Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1883-07-30
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 juillet 1883 30 juillet 1883
Description : 1883/07/30 (Numéro 5732). 1883/07/30 (Numéro 5732).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 36 Juillet 1883
N' 5732. Édition quotidienne)
Lundi 30 Juillet 1888
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PARIS
Un an 55 fr. »
Six mois 28 50 r—
Trois mois 15 » (*
Un Numéro, à Paris. ..... 15 /Y .
Départements. 20 " ' A
BUREAUX ! s
Paris, 10, Rue. des Saints-Pères \ ~~ * ' •
On l'abooati <1 Borne, place du (ieiÉ, 8 |
DÉPARTEMENTS
Un an. 55£r^»
Six mois. . . . 28 60
Trois mois ............... 15 »,
Édition semi-quotidienne
. Un an, 30 fr Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 60
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé»
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FRANCE
PARIS, 29 JUILLET 1888
Le ministère triomphe: M. le garde
des sceaux a la magistrature à sa dis
crétion. Malgré les efforts de républi
cains comme MM. Jouin, Bardoux et
surtout Jules Simon, le Sénat a voté
l'article 15 ; MM. Martin-Feuillée et Ju
les Ferry ont emporté les dernières ré
sistances. La majorité a été maigre;
elle a été faite par la voix de M.Naquet,"
validé quelques minutes auparavant;
mais cela suffit.
Maintenant, le ministère pressé d'é
purer la magistrature va-t-il deman
der à la Chambre des députés d'enre
gistrer le projet voté par le Sénat?
A la Chambré des députés, la séance
a été prise par la discussion générale
sur la convention avec la compagnie
d'Orléans; l'intérêt aurait été mediocre
sans un incident dont M. Laisant a été
le peu brillant héros. Une phrase de
M. LangloisTa amené à la tribune ; il
a été sommé de préciser ses accusa
tions ; il n'a pas pu ou n'a pas su le
faire, et MM. Lepere, qui présidait, et
M. Rouvier lui ont durement reproché
sa manière d'agir.
Nous donnons plus loin la traduction
d'une conversation que le correspon
dant du Times dit avoir eue avec M.
Grévy, au sujet de la lettre du souve
rain Pontife. Si ce résumé est exact,
le président de la République est doué
d'une impudence qui ne le cède même
pas à celle de M. Jules Ferry, deve
nue légendaire.
Le journaliste belge qui avait
annoncé qu'il avait remis 16,000 fr.
à deux députés, essaie de les justifier
dans une lettre singulièrement mala
droite. On la trouvera plus loin.
Le Temps nous annonce pour le
budget extraordinaire un emprunt de
300 millions. Qre devient la promesse
de M. Tirard qu'il ne ferait pas d'em
prunt ? Il est vrai qu'il avait également
promis de ne pas faire la conversion.
Une dépêche du gouverneur de la
Cochinchine annonce un important
succès du colonel Badens, qui com
mande à Nam-Dinh. C'est de bon au
gure.
L'article « qui flamboie », suivant
l'expression hasardée de M. Allou,
celui qui livre à l'ennemi la magis
trature, l'article infâme est voté.
Nous avions raison hier de ne pas
vouloir prophétiser. L'article infâme
a été voté à une majorité de trois
voix. 11 suffisait, pour le mettre au
panier, de changer la couleur de deux
bulletins, d'avoir trois absents de plus
à gauche, ou trois présents à droite.
Les destinées de la magistrature fran
çaise ont tenu à bien peu de chose !
Dès le début de la séance, il était
visible que, de toutes parts, on voulait
en finir, et que l'on ne s'en irait
pas sans avoir tranché la question.
On Ta tranchée, mais il a fallu pour
cela siéger près de sept heures de
suite.
Une telle séance défie, en longueur,
l'analyse de la discussion. Nous ne
pouvons que la résumer le plus briève
ment et le plus fidèlement possible.
La série des discours a été ouverte
par notre vieil ennemi, l'ancien rap
porteur de la loi scélérate, l'ennuyeux
et prolixe Ribière. Ce bavard est inta
rissable, il est assommant ; il ferait
bailler un sourd. Hier encore, il a par
lé près de deux heures pour rééditer
toutes les vieilles rengaines de la lie-
publique française , son organe préféré.
Il y a donc des gens qui peuvent par
ler cent vingt minutes consécutives
sans attraper une bonne laryngite.
Heureuses gens, mais infortunés audi
teurs !
M. Bardoux a fait ensuite son début
sénatorial. Ce petit homme maigre,
frais rasé, à la voix fluette, aux yeux
écarquillés ne change pas. Tel nous
l'avons vu jadis à l'Assemblée natio
nale et à la Chambre de 1876, tel nous
le retrouvons sénateur en 1883. Ses
opinions non plus n'ont guère bougé,
et encore moins ses illusions. M. Bar
doux est l'incarnation du centre-gau
che, aujourd'hui bien dégarni,' comme
M. Lacaze le constatait avant-hier mé
lancoliquement. M. Bardoux a repris
en sous-œuvre, non sans un petit ta
lent sui generis , les discours de ses
amis du centre, M. Lacaze, déjà nom
mé, et le bon M. Jouin. Comme eux,
il met « tout ce qu'il a de plus cher
sous l'égide de la République », non
pas de la République de M. Cazot, Ri-
bière ou Martin-Feuillée, mais d'une
rénublique idéale, respectueuse, par
exemple, de la magistrature et de son
indépendance. Inutile de prouver à M.
Bardoux que son égide ne vaut rien,
que e est précisément la république
quil a contribué à fonder, qui va dé
molir tout ce qu'il a de plus cher, y
compris la magistrature. M. Bardoux
s'obstine. Tout s'écroulerait autour de
lui qu'il s'obstinerait encore davantage.
C'est un centre-gauche incurable.
Il serait injuste de ne pas dire que
l'orateur a trouvé des accents énergi
ques pour combattre l'article 15. « Des
magistrats, véritablement dignes de ce
nom, consentiront-ils encore à adopter
une carrière ainsi flétrie d'avance? Si
mes paroles et celles de mes amis n'a
vaient pas la puissance de vous^ empê
cher de faire une faute, fatale à la ré
publique, nous aurions au moins le
mérite d'avoir défendu le rempart de
la justice assiégée et d'avoir tenu jus
qu'au bout pour les véritables prin
cipes. »
Jusque dans ce passage, on retrouve
la préoccupation des membres du
centre ; ce qu'ils veulent surtout, c'est
empêcher les fautes « fatales à la répu
blique. » Si l'article 15 doit être fatal à
ce régime abhorré, nous serions pres
que tentés de nous réjouir de son
vote.
Une riposte de M.' Martin-Feuillée
était obligatoire ; on l'a eue, mais elle
n'est pas forte sa riposte. Il a sou
tenu longuement ce paradoxe que l'ar
ticle 15 « maintient et respecte le prin
cipe de l'inamovibilité ». Quand on se
mêle de faire du paradoxe, il faut
avoir une certaine légèreté d'esprit,
un certain brio qui puisse jeter de la
poudre aux yeux des auditeurs. Le
ministre a soutenu le sien avec la
grâce d'un ours qui piétine sur des
plates-bandes. M. Martin mérite son
nom.
M. Martin a juré d'être équitable, de
voir tous les dossiers, d'entendre tous
les magistrats. « Je sais, s'est-il écrié
dans un beau mouvement, qu'il y va
de l'intérêt de la république et qu'il y
va de mon honneur! » C'est curieux,
nous n'avons pas confiance !
Si M. Martin voulait que l'on crût à
sa parole, il ne devait pas tenir un
langage de sectaire. Or, toute la se
conde partie de son discours est un
pamphlet où la haine éclate, furieuse,
a chaque ligne. Ses furibondes platitu
des contre « la magistrature de l'em
pire et du 16 mai » ont été applaudis
par une majorité en délire. Où sont
donc la modération, le calme, l'im
partialité que M. Martin promettait
tout à l'heure de conserver si on lui
votait son article 15 ?
Le" discours du ministre contre a
justice n'a rien appris à personne.
L'exécution de la magistrature sera
poursuivie sans trêve ni pitié par un
sectaire implacable. M. Martin y per
dra ce qu'il appelle son honneur mi
nistériel, mais il satisfera ses rancu
nes, il donnera libre cours à ses hai
nes. C'est, à ses yeux, une compensa
tion bien suffisante.
M. Batbie a répondu en juriscon
sulte au ministre qui venait de parler
en sectaire. L'orateur a prouvé que
toucher au principe de l'inamovibilité
c'est la détruire, et que la détruire c'est
lui porter un coup mortel. Le beau et
solide discours de M. Batbie a obtenu
sur les bancs de la droite un vif et lé
gitime succès..
Dans 1 ce tournoi oratoire, consacré
entièrement à l'article 11, on avait
quelque peu oublié qu'il s'agissait de
statuer d'abord sur l'amendement de
M. Jouin, portant que les réductions
du personnel judiciaire ne devraient
s'opérer que par voie d'exstinction.
M. Humbert l'a rappelé au Sénat. L'a
mendement a été rejeté au scrutin
avec une minorité des plus honora
bles.
Le premier paragraphe de l'article
officiel, donnant au ministre un délai
de trois mois pour épurer la magistra
ture, a été voté ensuite. Il y a eu une
majorité de quarante voix. C'était là
le commencement de la bataille fi
nale; si, en effet,Te Sénat avait en
tendu faire son devoir et protéger ce
quû reste encore de la magistrature
française, il eût repoussé tous les pa
ragraphes. L'article 15 est, dans son
ensemble, une chose détestable et
nauséabonde. Il n'y avait pas à dis
tinguer entre les paragraphes. Le
vote premier, sans entraîner absolu
ment celui des autres, le faisait pré
voir. A partir de ce moment, M. Mar
tin a relevé la tête. Il n'avait plus
qu'un coup de collier pour toucher à
son but infâme.
Le paragraphe 2 est la clef de voûte
de tout le projet : « Les éliminations
porteront sur l'ensemble du personnel
indistinctement. » Cette phrase, courte
et nette, dit tout sans qu'il soit besoin
de rien expliquer. Les autres articles
sont, en quelque sorte, l'échafaud sur
lequel les Jacobins modernes vont
faire monter les magistrats suspects ;
La droite et le centre ont voulu, jus
qu'au bout, soutenir une lutte désor
mais sans espoir. M. Batbie et M. Wal
lon ont défendu avec ténacité leur
amendement d'après lequel les sup
pressions n'auraient porté que sur des
magistrats d'un rang correspondant à
celui des* sièges opprimés.. Ce n'était
même plus un minimum de garantie.
La majorité n'en a pas voulu ; elle te
nait à son couperet.
M. Jules, Simon a voulu porter, avant
le vote final, une dernière protestation
à la tribune. Il l'a fait en termes élo
quents, indignés, couverts de bravos
frénétiques
Les ministres n'ont pas voulu rester
sous ce coup de fouet vengeur. M. •
Jules Ferry a déclaré qu'il protestait,
lui aussi, « énergique et calme contre
des exagérations de langage extraor
dinaires ». M. Ferry énergique! M.
Ferry calme ! L'irascible Jules a prou
vé son calme et son énergie dans une
improvisation aussi furibonde que dé
cousue. Mal lui en a pris. M. Jules Si
mon, plus en verve que jamais, lui a
lancé une riposte vraiment superbe.
Le brillant orateur a été acclamé par
la droite.
Il paraît, une fois de plus, que le
bon droit et l'éloquence ne suffisent
pas pour avoir raison dans une As
semblée républicaine. Quelques mo
ments après, cent trente-trois bulle
tins blancs contre cent trente bulle
tins bleus adoptaient le second para
graphe de l'article 15.
Ce qui restait en France de magis
trature indépendante et respectée va
disparaître. Avec M. Allou, nous sa
luons ceux qui vont mourir.
Georges Huiliard.
Nous avons eu, hier, à la Chambre,
un nouvel incident Laisant , ou, si l'on
préfère, une suite, attendue d'ailleurs,
de l'incident Laisant. L'affaire s'est
engagée sur le coup de quatre heures
un quart. Elle a duré ses trente-cinq
bonnes minutes, largement. C'a été
chaud, très mouvementé, tumultueux
même et fort divertissant pour le spec
tateur réactionnaire. M. Laisant n'a
point brillé. M. Rouvier a été beau.
Le député Langlois, baroque mais
honnête, était à Ta tribune. MM. Gi-
rault, le meunier du Cher, et Bienvenu
que Fontenay-le-Comte nous envoya,
l'y avaient précédé. Ces deux honora
bles ayant énuméré, chacun durant
une heure au moins, leurs griefs con
tre la compagnie d'Orléans et leurs
objections, dont quelques-unes n'é
taient point tout à fait dénuées de fonde
ments. M. Langlois avait cru devoir leur
répondre, et s'acquittait de celte tâche
avec tout autant de prolixité que ses
adversaires. A son tour, il se lançait
dans des énumérations multiples. Il
nous disait tous les avantages que la
république et le pays allaient tirer cer
tainement des traités de paix en dis
cussion. Il gesticulait, et réveillait les
endormis par les éclats de sa voix qui
donne l'illusion d'un sac de noix qu'on
secouerait avec vigueur.
La Chambre l'écoutait, ne le pre
nant guère au sérieux, mais s'amu-
sant de ses saillies. On riait quand il
appelait M. Raynal : un ministre un
peu chic , ou quelque chose d'appro
chant, d'une égale distinction de langa
ge. On riait quand, son verre d'eau
étant vide, il criait tout haut à l'huis
sier : « Faites-moi donc apporter à
boire, je vous prie! » On riait encore
quand il nompaait M. Tirard : mon vieil
ami Tirard, et disait de M. Varroy :
c'est un bien brave homme !
Tout à coup, il s'arrêta. On crut qu'il
avait terminé. Point. « Je crois vous
avoir montré, dit-il avec majesté, que
la convention dont la ratification vous
est proposée en ce moment est avan
tageuse sous tous les rapports, Par con
séquent, ceux qui la voteront comme
moi, ne seront ni des imbéciles, ni
des traîtres, ni des vendus ! »
Il parla ainsi, et un frémissement
léger courut à travers la salle entière.
Tout bruit de conversation tomba sur-
le-champ. Ce fut un silence profond.
M. Laisant, assis à son banc, relevant
sa vilaine tête de loup, dressa une
et même deux oreilles attentives. Cette
attitude l'encourageant, voilà M. Lan
glois parti à fond de train, flétrissant
à tour de bras (c'est son geste pour les
grandes occasions) les « inquisiteurs
modernes qui, ne pouvant torturer le
corps, torturent l'âme », qui, « dans
les journaux dont ils sont les direc
teurs politiques et les rédacteurs en
chef, outragent les députés leurs col
lègues, les calomnient impudemment »
et ne récoltent, du reste, que « le mé
pris absolu des calomniés pour les ca
lomniateurs » ! Cela dit, M. Langlois
regagna sa place, applaudi à tout
rompre par les trois quarts de l'Assem
blée.
Cependant, M. Laisant avait, aux
premiers mots, demandé la parole.
Son antagoniste ayant achevé sa pé
roraison, le député de Nantes, l'air si
nistre, monte, d'un pas lent et indé
cis, à la tribune. La houle commence.
On interpelle le grand justicier avant
qu'il ait ouvert la bouche. On le hue
déjà, presque de tous les bancs. Seuls,
MM. Dupoftal et Marius Poulet l'ap
plaudissent. M. Duportal ! M. Poulet !
Ils ne sont pas vendus ceux-là! Mais,
a-t-on essaye de les acheter? C'est une
autre question, sans aucune importan
ce, du reste. Ne nous occupons pas
de ces citoyens; écoutons M. Laisant.
Il est bref. Il se contente de déclarer
qu'il est prêt à répondre; il attend seu
lement qu'on vienne lui demander,
d'une façon précise, des explica
tions.
— Eh bien, s'écrie le vertueux Rou
vier, superbe de véhémence indignée,
je suis, comme rapporteur de la com
mission, plus que tout autre, mis di
rectement en cause par votre article ;
c'est donc moi qui vous demande, et
d'une façon précise, des explications.
La majorité républicaine est au-dessus
des vils soupçons que vous essayez de
faire naître (Tonnerre d'applaudisse
ments), toutefois elle ne veut pas plus
longtemps rester en butte à vos ou
trages vagues et à des accusations qui
se confinent dans les généralités. Il faut
écrit cette phrase : « Nous n'évalue
rons pas le nombre ou la quotité des
pots de vin dont 011 parle de toutes
parts. » Qu'avez-vous prétendu dire?
Parlez explicitement ; donnez des noms
donnez des preuves! Si vous vous tai
sez ou si vous n'avancez rien de posi
tif, le pays jugera!
Cette fois on a pu croire que la salle
allait crouler sous les applaudisse
ments frénétiques de la majorité en
délire. M. Rouvier a été congratulé,
acclamé, presque embrassé. Quant au
Laisant, il a voulu répondre, mais, en
somme, il n'a pu que balbutier, et a
dû finalement déclarer qu'il lui était
impossible de donner un seul nom,
Jiarce qu'il n'en connaissait aucun. On
e savait bien, d'ailleurs ; les soupçons
ne manquent point. Ils sont vifs, nom
breux, quelques-uns peut-être sont jus
tifiés, mais les preuves de ces choses-
là ne sontjamais faciles à obtenir.
En tout cas, le Laisant a été exécuté,
et c'est bien fait pour lui.
M. Wilson a combattu ensuite, dans
un Jong discours, la convention avec
l'Orléans. Ce déb'at continuera lundi.
Pierre Veuillot
Les propos de M. Grévy
On dit que M. Grévy parle peu et il
a bien raison, car si les propos qu'on
lui prête sont exacts, il ferait cent fois
mieux de se taire. Le correspondant du
Times raconte qu'il a vu vendredi le
président de la République et qu'il a
voulu en apprendre si, oui ou non, il
avait répondu à la lettre du souverain
Pontife. Pour moi, disait le correspon
dant, je soutiens à tout venant que
vous ne l'avez pas fait. Qu'en est-il ?
Sur quoi, M. Grévy de répondre :
Vous avez raison : je n'ai pas encore ré
pondu, mais je répondrai dans quelques
jours et je ne m'absenterai certainement
pas de Paris sans l'avoir fait. Je répondrai
dans la mesure qui m'est possible, car je
ne suis , pas le gouvernement, je ne suis
qu'une partie du gouvernement. Je suis le
gardien de la constitution et suis étroite
ment lié par elle; quand je dis que je suis
le gardien de la constitution, cela signifie
non-seulemenf que je dois empêcher les au
tres de la violer, mais aussi que je dois
donner aux autres l'exemple du respect à
son égard. Sa Sainteté sait que je ne peux
ri.en et que ma réponse ne peut pas avoir
grande valeur. Pourtant, je répondrai dans
les limites de ce qui lui est due et avec les
sentiments que demande le ton amical et
paternel de sa lettre, ton dont il m'aurait
été impossible de ne pas être touché.
Je ne peux pourtant pas, quoique ni la
lettre du Saint-Père, ni ma réponse ne
soient destinées à être publiées, je ne peux
pas manquer, au point de vue de l'équité,
de relever sinon une injustice, je ne veux
pas employer ce mot, du moins une omis
sion. Dans toute sa lettre, le Pape n'a pas
dit un mot de blâme pour le clergé et il
exalte les évêques sans aucune réserve.
Il y a certainement là une omission. Je
no voudrais pas rééditer la plaisanterie que
c'est le lapin qui a commencé ; mais on
peut certainement affirmer dans le cas ac
tuel que c'est le clergé qui a commencé.
II. a .montré vis-à-vis de la Républi
que une hostilité déclarée; il s'est jeté
aveuglément dans l'entreprise du 16 Mai,
et si la République avait été renversée, une
grande part de ce résultat lui aurait été
due et aurait été publiquement réclamée
par lui.
Il n'a donc pas le droit de se plaindre
s'il a subi des représailles, et si, comme
cela arrive toujours, la revanche a été vive
Il n'en est pas moins vrai que l'attaque est
partie des rangs du clergé et non pas des
républicains.
Les circonstances, au surplus, ont modi
fié les rapports de la religion avec la so
ciété civile, et les gouvernements ne sont
plus ce qu'ils étaient jadis. C'est un point
qu'il ne faut pas perdre de vue. Actuelle
ment, l'Etat n'est plus tributaire de l'E
glise ; il a au contraire le devoir de tenir
l'Eglise dans des limites qui ne lui per
mettent pas de devenir dangereuse ou me
naçante. Assurément, si le Pape pouvait
former le clergé à son image, il n'y aurait
rien à dire.
Léon XIII, avec son intelligence, n'ignore
pas quels sont les droits et les devoirs
créés par l'ordre de choses actuel. Il n'est
peut-être pas ce qu'on peut appeler un li
béral, mais i! comprend les idées libérales,
s'il ne les partage pas. C'est un homme
honnête et bien intentionné ; mais ses évê-
ques ne lui ressemblent pas au point de
vue de l'intelligence des conditions de la
société moderne ; pourtant, dans la lettre
qu'il m'a adressée, il n'a pas trouvé un
seul reproche ' à leur adresser. Il m'a
adressé cette lettre, quoiqu'il sût que je ne
pouvais rien faire; peut-être était,-ce pour
mettre moins d aigreur dans ses observa
tions; peut-être aussi pensait-il que de
"cette façon l'effet en serait plus grand.
Nous ne dissimulerons pas que nous dé
sirons rétablir la paix dans les esprits et
dans nos rapports avec l'église, ruais nous
ne pouvons pas admettre, et personne ne
peut admettre, que ce soit à nous qu'in
combe la responsabilité principale des dif
ficultés dont le Saint-Siège se croit on droit
de se plaindre.
Si la mémoire du correspondant du
Times est fidèle, et si jle résumé qui
précède rapporte exactement les idées
du président de la République sinon
les termes mêmes dont il a usé pour les
exprimer, on ne peut qu'admirer l'é
tonnante ignorance, nous ne voulons
pas dire la mau vaise foi, dont M. Grévy
fait-preuve dans l'appréciation des faits
qui ont amène la situation présente
et des responsabilités qui en résul
tent.
Dire, comme le fait M.. Grévy, d'a
près le correspondant du Times, que
c'est le clergé qui a commencé, c'est
méconnaître absolument et renverser
audacieusement les rôles. Nous ne par
lons pas de l'entreprise du 16 mai. On
sait assez que ses auteurs n'ont eu
qu'un souci dès le premier jour : ce
lui de ne,point passer pour « le gou
vernement des curés ». Nous ne di
sons pas qu'ils aient eu raison, mais
nous constatons le fait. A coup sûr, ce
n'est pas dans la politique des parle
mentaires d'alors qu'on trouvera l'àp»
plication du programme des catholi
ques ou, si l'on veut, des cléricaux
La guerre, d'ailleurs, n'a pas com
mencé par le clergé séculier, mais
par les religieux, à qui, dans les me
sures d'odieux arbitraire arrêtées con
tre eux, l'on n'a pu, même sous forme
de prétexte, reprocher une interven
tion quelconque dans les choses de la
politique. Lorsque, plus tard, on a fait
la loi sur l'enseignement laïque obli
gatoire, qui a obligé le clergé séculier
de défendre l'âme des enfants contre
les entreprises des sectaires, lorsqu'on
a enlevé les crucifix des écoles et les
croix des cimetières, lorsqu'on a chassé
les aumôniers des hôpitaux et lors
qu'on a suspendu les traitements de
lepiscopatet du clergé, d'où est venue
la provocation?
La réponse surgit de l'évidence
même des faits, et il suffit de la moin
dre réflexion pour s'en rendre compte.
La prétendue omission que signale
M. Grévy dans la lettre du souverain
Pontife est donc toute naturelle. Gom
ment, tout en louant les évêques, le
Saint-Père aurait-il pu blâmer le cler
gé, qui n'a fait, dans toute cette cam
pagne, qu'agir en union avec ses
chefs pour la défense commune des
intérêts religieux menacés?
Ce qui est inouï, c'est qu'à ce propos
le président de la République ose par
ler de réprésailes, comme si l'attaque,
sournoise ou violente, n'avait pas tou
jours été et n'était pas chaque jour le
fait direct des gens au pouvoir! Est-il
donc défendu au clergé de se défen
dre, et cette attitude défensive doit-elle
être mise à sa charge comme un acte
de rébellion? 11 est vrai que d'aucuns
le prétendent, et c'est ce qu'avec un
rare cynisme M. Ferry osait répéter
hier encore à la tribune du Sénat,
mais M. Grévy ou tout autre doit perdre
l'espoir de l'aire admettre au Souverain
Pontife une pareille énormité.
Faut-il s'attacher davantage à ce que
dit M. Grévy, d'après le correspondant
du Times , sur les conditions nouvelles
faite au clergé comme à l'Etat par
le triomphe des idées modernes? Faut-
il prendre la peine de lui faire com
prendre que, si le clergé marche d'ac
cord avec les évêques, "les évêques ne
sont pas en désaccord avec le Pape
sur l'idée qu'il faut prendre des con
ditions de la société moderne? En vé
rité, à quoi bon?M. Grévy ne doit pas
ignorer que tous les changements so
ciaux du monde ne feront jamais ad
mettre au Pape, aux évêques et au
clergé que l'injustice c'est l'équité, et
que l'oppression c'est la liberté. Or,
ce qu'on poursuit c'est la spoliation de
l'Eglise et son oppression. Comment
veut-on que le Pape y donne jamais
son adhésion? Comment, dès lors, s'é
tonner qu'il proteste contre ce qui est
fait dans ce sens?
Il est vrai, M. Grévy tient une ex
cuse, et il la donne, non sans naïveté;
c'est qu'il ne peut rien faire constitu-
tionnellement,en d'autres termes, qu'il
est irresponsable.
Si cette excuse ne va pas plus loin
que la constitution, et si le président
de la République reste capable de
juger avec son bon sens ce qu'on lui
donne à signer, cette excuse ne vaut
rien, car la constitution lui laisse un
moyen de ne pas s'associer à des actes
persécuteurs : c'est de ne pas y met
tre sa signature. Mais voilà précisé
ment de quoi il ne se sent pas capa
ble, et c'est pourquoi sa conscience
mal à l'aise le pousse à chercher les
pitoyables excuses dont il fait la con
fidence au correspondant du Times,
mais qui ne tromperont ni ne persua
deront personne.
Auguste Roussel.
Le Times avait annoncé l'envoi par
M. Jules Ferry d'une lettre au souve
rain Pontife. Le journal anglais recti
fie de la manière suivante son infor
mation :
Ce qui a pu faire courir le bruit, à Ro
me, que M. Grévy avait répondu à la lettre
du Pape, c'est que M. Ferry, après avoir
envoyé une note au cardinal Jacobini, a re
mis au nonce de Paris une lettre destinée à
être communiquée au Vatican, dans la
quelle, sur l'ordre du président de la Ré
publique, il accuse réception de la lettre
autographe du Pape.
DERNIÈRE^ HEURE
Nous recevons communication de
la dépêche suivante :
« Klcin-Wolkersdorf, 29 juillet,
10 h. 35 du matin.
« Bulletin tnédical.Âe..23„ Juillel. i 0 h. du matin,.
« L'état de Monsieur Je Comte de
« Chambord est à peu près revenu au
« degré d'amélioration constaté il y a
« deux jours.
« Docteur Mayer.
« Comte de Blacas. »
L'Agence Bavas nous communique
la dépêche suivante :
Klein-Wolkersdorf, 29 juillet.
Frohsdorf, 28 juillet, 8 heures soir. —La
crise signalée hier n'a pas eu de consé
quences sérieuses. Le Comte de Chambord
a ressenti simplement quelques douleurs,
qui ont cessé à la fin de la journée.
Le malade n'a pu sortir à cause du mau
vais temps.
Le comité des Dames françaises pour
le salut de l'Eglise et de la France
nous communique l'appel suivant :
Le mieux constaté dans l'état de la santé
du roi se soutient, mais continuons à prier,
le rétablissement complet est à ce prix.
Çrier veut dire demander, mais l'expres
sion de la reconnaissance est aussi uno
prière en môme temps qu'un devoir. La
louange est l'expression de la reconnais
sance; ajoutons donc à. la neuvaine que
nous faisonf actuellement trois Gloria Patri
en l'honneur de la très Sainte-Trinité.
Pour le comité des Dames
françaises pour le salut de
l'Eglise et de la France.
V. D.
Jeudi, la population de trois cantons
de la Vendee (Baupréau, Montrevault
et Montfaucon) est allée en pèlerinage
au sanctuaire de Saint-Joseph du
Chêne, à Villedieu, prier pour la santé
de Monsieur le Comte de Chambord.
Cinq mille pèlerins étaient réunis. La
manifestation a été magnifique.
Nous recevons communication delà
dépêche suivante :
« Klein-Wolkersdorf, 28 juillet,
6 h., soir.
« Journée satisfaisante et rassuran-
« te; plus aucune trace de la fatigue
« éprouvée hier.
« Comte de B laças. »
Les journaux républicains nous ont
raconté, ces jours-ci, une touchante
histoire. L'opportunisme et l'intransi
geance se sont embrassés. Il est vrai
que la scène se passait sur la tombe
fraîchement ouverte d'un conseiller
municipal, et qu'un cimetière peut
inspirer aux pires farceurs un mo
ment de sincère émotion. On doit
ajouter que les acteurs de cette scène,
« belle comme l'antique », étaient les
citoyens Ranc et Clémenceau, de qui
tout le monde connaît les fermes
principes et les droites intentions.
Nous verrons bientôt, dans une pro
chaine discussion du palais Bourbon,
ce que vaut le sentimental traité d'al
liance juré entre ces messieurs sur la
dépouille de l'ami Dubois, civilement
enterré, bien entendu.
Nous ne faisons d'ailleurs nulle dif
ficulté de croire que MM. Ranc et Clé
menceau se rendent bien compte des
périls de l'heure actuelle. La républi
que se décolle et si les grands hommes
qui la dirigent pouvaient la diriger
selon leurs peurs ils pourraient sans
aucun doute retarder l'effondrement
final. Mais la république n'est point
tout à fait la chose des politiciens qui
en vivent grassement; elle est surtout
la chose des électeurs que MM. Ranc et
Clémenceau doivent servir sans mur
murer sous peine d^tre jetés au pa
nier de rebut. Que serait aujourd'hui
M. Ranc s'il n'avait pas été l'ami et le
confident du tribun qui a édifié sa for
tune politique par sa formule fa
meuse : « Le cléricalisme, voilà l'en
nemi. »?
Que serait M. Clémenceau s'il n'a
vait pas persuadé aux naïfs électeurs
de Montmartre et aux plus naïfs lec
teurs de la Justice que le cléricalisme
était vraiment l'ennemi, mais que M.
Gambelta et ses amis étaient des clé
ricaux habiles et déguisés? Aujour
d'hui M. Ranc et son parti sont en dé
cadence, et M. Clémenceau qui monte
s'entend déjà traiter de « réactionnaire
déguisé » par des réunions popu
laires, chauffées à un degré alar
mant. M. Clémenceau ne serait pas
l'habile homme qu'il est si, dès au
jourd'hui, il ne cherchait à enrayer.
Que les opportunistes lui cèdent sa.
part du gâteau politique, ils auront en
lui un allié influent et la république
sera sauvée.
Nous ne voyons à cela qu'un mal
heur ; c'est que les électeurs de M. Clé
menceau demandent pour lui bien
autre chose qu un portefeuille. On leur a
dit qu'on marchait à la destruction des
bastilles de l'opportunisme et de la
réaction ; bon gré mal gré, il faut que
Clémenceau les suive ou ne soit plus
leur chef, ce qui lui promettrait pour
un avenir plus ou moins éloigné des
perspectives fâcheuses.
Quand on a travaillé rue des Rosiers,
comme M. Clémenceau, on n'a pas le
droit de rire de l'électeur souverain
jusqu'à la fusillade. Il a récemment
passé un vilain quart-d'heure dans une
réunion électorale où on l'accusait
déjà de vouloir chausser les bottes de
dauphin gambettiste. Qu'il ose avouer
N' 5732. Édition quotidienne)
Lundi 30 Juillet 1888
" r
PARIS
Un an 55 fr. »
Six mois 28 50 r—
Trois mois 15 » (*
Un Numéro, à Paris. ..... 15 /Y .
Départements. 20 " ' A
BUREAUX ! s
Paris, 10, Rue. des Saints-Pères \ ~~ * ' •
On l'abooati <1 Borne, place du (ieiÉ, 8 |
DÉPARTEMENTS
Un an. 55£r^»
Six mois. . . . 28 60
Trois mois ............... 15 »,
Édition semi-quotidienne
. Un an, 30 fr Six mois, 16 fr. — Trois mois, 8 fr. 60
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressé»
ANNONCES
- BM. Ch. LAGRANGE, CEEF et G'% 6, place de la Bonr»
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nement expire le 31 juillet sont priés de
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Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée d'une des dernières
bandes et de 50 centimes en timbres-
poste.
FRANCE
PARIS, 29 JUILLET 1888
Le ministère triomphe: M. le garde
des sceaux a la magistrature à sa dis
crétion. Malgré les efforts de républi
cains comme MM. Jouin, Bardoux et
surtout Jules Simon, le Sénat a voté
l'article 15 ; MM. Martin-Feuillée et Ju
les Ferry ont emporté les dernières ré
sistances. La majorité a été maigre;
elle a été faite par la voix de M.Naquet,"
validé quelques minutes auparavant;
mais cela suffit.
Maintenant, le ministère pressé d'é
purer la magistrature va-t-il deman
der à la Chambre des députés d'enre
gistrer le projet voté par le Sénat?
A la Chambré des députés, la séance
a été prise par la discussion générale
sur la convention avec la compagnie
d'Orléans; l'intérêt aurait été mediocre
sans un incident dont M. Laisant a été
le peu brillant héros. Une phrase de
M. LangloisTa amené à la tribune ; il
a été sommé de préciser ses accusa
tions ; il n'a pas pu ou n'a pas su le
faire, et MM. Lepere, qui présidait, et
M. Rouvier lui ont durement reproché
sa manière d'agir.
Nous donnons plus loin la traduction
d'une conversation que le correspon
dant du Times dit avoir eue avec M.
Grévy, au sujet de la lettre du souve
rain Pontife. Si ce résumé est exact,
le président de la République est doué
d'une impudence qui ne le cède même
pas à celle de M. Jules Ferry, deve
nue légendaire.
Le journaliste belge qui avait
annoncé qu'il avait remis 16,000 fr.
à deux députés, essaie de les justifier
dans une lettre singulièrement mala
droite. On la trouvera plus loin.
Le Temps nous annonce pour le
budget extraordinaire un emprunt de
300 millions. Qre devient la promesse
de M. Tirard qu'il ne ferait pas d'em
prunt ? Il est vrai qu'il avait également
promis de ne pas faire la conversion.
Une dépêche du gouverneur de la
Cochinchine annonce un important
succès du colonel Badens, qui com
mande à Nam-Dinh. C'est de bon au
gure.
L'article « qui flamboie », suivant
l'expression hasardée de M. Allou,
celui qui livre à l'ennemi la magis
trature, l'article infâme est voté.
Nous avions raison hier de ne pas
vouloir prophétiser. L'article infâme
a été voté à une majorité de trois
voix. 11 suffisait, pour le mettre au
panier, de changer la couleur de deux
bulletins, d'avoir trois absents de plus
à gauche, ou trois présents à droite.
Les destinées de la magistrature fran
çaise ont tenu à bien peu de chose !
Dès le début de la séance, il était
visible que, de toutes parts, on voulait
en finir, et que l'on ne s'en irait
pas sans avoir tranché la question.
On Ta tranchée, mais il a fallu pour
cela siéger près de sept heures de
suite.
Une telle séance défie, en longueur,
l'analyse de la discussion. Nous ne
pouvons que la résumer le plus briève
ment et le plus fidèlement possible.
La série des discours a été ouverte
par notre vieil ennemi, l'ancien rap
porteur de la loi scélérate, l'ennuyeux
et prolixe Ribière. Ce bavard est inta
rissable, il est assommant ; il ferait
bailler un sourd. Hier encore, il a par
lé près de deux heures pour rééditer
toutes les vieilles rengaines de la lie-
publique française , son organe préféré.
Il y a donc des gens qui peuvent par
ler cent vingt minutes consécutives
sans attraper une bonne laryngite.
Heureuses gens, mais infortunés audi
teurs !
M. Bardoux a fait ensuite son début
sénatorial. Ce petit homme maigre,
frais rasé, à la voix fluette, aux yeux
écarquillés ne change pas. Tel nous
l'avons vu jadis à l'Assemblée natio
nale et à la Chambre de 1876, tel nous
le retrouvons sénateur en 1883. Ses
opinions non plus n'ont guère bougé,
et encore moins ses illusions. M. Bar
doux est l'incarnation du centre-gau
che, aujourd'hui bien dégarni,' comme
M. Lacaze le constatait avant-hier mé
lancoliquement. M. Bardoux a repris
en sous-œuvre, non sans un petit ta
lent sui generis , les discours de ses
amis du centre, M. Lacaze, déjà nom
mé, et le bon M. Jouin. Comme eux,
il met « tout ce qu'il a de plus cher
sous l'égide de la République », non
pas de la République de M. Cazot, Ri-
bière ou Martin-Feuillée, mais d'une
rénublique idéale, respectueuse, par
exemple, de la magistrature et de son
indépendance. Inutile de prouver à M.
Bardoux que son égide ne vaut rien,
que e est précisément la république
quil a contribué à fonder, qui va dé
molir tout ce qu'il a de plus cher, y
compris la magistrature. M. Bardoux
s'obstine. Tout s'écroulerait autour de
lui qu'il s'obstinerait encore davantage.
C'est un centre-gauche incurable.
Il serait injuste de ne pas dire que
l'orateur a trouvé des accents énergi
ques pour combattre l'article 15. « Des
magistrats, véritablement dignes de ce
nom, consentiront-ils encore à adopter
une carrière ainsi flétrie d'avance? Si
mes paroles et celles de mes amis n'a
vaient pas la puissance de vous^ empê
cher de faire une faute, fatale à la ré
publique, nous aurions au moins le
mérite d'avoir défendu le rempart de
la justice assiégée et d'avoir tenu jus
qu'au bout pour les véritables prin
cipes. »
Jusque dans ce passage, on retrouve
la préoccupation des membres du
centre ; ce qu'ils veulent surtout, c'est
empêcher les fautes « fatales à la répu
blique. » Si l'article 15 doit être fatal à
ce régime abhorré, nous serions pres
que tentés de nous réjouir de son
vote.
Une riposte de M.' Martin-Feuillée
était obligatoire ; on l'a eue, mais elle
n'est pas forte sa riposte. Il a sou
tenu longuement ce paradoxe que l'ar
ticle 15 « maintient et respecte le prin
cipe de l'inamovibilité ». Quand on se
mêle de faire du paradoxe, il faut
avoir une certaine légèreté d'esprit,
un certain brio qui puisse jeter de la
poudre aux yeux des auditeurs. Le
ministre a soutenu le sien avec la
grâce d'un ours qui piétine sur des
plates-bandes. M. Martin mérite son
nom.
M. Martin a juré d'être équitable, de
voir tous les dossiers, d'entendre tous
les magistrats. « Je sais, s'est-il écrié
dans un beau mouvement, qu'il y va
de l'intérêt de la république et qu'il y
va de mon honneur! » C'est curieux,
nous n'avons pas confiance !
Si M. Martin voulait que l'on crût à
sa parole, il ne devait pas tenir un
langage de sectaire. Or, toute la se
conde partie de son discours est un
pamphlet où la haine éclate, furieuse,
a chaque ligne. Ses furibondes platitu
des contre « la magistrature de l'em
pire et du 16 mai » ont été applaudis
par une majorité en délire. Où sont
donc la modération, le calme, l'im
partialité que M. Martin promettait
tout à l'heure de conserver si on lui
votait son article 15 ?
Le" discours du ministre contre a
justice n'a rien appris à personne.
L'exécution de la magistrature sera
poursuivie sans trêve ni pitié par un
sectaire implacable. M. Martin y per
dra ce qu'il appelle son honneur mi
nistériel, mais il satisfera ses rancu
nes, il donnera libre cours à ses hai
nes. C'est, à ses yeux, une compensa
tion bien suffisante.
M. Batbie a répondu en juriscon
sulte au ministre qui venait de parler
en sectaire. L'orateur a prouvé que
toucher au principe de l'inamovibilité
c'est la détruire, et que la détruire c'est
lui porter un coup mortel. Le beau et
solide discours de M. Batbie a obtenu
sur les bancs de la droite un vif et lé
gitime succès..
Dans 1 ce tournoi oratoire, consacré
entièrement à l'article 11, on avait
quelque peu oublié qu'il s'agissait de
statuer d'abord sur l'amendement de
M. Jouin, portant que les réductions
du personnel judiciaire ne devraient
s'opérer que par voie d'exstinction.
M. Humbert l'a rappelé au Sénat. L'a
mendement a été rejeté au scrutin
avec une minorité des plus honora
bles.
Le premier paragraphe de l'article
officiel, donnant au ministre un délai
de trois mois pour épurer la magistra
ture, a été voté ensuite. Il y a eu une
majorité de quarante voix. C'était là
le commencement de la bataille fi
nale; si, en effet,Te Sénat avait en
tendu faire son devoir et protéger ce
quû reste encore de la magistrature
française, il eût repoussé tous les pa
ragraphes. L'article 15 est, dans son
ensemble, une chose détestable et
nauséabonde. Il n'y avait pas à dis
tinguer entre les paragraphes. Le
vote premier, sans entraîner absolu
ment celui des autres, le faisait pré
voir. A partir de ce moment, M. Mar
tin a relevé la tête. Il n'avait plus
qu'un coup de collier pour toucher à
son but infâme.
Le paragraphe 2 est la clef de voûte
de tout le projet : « Les éliminations
porteront sur l'ensemble du personnel
indistinctement. » Cette phrase, courte
et nette, dit tout sans qu'il soit besoin
de rien expliquer. Les autres articles
sont, en quelque sorte, l'échafaud sur
lequel les Jacobins modernes vont
faire monter les magistrats suspects ;
La droite et le centre ont voulu, jus
qu'au bout, soutenir une lutte désor
mais sans espoir. M. Batbie et M. Wal
lon ont défendu avec ténacité leur
amendement d'après lequel les sup
pressions n'auraient porté que sur des
magistrats d'un rang correspondant à
celui des* sièges opprimés.. Ce n'était
même plus un minimum de garantie.
La majorité n'en a pas voulu ; elle te
nait à son couperet.
M. Jules, Simon a voulu porter, avant
le vote final, une dernière protestation
à la tribune. Il l'a fait en termes élo
quents, indignés, couverts de bravos
frénétiques
Les ministres n'ont pas voulu rester
sous ce coup de fouet vengeur. M. •
Jules Ferry a déclaré qu'il protestait,
lui aussi, « énergique et calme contre
des exagérations de langage extraor
dinaires ». M. Ferry énergique! M.
Ferry calme ! L'irascible Jules a prou
vé son calme et son énergie dans une
improvisation aussi furibonde que dé
cousue. Mal lui en a pris. M. Jules Si
mon, plus en verve que jamais, lui a
lancé une riposte vraiment superbe.
Le brillant orateur a été acclamé par
la droite.
Il paraît, une fois de plus, que le
bon droit et l'éloquence ne suffisent
pas pour avoir raison dans une As
semblée républicaine. Quelques mo
ments après, cent trente-trois bulle
tins blancs contre cent trente bulle
tins bleus adoptaient le second para
graphe de l'article 15.
Ce qui restait en France de magis
trature indépendante et respectée va
disparaître. Avec M. Allou, nous sa
luons ceux qui vont mourir.
Georges Huiliard.
Nous avons eu, hier, à la Chambre,
un nouvel incident Laisant , ou, si l'on
préfère, une suite, attendue d'ailleurs,
de l'incident Laisant. L'affaire s'est
engagée sur le coup de quatre heures
un quart. Elle a duré ses trente-cinq
bonnes minutes, largement. C'a été
chaud, très mouvementé, tumultueux
même et fort divertissant pour le spec
tateur réactionnaire. M. Laisant n'a
point brillé. M. Rouvier a été beau.
Le député Langlois, baroque mais
honnête, était à Ta tribune. MM. Gi-
rault, le meunier du Cher, et Bienvenu
que Fontenay-le-Comte nous envoya,
l'y avaient précédé. Ces deux honora
bles ayant énuméré, chacun durant
une heure au moins, leurs griefs con
tre la compagnie d'Orléans et leurs
objections, dont quelques-unes n'é
taient point tout à fait dénuées de fonde
ments. M. Langlois avait cru devoir leur
répondre, et s'acquittait de celte tâche
avec tout autant de prolixité que ses
adversaires. A son tour, il se lançait
dans des énumérations multiples. Il
nous disait tous les avantages que la
république et le pays allaient tirer cer
tainement des traités de paix en dis
cussion. Il gesticulait, et réveillait les
endormis par les éclats de sa voix qui
donne l'illusion d'un sac de noix qu'on
secouerait avec vigueur.
La Chambre l'écoutait, ne le pre
nant guère au sérieux, mais s'amu-
sant de ses saillies. On riait quand il
appelait M. Raynal : un ministre un
peu chic , ou quelque chose d'appro
chant, d'une égale distinction de langa
ge. On riait quand, son verre d'eau
étant vide, il criait tout haut à l'huis
sier : « Faites-moi donc apporter à
boire, je vous prie! » On riait encore
quand il nompaait M. Tirard : mon vieil
ami Tirard, et disait de M. Varroy :
c'est un bien brave homme !
Tout à coup, il s'arrêta. On crut qu'il
avait terminé. Point. « Je crois vous
avoir montré, dit-il avec majesté, que
la convention dont la ratification vous
est proposée en ce moment est avan
tageuse sous tous les rapports, Par con
séquent, ceux qui la voteront comme
moi, ne seront ni des imbéciles, ni
des traîtres, ni des vendus ! »
Il parla ainsi, et un frémissement
léger courut à travers la salle entière.
Tout bruit de conversation tomba sur-
le-champ. Ce fut un silence profond.
M. Laisant, assis à son banc, relevant
sa vilaine tête de loup, dressa une
et même deux oreilles attentives. Cette
attitude l'encourageant, voilà M. Lan
glois parti à fond de train, flétrissant
à tour de bras (c'est son geste pour les
grandes occasions) les « inquisiteurs
modernes qui, ne pouvant torturer le
corps, torturent l'âme », qui, « dans
les journaux dont ils sont les direc
teurs politiques et les rédacteurs en
chef, outragent les députés leurs col
lègues, les calomnient impudemment »
et ne récoltent, du reste, que « le mé
pris absolu des calomniés pour les ca
lomniateurs » ! Cela dit, M. Langlois
regagna sa place, applaudi à tout
rompre par les trois quarts de l'Assem
blée.
Cependant, M. Laisant avait, aux
premiers mots, demandé la parole.
Son antagoniste ayant achevé sa pé
roraison, le député de Nantes, l'air si
nistre, monte, d'un pas lent et indé
cis, à la tribune. La houle commence.
On interpelle le grand justicier avant
qu'il ait ouvert la bouche. On le hue
déjà, presque de tous les bancs. Seuls,
MM. Dupoftal et Marius Poulet l'ap
plaudissent. M. Duportal ! M. Poulet !
Ils ne sont pas vendus ceux-là! Mais,
a-t-on essaye de les acheter? C'est une
autre question, sans aucune importan
ce, du reste. Ne nous occupons pas
de ces citoyens; écoutons M. Laisant.
Il est bref. Il se contente de déclarer
qu'il est prêt à répondre; il attend seu
lement qu'on vienne lui demander,
d'une façon précise, des explica
tions.
— Eh bien, s'écrie le vertueux Rou
vier, superbe de véhémence indignée,
je suis, comme rapporteur de la com
mission, plus que tout autre, mis di
rectement en cause par votre article ;
c'est donc moi qui vous demande, et
d'une façon précise, des explications.
La majorité républicaine est au-dessus
des vils soupçons que vous essayez de
faire naître (Tonnerre d'applaudisse
ments), toutefois elle ne veut pas plus
longtemps rester en butte à vos ou
trages vagues et à des accusations qui
se confinent dans les généralités. Il faut
rons pas le nombre ou la quotité des
pots de vin dont 011 parle de toutes
parts. » Qu'avez-vous prétendu dire?
Parlez explicitement ; donnez des noms
donnez des preuves! Si vous vous tai
sez ou si vous n'avancez rien de posi
tif, le pays jugera!
Cette fois on a pu croire que la salle
allait crouler sous les applaudisse
ments frénétiques de la majorité en
délire. M. Rouvier a été congratulé,
acclamé, presque embrassé. Quant au
Laisant, il a voulu répondre, mais, en
somme, il n'a pu que balbutier, et a
dû finalement déclarer qu'il lui était
impossible de donner un seul nom,
Jiarce qu'il n'en connaissait aucun. On
e savait bien, d'ailleurs ; les soupçons
ne manquent point. Ils sont vifs, nom
breux, quelques-uns peut-être sont jus
tifiés, mais les preuves de ces choses-
là ne sontjamais faciles à obtenir.
En tout cas, le Laisant a été exécuté,
et c'est bien fait pour lui.
M. Wilson a combattu ensuite, dans
un Jong discours, la convention avec
l'Orléans. Ce déb'at continuera lundi.
Pierre Veuillot
Les propos de M. Grévy
On dit que M. Grévy parle peu et il
a bien raison, car si les propos qu'on
lui prête sont exacts, il ferait cent fois
mieux de se taire. Le correspondant du
Times raconte qu'il a vu vendredi le
président de la République et qu'il a
voulu en apprendre si, oui ou non, il
avait répondu à la lettre du souverain
Pontife. Pour moi, disait le correspon
dant, je soutiens à tout venant que
vous ne l'avez pas fait. Qu'en est-il ?
Sur quoi, M. Grévy de répondre :
Vous avez raison : je n'ai pas encore ré
pondu, mais je répondrai dans quelques
jours et je ne m'absenterai certainement
pas de Paris sans l'avoir fait. Je répondrai
dans la mesure qui m'est possible, car je
ne suis , pas le gouvernement, je ne suis
qu'une partie du gouvernement. Je suis le
gardien de la constitution et suis étroite
ment lié par elle; quand je dis que je suis
le gardien de la constitution, cela signifie
non-seulemenf que je dois empêcher les au
tres de la violer, mais aussi que je dois
donner aux autres l'exemple du respect à
son égard. Sa Sainteté sait que je ne peux
ri.en et que ma réponse ne peut pas avoir
grande valeur. Pourtant, je répondrai dans
les limites de ce qui lui est due et avec les
sentiments que demande le ton amical et
paternel de sa lettre, ton dont il m'aurait
été impossible de ne pas être touché.
Je ne peux pourtant pas, quoique ni la
lettre du Saint-Père, ni ma réponse ne
soient destinées à être publiées, je ne peux
pas manquer, au point de vue de l'équité,
de relever sinon une injustice, je ne veux
pas employer ce mot, du moins une omis
sion. Dans toute sa lettre, le Pape n'a pas
dit un mot de blâme pour le clergé et il
exalte les évêques sans aucune réserve.
Il y a certainement là une omission. Je
no voudrais pas rééditer la plaisanterie que
c'est le lapin qui a commencé ; mais on
peut certainement affirmer dans le cas ac
tuel que c'est le clergé qui a commencé.
II. a .montré vis-à-vis de la Républi
que une hostilité déclarée; il s'est jeté
aveuglément dans l'entreprise du 16 Mai,
et si la République avait été renversée, une
grande part de ce résultat lui aurait été
due et aurait été publiquement réclamée
par lui.
Il n'a donc pas le droit de se plaindre
s'il a subi des représailles, et si, comme
cela arrive toujours, la revanche a été vive
Il n'en est pas moins vrai que l'attaque est
partie des rangs du clergé et non pas des
républicains.
Les circonstances, au surplus, ont modi
fié les rapports de la religion avec la so
ciété civile, et les gouvernements ne sont
plus ce qu'ils étaient jadis. C'est un point
qu'il ne faut pas perdre de vue. Actuelle
ment, l'Etat n'est plus tributaire de l'E
glise ; il a au contraire le devoir de tenir
l'Eglise dans des limites qui ne lui per
mettent pas de devenir dangereuse ou me
naçante. Assurément, si le Pape pouvait
former le clergé à son image, il n'y aurait
rien à dire.
Léon XIII, avec son intelligence, n'ignore
pas quels sont les droits et les devoirs
créés par l'ordre de choses actuel. Il n'est
peut-être pas ce qu'on peut appeler un li
béral, mais i! comprend les idées libérales,
s'il ne les partage pas. C'est un homme
honnête et bien intentionné ; mais ses évê-
ques ne lui ressemblent pas au point de
vue de l'intelligence des conditions de la
société moderne ; pourtant, dans la lettre
qu'il m'a adressée, il n'a pas trouvé un
seul reproche ' à leur adresser. Il m'a
adressé cette lettre, quoiqu'il sût que je ne
pouvais rien faire; peut-être était,-ce pour
mettre moins d aigreur dans ses observa
tions; peut-être aussi pensait-il que de
"cette façon l'effet en serait plus grand.
Nous ne dissimulerons pas que nous dé
sirons rétablir la paix dans les esprits et
dans nos rapports avec l'église, ruais nous
ne pouvons pas admettre, et personne ne
peut admettre, que ce soit à nous qu'in
combe la responsabilité principale des dif
ficultés dont le Saint-Siège se croit on droit
de se plaindre.
Si la mémoire du correspondant du
Times est fidèle, et si jle résumé qui
précède rapporte exactement les idées
du président de la République sinon
les termes mêmes dont il a usé pour les
exprimer, on ne peut qu'admirer l'é
tonnante ignorance, nous ne voulons
pas dire la mau vaise foi, dont M. Grévy
fait-preuve dans l'appréciation des faits
qui ont amène la situation présente
et des responsabilités qui en résul
tent.
Dire, comme le fait M.. Grévy, d'a
près le correspondant du Times, que
c'est le clergé qui a commencé, c'est
méconnaître absolument et renverser
audacieusement les rôles. Nous ne par
lons pas de l'entreprise du 16 mai. On
sait assez que ses auteurs n'ont eu
qu'un souci dès le premier jour : ce
lui de ne,point passer pour « le gou
vernement des curés ». Nous ne di
sons pas qu'ils aient eu raison, mais
nous constatons le fait. A coup sûr, ce
n'est pas dans la politique des parle
mentaires d'alors qu'on trouvera l'àp»
plication du programme des catholi
ques ou, si l'on veut, des cléricaux
La guerre, d'ailleurs, n'a pas com
mencé par le clergé séculier, mais
par les religieux, à qui, dans les me
sures d'odieux arbitraire arrêtées con
tre eux, l'on n'a pu, même sous forme
de prétexte, reprocher une interven
tion quelconque dans les choses de la
politique. Lorsque, plus tard, on a fait
la loi sur l'enseignement laïque obli
gatoire, qui a obligé le clergé séculier
de défendre l'âme des enfants contre
les entreprises des sectaires, lorsqu'on
a enlevé les crucifix des écoles et les
croix des cimetières, lorsqu'on a chassé
les aumôniers des hôpitaux et lors
qu'on a suspendu les traitements de
lepiscopatet du clergé, d'où est venue
la provocation?
La réponse surgit de l'évidence
même des faits, et il suffit de la moin
dre réflexion pour s'en rendre compte.
La prétendue omission que signale
M. Grévy dans la lettre du souverain
Pontife est donc toute naturelle. Gom
ment, tout en louant les évêques, le
Saint-Père aurait-il pu blâmer le cler
gé, qui n'a fait, dans toute cette cam
pagne, qu'agir en union avec ses
chefs pour la défense commune des
intérêts religieux menacés?
Ce qui est inouï, c'est qu'à ce propos
le président de la République ose par
ler de réprésailes, comme si l'attaque,
sournoise ou violente, n'avait pas tou
jours été et n'était pas chaque jour le
fait direct des gens au pouvoir! Est-il
donc défendu au clergé de se défen
dre, et cette attitude défensive doit-elle
être mise à sa charge comme un acte
de rébellion? 11 est vrai que d'aucuns
le prétendent, et c'est ce qu'avec un
rare cynisme M. Ferry osait répéter
hier encore à la tribune du Sénat,
mais M. Grévy ou tout autre doit perdre
l'espoir de l'aire admettre au Souverain
Pontife une pareille énormité.
Faut-il s'attacher davantage à ce que
dit M. Grévy, d'après le correspondant
du Times , sur les conditions nouvelles
faite au clergé comme à l'Etat par
le triomphe des idées modernes? Faut-
il prendre la peine de lui faire com
prendre que, si le clergé marche d'ac
cord avec les évêques, "les évêques ne
sont pas en désaccord avec le Pape
sur l'idée qu'il faut prendre des con
ditions de la société moderne? En vé
rité, à quoi bon?M. Grévy ne doit pas
ignorer que tous les changements so
ciaux du monde ne feront jamais ad
mettre au Pape, aux évêques et au
clergé que l'injustice c'est l'équité, et
que l'oppression c'est la liberté. Or,
ce qu'on poursuit c'est la spoliation de
l'Eglise et son oppression. Comment
veut-on que le Pape y donne jamais
son adhésion? Comment, dès lors, s'é
tonner qu'il proteste contre ce qui est
fait dans ce sens?
Il est vrai, M. Grévy tient une ex
cuse, et il la donne, non sans naïveté;
c'est qu'il ne peut rien faire constitu-
tionnellement,en d'autres termes, qu'il
est irresponsable.
Si cette excuse ne va pas plus loin
que la constitution, et si le président
de la République reste capable de
juger avec son bon sens ce qu'on lui
donne à signer, cette excuse ne vaut
rien, car la constitution lui laisse un
moyen de ne pas s'associer à des actes
persécuteurs : c'est de ne pas y met
tre sa signature. Mais voilà précisé
ment de quoi il ne se sent pas capa
ble, et c'est pourquoi sa conscience
mal à l'aise le pousse à chercher les
pitoyables excuses dont il fait la con
fidence au correspondant du Times,
mais qui ne tromperont ni ne persua
deront personne.
Auguste Roussel.
Le Times avait annoncé l'envoi par
M. Jules Ferry d'une lettre au souve
rain Pontife. Le journal anglais recti
fie de la manière suivante son infor
mation :
Ce qui a pu faire courir le bruit, à Ro
me, que M. Grévy avait répondu à la lettre
du Pape, c'est que M. Ferry, après avoir
envoyé une note au cardinal Jacobini, a re
mis au nonce de Paris une lettre destinée à
être communiquée au Vatican, dans la
quelle, sur l'ordre du président de la Ré
publique, il accuse réception de la lettre
autographe du Pape.
DERNIÈRE^ HEURE
Nous recevons communication de
la dépêche suivante :
« Klcin-Wolkersdorf, 29 juillet,
10 h. 35 du matin.
« Bulletin tnédical.Âe..23„ Juillel. i 0 h. du matin,.
« L'état de Monsieur Je Comte de
« Chambord est à peu près revenu au
« degré d'amélioration constaté il y a
« deux jours.
« Docteur Mayer.
« Comte de Blacas. »
L'Agence Bavas nous communique
la dépêche suivante :
Klein-Wolkersdorf, 29 juillet.
Frohsdorf, 28 juillet, 8 heures soir. —La
crise signalée hier n'a pas eu de consé
quences sérieuses. Le Comte de Chambord
a ressenti simplement quelques douleurs,
qui ont cessé à la fin de la journée.
Le malade n'a pu sortir à cause du mau
vais temps.
Le comité des Dames françaises pour
le salut de l'Eglise et de la France
nous communique l'appel suivant :
Le mieux constaté dans l'état de la santé
du roi se soutient, mais continuons à prier,
le rétablissement complet est à ce prix.
Çrier veut dire demander, mais l'expres
sion de la reconnaissance est aussi uno
prière en môme temps qu'un devoir. La
louange est l'expression de la reconnais
sance; ajoutons donc à. la neuvaine que
nous faisonf actuellement trois Gloria Patri
en l'honneur de la très Sainte-Trinité.
Pour le comité des Dames
françaises pour le salut de
l'Eglise et de la France.
V. D.
Jeudi, la population de trois cantons
de la Vendee (Baupréau, Montrevault
et Montfaucon) est allée en pèlerinage
au sanctuaire de Saint-Joseph du
Chêne, à Villedieu, prier pour la santé
de Monsieur le Comte de Chambord.
Cinq mille pèlerins étaient réunis. La
manifestation a été magnifique.
Nous recevons communication delà
dépêche suivante :
« Klein-Wolkersdorf, 28 juillet,
6 h., soir.
« Journée satisfaisante et rassuran-
« te; plus aucune trace de la fatigue
« éprouvée hier.
« Comte de B laças. »
Les journaux républicains nous ont
raconté, ces jours-ci, une touchante
histoire. L'opportunisme et l'intransi
geance se sont embrassés. Il est vrai
que la scène se passait sur la tombe
fraîchement ouverte d'un conseiller
municipal, et qu'un cimetière peut
inspirer aux pires farceurs un mo
ment de sincère émotion. On doit
ajouter que les acteurs de cette scène,
« belle comme l'antique », étaient les
citoyens Ranc et Clémenceau, de qui
tout le monde connaît les fermes
principes et les droites intentions.
Nous verrons bientôt, dans une pro
chaine discussion du palais Bourbon,
ce que vaut le sentimental traité d'al
liance juré entre ces messieurs sur la
dépouille de l'ami Dubois, civilement
enterré, bien entendu.
Nous ne faisons d'ailleurs nulle dif
ficulté de croire que MM. Ranc et Clé
menceau se rendent bien compte des
périls de l'heure actuelle. La républi
que se décolle et si les grands hommes
qui la dirigent pouvaient la diriger
selon leurs peurs ils pourraient sans
aucun doute retarder l'effondrement
final. Mais la république n'est point
tout à fait la chose des politiciens qui
en vivent grassement; elle est surtout
la chose des électeurs que MM. Ranc et
Clémenceau doivent servir sans mur
murer sous peine d^tre jetés au pa
nier de rebut. Que serait aujourd'hui
M. Ranc s'il n'avait pas été l'ami et le
confident du tribun qui a édifié sa for
tune politique par sa formule fa
meuse : « Le cléricalisme, voilà l'en
nemi. »?
Que serait M. Clémenceau s'il n'a
vait pas persuadé aux naïfs électeurs
de Montmartre et aux plus naïfs lec
teurs de la Justice que le cléricalisme
était vraiment l'ennemi, mais que M.
Gambelta et ses amis étaient des clé
ricaux habiles et déguisés? Aujour
d'hui M. Ranc et son parti sont en dé
cadence, et M. Clémenceau qui monte
s'entend déjà traiter de « réactionnaire
déguisé » par des réunions popu
laires, chauffées à un degré alar
mant. M. Clémenceau ne serait pas
l'habile homme qu'il est si, dès au
jourd'hui, il ne cherchait à enrayer.
Que les opportunistes lui cèdent sa.
part du gâteau politique, ils auront en
lui un allié influent et la république
sera sauvée.
Nous ne voyons à cela qu'un mal
heur ; c'est que les électeurs de M. Clé
menceau demandent pour lui bien
autre chose qu un portefeuille. On leur a
dit qu'on marchait à la destruction des
bastilles de l'opportunisme et de la
réaction ; bon gré mal gré, il faut que
Clémenceau les suive ou ne soit plus
leur chef, ce qui lui promettrait pour
un avenir plus ou moins éloigné des
perspectives fâcheuses.
Quand on a travaillé rue des Rosiers,
comme M. Clémenceau, on n'a pas le
droit de rire de l'électeur souverain
jusqu'à la fusillade. Il a récemment
passé un vilain quart-d'heure dans une
réunion électorale où on l'accusait
déjà de vouloir chausser les bottes de
dauphin gambettiste. Qu'il ose avouer
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