Titre : La Fronde / directrice Marguerite Durand
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-04-17
Contributeur : Durand, Marguerite (1864-1936). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327788531
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 avril 1898 17 avril 1898
Description : 1898/04/17 (A2,N130). 1898/04/17 (A2,N130).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-5702
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/01/2016
d'aisance; l'après-midi c'est tout de suite
une tenue plus habillée et de superbes
fourrures.
Nos illustres voyageuses ont exprimé
à plusieurs reprises la satisfaction qu'el-
les éprouvent de leur séjour à Paris.
Celte satisfaction est une grande joie
Dour nous et une très légitime fierté.
CAMILLE DUGUET.
On dit...
POLITIQUE
Quoique le président Mac Kinley se dis-
pose à tenter un dernier etiort pour éviter
les hostilités, on ne peut établir une solu-
tion pacifique sur les résolutions arrêtées
d'avance par le Congrès américain. Ces ré-
solut ions, d'après le Globe, disent péremp-
toirement que lePrésidciitemploieralaforee
pour les appliquer si l'Espagne ne consent
pas à les atlmellrc. Il est évident que le re-
jet de cet ultimatum est à peu près certain
de la part du cabinet de Madrid, et quelques
dépêches reçues à Londres, publiées par les
journaux anglais, donnent à pressentir que
des actes de conilit auront lieu avant la pro-
clamation officielle des hostilités. Quant a
celle assertion que le Président jurait
abandonné au Congrès son droit, de déclarer
la guerre, nous ferons remarquer que c'est
le Congrès qui, seul, a qualité, d'après la
Constitution des Etats-Unis, pour formuler
un tel acte. M. Mac Kintey n'a donc pas re-
noncé à ses privilèges, mais plutôt aban-
donné trop vite la faculté de provoquer oar
un veto suspensif la possibilité d'établir une
seconde délibération d'où pouvait rejaillir
une solution conciliatrice.
Devant cet état de choses, le ministère
Sagitsta a donc eu raison d'ordonner la con-
vocation rapide des Cortés. Il est logique de
prendres l avis des hauts mandataires de la
nation dans une crise oii ses destinées sont
eu jeu. Que fera l'Europe? Ce qui s'impose
pour elle, c'est de s'attacher à prévenir les
funestes résultats d'un conflit effroyable;
car si ses sympathies la portent de préfé-
rence vers 1 Espagne, elle est liée d'intérêts
à l'Amél'ique. Il serait dangereux pour l'un
des six Etats ayant suivi le Pape dans ses
efforts «l'apaisement de se créer des inimi-
tiés redoutables dans le Nouveau-Monde. Le
point essentiel, c'est que l'action des puis-
sances soit unanime et ne s'exerce pas iso-
lément en faveur de l'une ou de l'autre na-
tion. Mais enfin le texte des résolutions con-
jointes de la Cluimbre et du Sénat de l'Union
n'étant pas définitivement établi, on peut
dire sans commettre une erreur juridique
que les pourparlers en faveur de la paix ne
sont pas encore épuisés.
MADEMOISELLE.
DANS LES MINISTERES
Le vice-amiral Besnard, ministre de la
marine, et Mme Besnard, ont oflert hier
soir un dincr de soixante couverts au corps
diplomatique.
DANS LES ÉGLISES
Nombreuse assistance hier, en l'église
Saint-Pierre de Chaillot où Mgr (Jury, évè-
que de Dijon, bénissait le mariage du haron
de Saint-Trivier, lieutenant au 9* cuirassiers
avec Mt!c Marie-Antoinette Doyon.
La jeune fiancée, qui portait une élégante
toilette de salin blanc drapée de tulle blanc
avec voile en point d'Angleterre a été con-
duite à l'autel par son beau-père, M. de
(iailhard.
Elle avait pour témoin, son oncle le mar-
quis de BUITuel et son frère M. Pierre
Doyon ;ceux de son fiancé étaient le colonel
Delannoy, commandant le U. cuirassiers et
le baron S. de Saint Trivier son oncle.
MUes Doyon et de Gailhard en délicieuses
toilettes roses ont fait la quête, elles étaient
accompagnées de M. llol)ert et Jacques dç
Saint Irivier aspirant de marine.
Remarqué dans le cortège et l'assistance :
Duc et duchesse de Lorges, comte et com-
tesae de Pontalba, amiral de Libran, vicomte et
vicomtesse de Grollier, comte et comtesse de
Fleurieu, comte et comtesse Puységur,comtesse
de la Chapelle, comtesse de Ccon'rc, baron il'A-
lis. comtesse de Lévis-Mirepoiu, comtesse de
Cilermont-Tonntrre, comte et comtesse d'Aubi-
#rny,comte et comtesse de Noinviile, marquis et
marquise de Grullier, marquis et marquise de
NYtlancourt, baron du BlaisrJ, Mme d'indy,
marquis et marquise de Turenne. etc.
A l'issue de la cérémonie, lunch très élé-
gant chez Mme de Oaiihartl, en ses salons
df' la rue de Marbœur, où les invités ont
admiré l'exposition des cadeaux et une su-
perbe corbeille de fleurs offerte par les
officiers du 90 cuirassiers.
—o—
Ut Société française de secours aux
blessés militaires, présidée par le général
duc d'Auerstaedt, grand chancelier de la
Légion d'honneur, fera célébrer en l'église
de la Madeleine, le samedi 23 avril, à dix
heures, sous la présidence de S. E. le car- 1
ilinal Richard, archevêque de Paris, un ser-
vice commémoratif pour les soldats et 1
marins morts au service de la France. 1
Le T. R. P. Gaffre, des Frères prècheurs,
parlera après l'Evangile.
On peut se procurer des cartes au secré- J
tariat de la Société, 19, rue Matignon.
UN PEU PARTOUT
Le Congrés des Sociétés savantes a tenu
hier à deux heures sa. séance de clôture,
sous la présidence de M. Rambaud, minis-
tre de Instruction publique.
M. Darlu, professeqr de philosophie a
prononcé le discours d'usage.
M. Rambaud prend ensuite la parole, il
constate le développement que prend cha-
que année le Congrés des Sociétés savantes.
Puis il annonce que le prochain Congrés se
tiendra dans une ville de province, le sui-
vant à Paris et que chaque année on alter-
nera ainsi entre Paris et une autre ville.
MM. Liard, directeur de l'enseignement
supérieur et de Saint-Arroman assistaient
à la réunion qui s'est terminée par la nomi-
nation des nouveaux officiers de l'instruc-
tion publique, et d'Académie.
—o—
Ou nous annonce la mort dans sa quatre-
vingtième année, de M. André Fallou, artiste
ftrrque, élève de Duprez, qui obtient de
nombreux succès.
Il créa en 1852 au Théâtre Lyrique le rôle
du pêcheur, Zéphoris dans Si j'étais Roi,
puis successivement. La Fille invisible, Maî-
tre Wolfram.Les Amours du Diable, etc., etc.
Au sortir de ce théâtre il alla chanter
dans toutes les grandes villes de l'Europe et
parcourut une brillante carrière. Ce deuil
frappe cruellement son fils André Fallou, le
s tu tuai re bien connu.
—o—
Ce soir, à la salle des Fêtes du grand-
Orient, 16 rue Cadet, la chambre syndicale
patronale, comité des coiffeurs de dames
de Paris célébrera la Grande Fête du Prin-
temps parée et travestie; laquelle est don-
née au bénéfice de la caisse des pensions
de retraite de la Société de secours mutuels
de Saint-Louis et Union.
Cette réunion sera présidée par M. Félix,
officier de la Légion d'honneur.
—o—
M. le comte Ausenbourg, chambellan lie
la reine des Pays-Bas vient d'arriver à Paris,
venant de La Haye.
—o—
A Madrid, la reine a reçu en audience
privée le Dr Brouardel et d'autres membres
de la délégation française au Congrès d'hy-
giène.Ces membres,au nombre de soixante,
ont été reçus en audience publique ; ils ont
été l'objet des attentions les plus flatteuses
de la part de S. M.
—o—
Parmi tous les produits présentés journelle-
ment au public dans le but de conserver la
fraîcheur du teint et d'effacer les rides, ceux
de Mme lIéricr, professeur d'esthétique fémi-
nin sont sans contredit les plus en vogue et leur
efficacité est reconnue depuis longtemps.
Le lait hygiénique pour la beauté du visage
et des mains, ainsi que l'eau de Ceylan, régéné-
rateur colorant de la chevelure, produisent de
suite les meilleurs effets et donnent des résul-
tats hors de pair. C'est grâce à des recettes im-
portées de rtextrême-Orient, et dont Mme Hé-
rier a seule le secret, qu'elle a pu offrir au pu-
blic, tous les immenses avantages décrits plus
hauts : il faut ajouter qu'à fart de la savante
préparation vient se joindre le côté hygiénique,
que Mme Hérier a compris mieuxque personne,
qu'il ne faut négliger en aucune circonstance,
quand il s'agit des soins délicats à donner au
corps. On peut se procurer l'eau de Ceylan au
prix de 7 francs le flacon et le lait hygiénique à
10 francs en envoyant pareille somme à Mme
Hérier, 38, rue des Petits-Champs, à Paris.
LA DAME D. VOILÉE
LES
Enterrés Vivants
La France est un pays de progrès et Paris
est une ville de lumière, c'est une affaire
entendue ; nous le répétons tous les jours
et nous avons peut-être raison puisque
nous le croyons. Cependant, il nous arrive
de constater de temps en temps que nous
sommes parfois en retardsurcertaînspoints
qui ne manquent pas d'importance.
Ainsi,à propos du cas de ce mort exhumé
après deux jours d'ensevelissement et mis
en observation, sans que les dix médecins
qui l'ont visité puissent dire s'il est vrai-
ment mort, nous nous sommes aperçus que
l'on pouvait fort bien être enterré vivant à
Paris sans que personne s'en aperçoive.
Quoique cette perspective n'ait rien de
bien gai en elle-mème, il faut que nous en
disions deux mots en constatant qu'il existe
(les chambres mortuaires d'attente, dans
toutes les grandes villes d'Europe et d'Amé-
rique : seules les villes françaises en sont
dépourvues. La Turquie est l'unique qui
nous imite sous ce rapport.
Du reste si vous parlez avec des étran-
gers de marque, de passage chez nous, ils
vous diront qu'une de leurs craintes, est
de mourir, naturellement, mais de mourir
en France où on a des chances pour être
enterré vivant.
Oh ! je sais bien, MM. les médecins nient
à peu près tous qu'il y ait de nombreux cas
d'inhumationsprécipitées; c'est si commode
de dire non, et surtout c'est si vite fait.
Molière qui aimait peu les médecins était
déjà convaincu du danger dont je parle, et
il a dit :
Qui tôt ensevelit, trop souvent assassine,
Et tel est pris pour mort, qui n'en a que la mine.
Depuis Molière, le danger est le même et
nous n'avons rien fait, rien pour y remé-
dier.
Sans remonter trop haut, j'ai là, dans un
u dossier copieux sur la matière, des pêti-
ns nombreuses adressées aux chambres
*■ françaises en 1832, 1816, 1860, 1862, 1864 et
surtout 1866.
a Une discussion très sérieuse s'ouvrit au,
Sénat et M. Hubert Delisle disait :
il « En découvrant les tombes d'un ancien
cimetière, on a trouvé une quantité assez
5- notable de corps dont les contorsions ré-
e vêlaient une ell'rayante torture. On dit
qu'en France c'est rare, et qu'il y a de cela
- 40 ans? Qu'en savez-vous, et qui peut dire
ce qu'on doit appréhender au juste. »
t Le cardinal Donnet, archevêque de Bor-
t deaux monta alors à la tribune.
« J'ai moi-même, dit-il, dans un village
que j'ai desservi, empêché deux inhuma-
tions de personnes vivantes. L'une vécut
encore 12 heures, l'autre revint complète-
ment à la vie. Plus tard, à Bordeaux, une
à jeune fille passait pour morte ; quand j'ar-
p rivai, la garde-malade s'apprêtau, à l'eme-
velir. La mort ne me parut pas certaine,
je fis entendre des paroles d'espérance et
bientôt, en eflet, une révolution s'opéra
' chez la malade. Elle est aujourd'hui, épouse
et mère ».
Tous ces exemples ne valaient pas
■ celui-ci, que rapporta le même cardinal
l Donnet. Je reproduis text,uellei-nelit, je crain-
| drais de diminuer la porlée d'un tel téinoi-
J -nage.
« En 1826, un jeune prêtre au milieu d'une
cathédrale, s'affaisse subitement dans la
chaire d'où il faisait entendre sa parole. Un
[ médecin appelé déclare la mort certaine et
; fait délivrer le permis d'inhumer pour le
' lendemain. »
« L'évèque récitait déjà le De Profutulis au
pied du lit funèbre, et on avait pris les di-
' mensions du cercueil. La nuit approchait,
et l'on comprend les angoisses du jeune
prêtre qui, n'étant pas mort saisissait tous
' les bruits de ces préparatifs.
« Enfin, il entend la voix d'un de ses amis
d'enfance et celte voix provoquant chez
, lui un effort surhumain, amène un résultat
merveilleux. Le lendemain il pouvait repa-
' raitre dans la chaire. Ce prêtre est aujour-
d'hui devant vous messieurs, vous priant
de demander aux dépositaires du pouvoir,
* non seulement de veiller à ce que les
s prescriptions lésâtes soient observées, mais
- d'en formuler de nouvelles pour prévenir
, des malheurs trop fréquents et d'une na-
- turc irr'''p a'abte. JI
> Un autre sénateur, M. de Barrai cita, dans
la même discussion deux autres exemples
que je résume :
» Dans le département de l'Indre, dit-il,
une institutrice avait été enterrée, sur l'af-
firmation donnée par le médecin,qu'elleétait
réellement morte. La tombe était voisine
de la cure. Au milieu de la nuit, le curé
ayant entendu des cris suivis de gémisse-
ments dans cette direction, la pensés lui
vint de faire ouvrir la sépulture. Au mo-
ment où le cercueil fut découvert, il cons-
tata, par la chaleur du corps, que l'insti-
tutrice venait d'expirer et qu'elle avait été
enterrée vivante.
H Et-, continue-t-il, un charpentier, que
j'avais souvent fait travailler, fut aussi en-
terré vivant. Mais il se réveilla de sa léthar-
gie, avant que la fosse fut entièrement com-
blée. Secouru il temps on put le rendre à
la vie Il.
Un autre sénateur, M. Tourangin, fit rer
marquer que ces malheurs frappaient non
seulement les pauvres, mais encore les ri-
ches, et il lit connaître l'exemple suivant,
dont il avait été le témoin :
H Une dame que l'on avait considérée
comme morte et qui avait été reconnue
comme telle, par les trois médecins qui la
soignaient, était sur le point d'être inhu-
mée. Après trente heures d'attente et après
avoir inutilement tenté les épreuves les
plus décisives pour la ramener à la vie, on
décidade placer la défunte dans le cercueil,
pour procéder ensuite aux funérailles. Les
supplications d'une sœur de la malade ob-
tinrent des médecins quelques heures de
répit. Grâce à ce délai de faveur, la pré-
tendue morte échappa aux tortures d'un
réveil dans le tombeau. En cn'et, ce retard
suffit pour donner à la vie le temps de
reparaître là où l'on s'obstinait à ne voir
que l'image de la mort. Il fallut trois mois
pour guérir les plaies qui avaient été faites
en vue de constater le décès. »
Nous pourrions multiplier les exemples;
j'en ai là, plus de cent, officiellement cons-
tatés, mais affirmer le mal n'est rien,si on
ne trouve pas le remède. Ceci est affaire
aux médecins et aux législateurs; ce qu'il
y a de certain, c'est qu'il y a une réforme à
tenter. En dépit des opinions les plus opti-
mistes des docteurs, il est indiscutable que
l'on a enterre tous les jours en France, des
corps d'où la. vie ne s'est pas complètement
retirée.
Eh quoi ! direz-vous, il est donc impos-
sible de savoir d'une façon absolument sùre
où finit la vie et ou commence la mort.
Scientifiquement cela est tout à fait im
possible.
Tenez, laissez-moi vous citer encore le
passage suivant du docteur Brouardel,doyen
de la faculté de médecine de Paris qui dans
son cours sur le « moment de la mort » s'ex-
prime ainsi :
« OÍI commence le cadavre, à quel moment
est-il considéré comme mort? Voyez à
quelles difficultés vous pouvez être exposés, ;
quand il s'agit de déterminer le moment
de la mort. Vous n'avez aucune certitude J
sur le signe même qui marque la limite de ]
la vie. Le nombre en est grand des per-
sonnes qui ne respiraient plus, et qui,
grâce à des - soûls énergiques, ont été
rappelées à la vie. En pareil cas, n'hésitez
jamais à avouer franchement votre incom-
pétence ».
Est-il besoin d'insister? Si nous voulions
feuilleter les archives de la Faculté de mé-
decine, nous constaterions-à chaque page,
que la science n'a pas encore trouve le
moyen de distinguer la mort réelle de la
mort apparente et que les trois quarts des
inhumations ont lieu avant que la putréfac-
tion ne se soit produite.
Je suis vraiment honteuse de vous avoir
si longtemps retenues sur un sujet si maca'
bre, mais vraiment il me semble d'une im-
portance telle, que vous me pardonnerez
J'en suis sûre, de m'y être arrêtée.
Je sais bien que Molière dont je parlais
en commençaut a professé un beau dédain
pour la Il guenille ».
Je vous répondrai par un mot d'un de ses
personnages :
«« Guenille soit, mais guenille m'est
chère Il.
Et quand le moment sera venu, de payer
notre tribut, que nous ne soyons pas au
moins exposées à. nous réveiller dans les
affres du tombeau.
Brrrr J on frémit rien que d'y songer.
MARIE-LOUISE NÉRON.
Le Président de la République
A NICE
Hior le Président de la République s'est
rendu à Villefranche, accompagne du colo-
nel Ménétrez et de M. Blondel atin de visiter
l'escadre de la Méditerranée.
Le temps, beau depuis plusieurs jours,
était incertain, la mer assez forte. ■
Le canot de l'amiral Iluman a conduit M.
Félix Faure à bord du Brennus, Ol1 il a été
reçu par l'amiral entouré de tout son étal-
major.
Aucun coup de canon n'a été tiré, le Pré-
sident avait formellement défendu qu'on lui
rendit les honneurs.
Lorsque le Brennus passa devant le cui-
rassé anglais Ramilhès, les marins anglais
portèrent les armes pendant que la musi-
que du bord jouait la Marseillaise.
La musique de l'équipage de Brennus ré-
pondit eu jouant Il yod save the Quen ».
La deuxième division de l'escadre, qui
avait appareillé dès le grand matin, figurait
l'ennemi et devait être rencontrée au large
par la première division et simuler un com-
bat.
M. Félix Faure a déjeuné à bord du Bren-
nus et est rentré à Villef ranche vers deux
heures.
Princesse Lointaine
Le cortège des muses antiques ne s'est
pas dispersé avec le paganisme sans lais-
ser après soi de descendance et parfois,
au milieu de notre technique moder- j
nisme, quelqu'une se révèle du sang de
ces divinités mortes.
Vous l'eussiez cru reconnaître jeudi
à la Bodinière qui faisait salle comble
pour l'audition de quelques-unes des
œuvres d'Hélène Vacaresco, l'écrivain
roumain bien connu. C'était tout d'a-
bord en voyant entrer en scène, à pas
sans bruit, comme détachée des fres-
ques murales, cette toute gracieuse
silhouette, Blanche Dufrène, délicieuse-
ment blonde dans sa toilette mauve,
mariée ton sur ton avec les violettes de
Parme qui fleurissaient sa ceinture. Elle
paraissait évoquée par l'éloquence du
conférencier, Jules Bois, comme sortie
de son dire élégant qui nous laissait en-
trevoir, en voilant comme il convient à
tout ce qui touche une jeune fille, l'his-
toire et 1 œuvre d'Hélène Vacaresco.
L'histoire et l'o.'uvre, les deux sont in-
séparables. Nous l'avons tous trop bien
deviné et compris à travers la discré-
tion des mots, pour insister davantage.
Ce que je veux dire, c'est le charme qui
nous prenait tous au cœur, auditenrs et
auditrices, qnand se levait la jolie dame
mauve et que sa voix timbrée d'or peut-
être par une influence venue de Sarah,
cadençait, chantait, pleurait, frissonnait
les strophes de rêve, d'amour,de larmes
jaillies d'un cœur meurtri mais non dé-
faillant et en qui toute la race a soufflé
sa force pour le soutenir dans le calvaire
de sa peine.
Et c'cstau milieu des applaudissements
spontanément venus à la suite des vers
que s'est déroulé
Le dont accouplement des rimes veloutées
comme dit elle-même la poétesse dans
ses chants d'aw'ore.
Et, présente quoique cachée, elle a pu
jouir de la grande et sincère émotion de
son public, elle qui, mélancoliquement
a dit encore parlant des poètes futurs :
Leurs vers retentiront dans leurs apothéoses,
Mais je ne vivrai pas dans ces âges lointains.
Ces âges lointains sont pourtant venus
bien vite pour cette to..-....Jè'oeè:'Qui les
entend retentir, ses vers, âU, milieu du
plus légitime succèa.
Que n'est-elle alors parue sur la scène
à côté de sa gracieuse interprète comme
un couple de muses saluànt ensemble
qui les applaudissait? A voir la, foule qui
l'a en un instant entourée sitôt la séance
finie, on imagine l'ovation qui lui aurait
été faite alors.
D'ailleurs, l'audition a été redemandée
à l'unanimité. Vieilles ballades roumdi-
nes, songeries douces, tendres regrets
sont repasser de nouveau devant nous
en défilés mélancoliques. Nous retrou-
verons cette impression déjà éprouvée à
la lecture, de grandeur dans la tristesse,
de fierté à travers les larmes, de vaillance
dans le chagrin et que tous ont ressentie
sous mes yeux, ce dont je suis tout heu-
reuse.
Car je craignais que ma personnelle,
amitié pour l'auteur n'eût fait beaucoup
pour mon intimeémot\on et que des sou-
venirs de longues causeries, les mains
dans les mains et d'idées échangées et
de confraternité poétique ne fussent
mêlés à l'attrait de ces vers. Mais non !
C'était bien là la sympathie de la foule
inconnue qui va vers ceux qui savent la
bercer avec la musique des mots et la
tendresse des sentiments.
Et sans allusion à d'autres diadème que
celui des fleurs entrelacées au front des
poétesses, tous pensaient comme moi
que, malgré tout, du fond de la Rouma-
nie lointaine où déjà celle qui règne a
joint la guirlande des muses à sa cou-
ronne d'or, c'était bien une jeune reine,
une reine de poésie, de tendresse et de
charme, aui nous était venue..
LUCE DALRUE.
Le Congrès des Professeurs
'
La quatrième séance du Congrès des pro-
fesseurs de l'enseignement secondaire a eu i
lieu hier. '
L'assemblée a volé, aveo quelques mQcli-
fications le projet de statuts d'une Société
d'assistance mutuelle universitaire.
Voici les principaux passées : |
11 L'objet de cette Société est d'assurer !
des secours aux sociétaires ma.tades. D'as-
surer, en cas de leur décès, des secours à
leur famille; veuve, enfants, ou parents à
leur charge.
2° D'assurer des secours aux sociétaires
malades, lorsqu'ils sont réduits à un trai- j
tement inférieur à leur Iruilement normal
' et notoirement insuffisant.
3° Les sociétaires paynl une cotisation
annuelle dont le minimum est de 10 f-rs.
L'exercice annuel commence le 1er jan-
vier.
Cettecotisation est exigible dans -le mois
de janvier.
Les sociétaires qui n'auront pas versé leur
cotisation annuelle ou semestrielle dans les
trois premiers mois de chaque semestre.
sont considérés comme démissionnaires et
perdent leurs droits aux secours.
Font partie de la Société sur leur de-
mande, tous les fonctionnaires en exercice
appartenant aux cadres de l'enseignement
secondaire publie pourvus d'une nomina-
tion ou d'une délégation ministérielle et
subissant la retenue pour la retraite.
1° Fonctionnaires de l'administration cen-
trale ;
2° Fonctionnaires des lycées et collèges de
garçons et de jeunes filles établis en France
et hors de France ;
3° Fonctionnaires attachés ou détachés à
divers établissements publics ou libres.
Discours de M. Rambaud
M. Rambaud ministre de l'instruction pu-
blique a clôturé le congrès des Sociétés
Savantes par un discours dont nous ex-
trayons les passages suivants :
Parlant du projet tendant à faire alterner
entre Paris et quelques villes des départe-
ments les prochains congres, M. Rambaud
dit :
« Ce projet soumis d'abord à l'examen du
Comité, y a rencontré une approbation una-
nime.
.< Il est donc entendu que votre prochain
Congrès se tiendra dans une ville de pro-
vince; le suivant, celui de 1900 viendra né-
cessairement contribuer à cet éclat dont
rayonnera la métropole de la France et
ainsi se poursuivra 1 alternance.
« Les avantages de la réforme sont évi-
dents. Celles de vos sessions qui auront
pour théâtre une de nos villes de province,
et non pas seulement une très grande ville,
non pas seulement une ville d'université,
mais toute ville qui, parmi les compéti-
tions qu'il est bien permis de prévoir, aura
fixé votre choix, trouveront dans l'origi-
nalité même du milieu provincial un re-
nouveau de vitalité et de fécondité. Il
Le ministre ne voit que des avantages à
cette innovation.
« Et ne serait-ce pas déjà un grand avan-
tage, que d'avoir mieux fait connaître la
province aux savants de Paris, et aux pro-
vinciaux mèmes les provinces que, sans une
telle occasion,i!s n'auraient jamais visitées.
Peut-être avons-nous le tort de vivre un peu
trop chacun chez soi ; si le provincial affec-
tionne son coin de pays, pour beaucoup de
Parisiens, Paris même n'est qu'un coin dont
ils ne sortent pas volontiers. Le congrès les en
fera sortir, les promènera au nord et au
sud, à l'Ouest et & l'Est, leur révèlera la
vérité infinie et l'originalité de ces provin-
ces françaises qui se souviennent d'avoir
été autrefois des nations, avec leurs lois,
leur parlementleurégli§e,leuf dialecte,leurs
costumes, leur art, leur littérature tout au
moins leur folk-lore. C'est de la forte ori gi-
nalité ces petites parties que sont fait le
charme et la puissance de la grande patrie.
Michelet a déjà montré comment de tous ces
esprits locaux s'est formé l'esprit national.
La France, si diverse de races, est avant
tout une harmonie. »
M. Rambaud a résumé les travaux des ex-
plorateurs qui remplissent en ce moment
des missions aux quatre coins du monde.
« Je viens, dit-iJ de recevoir des dépêches
m'annonçant que M. Loret a, dans les rui-
nes de Thébes, retrouvé les tombeaux de
deux des plus illustres pharaons, Améno-
phis Il et Toutmès III. »
Parlant ensuite de la Mission de M. de
Morgan en Perse, le ministre ajoute :
« Les dernières lettres que j'aie de M. de
Morgan, m'annoncent seulement la marche
de 900 kilomètres qu'il vient d'accomplir de
Téhéran à Suze, constamment harcelé par
des tribus pillardes, rebelles au roi de
Perse, et contre lesquelles notre archéolo-
gue a dû se retrancher toutes les nuits, en
faisant le guet, son fusil à la main. o
Les femmes ont leur feuillet dans ce dis-
cours consacré aux entreprises hardies.
Il Je dois rappeler, ajoute M. Hambaud,
que récemment une femme, Mme Isabelle
Mas, sous les auspices du ministère de l'ins-
truction publique, mais sans aucune sub-
vention, a parcouru la Birmanie, les Etats
Sliang, la Mongolie, la Sibérie et le Turkes-
tan. »
M. Rambaud a terminé par quelques COll-
sidérations politiques beaucoup moins in-
téressantes et sur lesquelles nous passons
ra pidement.
INFORMATIONS
On mande de Madrid au New- York-He-
rald :
Le gouvernement espagnol fait face à la
question dans la forme la plus pratique. Il.
est prêt il faire toutes démarches, n'ai tei-
gnant pas l'honneur de l'Espague, pour as-
surer la paix.
Dans ce but le gouvernement espagnol
est disposé à élargir l'autonomie cubaine
jusqu'à ses plus extrêmes limites.
« Je travailla pour la paix, a. déclara de son
côté le général Woodford, et malgré les
bruits pessimistes de ces jours derniers,
j'espère encore que la paix sera maintenue
et que dans peu de temps elle sera rétablie
à Cuba sur la base de la justice absolue,
tandis que les grands intérêts américains
qui existent dans l'ile seront protégés et que
l'honneur de l'Espagne ne sera pas atteint."
Londrcs, Ji) avrd.
On lit dans le Times: Nos sympathies, en
ce qui concerne la question cubaine, sont
avec les Américains, bien que les politi-
ciens américains, envisageant les élections
du prochain automne ont parte avec une
virulence qui a été jusqu'à mettre les EltIÜ-
Unis dans leur tort. Cependant la mauvaise
administration de l'Espagne à Cuba et les
dommages qui en ont résulté pour les inté-
rêts américains dans le golfe Il 1I Mexique
justifient la demande que font les Elals.
Unis de voir cesser un système qui a dt
qualilié d intolérable par M. Mac-Kinley.
On mande de Vienne au Daily 'l'tlt!fJl'/lplt
que l'Autriche aurait proposé de prendre
sous sa protection pendant la durée des
hostilités, les Espagnols résidant aux Etats-
Unis,
Loudres; JG avril.
On mande de Washington au Centrai
.Yews :
Un projet de loi autorisant le Président
à. appeler sous les armes une milice de ,100
mille hommes a été déposé au Congrès. Le
conlingent ne sera pas appelé en blo'; mais
au fur et à mesure que les événements se
produiront. Les hommes devront servir au
moins six mois, mais leur engagement ne
pourra dépasser trois ans.
Madrid, iC avril.
Une dépêche de la Havane dit qu une réu
nion des généraux et des autorités de la
ville a eu lieu sous la présidence du maré-
chal n)anco afin d'arrêter un plan complet
de défense, en prévision de l'évenlualilé
d'une guerre avec les Etals-Unis.
Vienne, 16 avril.
D'après les derniers renseignements reçus
de Constantinople, on croit que les troupes
turques commenceront a évacuer la Thes-
salie le 28 avril.
L'évacuation se fera très lentement.
Cherbourg, 10 avril.
Ce soir à 9 heures a eu lieu au cercle mi-
litaire, sous la présidence du générât Voy-
ron, une grande réception des officiers de
la 1er brigade d'infanterie de marine, à l'oc-
casion de l'arrivée au corps des sous-lieu-
tenants nouvellement promus.
La musique du 1er régiment d'infanterie
de marine s'est fait entendre pendant toute
la durée de la réception,
nome, 16 avril.
Le bruit par lequel l'Italie se disposerait
LA TRIBUNE
(2)
A TRAVERS L'ÉDUCATION
L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ÉLÉMENTAIRE
Cette rubrique forme tm feuilleton volant
dont le sujet change tous les trois jours.
II
Les programmes
Donc, tous les petits Français des deux
sexes, sauf ceux qui, sous le contrôle
plus que bienveillant de l'Etat, sont ins-
truits dans leurs familles ; sauf les « ex-
f>eetants »; sauf les enfants inscrits dans
es écoles, mais qui ne les fréquentent
pas, grâce à l'inertie des commissions
scolaires; sauf ceux qui, n'ayant jamais
été inscrits, échappent à toute réglemen-
tation— tous les petits Français des deux
sexes sont tenus de fréquenter les écoles
« de six à treize ans », exige la loi ; de six
à onze ans et demi répond la coutume,et
la coutume est absolument contraire au
bon sens, car c'est juste au moment où
l'écolier commencerait à apprendre avec
fruit qu'il abandonne tout travail intel-
lectuel.
Le programme des écoles primaires
comprend :
L'enseignement moral et civique.
La lecture et l'écriture.
La langue française.
Le calcul et le système métrique.
L'histoire et la géographie, spéciale-
ment de la France.
Les leçons de choses, et les premières
notions scientifiques principalement
dans leurs rapports avec l'agriculture.
Les éléments du dessin, du chant et
du travail manuel (travaux de couture
dans les écoles de fllles).
Les exercices gymnastiques et militai-
res (je fais immédiatement abstraction de
cette dernière ligne ayant dit, dans mon
article sur les écoles mixtes tout ce que
j'avais à en dire).
Ce programme a fait couler des flots
d'encre et des flots d'éloquence, et ce n'a
presque jamais été pour le couvrir de
fleurs. Nul n'ignore que tous les crimes
contre la propriété et contre les individus,
que toutes les défaillances morales ont
été mis, depuis quelques années sur le
compte de la « laïque » ; de même tous les
insuccès intellectuels sont dus, parait-il,
à ce programme « trop charge ».
Au premier abord, il semble que l'on
ait raison de l'incriminer, car le détail
en est interminable, prétentieux,presque
pédant; mais c'est bien le cas oil jamais
de hasarder une variante à une apostro-
phe célèbre, et de dire : « Que celui qui
a rédigé un programme impeccable nous
jette la première pierre; toutes les fois,
en effet, que l'on a tenté de le simplifier,
les plus acharnés parmi lesquels se trou-
vaient, parfois, les plus compétents, ont
hésité, se sont presque récusés, d'aussi
bonne foi qu'ils avaient attaqué, et tout
leur effort a tendu à empêcher des spé-
cialistes fougueux d'y ajouter encore.
Je n'oublierai jamais une séance de
commission, à laquelle nous avions été
convoqués « nous » c'étaient des mem-
bres du Conseil supérieur) pour la
revision du programme de gymnasti-
que. Un des hommes les plus esti-
més dans la science contemporaine,
avait été prié de nous prêter son concours.
Il nous dit des choses extrêmement inté-
ressantes - ses auditeurs du collège de
France les comprennent peut-être —
mais qui passaient à mille pics au-dessus
de renseignement primaire. D'ailleurs,
le livre dans lequel il aurait fallu se ren-
seigner n'était pas encore écrit ; cela
nous sauva, en nous fournissant un bon
prétexte pour descendre de ces hauteurs.
Restreindre le programme. C'est bien-
tôt dit; mais... par quel côté?
On ne saurait, n'est-ce pas? Supprimer
renseignement moral el c¡vigue) sans ap-
peler sur la laïque de nouvelles foudres,
de nouvelles malédictions.
La lecture et t écriture c'est le fonde-
ment de toute instruction. Paul Bert les
a appelées d'un nom bien frappé: les
outils intellectuels. »
La langue française ! Même à cette
époque protectionniste, où je m'attends
chaque matin à voir, avant le coucner du
soleil, les douanes rétablies entre chaque
département, il est pourtant désirable
que les Français se comprennent entre
eux, ce qui n'arrive pas toujours, même
en dehors de la politique; j'en appelle à
tous ceux qui font des séjours ici ou là
en dehors des grandes villes.
L'an dernier,au cours d'une inspection,
j'entrepris de faire comprendre, à des
enfants qui récitaient cette fable comme
des perroquets, la Laitière et le pot au
lait. Ils m'avaient paru très intéressés,
j'espérais des réponses nettes, et voilà
qu'à ma première question : « Comment
s'appelait la laitière », les yeux s'étei-
gnent; personne n'y est plus. Je recom-
mence sur nouveaux frais mon petit
conte, et alors l'institutrice se décide à
j me donner la clé de mon insuccès.
« Dans le pays, me dit-elle, c'est la
botte au lait qui s'appelle une laitière! »
Dans le « pays » on ne parlait pas fran-
çais 1
Pas plus tôt que ce matin (je suis en ce !
moment en Normandie) une petite bonne
que j'ai engagée pour ces quelques jours '
de vacances, entre dans la pièce où j'écri- !
vais : « Madame, me dit-elle, j'peux ty ]
déteindre al mdchin? » J'ai couru dans la
cuisine, ne voulant pas lui dire que je ne
la comprenais pas, et j'ai vu qu'il s'agis-
sait d'éteindre une lampe à essence. 4
D'où je conclus que, sous peine de res- 4
sembler bientôt à la tour de Babel, nous j
ne pouvons supprimer la langue fran-
çaise du programme de nos écoles prt- '
maires.
Sèra-ce, alors, dans le calcul et le sys- <
tème métrique que nous pratiquerons <
des coupes sombres? Mais il n'y a pas un 1
métier où l'on naisse s'en aasser. a
Ferons-nous le sacrifice de l'histoire?
Ce serait nous résigner à laisser empor-
ter de l'école l'idée que c'est sans effort
que nous sommes arrivés à la notion de
la justice et de la fraternité.
Sabrerons-nous la géographie, les le-
çons de choses, les notions scientifiques,
les éléments du dessin, du chant? Mais
alors tout ce qui n'est pas la ville ou le
village du petit écolier sera aussi bien,
pour lui, Pontoise, Madagascar, Péters-
bourg ou... la lune ! il assaisonnera de sel
ses aliments sans savoir où et comment
on se procure le contenu de la salière ; il
verra tomber une pomme d'un arbre
sans se douter que là pesanteur existe ;
à l'atelier il ne saura pas se servir d'un
crayon pour tracer une ligne sur une
planche, enfin, il ignorera cet incompa-
rable charme que l'on éprouve à chanter
avec goût, et surtout à chanter en com-
mun.
En réalité si l'instituteur a réussi à lui
apprendre à lire, il lira des mots, et ces
mots n'auront aucun écho dans son
esprit; s'il sait tracer des lettres, il co-
piera servilement. C'est-à-dire que l'école
aura manqué à tous ses devoir. A toits.
Vraiment ! ce n'est pas le programme,
qui doit être tenu responsable de notre
déception—si nous sommes déçus—mais
notre formalisme, notre esprit centrali-
sateur, et notre ignorance psychologique.
Ah 1 si nous connaissions les enfants ! Si
nous connaissions les enfants nous ne
pleurerionspasaujourd'hui sur la stérilité
d'une partie de nos efforts. Et nos efforts
ont été considérables.
Nous avions appris — à nos dépens —
que l'ignorance du peuple — dont nous ]
étions coupables — est terriblement dan-. ]
gereuse, et nous avons déeidé que tous ,
les enfants, sans exception, iraient à \
l'école. C'est, parfait. ■ ,
Tout naturellement, nous avons pensé <
3ue, pour instruire les autres, il faut j
d'abord savoir, et nous avons offert à nos i
futurs instituteurs les moyens de rem- i
aLir leur tâche. Ils ont travaillé en cons- j
'j cience. C'est encore une occasion de nous
■ féliciter de notre succès.
Mais où les choses se gâtent, c'est
lorsque l'instituteur et l'élève sont en
présence, nous nous apercevons, alors,
de la faute que nous avons commise en
essayant de faire entrer tous les enfants
de France, d'Algérie et de Madagascar
dans un moule identique, au risque de
meurtrir leurs chairs et de briser leurs
os, supplice que nous chargeons le per-
sonnel enseignant de leur infliger sous
notre responsabilité.
Puis, nous avons constaté une deuxiè-
me faute il notre passif : Nous n'avons
pas insisté, auprès de nos instituteurs, et
de la façon la plus péremptoire, sur la •
nécessitéabsolue d'adapter le programme
au milieu dans lequel vivent leurs élèves;
de le faire servir autant à leur culture
spéciale qu'à leur développement géné-
rai.
Enfin, nous ne les avons pas assez mis
en garde contre les outils de leur métier,
c'est-à-dire contre les li-yres dont ils ont
besoin, quoi que l'on en dise; contre les
livres, dont ils ne peuvent vraiment pas
se passer.
En réalité, il n'est, dans notre pro- i
gramme aucune matière dont on ne j
puisse entretenir les enfants, à la condi- i
tion de choisir, dans chacune d'elles ce i
qui peut les intéresser, ce qui peut les <
servir... surtout à devenir intelligents, j
puisque ce sont des habitudes d'esprit et i
non des formules que nous voulons leur ^
donner.Le choix étant fait, il importe de (
les mettre au courant, dans un langage à 1
la fois précis, clair, net et en rapport avec 1
leur développement intellectuel. Ce que
l'on croit le plus ardu, la grammaire et s
l'histoire peuvent devenir à leurs yeux, «
attrayantes et lumineuses. Pour cela, il p
est nécessaire de renoncer, en gram- d
maire, à indiquer d'abord ides formules, d
et pour l'histoire de la débarrasser du d
fatras qui l'alourdit, du style pompeux, c
auquel les historiens semblent condam- e
nés, et craindre comme le fçu, les méta-
phores qui la rendent inçouu>réhensible
1 aux enfants du peuple, surtout à ceux
des campagnes.
Oh ! les métaphores 1 La dernière que
j'ai happée au vol mérite d'être citée.
La semaine dernière étant en prome-
nade dans les environs de la chaumière
que j'habite pendant les vacances, j'en-
trai à l'école; d'abord parce que toute
écolca, pour moi, un attrait irrésistible,
ensuite parce que j'avais promis des re-
compenses aux écolières qui, depuis oc-
tobre, auraient fréqnenté assidûment, et
que je voulais me rendre compte de lïlll-
portance de ma dette.
La maîtresse me fait un excellent ac-
cueil et me prie de voir rapidement où en
sont les fillettes qui se préparent au cer-
tificat. d'études primaires (de ce certificat
etde tous les autres,nous causeruns un de
ces jours). Leur cahier était ouvert sur
une dictée faite tout récemment, et voilà
ce que je lus :
« La Société française peut être COlll-
parée à un train de chemin de fer com-
posé de compartiments de première, de
seconde et de troisième classe... (ici et)
n'est plus textuel, mais je garantis la
fidélité de la traduction). Les voyageurs
les plus fortunés voyagent en premières,
les plus pauvres, en troisièmes, les
moyennes fortunes en deuxièmes; mais
les instabilités de la fortune peuvent faire
descendre le voyageur des premières
pour aller en troisièmes, de même que le
voyageur des troisièmes montera peut-
être demain en premières. Enfin... (et
ceci redevient textuel) à notre époque
1 intelligence et le travail ouvrent toutes
les portes. »
Parmi les petites élèves se trouvait la
sœur de ma bonne qui me demandait:
« J'peux t'y déteindre le mâchin,ses com-
pagnes sortaient du même milieu; uno
d'entre elles avait vu, une fois, un trains
de chemin de fer à quatorze kilomètres
de son village... On aurait fait à toutes la
classe en chinois qu'elle eut été, pour ces
enfants, aussi intelligible.
PAULINE KERGOMARD.
SA mvrej -
une tenue plus habillée et de superbes
fourrures.
Nos illustres voyageuses ont exprimé
à plusieurs reprises la satisfaction qu'el-
les éprouvent de leur séjour à Paris.
Celte satisfaction est une grande joie
Dour nous et une très légitime fierté.
CAMILLE DUGUET.
On dit...
POLITIQUE
Quoique le président Mac Kinley se dis-
pose à tenter un dernier etiort pour éviter
les hostilités, on ne peut établir une solu-
tion pacifique sur les résolutions arrêtées
d'avance par le Congrès américain. Ces ré-
solut ions, d'après le Globe, disent péremp-
toirement que lePrésidciitemploieralaforee
pour les appliquer si l'Espagne ne consent
pas à les atlmellrc. Il est évident que le re-
jet de cet ultimatum est à peu près certain
de la part du cabinet de Madrid, et quelques
dépêches reçues à Londres, publiées par les
journaux anglais, donnent à pressentir que
des actes de conilit auront lieu avant la pro-
clamation officielle des hostilités. Quant a
celle assertion que le Président jurait
abandonné au Congrès son droit, de déclarer
la guerre, nous ferons remarquer que c'est
le Congrès qui, seul, a qualité, d'après la
Constitution des Etats-Unis, pour formuler
un tel acte. M. Mac Kintey n'a donc pas re-
noncé à ses privilèges, mais plutôt aban-
donné trop vite la faculté de provoquer oar
un veto suspensif la possibilité d'établir une
seconde délibération d'où pouvait rejaillir
une solution conciliatrice.
Devant cet état de choses, le ministère
Sagitsta a donc eu raison d'ordonner la con-
vocation rapide des Cortés. Il est logique de
prendres l avis des hauts mandataires de la
nation dans une crise oii ses destinées sont
eu jeu. Que fera l'Europe? Ce qui s'impose
pour elle, c'est de s'attacher à prévenir les
funestes résultats d'un conflit effroyable;
car si ses sympathies la portent de préfé-
rence vers 1 Espagne, elle est liée d'intérêts
à l'Amél'ique. Il serait dangereux pour l'un
des six Etats ayant suivi le Pape dans ses
efforts «l'apaisement de se créer des inimi-
tiés redoutables dans le Nouveau-Monde. Le
point essentiel, c'est que l'action des puis-
sances soit unanime et ne s'exerce pas iso-
lément en faveur de l'une ou de l'autre na-
tion. Mais enfin le texte des résolutions con-
jointes de la Cluimbre et du Sénat de l'Union
n'étant pas définitivement établi, on peut
dire sans commettre une erreur juridique
que les pourparlers en faveur de la paix ne
sont pas encore épuisés.
MADEMOISELLE.
DANS LES MINISTERES
Le vice-amiral Besnard, ministre de la
marine, et Mme Besnard, ont oflert hier
soir un dincr de soixante couverts au corps
diplomatique.
DANS LES ÉGLISES
Nombreuse assistance hier, en l'église
Saint-Pierre de Chaillot où Mgr (Jury, évè-
que de Dijon, bénissait le mariage du haron
de Saint-Trivier, lieutenant au 9* cuirassiers
avec Mt!c Marie-Antoinette Doyon.
La jeune fiancée, qui portait une élégante
toilette de salin blanc drapée de tulle blanc
avec voile en point d'Angleterre a été con-
duite à l'autel par son beau-père, M. de
(iailhard.
Elle avait pour témoin, son oncle le mar-
quis de BUITuel et son frère M. Pierre
Doyon ;ceux de son fiancé étaient le colonel
Delannoy, commandant le U. cuirassiers et
le baron S. de Saint Trivier son oncle.
MUes Doyon et de Gailhard en délicieuses
toilettes roses ont fait la quête, elles étaient
accompagnées de M. llol)ert et Jacques dç
Saint Irivier aspirant de marine.
Remarqué dans le cortège et l'assistance :
Duc et duchesse de Lorges, comte et com-
tesae de Pontalba, amiral de Libran, vicomte et
vicomtesse de Grollier, comte et comtesse de
Fleurieu, comte et comtesse Puységur,comtesse
de la Chapelle, comtesse de Ccon'rc, baron il'A-
lis. comtesse de Lévis-Mirepoiu, comtesse de
Cilermont-Tonntrre, comte et comtesse d'Aubi-
#rny,comte et comtesse de Noinviile, marquis et
marquise de Grullier, marquis et marquise de
NYtlancourt, baron du BlaisrJ, Mme d'indy,
marquis et marquise de Turenne. etc.
A l'issue de la cérémonie, lunch très élé-
gant chez Mme de Oaiihartl, en ses salons
df' la rue de Marbœur, où les invités ont
admiré l'exposition des cadeaux et une su-
perbe corbeille de fleurs offerte par les
officiers du 90 cuirassiers.
—o—
Ut Société française de secours aux
blessés militaires, présidée par le général
duc d'Auerstaedt, grand chancelier de la
Légion d'honneur, fera célébrer en l'église
de la Madeleine, le samedi 23 avril, à dix
heures, sous la présidence de S. E. le car- 1
ilinal Richard, archevêque de Paris, un ser-
vice commémoratif pour les soldats et 1
marins morts au service de la France. 1
Le T. R. P. Gaffre, des Frères prècheurs,
parlera après l'Evangile.
On peut se procurer des cartes au secré- J
tariat de la Société, 19, rue Matignon.
UN PEU PARTOUT
Le Congrés des Sociétés savantes a tenu
hier à deux heures sa. séance de clôture,
sous la présidence de M. Rambaud, minis-
tre de Instruction publique.
M. Darlu, professeqr de philosophie a
prononcé le discours d'usage.
M. Rambaud prend ensuite la parole, il
constate le développement que prend cha-
que année le Congrés des Sociétés savantes.
Puis il annonce que le prochain Congrés se
tiendra dans une ville de province, le sui-
vant à Paris et que chaque année on alter-
nera ainsi entre Paris et une autre ville.
MM. Liard, directeur de l'enseignement
supérieur et de Saint-Arroman assistaient
à la réunion qui s'est terminée par la nomi-
nation des nouveaux officiers de l'instruc-
tion publique, et d'Académie.
—o—
Ou nous annonce la mort dans sa quatre-
vingtième année, de M. André Fallou, artiste
ftrrque, élève de Duprez, qui obtient de
nombreux succès.
Il créa en 1852 au Théâtre Lyrique le rôle
du pêcheur, Zéphoris dans Si j'étais Roi,
puis successivement. La Fille invisible, Maî-
tre Wolfram.Les Amours du Diable, etc., etc.
Au sortir de ce théâtre il alla chanter
dans toutes les grandes villes de l'Europe et
parcourut une brillante carrière. Ce deuil
frappe cruellement son fils André Fallou, le
s tu tuai re bien connu.
—o—
Ce soir, à la salle des Fêtes du grand-
Orient, 16 rue Cadet, la chambre syndicale
patronale, comité des coiffeurs de dames
de Paris célébrera la Grande Fête du Prin-
temps parée et travestie; laquelle est don-
née au bénéfice de la caisse des pensions
de retraite de la Société de secours mutuels
de Saint-Louis et Union.
Cette réunion sera présidée par M. Félix,
officier de la Légion d'honneur.
—o—
M. le comte Ausenbourg, chambellan lie
la reine des Pays-Bas vient d'arriver à Paris,
venant de La Haye.
—o—
A Madrid, la reine a reçu en audience
privée le Dr Brouardel et d'autres membres
de la délégation française au Congrès d'hy-
giène.Ces membres,au nombre de soixante,
ont été reçus en audience publique ; ils ont
été l'objet des attentions les plus flatteuses
de la part de S. M.
—o—
Parmi tous les produits présentés journelle-
ment au public dans le but de conserver la
fraîcheur du teint et d'effacer les rides, ceux
de Mme lIéricr, professeur d'esthétique fémi-
nin sont sans contredit les plus en vogue et leur
efficacité est reconnue depuis longtemps.
Le lait hygiénique pour la beauté du visage
et des mains, ainsi que l'eau de Ceylan, régéné-
rateur colorant de la chevelure, produisent de
suite les meilleurs effets et donnent des résul-
tats hors de pair. C'est grâce à des recettes im-
portées de rtextrême-Orient, et dont Mme Hé-
rier a seule le secret, qu'elle a pu offrir au pu-
blic, tous les immenses avantages décrits plus
hauts : il faut ajouter qu'à fart de la savante
préparation vient se joindre le côté hygiénique,
que Mme Hérier a compris mieuxque personne,
qu'il ne faut négliger en aucune circonstance,
quand il s'agit des soins délicats à donner au
corps. On peut se procurer l'eau de Ceylan au
prix de 7 francs le flacon et le lait hygiénique à
10 francs en envoyant pareille somme à Mme
Hérier, 38, rue des Petits-Champs, à Paris.
LA DAME D. VOILÉE
LES
Enterrés Vivants
La France est un pays de progrès et Paris
est une ville de lumière, c'est une affaire
entendue ; nous le répétons tous les jours
et nous avons peut-être raison puisque
nous le croyons. Cependant, il nous arrive
de constater de temps en temps que nous
sommes parfois en retardsurcertaînspoints
qui ne manquent pas d'importance.
Ainsi,à propos du cas de ce mort exhumé
après deux jours d'ensevelissement et mis
en observation, sans que les dix médecins
qui l'ont visité puissent dire s'il est vrai-
ment mort, nous nous sommes aperçus que
l'on pouvait fort bien être enterré vivant à
Paris sans que personne s'en aperçoive.
Quoique cette perspective n'ait rien de
bien gai en elle-mème, il faut que nous en
disions deux mots en constatant qu'il existe
(les chambres mortuaires d'attente, dans
toutes les grandes villes d'Europe et d'Amé-
rique : seules les villes françaises en sont
dépourvues. La Turquie est l'unique qui
nous imite sous ce rapport.
Du reste si vous parlez avec des étran-
gers de marque, de passage chez nous, ils
vous diront qu'une de leurs craintes, est
de mourir, naturellement, mais de mourir
en France où on a des chances pour être
enterré vivant.
Oh ! je sais bien, MM. les médecins nient
à peu près tous qu'il y ait de nombreux cas
d'inhumationsprécipitées; c'est si commode
de dire non, et surtout c'est si vite fait.
Molière qui aimait peu les médecins était
déjà convaincu du danger dont je parle, et
il a dit :
Qui tôt ensevelit, trop souvent assassine,
Et tel est pris pour mort, qui n'en a que la mine.
Depuis Molière, le danger est le même et
nous n'avons rien fait, rien pour y remé-
dier.
Sans remonter trop haut, j'ai là, dans un
u dossier copieux sur la matière, des pêti-
ns nombreuses adressées aux chambres
*■ françaises en 1832, 1816, 1860, 1862, 1864 et
surtout 1866.
a Une discussion très sérieuse s'ouvrit au,
Sénat et M. Hubert Delisle disait :
il « En découvrant les tombes d'un ancien
cimetière, on a trouvé une quantité assez
5- notable de corps dont les contorsions ré-
e vêlaient une ell'rayante torture. On dit
qu'en France c'est rare, et qu'il y a de cela
- 40 ans? Qu'en savez-vous, et qui peut dire
ce qu'on doit appréhender au juste. »
t Le cardinal Donnet, archevêque de Bor-
t deaux monta alors à la tribune.
« J'ai moi-même, dit-il, dans un village
que j'ai desservi, empêché deux inhuma-
tions de personnes vivantes. L'une vécut
encore 12 heures, l'autre revint complète-
ment à la vie. Plus tard, à Bordeaux, une
à jeune fille passait pour morte ; quand j'ar-
p rivai, la garde-malade s'apprêtau, à l'eme-
velir. La mort ne me parut pas certaine,
je fis entendre des paroles d'espérance et
bientôt, en eflet, une révolution s'opéra
' chez la malade. Elle est aujourd'hui, épouse
et mère ».
Tous ces exemples ne valaient pas
■ celui-ci, que rapporta le même cardinal
l Donnet. Je reproduis text,uellei-nelit, je crain-
| drais de diminuer la porlée d'un tel téinoi-
J -nage.
« En 1826, un jeune prêtre au milieu d'une
cathédrale, s'affaisse subitement dans la
chaire d'où il faisait entendre sa parole. Un
[ médecin appelé déclare la mort certaine et
; fait délivrer le permis d'inhumer pour le
' lendemain. »
« L'évèque récitait déjà le De Profutulis au
pied du lit funèbre, et on avait pris les di-
' mensions du cercueil. La nuit approchait,
et l'on comprend les angoisses du jeune
prêtre qui, n'étant pas mort saisissait tous
' les bruits de ces préparatifs.
« Enfin, il entend la voix d'un de ses amis
d'enfance et celte voix provoquant chez
, lui un effort surhumain, amène un résultat
merveilleux. Le lendemain il pouvait repa-
' raitre dans la chaire. Ce prêtre est aujour-
d'hui devant vous messieurs, vous priant
de demander aux dépositaires du pouvoir,
* non seulement de veiller à ce que les
s prescriptions lésâtes soient observées, mais
- d'en formuler de nouvelles pour prévenir
, des malheurs trop fréquents et d'une na-
- turc irr'''p a'abte. JI
> Un autre sénateur, M. de Barrai cita, dans
la même discussion deux autres exemples
que je résume :
» Dans le département de l'Indre, dit-il,
une institutrice avait été enterrée, sur l'af-
firmation donnée par le médecin,qu'elleétait
réellement morte. La tombe était voisine
de la cure. Au milieu de la nuit, le curé
ayant entendu des cris suivis de gémisse-
ments dans cette direction, la pensés lui
vint de faire ouvrir la sépulture. Au mo-
ment où le cercueil fut découvert, il cons-
tata, par la chaleur du corps, que l'insti-
tutrice venait d'expirer et qu'elle avait été
enterrée vivante.
H Et-, continue-t-il, un charpentier, que
j'avais souvent fait travailler, fut aussi en-
terré vivant. Mais il se réveilla de sa léthar-
gie, avant que la fosse fut entièrement com-
blée. Secouru il temps on put le rendre à
la vie Il.
Un autre sénateur, M. Tourangin, fit rer
marquer que ces malheurs frappaient non
seulement les pauvres, mais encore les ri-
ches, et il lit connaître l'exemple suivant,
dont il avait été le témoin :
H Une dame que l'on avait considérée
comme morte et qui avait été reconnue
comme telle, par les trois médecins qui la
soignaient, était sur le point d'être inhu-
mée. Après trente heures d'attente et après
avoir inutilement tenté les épreuves les
plus décisives pour la ramener à la vie, on
décidade placer la défunte dans le cercueil,
pour procéder ensuite aux funérailles. Les
supplications d'une sœur de la malade ob-
tinrent des médecins quelques heures de
répit. Grâce à ce délai de faveur, la pré-
tendue morte échappa aux tortures d'un
réveil dans le tombeau. En cn'et, ce retard
suffit pour donner à la vie le temps de
reparaître là où l'on s'obstinait à ne voir
que l'image de la mort. Il fallut trois mois
pour guérir les plaies qui avaient été faites
en vue de constater le décès. »
Nous pourrions multiplier les exemples;
j'en ai là, plus de cent, officiellement cons-
tatés, mais affirmer le mal n'est rien,si on
ne trouve pas le remède. Ceci est affaire
aux médecins et aux législateurs; ce qu'il
y a de certain, c'est qu'il y a une réforme à
tenter. En dépit des opinions les plus opti-
mistes des docteurs, il est indiscutable que
l'on a enterre tous les jours en France, des
corps d'où la. vie ne s'est pas complètement
retirée.
Eh quoi ! direz-vous, il est donc impos-
sible de savoir d'une façon absolument sùre
où finit la vie et ou commence la mort.
Scientifiquement cela est tout à fait im
possible.
Tenez, laissez-moi vous citer encore le
passage suivant du docteur Brouardel,doyen
de la faculté de médecine de Paris qui dans
son cours sur le « moment de la mort » s'ex-
prime ainsi :
« OÍI commence le cadavre, à quel moment
est-il considéré comme mort? Voyez à
quelles difficultés vous pouvez être exposés, ;
quand il s'agit de déterminer le moment
de la mort. Vous n'avez aucune certitude J
sur le signe même qui marque la limite de ]
la vie. Le nombre en est grand des per-
sonnes qui ne respiraient plus, et qui,
grâce à des - soûls énergiques, ont été
rappelées à la vie. En pareil cas, n'hésitez
jamais à avouer franchement votre incom-
pétence ».
Est-il besoin d'insister? Si nous voulions
feuilleter les archives de la Faculté de mé-
decine, nous constaterions-à chaque page,
que la science n'a pas encore trouve le
moyen de distinguer la mort réelle de la
mort apparente et que les trois quarts des
inhumations ont lieu avant que la putréfac-
tion ne se soit produite.
Je suis vraiment honteuse de vous avoir
si longtemps retenues sur un sujet si maca'
bre, mais vraiment il me semble d'une im-
portance telle, que vous me pardonnerez
J'en suis sûre, de m'y être arrêtée.
Je sais bien que Molière dont je parlais
en commençaut a professé un beau dédain
pour la Il guenille ».
Je vous répondrai par un mot d'un de ses
personnages :
«« Guenille soit, mais guenille m'est
chère Il.
Et quand le moment sera venu, de payer
notre tribut, que nous ne soyons pas au
moins exposées à. nous réveiller dans les
affres du tombeau.
Brrrr J on frémit rien que d'y songer.
MARIE-LOUISE NÉRON.
Le Président de la République
A NICE
Hior le Président de la République s'est
rendu à Villefranche, accompagne du colo-
nel Ménétrez et de M. Blondel atin de visiter
l'escadre de la Méditerranée.
Le temps, beau depuis plusieurs jours,
était incertain, la mer assez forte. ■
Le canot de l'amiral Iluman a conduit M.
Félix Faure à bord du Brennus, Ol1 il a été
reçu par l'amiral entouré de tout son étal-
major.
Aucun coup de canon n'a été tiré, le Pré-
sident avait formellement défendu qu'on lui
rendit les honneurs.
Lorsque le Brennus passa devant le cui-
rassé anglais Ramilhès, les marins anglais
portèrent les armes pendant que la musi-
que du bord jouait la Marseillaise.
La musique de l'équipage de Brennus ré-
pondit eu jouant Il yod save the Quen ».
La deuxième division de l'escadre, qui
avait appareillé dès le grand matin, figurait
l'ennemi et devait être rencontrée au large
par la première division et simuler un com-
bat.
M. Félix Faure a déjeuné à bord du Bren-
nus et est rentré à Villef ranche vers deux
heures.
Princesse Lointaine
Le cortège des muses antiques ne s'est
pas dispersé avec le paganisme sans lais-
ser après soi de descendance et parfois,
au milieu de notre technique moder- j
nisme, quelqu'une se révèle du sang de
ces divinités mortes.
Vous l'eussiez cru reconnaître jeudi
à la Bodinière qui faisait salle comble
pour l'audition de quelques-unes des
œuvres d'Hélène Vacaresco, l'écrivain
roumain bien connu. C'était tout d'a-
bord en voyant entrer en scène, à pas
sans bruit, comme détachée des fres-
ques murales, cette toute gracieuse
silhouette, Blanche Dufrène, délicieuse-
ment blonde dans sa toilette mauve,
mariée ton sur ton avec les violettes de
Parme qui fleurissaient sa ceinture. Elle
paraissait évoquée par l'éloquence du
conférencier, Jules Bois, comme sortie
de son dire élégant qui nous laissait en-
trevoir, en voilant comme il convient à
tout ce qui touche une jeune fille, l'his-
toire et 1 œuvre d'Hélène Vacaresco.
L'histoire et l'o.'uvre, les deux sont in-
séparables. Nous l'avons tous trop bien
deviné et compris à travers la discré-
tion des mots, pour insister davantage.
Ce que je veux dire, c'est le charme qui
nous prenait tous au cœur, auditenrs et
auditrices, qnand se levait la jolie dame
mauve et que sa voix timbrée d'or peut-
être par une influence venue de Sarah,
cadençait, chantait, pleurait, frissonnait
les strophes de rêve, d'amour,de larmes
jaillies d'un cœur meurtri mais non dé-
faillant et en qui toute la race a soufflé
sa force pour le soutenir dans le calvaire
de sa peine.
Et c'cstau milieu des applaudissements
spontanément venus à la suite des vers
que s'est déroulé
Le dont accouplement des rimes veloutées
comme dit elle-même la poétesse dans
ses chants d'aw'ore.
Et, présente quoique cachée, elle a pu
jouir de la grande et sincère émotion de
son public, elle qui, mélancoliquement
a dit encore parlant des poètes futurs :
Leurs vers retentiront dans leurs apothéoses,
Mais je ne vivrai pas dans ces âges lointains.
Ces âges lointains sont pourtant venus
bien vite pour cette to..-....Jè'oeè:'Qui les
entend retentir, ses vers, âU, milieu du
plus légitime succèa.
Que n'est-elle alors parue sur la scène
à côté de sa gracieuse interprète comme
un couple de muses saluànt ensemble
qui les applaudissait? A voir la, foule qui
l'a en un instant entourée sitôt la séance
finie, on imagine l'ovation qui lui aurait
été faite alors.
D'ailleurs, l'audition a été redemandée
à l'unanimité. Vieilles ballades roumdi-
nes, songeries douces, tendres regrets
sont repasser de nouveau devant nous
en défilés mélancoliques. Nous retrou-
verons cette impression déjà éprouvée à
la lecture, de grandeur dans la tristesse,
de fierté à travers les larmes, de vaillance
dans le chagrin et que tous ont ressentie
sous mes yeux, ce dont je suis tout heu-
reuse.
Car je craignais que ma personnelle,
amitié pour l'auteur n'eût fait beaucoup
pour mon intimeémot\on et que des sou-
venirs de longues causeries, les mains
dans les mains et d'idées échangées et
de confraternité poétique ne fussent
mêlés à l'attrait de ces vers. Mais non !
C'était bien là la sympathie de la foule
inconnue qui va vers ceux qui savent la
bercer avec la musique des mots et la
tendresse des sentiments.
Et sans allusion à d'autres diadème que
celui des fleurs entrelacées au front des
poétesses, tous pensaient comme moi
que, malgré tout, du fond de la Rouma-
nie lointaine où déjà celle qui règne a
joint la guirlande des muses à sa cou-
ronne d'or, c'était bien une jeune reine,
une reine de poésie, de tendresse et de
charme, aui nous était venue..
LUCE DALRUE.
Le Congrès des Professeurs
'
La quatrième séance du Congrès des pro-
fesseurs de l'enseignement secondaire a eu i
lieu hier. '
L'assemblée a volé, aveo quelques mQcli-
fications le projet de statuts d'une Société
d'assistance mutuelle universitaire.
Voici les principaux passées : |
11 L'objet de cette Société est d'assurer !
des secours aux sociétaires ma.tades. D'as-
surer, en cas de leur décès, des secours à
leur famille; veuve, enfants, ou parents à
leur charge.
2° D'assurer des secours aux sociétaires
malades, lorsqu'ils sont réduits à un trai- j
tement inférieur à leur Iruilement normal
' et notoirement insuffisant.
3° Les sociétaires paynl une cotisation
annuelle dont le minimum est de 10 f-rs.
L'exercice annuel commence le 1er jan-
vier.
Cettecotisation est exigible dans -le mois
de janvier.
Les sociétaires qui n'auront pas versé leur
cotisation annuelle ou semestrielle dans les
trois premiers mois de chaque semestre.
sont considérés comme démissionnaires et
perdent leurs droits aux secours.
Font partie de la Société sur leur de-
mande, tous les fonctionnaires en exercice
appartenant aux cadres de l'enseignement
secondaire publie pourvus d'une nomina-
tion ou d'une délégation ministérielle et
subissant la retenue pour la retraite.
1° Fonctionnaires de l'administration cen-
trale ;
2° Fonctionnaires des lycées et collèges de
garçons et de jeunes filles établis en France
et hors de France ;
3° Fonctionnaires attachés ou détachés à
divers établissements publics ou libres.
Discours de M. Rambaud
M. Rambaud ministre de l'instruction pu-
blique a clôturé le congrès des Sociétés
Savantes par un discours dont nous ex-
trayons les passages suivants :
Parlant du projet tendant à faire alterner
entre Paris et quelques villes des départe-
ments les prochains congres, M. Rambaud
dit :
« Ce projet soumis d'abord à l'examen du
Comité, y a rencontré une approbation una-
nime.
.< Il est donc entendu que votre prochain
Congrès se tiendra dans une ville de pro-
vince; le suivant, celui de 1900 viendra né-
cessairement contribuer à cet éclat dont
rayonnera la métropole de la France et
ainsi se poursuivra 1 alternance.
« Les avantages de la réforme sont évi-
dents. Celles de vos sessions qui auront
pour théâtre une de nos villes de province,
et non pas seulement une très grande ville,
non pas seulement une ville d'université,
mais toute ville qui, parmi les compéti-
tions qu'il est bien permis de prévoir, aura
fixé votre choix, trouveront dans l'origi-
nalité même du milieu provincial un re-
nouveau de vitalité et de fécondité. Il
Le ministre ne voit que des avantages à
cette innovation.
« Et ne serait-ce pas déjà un grand avan-
tage, que d'avoir mieux fait connaître la
province aux savants de Paris, et aux pro-
vinciaux mèmes les provinces que, sans une
telle occasion,i!s n'auraient jamais visitées.
Peut-être avons-nous le tort de vivre un peu
trop chacun chez soi ; si le provincial affec-
tionne son coin de pays, pour beaucoup de
Parisiens, Paris même n'est qu'un coin dont
ils ne sortent pas volontiers. Le congrès les en
fera sortir, les promènera au nord et au
sud, à l'Ouest et & l'Est, leur révèlera la
vérité infinie et l'originalité de ces provin-
ces françaises qui se souviennent d'avoir
été autrefois des nations, avec leurs lois,
leur parlementleurégli§e,leuf dialecte,leurs
costumes, leur art, leur littérature tout au
moins leur folk-lore. C'est de la forte ori gi-
nalité ces petites parties que sont fait le
charme et la puissance de la grande patrie.
Michelet a déjà montré comment de tous ces
esprits locaux s'est formé l'esprit national.
La France, si diverse de races, est avant
tout une harmonie. »
M. Rambaud a résumé les travaux des ex-
plorateurs qui remplissent en ce moment
des missions aux quatre coins du monde.
« Je viens, dit-iJ de recevoir des dépêches
m'annonçant que M. Loret a, dans les rui-
nes de Thébes, retrouvé les tombeaux de
deux des plus illustres pharaons, Améno-
phis Il et Toutmès III. »
Parlant ensuite de la Mission de M. de
Morgan en Perse, le ministre ajoute :
« Les dernières lettres que j'aie de M. de
Morgan, m'annoncent seulement la marche
de 900 kilomètres qu'il vient d'accomplir de
Téhéran à Suze, constamment harcelé par
des tribus pillardes, rebelles au roi de
Perse, et contre lesquelles notre archéolo-
gue a dû se retrancher toutes les nuits, en
faisant le guet, son fusil à la main. o
Les femmes ont leur feuillet dans ce dis-
cours consacré aux entreprises hardies.
Il Je dois rappeler, ajoute M. Hambaud,
que récemment une femme, Mme Isabelle
Mas, sous les auspices du ministère de l'ins-
truction publique, mais sans aucune sub-
vention, a parcouru la Birmanie, les Etats
Sliang, la Mongolie, la Sibérie et le Turkes-
tan. »
M. Rambaud a terminé par quelques COll-
sidérations politiques beaucoup moins in-
téressantes et sur lesquelles nous passons
ra pidement.
INFORMATIONS
On mande de Madrid au New- York-He-
rald :
Le gouvernement espagnol fait face à la
question dans la forme la plus pratique. Il.
est prêt il faire toutes démarches, n'ai tei-
gnant pas l'honneur de l'Espague, pour as-
surer la paix.
Dans ce but le gouvernement espagnol
est disposé à élargir l'autonomie cubaine
jusqu'à ses plus extrêmes limites.
« Je travailla pour la paix, a. déclara de son
côté le général Woodford, et malgré les
bruits pessimistes de ces jours derniers,
j'espère encore que la paix sera maintenue
et que dans peu de temps elle sera rétablie
à Cuba sur la base de la justice absolue,
tandis que les grands intérêts américains
qui existent dans l'ile seront protégés et que
l'honneur de l'Espagne ne sera pas atteint."
Londrcs, Ji) avrd.
On lit dans le Times: Nos sympathies, en
ce qui concerne la question cubaine, sont
avec les Américains, bien que les politi-
ciens américains, envisageant les élections
du prochain automne ont parte avec une
virulence qui a été jusqu'à mettre les EltIÜ-
Unis dans leur tort. Cependant la mauvaise
administration de l'Espagne à Cuba et les
dommages qui en ont résulté pour les inté-
rêts américains dans le golfe Il 1I Mexique
justifient la demande que font les Elals.
Unis de voir cesser un système qui a dt
qualilié d intolérable par M. Mac-Kinley.
On mande de Vienne au Daily 'l'tlt!fJl'/lplt
que l'Autriche aurait proposé de prendre
sous sa protection pendant la durée des
hostilités, les Espagnols résidant aux Etats-
Unis,
Loudres; JG avril.
On mande de Washington au Centrai
.Yews :
Un projet de loi autorisant le Président
à. appeler sous les armes une milice de ,100
mille hommes a été déposé au Congrès. Le
conlingent ne sera pas appelé en blo'; mais
au fur et à mesure que les événements se
produiront. Les hommes devront servir au
moins six mois, mais leur engagement ne
pourra dépasser trois ans.
Madrid, iC avril.
Une dépêche de la Havane dit qu une réu
nion des généraux et des autorités de la
ville a eu lieu sous la présidence du maré-
chal n)anco afin d'arrêter un plan complet
de défense, en prévision de l'évenlualilé
d'une guerre avec les Etals-Unis.
Vienne, 16 avril.
D'après les derniers renseignements reçus
de Constantinople, on croit que les troupes
turques commenceront a évacuer la Thes-
salie le 28 avril.
L'évacuation se fera très lentement.
Cherbourg, 10 avril.
Ce soir à 9 heures a eu lieu au cercle mi-
litaire, sous la présidence du générât Voy-
ron, une grande réception des officiers de
la 1er brigade d'infanterie de marine, à l'oc-
casion de l'arrivée au corps des sous-lieu-
tenants nouvellement promus.
La musique du 1er régiment d'infanterie
de marine s'est fait entendre pendant toute
la durée de la réception,
nome, 16 avril.
Le bruit par lequel l'Italie se disposerait
LA TRIBUNE
(2)
A TRAVERS L'ÉDUCATION
L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ÉLÉMENTAIRE
Cette rubrique forme tm feuilleton volant
dont le sujet change tous les trois jours.
II
Les programmes
Donc, tous les petits Français des deux
sexes, sauf ceux qui, sous le contrôle
plus que bienveillant de l'Etat, sont ins-
truits dans leurs familles ; sauf les « ex-
f>eetants »; sauf les enfants inscrits dans
es écoles, mais qui ne les fréquentent
pas, grâce à l'inertie des commissions
scolaires; sauf ceux qui, n'ayant jamais
été inscrits, échappent à toute réglemen-
tation— tous les petits Français des deux
sexes sont tenus de fréquenter les écoles
« de six à treize ans », exige la loi ; de six
à onze ans et demi répond la coutume,et
la coutume est absolument contraire au
bon sens, car c'est juste au moment où
l'écolier commencerait à apprendre avec
fruit qu'il abandonne tout travail intel-
lectuel.
Le programme des écoles primaires
comprend :
L'enseignement moral et civique.
La lecture et l'écriture.
La langue française.
Le calcul et le système métrique.
L'histoire et la géographie, spéciale-
ment de la France.
Les leçons de choses, et les premières
notions scientifiques principalement
dans leurs rapports avec l'agriculture.
Les éléments du dessin, du chant et
du travail manuel (travaux de couture
dans les écoles de fllles).
Les exercices gymnastiques et militai-
res (je fais immédiatement abstraction de
cette dernière ligne ayant dit, dans mon
article sur les écoles mixtes tout ce que
j'avais à en dire).
Ce programme a fait couler des flots
d'encre et des flots d'éloquence, et ce n'a
presque jamais été pour le couvrir de
fleurs. Nul n'ignore que tous les crimes
contre la propriété et contre les individus,
que toutes les défaillances morales ont
été mis, depuis quelques années sur le
compte de la « laïque » ; de même tous les
insuccès intellectuels sont dus, parait-il,
à ce programme « trop charge ».
Au premier abord, il semble que l'on
ait raison de l'incriminer, car le détail
en est interminable, prétentieux,presque
pédant; mais c'est bien le cas oil jamais
de hasarder une variante à une apostro-
phe célèbre, et de dire : « Que celui qui
a rédigé un programme impeccable nous
jette la première pierre; toutes les fois,
en effet, que l'on a tenté de le simplifier,
les plus acharnés parmi lesquels se trou-
vaient, parfois, les plus compétents, ont
hésité, se sont presque récusés, d'aussi
bonne foi qu'ils avaient attaqué, et tout
leur effort a tendu à empêcher des spé-
cialistes fougueux d'y ajouter encore.
Je n'oublierai jamais une séance de
commission, à laquelle nous avions été
convoqués « nous » c'étaient des mem-
bres du Conseil supérieur) pour la
revision du programme de gymnasti-
que. Un des hommes les plus esti-
més dans la science contemporaine,
avait été prié de nous prêter son concours.
Il nous dit des choses extrêmement inté-
ressantes - ses auditeurs du collège de
France les comprennent peut-être —
mais qui passaient à mille pics au-dessus
de renseignement primaire. D'ailleurs,
le livre dans lequel il aurait fallu se ren-
seigner n'était pas encore écrit ; cela
nous sauva, en nous fournissant un bon
prétexte pour descendre de ces hauteurs.
Restreindre le programme. C'est bien-
tôt dit; mais... par quel côté?
On ne saurait, n'est-ce pas? Supprimer
renseignement moral el c¡vigue) sans ap-
peler sur la laïque de nouvelles foudres,
de nouvelles malédictions.
La lecture et t écriture c'est le fonde-
ment de toute instruction. Paul Bert les
a appelées d'un nom bien frappé: les
outils intellectuels. »
La langue française ! Même à cette
époque protectionniste, où je m'attends
chaque matin à voir, avant le coucner du
soleil, les douanes rétablies entre chaque
département, il est pourtant désirable
que les Français se comprennent entre
eux, ce qui n'arrive pas toujours, même
en dehors de la politique; j'en appelle à
tous ceux qui font des séjours ici ou là
en dehors des grandes villes.
L'an dernier,au cours d'une inspection,
j'entrepris de faire comprendre, à des
enfants qui récitaient cette fable comme
des perroquets, la Laitière et le pot au
lait. Ils m'avaient paru très intéressés,
j'espérais des réponses nettes, et voilà
qu'à ma première question : « Comment
s'appelait la laitière », les yeux s'étei-
gnent; personne n'y est plus. Je recom-
mence sur nouveaux frais mon petit
conte, et alors l'institutrice se décide à
j me donner la clé de mon insuccès.
« Dans le pays, me dit-elle, c'est la
botte au lait qui s'appelle une laitière! »
Dans le « pays » on ne parlait pas fran-
çais 1
Pas plus tôt que ce matin (je suis en ce !
moment en Normandie) une petite bonne
que j'ai engagée pour ces quelques jours '
de vacances, entre dans la pièce où j'écri- !
vais : « Madame, me dit-elle, j'peux ty ]
déteindre al mdchin? » J'ai couru dans la
cuisine, ne voulant pas lui dire que je ne
la comprenais pas, et j'ai vu qu'il s'agis-
sait d'éteindre une lampe à essence. 4
D'où je conclus que, sous peine de res- 4
sembler bientôt à la tour de Babel, nous j
ne pouvons supprimer la langue fran-
çaise du programme de nos écoles prt- '
maires.
Sèra-ce, alors, dans le calcul et le sys- <
tème métrique que nous pratiquerons <
des coupes sombres? Mais il n'y a pas un 1
métier où l'on naisse s'en aasser. a
Ferons-nous le sacrifice de l'histoire?
Ce serait nous résigner à laisser empor-
ter de l'école l'idée que c'est sans effort
que nous sommes arrivés à la notion de
la justice et de la fraternité.
Sabrerons-nous la géographie, les le-
çons de choses, les notions scientifiques,
les éléments du dessin, du chant? Mais
alors tout ce qui n'est pas la ville ou le
village du petit écolier sera aussi bien,
pour lui, Pontoise, Madagascar, Péters-
bourg ou... la lune ! il assaisonnera de sel
ses aliments sans savoir où et comment
on se procure le contenu de la salière ; il
verra tomber une pomme d'un arbre
sans se douter que là pesanteur existe ;
à l'atelier il ne saura pas se servir d'un
crayon pour tracer une ligne sur une
planche, enfin, il ignorera cet incompa-
rable charme que l'on éprouve à chanter
avec goût, et surtout à chanter en com-
mun.
En réalité si l'instituteur a réussi à lui
apprendre à lire, il lira des mots, et ces
mots n'auront aucun écho dans son
esprit; s'il sait tracer des lettres, il co-
piera servilement. C'est-à-dire que l'école
aura manqué à tous ses devoir. A toits.
Vraiment ! ce n'est pas le programme,
qui doit être tenu responsable de notre
déception—si nous sommes déçus—mais
notre formalisme, notre esprit centrali-
sateur, et notre ignorance psychologique.
Ah 1 si nous connaissions les enfants ! Si
nous connaissions les enfants nous ne
pleurerionspasaujourd'hui sur la stérilité
d'une partie de nos efforts. Et nos efforts
ont été considérables.
Nous avions appris — à nos dépens —
que l'ignorance du peuple — dont nous ]
étions coupables — est terriblement dan-. ]
gereuse, et nous avons déeidé que tous ,
les enfants, sans exception, iraient à \
l'école. C'est, parfait. ■ ,
Tout naturellement, nous avons pensé <
3ue, pour instruire les autres, il faut j
d'abord savoir, et nous avons offert à nos i
futurs instituteurs les moyens de rem- i
aLir leur tâche. Ils ont travaillé en cons- j
'j cience. C'est encore une occasion de nous
■ féliciter de notre succès.
Mais où les choses se gâtent, c'est
lorsque l'instituteur et l'élève sont en
présence, nous nous apercevons, alors,
de la faute que nous avons commise en
essayant de faire entrer tous les enfants
de France, d'Algérie et de Madagascar
dans un moule identique, au risque de
meurtrir leurs chairs et de briser leurs
os, supplice que nous chargeons le per-
sonnel enseignant de leur infliger sous
notre responsabilité.
Puis, nous avons constaté une deuxiè-
me faute il notre passif : Nous n'avons
pas insisté, auprès de nos instituteurs, et
de la façon la plus péremptoire, sur la •
nécessitéabsolue d'adapter le programme
au milieu dans lequel vivent leurs élèves;
de le faire servir autant à leur culture
spéciale qu'à leur développement géné-
rai.
Enfin, nous ne les avons pas assez mis
en garde contre les outils de leur métier,
c'est-à-dire contre les li-yres dont ils ont
besoin, quoi que l'on en dise; contre les
livres, dont ils ne peuvent vraiment pas
se passer.
En réalité, il n'est, dans notre pro- i
gramme aucune matière dont on ne j
puisse entretenir les enfants, à la condi- i
tion de choisir, dans chacune d'elles ce i
qui peut les intéresser, ce qui peut les <
servir... surtout à devenir intelligents, j
puisque ce sont des habitudes d'esprit et i
non des formules que nous voulons leur ^
donner.Le choix étant fait, il importe de (
les mettre au courant, dans un langage à 1
la fois précis, clair, net et en rapport avec 1
leur développement intellectuel. Ce que
l'on croit le plus ardu, la grammaire et s
l'histoire peuvent devenir à leurs yeux, «
attrayantes et lumineuses. Pour cela, il p
est nécessaire de renoncer, en gram- d
maire, à indiquer d'abord ides formules, d
et pour l'histoire de la débarrasser du d
fatras qui l'alourdit, du style pompeux, c
auquel les historiens semblent condam- e
nés, et craindre comme le fçu, les méta-
phores qui la rendent inçouu>réhensible
1 aux enfants du peuple, surtout à ceux
des campagnes.
Oh ! les métaphores 1 La dernière que
j'ai happée au vol mérite d'être citée.
La semaine dernière étant en prome-
nade dans les environs de la chaumière
que j'habite pendant les vacances, j'en-
trai à l'école; d'abord parce que toute
écolca, pour moi, un attrait irrésistible,
ensuite parce que j'avais promis des re-
compenses aux écolières qui, depuis oc-
tobre, auraient fréqnenté assidûment, et
que je voulais me rendre compte de lïlll-
portance de ma dette.
La maîtresse me fait un excellent ac-
cueil et me prie de voir rapidement où en
sont les fillettes qui se préparent au cer-
tificat. d'études primaires (de ce certificat
etde tous les autres,nous causeruns un de
ces jours). Leur cahier était ouvert sur
une dictée faite tout récemment, et voilà
ce que je lus :
« La Société française peut être COlll-
parée à un train de chemin de fer com-
posé de compartiments de première, de
seconde et de troisième classe... (ici et)
n'est plus textuel, mais je garantis la
fidélité de la traduction). Les voyageurs
les plus fortunés voyagent en premières,
les plus pauvres, en troisièmes, les
moyennes fortunes en deuxièmes; mais
les instabilités de la fortune peuvent faire
descendre le voyageur des premières
pour aller en troisièmes, de même que le
voyageur des troisièmes montera peut-
être demain en premières. Enfin... (et
ceci redevient textuel) à notre époque
1 intelligence et le travail ouvrent toutes
les portes. »
Parmi les petites élèves se trouvait la
sœur de ma bonne qui me demandait:
« J'peux t'y déteindre le mâchin,ses com-
pagnes sortaient du même milieu; uno
d'entre elles avait vu, une fois, un trains
de chemin de fer à quatorze kilomètres
de son village... On aurait fait à toutes la
classe en chinois qu'elle eut été, pour ces
enfants, aussi intelligible.
PAULINE KERGOMARD.
SA mvrej -
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