quelques discours
touchant des points particuliers.
M. Mesureur demande que le gouver-
nement veuille bien faire part de ses in-
tentions en ce qui touche l'Opéra-Comi-
que.
- Un premier projet comportant l'ouver-
ture d'un concours avait été voté par la
Chambre. Le Sénat l'ayant repoussé, M.
Mesureur estime que le plus simple se-
rait de reconstruire ce théâtre sur l'em-
placement qu'il occupait antérieurement.
M. Fallières répond que dans quarante-
huit heures il aura déposé un rapport qui
donnera satisfaction à tout le inonde.
Les théâtres
M. Michou réclame la suppression de
la subvention accordée aux théâtres na-
tionaux. Pour lui, c'est faire acte de mau-
vaise administration budgétaire que de
douner au peuple le superflu lorsqu'il
manque du nécessaire. Que ceux qui veu-
lent aller au spectacle payent ce plaisir
de leurs propres derniers ; nous n'avons
pas, nous, à donner trois-cent mille francs
pour les danseuses de l'Opéra. Leur sueur
est bien moins intéressante que celle des
ouvriers des mines.
Nous connaissons cette théorie ; M. Mi-
chou la développe vraiment trop à la
bonne franquette et M.Maret, rapporteur,
a beau jeu pour lui répondre que la ques-
tion est plus haute. Un pays comme le
nôtre se doit à lui-même de ne pas liar-
der avec sa gloire artistique.
Bien entendu, la proposition Michou,
toute économiqne qu'elle soit, est re-
poussée.
Le Panthéon
M. Maurice Faure (chap. 18, travaux
d'art), demande que l'administration des
beaux-arts s'inspire de sentiments répu-
blicains dans la décoration du Panthéon,
et confie les panneaux, actuellement vi-
des, à des peintres décidés à traiter des
sujets rappelant la Révolution,
M. Larroumet, commissaire du gouver-
nement, a répondu qu'une commission
avait été chargée d'étudier la question et
qu'elle s'inspirait justement des idées
préconisées par M. Faure.
Cette commission, dit-il, a pensé avec nous
qu'il n'y avait pas lieu d'opposer une déco-
ration à une autre, car nous avons considéré
que l'histoire religieuse et monarchique était
une partie de l'histoire de notre pays, et tan-
dis que syr les murs la peinture a repré-
senté celle de sainte Geneviève, de saint
Louis, de Charlemagne, la sculpture sera
chargée de reprendre notre histoire à l'épo-
que où s'est arrêtée la peinture. Sous les
quatre piliers du dôme seront représentés,
par des groupes de statues, le moyen âge, la
Henaissanco, le XVlI* siècle, le XVlil*; deux
grands tombeaux seront consacrés à Voltaire
et à - Rousseau, dont les cendres ont cessé,
vous savez dans quelles circonstances, de
reposer au Panthéon.
Un autre monument sera consacré à Des-
cartes. et les deux bras de la croix seront
attribués à Mirabeau et à Victor Hugo. Tout
autour, des statues individuelles personni-
fiant les idées abstraites des bas-reliefs :
les grands hommes de la Révolution grou-
pés autour de Mirabeau, ceux de l'époque
romantique autour de Victor Hugo, etc.
Versailles et le Louvre
M. Barouille fait appel à la sollicitude
du ministre pour qu'il donne l'ordre de
nettoyer et bichonner les statues de Ver-
sailles et de Trianon qui, depuis le grand
Roy, sont dans le marasme.
M. Fallières lui répord qu'on est jus-
tement en train de les débarbouiller, sur
quoi M. Barouille se déclare satisfait.
M. d'Ailliéres s'étonne que des machi-
nes à vapeur soient installées dans les
sous-sols du Louvre ; c'est une menace
permanente pour nos collections artis-
tiques.
M. Fallières — qui décidément a ré-
ponse à tout — lui déclare, le sourire aux
lèvres, que l'on est au moment même où
il monte à la tribune, occupé à démonter
les machines qui donnent, avec juste rai-
son d'ailleurs, tant d'inquiétude à M.
d'Aillières.
Le budget de la guerre
M. de Martimprey prend le premier la
parole sur le budget du ministère de la
guerre. Critique insignifiante.
On vote les douze premiers articles
sans aUtre encombrement que cette con-
férence sans intérêt.
AUTOUR DES CHAMBRES
Une question
M. Anatole tfe la Forge a prévenu
M. Constans qu'il désirait lui adresser
une question au sujet du régime auquel
sont soumis les détenus politiques à la
prison de Sainte-Pélagie.
M. Constans accepte la question pour
vendredi.
Une interpellation
M. Le Hérissé, député boulangiste, an-
nonçait hier dans les couloirs, qu'il re-
remettait à samedi l'interpellation qu'il
comptait adresser au garde des sceaux
au sujet de l'incident Trarieux-Léon Re-
nault.
Le Panama
La commission de Panama s'est consti-
tuée hier. Elle a nommé M. Jules Roche,
président et M. Gaudin de Villaine, se-
crétaire
L'exposé de l'opinion des commissaires
a permis de constater que la commission
était unanime à reconnaître la nécessité
de sauvegarder l'entreprise et l'épargna
française. Il n'y a divergence que sur les
voies et moyens.
La commission a décidé d'entendre la
liquidateur de la Société et le ministre
des finances.
La loi militaire
Aujourd'hui le Conseil des ministres
délibérera sur la situation qui est faite
au projet de recrutement de l'armée par
suite des délibérations de la commission
mixte et par l'application de l'article t"
du règlement de la Chambre. On peusé
que le gouvernement demandera It la
Chambre de mettre à son ordre du jour
le projet de loi sur le recrutement.
LA FÊTE DU PARC-BOHCEAB
Les invitations
C'est ce soir qu'aura lieu la fête donnée
au Parc-Monceau par la municipalité de
Paris.
A combien s'élève le nombre des invi~
tations ?
Le syndic du Conseil municipal pour-
rait seul nous renseigner à ce sujet ; lEi
service fait à la presse a été des plus
mesquins, il est probable que si les jour-
nalistes habitaient le quartier dont M.
Mayer, le syndic, est le conseiller muni'-
cipal, les invitations leur eussent été
moins marchandées.
Il ferait bon à l'avenir que le Conseil
municipal chargeât une commission do
la répartition des cartes, et n'abandon,..
nât pas ce soin au bon plaisir de M. 10-
syndic. -
m. NUMA GILLY -
Des excuses. — Désistement de M. La?
lande.
La Gironde publie la lettre suivante d"
M. Armand Lalande, député de la Gl
ronde :
Cher monsieur,
M. Numa Gilly, contre lequel j'avais intenté
un procès en diffamation, m'a fait demandes
d'y renoncer en m'offrant de m'adresser une
lettre d'excuses.
J'ai accepté et vous envoie copie de cettCt:
lettre.
Agréez, etc., etc.
Signé : LALANDE*
Voici la lettre de M. Gilly :
Paris, 18 juin.
Monsieur.
Au moment d'engager les débat du procès
due vous m'avez intenté à raison des impu-
fations que renferme sur votre compte la
livre intitulé : Mes dossiers (dont J'ai toujours
d'ailleurs récusé la paternité), imputations
que vous avez jugées diffamatoires, j'ai prie
mon avocat M* Puech d'avoir un entretien.
avec le vôtre, M* Trarieux, sénateur, dans le
but de m'éclairer sur l'attitude que je devais
prendre.
Il résulte de l'examen des pièces d'une va-
leur indiscutable qui ont été communiquées
par votre avocat au mien que les accusations
formulées contre vous dans ce livre, sur des
d nonciations auxquelles on avait eu tort
d'ajouter foi, sont absolument dénuées de
fondement.
Bien éclairé aujourd'hui sur l'injustice dea
attaques dont vous vous êtes plaint, je ne
puis que déplorer d'y avoir laissé attaches
mon nom.
Il ne saurait m'en coûter de vous exprimer
mes très sincères regrets.
J'espère que vous trouverez, dans ces fran-
ches explications, une satisfaction suffisante
et que vous renoncerez à un procès qui me
semble sans intérêt pour vous.
Veuillez agréer, monsieur, l'assurance de
ma considération distinguée.
NDMA GILLY
député du Gard.
M. Numa Gilly trouve qu'il a été assea.
condamné et demande grâce.
A L'HOTEL DE VILLE
Les voitures de place. — Nouveau
tarif. — Proposition Strauss. -
Secours de loyers.
La séance débute par un éloge funèbre
de M. Cernesson, député de la Côte-d Or,
ancien président du Conseil municipal,
prononcé par M. Chautemps.
Une délégation du Conseil assistera
aux obsèques qui auront lieu dans la
Côte-d'Or.
M. Lopin n'est pas satisfait du mode
d'exploitation du chemin de fer Decau-
ville à l'Exposition. L'honorable M. Al-
phand, directeur des travaux, répliqua
que des instructions ont été données
pour que cette ligne soit prolongée d,
bref délai jusqu'à son point terminus,
c'est-à-dire jusqu'à l'Ecole militaire par
l'avenue de Sunren.
Voitures de place
M. Viguier a lu son rapport sur un nou-
veau tarif des voitures de place.
Le rapporteur s est préoccupé surtout
de mettre d'accord le public et le cocher
et il a laissé à celui-là le choix entre les
deux systèmes en présence, c'est-à-dire
le tarif horaire et le tarif kilométrique.
A ce tarif de M. Viguier, l'honorable M.
Lyon-Alemand dépose un amendement
tendant à ce que ce tarif ne soit mis en
vigueur que lorsque les cochers seront
payés à la journée, et que le paiement à
la moyenne ne leur sera pas imposé.
M. Hervieux, lui, trouve que le tarif
sera impraticable.
M. Desprès y voit une augmentation
des prix actuellement en vigueur.
M. Ferdinand Duval approuve le tarif
kilométrique, mais il ne voit pas pour-
quoi on adopterait le tarif horaire puis-
que personne ne se plaint des prix ac-
tuels.
Le préfet de la Seine est d'avis qu'il
faut ajourner toutes les solutions qui sont
subordonnées, soit à l'adoption d'un
compteur, soit à un plan indicatif des
distances et se borner pour le moment à
quelque chose de simple, c est-à-dire une
meilleure application du tarif actuel sans
faire payer plus cher après qu'avant.
M. Strauss propose qu'on n'apporte au-
cune modification au tarif pour le mo-
ment et qu'on attende que toutes les Toi-
tures soient pourvues de compteras. M.
Strauss fixe un maximum do aux lMis
pour cette innovation.
A cette époque, le public pcarra cbIt-
sir entre les deux tarifs soumis par M*
ADMINISTRATION. RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
IL Ob - la ue Rlcher - 19
Les articles non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PA R I 3
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 5 FR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN. 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DBF^TEMENTS
Le Numéro : 5 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX mois 11 FR.
UN AN. 20 FR.
TREIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 4444
VENDREDI 21 JUIN 1883
3 MESSIDOR — AN 97
Les commandements de Dieu
Que viennent faire ici, nous deman-
dera-t-on, les commandements de Dieu
et quel rapport cela a-t-il avec les pro-
blèmes gouvernementaux qui sont à
l'ordre du jour?
Est-ce que par hasard les susdits
commandements auraient statué sur
la question de la revision, ou sur
celle des octrois, ou sur cèlle du ser-
vice militaire de trois ans ou de cinq
ans?
Dieu, dans son immuable sagesse,
aurait-il prévu le "bouiangisme, l'or-
léanisme, le bonapartisme, le n'impor-
tequisme et tous ces fléaux qui, sem-
blables aux sept plaies d'Egypte, ron-
gent notre pauvre pays et aurait-il in-
diqué, dans ses commandements, le
remède à tous ces maux ?
A vrai dire, nous n'en savons rien,
nous qui n'avons pas été élevés sur
les genoux de l'Eglise et qui sommes
plus familiers avec la déclaration des
droits de l'homme qu'avec les émana-
tions du Très-Haut, mais, si nous de-
vons en croire un personnage qui passe
pour être un des flambeaux de la droite
orléaniste, M. Lefèvre-Pontalis, c'est
dans les commandements de Dieu et
non ailleurs qu'il faut chercher la so-
lution de toutes les grandes questions
politiques et sociales de l'heure pré-
sente. -
C'est dans l'assemblée réaction-
naire tenue, tout récemment, Ver-
sailles, que ledit Lefèvre-Pontalis, cet
inconsolableblackboulédu suffrage uni-
versel, a émis cet axiome pyramidal
que, pour en finir avec tous les maux
dont souffre la France, il suffirait que
« la législation s'inspirât des comman-
dements de Dieu ».
Vous comprenez, amis lecteurs, ce
que cela veut dire : Dieu étant repré-
senté dans notre monde sublunaire
par les ensoutanés, cela veut dire
qu'il faut nous laisser gouverner par
l'Eglise et instituer, dans sa plénitude,
le régime théocratique.
C'est dans un retour en arrière de
plusieurs siècles que le leader des
droites à Versailles voit le salut de la
France. Merci du cadeau, bonhomme.
Mais, pensera-t-on peut-être, M. Le-
fèvre-Pontalis n'a exprimé dans l'as-
semblée de Versailles que ses vues
personnelles. C'est un fanatique de
rétrogradation, qui n'a parlé que pour
lui et il n'y a aucune importance à
attacher à ses paroles.
Eh bien! ce serait une grande erreur
que d'en juger ainsi :
M. Lefèvre-Pontalis, en proposant
de faire une législation théocratique,
en attaquant avec une extrême vio-
lence la Révolution et les principes de
89, en déclarant que le seul régime
acceptable est celui qui a existé sous
la Restauration, au temps de la toute
puissance des congrégations a expri-
mé exactement, ainsi que l'ont prouvé
les applaudissements qui ont accueilli
son discours, les idées et les tendan-
ces, non seulement de son auditoire,
mais de tous les partis qui poursui-
vent le renversement de la Républi-
que.
Pour ces partis, la question monar-
chique ne vient qu'au second rang. Ce
qu'ils veulent, c'est ne rien laisser sub-
sister de l'œuvre de la Révolution et
donner la haute main à l'Eglise dans le
gouvernement de la France.
Ainsi, M. Lefèvre-Pontalis, qui est
lependant un orléaniste, n'a pas hésité,
ivec l'assentiment des orléanistes pré-
lents dans la réunion, à désavouer la
Révolution de 1830, imitant en cela le
petit-fils même de Louis-Philippe qui,
en allant se jeter aux genoux du comte
de Chambord, a renié son grand-père
et son père.
Non, il n'y a plus de parti royaliste
ou bonapartiste dans le vieux sens du
mot, il n'y a plus que le parti clérical,
lequel, s'il parvenait à s'emparer du
pouvoir ne laisserait rien subsister
des principes de 89 et livrerait la
France aux jésuites, ces vrais maîtres
de l'Eglise.
Le discours de M. Lefèvre-Pontalis,
un des individus les plus qualifiés pour
parler au nom de la réaction, son ap-
pel à une législation s'inspirant exclu-
sivement des commandements de Dieu
dissiperaient tous les doutes à cet
égard, s'il avait pu en exister encore.
La lutte dans les prochaines élec-
tions ne va pas être entre la monar-
chie et la République, elle va être en-
tre la Révolution et la théocratie, en-
tre le pouvoir civil et l'Eglise, entre
les principes de 89 et les principes du
Syllabus.
Aux électeurs de choisir.
L'INCIDENT TRARIEUX
Tapage boulangiste. — Une lettre de
démenti. — Beaucoup de bruit
pour peu.
Les boulangistes, toujours à l'affût d'une
occasion de scandale et de tapage, ne
pouvaient manquer d'exploiter à grand
fracas la misérable petite histoire qu'on
appelle « l'incident Trarieux ».
M. Trarieux, jadis député de la Gironde,
radical farouche avant son élection, op-
portuniste édulcoré quand il s'est agi
d'obtenir un sous-secrétariat, aujourd'hui
sénateur du centre gauche, fait partie de
la fameuse « commission des neuf » qui
doit faire office de juge d'instruction con-
tre M. Boulanger.
Parmi les innombrables pièces que
garde, baïonnette au canon, la force ar-
mée requise par la Haute-Cour, M. Tra-
rieux a trouvé une carte de visite, au
nom de M. Eugène L. Renault, fils de
M. Leon lienault, senateur, lequel a re-
fusé de siéger et même de voter quand
il s'est agi de constituer la Haute-Cour.
Et, « pour que le nom de M. Renault ne
traînât pas dans cette affaire », M. Tra-
rieux a cru devoir retirer cette carte du
dossier, et l'envoyer à M. Léon Renault.
Il y a sur la correspondance qui a ac-
compagné cet envoi, plusieurs versions.
Naturellement, les journaux boulangis-
tes ont fait de cette vétille toute une tra-
gédie. M. Renault lils, boulangiste insurgé
contre la tyrannie paternelle, aurait écrit
à M. Trarieux. Bref, M. Le Hérissé compte
foudroyer le gouvernement et la Haute-
Cour des feux de son éloquence. C'est
samedi que nous assisterons à cette pe-
tite fête.
On lira plus loin la lettre de démenti
et de désaveu que M. Eugène Renault
adresse aux journaux boulangistes.
C'est beaucoup de bruit pour peu de
chose.
Non pas que nous approuvions M. Tra-
rieux. Des juges, surtout des juges d'ex-
ception, poursuivant une procédure où
la réserve, la prudence, la correction
sont des devoirs stricts, n'ont point le
droit de diveitir, si peu importantes
soient-elles, les pièces à conviction. Cette
légèreté sénatoriale ne nous étonne ce-
pendant pas beaucoup de la part de M.
Trarieux dont l'opportunisme s'est ré-
vélé comme aussi fougueux qu'inconsi-
déré. Mais l'incorrection de M. Trarieux
n'a point, tant s'en faut, les proportions
d'un événement et il faut l'impudence
menteuse et tapageuse des boulangistes
pour faire une grosse affaire de cette
ineptie.
Les détails de l'incident
Voici, d'ailleurs, les détails de l'inci-
dent :
Un journal boulangiste annonçait à
grand renfort de trompettes que M. Léon
Renault, sénateur, avait reçu la lettre
suivante :
Mon cher collègue,
On a trouve cette carte de votre fils dans
les papiers saisis au cours des perquisitions
faites par la Haute Cour.
Je vous la retourne pour que votre nom ne
traîne pas dans ce procès.
Dites à votre fils de ne plus recommencer.
Signé : TRARIEUX.
A cette lettre était jointe la carte sai-
sie dans la perquisition chez Mme Bec-
ker, carte de visite portant quelques
mots de félicitation à l'adresse de M. Bou-
langer.
Les boulangistes. naturellement, ont
dé suite accusé le président de la com-
mission d'instruction de la Haute-Cour
de détournements de pièces.
Ils ajoutaient que M. Renault fils, s'é-
tait empressé de répondre à M. Trarieux
par la lettre suivante :
Monsieur le Sénateur,
Mon père m'a dit l'excellent procédé que
vous avez eu à mon endroit.
Il part d'un très bon naturel dont je ne
peux que vous féliciter.
Mais je dois vous prévenir que J'ai eu de
fréquentes occasions d'écrire au général
Boulanger, et comme il pourrait vous tom-
ber d autres cartes ou lettres de moi sous
.les yeux,je vous avertis charitablement que
vous pouvez les garder et vous éviter la
peine de me les renvoyer.
Agréez, etc. LÉON RENAULT fils.
Interrogé par un de nos confrères M.
Léon Renault père a déclaré qu'on attri-
buait à son fils des propos inexacts et des
lettres qu'il n'avait jamais écrites.
M. Léon Renault a ajouté que son fils
avait d'ailleurs adressé hier matin à M.
Le Hérissé la lettre rectificative que
voici :
Cher monsieur,
Les propos, un peu irréfléchis d'ailleurs,
que j'ai tenus et qui ont amené l'article que
la Cocarde a publié hier soir ont été singu-
lièrement exagérés et inexactement rappor-
tés.
Je ne me doutais pas de l'interprétation
qui pouvait leur être donnée, et je remplis
un devoir en rétablissant la vérité.
Jamais mon père n'a reçu de M. Trarieux
une lettre semblable à celle qui a été publiée
par la Cocarde.
Quant à la lettre que j'aurais adressée à
M. Trarieux, et dont un résumé se rencontre
dans un grand nombre de journaux parus ce
matin, je la désavoue formellement n'ayant
rien écrit à M. Trarieux.
Je vous prie, cher monsieur, de vouloir
bien insérer cette lettre dans la Cocarde de
ce soir, et je vous prie de croire à mes meil-
leurs et plus affectueux sentiments.
Eugène RENAULT.
M. Eugène Renault, après avoir écrit
cette lettre, en a, paraît-il, adressé une
autre dans la soirée à M. Le Hérissé pour
lui dire qu'il n'avait jamais entendu met-
tre en doute, quant au fond le récit fait
le premier jour par le journal boulan-
giste.
M. Eugène Renault, qui est d'ailleurs
un peu jeune, manque légèrement de
sérieux dans toute cette affaire.
Cela ne nous étonne pas qu'il soit bou-
langiste.
COftVENTIQAI AVEC LA ROUMANIE
Bucharest, 19 juin. — La Chambre a
voté la convention franco-roumaine pour
la protection des marques de fabrique.
LE 20 JUIN 1189
LE SERMENT DU JEU DE PAUME
Attitude de la noblesse. — Le clergé
négocie. — L'assemblée nationale.
- La représentation de la
France dans la rue.
Convoqués par la monarchie aux abois,
les Etats généraux, composés des repré-
sentants de la noblesse, du clergé et du
Tiers, s étaient réunis à Versailles le
5 mai - 17b9.
Dès les premiers jours, un profond dis-
sentiment éclata parmi ces délégués des
diverses classes de la nation, A l'occa-
sion de la vérification des pouvoirs, la
question se posa de savoir si les délibé-
rations auraient lieu par ordre ou par
tète. Grave question de la solution de la-
quelle dépendait, on peut le dire, toute
la Révolution.
Si l'on délibérait par ordre, c'est-à-dire
chaque ordre ayant une voix quel que
fût le nombre de ses mandants, les deux
ordres privilégiés, la noblesse et le
clergé, les moins nombreux, se se-
raient coalisés contre le Tiers et auraient
annulé toutes ses résolutions.
Si l'on délibérait par tête, c'est-à-dire,
en assemblée piéniére des trois ordres,
c était la prépondérance assurée, contre
la noblesse et le clergé, au Tiers qui, à
lui seul, comptait un nombre de membres
égal à celui des deux autres ordres.
Linterêt en jeu étant, comme on le
voit, considérable, les hostilités commen-
cèrent aussitôt. Très respectueusement,
mais très fermement, le Tiers invita le
clergé et la noblesse à se réunir avec lui
pour vérifier ensemble les pouvoirs des
députés. Par vanité, et dans un sentiment
instinctif de défense personnelle, la no-
blesse refusa net. Plus souple, moins
porté aux résolutions extrêmes, essen-
tiellement ami des transactions hypo-
crites qui ménagent les intérêts spiri-
tuels en sauvegardant les intérêts tem-
porels, le clergé ne dit ni oui ni non et
se tint sur la réserve, voyant venir, flai-
rant le vent, prêt à se porter au moment
opportun du côté du manche.
Représentant de l'immense majorité de
la nation qui l'appuyait énergiquement,
le Tiers, après cette invitation adressée
pour la forme aux deux autres ordres,
commença immédiatement à vérifier ses
pouvoirs et mena rondement la discus-
sion.
Entre temps, pour n'avoir rien à se re-
procher et aussi par prudence, car il fal-
lait éviter de mettre les torts de son
côté, il envoyait délégations sur déléga-
tions aux autres ordres pour les engager
à se joindre a lui.
La noblesse se défendait toujours, ré-
pugnant à l'idée de se commmettre avec
des roturiers qui, d ailleurs, professaient
des idées quelle jugeait étrangement
hardies; le clergé se désagrégeait peu
a peu et manuestait lintention de passer
à l'ennemi, un grand nombre de ses
membres appartenant au bas clergé qui
soutirait alors autant que la roture des
exactions de la royauté et de la noblesse.
L'Assemblée nationale
Le Tiers, délibérant toujours isolé, avait
terminé la vérification de ses pouvoirs ;
en attendant que les autres ordres vins-
sent à lui, il prit spontanément des réso-
lutions imliortantes.
Il se constitua en Assemblée natio-
nale. A un siècle de distance, cela n'a
l'air de rien : c'était tout alors; c'était la
nation émergeant subitement du chaos
du moyen-âge et se posant devant 'la
royaute expirante en lui disant : A nous
deux, maintenant!
Par une autre délibération non moins
hardie et aussi efficace, le Tiers, veillant
aux droits de la nation et à sa défense, dé-
clara que toutes les impositions existan-
tes étaient inégalés, qu'elles continue-
raient cependant à être perçues dans les
mêmes formes, à moins que l'Assemblée
nationale ne fût brusquement dissoute ;
auquel cas le peuple aurait le droit et le
devoir de refuser l'impôt.
La royauté et la noblesse n'en reve-
naient pas de surprise et d'indignation.
Le clergé aussi surpris, mais moins indi-
gné, se disait : la puissance est du côté
du Tiers ; allons-y.
Et de fait il y allait; ces résolutions
avaient été votées aux applaudissements
enthousiastes de la nation qui se voyait
enfin maîtresse d'elle-même, le 17 juin
1789. Dès le lendemain, le clergé annon-
çait qu'il se joindrait au Tiers dans sa
séance du 20 juin.
A cette nouvelle, la noblesse se sentant
débordée assaillit le roi de ses instances
pour le décider à empêcher cette réunion
qui devait consacrer le triomphe du
Tiers.
Cédant par ennui, et sans bien se ren-
dre compte, plutôt qu'en vertu d'un plan
que son esprit faible et débonnaire était
incapable d arrêter, le roi donna l'ordre
de fermer la salle où devait avoir lieu
cette réunion, sous prétexte de l'aména-
ger pour une séance royale des Etats gé-
néraux qu'il se proposait de tenir le
22 juin.
Le 20 juin
Aussi le 20 juin, au matin, lorsque
Bailly, le président du Tiers, où pour
mieux dire de 1 Assemblée nationale, se
présenta à l'entrée principale de la salle
où il se rendait à son poste pour ouvrir
la séance, il trouva la porte close et gar-
dée par un détachement militaire.
L'officier de garde, appelé par Bailly et
somme de lui livrer passage, déclare qu'il
a l'ordre de ne laisser pénétrer per-
sonne.
Bailly proteste contre l'obstacle maté-
riel qui lui est opposé, et se retournant
vers la foule des députés qui, arrivant
successivement, se tenaient groupés der-
rière lui, déclare la séance tenante.
Et alors, en plein air, on délibère con-
fusément sur la situation faite aux re-
présentants de la nation souveraine.
Bientôt les esprits s'échauffent. Dans le
peuple accouru de Paris et entourant ses
députés, les motions les plus diverses se
produisent accompagnées des commen-
taires les plus alarmants. On se dit :
Allons à Marly où le roi s'est caché, et
que la séance se tienne dans le château
même qui abrite le despotisme. — Le
gouvernement veut amener la guerre ci-
vile pour dissoudre l'Assemblée. — La
disette est partout, l'Assemblée allait y
remédier et on veut l'empêcher de sié-
ger. — Allons sur la place d'armes, c'est
là que nous tiendrons le Champ de Mai.
Au Jeu de Paume
Mais une rumeur se fait entendre : on
annonce que, sur la proposition du doc-
teur Guillotin - l'inventeur du sinistre
instrument qui porte son nom — on va
se rendre au Jeu de Paume.
La foule s'ébranle : on s'encourage en
marchant, on promet de résister aux en-
treprises de la royauté, jusqu'à la mort.
On arrive : le propriétaire du Jeu re-
çoit avec joie les mandataires de la na-
tion. Deux députés sont placés à la porte
pour empêcher la foule d'entrer.
Avertis, les gardes de la prévôté vien-
nent offrir de continuer le service comme
dans la salle ordinaire. L'offre de,ces sol-
dats citoyens, — deux mots qui se ren-
contrent alors pour la première fois —
est acceptée avec transport.
Les députés remplissent la piste de ce
gymnase, construit, suivant les expres-
sions d'un contemporain, pour de frivo-
le exercices et devenu l'asile de la li-
berté. On offre un fauteuil à Bailly. Il le
réluse en disant que le président ne sau-
rait rester assis quand l'élite. de la na-
tion est debout. La séance est ouverte.
Bailly expose la situation et met en dé-
libération le parti qu'il faut prendre.
Un conseil de l'abbé Siéyès
Dans un coin quelques députés, de ceux
que ion désigne déjà comme les plus
avancés, écoutent un de leurs collègues
au regard fuyant bien que pétillant de
feu, qui leur parie en scandant chacune
de ses paroles d un geste saccadé.
C'est ciéyès, l abbe biéyès, la plus forte
tête de la Révolution s'il en fut le carac-
tère le plus timide, qui jugeant, dans une
de ces vues de génie qui lui étaient alors
surtout familières/tout le parti que l'on
peut tirer de la situation leur dit : « A
Paris! allons à Paris, dans cet ardent
foyer de la Révolution et plaçons-nous
sous la sauvegarde du peuple. »
Si le conseil de Siéyès eût été suivi,
l'histoire changeait peut-être de face, la
Révolution se lût peut être accomplie en
quelques jours et n'eût pas connu les ef-
froyables épreuves qui 1 attendaient,
Instruits de ce projet, les habiles, les
opportunistes du temps comprirent que
si 1 Assemblée allait à Paris, le peuple
entrait immédiatement en scène, et le
mouvement, qu ils prétendaient retenir
dans la sphère de leurs intérêts allait
leur échapper.
Le serment
Parant à ce danger, l'un d'eux, Mou-
nier, s'empressa de faire une proposition
éloquente propre à énerver l'action de
l'Assemblée dans le fracas des paroles
retentissantes.
Il dit que dans les circonstances, les re-
présentants de la nation doivent se lier
au salut public et aux intérêts de la pa-
trie par un serment solennel.
Un cri unanime se fait entendre, et
l'Assemblée prend un arrêté aux termes
duquel elle déclare qu'elle ne se séparera
pas tant qu'elle n aura pas donné au pays
une Constitution et que rien ne pourra
empêcher ses délibérations en quelque
lieu qu elle soit forcée de s'établir.
Toutes les mains se lèvent pour prêter
ce serment.
Bailly réclame, comme président, l'hon-
neur de jurer le premier. Un silence
religieux s'établit, et au dehors le peu-
ple qui se presse autour du Jeu de Paume
entend la voix grave du président pro-
noncer la formule qui contient cette pre-
mière et définitive affirmation de la sou-
veraineté nationale.
Tous les députés signent l'arrêté solen-
nel qui vient d être pris. Tous, sauf un
seul : l'histoire a retenu son nom. Il s'ap-
pelait Martin, d'Auch ^dubaillage de Cas-
telnauaary). Lorsque l un des secrétaires
annonce qu'il y a un opposant, un long
cri de réprobation s'élève. Bailly impose
le silence et invite l'assemblée a enten-
dre les raisons ds Martin.
Après quelques balbutiements de ce
malheureux, il est décidé qu'on laissera
sa signature sur ie registre pour prouver
la liberté des opposants.
Après ce grand exemple l'assemblée
se sépare et s'ajourne au 22 pour la
séance royale.
Tel fut cette journée ; la seconde' qui,
suivant l'expression de Bailly dans ses
mémoires doit-être inscrite dans les fas-
tes de la nation.
Journée mémorable qui consacra par
une manifestation solennelle la déchéance
du pouvoir absolu.
Désormais, il n'y eut plus d'autre sou-
verain en France que la nation elle-
même.
Mais Siéyès n'avait pas été écouté : il
fallut défendre cette nouvelle souverai-
neté. Ce fut le peuple qui s'en chargea
au 11 juillet.
A VERSAILLES
La fête du 20 juin
Trois ministres, MM. Faye, Spuller et
Constans, représenteront aujourd hui le
gouvernement à la fête organisée à Ver-
sailles, en commémoration du serment du
Jeu de Paume.
Les ministres partiront à trois heures,
par la gare Montparnasse, et arriveront
a Versailles à quatre heures.
M. Bargetton, préfet de Seine-et-Oise,
et le maire de Versailles, recevront les
ministres à la gare et les conduiront à
l'Hôtel de Ville.
Le cortège officiel se rendra ensuite à
la salle du Jeu-de-Paume.
M. de Lafayette souhaitera la bienve-
nue aux ministres, et M. Thévenet ré-
pondra au nom du gouvernement.
Au banquet de trois cent cinquante
couverts qui sera servi à huit heures,
trois discours seront prononcés.
A neuf heures, il y aura réception ou-
verte à l'Hôtel de Ville.
Le SUPPLÉMENT LI.TTÉRAIRE
ILLUSTRE de La Lanterne parait deux
fois par semaine, les MARDI et VBNDUDI,
LA CHAMBRE
DISCUSSION DU BUDGET
Le budget des beaux-arts. — La ques-
tion de l'Opéra-Comique. — Les
subventions. — Décoration du
Panthéon. - La guerre.
M. de Lamarzelle débute par une ques-
tion au ministre de l'instruction publique.
Il voudrait savoir pourquoi la grammaire
Uacosta a été imposée dans les écoles
par une circulaire spéciale adressée aux
instituteurs de la Seine.
Le ministre répond que cet ouvrage fi-
gurait sur la liste officielle, et que la loi
n'a été violée en rien.
On passe ensuite au budget des beaux.
drts. Il a été voté tel que la commission
le présentait après quelques discours
touchant des points particuliers.
M. Mesureur demande que le gouver-
nement veuille bien faire part de ses in-
tentions en ce qui touche l'Opéra-Comi-
que.
- Un premier projet comportant l'ouver-
ture d'un concours avait été voté par la
Chambre. Le Sénat l'ayant repoussé, M.
Mesureur estime que le plus simple se-
rait de reconstruire ce théâtre sur l'em-
placement qu'il occupait antérieurement.
M. Fallières répond que dans quarante-
huit heures il aura déposé un rapport qui
donnera satisfaction à tout le inonde.
Les théâtres
M. Michou réclame la suppression de
la subvention accordée aux théâtres na-
tionaux. Pour lui, c'est faire acte de mau-
vaise administration budgétaire que de
douner au peuple le superflu lorsqu'il
manque du nécessaire. Que ceux qui veu-
lent aller au spectacle payent ce plaisir
de leurs propres derniers ; nous n'avons
pas, nous, à donner trois-cent mille francs
pour les danseuses de l'Opéra. Leur sueur
est bien moins intéressante que celle des
ouvriers des mines.
Nous connaissons cette théorie ; M. Mi-
chou la développe vraiment trop à la
bonne franquette et M.Maret, rapporteur,
a beau jeu pour lui répondre que la ques-
tion est plus haute. Un pays comme le
nôtre se doit à lui-même de ne pas liar-
der avec sa gloire artistique.
Bien entendu, la proposition Michou,
toute économiqne qu'elle soit, est re-
poussée.
Le Panthéon
M. Maurice Faure (chap. 18, travaux
d'art), demande que l'administration des
beaux-arts s'inspire de sentiments répu-
blicains dans la décoration du Panthéon,
et confie les panneaux, actuellement vi-
des, à des peintres décidés à traiter des
sujets rappelant la Révolution,
M. Larroumet, commissaire du gouver-
nement, a répondu qu'une commission
avait été chargée d'étudier la question et
qu'elle s'inspirait justement des idées
préconisées par M. Faure.
Cette commission, dit-il, a pensé avec nous
qu'il n'y avait pas lieu d'opposer une déco-
ration à une autre, car nous avons considéré
que l'histoire religieuse et monarchique était
une partie de l'histoire de notre pays, et tan-
dis que syr les murs la peinture a repré-
senté celle de sainte Geneviève, de saint
Louis, de Charlemagne, la sculpture sera
chargée de reprendre notre histoire à l'épo-
que où s'est arrêtée la peinture. Sous les
quatre piliers du dôme seront représentés,
par des groupes de statues, le moyen âge, la
Henaissanco, le XVlI* siècle, le XVlil*; deux
grands tombeaux seront consacrés à Voltaire
et à - Rousseau, dont les cendres ont cessé,
vous savez dans quelles circonstances, de
reposer au Panthéon.
Un autre monument sera consacré à Des-
cartes. et les deux bras de la croix seront
attribués à Mirabeau et à Victor Hugo. Tout
autour, des statues individuelles personni-
fiant les idées abstraites des bas-reliefs :
les grands hommes de la Révolution grou-
pés autour de Mirabeau, ceux de l'époque
romantique autour de Victor Hugo, etc.
Versailles et le Louvre
M. Barouille fait appel à la sollicitude
du ministre pour qu'il donne l'ordre de
nettoyer et bichonner les statues de Ver-
sailles et de Trianon qui, depuis le grand
Roy, sont dans le marasme.
M. Fallières lui répord qu'on est jus-
tement en train de les débarbouiller, sur
quoi M. Barouille se déclare satisfait.
M. d'Ailliéres s'étonne que des machi-
nes à vapeur soient installées dans les
sous-sols du Louvre ; c'est une menace
permanente pour nos collections artis-
tiques.
M. Fallières — qui décidément a ré-
ponse à tout — lui déclare, le sourire aux
lèvres, que l'on est au moment même où
il monte à la tribune, occupé à démonter
les machines qui donnent, avec juste rai-
son d'ailleurs, tant d'inquiétude à M.
d'Aillières.
Le budget de la guerre
M. de Martimprey prend le premier la
parole sur le budget du ministère de la
guerre. Critique insignifiante.
On vote les douze premiers articles
sans aUtre encombrement que cette con-
férence sans intérêt.
AUTOUR DES CHAMBRES
Une question
M. Anatole tfe la Forge a prévenu
M. Constans qu'il désirait lui adresser
une question au sujet du régime auquel
sont soumis les détenus politiques à la
prison de Sainte-Pélagie.
M. Constans accepte la question pour
vendredi.
Une interpellation
M. Le Hérissé, député boulangiste, an-
nonçait hier dans les couloirs, qu'il re-
remettait à samedi l'interpellation qu'il
comptait adresser au garde des sceaux
au sujet de l'incident Trarieux-Léon Re-
nault.
Le Panama
La commission de Panama s'est consti-
tuée hier. Elle a nommé M. Jules Roche,
président et M. Gaudin de Villaine, se-
crétaire
L'exposé de l'opinion des commissaires
a permis de constater que la commission
était unanime à reconnaître la nécessité
de sauvegarder l'entreprise et l'épargna
française. Il n'y a divergence que sur les
voies et moyens.
La commission a décidé d'entendre la
liquidateur de la Société et le ministre
des finances.
La loi militaire
Aujourd'hui le Conseil des ministres
délibérera sur la situation qui est faite
au projet de recrutement de l'armée par
suite des délibérations de la commission
mixte et par l'application de l'article t"
du règlement de la Chambre. On peusé
que le gouvernement demandera It la
Chambre de mettre à son ordre du jour
le projet de loi sur le recrutement.
LA FÊTE DU PARC-BOHCEAB
Les invitations
C'est ce soir qu'aura lieu la fête donnée
au Parc-Monceau par la municipalité de
Paris.
A combien s'élève le nombre des invi~
tations ?
Le syndic du Conseil municipal pour-
rait seul nous renseigner à ce sujet ; lEi
service fait à la presse a été des plus
mesquins, il est probable que si les jour-
nalistes habitaient le quartier dont M.
Mayer, le syndic, est le conseiller muni'-
cipal, les invitations leur eussent été
moins marchandées.
Il ferait bon à l'avenir que le Conseil
municipal chargeât une commission do
la répartition des cartes, et n'abandon,..
nât pas ce soin au bon plaisir de M. 10-
syndic. -
m. NUMA GILLY -
Des excuses. — Désistement de M. La?
lande.
La Gironde publie la lettre suivante d"
M. Armand Lalande, député de la Gl
ronde :
Cher monsieur,
M. Numa Gilly, contre lequel j'avais intenté
un procès en diffamation, m'a fait demandes
d'y renoncer en m'offrant de m'adresser une
lettre d'excuses.
J'ai accepté et vous envoie copie de cettCt:
lettre.
Agréez, etc., etc.
Signé : LALANDE*
Voici la lettre de M. Gilly :
Paris, 18 juin.
Monsieur.
Au moment d'engager les débat du procès
due vous m'avez intenté à raison des impu-
fations que renferme sur votre compte la
livre intitulé : Mes dossiers (dont J'ai toujours
d'ailleurs récusé la paternité), imputations
que vous avez jugées diffamatoires, j'ai prie
mon avocat M* Puech d'avoir un entretien.
avec le vôtre, M* Trarieux, sénateur, dans le
but de m'éclairer sur l'attitude que je devais
prendre.
Il résulte de l'examen des pièces d'une va-
leur indiscutable qui ont été communiquées
par votre avocat au mien que les accusations
formulées contre vous dans ce livre, sur des
d nonciations auxquelles on avait eu tort
d'ajouter foi, sont absolument dénuées de
fondement.
Bien éclairé aujourd'hui sur l'injustice dea
attaques dont vous vous êtes plaint, je ne
puis que déplorer d'y avoir laissé attaches
mon nom.
Il ne saurait m'en coûter de vous exprimer
mes très sincères regrets.
J'espère que vous trouverez, dans ces fran-
ches explications, une satisfaction suffisante
et que vous renoncerez à un procès qui me
semble sans intérêt pour vous.
Veuillez agréer, monsieur, l'assurance de
ma considération distinguée.
NDMA GILLY
député du Gard.
M. Numa Gilly trouve qu'il a été assea.
condamné et demande grâce.
A L'HOTEL DE VILLE
Les voitures de place. — Nouveau
tarif. — Proposition Strauss. -
Secours de loyers.
La séance débute par un éloge funèbre
de M. Cernesson, député de la Côte-d Or,
ancien président du Conseil municipal,
prononcé par M. Chautemps.
Une délégation du Conseil assistera
aux obsèques qui auront lieu dans la
Côte-d'Or.
M. Lopin n'est pas satisfait du mode
d'exploitation du chemin de fer Decau-
ville à l'Exposition. L'honorable M. Al-
phand, directeur des travaux, répliqua
que des instructions ont été données
pour que cette ligne soit prolongée d,
bref délai jusqu'à son point terminus,
c'est-à-dire jusqu'à l'Ecole militaire par
l'avenue de Sunren.
Voitures de place
M. Viguier a lu son rapport sur un nou-
veau tarif des voitures de place.
Le rapporteur s est préoccupé surtout
de mettre d'accord le public et le cocher
et il a laissé à celui-là le choix entre les
deux systèmes en présence, c'est-à-dire
le tarif horaire et le tarif kilométrique.
A ce tarif de M. Viguier, l'honorable M.
Lyon-Alemand dépose un amendement
tendant à ce que ce tarif ne soit mis en
vigueur que lorsque les cochers seront
payés à la journée, et que le paiement à
la moyenne ne leur sera pas imposé.
M. Hervieux, lui, trouve que le tarif
sera impraticable.
M. Desprès y voit une augmentation
des prix actuellement en vigueur.
M. Ferdinand Duval approuve le tarif
kilométrique, mais il ne voit pas pour-
quoi on adopterait le tarif horaire puis-
que personne ne se plaint des prix ac-
tuels.
Le préfet de la Seine est d'avis qu'il
faut ajourner toutes les solutions qui sont
subordonnées, soit à l'adoption d'un
compteur, soit à un plan indicatif des
distances et se borner pour le moment à
quelque chose de simple, c est-à-dire une
meilleure application du tarif actuel sans
faire payer plus cher après qu'avant.
M. Strauss propose qu'on n'apporte au-
cune modification au tarif pour le mo-
ment et qu'on attende que toutes les Toi-
tures soient pourvues de compteras. M.
Strauss fixe un maximum do aux lMis
pour cette innovation.
A cette époque, le public pcarra cbIt-
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