Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-11-07
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 novembre 1893 07 novembre 1893
Description : 1893/11/07 (Numéro 9308). 1893/11/07 (Numéro 9308).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k708233d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 7 Novembre 1893
N° 930S — Edition quotidienne
Mardi 7 Novembre 1893
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
st départembnt8 (union postale)
Ud an ■ » * i » < 40 b *T> 1 D
Six mois 21 » 26 50
Trois mois. . . . 11 » 14 »
jC.es abonnements parten t des l » et 16 de chaque mois
tttst ' ntt ' M ' RRO I ^ ar ' s • • ÎO cent.
UN NUMERO { D éparte ments ... 1B. —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne & Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . . «
Six mois. .
Trois mois.
PARIS .
et départements
.-. 20 »
. . 10 »
. . 5 »
ÉTRANGER
(union postale)
26 »
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Les abonnements partent des 1" et 16 de chaque mois
L 'UNIVERS m répond pas des manoscrils qai lui soit adressés
ANNONCE8
MM. LAGRANGB, CERF et G 1 », 6, place de la Bourse
BULLETIN DU JOUR
PARIS, [6 NOVEMBRE 1893
Encore huit jours et nous serons à
la veille de la rentrée des Chambres ;
il reste donc bien peu de temps à
M. Dupuy pour « débarquer » ses
collègues radicaux et constituer un
ministère « homogène ». Il semble
qu'on soit en droit d'en conclure que
cette double opération, qui n'est pas
sans présenter quelques difficultés,
n'aura pas lieu avant la réunion des
Chambres. Le ministère se présentera
tel qu'il est, sauf peut-être M. .Viette
dont on signale, avec une certaine af
fectation, le mauvais état de santé,
et il fera une de ces déclarations à la
fois banales et pompeuses, comme
nos Chambres en ont si souvent en
tendues.
Il ne faudrait pas en conclure que,
l'idée du ministère « homogène » soit
abandonnée; elle vient encore d'être
reprise par M. Félix Faure, un des
membres probables dudit ministère,
mais cela viendra sans doute plus
tard, après que M. Dupuy aura tâté le
pouls de la nouvelle Chambre. Reste
à savoir si elle se souciera de le garder.
Est-ce que le général Loizillon se
rait au nombre des ministres marqués
pour un,débarquement plus ou moins
prochain ? Voici que MM. Dupuy et
Poincaré lui donnent absolument tort
dans l'affaire de l'universitaire Mir-
man, le professeur élu député alors
3u'il n'avait pas terminé ses dix ans
e professorat et auquel l'autorité mi
litaire- avait envoyé, fort justement à
notre avis, un ordre d'incorporation.
Divers journaux insinuent que M. Du
puy blâme le ministre de la guerre
après l'avoir poussé. Le Radical dit
notamment : « De toute cette affaire,
il ne reste qu'une jolie gaffe de plus à
l'actif de M. Loizillon, ministre de la
guerre, et si M. Dupuy l'a réparée,
nous ne sommes pas bien sûr qu'il
n'ait pas contribué de tous ses efforts
& la faire commettre. »
C'est aujourd'hui que doit avoir lieu
l'entrevue de MM. Humbert et Lé-
pine, où l'accord se ferait entre la
préfecture de police et le conseil mu j
nicipal. Ce n'est pas encore un fait ac
compli, et puis combien durera cet
accord ? Il est peu probable que les
conseillers municipaux socialistes et
autonomistes renoncent à leur ma
rotte, qui est de mettre la main sur la
police, au grand dam des habitants de
Paris. .
Enfin, la grève minière du Pas-de-
Calais se termine après avoir causé
aux compagnies, comme aux ouvriers,
de grandes pertes dont ces derniers
surtout ont souffert. Mais, hélas! si
la grèye cesse, la haine persiste, et
l'on peut appréhender, à plus ou
moins bref délai, de nouvelles diffi
cultés.
La nomination de l'ex-préfet de po
lice, M. Lozé, à l'ambassade de
Vienne, n'est pas encore officielle,
mais elle est toujours donnée comme
définitive. Quels sont les titres à ce
haut poste du nouvel ambassadeur?
On ne lui en connaît pas d'autres que
d'avoir été un préfet fort ordinaire et
un préfet de police, avec une certaine
poigne, mais sans l'ombre de tact. Ce
ne sont pas précisément les qualités
qui font le diplomate. Il est vrai,
qu'en 1848, la République bombardait
ambassadeur à Berlin M. Emmanuel
Arago, qui, deux ans plus tard, se
vantait de ne rien connaître à.la diplo
matie. La tradition n'est pas perdue.
Quoique là nOminàfton~ du prince
Windischgraetz soit bien accueillie à
Vienne, l'œuvre dont il s'est chargé
ne semble pas devoir être facile.
Même les journaux les plus favorables
au prince, quelques-uns en haine du
comte Taafîe, reconnaissent qu'il aura
de la peine, étant donné l'état des
partis à Vienne, à constituer un mi
nistère solide et à inaugurer une po
litique suivie.
D'aprè3 les dernières dépêches de
Rome, la situation de M. Giolitti se
rait de nouveau très sérieusement
menacée. Une dépêche du Times an
nonce même que, comme le bruit
en avait précédemment couru , le
président au conseil céderait la place
à M. Zanardelli.
LA QUESTION SOCIALE.
Les mineurs du Pas-de-Calais se
sont soumis; la grève prend fin. Elle
se termine sans qu'il y ait eu arbi
trage. Ea apparence, donc, ce moyen
de prévenir ou, tout au moins, d'a
paiser les conflits entre le travail et
le capital, n'a pas fait, cette fois-ci, de
nouveau progrès dans nos mœurs.
Mais les apparences trompent sou
vent. Nous espérons que c'est le cas.
Nous espérons que tout le monde com
prend ou comprendra bientôt à quel
point eût mieux valu, pour les com
pagnies et les ouvriers, l'intervention
d'arbitres en cette affaire. On regret
tera que cette intervention n'ait pas
eu lieu. Ce regret général favorisera
grandement l'introduction de l'arbi
trage.
La force a triomphé une fois de
plus. Où était la justice? Avec la
force, peut-être, et même probable
ment. Pour notre part, nous croyons
très volontiers que les compagnies
avaient, somme toute, raison contre
les grévistes. Mais enfin, la question
n'est pas jugée. Le doute reste per
mis. Dans les deux camps, nous
voyons dés hommes. L'homme n'est
point un être parfait, même le patron.
Des deux côtés, il peut y avoir des
torts. Par un.arbitrage, on aurait su à
quoi s'en tenir. On ne le sait pas, du
moins de façon certaine.
Quels étaient les griefs des mi
neurs? Nous les trouvons résumés
dans l'ordre du jour que les délégués
ont voté samedi, et qui décide la re
prise générale du travail. Les grévis
tes reprochaient aux compagnies
houillères de ne plus respecter les
clauses de l'engagement conclu à
Arras, en novembre 1891 ; de congé
dier, sous le premier prétexte venu,
les ouvriers approchant de l'âge où ils
auraient droit à leur retraite, ce qui
les vouaità la misère noire ; de réduire
les salaires frauduleusement, etc.
Que les mineurs aient cru ces griefs
réels, leur obstination à rester en
grève, sept longues semaines durant,
malgré le3 plus cruelles privations,
ne permet guère d'en douter. Les
excitations des meneurs expliquent
bien des choses; mais elle3 n'expli
quent pas tout. Ces malheureux s'abu
saient,. dit-on. Hé bien, si les plai
gnants s'abusaient, ne valait-il point
la peine de leur en fournir la preuve
par un arbitrage.? N'était-il pas utile,
notamment au point de vue de l'apai
sement social, qui doit primer tout le
reste, de leur montrer, de montrer au
public que les compagnies demeu
raient fidèles à leurs engagements,
ne congédiaient leurs ouvriers que
pour de bonnes raisons, ne réduisaient
les salaires que dans la mesure indis
pensable ? Et si, au contraire, par
hasard, les compagnies avaient tort■>
sur certains points, n'était-ce pas faire
œuvre bonne que de mettre fin à une
injustice? N'importe quelle eût été sa
décision, l'arbitrage terminait la grève
heureusement.
On n'en a point voulu. A bout de
ressources et ae forces, les ouvriers
ont dû se soumettre. Ils reprennent le
travail. Mais, l'ordre du jour le dit,
« l'espoir d'une prochaine revanche »
est dans leurs cœurs. Et quelle re
vanche terrible rêvent-ils, ces mal
heureux, enragés d'avoir tant souffert
et d'être vaincus ! Sur cette population
minière du Pas-de-Calais , d'odieux
meneurs, ambitieux que rien n'arrête,
ont mis la main. Ils sont capables de
la conduire, s'ils y croient voir leur
petit intérêt, aux excès les plus épou
vantables. Qu'on ne s'imagine point
que l'insuccès de la grève va dimi
nuer leur influence. Les précédents
prouvent tous le contraire. Pour don
ner un exemple : n'est-ce pas de la
grève d'Anzin, qui échoua complète
ment après dix semaines d'obstina
tion, que date la fortune politique de
Basly ? Toute grève malheureuse,* et
la détresse qui l'accompagne et la suit
durant des mois, sont pour le socia
lisme l'occasion d'un progrès nouveau.
Qu'une élection ait lieu prochaine
ment dans la région houillère du Pas-
derCalais, on verra s'il n'en sort point
un Basly de plus !
Hâtez-vous, économistes libéraux,
de vous réjouir. Soyez heureux et
triomphants. On a vaincu la grève.
Une fois encore, le capital l'emporte.
Il n'a pas eu à subir l'humiliation
d'accepter un arbitrage entre le travail
et lui. Poussez donc des. cris d'allé
gresse. Seulement, hâtez-vous. Car,
bientôt, vous le regretterez peut-être,
cet arbitrage, qui aurait eu probable
ment le rare mérite, en l'occasion pré
sente, de donner à peu près entière
ment raison au capital, sans exaspérer
le travailleur. — Mais, direz-vous, il
nous est absolument égal que le tra
vailleur soit exaspéré où non. L'impor
tant, le nécessaire, c'est qu'il sente
notre force. Transiger avec lui, quelle
faute ! Quand il se permet de résister,
d'entrer en conflit, on le doit réduire à
s'avouer vaincu.
Excellente politique, bien qu'im
morale et révoltante, aussi longtemps
qu'en effet l'onserales plus forts. Pa®
exemple, on la trouvera moins bonne,
quand la force aura passé de l'autre
côté. Or ce jour arrivera. Nous som
mes sous le gouvernement du suffrag e
universel et n'en sortirons point de
sitôt. Les ouvriers sont le nombre;
qu'ils viennent à mieux s'entendre,
ils seront la force. Ils ne se sont pas
entendus cette fois; on avait laissé na
guère Anzin faire grève sans se joindre
à lui; Anzin a pris sa revanche et n'a
point chômé avec le Pas-de-Calais; ce
que voyant, nos houillères du centre,
Carmaux, etc., ont continué le travail.
Le mouvement a échoué. Il échouera
probablement encore. Qui peut affir
mer qu'il échouera toujours? Qui
voudrait jurer que les ouvriers n'arri
veront po int à s'entendre ? Et croit-on
empêcher cet accord et ses consé
quences en refusant devoir sa possi
bilité, en s'obstlnant à ne pas réflé
chir à ses suites? Les irritations hau
taines et ridicules de certains qui ne
veulent point admettre la réalité de ce
qui ne leur va pas, confinent vrai
ment à l'enfantillage.
Est-ce donc une chose tellement
inouïe et scandaleuse que le capital
doive s'habituer, maintenant, à traiter
sur le pied d'égalité avec le travail ?
Pourquoi les intérêts du capitaliste
sèraient-ils, par essence, au-dessus de
ceux du travailleur et plus dignes de
"soins et de respects ? Nous les mettons
sur le même rang. C'est ce . que fait
aussi l'arbitrage. II reconnaît cette
égalité ; il donne ainsi satisfaction'à la
justice. Il apaise les conflits et adoucit
les cœurs ; il préserve ainsi des catas
trophes sociales. Voilà . pourquoi l'ar
bitrage doit se généraliser. C'est la
moralité qu'il faut tirer de la grève
du Pas-de-Calais.
P ierre V euillot.
M. Félix Faure a senti que la France
avait besoin de connaître sa pensée.
Un banquet organisé par ses électeurs
lui a permis de satisfaire cette envie,
qu'il comprend.
Ancien vice-président de la Cham-,
bre, ancien sous-secrétaire d'Etat,
M. Félix Faure est de ceux que la lan
gue parlementaire appelle, d'un nom
fort laid, « ministrables. » Voyons
donc ce qu'il pense.
M. Félix Faure aspire au , porte-;
feuille ; il ne le dit point; mais.' il le
prouve. Son discours peut se résumer
ainsi : plus de concentration ; le pays
veut un ministère homogène, tout
libéral, si la majorité appartient au
libéralisme, entièrement radical, si
le radicalisme est maître de la majo
rité. Or, M. Félix Faure en est con
vaincu, les libéraux sont les plus nom
breux dans la Chambre ; quant & lui,
il se croit un des meilleurs « minis
trables » libéraux! Concluez.
^ Libéral, M. Félix Faure tient à ce
titre et, pour le démontrer, propose
quantité de réformes ; il en repousse
plusieurs.autres, notamment la sépa
ration des Eglises et de l'Etat. Mai3,
sur la question religieuse, son libé
ralisme s'arrête à ce point : ce n'est
pas suffisant.
Et maintenant, regardons; nous
allons probablement voir se concen
trer tous ces grands ennemis de la con
centration. Le spectacle sera curieux;
L'ENSEIGNEMENT SOCIAL DANS LES SÉMINAIRES
Un cours sur la Question sociale
vient d'être inauguré au petit sémi
naire de Castres. La Semaine Reli
gieuse d'Albi donne les détails sui
vants sur cette innovation si utile :
- Ce oours, préparatoire de celui qui est
suivi au grand séminaire, est exclusive
ment réservé aux plus grands élèves. Basé
.sur les commandements de Dieu et les En-
icyoliques de Léon XIII, et exposé dans ce
îqu'il offre de plus élémentaire, eu attendant
qu'il reçoive ailleurs les développements
tbéologiques qu'il comporte, il répond aux
désirs de Monseigneur l'archevêque. Dans
une de ses visites au petit séminaire de
Castres, il y a plus d'un an, Sa Grandeur
avait voulu tracer elle-même les grandes
lignes du programme de cet enseignement,
& la fois si délioat et si utile..
Que Dieu fasse prospérer de toutes ma
nières cette chère maison, et que les béné
dictions de Monseigneur y fassent particu
lièrement fruotifler, pour le bien sooial,
l'enseignement dont Sa Grandeur, à Castres,
oomme au grand séminaire, a eu l'heureuse
initiative I
L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE D'ANGERS
Le Souverain Pontife vient de donner à
l'Université catholique d'Angers une nou
velle preuve de bienveillance qui réjouira
les fidèles de tous les départements de
l'Ouest. Les Evèques protecteurs de l'Uni
versité lui ayant écrit en juillet pour lui
reoommander cette grande institution, Sa
Sainteté a daigné répondre par la Lettre sui
vante dont l'importance n'éohappera & per
sonne. Il s'agit de rattaoher aux Facultés
catholiques d'Angers, soutenues dès l'ori
gine par Rennes, métropole de la Bretagne,
et par Nantes, les trois autres diocèses bre
tons de Vannes, de Quimper et de Saint-
Brieuc. •
A Notre vénérable frère G .-M .-Joseph,
archevêque de Rennes, à Rennes.
LÉON XIII, PAPE
Vénérable frère, salut et bénédic
tion apostolique. Nous avons été très
heureux de recevoir la lettre que vous
Nous avez adressée, le huit juillet der
nier, de concert avec Notre vénérable
frère l'évêque d'Angers, les autres pré
lats ou délégués des prélats, réunis
avec vous à Angers, pour délibérer
ensemble sur les mesures propres à
assurer le maintien et le progrès de
l'université catholique établie dans
cette ville. Ce qui Nou3 a beaucoup
réjoui, c'est d'apprendre le bien que
cette institution a produit dans l'Ouest
de la France, et l'ardeur avec laquelle
vous désirez qu'elle grandisse chaque
jour davantage et porte des fruits de
salut de plus en plus abondants. Nous
l'avons dit en d'autres circonstances,
et Nous l'affirmons de nouveau : rien
ne Nous tient plus à cœur que de voir
cet illustre établissement se dévelop
per, fleurir, atteindre une prospérité
durable,: et recruter des partisans nom
breux et zélé3 qui rivalisent-de. géné
rosité pour lui donner encore plus
d'éclat et d'influence. Voulant donc
lui témoigner toutes Nos bonnes dis
positions, particulièrement en ce qui
touche sa considération et ses intérêts,
Nous avons prêté une oreille bienveil
lante à la proposition que vous Nous
avez suggérée : à savoir que les ti-ois
diocèses bretons de Vannes, de Saint -
Brieuc et de Quimper, associés jus
qu'ici avec ceux qui soutiennent l'Ins
titut catholique de Paris, vous soient
désormais rattachés et se joignent
aux diocèses dont les ressources ali
mentent votre université angevine.
Aussi, Nous Nous déclarons prêt à ac
cueillir favorablement votre requête,
pourvu qu'une heureuse solution fasse
disparaître les difficultés pendantes :
tel est Notre désir, telle est Notre con
fiance. En conséquence, Nous avons
pris soin de munir d'instructions op
portunes, à ce sujet, Notre nonce
apostolique résidant à Paris. En atten
dant, comme gage de Notre affection,
et comme présage de la bonté divine,
Nous accordons de tout Notre cœur la
bénédiction apostolique à vous, à Nos
autres vénérables frères et à Nos chers
fils qui se sont réunis à vous pour
Nous écrire, ainsi qu'au clergé et aux
fidèles confiés à vos soins.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le
30 septembre de l'année 1893, de No
tre Pontificat la seizième.
LÉON XIII, PAPE.
On se souvient peut-être de cette
phrase de la Correspondance de la Li
gue catholique et sociale que le Siècle
avait tranquillement modifiée, pour
se donner le plaisir de traiter de socia
liste, M. de Mun. Car le Siècle est de
venu horriblement conservateur.
La Correspondance ie la Ligue disait
que le mouvement social était « juste
en plusieurs de ses revendications »,
ce qui est l'exactitude même.
Le Siècle , pour se permettre plus ai
sément de venger la société attaquée,
& ces termes avait substitué ceux-ci :
« juste dans la plupart de ses revendi
cations », ce qui faisait des ligueurs
de parfaits socialistes.
Nous luiavoiis dit qu'il était dans
l'erreur. Mais il n'y a pas de danger
qu'il rectifie.
Or, voici maintenant que Y Autorité
s'empare à son tour de cette fameuse
phrase inventée, nous ne savons par
qui, pour inonder d'outrages la Ligue
et M. de Mun,.
Lès outrages constituent le système
social de M. de Cassagnac, comme les
outrages forment son système poli
tique.
Donc, M. de Cassagnac, accusant la
Ligue d'avoir déclaré que le mouve
ment socialiste était « juste dans la
plupart de ses revendications », ce qui
est absolument faux, part de là pour
traiter M. de Mun et ses amis de traî
tres, de toqués, d'ambitieux, d'intri
gants, etc., vous connaissez le voca
bulaire de M. de Cassagnac.
Par exemple, ce qui est inexplica
ble, c'est que M. de Cassagnac affirme
avoir le numéro de la Correspondance
qu'il critique « sous les yeux. »
Alors, c'est donc lui qui a changé
un mot de cette Correspondance pour
lui faire dire une exagération, ce qui
lui procurait l'occasion, d'écrire un vi
rulent article?
Alors, M. de Cassagnac se permet
de tronquer les articles et de fausser
les textes?
Excellente méthode de polémique, en,
vérité !
Heureusement M. de Mun est-il atta
qué en bonne compagnie.
« Parler ainsi, agir ainsi, conclut
en effet M. de Cassagnac, quand on est
aussi impuissant que Vest le catholicisme
sur les passions déchaînées de la révo
lution sociale, équivaut, je le répète,
à jeter de l'huile sur le feu. »
M. de Cassagnac, le grand cham
pion, qui ne trouvait pas le Pape assez
catholique, affirme hautement aujour
d'hui l'impuissance du catholicisme
sur les passions.
Voilà l'écrivain qui passe pour dé
fendre la religion, aux yeux de tout
un public.
Voilà où l'on en arrive, quand on
passe son temps à crier à la tiédeur
sinon à la trahison du Pape.
G. C.
UNE CONVERSATION
avec l 'archevêque d'Alx
Sous ce titre, le Ftgaro publie le
compte rendu d'une conversation
qu'un de ses rédacteurs vient, dit-il,
d'avoir avec Mgr Gouthe-Soulard:
Nous la reproduisons tout entière,
bien,entendu sous toutes réserves :
'— Nous venons vous demander, Monsei
gneur, votre impression sur les conséquen
ces probables des fêtes franco-russes. Vo
tre impression sera d'autant plus intéres
sante pour le grand public, que vous êtes le
seul des membres de répisoopat qui soyez
encore en délicatesse aveo le pouvoir.
— Vous voulez mon impression?^. Eh
bien I je suis doublement heureux de ces
fêtes, comme évêque et oomme citoyen.
Non seulement elles consolident la paix
pour laquelle nous sommes tenus de faire
des voeux; non seulement elles rehaussent
le prestige de la France aux yeux de l'uni
vers ; mais enoore elles ont eu pour résultat
béni de rapprooher tous les Français, d'im
poser silenoe aux mauvaises passions, &
nos haines, à nos jalousies et, surtout, de
proolamer en public, après tant d'années,
devant le monde officiel, le nom de Dieu I
Oui, durant ces fêtes nationales, le clergé
a repris sa plaoe parmi les grands oorps de
l'Etat : il a figuré dans les cortèges ; il a
pris une large part à toutes les manifesta
tions. A Toulon comme à Lyon, oomme &
Marseille, lors des banquets donnés par les
municipalités et les conseils généraux, les
évêques et archevêques ont été l'objet des
plus respectueuses prévenances.
Personnellement, j'ai à me louer de l'ac
cueil très cordial de M. le préfet des Bou
ches-du-Rhône ainsi que de M. le président
du conseil général, à droite duquel j'étais
placé au banquet de la préfecture. Et dans
la réoeption qui a suivi le banquet, j'ai reçu
FEUILLETON DE VUNIVERS
DU 7 NOVEMBRE 1893
CAUSERIE LITTERAIRE
VARIA
La Guerre aux erreurs historiques. —
Thomas Martin de Gallardon (1)
I
Ce np serait pas trop d'une armée entière
dè bénédictins pour faire la guerre aux er
reurs historiques. Il est bien peu de faits,
d'événements que la passion anti-religieuse,
que les haines et les préjugés révolution
naires n'aient travestis et dénaturés. L'er
reur et le mensonge poussent dans le champ
de notre histoire oomme le bleuet et le oo-
quelicot dans les blés. Arraoher cette ivraie,
déraoiner l'erreur, détruire le mensonge,
nulle tâche n'est donc plus utile et plus
méritoire. Pour ma part, je sais peu d'œu-
vres plus estimables en notre siècle, que
oelle accomplie, voici quelque quarante ans,
par un modeste curé de campagne, M.
l'abbé Sauveur Gorini. C'était en 1853. Un
beau matin, parut un gros livre — trois forts
volumes in-8?—intitulé Dépense dk l'Eglise
contre les erreurs historiques de MM. Guizot
Augustin et Amédée Thierry, Michelet, Am-
■ (1) La Guerre aux erreurs historiques, par
A. Lecoy de la Marche, un vol. in-18, Letouzey
et Ané, éditeurs, 17, rue du Vieux-Colombier.
1893. — Thomas Martin de Gallardon, par le ca
pitaine Paul Marin, un vol. in-18; G. Carré, édi
teur, 58, rue Saint-AudrôdesArts, 1893, Paris.
père, Quinet, Fauriel et Henri, Martin. hs
livre était excellent. Aveo une recher
che patiente, aveo une érudition solide,
aveo une conscienoe admirable, l'au
teur avait rétabli la vérité sur an nom
bre considérable de questions où ceux qui
étaient alors réputés les maîtres de la
soience historique, s'étaient trompés ou
avaient trompé. Quels étaient les litres de
oe redresseur de torts ? quelles étaient ses
armes ? d'où lui venaient son audace et sa
témérité? Di titres, il n'ea avait auoun.
L'Institut ignorait son nom et ne le devait
jamais connaître. L'abbé Gorini était un
prêtre de Bourg qui avait passé la plus
grande partie de sa vie dans l'une des plus
pauvres paroisses du département de l'Ain,
la paroisse de la Tranchère. Il passait sa
journée à visiter les malades et les .pauvres,
et, le soir venu, il lisait. Dès sa jeunesse, il
s'était senti attiré vers l'histoire, mais à
mesure qu'il avançait dans la lecture de
nos historiens, il lui semblait que les meil
leurs d'entre eux n'avaient pas rendu jus
tice à l'Eglise et que les autres l'avaient
calomniée. Ce ne fat d'abord chez lui qu'un
sentiment vague et comme instinotif qui ne
tarda pas à se transformer en une certitude
absolue, lorsqu'il lui eut été donné de pou
voir étudier & fond.quelques questions spé
ciales. La pensée lui vint alors, non de faire
un livre — il ne s'en oroyait pas capable,—
mais de travailler dans son coin, sans
trêve, sans relâche et, sous une forme ou
sous une autre, sans prétention d'au
teur, sans souci de vanité, de défendre
l'Eglise, de faire la lumière là où d'au
tres avaient épaissi les ténèbres, de dé
livrer la vérité captive, de venger ses
injures. Mais n'était-ce pas là une entre
prise impossible, pour lui du moins, perdu
au fond d'une oampagne obsoure, sans li
vres, sans bibliothèques, sans ressources
d'auoune sorte? Partir ainsi en guerre,
sans armes contre des adversaires si bien
armé?,n'était-ce pas une folie,-r-une folie plus
grande que oelle de don Quichotte,qui avait,
lui, sa lance et sa rondaohe, sans compter
son écuyer Sanoho? Ainsi parlait le bon
sens; mais plus haut enoore, au-dedans de
lui, parlait une autre voix devant laquelle
il avait coutume de slinoliner,et qui, oelle-
là, disait : il y a là un devoir à remplir !
L'abbé Gorini se mit en. campagne. Il
avait deux ou trois amis, qui demeuraient
un peu loin, mais qui avaient un semblant
de bibliothèque : il les mit à contribution.
Puis il frappa à toutes les portes, derrière
lesquelles il avait ohanoe de renoontrer un
bouquin. Il se fit, suivant le mot de Barbey
d'Aurevilly, un mendiant de livres, un
frère quêteur, un capucin d'érudition (2)
Quelquefois, les paysans rencontraient par
les chemins, montant à grand'peine ou des
cendant péniblement les côtes, un homme
courbé sous le poids des volumes qui char
geaient son dos, comme ces fagots d'épines
sous lesquels ploient les épaules des pau
vres gens. C'était le curé de la Tranohère
revenant de l'une de ses expéditions. On
s'arrêtait un instant à causer. Le curé met
tait bas « son fagot » et, après un peu de
repos, il priait le paysan de l'aider à rechar
ger son fardeau. D'autres fou, il poussait
jusqu à, Lyon, et en revenait avec toute une
provision de livres. C'étaient là ses grands
jours. Vingt ans, il fit.ce métier, tant qu'à
la fin il put publier ses ,trois volumes. Le
gros publio n'y prit point garde, mais ceux
(2) Barbey d'Aurevilly, les Philosophes et les
Ecrivains religieux, 1" série, p. 158.
qui tenaient enoore pour quelque ohose la
justioe et la vérité s'émurent. Il leur parut
bien que, sur toutes les questions traitées
.dans son ouvrage, l'auteur de la Défense de
l'Eglise avait raison, que dans ses rencon
tres aveo les chefs de la nouvelle éoole his
torique il avait le dessus et que le dernier
mot lui restait. L'abbé Gorini n'était qu'un
pasteur, un berger armé seulement d'une
fronde : cette fronde lui avait suffi pour
renverser Goliath.
Grâce & Dieu, l'abbé Gorini a eu de
nombreux successeurs, pas assez cepen
dant. Il reste enoore énormément à faire.
Depuis qu'il n'est plus, d'ailleurs, l'ivraie a
poussé de plus belle, les erreurs ont multi
plié et poussé en tous sens leurs rameaux,
les mensonges ont. continué de fleurir. Plus
que jamais il est nécessaire de les com
battre, et o'est pourquoi nous ne saurions
trop encourager oeux qui s'appliquent à le
faire et qui mettent, dans l'accomplisse
ment de cette tâche, oomme M. Lecoy de
la. Marohe, beauooup de science, de talent
et de zèle.
■ II •
Son volume est divisé en trois parties :
Questions générales, — Questions relatives
au moyen-âge, —- Questions d'histoire mo
derne.
Je signalerai, dans la première partie, le
ohapitre sur M. Henri Martin, et celui où
l'auteur montre que la patrie ne date pas
de 1789. Car o'est là où nous en sommes
réduits, en France. Au delà de nos fron
tières, en Angleterre comme en Allemagne,
en Espagne comme en Russie, partout, le
passé de la patrie est l'objet d'un culte ar
dent, passionné. On a la religion das ancê
tres, et si l'on dit : la vieille Angleterre, la
Allemagne, oe n'est pas aveo le sou
rire du dédain sur les lèvres, o'est avec le
respeot attendri d'un fils qui voit passer
dans ses souvenirs d'enfance la figure bénie
de son aïeule. Pour nous, nous avons
ohangé tout cela et nous avons mis.le cœur
à droite. Chaque jour, historiens et jour
nalistes tournent en dérision les hommes et
les choses d'autrefois, rabaissent nos gran
deurs anciennes, font litière de nos an
ciennes gloires ; ils se livrent à cette be
sogne sans soulever autour de leur nom la
réprobation générale, sans que l'indignation
publique fasse justioe de leur œuvre saori-
lège. Que dis je? C'est à eux que vont les
faveurs de la popularité, aux éorivains qui
poursuivent de leurs outrages tout ce qui a
précédé 1789, qui font de nos pères je ne
sais quel troupeau misérable, mangeant de
l'herbe et courbant sous des maîtres avilis
un front déshonoré. Iasulter le passé de la
patrie est aujourd'hui en France le plus
court chemin pour arriver à ooàquérir le
titre de patriote et pour être proolamé his
torien national. Et c'est pourquoi M. Lecoy
de la Marche a dû, dès son premier oha
pitre, rappeler que la France existait bien
des siècles avant la Révolution, qu'elle était
grande et glorieuse, qu'elle était aimée,
qu'elle était pour nos pères l'objet d'un
oulte véritable. Pour qui nos poètes, dès le
XI* sièole, faisaient-ils combattre le brave
Roland, ce type incomparable de nos pre
miers chevaliers ? « A Dieu no plaise que
douce France soit abaissée à cause de mol 1 »
s'écrie-t-il à Roncevaux. Et, quand il tombe
sur le champ de bataille, ses derniers re
gards se tournent vers cette terre chérie :
« De plusieurs choses lu; prit à remembrer,
de douoe France, etc. » Pour qui mouraient
les soldats de Bouvines et de Poitiers, et
Jeanne d'Ar'o, et Bayard, et Turenne, et
tant d'autres héros obscurs ou célèbres ?
Se seraient-ils immolés à une chimère ? Et
le roi, qu'ils aoolamaient, n'était-il pas pour
eux la vivante incarnation de leur pays ?
M. Henri Martin fut de deux ou trois
académies ; il appartint à l'Assemblée na
tionale et au Sénat; il a aujourd'hui deux
statues. Ce grand homme était un pauvre
sire, un méohant compilateur, ignorant des
sources et de la méthode historique. L'er-
reuret le préjugé perpétuels, dans les plus
petites choses comme dans les plus grandes,
sont la marque de ses éorits. En abordant
une question, il ne se demande pas où il
trouvera la lumière ; il songe aux armes
que cette question pourra lui fournir contre
la monarchie et oontre l'Eglise. L'opposi
tion contre le oatholioisme ne résulte pas
chez lui de l'étude attentive et conscien
cieuse des faits, mais de la conviction for
mée à priori que le catholicisme a oausé
les plus grands maux â la sooiété. Tout son
système est là, et o'est bien un système
dans la pire aeoeption du mot. On voit
d'ici à quelles altérations, à quels excès
d'aveuglement il peut oonduire. En 1872,
M. le oomle de l'Epinois publia un volume
intitulé : Critiques et réfutations ; M. Henri
Martinet son Histoire de France. Il ne lui
avait pas fallu moins d'un fort in-octavo
pour relever les erreurs de M. Martin, et
il était loin d'en avoir épuisé la liste. Après
lui, M. Lecoy de la Marche a trouvé plus
d'un épi à glaner; il en a fait toute une
gerbe.
Dans sa seconde partie, M. Lecoy de la
Marche passe en revue les questions sui
vantes:^— La charité au moyen âge. Les
hospices. — L'art au moyep âge. •— Les
prêtres soldats et le droit canon. — La bi
gamie fut-elle tolérée par un pape?—>L e
N° 930S — Edition quotidienne
Mardi 7 Novembre 1893
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
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Six mois 21 » 26 50
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tttst ' ntt ' M ' RRO I ^ ar ' s • • ÎO cent.
UN NUMERO { D éparte ments ... 1B. —
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L 'UNIVERS m répond pas des manoscrils qai lui soit adressés
ANNONCE8
MM. LAGRANGB, CERF et G 1 », 6, place de la Bourse
BULLETIN DU JOUR
PARIS, [6 NOVEMBRE 1893
Encore huit jours et nous serons à
la veille de la rentrée des Chambres ;
il reste donc bien peu de temps à
M. Dupuy pour « débarquer » ses
collègues radicaux et constituer un
ministère « homogène ». Il semble
qu'on soit en droit d'en conclure que
cette double opération, qui n'est pas
sans présenter quelques difficultés,
n'aura pas lieu avant la réunion des
Chambres. Le ministère se présentera
tel qu'il est, sauf peut-être M. .Viette
dont on signale, avec une certaine af
fectation, le mauvais état de santé,
et il fera une de ces déclarations à la
fois banales et pompeuses, comme
nos Chambres en ont si souvent en
tendues.
Il ne faudrait pas en conclure que,
l'idée du ministère « homogène » soit
abandonnée; elle vient encore d'être
reprise par M. Félix Faure, un des
membres probables dudit ministère,
mais cela viendra sans doute plus
tard, après que M. Dupuy aura tâté le
pouls de la nouvelle Chambre. Reste
à savoir si elle se souciera de le garder.
Est-ce que le général Loizillon se
rait au nombre des ministres marqués
pour un,débarquement plus ou moins
prochain ? Voici que MM. Dupuy et
Poincaré lui donnent absolument tort
dans l'affaire de l'universitaire Mir-
man, le professeur élu député alors
3u'il n'avait pas terminé ses dix ans
e professorat et auquel l'autorité mi
litaire- avait envoyé, fort justement à
notre avis, un ordre d'incorporation.
Divers journaux insinuent que M. Du
puy blâme le ministre de la guerre
après l'avoir poussé. Le Radical dit
notamment : « De toute cette affaire,
il ne reste qu'une jolie gaffe de plus à
l'actif de M. Loizillon, ministre de la
guerre, et si M. Dupuy l'a réparée,
nous ne sommes pas bien sûr qu'il
n'ait pas contribué de tous ses efforts
& la faire commettre. »
C'est aujourd'hui que doit avoir lieu
l'entrevue de MM. Humbert et Lé-
pine, où l'accord se ferait entre la
préfecture de police et le conseil mu j
nicipal. Ce n'est pas encore un fait ac
compli, et puis combien durera cet
accord ? Il est peu probable que les
conseillers municipaux socialistes et
autonomistes renoncent à leur ma
rotte, qui est de mettre la main sur la
police, au grand dam des habitants de
Paris. .
Enfin, la grève minière du Pas-de-
Calais se termine après avoir causé
aux compagnies, comme aux ouvriers,
de grandes pertes dont ces derniers
surtout ont souffert. Mais, hélas! si
la grèye cesse, la haine persiste, et
l'on peut appréhender, à plus ou
moins bref délai, de nouvelles diffi
cultés.
La nomination de l'ex-préfet de po
lice, M. Lozé, à l'ambassade de
Vienne, n'est pas encore officielle,
mais elle est toujours donnée comme
définitive. Quels sont les titres à ce
haut poste du nouvel ambassadeur?
On ne lui en connaît pas d'autres que
d'avoir été un préfet fort ordinaire et
un préfet de police, avec une certaine
poigne, mais sans l'ombre de tact. Ce
ne sont pas précisément les qualités
qui font le diplomate. Il est vrai,
qu'en 1848, la République bombardait
ambassadeur à Berlin M. Emmanuel
Arago, qui, deux ans plus tard, se
vantait de ne rien connaître à.la diplo
matie. La tradition n'est pas perdue.
Quoique là nOminàfton~ du prince
Windischgraetz soit bien accueillie à
Vienne, l'œuvre dont il s'est chargé
ne semble pas devoir être facile.
Même les journaux les plus favorables
au prince, quelques-uns en haine du
comte Taafîe, reconnaissent qu'il aura
de la peine, étant donné l'état des
partis à Vienne, à constituer un mi
nistère solide et à inaugurer une po
litique suivie.
D'aprè3 les dernières dépêches de
Rome, la situation de M. Giolitti se
rait de nouveau très sérieusement
menacée. Une dépêche du Times an
nonce même que, comme le bruit
en avait précédemment couru , le
président au conseil céderait la place
à M. Zanardelli.
LA QUESTION SOCIALE.
Les mineurs du Pas-de-Calais se
sont soumis; la grève prend fin. Elle
se termine sans qu'il y ait eu arbi
trage. Ea apparence, donc, ce moyen
de prévenir ou, tout au moins, d'a
paiser les conflits entre le travail et
le capital, n'a pas fait, cette fois-ci, de
nouveau progrès dans nos mœurs.
Mais les apparences trompent sou
vent. Nous espérons que c'est le cas.
Nous espérons que tout le monde com
prend ou comprendra bientôt à quel
point eût mieux valu, pour les com
pagnies et les ouvriers, l'intervention
d'arbitres en cette affaire. On regret
tera que cette intervention n'ait pas
eu lieu. Ce regret général favorisera
grandement l'introduction de l'arbi
trage.
La force a triomphé une fois de
plus. Où était la justice? Avec la
force, peut-être, et même probable
ment. Pour notre part, nous croyons
très volontiers que les compagnies
avaient, somme toute, raison contre
les grévistes. Mais enfin, la question
n'est pas jugée. Le doute reste per
mis. Dans les deux camps, nous
voyons dés hommes. L'homme n'est
point un être parfait, même le patron.
Des deux côtés, il peut y avoir des
torts. Par un.arbitrage, on aurait su à
quoi s'en tenir. On ne le sait pas, du
moins de façon certaine.
Quels étaient les griefs des mi
neurs? Nous les trouvons résumés
dans l'ordre du jour que les délégués
ont voté samedi, et qui décide la re
prise générale du travail. Les grévis
tes reprochaient aux compagnies
houillères de ne plus respecter les
clauses de l'engagement conclu à
Arras, en novembre 1891 ; de congé
dier, sous le premier prétexte venu,
les ouvriers approchant de l'âge où ils
auraient droit à leur retraite, ce qui
les vouaità la misère noire ; de réduire
les salaires frauduleusement, etc.
Que les mineurs aient cru ces griefs
réels, leur obstination à rester en
grève, sept longues semaines durant,
malgré le3 plus cruelles privations,
ne permet guère d'en douter. Les
excitations des meneurs expliquent
bien des choses; mais elle3 n'expli
quent pas tout. Ces malheureux s'abu
saient,. dit-on. Hé bien, si les plai
gnants s'abusaient, ne valait-il point
la peine de leur en fournir la preuve
par un arbitrage.? N'était-il pas utile,
notamment au point de vue de l'apai
sement social, qui doit primer tout le
reste, de leur montrer, de montrer au
public que les compagnies demeu
raient fidèles à leurs engagements,
ne congédiaient leurs ouvriers que
pour de bonnes raisons, ne réduisaient
les salaires que dans la mesure indis
pensable ? Et si, au contraire, par
hasard, les compagnies avaient tort■>
sur certains points, n'était-ce pas faire
œuvre bonne que de mettre fin à une
injustice? N'importe quelle eût été sa
décision, l'arbitrage terminait la grève
heureusement.
On n'en a point voulu. A bout de
ressources et ae forces, les ouvriers
ont dû se soumettre. Ils reprennent le
travail. Mais, l'ordre du jour le dit,
« l'espoir d'une prochaine revanche »
est dans leurs cœurs. Et quelle re
vanche terrible rêvent-ils, ces mal
heureux, enragés d'avoir tant souffert
et d'être vaincus ! Sur cette population
minière du Pas-de-Calais , d'odieux
meneurs, ambitieux que rien n'arrête,
ont mis la main. Ils sont capables de
la conduire, s'ils y croient voir leur
petit intérêt, aux excès les plus épou
vantables. Qu'on ne s'imagine point
que l'insuccès de la grève va dimi
nuer leur influence. Les précédents
prouvent tous le contraire. Pour don
ner un exemple : n'est-ce pas de la
grève d'Anzin, qui échoua complète
ment après dix semaines d'obstina
tion, que date la fortune politique de
Basly ? Toute grève malheureuse,* et
la détresse qui l'accompagne et la suit
durant des mois, sont pour le socia
lisme l'occasion d'un progrès nouveau.
Qu'une élection ait lieu prochaine
ment dans la région houillère du Pas-
derCalais, on verra s'il n'en sort point
un Basly de plus !
Hâtez-vous, économistes libéraux,
de vous réjouir. Soyez heureux et
triomphants. On a vaincu la grève.
Une fois encore, le capital l'emporte.
Il n'a pas eu à subir l'humiliation
d'accepter un arbitrage entre le travail
et lui. Poussez donc des. cris d'allé
gresse. Seulement, hâtez-vous. Car,
bientôt, vous le regretterez peut-être,
cet arbitrage, qui aurait eu probable
ment le rare mérite, en l'occasion pré
sente, de donner à peu près entière
ment raison au capital, sans exaspérer
le travailleur. — Mais, direz-vous, il
nous est absolument égal que le tra
vailleur soit exaspéré où non. L'impor
tant, le nécessaire, c'est qu'il sente
notre force. Transiger avec lui, quelle
faute ! Quand il se permet de résister,
d'entrer en conflit, on le doit réduire à
s'avouer vaincu.
Excellente politique, bien qu'im
morale et révoltante, aussi longtemps
qu'en effet l'onserales plus forts. Pa®
exemple, on la trouvera moins bonne,
quand la force aura passé de l'autre
côté. Or ce jour arrivera. Nous som
mes sous le gouvernement du suffrag e
universel et n'en sortirons point de
sitôt. Les ouvriers sont le nombre;
qu'ils viennent à mieux s'entendre,
ils seront la force. Ils ne se sont pas
entendus cette fois; on avait laissé na
guère Anzin faire grève sans se joindre
à lui; Anzin a pris sa revanche et n'a
point chômé avec le Pas-de-Calais; ce
que voyant, nos houillères du centre,
Carmaux, etc., ont continué le travail.
Le mouvement a échoué. Il échouera
probablement encore. Qui peut affir
mer qu'il échouera toujours? Qui
voudrait jurer que les ouvriers n'arri
veront po int à s'entendre ? Et croit-on
empêcher cet accord et ses consé
quences en refusant devoir sa possi
bilité, en s'obstlnant à ne pas réflé
chir à ses suites? Les irritations hau
taines et ridicules de certains qui ne
veulent point admettre la réalité de ce
qui ne leur va pas, confinent vrai
ment à l'enfantillage.
Est-ce donc une chose tellement
inouïe et scandaleuse que le capital
doive s'habituer, maintenant, à traiter
sur le pied d'égalité avec le travail ?
Pourquoi les intérêts du capitaliste
sèraient-ils, par essence, au-dessus de
ceux du travailleur et plus dignes de
"soins et de respects ? Nous les mettons
sur le même rang. C'est ce . que fait
aussi l'arbitrage. II reconnaît cette
égalité ; il donne ainsi satisfaction'à la
justice. Il apaise les conflits et adoucit
les cœurs ; il préserve ainsi des catas
trophes sociales. Voilà . pourquoi l'ar
bitrage doit se généraliser. C'est la
moralité qu'il faut tirer de la grève
du Pas-de-Calais.
P ierre V euillot.
M. Félix Faure a senti que la France
avait besoin de connaître sa pensée.
Un banquet organisé par ses électeurs
lui a permis de satisfaire cette envie,
qu'il comprend.
Ancien vice-président de la Cham-,
bre, ancien sous-secrétaire d'Etat,
M. Félix Faure est de ceux que la lan
gue parlementaire appelle, d'un nom
fort laid, « ministrables. » Voyons
donc ce qu'il pense.
M. Félix Faure aspire au , porte-;
feuille ; il ne le dit point; mais.' il le
prouve. Son discours peut se résumer
ainsi : plus de concentration ; le pays
veut un ministère homogène, tout
libéral, si la majorité appartient au
libéralisme, entièrement radical, si
le radicalisme est maître de la majo
rité. Or, M. Félix Faure en est con
vaincu, les libéraux sont les plus nom
breux dans la Chambre ; quant & lui,
il se croit un des meilleurs « minis
trables » libéraux! Concluez.
^ Libéral, M. Félix Faure tient à ce
titre et, pour le démontrer, propose
quantité de réformes ; il en repousse
plusieurs.autres, notamment la sépa
ration des Eglises et de l'Etat. Mai3,
sur la question religieuse, son libé
ralisme s'arrête à ce point : ce n'est
pas suffisant.
Et maintenant, regardons; nous
allons probablement voir se concen
trer tous ces grands ennemis de la con
centration. Le spectacle sera curieux;
L'ENSEIGNEMENT SOCIAL DANS LES SÉMINAIRES
Un cours sur la Question sociale
vient d'être inauguré au petit sémi
naire de Castres. La Semaine Reli
gieuse d'Albi donne les détails sui
vants sur cette innovation si utile :
- Ce oours, préparatoire de celui qui est
suivi au grand séminaire, est exclusive
ment réservé aux plus grands élèves. Basé
.sur les commandements de Dieu et les En-
icyoliques de Léon XIII, et exposé dans ce
îqu'il offre de plus élémentaire, eu attendant
qu'il reçoive ailleurs les développements
tbéologiques qu'il comporte, il répond aux
désirs de Monseigneur l'archevêque. Dans
une de ses visites au petit séminaire de
Castres, il y a plus d'un an, Sa Grandeur
avait voulu tracer elle-même les grandes
lignes du programme de cet enseignement,
& la fois si délioat et si utile..
Que Dieu fasse prospérer de toutes ma
nières cette chère maison, et que les béné
dictions de Monseigneur y fassent particu
lièrement fruotifler, pour le bien sooial,
l'enseignement dont Sa Grandeur, à Castres,
oomme au grand séminaire, a eu l'heureuse
initiative I
L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE D'ANGERS
Le Souverain Pontife vient de donner à
l'Université catholique d'Angers une nou
velle preuve de bienveillance qui réjouira
les fidèles de tous les départements de
l'Ouest. Les Evèques protecteurs de l'Uni
versité lui ayant écrit en juillet pour lui
reoommander cette grande institution, Sa
Sainteté a daigné répondre par la Lettre sui
vante dont l'importance n'éohappera & per
sonne. Il s'agit de rattaoher aux Facultés
catholiques d'Angers, soutenues dès l'ori
gine par Rennes, métropole de la Bretagne,
et par Nantes, les trois autres diocèses bre
tons de Vannes, de Quimper et de Saint-
Brieuc. •
A Notre vénérable frère G .-M .-Joseph,
archevêque de Rennes, à Rennes.
LÉON XIII, PAPE
Vénérable frère, salut et bénédic
tion apostolique. Nous avons été très
heureux de recevoir la lettre que vous
Nous avez adressée, le huit juillet der
nier, de concert avec Notre vénérable
frère l'évêque d'Angers, les autres pré
lats ou délégués des prélats, réunis
avec vous à Angers, pour délibérer
ensemble sur les mesures propres à
assurer le maintien et le progrès de
l'université catholique établie dans
cette ville. Ce qui Nou3 a beaucoup
réjoui, c'est d'apprendre le bien que
cette institution a produit dans l'Ouest
de la France, et l'ardeur avec laquelle
vous désirez qu'elle grandisse chaque
jour davantage et porte des fruits de
salut de plus en plus abondants. Nous
l'avons dit en d'autres circonstances,
et Nous l'affirmons de nouveau : rien
ne Nous tient plus à cœur que de voir
cet illustre établissement se dévelop
per, fleurir, atteindre une prospérité
durable,: et recruter des partisans nom
breux et zélé3 qui rivalisent-de. géné
rosité pour lui donner encore plus
d'éclat et d'influence. Voulant donc
lui témoigner toutes Nos bonnes dis
positions, particulièrement en ce qui
touche sa considération et ses intérêts,
Nous avons prêté une oreille bienveil
lante à la proposition que vous Nous
avez suggérée : à savoir que les ti-ois
diocèses bretons de Vannes, de Saint -
Brieuc et de Quimper, associés jus
qu'ici avec ceux qui soutiennent l'Ins
titut catholique de Paris, vous soient
désormais rattachés et se joignent
aux diocèses dont les ressources ali
mentent votre université angevine.
Aussi, Nous Nous déclarons prêt à ac
cueillir favorablement votre requête,
pourvu qu'une heureuse solution fasse
disparaître les difficultés pendantes :
tel est Notre désir, telle est Notre con
fiance. En conséquence, Nous avons
pris soin de munir d'instructions op
portunes, à ce sujet, Notre nonce
apostolique résidant à Paris. En atten
dant, comme gage de Notre affection,
et comme présage de la bonté divine,
Nous accordons de tout Notre cœur la
bénédiction apostolique à vous, à Nos
autres vénérables frères et à Nos chers
fils qui se sont réunis à vous pour
Nous écrire, ainsi qu'au clergé et aux
fidèles confiés à vos soins.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le
30 septembre de l'année 1893, de No
tre Pontificat la seizième.
LÉON XIII, PAPE.
On se souvient peut-être de cette
phrase de la Correspondance de la Li
gue catholique et sociale que le Siècle
avait tranquillement modifiée, pour
se donner le plaisir de traiter de socia
liste, M. de Mun. Car le Siècle est de
venu horriblement conservateur.
La Correspondance ie la Ligue disait
que le mouvement social était « juste
en plusieurs de ses revendications »,
ce qui est l'exactitude même.
Le Siècle , pour se permettre plus ai
sément de venger la société attaquée,
& ces termes avait substitué ceux-ci :
« juste dans la plupart de ses revendi
cations », ce qui faisait des ligueurs
de parfaits socialistes.
Nous luiavoiis dit qu'il était dans
l'erreur. Mais il n'y a pas de danger
qu'il rectifie.
Or, voici maintenant que Y Autorité
s'empare à son tour de cette fameuse
phrase inventée, nous ne savons par
qui, pour inonder d'outrages la Ligue
et M. de Mun,.
Lès outrages constituent le système
social de M. de Cassagnac, comme les
outrages forment son système poli
tique.
Donc, M. de Cassagnac, accusant la
Ligue d'avoir déclaré que le mouve
ment socialiste était « juste dans la
plupart de ses revendications », ce qui
est absolument faux, part de là pour
traiter M. de Mun et ses amis de traî
tres, de toqués, d'ambitieux, d'intri
gants, etc., vous connaissez le voca
bulaire de M. de Cassagnac.
Par exemple, ce qui est inexplica
ble, c'est que M. de Cassagnac affirme
avoir le numéro de la Correspondance
qu'il critique « sous les yeux. »
Alors, c'est donc lui qui a changé
un mot de cette Correspondance pour
lui faire dire une exagération, ce qui
lui procurait l'occasion, d'écrire un vi
rulent article?
Alors, M. de Cassagnac se permet
de tronquer les articles et de fausser
les textes?
Excellente méthode de polémique, en,
vérité !
Heureusement M. de Mun est-il atta
qué en bonne compagnie.
« Parler ainsi, agir ainsi, conclut
en effet M. de Cassagnac, quand on est
aussi impuissant que Vest le catholicisme
sur les passions déchaînées de la révo
lution sociale, équivaut, je le répète,
à jeter de l'huile sur le feu. »
M. de Cassagnac, le grand cham
pion, qui ne trouvait pas le Pape assez
catholique, affirme hautement aujour
d'hui l'impuissance du catholicisme
sur les passions.
Voilà l'écrivain qui passe pour dé
fendre la religion, aux yeux de tout
un public.
Voilà où l'on en arrive, quand on
passe son temps à crier à la tiédeur
sinon à la trahison du Pape.
G. C.
UNE CONVERSATION
avec l 'archevêque d'Alx
Sous ce titre, le Ftgaro publie le
compte rendu d'une conversation
qu'un de ses rédacteurs vient, dit-il,
d'avoir avec Mgr Gouthe-Soulard:
Nous la reproduisons tout entière,
bien,entendu sous toutes réserves :
'— Nous venons vous demander, Monsei
gneur, votre impression sur les conséquen
ces probables des fêtes franco-russes. Vo
tre impression sera d'autant plus intéres
sante pour le grand public, que vous êtes le
seul des membres de répisoopat qui soyez
encore en délicatesse aveo le pouvoir.
— Vous voulez mon impression?^. Eh
bien I je suis doublement heureux de ces
fêtes, comme évêque et oomme citoyen.
Non seulement elles consolident la paix
pour laquelle nous sommes tenus de faire
des voeux; non seulement elles rehaussent
le prestige de la France aux yeux de l'uni
vers ; mais enoore elles ont eu pour résultat
béni de rapprooher tous les Français, d'im
poser silenoe aux mauvaises passions, &
nos haines, à nos jalousies et, surtout, de
proolamer en public, après tant d'années,
devant le monde officiel, le nom de Dieu I
Oui, durant ces fêtes nationales, le clergé
a repris sa plaoe parmi les grands oorps de
l'Etat : il a figuré dans les cortèges ; il a
pris une large part à toutes les manifesta
tions. A Toulon comme à Lyon, oomme &
Marseille, lors des banquets donnés par les
municipalités et les conseils généraux, les
évêques et archevêques ont été l'objet des
plus respectueuses prévenances.
Personnellement, j'ai à me louer de l'ac
cueil très cordial de M. le préfet des Bou
ches-du-Rhône ainsi que de M. le président
du conseil général, à droite duquel j'étais
placé au banquet de la préfecture. Et dans
la réoeption qui a suivi le banquet, j'ai reçu
FEUILLETON DE VUNIVERS
DU 7 NOVEMBRE 1893
CAUSERIE LITTERAIRE
VARIA
La Guerre aux erreurs historiques. —
Thomas Martin de Gallardon (1)
I
Ce np serait pas trop d'une armée entière
dè bénédictins pour faire la guerre aux er
reurs historiques. Il est bien peu de faits,
d'événements que la passion anti-religieuse,
que les haines et les préjugés révolution
naires n'aient travestis et dénaturés. L'er
reur et le mensonge poussent dans le champ
de notre histoire oomme le bleuet et le oo-
quelicot dans les blés. Arraoher cette ivraie,
déraoiner l'erreur, détruire le mensonge,
nulle tâche n'est donc plus utile et plus
méritoire. Pour ma part, je sais peu d'œu-
vres plus estimables en notre siècle, que
oelle accomplie, voici quelque quarante ans,
par un modeste curé de campagne, M.
l'abbé Sauveur Gorini. C'était en 1853. Un
beau matin, parut un gros livre — trois forts
volumes in-8?—intitulé Dépense dk l'Eglise
contre les erreurs historiques de MM. Guizot
Augustin et Amédée Thierry, Michelet, Am-
■ (1) La Guerre aux erreurs historiques, par
A. Lecoy de la Marche, un vol. in-18, Letouzey
et Ané, éditeurs, 17, rue du Vieux-Colombier.
1893. — Thomas Martin de Gallardon, par le ca
pitaine Paul Marin, un vol. in-18; G. Carré, édi
teur, 58, rue Saint-AudrôdesArts, 1893, Paris.
père, Quinet, Fauriel et Henri, Martin. hs
livre était excellent. Aveo une recher
che patiente, aveo une érudition solide,
aveo une conscienoe admirable, l'au
teur avait rétabli la vérité sur an nom
bre considérable de questions où ceux qui
étaient alors réputés les maîtres de la
soience historique, s'étaient trompés ou
avaient trompé. Quels étaient les litres de
oe redresseur de torts ? quelles étaient ses
armes ? d'où lui venaient son audace et sa
témérité? Di titres, il n'ea avait auoun.
L'Institut ignorait son nom et ne le devait
jamais connaître. L'abbé Gorini était un
prêtre de Bourg qui avait passé la plus
grande partie de sa vie dans l'une des plus
pauvres paroisses du département de l'Ain,
la paroisse de la Tranchère. Il passait sa
journée à visiter les malades et les .pauvres,
et, le soir venu, il lisait. Dès sa jeunesse, il
s'était senti attiré vers l'histoire, mais à
mesure qu'il avançait dans la lecture de
nos historiens, il lui semblait que les meil
leurs d'entre eux n'avaient pas rendu jus
tice à l'Eglise et que les autres l'avaient
calomniée. Ce ne fat d'abord chez lui qu'un
sentiment vague et comme instinotif qui ne
tarda pas à se transformer en une certitude
absolue, lorsqu'il lui eut été donné de pou
voir étudier & fond.quelques questions spé
ciales. La pensée lui vint alors, non de faire
un livre — il ne s'en oroyait pas capable,—
mais de travailler dans son coin, sans
trêve, sans relâche et, sous une forme ou
sous une autre, sans prétention d'au
teur, sans souci de vanité, de défendre
l'Eglise, de faire la lumière là où d'au
tres avaient épaissi les ténèbres, de dé
livrer la vérité captive, de venger ses
injures. Mais n'était-ce pas là une entre
prise impossible, pour lui du moins, perdu
au fond d'une oampagne obsoure, sans li
vres, sans bibliothèques, sans ressources
d'auoune sorte? Partir ainsi en guerre,
sans armes contre des adversaires si bien
armé?,n'était-ce pas une folie,-r-une folie plus
grande que oelle de don Quichotte,qui avait,
lui, sa lance et sa rondaohe, sans compter
son écuyer Sanoho? Ainsi parlait le bon
sens; mais plus haut enoore, au-dedans de
lui, parlait une autre voix devant laquelle
il avait coutume de slinoliner,et qui, oelle-
là, disait : il y a là un devoir à remplir !
L'abbé Gorini se mit en. campagne. Il
avait deux ou trois amis, qui demeuraient
un peu loin, mais qui avaient un semblant
de bibliothèque : il les mit à contribution.
Puis il frappa à toutes les portes, derrière
lesquelles il avait ohanoe de renoontrer un
bouquin. Il se fit, suivant le mot de Barbey
d'Aurevilly, un mendiant de livres, un
frère quêteur, un capucin d'érudition (2)
Quelquefois, les paysans rencontraient par
les chemins, montant à grand'peine ou des
cendant péniblement les côtes, un homme
courbé sous le poids des volumes qui char
geaient son dos, comme ces fagots d'épines
sous lesquels ploient les épaules des pau
vres gens. C'était le curé de la Tranohère
revenant de l'une de ses expéditions. On
s'arrêtait un instant à causer. Le curé met
tait bas « son fagot » et, après un peu de
repos, il priait le paysan de l'aider à rechar
ger son fardeau. D'autres fou, il poussait
jusqu à, Lyon, et en revenait avec toute une
provision de livres. C'étaient là ses grands
jours. Vingt ans, il fit.ce métier, tant qu'à
la fin il put publier ses ,trois volumes. Le
gros publio n'y prit point garde, mais ceux
(2) Barbey d'Aurevilly, les Philosophes et les
Ecrivains religieux, 1" série, p. 158.
qui tenaient enoore pour quelque ohose la
justioe et la vérité s'émurent. Il leur parut
bien que, sur toutes les questions traitées
.dans son ouvrage, l'auteur de la Défense de
l'Eglise avait raison, que dans ses rencon
tres aveo les chefs de la nouvelle éoole his
torique il avait le dessus et que le dernier
mot lui restait. L'abbé Gorini n'était qu'un
pasteur, un berger armé seulement d'une
fronde : cette fronde lui avait suffi pour
renverser Goliath.
Grâce & Dieu, l'abbé Gorini a eu de
nombreux successeurs, pas assez cepen
dant. Il reste enoore énormément à faire.
Depuis qu'il n'est plus, d'ailleurs, l'ivraie a
poussé de plus belle, les erreurs ont multi
plié et poussé en tous sens leurs rameaux,
les mensonges ont. continué de fleurir. Plus
que jamais il est nécessaire de les com
battre, et o'est pourquoi nous ne saurions
trop encourager oeux qui s'appliquent à le
faire et qui mettent, dans l'accomplisse
ment de cette tâche, oomme M. Lecoy de
la. Marohe, beauooup de science, de talent
et de zèle.
■ II •
Son volume est divisé en trois parties :
Questions générales, — Questions relatives
au moyen-âge, —- Questions d'histoire mo
derne.
Je signalerai, dans la première partie, le
ohapitre sur M. Henri Martin, et celui où
l'auteur montre que la patrie ne date pas
de 1789. Car o'est là où nous en sommes
réduits, en France. Au delà de nos fron
tières, en Angleterre comme en Allemagne,
en Espagne comme en Russie, partout, le
passé de la patrie est l'objet d'un culte ar
dent, passionné. On a la religion das ancê
tres, et si l'on dit : la vieille Angleterre, la
Allemagne, oe n'est pas aveo le sou
rire du dédain sur les lèvres, o'est avec le
respeot attendri d'un fils qui voit passer
dans ses souvenirs d'enfance la figure bénie
de son aïeule. Pour nous, nous avons
ohangé tout cela et nous avons mis.le cœur
à droite. Chaque jour, historiens et jour
nalistes tournent en dérision les hommes et
les choses d'autrefois, rabaissent nos gran
deurs anciennes, font litière de nos an
ciennes gloires ; ils se livrent à cette be
sogne sans soulever autour de leur nom la
réprobation générale, sans que l'indignation
publique fasse justioe de leur œuvre saori-
lège. Que dis je? C'est à eux que vont les
faveurs de la popularité, aux éorivains qui
poursuivent de leurs outrages tout ce qui a
précédé 1789, qui font de nos pères je ne
sais quel troupeau misérable, mangeant de
l'herbe et courbant sous des maîtres avilis
un front déshonoré. Iasulter le passé de la
patrie est aujourd'hui en France le plus
court chemin pour arriver à ooàquérir le
titre de patriote et pour être proolamé his
torien national. Et c'est pourquoi M. Lecoy
de la Marche a dû, dès son premier oha
pitre, rappeler que la France existait bien
des siècles avant la Révolution, qu'elle était
grande et glorieuse, qu'elle était aimée,
qu'elle était pour nos pères l'objet d'un
oulte véritable. Pour qui nos poètes, dès le
XI* sièole, faisaient-ils combattre le brave
Roland, ce type incomparable de nos pre
miers chevaliers ? « A Dieu no plaise que
douce France soit abaissée à cause de mol 1 »
s'écrie-t-il à Roncevaux. Et, quand il tombe
sur le champ de bataille, ses derniers re
gards se tournent vers cette terre chérie :
« De plusieurs choses lu; prit à remembrer,
de douoe France, etc. » Pour qui mouraient
les soldats de Bouvines et de Poitiers, et
Jeanne d'Ar'o, et Bayard, et Turenne, et
tant d'autres héros obscurs ou célèbres ?
Se seraient-ils immolés à une chimère ? Et
le roi, qu'ils aoolamaient, n'était-il pas pour
eux la vivante incarnation de leur pays ?
M. Henri Martin fut de deux ou trois
académies ; il appartint à l'Assemblée na
tionale et au Sénat; il a aujourd'hui deux
statues. Ce grand homme était un pauvre
sire, un méohant compilateur, ignorant des
sources et de la méthode historique. L'er-
reuret le préjugé perpétuels, dans les plus
petites choses comme dans les plus grandes,
sont la marque de ses éorits. En abordant
une question, il ne se demande pas où il
trouvera la lumière ; il songe aux armes
que cette question pourra lui fournir contre
la monarchie et oontre l'Eglise. L'opposi
tion contre le oatholioisme ne résulte pas
chez lui de l'étude attentive et conscien
cieuse des faits, mais de la conviction for
mée à priori que le catholicisme a oausé
les plus grands maux â la sooiété. Tout son
système est là, et o'est bien un système
dans la pire aeoeption du mot. On voit
d'ici à quelles altérations, à quels excès
d'aveuglement il peut oonduire. En 1872,
M. le oomle de l'Epinois publia un volume
intitulé : Critiques et réfutations ; M. Henri
Martinet son Histoire de France. Il ne lui
avait pas fallu moins d'un fort in-octavo
pour relever les erreurs de M. Martin, et
il était loin d'en avoir épuisé la liste. Après
lui, M. Lecoy de la Marche a trouvé plus
d'un épi à glaner; il en a fait toute une
gerbe.
Dans sa seconde partie, M. Lecoy de la
Marche passe en revue les questions sui
vantes:^— La charité au moyen âge. Les
hospices. — L'art au moyep âge. •— Les
prêtres soldats et le droit canon. — La bi
gamie fut-elle tolérée par un pape?—>L e
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