Titre : La Fronde / directrice Marguerite Durand
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1899-09-30
Contributeur : Durand, Marguerite (1864-1936). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327788531
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 septembre 1899 30 septembre 1899
Description : 1899/09/30 (A3,N661). 1899/09/30 (A3,N661).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k67037808
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-5702
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/01/2016
Un Grave Accident
SUR LA LIGNE DE L'OUEST
Hier soir, vers dix heures, la nouvelle
d'un grave accident sarvenu sur la ligne
de l'Ouest, se répandait dans Paris. On
annonçait qu'un train de courses, rame-
nant des voyageurs de Maisons-Laffitte
avait déraillé et qu'il y avait une tren-
taine de victimes.
Nous noue sommes rendue à la gare
St-Lazare afin de savoir ce qu'il en était.
La nouvelle nous a été confirmée, pas
aussi effroyable que nous le craignions,
mais cependant terrible, car quatre hom-
mes ont été tués.
Vers sept heures, le train 3912 ayant
opéré une fausse manœuvre est venu se
ileurter contre le buttoir,la machine s'est
renversée et les wagons sont montés les
'uns sur les autres.
Tous les voyageurs affolés se précipi-
tèrent sur la voie et se portèrent vers les
compartiments détruits d'où s'échap-
paient des cris déchirants.
Une dizaine de voyageurs, dont six
cessés très grièvement, furent dégagés.
Huit chevaux de courses qui se trou- j
raient dans les deux wagons brisés fu- 1
rent tués et l'on retira d'au milieu de i
leurs cadavres les corps des deux palefre-
piers qui les accompagnaient et qui
avaient été tués sur le coup. j
Quelques instants après, on ramenait 1
le cadavre du chef de train nommé Le- ■
prou qui avait été tué dans sa cabine, et (
celui du chauffeur nommé Ridel qui se <
trouvait engagé sous le fourgon. i
M. d'Ervaux,chef-adjoint de la traction,
ayant sous ses ordres tout le personnel
du dépôt d'Achères a procédé aussitôt 1
au déblaiement et à 1 organisation du J
service. Une voie temporaire provisoire J
a été organisée entre Achères et Maison- (
Laffitte et 1e service des trains express (
s'est fait toute la soirée par la voie d'Ar- i
gent'.uil.
A minuit, la locomotive était dégagée. 1
L'identité des deux palefreniers n'a pu [
encore être établie et on ne peut encore 1
donner à la gare de l'Ouest les noms des e1
Messes. c
Tels sont les détails sommaires que t
rous avons pu recueillir et que des in- }
formations officielles compléteront au- *
(iourtihui. «
M. SCHWARZKOPPEN
POUVAIT DÉPOSER
Lu Gazette de Lausanne publie la lettre
suivante que lui a adressée M. Yves Guyot, 1
et que le Siècle de ce matin reproduit,
tfous n'avons pas besoin tf en montrer le sérieux
intérêt.
A Monsieur Socretan,
Directeur de la Gazette
de Lausanne,
Mon cher confrère,
!)ans l'entretien que j'ai eu le plaisir d'a-
voir avec vous samedi dernier à Lausanne,
nous fùmes amenés à parler de l'altitude
du gouvernement allemand dans l'affaire
Dreyfus.
Il est évident que, dans toute affaire d'es-
üvre pionnage, eL il y a deux parties: celle qui
vre et celle qui reçoit.
Admettons qu'il y ait une morale pro-
fessionnelle entre le vendeur et l'ache-
teur ; que celui-ci ne dénonce pas son
fournisseur ; mais une question de déon-
tologie d'un caractère tout particulier
se-soulève quand un innocent est con-
damné à la place du coupable. Celui
3ui a bénéficié de l'acte de trahison
oit-il laisser placidement s'accomplir
cette effroyable erreur? doit-il considérer
qu'elle ne le regarde pas ? qu'il ne doit
pas essayer de la réparer ? qu'alors qu'il
suffirait d'un mot de lui pour sauver la vic-
time, il doit rester bouche close; et pour-
quoi, pour sauver un misérable bandit
du au il a payé, mais qu'il méprise en raison
u payement qu'il lui a fait, tandis qu'il
doit laisser expier par un innocent le crime
d'un autre?
-Mais allons plus loin ; cet espion a été
décrié dans son pays ; il est connu : il n'a
plus rien à perdre, car il a été acquitté par
un scandaleux jugement et on ne revise
pas les acquittements.
Il est un objet d'horreur et de mépris
pour tous ceux qui savent ; alors à quoi
bon ^discrétion et le mystère qui ne sau-
vent 0M le coupable et qui continuent à
perdre l'Innocent ?
Et alors se posait cette question : —
* Pourquoi le gouvernement allemand n'a-t-
e il pas parlé? Pourquoi n'a-t-il pas donné
a l'autorisation à Schwarzkoppen de parler ?
s- Sans doute, nous avons la déclaration
e faite le 24 janvier 1898 par M. de Bülow de.
vant la commission du budget du Heichs-
tag:
« Je me bornerai donc à déclarer de la
e façon la plus formelle et la plus catégori-
'• que qu'entre l'ex-capitaine Dreyfus, aotuel-
s lement détenu 1 1 Ile du Diable, et n'im-
i, porte quels organes allemands, il n'a jamais
- existé de relations ni de liaisons, de quel-
que nature qu'elles soient. Il ajoutait, pour
It bien préciser la nuance : « Les noms de
e Walsin-Esterhazy, de Piequart, je les ai en-
t tendus pour la première fois, il y a trois
' semaines ».
s Cependant, cette déclaration n'avait pas
suffi, en janvier 1898, pour dissiper les pré-
- jugés relatifs à Dreyfus. Si les termes en
s étaient précis, elle était trop générale pour
- faire impression sur des esprits butés. Le
récit d'un diplomate, publié par le Siècle du
t 4 avril 1898, La déposition de Case lia, rap-
portant des conversations du colonel de
Schwarzkoppen, publiée dans le Siècle du
8 avril 1898, avaient besoin d'être complé-
. tés officiellement, bien que tout ce que
5 nous ayons appris depuis en ait confirmé
- la véracité.
i Alors, en juin 1898. le Siècle résolut d'es-
sayer d obtenir davantage. Quand les pou-
\ voirs publics ne font pas leur devoir, les
individus sont bien obligés de se substituer
[ à eux. Le ministère ne voulait pas aller
i chercher la vérité là où il pouvait la trou-
' ver tout entière; M. Massip, directeur-
administrateur au Siècle, partit pour Ber-
, lin.
Si M. de Btilow refusa de le recevoir,
parce que M. Massip représentait un
journal d'opposition, et que le gouver-
nement allemand ne voulait pas paraître
se mettre en rapport avec les adversaires
du cabinet Mélipe, il dicta la note suivante,
destinée au Siècle, dont voici la traduction
française :
Nous sommes autorisés à dire au nom de
M. de Bülow que l'Allemagne tout entière et le
gouvernement qui la représente verraient avec
satisfaction la solution de la question Dreyfus.
Mais le gouvernement allemand ne peut impo-
ser la lumière au ministère français. Dès que
le ministère français manifestera son désir de
connaître cette vérité, le gouvernement alle-
mand autorisera M. de Schwarzkoppcn à parler
Alors, lui, de son pbef, pourra témoigner soit à
, Berlin, soit à Paris, so t devant des magistrats
allemands, soit à l'ambassade de France à Ber.
lin, soit devant des magistrats français.
J'étais partisan de publier cette note aus-
sitôt apportée à Paris. C était mettre en de-
meure le gouvernement français de prendre
les renseignements décisifs et c'était lui
interdire de se retrancher derrière des
doutes et des équivoques.
Mais les défenseurs et la famille de Drey-
fus obéissaient à ce préjugé qu'il ne fallait
pas demander la lumière à l'étranger, <
comme si la lumière n'était pas bonne i
quelle que fût sa source ! Ils avaient peur 1
de froisser les sentiments de nos ad ver- I
saires : on savait cependant déjà que, quoi 1
qu'on pût faire, quoi qu'on pût dire, on ne
les désarmerait jamais. <
Au lieu de donner une pleine publicité à 1
cette note, nous la gardâmes dans le plus
profond secret. Cependant, ;uand le mi-
nistère Méline fut renversé, je la commu.
niquai à un des hommes dont le nom avait c
été mis en avant pour former un cabinet. i
Il accueillit cette communication avec
terreur. Après le faux Henry, au moment 1
où M. Sarrien saisit la Cour de cassation de 1
la revision,cette note lui fut oommuniquée. t
Il obéit toujours à ce préjugé qu'il valait c
mieux se débattre au milieu des ténèbres 1
plutôt que d'aller chercher la clarté là où f
elle se trouvait. c
Cette pusillanimité a continué. On a qua- r
lifié le ministère Waldeck-Rousseau de mi- c
nistère de la revision. Il n'a eu d'autre 1
crainte que de mériter ce nom que ses ad-
versaires continuent, bien à tort, à lui lais- c
ser comme un outrage. Il fit le même ac- d
cu'l à cette note que ses prédécesseurs, a
Maintenant il doit voir où a abouti cette ti- é
midité. c
M. de Bülow est-il toujours dans les mê-
mes dispositions qu'en juin 1898? Nous n
n'en pouvons douter d'après la note du p
Messager de l'Empire publiée à la veille de v
la condamnation de Dreyfus. d
Les démentis bruyants du commandant tl
Cuignet, le nouveau jugement du conseil
de guerre qui est un démenti aux déclara-
tions officielles du gouvernement allemand
l'ont-ils fait revenir sur les dispositions
qu'il avait manifestées à celte époque ? Le
gouvernement français pourrait-il encore
! faire la démarché qu'on lui demandait en
juin IM? Nous ne le savons.
Mais l'attitude de divers hommes d'Etal
et ministres français à qui cette note fut
communiquée est, hétas! une nouvelle
preuve de la peur que, même les mieux
disposés d'entre eux à reconnaître la né-
cessité de la revision, ont éprouvé à recher-
cher la vérité parles moyens les plus sim-
ples.
Alors que Mercier, ses complices et ceux
qui ont pris la suite de ses affaires ont
commis des crimes pour obtenir et pour
maintenir la condamnation de Dreyfus, sa
famille et ses défenseurs ont eu des scru-
pules qui n'étaient basés que sur des pré- 1
jugés.
Voilà, mon cher confrère, les faits dans
toute leur simplicité. Vous m'avez de-
mandé de vous les oommuniquer dans une
lettre. Je le fais bien volontiers, car je
crois qu'il est bon au'ils soient connus k
l'houre actuelle.
YVES GUYOT.
POLITIQUE ETRANGERE
A Vienne, pendant que la crise -est en
train de se poursuivre, des conseilleurs
avisés essaient d'insinuer aux Allemands
de ne pas se montrer trop intransigeants à
l'égard de la couronne. D après eux, les Al-
lemands d'Autriche devraient se tenir pour
satisfaits de ! abrogation des ordonnances
linguistiques.Quant à la formation du minis-
tère futur, point ne serait besoin de s'in-
quiéter s'il se trouvait plus ou moins sla-
vophile.
A ces ouvertures, les Allemand s-Au tri-
chiens ont répliqué qu'ils avaient le senti-
ment trop hautain de leur maturité politi-
que pour accepter de pareils conseils. De
plus, comme ils tiennent à participer à la
vie parlementaire, ils ne craingnent pas de
rompre avec un système gouvernemental
qui les contraint à n'être que des Autri-
chiens de second ordre. Enfin, les groupes
avancés ont péremptoirement déclaré que
s'ils avaient pu venir à bout de Badem et
de Thun, ils sauraient bien triompher d'un
ministère qui tenterait de faire revivre les
mêmes idées.
La situation n'a donc pas fait un pas.
L'exemple des Tchèques qui, à force d'éner-
gie, ont vu tours tentatives aboutir, appa-
rail comme une leçon pour les nationaux
allemands.
•
A Rome, la session parlementaire va
s'ouvrir en novembre; et l'on s'attend à ce
que le cabinet présente un programme non
moins réactionnaire que les précédents. Il
s'ensuit donc que l'extrême gauche repren-
dra sa tactique : recommencer l'obstruc-
tion. Or, en agissant ainsi, elle ne fait que
défendre les droits constitutionnels que la
Chambre avait nettement promis de main-
tenir lors du derniers discours de la Cou-
ronne, en novembre 1898. Ajoutons que ces
droits se trouvaient stipulés dans cette for-
mule : « On veillera à maintenir les institu-
tions et les droits constitutionnels à une
hauteur assez grande pour en imposer à
tous le respect, et l'observance loyale. »
Alors, pourquoi la liberté de s'associer
et d'imprimer ce qu'on pense est-elle me-
nacée par les manœuvres actuelles ?
MADEMOISELLE.
A Belgrade
On juge sévèrement le procès de Belgrade
en haut lieu et la Gazette de Vos s'exprime
en ces termes :
« La dynastie Obrenowitch ou, pour par-
ler plus exactement, le roi suprême de Ser-
bie, Milan, célèbre aujourd'hui un grand
triomphe. Nicolas Pachitch, l'ancien chef
du parti radical, apparaît à Nich en la qua-
lité d'homme qui se soumet et qui se con-
fond en plats remerciements pour la grâce
qui lui est accordée, et cela au moment
même où onze de ses amis politiques sont
condamnés aux fers et emmenés dans la
forteresse de Belgrade.
« Ce n'est là un jour de gloire ni pour Pa-
chitch, ni pour Obrenowitch. La dépêche
de remerciements que Pachitoh a adressée
au roi Alexandre sonne comme si elle avait
été rédigée à Nich même et qu'il eût été
contraint de la signer.
« L'ignominieux jugement de Belgrade
montre que la Serbie n'oublie jamais et ne
pardonne jamais. Mais le roi Milan, qui
vient d'assouvir sa vengeance sur les ra-
dicaux, sera peut-être lun jour l'objet de
terribles représailles. »
Italie
Le bruit d'après lequel l'Italie entend re-
noncer à toute action en Chine est faux.
L'Italie maintient toujours le programme
exposé au Parlement, tondant à favoriser
en Chine son expansion commerciale et in-
dustrielle.
Le gouvernement a la ferme confiance
que la Chine donnera satisfaction à ses in-
rêts.
La force navale en Chine est renforcée
des cuirassés Li>juria et Carlo Alberto. '
Portugal
On confirme 1 apparition de la peste à
Baguim; elle aurait été apportée par deux
malades de l'hôpital.
Espagne
Le ministre de l'intérieur est allé à Saint-
Sébastien où il a rendu compte à la Régente
de la démission du cabinet.
11 a annoncé l'arrivée de M. Silvela pour
aujourd'hui.
Belgique
L'Aoadémie d'archéologie de Belgique se
réunira le 8 octobre à l'Hôtel de Ville d'An-
vers.
Cette séanoe sera exclusivement consa-
crée à l'œuvre et à la glorification de Van
Dyck, le célèbre peintre flamand.
M. le gouverneur de la province et de
nombreuses notabilités artistiques ont pro-
mis d'assister à cette réunion publique au
cours de laquelle plusieurs orateurs pren-
dront la parole.
Etats-Unis d'Amérique
Il s'est produit,dans les dernières 24 heu-
res, 39 nouveaux cas de fièvre jaune et un
déoès à Key-WesL
Vénézuela
Le gouvernement allemand vient de dé-
cider que le vaisseau-école Nixe qui vient
d'arriver au Vénézuéla resterait dans les
eaux do ce pays jusqu'à la fin des troubles
révolutionnaires afin de protéger les inté-
rêts des sujets allemands.
Les deux frégates-écoles Charlotte et
Mollke sont actuellement en route pour
l'Amérique du Sud. Si besoin est elles se
rendront au Vénézuéla.
INFORMATIONS
M. Millerand, ministre du commerce et
de l'Industrie, se rendra demain à Limoges,
accompagné de son chef de cabinet, M. Du
pré.
____
Le comte Mouraview, ministre des affai-
res étrangères de Russie est arrivé à
Biarritz où il doit passer le mois d'octo-
bre.
»
La réouverture des cours et travaux pra- 1
tique de l'Ecole de Physique est fixée au
lundi 20 octobre prochain.
M. Lauth, directeur de l'Eoole, recevra
séparément chaque élève et lui donnera
connaissance des notes par lui obtenues
pendant le dernier exercice.
A ce sujet, rappelons qu'un projet de loi,
signé par cent six députés appartenant à
toutes les fractions de la Chambre et ten-
dant à comprendre cette Ecole parmi les
établissements qui jouissent de la dispense
de deux années de service, a été renvoyé à
l'examen de la commission de l'armée.
La Commission du Budget
Seize membres étaient présents à la
féanee d'hier. Les derniers chapitres du
Lulgst des chemins de fer de l'Etat ont été
adaptés ainsi que le rapport de Mr Le jMyre
de Vilers sur le budget de la Légion d'hon-
neur.
Les crédits supplémentaires rendus né-
cessaires par les mouvements de troupes
de terre et de mer pendant la période de
tension qui a saivi l'occupation française
de Fashoda ont été également ratifiés.
La prochaine réunion de la commission
est fixée à mardi.
LES AFFAIRES DU TRANSVAAL
A uapetovrn, on assure qu un desaccord
complet existe entre Sir Milner, M. Hofmeyr
et les antres chef du parti africaniste, Dans
les milieux diplomatiques on prétend que si
M. 80tmeyr parvenait à certifier au gouver-
nemet de Pretoria que si après cinq ans de
résidence l'on accordait aux Uitlanders la
concession de la frapchise électorale, la
paix serait assurée. Quant aux autres ques-
üons, le Raad reformé, ou l'arbitrage les
résolverait.
En attendant, les préparatifs pour l'en-
trée en campagne se poursuivent rapide-
ment; le général Joubert est commandant
en chef des Bœrs; c'est lui qûi tirera le
premier coup de feu ; la guerre débutera
par une attaque soudaine des Boers de la
colline de Natal.
Quant aux moyens mis en avant par le ca-
binet de Saint-James pour arriver a une so-
lution favorable de la orise actuelle, ils
sont connus dans leurs grandes lignes.
Maintenant, en dépit des efforts tentée, it
est im possible de remonter lecaarant des
événements et de rompre en visière au
vœu populaire. M. Chamberlain a jugé que
l'heure de l'absorption de l'Afrique était
( venue, et rien ne 1 empêchera de pousser à
la destruction suprême du dernier obstacle
qui s'opposerait à l'inébranlable résolution
de son œuvre. Toutefois, il aura à lutter
avec les éléments àfrikanders, qui ne se-
ront pas aussi réductibles qu'il se l'ima-
gine.
Il n'est pas indifférent de faire observer
qu'en des Allemagne on émet le vœu que oelles
es puissances dont les intérêts sont abso-
lument opposés à ceux de l'Angleterre, de-
vraient tout tenter pour amener une diver-
sion dans les affaires internationales. Il
s agirai de pousser la Russie à exercer une
pression sur l'Asie Orientale et, en consé-
quence, à créer un danger pour la domina-
tion anglaise dans l'Inde.
Nous croyons que c'est là un dessein dont
la réussite nous paraît assez éventuelle;
mais il est certain,cependant,que la Grande
Bretagne a des côtés vulnérables
Le Conseil de Cabinet qui s'est tenu hier
vendredi a suscité de nombreux débats-On
assure que l'influence de la Reine a plaidé
éloquemment la cause de la Paix. « Le gou-
vernement, a-t-on dit, serait bien mal in-
formé s'il ne prouvait au pays et au monde
entier son désir de laisser à M. KrUger tout
le temps possible pour se convertir à la
raison. Il La dernière dépêohe de M. Krûger
exprime simplement que le gouvernement
du Transvaal adhère à la convention de
Londres de 1844, et ne réclame rien de plus.
Quant à la question de suzeraineté, elle) est
laissée de côté. A Prétoria, la situation est
regardée comme assez critique.
Le corps d'armée éventuellement destiné
au Transval a complété tous ses prépara-
tifs. La mobilisation de la réserve de ce
corps d'armée prendra quatre jours.
Les Burghers de Prétoria et de Johannes-
burg ont reçu l'ordre de se tenir prêts à
entrer en campagne trois heures après en
avoir reçu l'avis.
De petits détachements boers sont réunis
à courte distance les uns des autres dans le
voisinage de la ligne du chemin de fer, en-
tre la frontière de l'Etat libre et le Witwa-
tersrand.
On s'attend à ce que les Boers entrent en
campagne dans un jour ou deux.
Dans certains milieux politiques on pré-
tend que sir Alfred Milner a, entre les
»«nains, les preuves absolues de l'existence
d'une entente entre le président KrUger
el un homme politique haut placé du Cap,
dans le but de proclamer l'indépendance du
Cap et d'établir une réoubliaue africaniste.
Angleterre
Londres,29 septembre.
Le conseil des ministres s'est réuni cette
après-midi, à une heure, au Foreign Office,
sous la présidence de lord Salisbury.
Une foule de curieux attendaient t arrivée
des divers ministres et les applaudissaient
au passage.
La délibération a duré un peu plus de
deux heures.
Le gouvernement n'avait pas reçu dans
la matinée la réponse du president Kruger
envoyée cette nuit.
Il est cependant probable que cette ré-
ponse a dû être communiquee au gouver-
nement assez tôt pour le conseil.
Les conditions proposées aujourd'hui
dans le Conseil des ministres par M. Cham-
berlain sont les suivantes :
Le Transvaal paiera une indemnité pour
les frais d'envoi de troupes anglaises ;
Les forts du Transvaal seront désarmés ;
La légation du docteur Leyds sera sup-
primée ;
L'indépendance des juges du Transvaal
sera effective ;
L'égalité des deux langues anglaise et
hollandaise sera établie, et la suprématie
des intérêts anglais dans toute l'Afrique du
Sud sera reconnue.
Dans sa seconde édition, le Times publie
la dépêche suivante :
Prétoria, 28 septembre.
Dans une interview, le président Kruger
a déclaré qu'il avait fait tout son possible
en faveur de la paix. Il avait accepté la
proposition d'une enquête commune. Mais
M. Chamberlain a rompu les négociations
et les troupes anglaises ont été massées.
Le Transvaal est acculé à la guerre. Il ne
pouvait pas accéder à la dépêche du 12 sep-
tembre, car cela eût mis le territoire et la
population aux mains des étrangers.
Comme on demandait au président Krû-
t
gel' iii Jî paix était sneors possible : « ffmJ
répondit le président, à moins que l'Angl*.
terne ne fai» quelque chose pour rendra
la paie possible. »
La d&pAehe du MxM< ajoute qu'on elat.
tend à ce que l'état de guerre soit déclaré
d nn moment à l'autre.
Voici les instructions publiées par la
gouvernement du Transvaal en ou de
guerre :
« Le travail dans les mines pourra oon ti.
nuer; protection sera accordée dans la
mesure du possible aux mineurs.
« Le commerce des spiritueux sera dé-
fendu.
« Un corps de police sera organisé pour
le Rand.
« L'or extrait pendant la guerre sera dé-
posé entre les mains du gouvernement, qui
s en servira pour frapper des pièces d or
en quantité suffisante pour payer le travail
des mines- Le surplus sera rendu après la
guerre.
« Les passeports seront obligatoires »
Deux batteries d'artillerie de campagne
et 500 Burghers sont partis pour Volksrust.
Une autre troupe de 600 hommes part au.
jourd'hui.
La plus grande activité règne dans les
cercles militaires.
Des Boers armés et des artilleurs parcou.
rent à cheval les rues de la ville.
Les autorités ont prévenu les Boers de sa
tenir prêts à partir immédiatement
I.
Choses de
l'Enseignement
Le « prolétariat » des instituteurs a fait
couler beaucoup d'encre, depuis que M.
Henry Bérenger l'a dénoncé dans la Volonté ;
les journaux pédagogiques ont pris la ques-
tion à cœur — comme c'était leur devoir -
et leurs lecteurs ont pu se mettre au point,
car toutes les cloches ont tinté. Les un ont
déclaré, une fois de plus, que le gouverne-
ment IC avait trahi les espérances des ins-
tituteurs » ; les autres ont affirmé, pour
n'en pas perdre l'habitude, que tout était
gour le mieux dans la meilleure des répu.
bliques; d'autres enfin, on dit, comme M.
Ragot, dans l'Ecole Nouvelle, que si « tous
les instituteurs ne sont malheureusement
pas dignes d'envie, la grande majorité est
encore moins digne de pitié ». Et c'est M.
Ragot qui a raison, car s il est une question
où il faut se garder de la synthèse, pour
rester dans la vérité, c'est bien celle de la
situation matérielle des instituteurs.
L'on peut, en effet, affirmer que l'institu-
teur parvenu — et combien lentement! —
à la première classe, jouit d'un bien-être
incontestable; que son collègue, encore
placé sur un échelon intermédiaire, est à
peu près affranchi du souci martelant et
déprimant de la vie matérielle ; mais que
le débutant est obligé, pour ne pas mourir
de faim, de faire, sans aucune défaillance.
des prodiges d'ordre et d'économie ; qu'il
faut.vraiment qu'il ait été doué du genie
de l'ordre, de la sobriélé.de l'austérité.
Dans une des dernières villes du Nord
que j'ai inspectées cette année le traitement
d'une directrice d'école maternelle atteint
trois mille francs et le lo gement est donne
par surcroît. Si elle est célibataire, sa situa-
tion matérielle est incontestablement préfé-
rable à celle de maint chef de famille, ce-
pendant bien posé dans la ville. Si elle est
mariée, si son mari apporte au ménage la
part qu'il y doit apporter, l'aisance règne
au foyer : le budget d'un instituteur et d'une
institutrice mariés ensemble équivaut par-
fois à celui d'un inspecteur d'Académie.
Le fait existe. Ce n'est que l'exception,
mais il existe, je le répète.
Il y a aussi, bon nombre de jeunes ad-
joints et de jeunes adjointes qui, logés dans
l'école ou en dehors de l'école, aux frais de
la commune, reçoivent quinze cents, seize
cents francs ..Ils n'ont pas lieu de se plain-
dre et ne se plaignent pas. C'est une justice
à leur rendre.
Mais les débutants 1
Il y a quinze jours environ, nous avons
reçu à la campagne, la visite d'un jeune
homme sorti, 1 an dernier, sinon il y a deux
ans, d'une école normale où il avait eu l'un
de mes fils pour professeur. Il faisait, en
Normandie, un voyage à pied, le sac au
dos.
Je connaissais son budget : celui de tous
see collègues du même âge et du même
grade : 900 francs de l'Etat, diminués d'une
quarantaine de francs pour la caisse des
retraites, ce qui donne tout net une somme
LA TRIBUNE
LES
Grandes Femmes Juives de la Bible
I
(t)
. L'histoire du peuple hébreu est peut-
être la plus captivante de toutes. Dès les
premiers mots, la Genèse a, en sa sim-
plicité concise, une incomparable gran-
fdeur que l'on retrouve à peu près partout
dans la Bible, et dont les plus grands
icsprits de toutes les époques ont été
jfrappés, et où leur génie a puisé ses ins-
pirations les plus hautes.
Ces tribus d'Israël si faibles numéri-
quement, n'ont-elles point célébré à
•jamais un petit coin de l'Asie? Leur
culte. leurs lois, leur littérature, leurs
Arts, leur civilisation n'ont-ils pas servi
de base et d'enseignement à tous les peu-
ples du vieil Occident?
Au milieu des saturnales d'un paga-
nisme défiant tout ce que sa barbarie ne
peut comprendre, parmi les doctrines
faussées et controversées des religions
orientales implantées en Egypte et dans
la Cyrénaïque, Moïse proclame le Dieu
unique et donne ses dix commande-
inents, résumant la morale et les devoirs
de l'humanité.
Dans un livre qui fait autorité et qui res-
tera comme un monument de l'étude
de la philosophie des lois, l'Histoire gé-
nérale du Droit français (t), après avoir
trop fait un exposé de la législation mosaïque,
rop étendu pour être reproduit ici, l'au-
teur ajoute : « La loi mosaïque n'est pas
absolument vengeresse, elle a encore en.
vue le mal à prévenir. C'est à peu près ce
que dit la loi même : cumque diligentis
sum versecueantes invenerent falsum tes-
item dims se contra fratrem suum men-
dacitim reddent ei sicut fratri suo facere
togitavit, et aulere, malum de me-
dio tui, est audientel cœteri timorem
laabetml et nequamquam talia au-
deant facere. (Deut, XIX, 13-20. Le
droit civil n'est pas constitué sur des
principes moins certains. Après l'exposé
qui précède, il serait inutile de louer
r immense supériorité de ce droit, sur-
tout comparé au rdroit Hindou. Que
l'on écarte quelques dispositions par-
ticulières, commandées par les circons-
tances de temps, de mœurs ou de cli-
mats, et la législation religieuse mo-
rale et civile de Moise restera un éter-
nel chef-d'œuvre de profonde sagesse.
Tous les législateurs qui l'ont connue,
.'en sont inspirés ; il ne viendra ja-
snais un temps où les sages auront le
droit de la négliger. »
1) Jurisprudence générale. Essai sur l'hu-
lurtéu értitfrmçau, Ji- hvM!, a- C. 1>..17.)
Plus bel hommage pouvait-il être ren-
du aux lois de Moïse, que celui du plus
éminent de nos jurisconsultes moderne,
dont les œuvres serontaussi immortelles
que l'Epr<< des lois de Montesquieu.
Des arts sont largement pourvus de
\ sujets empruntés à la Bible pour leurs
plus éclatantes manifestations : quicon-
que a vu Y Adam et Eve, les Sy billes et
les Prophètes de Raphaêl, le Moïse de
- Michel-Ange ne les oubliera jamais. Il
1 en est de m'me d'autres chefs-d'œuvre
de grands maîtres de tous les siècles,
spécimens magnifiques des conceptions
géniales produites par les récits bibli-
ques.
Ce $:'lue nous savons du premier tem-
ple, dit de Salomon, nous révèle des ma-
gnificences architecturales et des orne-
mentations d'une richesse inouïe, sculp-
tures, ciselures d'une délicatesse infinie,
métaux précieux employés en profusion
qui prouvent combien les Hébreux
avaient la science et le goût artistique
1 développés.
Ils excellèrent en tous les arts, car le
chant et la musique furent aussi en hon-
neur parmi eux.
Ainsi, d'une peuplade grossière et sau-
vage, toujours prête à la révolte, un
homme d'un génie universel puisqu'il
fut à la fois législateur, guerrier, écri-
vain, poète, avait su faire une nation
agricole, pieuse, croyante, policée et
d'une culture intellectuelle hors ligne.
Les psaumes du roi David, les livres et
proverbes de Salomon, les prophètes
Jérémie, Job ont été pour les plus illus-
tres poètes et pour les prosateurs de
sublimes modèles. Sans remonter plus
haut que le xv* siècle, nous trouvons
dans l'histoire littéraire des peuples
, d'occident, et jusqu'à nos jours, l'em-
preinte et li sceau du génie hébraïque.
Milton lui doit le Paradis perdu ; son
image du Léviathan est apocalyptique,
et dans l'Apocalypse, elle-même, datant
des premières heures de l'ère chrétienne,
on revoit parmi les figures bibliques
celles de Mdïse, d'Elie et l'évocation de
la montagne de Sion et de la grande Ba-
bylone. Et à propos de Babylone, est-il
une page d'un lyrisme plus émouvant
que l'hymen des femmes juives au bord
de l'Euphrate: Super flumina Babylo-
nis..
Le doux Racine a dû à l'histoire du
roi Assuérus et d'Esther, une des gran-
des juives, un de ses succès les plus
purs. Les modernes n'ont pas dédaigné
non plus de s'inspirer à la source fé- <
conde des poèmes hébraïques. Chateau-
briand, un des premiers voyageurs en
Orient, de notre siècle, a écrit que « Jé- i
rémie seul a su égaler les lamentations 1
aux douleurs » et dans la relation de ses <
courses à travers la Syrie et la Pales- I
tine, l'influence de la mélancolie des t
poésies des prophètes se révèle & chaque 1
i- instant. Cette même impression se jre-
is trouve dans le voyage en Orient de La-
i, martine qui, dans plusieurs de ses Mi-
ss dilations poétiques, a, pour ainsi dire,
paraphrasé des psaumes juifs.
e Il est certain d'ailleurs que les pays
's d'éclatante lumière portent en eux une
l- vague tristesse de mystère; et l'on n'a
>/ point vécu en Orient sans en emporter
e une espèce de nostalgie spéciale qui vous
[1 y ramène par un souvenir intense. Est-ce
e de là que par un atavisme lointain la
l, plupart des femmes juives, surtout cel-
s les des classes élevées, sont plus sérieu-
- ses et graves que les autres femmes ?
Partout où j'ai vécu et fréquenté chez
L- les Israélites, cette nuance m'a frappée,
- et malgré moi, sans idée préconçue, sans
- y arrêter ma pensée,il m'arrivait incons-
f- ciemment de les comparer, par leurs
gestes, par leurs attitudes et leur physio-
i nomie à leurs devancières, les grandes
1. juives qui ont illustré leur nom.
e Dans l'antiquité barbare, la femme ne
comptait que comme femelle apte à la
e reproduction de la race, rien de plus. Les
- Hébreux,esclaves en Egypte où le culte
des animaux avait produit un monstrueux
- dérèglement de mœurs, subirent la loi
i commune. Et, lorsqu'après la sortie de
1 l'empire des Pharaons, et le long séjour
- au désert, trente années bibliques, Moïse
i attristé de l'immoralité de son peuple,
t lui donna le décalogue où se trouve le
commandement d'honorer son père ET
t SA MÈRE, il acquit un droit éternel à la
i reconnaissance de toutes les femmes qui
- pourraient, actuellement même, lui dé-
5 cerner le titre, bien mérité, de premier
i féministe de l'univers. Jusqu'à lui,l'his-
1 toire est presque muette sur la femme
t hébraïque; celles mentionnées dans la
- Genèse, passent telles que des ombres à
peine entrevues; ce sont Agar et Sarah ;
pourtant, toutes deux furent mères de
{ deux grandes races,l'une enfanta Ismaël,
; père des Arabes, l'autre Isaac, père des
juifs.
Mais voici l'ère où commencent à se
révéler avec précision les hautes femmes,
— selon l'expression asiatique, — d'Is-
raël. Le soir, dans les veillées de la tente,
i si poétiques en leur tranquille majesté
en ces contrées Orientales, où, après les
travaux du jour, sous la clarté pure des
étoiles, la famille se réunit, Rébecca,
fille de Bathuel, fils de Nachor, frère
d'Abraham, avait dû entendre parler de
ses parents de la terre de Cbanaan. Peut-
être rêvait-elle quelquefois de cet Isaac
que l'on disait si beau, qu'elle devait
connattre d'aillèurs, par les récits des
voyageurs, où même par la parole trans-
mise de colline en colline par la voix
humaine, car on communiquait ainsi à '
de longues distances, en allumant des
feux sur les hauteurs, où accouraient
aussi tôt des messagers de bonne volonté,
, se transmettant, de proche en procbeiles
- nouvelles à communiquer jusqu'à ce
qu'elles arrivassent à destination. Usage
■ antique observé encore de nos jours en
pays arabes.
Peut-être aussi Rébecca avait-elle le
f>ressentiment de son élévation future
lorsqu'elle rencontra Riiézer à la fontaine
et remmena chez Bathuel. Ce qui est po-
sitif, c'est que sans hésitation elle quitta
ses parents,sa patrie,pour suivre l'étran-
ger.
Dès son arrivée dans sa nouvelle fa-
mille Rébecca refusa de se faire servir
par des esclaves. De quelle nature supé-
rieure devait être douée cette jeune fille
dont l'esprit de justice et d'équité se ré-
voltait contre la servitude d'autrui dont
elle aurait elle-même profité. Ce fut
elle encore qui, la première, s'éleva con-
tre l'iniquité du droit d'atnesse, en vi-
gueur parmi les Hébreux, en substituant
à Esaü Jacob plus intelligent et meilleur
que son frère, pour recevoir la bénédic-
tion paternelle, investiture de ce droit.
Isaac après avoir béni Jacob, s'aperce-
vant du subterfuge acquiesça et dit à
Esati : « Parce que je suis aveugle ton
frère m'a trompé et a pris ton droit ; res-
tez tous deux bénis ».
Et,dit un écrivain contemporain :
Il fallut deux mille ans pour détruire un faux droit,
Oue la Juin en une heure écrasa sous son doiet.
II
Ici finit la Genèse et l'on entre dans
l'Exode. La femme qui y apparaît d'a-
bord ost Mériam, sœur de Moïse. La
servitude d'Egypte pèse sur les Hébreux.
Leur nombre s'accroît tellement que le
Pharaon en prend ombrage ; il redoute
que ces étrangers si intelligents et si vi-
goureux finissent par dominer son peu-
ple et il se résout à faire mourir tous les.
premiers nés de leur race. Mais une
femme de la famille de Lévi, déjà mère
d'une fille de huit à neuf ans, vient de
mettre au monde un fils; elle parvient à
dissimuler sa naissance pendant trois
mois; l'enfant est beau et fort, chéri des
siens,et dans la crainte qu'il lui soit ravi,
sa mère désolée emploie pour le sauver
un stratagème dangereux ; elle sait que
chaque jour, la fille du Pharaon vient
faire une promenade au bord du Nil ;
c'est au fleuve qu'elle va confier le salut
du petit être qui lui est si cher.
Mériam est là regardant sa mère et l'ai-
dant à préparer la corbeille qui, selon
leur espoir, éveillera la curiosité et l'in-
térêt de la princesse.
Ei c'est Mériam qui va jouer le rôle
principal en cette scène dramatique du
sauvetage ou de la mort de son frère.
Elle écoute, attentive, recueillie les ins-
tructions maternelles, grave sérieuse,
comme tous les enfants orientaux, brune,
svelte, avec de grands yeux noirs, où il
semble qu'un rayon de l'ardent soleil
d'Egypte a laissé un de ses rayons. Telle
e on se la représente, enveloppée d'un
e sayon de laine blanche, portant sur sa
n tête la précieuse corbeille qu'elle sou-
tient de ses bras gracHes,de ses mains
e aux fines attaches et marchant nu-pieds
e vers le fleuve, ce Nil si largo et si pro-
e fond qui l'effraie... Elle s'arrête en amont
- de l'endroit où elle sait que va venir la
a princesse ; la frêle corbeille est posée sur
- l'eau, mais Mériam la retient; elle ne
l'abandonnera au courant qu'au moment
- précis où la fille du Pharaon devra la
r rencontrer.
Le cortège royal apparaît, Mériam ]
î pâlit, jette sur le frêle esquif un regard
- anxieux, le lâche et se dissimule dans les
i roseaux, les yeux humides de larmes, le
» cœur gros... Si la princesse allait passer
• sans rien voir, ou si ayant vu, elle res-
tait indifférente... Mais non, du geste elle
, montre le fleuve, parle à ses femmes,
1 s'arrête ; une des suivantes s'élance dans
le Nil, et apporte la corbeille aux pieds
de la royale jeune fille.
Elle soulève le voile qui abrite l'en-
fant, qu'elle regarde avec attendrisse-
ment :
— Qu'il est beau ! dit-elle. Je veux le
garder; mais où trouver tout de suite
une femme pour le nourrir. C'est un
enfant des Hébreux.
Miriam s'est mêlée à la foule, comme
mue par la curiosité. Elle s'avance, met
un genoux en terre pour répondre à
l'interrogatoire de la princesse :
— Moi, je connais une femme de ces
Hébreux qui a du lait.
—Va la chercher,reprend la princesse.
Miriam folle de joie et pourtant im-
passible s'éloigne, et un instant après
revient avec sa mère.
La princesse lui confie l'enfant, lui j
recommande d'en prendre soin, lui pro- j
met une récompense et lui ordonne de 1
lui rapporter quand il sera assez fort j
pour qu'elle le garde auprès d'elle. 1
Plus tard, la mère du futur législateur (
l'apporta ainsi qu'il était convenu, à la <
fille du Pharaon qui l'adopta pour son f
fils (1) et le nomma Moïse parce que, f
disait-elle, je l'ai sauvé des eaux.
Moïse est donc élevé dans le palais du t
Pharaon ; d'après certaines légendes s
Mériam y aurait vécu, aussi avec lui, î
après la mort de leur mère qui n'est
point mentionnée par la Bible. Mais cette (1
sœur d'une raison si haute d'un si grand j,
cœur, ne cesse de penser aux maux et à v
l'asservissement de ceux de son peuple. c
Sans cesse elle rappelle au fils adoptif de q
la fille du roi qu'il n'est point Egyptien, ^
qu'en ses veines coule le sang des asser- jN
vis, et qu'il doit user de toute son in- SI
fluence pour rendre leur sort moins dé- CI
plorable. Moïse n'est point insensible
aux saines exhortations de sa sœur, et
pendant tout le règne du père de celle .
iij Exode, ohap. 14. vol. 10, '
n j qui le sauva les conditions d'existence
ia des Hébreux sont moins misérables. Ce-
J- I pendant il meurt,et sa fille ne doit point
[s lui survivre car il n'est plus question
ls d'elle dans l'histoire. Le successeur du
I prince est ce Pharaon cruel qui persécute
ft I de nouveau les descendants de Jacob et
a I de Joseph. Moïse a quitté le palais et un
ir jour où il voit un Egyptien outrager up
le I Hébreu, il tue l'agresseur. Le Pharao::
kt I irrité veut faire périr le vengeur. Moïse
a I en est averti,et sur le conseil de Meri.un
I ils'enfuitchez les Madianites où il épousa
° I une des sept filles du prêtre Jethro.
d I C'est là,au pays de Madian,que la voix
s I du Seigneur se fit entendre à Moïse et
e I qu'il se sentit appelé à délivrer son peu-
r I pie et à en devenir le chef; alors il re-
■ I tourne en Egypte et somme le Pharaon
e I de laisser les Israélites s'en aller libre-
» I ment de son pays. Le prince refuse,puis
3 I accablé par les maux qui fondent sur
s I son royaume, il promet sans cesse mais
I ne laisse point partir le peuple israÚlitc.
" I Moïse, Aron, son frère, et Mériam se
■ I sont érigés pasteurs de ce peuple qu'ils
I veulent sauver, et Mériam, dont l auto-
5 I rité sur Moïse n'a point cessé, l'encou-
' I rage, le soutient dans ses défaillances,
I I car les déceptions que lui causent les
I Hébreux se renouvellent constamment;
! I ils refusent souvent obéissance à Moïse.
II et c'est encore Mériam qui remet la paix
J entre ses frères et les Israélites dont elle
I est adorée.
I AprtNs la sortie d'Egypte, quand Moïse
I et le peuple hébreu campaient dans lo
I désert au lieu dit IIaseroth, un dissenti-
I ment surgit entre Moïse et sa sœur de-
I meurée vierge pour se consacrer entiè-
I rement au service du Seigneur et au
I salut des Hébreux; eUe était d'ailleurs
I prophétesse et ses oracles avaient autant
] d'autorité sur les Hébreux que ceux de
| Moïse lui-même. Comme celui-ci voulait
I épouser une Kouschite d'une rare beauté
I et que Mériam redoutait qu'elle prit sur
I son frère une influence néfaste, attendu
I que cette femme était étrangère, elle dé-
I fendit à Moïse de se marier avec elle.
I Le législateur, chef de la nation, se
j trouvant froissé par la défense de sa
j sœur,lui interdit le séjour du camp (1) et
I l'exila.
I Blessée dans son affection la plus pro-
fonde, Mériam s'éloigna. Cependant les
Israélites qui, sur l'ordre de Moïse de.
vaientlever camp et poursuivre leurmar-
che en avant, refusèrent de partir tant
que Mériam, leur bon ange et leur pro-
tectrice ne serait point parmi eux. (2)
Moïse dut la rappeler. Elle revint donc
souffrante, désolée et mourut peu après
consumée par une maladie de langueur.
CAROLINE D'AMBRE.
(A '''ION.)
(t) Nombre. Chap. XIL V. i et 3.
(2) Nombre. Chap. XII. Y. u.
SUR LA LIGNE DE L'OUEST
Hier soir, vers dix heures, la nouvelle
d'un grave accident sarvenu sur la ligne
de l'Ouest, se répandait dans Paris. On
annonçait qu'un train de courses, rame-
nant des voyageurs de Maisons-Laffitte
avait déraillé et qu'il y avait une tren-
taine de victimes.
Nous noue sommes rendue à la gare
St-Lazare afin de savoir ce qu'il en était.
La nouvelle nous a été confirmée, pas
aussi effroyable que nous le craignions,
mais cependant terrible, car quatre hom-
mes ont été tués.
Vers sept heures, le train 3912 ayant
opéré une fausse manœuvre est venu se
ileurter contre le buttoir,la machine s'est
renversée et les wagons sont montés les
'uns sur les autres.
Tous les voyageurs affolés se précipi-
tèrent sur la voie et se portèrent vers les
compartiments détruits d'où s'échap-
paient des cris déchirants.
Une dizaine de voyageurs, dont six
cessés très grièvement, furent dégagés.
Huit chevaux de courses qui se trou- j
raient dans les deux wagons brisés fu- 1
rent tués et l'on retira d'au milieu de i
leurs cadavres les corps des deux palefre-
piers qui les accompagnaient et qui
avaient été tués sur le coup. j
Quelques instants après, on ramenait 1
le cadavre du chef de train nommé Le- ■
prou qui avait été tué dans sa cabine, et (
celui du chauffeur nommé Ridel qui se <
trouvait engagé sous le fourgon. i
M. d'Ervaux,chef-adjoint de la traction,
ayant sous ses ordres tout le personnel
du dépôt d'Achères a procédé aussitôt 1
au déblaiement et à 1 organisation du J
service. Une voie temporaire provisoire J
a été organisée entre Achères et Maison- (
Laffitte et 1e service des trains express (
s'est fait toute la soirée par la voie d'Ar- i
gent'.uil.
A minuit, la locomotive était dégagée. 1
L'identité des deux palefreniers n'a pu [
encore être établie et on ne peut encore 1
donner à la gare de l'Ouest les noms des e1
Messes. c
Tels sont les détails sommaires que t
rous avons pu recueillir et que des in- }
formations officielles compléteront au- *
(iourtihui. «
M. SCHWARZKOPPEN
POUVAIT DÉPOSER
Lu Gazette de Lausanne publie la lettre
suivante que lui a adressée M. Yves Guyot, 1
et que le Siècle de ce matin reproduit,
tfous n'avons pas besoin tf en montrer le sérieux
intérêt.
A Monsieur Socretan,
Directeur de la Gazette
de Lausanne,
Mon cher confrère,
!)ans l'entretien que j'ai eu le plaisir d'a-
voir avec vous samedi dernier à Lausanne,
nous fùmes amenés à parler de l'altitude
du gouvernement allemand dans l'affaire
Dreyfus.
Il est évident que, dans toute affaire d'es-
üvre pionnage, eL il y a deux parties: celle qui
vre et celle qui reçoit.
Admettons qu'il y ait une morale pro-
fessionnelle entre le vendeur et l'ache-
teur ; que celui-ci ne dénonce pas son
fournisseur ; mais une question de déon-
tologie d'un caractère tout particulier
se-soulève quand un innocent est con-
damné à la place du coupable. Celui
3ui a bénéficié de l'acte de trahison
oit-il laisser placidement s'accomplir
cette effroyable erreur? doit-il considérer
qu'elle ne le regarde pas ? qu'il ne doit
pas essayer de la réparer ? qu'alors qu'il
suffirait d'un mot de lui pour sauver la vic-
time, il doit rester bouche close; et pour-
quoi, pour sauver un misérable bandit
du au il a payé, mais qu'il méprise en raison
u payement qu'il lui a fait, tandis qu'il
doit laisser expier par un innocent le crime
d'un autre?
-Mais allons plus loin ; cet espion a été
décrié dans son pays ; il est connu : il n'a
plus rien à perdre, car il a été acquitté par
un scandaleux jugement et on ne revise
pas les acquittements.
Il est un objet d'horreur et de mépris
pour tous ceux qui savent ; alors à quoi
bon ^discrétion et le mystère qui ne sau-
vent 0M le coupable et qui continuent à
perdre l'Innocent ?
Et alors se posait cette question : —
* Pourquoi le gouvernement allemand n'a-t-
e il pas parlé? Pourquoi n'a-t-il pas donné
a l'autorisation à Schwarzkoppen de parler ?
s- Sans doute, nous avons la déclaration
e faite le 24 janvier 1898 par M. de Bülow de.
vant la commission du budget du Heichs-
tag:
« Je me bornerai donc à déclarer de la
e façon la plus formelle et la plus catégori-
'• que qu'entre l'ex-capitaine Dreyfus, aotuel-
s lement détenu 1 1 Ile du Diable, et n'im-
i, porte quels organes allemands, il n'a jamais
- existé de relations ni de liaisons, de quel-
que nature qu'elles soient. Il ajoutait, pour
It bien préciser la nuance : « Les noms de
e Walsin-Esterhazy, de Piequart, je les ai en-
t tendus pour la première fois, il y a trois
' semaines ».
s Cependant, cette déclaration n'avait pas
suffi, en janvier 1898, pour dissiper les pré-
- jugés relatifs à Dreyfus. Si les termes en
s étaient précis, elle était trop générale pour
- faire impression sur des esprits butés. Le
récit d'un diplomate, publié par le Siècle du
t 4 avril 1898, La déposition de Case lia, rap-
portant des conversations du colonel de
Schwarzkoppen, publiée dans le Siècle du
8 avril 1898, avaient besoin d'être complé-
. tés officiellement, bien que tout ce que
5 nous ayons appris depuis en ait confirmé
- la véracité.
i Alors, en juin 1898. le Siècle résolut d'es-
sayer d obtenir davantage. Quand les pou-
\ voirs publics ne font pas leur devoir, les
individus sont bien obligés de se substituer
[ à eux. Le ministère ne voulait pas aller
i chercher la vérité là où il pouvait la trou-
' ver tout entière; M. Massip, directeur-
administrateur au Siècle, partit pour Ber-
, lin.
Si M. de Btilow refusa de le recevoir,
parce que M. Massip représentait un
journal d'opposition, et que le gouver-
nement allemand ne voulait pas paraître
se mettre en rapport avec les adversaires
du cabinet Mélipe, il dicta la note suivante,
destinée au Siècle, dont voici la traduction
française :
Nous sommes autorisés à dire au nom de
M. de Bülow que l'Allemagne tout entière et le
gouvernement qui la représente verraient avec
satisfaction la solution de la question Dreyfus.
Mais le gouvernement allemand ne peut impo-
ser la lumière au ministère français. Dès que
le ministère français manifestera son désir de
connaître cette vérité, le gouvernement alle-
mand autorisera M. de Schwarzkoppcn à parler
Alors, lui, de son pbef, pourra témoigner soit à
, Berlin, soit à Paris, so t devant des magistrats
allemands, soit à l'ambassade de France à Ber.
lin, soit devant des magistrats français.
J'étais partisan de publier cette note aus-
sitôt apportée à Paris. C était mettre en de-
meure le gouvernement français de prendre
les renseignements décisifs et c'était lui
interdire de se retrancher derrière des
doutes et des équivoques.
Mais les défenseurs et la famille de Drey-
fus obéissaient à ce préjugé qu'il ne fallait
pas demander la lumière à l'étranger, <
comme si la lumière n'était pas bonne i
quelle que fût sa source ! Ils avaient peur 1
de froisser les sentiments de nos ad ver- I
saires : on savait cependant déjà que, quoi 1
qu'on pût faire, quoi qu'on pût dire, on ne
les désarmerait jamais. <
Au lieu de donner une pleine publicité à 1
cette note, nous la gardâmes dans le plus
profond secret. Cependant, ;uand le mi-
nistère Méline fut renversé, je la commu.
niquai à un des hommes dont le nom avait c
été mis en avant pour former un cabinet. i
Il accueillit cette communication avec
terreur. Après le faux Henry, au moment 1
où M. Sarrien saisit la Cour de cassation de 1
la revision,cette note lui fut oommuniquée. t
Il obéit toujours à ce préjugé qu'il valait c
mieux se débattre au milieu des ténèbres 1
plutôt que d'aller chercher la clarté là où f
elle se trouvait. c
Cette pusillanimité a continué. On a qua- r
lifié le ministère Waldeck-Rousseau de mi- c
nistère de la revision. Il n'a eu d'autre 1
crainte que de mériter ce nom que ses ad-
versaires continuent, bien à tort, à lui lais- c
ser comme un outrage. Il fit le même ac- d
cu'l à cette note que ses prédécesseurs, a
Maintenant il doit voir où a abouti cette ti- é
midité. c
M. de Bülow est-il toujours dans les mê-
mes dispositions qu'en juin 1898? Nous n
n'en pouvons douter d'après la note du p
Messager de l'Empire publiée à la veille de v
la condamnation de Dreyfus. d
Les démentis bruyants du commandant tl
Cuignet, le nouveau jugement du conseil
de guerre qui est un démenti aux déclara-
tions officielles du gouvernement allemand
l'ont-ils fait revenir sur les dispositions
qu'il avait manifestées à celte époque ? Le
gouvernement français pourrait-il encore
! faire la démarché qu'on lui demandait en
juin IM? Nous ne le savons.
Mais l'attitude de divers hommes d'Etal
et ministres français à qui cette note fut
communiquée est, hétas! une nouvelle
preuve de la peur que, même les mieux
disposés d'entre eux à reconnaître la né-
cessité de la revision, ont éprouvé à recher-
cher la vérité parles moyens les plus sim-
ples.
Alors que Mercier, ses complices et ceux
qui ont pris la suite de ses affaires ont
commis des crimes pour obtenir et pour
maintenir la condamnation de Dreyfus, sa
famille et ses défenseurs ont eu des scru-
pules qui n'étaient basés que sur des pré- 1
jugés.
Voilà, mon cher confrère, les faits dans
toute leur simplicité. Vous m'avez de-
mandé de vous les oommuniquer dans une
lettre. Je le fais bien volontiers, car je
crois qu'il est bon au'ils soient connus k
l'houre actuelle.
YVES GUYOT.
POLITIQUE ETRANGERE
A Vienne, pendant que la crise -est en
train de se poursuivre, des conseilleurs
avisés essaient d'insinuer aux Allemands
de ne pas se montrer trop intransigeants à
l'égard de la couronne. D après eux, les Al-
lemands d'Autriche devraient se tenir pour
satisfaits de ! abrogation des ordonnances
linguistiques.Quant à la formation du minis-
tère futur, point ne serait besoin de s'in-
quiéter s'il se trouvait plus ou moins sla-
vophile.
A ces ouvertures, les Allemand s-Au tri-
chiens ont répliqué qu'ils avaient le senti-
ment trop hautain de leur maturité politi-
que pour accepter de pareils conseils. De
plus, comme ils tiennent à participer à la
vie parlementaire, ils ne craingnent pas de
rompre avec un système gouvernemental
qui les contraint à n'être que des Autri-
chiens de second ordre. Enfin, les groupes
avancés ont péremptoirement déclaré que
s'ils avaient pu venir à bout de Badem et
de Thun, ils sauraient bien triompher d'un
ministère qui tenterait de faire revivre les
mêmes idées.
La situation n'a donc pas fait un pas.
L'exemple des Tchèques qui, à force d'éner-
gie, ont vu tours tentatives aboutir, appa-
rail comme une leçon pour les nationaux
allemands.
•
A Rome, la session parlementaire va
s'ouvrir en novembre; et l'on s'attend à ce
que le cabinet présente un programme non
moins réactionnaire que les précédents. Il
s'ensuit donc que l'extrême gauche repren-
dra sa tactique : recommencer l'obstruc-
tion. Or, en agissant ainsi, elle ne fait que
défendre les droits constitutionnels que la
Chambre avait nettement promis de main-
tenir lors du derniers discours de la Cou-
ronne, en novembre 1898. Ajoutons que ces
droits se trouvaient stipulés dans cette for-
mule : « On veillera à maintenir les institu-
tions et les droits constitutionnels à une
hauteur assez grande pour en imposer à
tous le respect, et l'observance loyale. »
Alors, pourquoi la liberté de s'associer
et d'imprimer ce qu'on pense est-elle me-
nacée par les manœuvres actuelles ?
MADEMOISELLE.
A Belgrade
On juge sévèrement le procès de Belgrade
en haut lieu et la Gazette de Vos s'exprime
en ces termes :
« La dynastie Obrenowitch ou, pour par-
ler plus exactement, le roi suprême de Ser-
bie, Milan, célèbre aujourd'hui un grand
triomphe. Nicolas Pachitch, l'ancien chef
du parti radical, apparaît à Nich en la qua-
lité d'homme qui se soumet et qui se con-
fond en plats remerciements pour la grâce
qui lui est accordée, et cela au moment
même où onze de ses amis politiques sont
condamnés aux fers et emmenés dans la
forteresse de Belgrade.
« Ce n'est là un jour de gloire ni pour Pa-
chitch, ni pour Obrenowitch. La dépêche
de remerciements que Pachitoh a adressée
au roi Alexandre sonne comme si elle avait
été rédigée à Nich même et qu'il eût été
contraint de la signer.
« L'ignominieux jugement de Belgrade
montre que la Serbie n'oublie jamais et ne
pardonne jamais. Mais le roi Milan, qui
vient d'assouvir sa vengeance sur les ra-
dicaux, sera peut-être lun jour l'objet de
terribles représailles. »
Italie
Le bruit d'après lequel l'Italie entend re-
noncer à toute action en Chine est faux.
L'Italie maintient toujours le programme
exposé au Parlement, tondant à favoriser
en Chine son expansion commerciale et in-
dustrielle.
Le gouvernement a la ferme confiance
que la Chine donnera satisfaction à ses in-
rêts.
La force navale en Chine est renforcée
des cuirassés Li>juria et Carlo Alberto. '
Portugal
On confirme 1 apparition de la peste à
Baguim; elle aurait été apportée par deux
malades de l'hôpital.
Espagne
Le ministre de l'intérieur est allé à Saint-
Sébastien où il a rendu compte à la Régente
de la démission du cabinet.
11 a annoncé l'arrivée de M. Silvela pour
aujourd'hui.
Belgique
L'Aoadémie d'archéologie de Belgique se
réunira le 8 octobre à l'Hôtel de Ville d'An-
vers.
Cette séanoe sera exclusivement consa-
crée à l'œuvre et à la glorification de Van
Dyck, le célèbre peintre flamand.
M. le gouverneur de la province et de
nombreuses notabilités artistiques ont pro-
mis d'assister à cette réunion publique au
cours de laquelle plusieurs orateurs pren-
dront la parole.
Etats-Unis d'Amérique
Il s'est produit,dans les dernières 24 heu-
res, 39 nouveaux cas de fièvre jaune et un
déoès à Key-WesL
Vénézuela
Le gouvernement allemand vient de dé-
cider que le vaisseau-école Nixe qui vient
d'arriver au Vénézuéla resterait dans les
eaux do ce pays jusqu'à la fin des troubles
révolutionnaires afin de protéger les inté-
rêts des sujets allemands.
Les deux frégates-écoles Charlotte et
Mollke sont actuellement en route pour
l'Amérique du Sud. Si besoin est elles se
rendront au Vénézuéla.
INFORMATIONS
M. Millerand, ministre du commerce et
de l'Industrie, se rendra demain à Limoges,
accompagné de son chef de cabinet, M. Du
pré.
____
Le comte Mouraview, ministre des affai-
res étrangères de Russie est arrivé à
Biarritz où il doit passer le mois d'octo-
bre.
»
La réouverture des cours et travaux pra- 1
tique de l'Ecole de Physique est fixée au
lundi 20 octobre prochain.
M. Lauth, directeur de l'Eoole, recevra
séparément chaque élève et lui donnera
connaissance des notes par lui obtenues
pendant le dernier exercice.
A ce sujet, rappelons qu'un projet de loi,
signé par cent six députés appartenant à
toutes les fractions de la Chambre et ten-
dant à comprendre cette Ecole parmi les
établissements qui jouissent de la dispense
de deux années de service, a été renvoyé à
l'examen de la commission de l'armée.
La Commission du Budget
Seize membres étaient présents à la
féanee d'hier. Les derniers chapitres du
Lulgst des chemins de fer de l'Etat ont été
adaptés ainsi que le rapport de Mr Le jMyre
de Vilers sur le budget de la Légion d'hon-
neur.
Les crédits supplémentaires rendus né-
cessaires par les mouvements de troupes
de terre et de mer pendant la période de
tension qui a saivi l'occupation française
de Fashoda ont été également ratifiés.
La prochaine réunion de la commission
est fixée à mardi.
LES AFFAIRES DU TRANSVAAL
A uapetovrn, on assure qu un desaccord
complet existe entre Sir Milner, M. Hofmeyr
et les antres chef du parti africaniste, Dans
les milieux diplomatiques on prétend que si
M. 80tmeyr parvenait à certifier au gouver-
nemet de Pretoria que si après cinq ans de
résidence l'on accordait aux Uitlanders la
concession de la frapchise électorale, la
paix serait assurée. Quant aux autres ques-
üons, le Raad reformé, ou l'arbitrage les
résolverait.
En attendant, les préparatifs pour l'en-
trée en campagne se poursuivent rapide-
ment; le général Joubert est commandant
en chef des Bœrs; c'est lui qûi tirera le
premier coup de feu ; la guerre débutera
par une attaque soudaine des Boers de la
colline de Natal.
Quant aux moyens mis en avant par le ca-
binet de Saint-James pour arriver a une so-
lution favorable de la orise actuelle, ils
sont connus dans leurs grandes lignes.
Maintenant, en dépit des efforts tentée, it
est im possible de remonter lecaarant des
événements et de rompre en visière au
vœu populaire. M. Chamberlain a jugé que
l'heure de l'absorption de l'Afrique était
( venue, et rien ne 1 empêchera de pousser à
la destruction suprême du dernier obstacle
qui s'opposerait à l'inébranlable résolution
de son œuvre. Toutefois, il aura à lutter
avec les éléments àfrikanders, qui ne se-
ront pas aussi réductibles qu'il se l'ima-
gine.
Il n'est pas indifférent de faire observer
qu'en des Allemagne on émet le vœu que oelles
es puissances dont les intérêts sont abso-
lument opposés à ceux de l'Angleterre, de-
vraient tout tenter pour amener une diver-
sion dans les affaires internationales. Il
s agirai de pousser la Russie à exercer une
pression sur l'Asie Orientale et, en consé-
quence, à créer un danger pour la domina-
tion anglaise dans l'Inde.
Nous croyons que c'est là un dessein dont
la réussite nous paraît assez éventuelle;
mais il est certain,cependant,que la Grande
Bretagne a des côtés vulnérables
Le Conseil de Cabinet qui s'est tenu hier
vendredi a suscité de nombreux débats-On
assure que l'influence de la Reine a plaidé
éloquemment la cause de la Paix. « Le gou-
vernement, a-t-on dit, serait bien mal in-
formé s'il ne prouvait au pays et au monde
entier son désir de laisser à M. KrUger tout
le temps possible pour se convertir à la
raison. Il La dernière dépêohe de M. Krûger
exprime simplement que le gouvernement
du Transvaal adhère à la convention de
Londres de 1844, et ne réclame rien de plus.
Quant à la question de suzeraineté, elle) est
laissée de côté. A Prétoria, la situation est
regardée comme assez critique.
Le corps d'armée éventuellement destiné
au Transval a complété tous ses prépara-
tifs. La mobilisation de la réserve de ce
corps d'armée prendra quatre jours.
Les Burghers de Prétoria et de Johannes-
burg ont reçu l'ordre de se tenir prêts à
entrer en campagne trois heures après en
avoir reçu l'avis.
De petits détachements boers sont réunis
à courte distance les uns des autres dans le
voisinage de la ligne du chemin de fer, en-
tre la frontière de l'Etat libre et le Witwa-
tersrand.
On s'attend à ce que les Boers entrent en
campagne dans un jour ou deux.
Dans certains milieux politiques on pré-
tend que sir Alfred Milner a, entre les
»«nains, les preuves absolues de l'existence
d'une entente entre le président KrUger
el un homme politique haut placé du Cap,
dans le but de proclamer l'indépendance du
Cap et d'établir une réoubliaue africaniste.
Angleterre
Londres,29 septembre.
Le conseil des ministres s'est réuni cette
après-midi, à une heure, au Foreign Office,
sous la présidence de lord Salisbury.
Une foule de curieux attendaient t arrivée
des divers ministres et les applaudissaient
au passage.
La délibération a duré un peu plus de
deux heures.
Le gouvernement n'avait pas reçu dans
la matinée la réponse du president Kruger
envoyée cette nuit.
Il est cependant probable que cette ré-
ponse a dû être communiquee au gouver-
nement assez tôt pour le conseil.
Les conditions proposées aujourd'hui
dans le Conseil des ministres par M. Cham-
berlain sont les suivantes :
Le Transvaal paiera une indemnité pour
les frais d'envoi de troupes anglaises ;
Les forts du Transvaal seront désarmés ;
La légation du docteur Leyds sera sup-
primée ;
L'indépendance des juges du Transvaal
sera effective ;
L'égalité des deux langues anglaise et
hollandaise sera établie, et la suprématie
des intérêts anglais dans toute l'Afrique du
Sud sera reconnue.
Dans sa seconde édition, le Times publie
la dépêche suivante :
Prétoria, 28 septembre.
Dans une interview, le président Kruger
a déclaré qu'il avait fait tout son possible
en faveur de la paix. Il avait accepté la
proposition d'une enquête commune. Mais
M. Chamberlain a rompu les négociations
et les troupes anglaises ont été massées.
Le Transvaal est acculé à la guerre. Il ne
pouvait pas accéder à la dépêche du 12 sep-
tembre, car cela eût mis le territoire et la
population aux mains des étrangers.
Comme on demandait au président Krû-
t
gel' iii Jî paix était sneors possible : « ffmJ
répondit le président, à moins que l'Angl*.
terne ne fai» quelque chose pour rendra
la paie possible. »
La d&pAehe du MxM< ajoute qu'on elat.
tend à ce que l'état de guerre soit déclaré
d nn moment à l'autre.
Voici les instructions publiées par la
gouvernement du Transvaal en ou de
guerre :
« Le travail dans les mines pourra oon ti.
nuer; protection sera accordée dans la
mesure du possible aux mineurs.
« Le commerce des spiritueux sera dé-
fendu.
« Un corps de police sera organisé pour
le Rand.
« L'or extrait pendant la guerre sera dé-
posé entre les mains du gouvernement, qui
s en servira pour frapper des pièces d or
en quantité suffisante pour payer le travail
des mines- Le surplus sera rendu après la
guerre.
« Les passeports seront obligatoires »
Deux batteries d'artillerie de campagne
et 500 Burghers sont partis pour Volksrust.
Une autre troupe de 600 hommes part au.
jourd'hui.
La plus grande activité règne dans les
cercles militaires.
Des Boers armés et des artilleurs parcou.
rent à cheval les rues de la ville.
Les autorités ont prévenu les Boers de sa
tenir prêts à partir immédiatement
I.
Choses de
l'Enseignement
Le « prolétariat » des instituteurs a fait
couler beaucoup d'encre, depuis que M.
Henry Bérenger l'a dénoncé dans la Volonté ;
les journaux pédagogiques ont pris la ques-
tion à cœur — comme c'était leur devoir -
et leurs lecteurs ont pu se mettre au point,
car toutes les cloches ont tinté. Les un ont
déclaré, une fois de plus, que le gouverne-
ment IC avait trahi les espérances des ins-
tituteurs » ; les autres ont affirmé, pour
n'en pas perdre l'habitude, que tout était
gour le mieux dans la meilleure des répu.
bliques; d'autres enfin, on dit, comme M.
Ragot, dans l'Ecole Nouvelle, que si « tous
les instituteurs ne sont malheureusement
pas dignes d'envie, la grande majorité est
encore moins digne de pitié ». Et c'est M.
Ragot qui a raison, car s il est une question
où il faut se garder de la synthèse, pour
rester dans la vérité, c'est bien celle de la
situation matérielle des instituteurs.
L'on peut, en effet, affirmer que l'institu-
teur parvenu — et combien lentement! —
à la première classe, jouit d'un bien-être
incontestable; que son collègue, encore
placé sur un échelon intermédiaire, est à
peu près affranchi du souci martelant et
déprimant de la vie matérielle ; mais que
le débutant est obligé, pour ne pas mourir
de faim, de faire, sans aucune défaillance.
des prodiges d'ordre et d'économie ; qu'il
faut.vraiment qu'il ait été doué du genie
de l'ordre, de la sobriélé.de l'austérité.
Dans une des dernières villes du Nord
que j'ai inspectées cette année le traitement
d'une directrice d'école maternelle atteint
trois mille francs et le lo gement est donne
par surcroît. Si elle est célibataire, sa situa-
tion matérielle est incontestablement préfé-
rable à celle de maint chef de famille, ce-
pendant bien posé dans la ville. Si elle est
mariée, si son mari apporte au ménage la
part qu'il y doit apporter, l'aisance règne
au foyer : le budget d'un instituteur et d'une
institutrice mariés ensemble équivaut par-
fois à celui d'un inspecteur d'Académie.
Le fait existe. Ce n'est que l'exception,
mais il existe, je le répète.
Il y a aussi, bon nombre de jeunes ad-
joints et de jeunes adjointes qui, logés dans
l'école ou en dehors de l'école, aux frais de
la commune, reçoivent quinze cents, seize
cents francs ..Ils n'ont pas lieu de se plain-
dre et ne se plaignent pas. C'est une justice
à leur rendre.
Mais les débutants 1
Il y a quinze jours environ, nous avons
reçu à la campagne, la visite d'un jeune
homme sorti, 1 an dernier, sinon il y a deux
ans, d'une école normale où il avait eu l'un
de mes fils pour professeur. Il faisait, en
Normandie, un voyage à pied, le sac au
dos.
Je connaissais son budget : celui de tous
see collègues du même âge et du même
grade : 900 francs de l'Etat, diminués d'une
quarantaine de francs pour la caisse des
retraites, ce qui donne tout net une somme
LA TRIBUNE
LES
Grandes Femmes Juives de la Bible
I
(t)
. L'histoire du peuple hébreu est peut-
être la plus captivante de toutes. Dès les
premiers mots, la Genèse a, en sa sim-
plicité concise, une incomparable gran-
fdeur que l'on retrouve à peu près partout
dans la Bible, et dont les plus grands
icsprits de toutes les époques ont été
jfrappés, et où leur génie a puisé ses ins-
pirations les plus hautes.
Ces tribus d'Israël si faibles numéri-
quement, n'ont-elles point célébré à
•jamais un petit coin de l'Asie? Leur
culte. leurs lois, leur littérature, leurs
Arts, leur civilisation n'ont-ils pas servi
de base et d'enseignement à tous les peu-
ples du vieil Occident?
Au milieu des saturnales d'un paga-
nisme défiant tout ce que sa barbarie ne
peut comprendre, parmi les doctrines
faussées et controversées des religions
orientales implantées en Egypte et dans
la Cyrénaïque, Moïse proclame le Dieu
unique et donne ses dix commande-
inents, résumant la morale et les devoirs
de l'humanité.
Dans un livre qui fait autorité et qui res-
tera comme un monument de l'étude
de la philosophie des lois, l'Histoire gé-
nérale du Droit français (t), après avoir
trop fait un exposé de la législation mosaïque,
rop étendu pour être reproduit ici, l'au-
teur ajoute : « La loi mosaïque n'est pas
absolument vengeresse, elle a encore en.
vue le mal à prévenir. C'est à peu près ce
que dit la loi même : cumque diligentis
sum versecueantes invenerent falsum tes-
item dims se contra fratrem suum men-
dacitim reddent ei sicut fratri suo facere
togitavit, et aulere, malum de me-
dio tui, est audientel cœteri timorem
laabetml et nequamquam talia au-
deant facere. (Deut, XIX, 13-20. Le
droit civil n'est pas constitué sur des
principes moins certains. Après l'exposé
qui précède, il serait inutile de louer
r immense supériorité de ce droit, sur-
tout comparé au rdroit Hindou. Que
l'on écarte quelques dispositions par-
ticulières, commandées par les circons-
tances de temps, de mœurs ou de cli-
mats, et la législation religieuse mo-
rale et civile de Moise restera un éter-
nel chef-d'œuvre de profonde sagesse.
Tous les législateurs qui l'ont connue,
.'en sont inspirés ; il ne viendra ja-
snais un temps où les sages auront le
droit de la négliger. »
1) Jurisprudence générale. Essai sur l'hu-
lurtéu értitfrmçau, Ji- hvM!, a- C. 1>..17.)
Plus bel hommage pouvait-il être ren-
du aux lois de Moïse, que celui du plus
éminent de nos jurisconsultes moderne,
dont les œuvres serontaussi immortelles
que l'Epr<< des lois de Montesquieu.
Des arts sont largement pourvus de
\ sujets empruntés à la Bible pour leurs
plus éclatantes manifestations : quicon-
que a vu Y Adam et Eve, les Sy billes et
les Prophètes de Raphaêl, le Moïse de
- Michel-Ange ne les oubliera jamais. Il
1 en est de m'me d'autres chefs-d'œuvre
de grands maîtres de tous les siècles,
spécimens magnifiques des conceptions
géniales produites par les récits bibli-
ques.
Ce $:'lue nous savons du premier tem-
ple, dit de Salomon, nous révèle des ma-
gnificences architecturales et des orne-
mentations d'une richesse inouïe, sculp-
tures, ciselures d'une délicatesse infinie,
métaux précieux employés en profusion
qui prouvent combien les Hébreux
avaient la science et le goût artistique
1 développés.
Ils excellèrent en tous les arts, car le
chant et la musique furent aussi en hon-
neur parmi eux.
Ainsi, d'une peuplade grossière et sau-
vage, toujours prête à la révolte, un
homme d'un génie universel puisqu'il
fut à la fois législateur, guerrier, écri-
vain, poète, avait su faire une nation
agricole, pieuse, croyante, policée et
d'une culture intellectuelle hors ligne.
Les psaumes du roi David, les livres et
proverbes de Salomon, les prophètes
Jérémie, Job ont été pour les plus illus-
tres poètes et pour les prosateurs de
sublimes modèles. Sans remonter plus
haut que le xv* siècle, nous trouvons
dans l'histoire littéraire des peuples
, d'occident, et jusqu'à nos jours, l'em-
preinte et li sceau du génie hébraïque.
Milton lui doit le Paradis perdu ; son
image du Léviathan est apocalyptique,
et dans l'Apocalypse, elle-même, datant
des premières heures de l'ère chrétienne,
on revoit parmi les figures bibliques
celles de Mdïse, d'Elie et l'évocation de
la montagne de Sion et de la grande Ba-
bylone. Et à propos de Babylone, est-il
une page d'un lyrisme plus émouvant
que l'hymen des femmes juives au bord
de l'Euphrate: Super flumina Babylo-
nis..
Le doux Racine a dû à l'histoire du
roi Assuérus et d'Esther, une des gran-
des juives, un de ses succès les plus
purs. Les modernes n'ont pas dédaigné
non plus de s'inspirer à la source fé- <
conde des poèmes hébraïques. Chateau-
briand, un des premiers voyageurs en
Orient, de notre siècle, a écrit que « Jé- i
rémie seul a su égaler les lamentations 1
aux douleurs » et dans la relation de ses <
courses à travers la Syrie et la Pales- I
tine, l'influence de la mélancolie des t
poésies des prophètes se révèle & chaque 1
i- instant. Cette même impression se jre-
is trouve dans le voyage en Orient de La-
i, martine qui, dans plusieurs de ses Mi-
ss dilations poétiques, a, pour ainsi dire,
paraphrasé des psaumes juifs.
e Il est certain d'ailleurs que les pays
's d'éclatante lumière portent en eux une
l- vague tristesse de mystère; et l'on n'a
>/ point vécu en Orient sans en emporter
e une espèce de nostalgie spéciale qui vous
[1 y ramène par un souvenir intense. Est-ce
e de là que par un atavisme lointain la
l, plupart des femmes juives, surtout cel-
s les des classes élevées, sont plus sérieu-
- ses et graves que les autres femmes ?
Partout où j'ai vécu et fréquenté chez
L- les Israélites, cette nuance m'a frappée,
- et malgré moi, sans idée préconçue, sans
- y arrêter ma pensée,il m'arrivait incons-
f- ciemment de les comparer, par leurs
gestes, par leurs attitudes et leur physio-
i nomie à leurs devancières, les grandes
1. juives qui ont illustré leur nom.
e Dans l'antiquité barbare, la femme ne
comptait que comme femelle apte à la
e reproduction de la race, rien de plus. Les
- Hébreux,esclaves en Egypte où le culte
des animaux avait produit un monstrueux
- dérèglement de mœurs, subirent la loi
i commune. Et, lorsqu'après la sortie de
1 l'empire des Pharaons, et le long séjour
- au désert, trente années bibliques, Moïse
i attristé de l'immoralité de son peuple,
t lui donna le décalogue où se trouve le
commandement d'honorer son père ET
t SA MÈRE, il acquit un droit éternel à la
i reconnaissance de toutes les femmes qui
- pourraient, actuellement même, lui dé-
5 cerner le titre, bien mérité, de premier
i féministe de l'univers. Jusqu'à lui,l'his-
1 toire est presque muette sur la femme
t hébraïque; celles mentionnées dans la
- Genèse, passent telles que des ombres à
peine entrevues; ce sont Agar et Sarah ;
pourtant, toutes deux furent mères de
{ deux grandes races,l'une enfanta Ismaël,
; père des Arabes, l'autre Isaac, père des
juifs.
Mais voici l'ère où commencent à se
révéler avec précision les hautes femmes,
— selon l'expression asiatique, — d'Is-
raël. Le soir, dans les veillées de la tente,
i si poétiques en leur tranquille majesté
en ces contrées Orientales, où, après les
travaux du jour, sous la clarté pure des
étoiles, la famille se réunit, Rébecca,
fille de Bathuel, fils de Nachor, frère
d'Abraham, avait dû entendre parler de
ses parents de la terre de Cbanaan. Peut-
être rêvait-elle quelquefois de cet Isaac
que l'on disait si beau, qu'elle devait
connattre d'aillèurs, par les récits des
voyageurs, où même par la parole trans-
mise de colline en colline par la voix
humaine, car on communiquait ainsi à '
de longues distances, en allumant des
feux sur les hauteurs, où accouraient
aussi tôt des messagers de bonne volonté,
, se transmettant, de proche en procbeiles
- nouvelles à communiquer jusqu'à ce
qu'elles arrivassent à destination. Usage
■ antique observé encore de nos jours en
pays arabes.
Peut-être aussi Rébecca avait-elle le
f>ressentiment de son élévation future
lorsqu'elle rencontra Riiézer à la fontaine
et remmena chez Bathuel. Ce qui est po-
sitif, c'est que sans hésitation elle quitta
ses parents,sa patrie,pour suivre l'étran-
ger.
Dès son arrivée dans sa nouvelle fa-
mille Rébecca refusa de se faire servir
par des esclaves. De quelle nature supé-
rieure devait être douée cette jeune fille
dont l'esprit de justice et d'équité se ré-
voltait contre la servitude d'autrui dont
elle aurait elle-même profité. Ce fut
elle encore qui, la première, s'éleva con-
tre l'iniquité du droit d'atnesse, en vi-
gueur parmi les Hébreux, en substituant
à Esaü Jacob plus intelligent et meilleur
que son frère, pour recevoir la bénédic-
tion paternelle, investiture de ce droit.
Isaac après avoir béni Jacob, s'aperce-
vant du subterfuge acquiesça et dit à
Esati : « Parce que je suis aveugle ton
frère m'a trompé et a pris ton droit ; res-
tez tous deux bénis ».
Et,dit un écrivain contemporain :
Il fallut deux mille ans pour détruire un faux droit,
Oue la Juin en une heure écrasa sous son doiet.
II
Ici finit la Genèse et l'on entre dans
l'Exode. La femme qui y apparaît d'a-
bord ost Mériam, sœur de Moïse. La
servitude d'Egypte pèse sur les Hébreux.
Leur nombre s'accroît tellement que le
Pharaon en prend ombrage ; il redoute
que ces étrangers si intelligents et si vi-
goureux finissent par dominer son peu-
ple et il se résout à faire mourir tous les.
premiers nés de leur race. Mais une
femme de la famille de Lévi, déjà mère
d'une fille de huit à neuf ans, vient de
mettre au monde un fils; elle parvient à
dissimuler sa naissance pendant trois
mois; l'enfant est beau et fort, chéri des
siens,et dans la crainte qu'il lui soit ravi,
sa mère désolée emploie pour le sauver
un stratagème dangereux ; elle sait que
chaque jour, la fille du Pharaon vient
faire une promenade au bord du Nil ;
c'est au fleuve qu'elle va confier le salut
du petit être qui lui est si cher.
Mériam est là regardant sa mère et l'ai-
dant à préparer la corbeille qui, selon
leur espoir, éveillera la curiosité et l'in-
térêt de la princesse.
Ei c'est Mériam qui va jouer le rôle
principal en cette scène dramatique du
sauvetage ou de la mort de son frère.
Elle écoute, attentive, recueillie les ins-
tructions maternelles, grave sérieuse,
comme tous les enfants orientaux, brune,
svelte, avec de grands yeux noirs, où il
semble qu'un rayon de l'ardent soleil
d'Egypte a laissé un de ses rayons. Telle
e on se la représente, enveloppée d'un
e sayon de laine blanche, portant sur sa
n tête la précieuse corbeille qu'elle sou-
tient de ses bras gracHes,de ses mains
e aux fines attaches et marchant nu-pieds
e vers le fleuve, ce Nil si largo et si pro-
e fond qui l'effraie... Elle s'arrête en amont
- de l'endroit où elle sait que va venir la
a princesse ; la frêle corbeille est posée sur
- l'eau, mais Mériam la retient; elle ne
l'abandonnera au courant qu'au moment
- précis où la fille du Pharaon devra la
r rencontrer.
Le cortège royal apparaît, Mériam ]
î pâlit, jette sur le frêle esquif un regard
- anxieux, le lâche et se dissimule dans les
i roseaux, les yeux humides de larmes, le
» cœur gros... Si la princesse allait passer
• sans rien voir, ou si ayant vu, elle res-
tait indifférente... Mais non, du geste elle
, montre le fleuve, parle à ses femmes,
1 s'arrête ; une des suivantes s'élance dans
le Nil, et apporte la corbeille aux pieds
de la royale jeune fille.
Elle soulève le voile qui abrite l'en-
fant, qu'elle regarde avec attendrisse-
ment :
— Qu'il est beau ! dit-elle. Je veux le
garder; mais où trouver tout de suite
une femme pour le nourrir. C'est un
enfant des Hébreux.
Miriam s'est mêlée à la foule, comme
mue par la curiosité. Elle s'avance, met
un genoux en terre pour répondre à
l'interrogatoire de la princesse :
— Moi, je connais une femme de ces
Hébreux qui a du lait.
—Va la chercher,reprend la princesse.
Miriam folle de joie et pourtant im-
passible s'éloigne, et un instant après
revient avec sa mère.
La princesse lui confie l'enfant, lui j
recommande d'en prendre soin, lui pro- j
met une récompense et lui ordonne de 1
lui rapporter quand il sera assez fort j
pour qu'elle le garde auprès d'elle. 1
Plus tard, la mère du futur législateur (
l'apporta ainsi qu'il était convenu, à la <
fille du Pharaon qui l'adopta pour son f
fils (1) et le nomma Moïse parce que, f
disait-elle, je l'ai sauvé des eaux.
Moïse est donc élevé dans le palais du t
Pharaon ; d'après certaines légendes s
Mériam y aurait vécu, aussi avec lui, î
après la mort de leur mère qui n'est
point mentionnée par la Bible. Mais cette (1
sœur d'une raison si haute d'un si grand j,
cœur, ne cesse de penser aux maux et à v
l'asservissement de ceux de son peuple. c
Sans cesse elle rappelle au fils adoptif de q
la fille du roi qu'il n'est point Egyptien, ^
qu'en ses veines coule le sang des asser- jN
vis, et qu'il doit user de toute son in- SI
fluence pour rendre leur sort moins dé- CI
plorable. Moïse n'est point insensible
aux saines exhortations de sa sœur, et
pendant tout le règne du père de celle .
iij Exode, ohap. 14. vol. 10, '
n j qui le sauva les conditions d'existence
ia des Hébreux sont moins misérables. Ce-
J- I pendant il meurt,et sa fille ne doit point
[s lui survivre car il n'est plus question
ls d'elle dans l'histoire. Le successeur du
I prince est ce Pharaon cruel qui persécute
ft I de nouveau les descendants de Jacob et
a I de Joseph. Moïse a quitté le palais et un
ir jour où il voit un Egyptien outrager up
le I Hébreu, il tue l'agresseur. Le Pharao::
kt I irrité veut faire périr le vengeur. Moïse
a I en est averti,et sur le conseil de Meri.un
I ils'enfuitchez les Madianites où il épousa
° I une des sept filles du prêtre Jethro.
d I C'est là,au pays de Madian,que la voix
s I du Seigneur se fit entendre à Moïse et
e I qu'il se sentit appelé à délivrer son peu-
r I pie et à en devenir le chef; alors il re-
■ I tourne en Egypte et somme le Pharaon
e I de laisser les Israélites s'en aller libre-
» I ment de son pays. Le prince refuse,puis
3 I accablé par les maux qui fondent sur
s I son royaume, il promet sans cesse mais
I ne laisse point partir le peuple israÚlitc.
" I Moïse, Aron, son frère, et Mériam se
■ I sont érigés pasteurs de ce peuple qu'ils
I veulent sauver, et Mériam, dont l auto-
5 I rité sur Moïse n'a point cessé, l'encou-
' I rage, le soutient dans ses défaillances,
I I car les déceptions que lui causent les
I Hébreux se renouvellent constamment;
! I ils refusent souvent obéissance à Moïse.
II et c'est encore Mériam qui remet la paix
J entre ses frères et les Israélites dont elle
I est adorée.
I AprtNs la sortie d'Egypte, quand Moïse
I et le peuple hébreu campaient dans lo
I désert au lieu dit IIaseroth, un dissenti-
I ment surgit entre Moïse et sa sœur de-
I meurée vierge pour se consacrer entiè-
I rement au service du Seigneur et au
I salut des Hébreux; eUe était d'ailleurs
I prophétesse et ses oracles avaient autant
] d'autorité sur les Hébreux que ceux de
| Moïse lui-même. Comme celui-ci voulait
I épouser une Kouschite d'une rare beauté
I et que Mériam redoutait qu'elle prit sur
I son frère une influence néfaste, attendu
I que cette femme était étrangère, elle dé-
I fendit à Moïse de se marier avec elle.
I Le législateur, chef de la nation, se
j trouvant froissé par la défense de sa
j sœur,lui interdit le séjour du camp (1) et
I l'exila.
I Blessée dans son affection la plus pro-
fonde, Mériam s'éloigna. Cependant les
Israélites qui, sur l'ordre de Moïse de.
vaientlever camp et poursuivre leurmar-
che en avant, refusèrent de partir tant
que Mériam, leur bon ange et leur pro-
tectrice ne serait point parmi eux. (2)
Moïse dut la rappeler. Elle revint donc
souffrante, désolée et mourut peu après
consumée par une maladie de langueur.
CAROLINE D'AMBRE.
(A '''ION.)
(t) Nombre. Chap. XIL V. i et 3.
(2) Nombre. Chap. XII. Y. u.
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