Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-09-11
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 11 septembre 1852 11 septembre 1852
Description : 1852/09/11 (Numéro 255). 1852/09/11 (Numéro 255).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 285,
BUiMSAlJX : ruégde Valois (JPalals-Sloyal), uu I0. !
18S2.- SAMEDI 11 SEPTEMBRE,
-mmm
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POUR LES PAY3ÉTB ANGERS , Se rOpOT-
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TIONNEL est au-dessous de celui de tous lés
journaux politiques.
f AKIS, 10 SEPTEMBRE
DE LA. CULTURE AGRICOLE,
ÏT DE L'EXPLOITATION DES FORETS EN CORSE.
La suppression du banditisme n'est qu'un
des moyens que doit employer le gouverne
ment de Louis-Napoléon pour l'amélioration
matérielle et morale de la Corse. Le déve
loppement de la culture agricole, l'exploita
tion des forêts que cette lie renferme, en
trent également dans ses projets, et nous
croyons savoir que des mesures efficaces se
ront prises incessamment pour parvenir à
ce double but. Il nous a paru dès lors inté
ressant d'étudier cette question peu connue
et si importante, à l'aide de renseignemens
scrupuleusement choisjs et dont nous pou-
Tons garantir l'exactitude.
Il suffit de jeter les yeux sur une carte,
pour se faire une idée nette de la configura
tion physique de la Corse. L'île est'traversée
dans toute sa longueur par une chsîae de
montagnes, couvertes d'immenses forêts. La
côte occidentale, placée vis-à-vis de la Fran
ce, est la contrée la mieux cultivée, la plus ci
vilisée, la plus riche. Là se trouvent Ajaccio,
le centre de population le plus important, et
la Balagne, où l'agriculture est si florissante.
La partie orientale, qui regarde l'Italie, s'é
tend au-dessous de Bastia depuis l'Arena
jusqu'au golfe de Porto-Vecchio. Ce littoral
renferme les plaines de. Fiumorbo et d'Ale-
iia, qui, situées entre la mer et la monta
gne , fertilisées par des cours d'eau, se-
faient aussi favorables à la culture que la
Balagne, si elles étaient percées de routes, si
elles étaient assainies, si la destruction des
bandits y donnait la sécurité. C'est là qu'ont
eu lieu, daus ces derniers temps, des essais < J e
colonisation qui- ont échoué ou qui n'ont
réussi qu'en partie, parce qu'ils n'ont pas
été exécutés avec assez de maturité, dé per
sévérance et d'énergie.
Deux voies sont également ouvertes à la
colonisation en Corse : la mise en culture
des terres et l'exploitation des forêts. C'est
vers ce double but que doivent se tourner
les efforts combinés de Padçainistration et
des particuliers* "Viendront plus tard l'éta
blissement des usines et les entreprises mé
tallurgiques. Les terres qu'il s'agit de culti
ver peuvent être conquises de deux ma
nières, sur les marais ou sur les mâquis.
Les marais, séjour "de la fièvre, sont, pour
certaines: parties de la Corse, une cause
d'insalubrité. Chaque année , dans certai
nes régions, on voit les populations aban
donner le littoral pour se retirer dans la mon
tagne. Ces déplacemens continuels empê
chent tout travail assidu et donnent aux ha
bitant des habitudes errantes, dangereuses à
•plus.d'un point de vue. Déjà le gouverne^
ment s'est préoccupé de la grande question
du dessèchement -des mirais. Cette opéra
tion offre ce double avantage, en effet, de faire
disparaître les infl if sces délétères , et de
livrer à la culture un sol admirablement
fertile. La Balagne atteste l'efficacité et
l'utilité de cette mesure. On commencera en
novembre prochain à dessécher les marais
c[e Calvi, de Saint-Florent et de l'embouchu
re du Golo. Ou compte que ce travail pourra
être achevé à la fin de 1853. On entamera
alors l'assainissement des plaines voisines de
Porto-Veccliio, de l'étang 4e Bigu'glia, du
cap Corse et des autres points marécageux
de l'île.
. Le défrichement desmàquis n'est pas moins
utile que la dessèchement. des marais. Les
ir.âiuis, lieu de retraite des bandits, appar
tiennent,«oit aux communes, soit à des par
ticuliers. Les maquis des biens communaux
peuvent être évalués, à 100,000 hectares,
ceux des particuliers à 200,000 hectares
environ. Les maquis sont, comme on sait,
de vastes espaces boisés ou couverts de
broussailles. On peut les utiliser de deux fa
çons, en les convertissant en terres arables
ou en y faisant, selon la hauteur du terrain,
des plantations de mûriers, d'oliviers et de
chênes lièges. Il est néerssaire d'y combattre
une pratique déplorable en usage dans le
pays et qui consiste à incendier les maquis
pour les défricher, au risque de causer des
dégâts considérables.
Le terrain préparé pour la culfure, il .fau
dra surveiller avec soin les habitudes des
bergers du pays. Là aussi, il serait bien utile
de restreindre la vie pastorale pour dévelop
per la vie agricole chez les populations. Les
bergers de l'île, avec leurs troupeaux de chè
vres, occasionent des ravages affreux qui
seront un obstacle au progrès de l'agricul
ture, tant que des mesures rigoureuses n'au
ront pas été prises. La civilisation, par mal
heur, est trop souvent l'ennemie du pittores
que. La guerre qu'on sera obligé de faire en
Corse aux bandits et aux chèvres en est la
preuve. Rien de plus beau à voir pour un ro
mancier qu'un brigand vêtu de velours, étin-
celantd'acier. Rien de plus charmant pour un
poète qu'une chèvre pendant, du haut d'un
roc', à la cime d'un arbousier en fleurs. Mais
la dent corrosive de celle-ci ne fait pas moins
de mal que l'escopette de celui-là. On évalue
à 120,000 le nombre des chèvres dans l'île
de Corse. C'est beaucoup trop assurément
pour la prospérité agricole des établisse-
mens coloniaux qui y sont projetés.
Le banditisme détruit, les abus de la vaine
pâture réprimés, le problême ne sera point
encore résolu. On devra appeler en Corse
une population .con tinentale, empruntée au
tant que possibliî.à la Provence, à la Sardai-
gne, aux Etats italiens. Les Corses sont in-
telligens, courageux, dors à la fatigue. Une
bouillie de châtaignes, et les châta'gnes
ahondent dans l'île, suffit à.leur subsistance.
On les a vus supporter héroïquement, dans les
rangs de la grande armée, les glorieux
labeurs de vingt campagnes et conserver
leur énergique activité au sein des gla
ces de la Russie. Mais, comme la plupart
des peuples méridionaux, ils ont en horreur
le travail manuel qui leur semble indigne
d'eux. Leur sobriété leur permet de se passer
aisément des délicatesses de la vie civilisée. On
nepéulraisonnablemcnt espérer de les trans
former en agriculteurs,oudu moins ilfaudra,
pour les s tiçauler,l'exemple d'une population
sédentaire, s'enriebissant par la culture et les
accoutumant peu à peu au luxe. Un fait ré
cent peut servira apprécierleurcaraclère. On
avait établi à Arena, près des bouches du
Golo, une ferme-école dirigée par un ancien
élève de Grignon. Les jeunes gens du pays
qui y avaient été admis, ne;tardèrent,pas à
s'en aller, « déclarant qu'il leur conviendrait
bien de commander" à des ouvriers, mais
qu'ils ne se résigneraient jamais à conduire
eux-mêmes la charrue. »La ferme-école s'est
métamorphosée en ferme-modèle, qui sera
d'ailleurs fort utile par ses pépinières et par
la propagation des bonnes méthodes. Enfin
nous citerons un autre fait plus concluant
encore. En Corse, les travaux de la moisson,
semailles et récoltes, sont faits par des ou
vriers italiens, connus sous le nom gér.cli
que de Lucquois, qui viennent au nombre
d'environ vingt mille, et qui, par parenthèse,
étant payés au comptant, emportent une
grande partie du numéraire, déjà trop rare
dans l'île.
Force sçra donc d'attirer en Corse une po
pulation continentale qui,. prêchant 'd'exem-
ple par son travail assidu, répandra parmi
leshabitans de l'île les habitudes de la vie
agricole, s'occopant d'une manière suivie
de l'élève des bestiaux, que, dans l'état ac- ;
tuel des choses, on est contraint de deman
der aux pays voisins, et qui transformeront
en champs de culture, en prairies et en ver
ger?, les marais assainis et les maquis défri
chés.
L'exploitation des forêts sera pour la Corse
une source de richesse. Nous allons chercher
bien loin, en Nonvége par exemple, des bois
pour la " construction des navire?, lesquels
se trouvent en abondance dans ce départe
ment français. Déjà deux tentatives d'exploi
tation ont eu lieu sans produire de résultat
tout à fait concluant. Mais il est facile d'expli
quer l'insuccès d'une compagnie, et la réus
site incomplète de l'autre. La premièrè a été
écrasée par des frais de gérance, par un per
sonnel administratif trop nombreux, par des
essais inspirés par la théorie plutôt que par
la pratique. La seconde, qui a réussi, aurait
eu de plus magnifiques produits si son ac
tion n'avait pas été en quelque sorte isolée,
et si des travaux d'utilité publique, préala
blement exécutés, l'avaient aidée dans ses
efforts intelligens. *
Le flottage n'est guère possible en. Corse.
Les rivières qui traversent l'île sont obstruées
par des.masses de rochers qui en embarras
sent le couçs èt qui arrêtent les trains de
bois. Les torrens,plus nombreux, avaient été
employés d'une manière ingénieuse par la
compagnie suisse dont nous parlions tout-à-
l'heure et qui a obtenu déjà des succès, ga
ges de ceux qui récompenseront les exploi
tations futures. Cette compagnie avait ima
giné de se servir de barrages pour former •
des nappes d'eau propres à porter les bois
qu'on faisait descendre de proche en proche
jusqu'à la plaine en ouvrant successivement
les barrages. Mais par ce procédé on perdait
beaucoup de bois et il fallait couper les ar-
bres en tronçons de quelques mètres. Or, c'é
tait vraiment dommage d'employer ainsi ces
superbes pins'de 30 à 40 mètres qui couron
nent les montagnes corses.
Deux moyens restent ouverts à l'exploita
tion des forêts : le système des plans inclinés
et l'ouverture de routes forestières. Ce pro
cédé est le meilleur, le plus sûr, le plus ef
ficace ; mais il suppose l'établissement de
voies de communication reliant entre eux
les centres agricoles et aboutissant à la mer.
Quand- nous parlons de routes forestières-
dont l'E at pourrait faire les avances, sauf à ,
être remboursé au moyen d'annuités par
les compagnies-, nous n'entendons pas des .
chemins soigneusement construits comme
les nôtre?, mais de simples voies carrossa
bles établies avec la plus stricte écbnomie et
permettant les transports par charroi. Il ne
s'agit que de pourvoir au nécessaire, et quel
ques millions suffiront pour mener à bien
cette tâche utile. "
Il est impossible qu'on ait lu attentivement
ce qui précède, sans faire un rapprochement
entre la Corse et l'Algérie, au point de vue
du développement colonial. Sans doute , a
plus d'un point de vue, la comparaison est
défectueuse. Au lieu d'une population indi
gène, hostile à nos mœurs, à nos croyances,-
à notre civilisation, comme celle qui occu
pait l'Afrique septentrionale avant notre con
quête, et qui est encore un obstacle à nos étau-
blissemens coloniaux, nous avons en Corse
une population toute française de cœur etde
dévoûment, catholique, et qui, dans les vil
les du moins, a marché à grands pas dans la
voie du progrès social. L'Algérie est la patrie
d'Abd-el-Kader; la Corse, celle de Napoléon ;
c'est tout dire. Cependant le problème colo
nial y est posé à peu près dans les mêmes.ter
mes. Comme l'Algérie, la Corse est un climat
exceptionnel, un sol admirable,. que l'on
n'utilise pas,faute de [culture, faute de bras.
En A'gérie eomme en Corse, si l'on a l'avan
tage de ports nombreux, on manque de ri
vières navigables, et l'on a affaire à des tor
il y a nécessité à faire appel à une popula
tion continentale, à cette différence: près
qu'il est bien plus facile de la faire affluer
dans la' première que dans la seconde. Eri
Corse, comme en Algérie, il faut redonner à
un peuple pasteur des habitudes agricoles.
En Corse comme en Algérie, les premières
conditions de la sécurité, du développement
colonial, de la salubrité du pays, c'est l'assai
nissement des marais, c'est la formation de
centrés agricoles, c'est l'établissement de voies
de communications stratégiques et forestiè-
res. Eh bien! pour accomplir toutes ces cho
ses, l'expérience nous a appris pour l'Algérie
ce qu'il faut faire et ce qu'on peut tenter. Cette
expérience devra être mise à profit pour la
Corse, où les résultats d'ailleurs se feront
moins attendre, et où quelques années de
sollicitude de la part du gouvernement et
d'efforts de la part des citoyens, suffliront
po.ur obtenir un plein succès.
henry cauvain.
Chaque compte-rendu de. la Banque at
teste un nouveau progrès dâns les transac
tions industrielles et commerciales.
Le portefeuille atteint aujourd'hui 188
millions, soit 85 millions à Paris et-103
millions dans les succursales. L'accroisse
ment, par rapport au chiffre du mois
dernier, est de 6 millions. Cette augmen
tation n'est pas aussi considérable que celle
du mois d'août sur le mois de juillet, qui
s'élevait à 25 millions. Mais elle n'en té
moigne pas moins d'une bonne tenue des
affaires. Il ne faut pas d'ailleurs perdre de
vue que nous sommes à une époque de l'an
née qui est une période de chômage pour
quelques industries, et pendant laquelle les
opérations ont généralement moins d'ac
tivité.
Les avances sur effets publics français, qui
avaient pris une extension considérable à la
suite des affaires exceptionnelles oceasio-
nées par la conversion dés rentés, conti
nuent à décroître rapidement. Après s'être
élevées momentanément à près de 100 mil
lions, elles étaient déjà redescendues à 43
millions le mois dernier. Elles ne sont plus
aujourd'hui que de. 38 millions. Ainsi cette
dernière trace de l'opération de la conver
sion ;des rentes aura bientôt disparu. Les ti
tres que cette mesure avait fait-sortir des
mains des rentiers, sont classés pour la plus
grande partie. Le marché des fonds publics
n'a plus à craindre- d'être écrasé sous une
livraison d'inscriptions^ et la rente 3, 0/0
p,eùt se laisser aller à son essor naturel. . .
', Qn remarque que,malgré l'activité des af
faires de chemins de 1er, le montant des
avances sur dépôt d'actions et d'obligations
n'a pas varié. ,11 reste au même chiffre de
29 millions. La Banque paraît s'être imposé,
quant à présent, la règle de ne pas affecter
plus de 30 millions à ce genre d'affaires. Ne
pourrait-elle, sans se départir de ses habitu
des de prudence, aller au-delà? Ce n'est pas
l'argent qui lui manque, et elle a intérêt à
faciliter les grandes entreprises qui se sont
organisées depuis six mois.
Mais le fait le .plus important qui ressort
du nouveau compte-rendu de la. Banque^
c'est la bonne situation financière du trésor.
Malgré le nouveau remboursement de 25
millions à la Banque, ; le trésor possède en
core en dépôt une somme de 137 millions,
soit- 4 millions de plus que le mois dernier.
C'est là une preuve manifeste que le gou
vernement a pu préndre cette mesure sans
gêne aucune, et qu'il y a même été forcé en
quelque sorte par l'affluence de [l'argent dans
les coffres de l'Etat.
' Tandis que le compte de dépôt du trésor
se maintient-et s'accroît, les comptes-cou-
rans des particuliers vont, au contraire, en
décroissant. Le développement des grandes
affaires appelle ces capitaux, qui restaient
inactifs. Le montant de ces comptes-couranSj
qui était de 186 millions il y a trois mois,
avait déjà baissé à 145 millions le mois
dernier. Il n'est plus aujourd'hui que de
133 millions. Toute la diminution porte sur
les comptes dë Paris, qui aorit descendus de
120 millions à moins de 108, pendant que les
comptes des départemens sont stationnaires
à 25 millions. Tout porte à croire que ce
mouvement de décroissance est loin d'être à
son terme, et qu'une grande partie des som
mes encore déposées à la Banque neîtardera
pas à chercher un placement dansjles che
mins-de fer et dans les entreprises indus
trielles. .... ■ -
La situation de la Banque, en ce qui con
cerne le mouvement comparatif de la réser
ve en numéraire et de la circulation en billets,
reste toujours assez anormale.' La résérve
s'est élevée dé 600 millions à 609, et;la circu
lation a diminué de 622millions à615, de telle
sorte que le montant des billets ne dépasse
que de 6 millions le montant du numéraire.
Ce n'est pas le manque d!argent qui entrave
ra l'essor des transactions.. j. burat.
SITUATION DE LA BANQUE DE FRANCE
ET DE SES SUCCURSALES.
Au jeudi 9 septembre Î852.
■ actif.
Argent monnayé et lingots ... 808.537.348 05
Numéraire dans les succursales..... 106.566.912 »
Effets échus hier à recouvrer ce jour. 184.285 65
Portefeuille de Paris, dont î8.54'i.962
fr. 28 c. provenant des succursales 85.056.795 82.
Portefeuille des succursales, effets sur
place..... 103.712.672' »
Avances sur lingots et monnaies.... 2.567.300 »
Avances sur lingots et monnaies dans
les succursales 1.027.151 »
Avances sur effets publics français.. 81.514.836 10
■Avances sur effets publics français
dans les succursales.. 6.848,317 »
Avances sur actions et obligation de
chemins de fer 22.395.200 »
Avances sur actions et obligations.de
chemins de fer dans les succursales 7.124.889 »
Avances à l'Etat par le traité du 30
juin 1848 '75.000.000 »
Rente de la.réserve.........^ 10.000.000 »
Rentes,, fonds disponibles: .'. 55.635.8?6 32
Hôtel et mobilier de'la Danaue.... . 4.000.000 '»
Immeubles dos succursales .. i..... 3.699.360 s
Intérêt dans les comptoirs nationaux
d'escompte 89.000 »
Dépenses d'administration de la ban
que et des succursales . 459.171 24
Divers. ' 124.696 91
1.018.553/823 09
PASSIF.
Capita de la banque 91.250.000 »
Réserve de la banque ; 12 980.750 14
Réserve immobilière de la banque... 4.000.000 »
1 Billets au porteur en circulation, de
la banque: 468.441.900 »
Billets au porteur en circulation, des - •
succursales 147.174.350 »
Billets à ordre payables à Paris et dans
les succursales. ... 6.704.663 89
Récépissés payables à vue à Paris et
dans les succursales 13.749.515 »
Compte-courant du trésor, créditeur.. 137.37S.694 21
Comptes-courans de Paris.., 107.719.914 43
Comptes-courans dans les succursales 25.276.292 »
Dividendes à payer. , 703.729 25
Escomptes et intérêts divers à Paris
et datfs les succursales 1,976.256 48
Réescompte du dernier semestre à
• Paris et dans lés succursales ' 295.333 "»
Rentréos excédant l'évaluation des
effets en souffrance : 260.673 51
Divers..... ..... 644.753 18
' : " . 1.018.553.825 09
Certifié le présent état conforme aux écritures de
la Banque, . .. - ■ • ■
Le gouverneur de la Banque de France,
Signé, n'AEGOCT.
La question du Zollverein, que l'on croyait
en voie d'accommodement, se complique au
contraire de plus en plus. La réponse de la
Prusse aux Etats du midi a causé le plus vif
mécontentement à Vienne j nous en avons
donné la preuve en citant le langage de là
presse et des correspondances autrichiennes.
Mais nous étions loin de penser que le gou
vernement autrichien interviendrait direc
tement dans les négociations de la Prusse et
de ses alliés, et poserait immédiatement un
ultimatum. Telle serait cependant sa con
duite, si nous en croyons une lettre de Vien
ne, publiée par le Journal de Francfort, et
que nous reproduisons.
Nous avons plusieurs fois expliqué que les
Etats du midi mettaient pour condition au
renouvellement du Zollverein, la conclusion
d'un traité de commerce avec l'Autriche,
traité qui poserait les bases de l'entrée futu
re de l'Autriche dans l'union douanière. La
Prusse, au contraire^ demande qu'on renou
velle d'abord le Zollverein pour douze an
nées, et elle se déclare prête à entrer immé
diatement en négociations avec l'Autriche'
pour un traité de commerce. L'Autriche, qui
jusqu'ici s'était cachée derrière les Etats
du. midi et leur avait • laissé la défense
de ses intérêts, intervient maintenant
our déclarer dérisoire et inacceptable
'a proposition de la Prusse. Renouveler le
Zollverein pour douze années avant de trai
ter avec elle, c'est la mettre pour douze ans,
et, au fond, pour toujours, en dehors de
l'Allemagne commerçante et industrielle;
c'est recommencer l'ostracisme dont elle a
souffert vingt années. ^'Autriche déclare
donc qu'un traité de commerce n'a de
valeur et d'importance à ses yeux qu'au
tant qu'il aura pour point de départ et
fi
pour clause principale l'entrée de l'Au
triche dans le Zollverein à une époque dé
terminée, et après, un délai qui _ ne saurait
dépasser trois ou quatre ans. Si le ZoUve-
rein est renouvelé, si une union douanière
de. l'Allemagne entière- est ainsi rendue
impossible, l'Autriche ne se prêtera pas à dès
négociations désormais sans objet, elle ne
conclura pas de traité de commerce avec 1«
Zollverein.
Cette déclaration de l'Autriche s'adresse
moins à la Prusse qu'aux Etats du midi qui -
délibèrent en ce mômentsur la réponse qu'ils
doivent faire à la note prussienne du 30
août. Si les Etats du midi, qui sont les Etats
manufacturiers de l'Allemagne, subissent les
conditions de la Prusse, l'Autriche les aban-
do nnera comp lètement; et ils se trouveront en
minorité perpétuelle au sein du Zollverein, où
l'admission du Hanovre et de ses alliés aura
donné une prépondérance décidée au parti
commercial qui veut la révision et l'abaisse
ment des droits protecteurs. Tel est le sens,
telle est la portée de la lettre que le Journal de
Francfort publie en ces termos sous la ru
brique de Vienne, et avec la date du 4 sep
tembre: cuche val - CL arign y»
• « Ce qui, après la déclaration faite par les Etats
de la coalition le 21 août, devenait le point es
sentiel de la question douanière, c'était le traité
de commerce et de douanes à négocier et à conclure
■ avec l'Autriche en même temps que celui sur ls
renouvellement, et l'agrandissement du . Zollve
rein. Il importait que le premier de ces deux trai
tés fût rédigunion douanière complète. L'Autriche tend, com
me par le passé, à une pareille union, parce qu'el
le y voit celle de l'Allemagne. L'Autriche se suffit
à ellermême et n'a pas besoin de conclure pour
elle un traité de"douane "et de commerce. Mais elle
envisage un traité de "cette nature comme un
moyen pour arriver à cette union et pose pour
condition sine qud non qu'il forme une partie in
tégrante des traités fondamentaux du Zollverein;
Par contre, l'Autriche ne conclura pas un trai
té de douane et de commerce, s'il n'offre un pa
reil moyen; si, ayant d'ouvrir, des délibérations
à ce sujet, on conclut le traité sur le renouvelle
ment du Zollverein ; si un terme de douze ans,
fixé pour la nouvelle durée de ce.tte association,
sans y admettre " l'Autriche, .rend impossible l'u
nion allemande^ et enfin si l'on conclut simulta
nément, il est vrai, le traité de .douane et de com
merce avec l'Autriche, et celui sur le renouvellè-
mentdu Zollverein, mais qu'on ne voulût consentir
qu'à un traité de commerce si vague et si peu
important qu'il ne pourra pas servir de moyen
pour amener une complète union douanière.
La position que doit prendre l'Autriche, après la
réponse du gouvernement prussien, du 30 août,
est nette et précise. Si cette réponse est le der
nier mot de la Prusse, si celle-ci exige invariable
ment que le traité sur le renouvellement du. Zoll
verein pour la durée de douze ans soit discuté et
conclu avant le traité de douane et de commerce
avec l'Autriche, et qu'on écarte, môme au cas où
la Prusse consentirait à" la discussion simultanée
des deux traités, du projet A des conférences de
Vienne qui doit servir de base aux délibérations,
tout ce qui se rapporte à l'union douanière, l'Au
triche ne croira pas devoir conclure un traité de
douane et de commerce.»
On écrit de Vienne, en date du 8 septem
bre, à la Gazette de Cologne, que le gouver
nement autrichien vient d'émettre le nouvel
emprunt de 60 millions, réservé aux sous
cripteurs nationaux. Sur le produit de cet
emprunt, 20 millions seront consacrés aux
nouveaux chemins de fer, 25 millions à re- ,
tirer les petites coupures du papier-monnaie?
et 15 millions au remboursement de ce que
le trésor autrichien doit encore à la Banque.
Il paraît que cet emprunt a été accueilli avec
faveur à la bourse de Vienne. .
Le secrétaire de la rédaction, t, bonifacb.
Les nouvelles du cap de Bonne-Espérance
ont produit une baisse assez considérable
dans les fonds anglais. La Cité comménce à,
s'inquiéter de cette guerre interminable quT
use en détail quelques-uns des meilleurs ré-
gimens de l'Angleterre et qui coûte des som
mes considérables. Pendant le mois de juil
let, le commandant en chef, le général
Cathcart a dirigé lui-même ou ordonné trois
expéditions qiii n'ont produit aucun ré
sultat , les Cafres -ayant réoccupé presque
immédiatement toutes les positions qu'on*
leur avait enlevées, et étant restés maîtres
de tous les défilés des Amatolas et du Water-;
kloof.
Le général Cathcart a pris le parti d'élever
dans la Cafrerie, sur tous les points suscep
tibles d'être défendus, une série de forts et de
redoutes, afin de couner toute communication
entre la Cafrerie indépendante et le territoire
colonisé. Mais c'est là une entreprise de longue
et difficile exécution sur une frontière de
-FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, Il SEPT.
BEVUE MUSICALE.
THEATRE DE L'JOPERA-COMIQUE.
le père gaillard , opéra-comique . en trois actes;
• Paroles de M. Sauvage, musique de M. Rcber.
Ceci est une pièce honnête, sage, d'une
morale irréprochable ; un bon homme, une
brave femme, de bons énfans, des garçon»
timides, des marmitons modestes, des filles
de cuisine 'exemplaires.. L'action se passe
dans un cabaret modèle qui est en posses
sion d'édifier les voisins de père en fils. Tout
.respire, en ce boûchon, un parfum d'inoo-
cence et de candeur à réjouir les ames les plus
vtrtueuses. Les bouteilles rangées sur leurs
planches, couronnées de leur cachet virgi
nal, se dérobent d'un air pudique aux at
teintes des buveurs, les pois se respectent,
les cruches même > sont décentes. Point de
mauvais propos, point- de refrains grivois,
point ce bruit, point de querelles; enfin,
si l'on osait risquer l'anachronisme, on
écrirait sur la porte : Cabaret du père Gail-
lard, à l'enseigne du prix Montyon.
• Aussi le cabaret du père Gaillard est-il fré
quenté par la meilleure compagnie de lien-
droit. Il n'y vimt que des bourgeois paisi
bles, ■ des sàvans, des érudits, des gen« qui
rie détestent pas le vin bltit,mais qui ainu nt
par-dessus tout la tranquillité et le rt pos.
Le père Gaillard se fait tout à tous ; il tri»--
- que avec celui-ci, il clmnte avec celui-là,
gardant toujours son dteorum,. et ne se li
vrant jamais aux transports d'une g»îté im
modérée. De sop côté, l'hôtesse est accorte,
avenante et discrète. Dire la mère Gaillard,
c'est dire la perle des honnêtes femmes à
vingt lieues à la ronde. Tout est donc pour
le mieux dans le meilleur des cabarets pos
sibles.
Un jour, comme on jasait sous la treille,
on vit poindre dans le lointain, une bonne
tête ornée d'une perruque à trois étages. Ce
n'était rien moins que M. deMézeray, histo
riographe du roi, antiquaire et académicien,
qui ne passait pas. en son temps, pour une
bête quoiqu'il fût de I Académie. Le
mot n'est pas de moi, il est de M. Sauvage,
ce qui veut dire apparemment que M. Sau
vage est un peu fàcné de ne pas être de l'A
cadémie, bien qu'il soit un homme d'esprit.
O Monsieur Scribe, pardonnez-lui cet in
nocent coup de griffe! .
M. de Mezeray s'attable ; il boit chopine, il
bavarde. Le père Gaillard lui tienttêtejla mè
re Gaillard lui fait mille honnêtetés. On dé
bouché bouteille sur bouteille, et l'historio
graphe de S. M. rentre fort tard chez lui,
décrivant des zigs-zags, et enchanté d'avoir
lié connaissance avec un si digne homme,
qui possède une si jolie femme et qui vend
de si bon vin.
Le lendemain, l'Académie revient au caba
ret. — N'êtes-vous point ce père Gaillard qui
fait de si jolies chansons? — Vous êtes trop
bon, Monsieur. —"Touchez-îà, mon confrè
re, je bois à la santé de votre muse. — A la
vôtre, Monsieur. — Pour abréger, l'historio
graphe et. l'aubergiste ne sé quittèrent plus
un instant; ils étaient inséparables . s'ils ne
se voyaient pas ils s'écrivaient; et, comme les
petits cadeaux entretien tient l'amitié, ils ne
lassaient point de faire de temps à autre
quelque joli présent. '
Un beau matin le père Gaillard était en
train de descendre à la cave pour chercher
lui-même un vieux flacon de cognac qu'il se
proposait d'envoyer à son ami l'académi-
eibn, absent depuis deux mois; lorsqu'il re
çoit par le roulage un petit panier bien fi
celé, de la part de M. Mézeray. — Ce sont
des fruits, pensa l'honnête cibaretier. —
C'est du gibier, dit sa femme. Devinez! C'é
tait un joli marmot, blanc et rose. Il y avait
une lettre au fond du panier. « Mes chers
amis, disait la lettre, je vous confie ce dé
pôt sacré, ne m'en demandez pas davantage;
jesais que, pour l'amour de moi, vous en pren
drez soin comme de votre propre enfant ; je
m'eu rapporte à votre tendre amitié dont vous
m'avez aonné tant de preuves. Votre cabaret
m'est connu : nulle partie petit Gervais (il
s'appelle Gervais, le petit), ne recevrait une
meilleure éducation. Chez vous il sucera le
lait de toutes les vertus. J'irai le voir aussi
tôt que j'aurai mis la dernière main à un
volume de mémoires que j'achève. Une seule
'fecoinmandation, mes amis : faites de mon.
petit Gervais tout ce< que ; vous voudrez, ex
cepté un homme de lettre;?. Votre affection
né, Mézeray, de l'Académie française. »
A quelque temps de. là, M. de Mézeray
mourut, bien que secrétaire perpétuel..7 C'est
encore une malice de M. Sauvage.
Au lever du rideau, car tout ceci n'est que
laprotase ou l'exposition de la pièce, on voit
d'un côté le petit Gervais, devenu un fort
joli garçon de seize à dix-huit ans, essayant
sur -sa guitare une chanson qu'il vient de
composer. On dirait le petit Lulli dans l'offi
ce de Mlle de Montpensier. De l'autre côté
Marotte, la servante du cabaret, repasse des
serviettes comme la Marceline dans Fidélio.
Au milieu, Jacques, premier garçon du père
Gaillard, met le vin en bouteilles, accompa
gnant l'opération de ce couplet sceptique :
Bon ! bon ! bon !
Ge qui fait le vin bon... . ,
C'est le bouchon 1
A l'en croire, eachet rouge ? le cachet
vert," rie sont que leurre et désep'tibn. Prenez
du vert, prenez du rouge; c'est toujours du
même tonneau. Ah! Monsieur Sauvage, Mon
sieur Sauvage ! est-ce bien vrai ce que dît
cet homme? Eh quoi! vous me vantez votre
père Gaillard comme la crème des honnêtes
gens, la fleur des cabaretiers, l'homme in
tègre d'Horace, et il surfait sa pratique.Tant
la fraude est inséparable, selon vous, du
commerce des vins! A qui se fier désormais,
si le père Gaillard nous trompe! D'un seul
mot, vous renversez votre propre édifice. Le
brave homme, l'honnête homme, baptise le
même crû de cent noms de fantaisie. Vous
me direz qu'il n'y met pas d'eau; circons
tance atténuante. C'est égal, vous m'avez gâ
té moti père Gaillard: vous m'avez ôté une'
de mes illusions les plus chères.
Où en étais-je? Le chagrin m'égare et me
fait oublier Gervais, ce petit jeune homme à
la taille frêle, à la jambe bien faite. En gran
dissant, deux choses s'étaient développées
chez lui avec la même force, et marchaient,
pour ainsi dire, d'un pas égal : un grand
talent pour là musique et une passion bien
vive pour Mlle Pauline, la fille des époux
Gaillard. Mais sans nom, sans parens, sans,
fortune, comment le pauvre enfant oserait-
il aspirer à la main de cette aimable per
sonne? Hélas ! il se nourrissait de romances,
de soupirs et de larmes. Qu'à cela ne tienne.
Les Gaillard sont bons princes, et dès que le
jeune organiste aura une maîtrise, ou fera
seulementjouerunballetde sa façon, il peut
compter que Pauline sera à lui.
Sur ces entrefaites, le testament du secré
taire perpétuel est ouvert. Feu M. de Méze
ray laisse tout son bien à son ami le caba-
retier, et telle est la considération dont jouit
le père Gaillard, que toulle.monde n'aqu'ûne
voix pour bénir le donateur. Quand je dis
que tout le monde est content, jè nié trom
pe. Deux parens du défunt n'éprouvent qu'un
médiocre plaisir à se voir dépouillés de l'hé
ritage au profit d'un étranger. Ces deux'
collatéraux, dont l'ame est aussi noire que
leur figure est désagréable, ligués contre
l'ennemi commun, jurent qu'ils en vien
dront à bout par la violence ou par la
ruse. Le premier de ces deux coquins
est un procureur au teint blême, aux ser
res impitoyables; l'autre est un militaire
affreusement mutilé qui a laissé un œil et
ig 1
un bras sur le champ de bataille. Us insinuent
perfidement dans l'esprit du père Gaillard
d'odieux soupçons contre sa femme. Si M.-
de Mézeray s'est montré si généreux, c'est
qu'il avait ses raisons ; on ne fait rien pour
rien dans ce monde, et peut-être Mme Gaillard
en sait-elle plus long que sonmari sur ce pe^
tit Gervais, tombé defs nues, dans la famille.
Enfin les deux fripons distillent goutte à gout
te daus le cœur du bonhomme le poison de la
jalousie. Le piège est trop grossier ; mais le
malheureux s'y laissé prendre. Il en pord le
sommeil et l'appétit, sa gaîté, son repos, son
bon sens, Il ne voit partout que railleries, que
trahison et sarcasmes. Il fuit sa femme, il
repousse ses enfans, il maudit la mémoire
de son ami ; il croit que toute la ville est au
fait de sa honte et il se promet bien de re
noncer à ce maudit héritage gui a détruit
d'ion seul coup sa tranquillité et son bon
heur. Pareil au savetier de la fable :
Rendez-moi, leur dit-il, mes chansons et mon
Et reprenez vos cent écus. [somme,
Comme il se désespère ainsi, lès yeux lui
tombent, sur une Bible à. fermoir qui faisait
partie de la succession. L'infortune ouvre la
Bible, et y trouve une lettre de la main de
Mézeray. Le défunt dit notre fils, eu parlant
du petit Gervais. Plus de doute; à ces mots
foudroyans les cheveux du père'Gaillard se
dressent sur sa têt#. Sa femme est coupable.
Il oublie seulement "de lire la ausoriptfon de
cette lettre, qui l'a si fort consterné. Survient'
Mme Gaillard, et il y a ici une scène excel
lente, où la nature est prise sur Je fait..
Aux premiers mots de reproches qu'ose,
lui adresser son mari, elle lève les épau
les, le regarde bien en face, et part d'un*
éclat de rire. Puis, forte de sa conscience
et de ' sa vertu, sans se fâcher. sans sa
plaindre, sans se justifier, elle lui ditavecun
accent de franchise et de vérité irrésistibles :
Ah ! Monsieur Gaillard, après seize ans de
bonheur 1 — C'est vrai, ' dit le mari, je suis
un sot; pardonne-moi, maFrancine... Pour
tant cette lettre... — Cette lettre ne' sait pas
ce qu'elle dit. — Ainsi se termine cette ex
plication à la gloire de la femme honnête et
à la confusion des calomniateurs. Je n'ai
pas besoin d'ajouter que la lettre do M. de
Mézeray n'était pas adressée à Mme Gail
lard, mais bien à Mme Horson, la fem
me au capitaine mutilé, et qu'il s'ensuit
par le raisonnement le plus simple et le plus ;
rigoureux, que lé susdit capitaine; n'est pas
seulement borgne et manchot, mais que son
malheur est complet. Délivré de tout soup-'
çon, de toute crainte, d® tout scrupule, le
père Gaillard marie tout le monde et jusqu'à
ce butor de garçon qui s'est tant fait tirer
l'oreille ! Pauline et Gervais sont au comble
de leurs vœux, Mme Horson pleure de joie -
en secret, son mari maugrée, le procureur
enrage, et Mme Francine s'écrie du fond du
cœur : Ah! je retrouve enfin mon Gaillardl
Je ne jurerais pas que la pièce n'ait pas été-
faite pour amener ce dernier mot.
M. Reber est un de nos compositeurs les
plus savans, les plus spirituels et les plus
distingués. C'ast un homme de coaviction et
de parti-pris. Il écrit avec élégance et simpli
cité,; son orchestration est fclaire, sobre et cor
recte. Il a beaucoup d'idées; mais il se plaît,
par une curiosité d'érudit, à chercher des
"formes suranwées. Il ftdt delà arusîque rétro-
BUiMSAlJX : ruégde Valois (JPalals-Sloyal), uu I0. !
18S2.- SAMEDI 11 SEPTEMBRE,
-mmm
Prix jde l'abonnement.
PilîUS ET OEPARTEIHENS :
8 fr.. pour trois mois.
83 fr. pour l'année,
ra numéro : 15 centimes.
POUR LES PAY3ÉTB ANGERS , Se rOpOT-
■ ter au tableau publié dans le journal,
; les 10 et 25 de chaque mois.
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
S'adresser, franco, peur la rédaction, à Mi CucHrvil^CiiJUSîrrTF^ac^"»; en chef.
. . Les articles déposés ne sont pas rendus.
Ôns'abcnae, dam lei
département) au® Messageries et aux Direction* de poste.—A Londres, chez MM» COWIE et fils.'j
— A Strasbourg, chez M. A lexandre, pour l'Allemagne. s
S'adresser, franco, pour Vadminist^
[à m. denain, directeur;
L p 6 annonces sont reçues chez M. PANIS, régisseur, iO, r place de la Bourse ;
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PlilTS. DVkBOIWVl»IfiNT~-'
POÙÙ '
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Ponr six mois. . .16 fr.
S»«ar l'année....'. . 321 fr.
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TIONNEL est au-dessous de celui de tous lés
journaux politiques.
f AKIS, 10 SEPTEMBRE
DE LA. CULTURE AGRICOLE,
ÏT DE L'EXPLOITATION DES FORETS EN CORSE.
La suppression du banditisme n'est qu'un
des moyens que doit employer le gouverne
ment de Louis-Napoléon pour l'amélioration
matérielle et morale de la Corse. Le déve
loppement de la culture agricole, l'exploita
tion des forêts que cette lie renferme, en
trent également dans ses projets, et nous
croyons savoir que des mesures efficaces se
ront prises incessamment pour parvenir à
ce double but. Il nous a paru dès lors inté
ressant d'étudier cette question peu connue
et si importante, à l'aide de renseignemens
scrupuleusement choisjs et dont nous pou-
Tons garantir l'exactitude.
Il suffit de jeter les yeux sur une carte,
pour se faire une idée nette de la configura
tion physique de la Corse. L'île est'traversée
dans toute sa longueur par une chsîae de
montagnes, couvertes d'immenses forêts. La
côte occidentale, placée vis-à-vis de la Fran
ce, est la contrée la mieux cultivée, la plus ci
vilisée, la plus riche. Là se trouvent Ajaccio,
le centre de population le plus important, et
la Balagne, où l'agriculture est si florissante.
La partie orientale, qui regarde l'Italie, s'é
tend au-dessous de Bastia depuis l'Arena
jusqu'au golfe de Porto-Vecchio. Ce littoral
renferme les plaines de. Fiumorbo et d'Ale-
iia, qui, situées entre la mer et la monta
gne , fertilisées par des cours d'eau, se-
faient aussi favorables à la culture que la
Balagne, si elles étaient percées de routes, si
elles étaient assainies, si la destruction des
bandits y donnait la sécurité. C'est là qu'ont
eu lieu, daus ces derniers temps, des essais < J e
colonisation qui- ont échoué ou qui n'ont
réussi qu'en partie, parce qu'ils n'ont pas
été exécutés avec assez de maturité, dé per
sévérance et d'énergie.
Deux voies sont également ouvertes à la
colonisation en Corse : la mise en culture
des terres et l'exploitation des forêts. C'est
vers ce double but que doivent se tourner
les efforts combinés de Padçainistration et
des particuliers* "Viendront plus tard l'éta
blissement des usines et les entreprises mé
tallurgiques. Les terres qu'il s'agit de culti
ver peuvent être conquises de deux ma
nières, sur les marais ou sur les mâquis.
Les marais, séjour "de la fièvre, sont, pour
certaines: parties de la Corse, une cause
d'insalubrité. Chaque année , dans certai
nes régions, on voit les populations aban
donner le littoral pour se retirer dans la mon
tagne. Ces déplacemens continuels empê
chent tout travail assidu et donnent aux ha
bitant des habitudes errantes, dangereuses à
•plus.d'un point de vue. Déjà le gouverne^
ment s'est préoccupé de la grande question
du dessèchement -des mirais. Cette opéra
tion offre ce double avantage, en effet, de faire
disparaître les infl if sces délétères , et de
livrer à la culture un sol admirablement
fertile. La Balagne atteste l'efficacité et
l'utilité de cette mesure. On commencera en
novembre prochain à dessécher les marais
c[e Calvi, de Saint-Florent et de l'embouchu
re du Golo. Ou compte que ce travail pourra
être achevé à la fin de 1853. On entamera
alors l'assainissement des plaines voisines de
Porto-Veccliio, de l'étang 4e Bigu'glia, du
cap Corse et des autres points marécageux
de l'île.
. Le défrichement desmàquis n'est pas moins
utile que la dessèchement. des marais. Les
ir.âiuis, lieu de retraite des bandits, appar
tiennent,«oit aux communes, soit à des par
ticuliers. Les maquis des biens communaux
peuvent être évalués, à 100,000 hectares,
ceux des particuliers à 200,000 hectares
environ. Les maquis sont, comme on sait,
de vastes espaces boisés ou couverts de
broussailles. On peut les utiliser de deux fa
çons, en les convertissant en terres arables
ou en y faisant, selon la hauteur du terrain,
des plantations de mûriers, d'oliviers et de
chênes lièges. Il est néerssaire d'y combattre
une pratique déplorable en usage dans le
pays et qui consiste à incendier les maquis
pour les défricher, au risque de causer des
dégâts considérables.
Le terrain préparé pour la culfure, il .fau
dra surveiller avec soin les habitudes des
bergers du pays. Là aussi, il serait bien utile
de restreindre la vie pastorale pour dévelop
per la vie agricole chez les populations. Les
bergers de l'île, avec leurs troupeaux de chè
vres, occasionent des ravages affreux qui
seront un obstacle au progrès de l'agricul
ture, tant que des mesures rigoureuses n'au
ront pas été prises. La civilisation, par mal
heur, est trop souvent l'ennemie du pittores
que. La guerre qu'on sera obligé de faire en
Corse aux bandits et aux chèvres en est la
preuve. Rien de plus beau à voir pour un ro
mancier qu'un brigand vêtu de velours, étin-
celantd'acier. Rien de plus charmant pour un
poète qu'une chèvre pendant, du haut d'un
roc', à la cime d'un arbousier en fleurs. Mais
la dent corrosive de celle-ci ne fait pas moins
de mal que l'escopette de celui-là. On évalue
à 120,000 le nombre des chèvres dans l'île
de Corse. C'est beaucoup trop assurément
pour la prospérité agricole des établisse-
mens coloniaux qui y sont projetés.
Le banditisme détruit, les abus de la vaine
pâture réprimés, le problême ne sera point
encore résolu. On devra appeler en Corse
une population .con tinentale, empruntée au
tant que possibliî.à la Provence, à la Sardai-
gne, aux Etats italiens. Les Corses sont in-
telligens, courageux, dors à la fatigue. Une
bouillie de châtaignes, et les châta'gnes
ahondent dans l'île, suffit à.leur subsistance.
On les a vus supporter héroïquement, dans les
rangs de la grande armée, les glorieux
labeurs de vingt campagnes et conserver
leur énergique activité au sein des gla
ces de la Russie. Mais, comme la plupart
des peuples méridionaux, ils ont en horreur
le travail manuel qui leur semble indigne
d'eux. Leur sobriété leur permet de se passer
aisément des délicatesses de la vie civilisée. On
nepéulraisonnablemcnt espérer de les trans
former en agriculteurs,oudu moins ilfaudra,
pour les s tiçauler,l'exemple d'une population
sédentaire, s'enriebissant par la culture et les
accoutumant peu à peu au luxe. Un fait ré
cent peut servira apprécierleurcaraclère. On
avait établi à Arena, près des bouches du
Golo, une ferme-école dirigée par un ancien
élève de Grignon. Les jeunes gens du pays
qui y avaient été admis, ne;tardèrent,pas à
s'en aller, « déclarant qu'il leur conviendrait
bien de commander" à des ouvriers, mais
qu'ils ne se résigneraient jamais à conduire
eux-mêmes la charrue. »La ferme-école s'est
métamorphosée en ferme-modèle, qui sera
d'ailleurs fort utile par ses pépinières et par
la propagation des bonnes méthodes. Enfin
nous citerons un autre fait plus concluant
encore. En Corse, les travaux de la moisson,
semailles et récoltes, sont faits par des ou
vriers italiens, connus sous le nom gér.cli
que de Lucquois, qui viennent au nombre
d'environ vingt mille, et qui, par parenthèse,
étant payés au comptant, emportent une
grande partie du numéraire, déjà trop rare
dans l'île.
Force sçra donc d'attirer en Corse une po
pulation continentale qui,. prêchant 'd'exem-
ple par son travail assidu, répandra parmi
leshabitans de l'île les habitudes de la vie
agricole, s'occopant d'une manière suivie
de l'élève des bestiaux, que, dans l'état ac- ;
tuel des choses, on est contraint de deman
der aux pays voisins, et qui transformeront
en champs de culture, en prairies et en ver
ger?, les marais assainis et les maquis défri
chés.
L'exploitation des forêts sera pour la Corse
une source de richesse. Nous allons chercher
bien loin, en Nonvége par exemple, des bois
pour la " construction des navire?, lesquels
se trouvent en abondance dans ce départe
ment français. Déjà deux tentatives d'exploi
tation ont eu lieu sans produire de résultat
tout à fait concluant. Mais il est facile d'expli
quer l'insuccès d'une compagnie, et la réus
site incomplète de l'autre. La premièrè a été
écrasée par des frais de gérance, par un per
sonnel administratif trop nombreux, par des
essais inspirés par la théorie plutôt que par
la pratique. La seconde, qui a réussi, aurait
eu de plus magnifiques produits si son ac
tion n'avait pas été en quelque sorte isolée,
et si des travaux d'utilité publique, préala
blement exécutés, l'avaient aidée dans ses
efforts intelligens. *
Le flottage n'est guère possible en. Corse.
Les rivières qui traversent l'île sont obstruées
par des.masses de rochers qui en embarras
sent le couçs èt qui arrêtent les trains de
bois. Les torrens,plus nombreux, avaient été
employés d'une manière ingénieuse par la
compagnie suisse dont nous parlions tout-à-
l'heure et qui a obtenu déjà des succès, ga
ges de ceux qui récompenseront les exploi
tations futures. Cette compagnie avait ima
giné de se servir de barrages pour former •
des nappes d'eau propres à porter les bois
qu'on faisait descendre de proche en proche
jusqu'à la plaine en ouvrant successivement
les barrages. Mais par ce procédé on perdait
beaucoup de bois et il fallait couper les ar-
bres en tronçons de quelques mètres. Or, c'é
tait vraiment dommage d'employer ainsi ces
superbes pins'de 30 à 40 mètres qui couron
nent les montagnes corses.
Deux moyens restent ouverts à l'exploita
tion des forêts : le système des plans inclinés
et l'ouverture de routes forestières. Ce pro
cédé est le meilleur, le plus sûr, le plus ef
ficace ; mais il suppose l'établissement de
voies de communication reliant entre eux
les centres agricoles et aboutissant à la mer.
Quand- nous parlons de routes forestières-
dont l'E at pourrait faire les avances, sauf à ,
être remboursé au moyen d'annuités par
les compagnies-, nous n'entendons pas des .
chemins soigneusement construits comme
les nôtre?, mais de simples voies carrossa
bles établies avec la plus stricte écbnomie et
permettant les transports par charroi. Il ne
s'agit que de pourvoir au nécessaire, et quel
ques millions suffiront pour mener à bien
cette tâche utile. "
Il est impossible qu'on ait lu attentivement
ce qui précède, sans faire un rapprochement
entre la Corse et l'Algérie, au point de vue
du développement colonial. Sans doute , a
plus d'un point de vue, la comparaison est
défectueuse. Au lieu d'une population indi
gène, hostile à nos mœurs, à nos croyances,-
à notre civilisation, comme celle qui occu
pait l'Afrique septentrionale avant notre con
quête, et qui est encore un obstacle à nos étau-
blissemens coloniaux, nous avons en Corse
une population toute française de cœur etde
dévoûment, catholique, et qui, dans les vil
les du moins, a marché à grands pas dans la
voie du progrès social. L'Algérie est la patrie
d'Abd-el-Kader; la Corse, celle de Napoléon ;
c'est tout dire. Cependant le problème colo
nial y est posé à peu près dans les mêmes.ter
mes. Comme l'Algérie, la Corse est un climat
exceptionnel, un sol admirable,. que l'on
n'utilise pas,faute de [culture, faute de bras.
En A'gérie eomme en Corse, si l'on a l'avan
tage de ports nombreux, on manque de ri
vières navigables, et l'on a affaire à des tor
il y a nécessité à faire appel à une popula
tion continentale, à cette différence: près
qu'il est bien plus facile de la faire affluer
dans la' première que dans la seconde. Eri
Corse, comme en Algérie, il faut redonner à
un peuple pasteur des habitudes agricoles.
En Corse comme en Algérie, les premières
conditions de la sécurité, du développement
colonial, de la salubrité du pays, c'est l'assai
nissement des marais, c'est la formation de
centrés agricoles, c'est l'établissement de voies
de communications stratégiques et forestiè-
res. Eh bien! pour accomplir toutes ces cho
ses, l'expérience nous a appris pour l'Algérie
ce qu'il faut faire et ce qu'on peut tenter. Cette
expérience devra être mise à profit pour la
Corse, où les résultats d'ailleurs se feront
moins attendre, et où quelques années de
sollicitude de la part du gouvernement et
d'efforts de la part des citoyens, suffliront
po.ur obtenir un plein succès.
henry cauvain.
Chaque compte-rendu de. la Banque at
teste un nouveau progrès dâns les transac
tions industrielles et commerciales.
Le portefeuille atteint aujourd'hui 188
millions, soit 85 millions à Paris et-103
millions dans les succursales. L'accroisse
ment, par rapport au chiffre du mois
dernier, est de 6 millions. Cette augmen
tation n'est pas aussi considérable que celle
du mois d'août sur le mois de juillet, qui
s'élevait à 25 millions. Mais elle n'en té
moigne pas moins d'une bonne tenue des
affaires. Il ne faut pas d'ailleurs perdre de
vue que nous sommes à une époque de l'an
née qui est une période de chômage pour
quelques industries, et pendant laquelle les
opérations ont généralement moins d'ac
tivité.
Les avances sur effets publics français, qui
avaient pris une extension considérable à la
suite des affaires exceptionnelles oceasio-
nées par la conversion dés rentés, conti
nuent à décroître rapidement. Après s'être
élevées momentanément à près de 100 mil
lions, elles étaient déjà redescendues à 43
millions le mois dernier. Elles ne sont plus
aujourd'hui que de. 38 millions. Ainsi cette
dernière trace de l'opération de la conver
sion ;des rentes aura bientôt disparu. Les ti
tres que cette mesure avait fait-sortir des
mains des rentiers, sont classés pour la plus
grande partie. Le marché des fonds publics
n'a plus à craindre- d'être écrasé sous une
livraison d'inscriptions^ et la rente 3, 0/0
p,eùt se laisser aller à son essor naturel. . .
', Qn remarque que,malgré l'activité des af
faires de chemins de 1er, le montant des
avances sur dépôt d'actions et d'obligations
n'a pas varié. ,11 reste au même chiffre de
29 millions. La Banque paraît s'être imposé,
quant à présent, la règle de ne pas affecter
plus de 30 millions à ce genre d'affaires. Ne
pourrait-elle, sans se départir de ses habitu
des de prudence, aller au-delà? Ce n'est pas
l'argent qui lui manque, et elle a intérêt à
faciliter les grandes entreprises qui se sont
organisées depuis six mois.
Mais le fait le .plus important qui ressort
du nouveau compte-rendu de la. Banque^
c'est la bonne situation financière du trésor.
Malgré le nouveau remboursement de 25
millions à la Banque, ; le trésor possède en
core en dépôt une somme de 137 millions,
soit- 4 millions de plus que le mois dernier.
C'est là une preuve manifeste que le gou
vernement a pu préndre cette mesure sans
gêne aucune, et qu'il y a même été forcé en
quelque sorte par l'affluence de [l'argent dans
les coffres de l'Etat.
' Tandis que le compte de dépôt du trésor
se maintient-et s'accroît, les comptes-cou-
rans des particuliers vont, au contraire, en
décroissant. Le développement des grandes
affaires appelle ces capitaux, qui restaient
inactifs. Le montant de ces comptes-couranSj
qui était de 186 millions il y a trois mois,
avait déjà baissé à 145 millions le mois
dernier. Il n'est plus aujourd'hui que de
133 millions. Toute la diminution porte sur
les comptes dë Paris, qui aorit descendus de
120 millions à moins de 108, pendant que les
comptes des départemens sont stationnaires
à 25 millions. Tout porte à croire que ce
mouvement de décroissance est loin d'être à
son terme, et qu'une grande partie des som
mes encore déposées à la Banque neîtardera
pas à chercher un placement dansjles che
mins-de fer et dans les entreprises indus
trielles. .... ■ -
La situation de la Banque, en ce qui con
cerne le mouvement comparatif de la réser
ve en numéraire et de la circulation en billets,
reste toujours assez anormale.' La résérve
s'est élevée dé 600 millions à 609, et;la circu
lation a diminué de 622millions à615, de telle
sorte que le montant des billets ne dépasse
que de 6 millions le montant du numéraire.
Ce n'est pas le manque d!argent qui entrave
ra l'essor des transactions.. j. burat.
SITUATION DE LA BANQUE DE FRANCE
ET DE SES SUCCURSALES.
Au jeudi 9 septembre Î852.
■ actif.
Argent monnayé et lingots ... 808.537.348 05
Numéraire dans les succursales..... 106.566.912 »
Effets échus hier à recouvrer ce jour. 184.285 65
Portefeuille de Paris, dont î8.54'i.962
fr. 28 c. provenant des succursales 85.056.795 82.
Portefeuille des succursales, effets sur
place..... 103.712.672' »
Avances sur lingots et monnaies.... 2.567.300 »
Avances sur lingots et monnaies dans
les succursales 1.027.151 »
Avances sur effets publics français.. 81.514.836 10
■Avances sur effets publics français
dans les succursales.. 6.848,317 »
Avances sur actions et obligation de
chemins de fer 22.395.200 »
Avances sur actions et obligations.de
chemins de fer dans les succursales 7.124.889 »
Avances à l'Etat par le traité du 30
juin 1848 '75.000.000 »
Rente de la.réserve.........^ 10.000.000 »
Rentes,, fonds disponibles: .'. 55.635.8?6 32
Hôtel et mobilier de'la Danaue.... . 4.000.000 '»
Immeubles dos succursales .. i..... 3.699.360 s
Intérêt dans les comptoirs nationaux
d'escompte 89.000 »
Dépenses d'administration de la ban
que et des succursales . 459.171 24
Divers. ' 124.696 91
1.018.553/823 09
PASSIF.
Capita de la banque 91.250.000 »
Réserve de la banque ; 12 980.750 14
Réserve immobilière de la banque... 4.000.000 »
1 Billets au porteur en circulation, de
la banque: 468.441.900 »
Billets au porteur en circulation, des - •
succursales 147.174.350 »
Billets à ordre payables à Paris et dans
les succursales. ... 6.704.663 89
Récépissés payables à vue à Paris et
dans les succursales 13.749.515 »
Compte-courant du trésor, créditeur.. 137.37S.694 21
Comptes-courans de Paris.., 107.719.914 43
Comptes-courans dans les succursales 25.276.292 »
Dividendes à payer. , 703.729 25
Escomptes et intérêts divers à Paris
et datfs les succursales 1,976.256 48
Réescompte du dernier semestre à
• Paris et dans lés succursales ' 295.333 "»
Rentréos excédant l'évaluation des
effets en souffrance : 260.673 51
Divers..... ..... 644.753 18
' : " . 1.018.553.825 09
Certifié le présent état conforme aux écritures de
la Banque, . .. - ■ • ■
Le gouverneur de la Banque de France,
Signé, n'AEGOCT.
La question du Zollverein, que l'on croyait
en voie d'accommodement, se complique au
contraire de plus en plus. La réponse de la
Prusse aux Etats du midi a causé le plus vif
mécontentement à Vienne j nous en avons
donné la preuve en citant le langage de là
presse et des correspondances autrichiennes.
Mais nous étions loin de penser que le gou
vernement autrichien interviendrait direc
tement dans les négociations de la Prusse et
de ses alliés, et poserait immédiatement un
ultimatum. Telle serait cependant sa con
duite, si nous en croyons une lettre de Vien
ne, publiée par le Journal de Francfort, et
que nous reproduisons.
Nous avons plusieurs fois expliqué que les
Etats du midi mettaient pour condition au
renouvellement du Zollverein, la conclusion
d'un traité de commerce avec l'Autriche,
traité qui poserait les bases de l'entrée futu
re de l'Autriche dans l'union douanière. La
Prusse, au contraire^ demande qu'on renou
velle d'abord le Zollverein pour douze an
nées, et elle se déclare prête à entrer immé
diatement en négociations avec l'Autriche'
pour un traité de commerce. L'Autriche, qui
jusqu'ici s'était cachée derrière les Etats
du. midi et leur avait • laissé la défense
de ses intérêts, intervient maintenant
our déclarer dérisoire et inacceptable
'a proposition de la Prusse. Renouveler le
Zollverein pour douze années avant de trai
ter avec elle, c'est la mettre pour douze ans,
et, au fond, pour toujours, en dehors de
l'Allemagne commerçante et industrielle;
c'est recommencer l'ostracisme dont elle a
souffert vingt années. ^'Autriche déclare
donc qu'un traité de commerce n'a de
valeur et d'importance à ses yeux qu'au
tant qu'il aura pour point de départ et
fi
pour clause principale l'entrée de l'Au
triche dans le Zollverein à une époque dé
terminée, et après, un délai qui _ ne saurait
dépasser trois ou quatre ans. Si le ZoUve-
rein est renouvelé, si une union douanière
de. l'Allemagne entière- est ainsi rendue
impossible, l'Autriche ne se prêtera pas à dès
négociations désormais sans objet, elle ne
conclura pas de traité de commerce avec 1«
Zollverein.
Cette déclaration de l'Autriche s'adresse
moins à la Prusse qu'aux Etats du midi qui -
délibèrent en ce mômentsur la réponse qu'ils
doivent faire à la note prussienne du 30
août. Si les Etats du midi, qui sont les Etats
manufacturiers de l'Allemagne, subissent les
conditions de la Prusse, l'Autriche les aban-
do nnera comp lètement; et ils se trouveront en
minorité perpétuelle au sein du Zollverein, où
l'admission du Hanovre et de ses alliés aura
donné une prépondérance décidée au parti
commercial qui veut la révision et l'abaisse
ment des droits protecteurs. Tel est le sens,
telle est la portée de la lettre que le Journal de
Francfort publie en ces termos sous la ru
brique de Vienne, et avec la date du 4 sep
tembre: cuche val - CL arign y»
• « Ce qui, après la déclaration faite par les Etats
de la coalition le 21 août, devenait le point es
sentiel de la question douanière, c'était le traité
de commerce et de douanes à négocier et à conclure
■ avec l'Autriche en même temps que celui sur ls
renouvellement, et l'agrandissement du . Zollve
rein. Il importait que le premier de ces deux trai
tés fût rédig
me par le passé, à une pareille union, parce qu'el
le y voit celle de l'Allemagne. L'Autriche se suffit
à ellermême et n'a pas besoin de conclure pour
elle un traité de"douane "et de commerce. Mais elle
envisage un traité de "cette nature comme un
moyen pour arriver à cette union et pose pour
condition sine qud non qu'il forme une partie in
tégrante des traités fondamentaux du Zollverein;
Par contre, l'Autriche ne conclura pas un trai
té de douane et de commerce, s'il n'offre un pa
reil moyen; si, ayant d'ouvrir, des délibérations
à ce sujet, on conclut le traité sur le renouvelle
ment du Zollverein ; si un terme de douze ans,
fixé pour la nouvelle durée de ce.tte association,
sans y admettre " l'Autriche, .rend impossible l'u
nion allemande^ et enfin si l'on conclut simulta
nément, il est vrai, le traité de .douane et de com
merce avec l'Autriche, et celui sur le renouvellè-
mentdu Zollverein, mais qu'on ne voulût consentir
qu'à un traité de commerce si vague et si peu
important qu'il ne pourra pas servir de moyen
pour amener une complète union douanière.
La position que doit prendre l'Autriche, après la
réponse du gouvernement prussien, du 30 août,
est nette et précise. Si cette réponse est le der
nier mot de la Prusse, si celle-ci exige invariable
ment que le traité sur le renouvellement du. Zoll
verein pour la durée de douze ans soit discuté et
conclu avant le traité de douane et de commerce
avec l'Autriche, et qu'on écarte, môme au cas où
la Prusse consentirait à" la discussion simultanée
des deux traités, du projet A des conférences de
Vienne qui doit servir de base aux délibérations,
tout ce qui se rapporte à l'union douanière, l'Au
triche ne croira pas devoir conclure un traité de
douane et de commerce.»
On écrit de Vienne, en date du 8 septem
bre, à la Gazette de Cologne, que le gouver
nement autrichien vient d'émettre le nouvel
emprunt de 60 millions, réservé aux sous
cripteurs nationaux. Sur le produit de cet
emprunt, 20 millions seront consacrés aux
nouveaux chemins de fer, 25 millions à re- ,
tirer les petites coupures du papier-monnaie?
et 15 millions au remboursement de ce que
le trésor autrichien doit encore à la Banque.
Il paraît que cet emprunt a été accueilli avec
faveur à la bourse de Vienne. .
Le secrétaire de la rédaction, t, bonifacb.
Les nouvelles du cap de Bonne-Espérance
ont produit une baisse assez considérable
dans les fonds anglais. La Cité comménce à,
s'inquiéter de cette guerre interminable quT
use en détail quelques-uns des meilleurs ré-
gimens de l'Angleterre et qui coûte des som
mes considérables. Pendant le mois de juil
let, le commandant en chef, le général
Cathcart a dirigé lui-même ou ordonné trois
expéditions qiii n'ont produit aucun ré
sultat , les Cafres -ayant réoccupé presque
immédiatement toutes les positions qu'on*
leur avait enlevées, et étant restés maîtres
de tous les défilés des Amatolas et du Water-;
kloof.
Le général Cathcart a pris le parti d'élever
dans la Cafrerie, sur tous les points suscep
tibles d'être défendus, une série de forts et de
redoutes, afin de couner toute communication
entre la Cafrerie indépendante et le territoire
colonisé. Mais c'est là une entreprise de longue
et difficile exécution sur une frontière de
-FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, Il SEPT.
BEVUE MUSICALE.
THEATRE DE L'JOPERA-COMIQUE.
le père gaillard , opéra-comique . en trois actes;
• Paroles de M. Sauvage, musique de M. Rcber.
Ceci est une pièce honnête, sage, d'une
morale irréprochable ; un bon homme, une
brave femme, de bons énfans, des garçon»
timides, des marmitons modestes, des filles
de cuisine 'exemplaires.. L'action se passe
dans un cabaret modèle qui est en posses
sion d'édifier les voisins de père en fils. Tout
.respire, en ce boûchon, un parfum d'inoo-
cence et de candeur à réjouir les ames les plus
vtrtueuses. Les bouteilles rangées sur leurs
planches, couronnées de leur cachet virgi
nal, se dérobent d'un air pudique aux at
teintes des buveurs, les pois se respectent,
les cruches même > sont décentes. Point de
mauvais propos, point- de refrains grivois,
point ce bruit, point de querelles; enfin,
si l'on osait risquer l'anachronisme, on
écrirait sur la porte : Cabaret du père Gail-
lard, à l'enseigne du prix Montyon.
• Aussi le cabaret du père Gaillard est-il fré
quenté par la meilleure compagnie de lien-
droit. Il n'y vimt que des bourgeois paisi
bles, ■ des sàvans, des érudits, des gen« qui
rie détestent pas le vin bltit,mais qui ainu nt
par-dessus tout la tranquillité et le rt pos.
Le père Gaillard se fait tout à tous ; il tri»--
- que avec celui-ci, il clmnte avec celui-là,
gardant toujours son dteorum,. et ne se li
vrant jamais aux transports d'une g»îté im
modérée. De sop côté, l'hôtesse est accorte,
avenante et discrète. Dire la mère Gaillard,
c'est dire la perle des honnêtes femmes à
vingt lieues à la ronde. Tout est donc pour
le mieux dans le meilleur des cabarets pos
sibles.
Un jour, comme on jasait sous la treille,
on vit poindre dans le lointain, une bonne
tête ornée d'une perruque à trois étages. Ce
n'était rien moins que M. deMézeray, histo
riographe du roi, antiquaire et académicien,
qui ne passait pas. en son temps, pour une
bête quoiqu'il fût de I Académie. Le
mot n'est pas de moi, il est de M. Sauvage,
ce qui veut dire apparemment que M. Sau
vage est un peu fàcné de ne pas être de l'A
cadémie, bien qu'il soit un homme d'esprit.
O Monsieur Scribe, pardonnez-lui cet in
nocent coup de griffe! .
M. de Mezeray s'attable ; il boit chopine, il
bavarde. Le père Gaillard lui tienttêtejla mè
re Gaillard lui fait mille honnêtetés. On dé
bouché bouteille sur bouteille, et l'historio
graphe de S. M. rentre fort tard chez lui,
décrivant des zigs-zags, et enchanté d'avoir
lié connaissance avec un si digne homme,
qui possède une si jolie femme et qui vend
de si bon vin.
Le lendemain, l'Académie revient au caba
ret. — N'êtes-vous point ce père Gaillard qui
fait de si jolies chansons? — Vous êtes trop
bon, Monsieur. —"Touchez-îà, mon confrè
re, je bois à la santé de votre muse. — A la
vôtre, Monsieur. — Pour abréger, l'historio
graphe et. l'aubergiste ne sé quittèrent plus
un instant; ils étaient inséparables . s'ils ne
se voyaient pas ils s'écrivaient; et, comme les
petits cadeaux entretien tient l'amitié, ils ne
lassaient point de faire de temps à autre
quelque joli présent. '
Un beau matin le père Gaillard était en
train de descendre à la cave pour chercher
lui-même un vieux flacon de cognac qu'il se
proposait d'envoyer à son ami l'académi-
eibn, absent depuis deux mois; lorsqu'il re
çoit par le roulage un petit panier bien fi
celé, de la part de M. Mézeray. — Ce sont
des fruits, pensa l'honnête cibaretier. —
C'est du gibier, dit sa femme. Devinez! C'é
tait un joli marmot, blanc et rose. Il y avait
une lettre au fond du panier. « Mes chers
amis, disait la lettre, je vous confie ce dé
pôt sacré, ne m'en demandez pas davantage;
jesais que, pour l'amour de moi, vous en pren
drez soin comme de votre propre enfant ; je
m'eu rapporte à votre tendre amitié dont vous
m'avez aonné tant de preuves. Votre cabaret
m'est connu : nulle partie petit Gervais (il
s'appelle Gervais, le petit), ne recevrait une
meilleure éducation. Chez vous il sucera le
lait de toutes les vertus. J'irai le voir aussi
tôt que j'aurai mis la dernière main à un
volume de mémoires que j'achève. Une seule
'fecoinmandation, mes amis : faites de mon.
petit Gervais tout ce< que ; vous voudrez, ex
cepté un homme de lettre;?. Votre affection
né, Mézeray, de l'Académie française. »
A quelque temps de. là, M. de Mézeray
mourut, bien que secrétaire perpétuel..7 C'est
encore une malice de M. Sauvage.
Au lever du rideau, car tout ceci n'est que
laprotase ou l'exposition de la pièce, on voit
d'un côté le petit Gervais, devenu un fort
joli garçon de seize à dix-huit ans, essayant
sur -sa guitare une chanson qu'il vient de
composer. On dirait le petit Lulli dans l'offi
ce de Mlle de Montpensier. De l'autre côté
Marotte, la servante du cabaret, repasse des
serviettes comme la Marceline dans Fidélio.
Au milieu, Jacques, premier garçon du père
Gaillard, met le vin en bouteilles, accompa
gnant l'opération de ce couplet sceptique :
Bon ! bon ! bon !
Ge qui fait le vin bon... . ,
C'est le bouchon 1
A l'en croire, eachet rouge ? le cachet
vert," rie sont que leurre et désep'tibn. Prenez
du vert, prenez du rouge; c'est toujours du
même tonneau. Ah! Monsieur Sauvage, Mon
sieur Sauvage ! est-ce bien vrai ce que dît
cet homme? Eh quoi! vous me vantez votre
père Gaillard comme la crème des honnêtes
gens, la fleur des cabaretiers, l'homme in
tègre d'Horace, et il surfait sa pratique.Tant
la fraude est inséparable, selon vous, du
commerce des vins! A qui se fier désormais,
si le père Gaillard nous trompe! D'un seul
mot, vous renversez votre propre édifice. Le
brave homme, l'honnête homme, baptise le
même crû de cent noms de fantaisie. Vous
me direz qu'il n'y met pas d'eau; circons
tance atténuante. C'est égal, vous m'avez gâ
té moti père Gaillard: vous m'avez ôté une'
de mes illusions les plus chères.
Où en étais-je? Le chagrin m'égare et me
fait oublier Gervais, ce petit jeune homme à
la taille frêle, à la jambe bien faite. En gran
dissant, deux choses s'étaient développées
chez lui avec la même force, et marchaient,
pour ainsi dire, d'un pas égal : un grand
talent pour là musique et une passion bien
vive pour Mlle Pauline, la fille des époux
Gaillard. Mais sans nom, sans parens, sans,
fortune, comment le pauvre enfant oserait-
il aspirer à la main de cette aimable per
sonne? Hélas ! il se nourrissait de romances,
de soupirs et de larmes. Qu'à cela ne tienne.
Les Gaillard sont bons princes, et dès que le
jeune organiste aura une maîtrise, ou fera
seulementjouerunballetde sa façon, il peut
compter que Pauline sera à lui.
Sur ces entrefaites, le testament du secré
taire perpétuel est ouvert. Feu M. de Méze
ray laisse tout son bien à son ami le caba-
retier, et telle est la considération dont jouit
le père Gaillard, que toulle.monde n'aqu'ûne
voix pour bénir le donateur. Quand je dis
que tout le monde est content, jè nié trom
pe. Deux parens du défunt n'éprouvent qu'un
médiocre plaisir à se voir dépouillés de l'hé
ritage au profit d'un étranger. Ces deux'
collatéraux, dont l'ame est aussi noire que
leur figure est désagréable, ligués contre
l'ennemi commun, jurent qu'ils en vien
dront à bout par la violence ou par la
ruse. Le premier de ces deux coquins
est un procureur au teint blême, aux ser
res impitoyables; l'autre est un militaire
affreusement mutilé qui a laissé un œil et
ig 1
un bras sur le champ de bataille. Us insinuent
perfidement dans l'esprit du père Gaillard
d'odieux soupçons contre sa femme. Si M.-
de Mézeray s'est montré si généreux, c'est
qu'il avait ses raisons ; on ne fait rien pour
rien dans ce monde, et peut-être Mme Gaillard
en sait-elle plus long que sonmari sur ce pe^
tit Gervais, tombé defs nues, dans la famille.
Enfin les deux fripons distillent goutte à gout
te daus le cœur du bonhomme le poison de la
jalousie. Le piège est trop grossier ; mais le
malheureux s'y laissé prendre. Il en pord le
sommeil et l'appétit, sa gaîté, son repos, son
bon sens, Il ne voit partout que railleries, que
trahison et sarcasmes. Il fuit sa femme, il
repousse ses enfans, il maudit la mémoire
de son ami ; il croit que toute la ville est au
fait de sa honte et il se promet bien de re
noncer à ce maudit héritage gui a détruit
d'ion seul coup sa tranquillité et son bon
heur. Pareil au savetier de la fable :
Rendez-moi, leur dit-il, mes chansons et mon
Et reprenez vos cent écus. [somme,
Comme il se désespère ainsi, lès yeux lui
tombent, sur une Bible à. fermoir qui faisait
partie de la succession. L'infortune ouvre la
Bible, et y trouve une lettre de la main de
Mézeray. Le défunt dit notre fils, eu parlant
du petit Gervais. Plus de doute; à ces mots
foudroyans les cheveux du père'Gaillard se
dressent sur sa têt#. Sa femme est coupable.
Il oublie seulement "de lire la ausoriptfon de
cette lettre, qui l'a si fort consterné. Survient'
Mme Gaillard, et il y a ici une scène excel
lente, où la nature est prise sur Je fait..
Aux premiers mots de reproches qu'ose,
lui adresser son mari, elle lève les épau
les, le regarde bien en face, et part d'un*
éclat de rire. Puis, forte de sa conscience
et de ' sa vertu, sans se fâcher. sans sa
plaindre, sans se justifier, elle lui ditavecun
accent de franchise et de vérité irrésistibles :
Ah ! Monsieur Gaillard, après seize ans de
bonheur 1 — C'est vrai, ' dit le mari, je suis
un sot; pardonne-moi, maFrancine... Pour
tant cette lettre... — Cette lettre ne' sait pas
ce qu'elle dit. — Ainsi se termine cette ex
plication à la gloire de la femme honnête et
à la confusion des calomniateurs. Je n'ai
pas besoin d'ajouter que la lettre do M. de
Mézeray n'était pas adressée à Mme Gail
lard, mais bien à Mme Horson, la fem
me au capitaine mutilé, et qu'il s'ensuit
par le raisonnement le plus simple et le plus ;
rigoureux, que lé susdit capitaine; n'est pas
seulement borgne et manchot, mais que son
malheur est complet. Délivré de tout soup-'
çon, de toute crainte, d® tout scrupule, le
père Gaillard marie tout le monde et jusqu'à
ce butor de garçon qui s'est tant fait tirer
l'oreille ! Pauline et Gervais sont au comble
de leurs vœux, Mme Horson pleure de joie -
en secret, son mari maugrée, le procureur
enrage, et Mme Francine s'écrie du fond du
cœur : Ah! je retrouve enfin mon Gaillardl
Je ne jurerais pas que la pièce n'ait pas été-
faite pour amener ce dernier mot.
M. Reber est un de nos compositeurs les
plus savans, les plus spirituels et les plus
distingués. C'ast un homme de coaviction et
de parti-pris. Il écrit avec élégance et simpli
cité,; son orchestration est fclaire, sobre et cor
recte. Il a beaucoup d'idées; mais il se plaît,
par une curiosité d'érudit, à chercher des
"formes suranwées. Il ftdt delà arusîque rétro-
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