Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1850-01-15
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 124053 Nombre total de vues : 124053
Description : 15 janvier 1850 15 janvier 1850
Description : 1850/01/15 (Numéro 15). 1850/01/15 (Numéro 15).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6688112
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
MARD115 MJXÏIE1L1SS0*- &) £
» . - ""y "
--OTMERO-15i
SEBESSE^®a
VRXX DE t'iBONSEMEN* :
PA1US.
DÉPART.
ÉTBANG.
8 F.
il*.
14 F. -i
16
, - 22
. 28:
i
, 32
.. -.44. .
56
TROIS MOIS.
SIX MOIS. .
EN AN. .
BUREAUX A PARIS : .
Rue du 24 Février (ci-devant Valois), 10.'
On l 'abonne danf les dép »rtemeui,«wu mcHap-
rics et aux direction» de» pestes.— A Londres, chu
MM. C owie ei rin.-j -A Strasbourg, chei
pour l'Allemagne.
S'adresser franco, pour, la rédaction,
à h. boniface. :
Les articles déposés ne sont pâs rendu*}
PARIS, 14 JANVIER.
' .... ■ % ■ ■ I -, -f
Le second numéro du journal hebdôma-
daire le Napoléon, qui a paru hier, «si aujouiH
d'hui l'objet de ljêàdcoup de commentaires.
Nous extrayons de ce journal l'article sui
vant, qui en détermine le caractère ; ■- •
« L'apparition du Napoléon a donné lieu aux
supposîti6nî , T& $Ibs-rngu1iè>^ Oïl' a prétendu
que cette feuille était écrite paj- le Président de la
République, et que même il s'amusait à en. corri
ger les épreuves au milieu : des imprimeurs. De
pareils contes ne méritent pas une réponse sé
rieuse. : , - ' ■ -■-;
» L'empereur Napoléon donnait souvent aù Mo
niteur la. direction politique sans, cependant en
être le rédacteur en cheT. Serait-il défendu au.
Président de ' la,' République d'en faire de même,
sbit dans le Moniïmrl&o'd dans toute autrefeuille?
Quant au Napoléon, il s'efforcera de se rapprocher
le plus.possible des id^esj du Président de la Ré
publique, sans cependant avoir la prétention de:
voir ses propres-idées et ses paroles prises pour
celles du Présidferit même. »
Nous ne sommes pas de ceux qui ont ima
giné de transfprmer le Président da la Répu
blique en éditeur responsable d'un journal.'
Si le Président a reu'du de grands services
au pays depuis' le ! lô décembre, 'c'est ,qu'il
n'a pas employé' son temps à fairerdes, arti
cles de journaux, mais à faire avec intelli
gence et avec courage, son noble et difficile
métier, jqui est de gouverner le pays. Cette
grande tâche qu'il accomplit, au milieu de-
tant d'obstacles, et dans laquelle nous nous
efforçons,pour notre part,'de le soutenir ^'se
lon la mesure de n,os, forces, suffi): ^ample
ment à nourrir l'activité de l'ame la plus rem
plie d'ardeur pouf le bifcnpUblic./Un gou
vernement qui ?è ferait journaliste, lpjn^'ug-
menter ses moyens d'influence, n'augmente-;
rait que ses difficultés. A la respon3abilifp.de
ses actes, il ajouterait la responsabilité.^e sa
parole écrite. Toutes les oppositions lui «au
raient probablement feré d'étendre la surface
par où elles le pourraient attaquer, et «le mïxl-
tiplier ses points vulnérables pour la com
modité de leurs censures. Aussi, tes a-t-on
vu s'empresser dernièrement d'accréditer le
bruit' d'après lequel le Président de la Répu
blique était donné comme le véritable auteur
du Napoléon, " fii . ■<-■■; t:
-Cette scfale rujneur, toute faussé qu'elle
était, n'a pas laissé de causer des inquiétudes;
elle a failM semer un germe de division entre
les deux pouvoirs, dans des circonstances où,
leur union pst si nécessaire , si indispensable
au salut'dè la société. Peu s'en est fallu .qu'un-
article du Napoléon, relatif aux conséquences
des votes parlementaires su^ la durée des ca
binets, ne pvit dans l'opinion de l'Assemblée,
l'importance d'une note officiellement com
muniquée. Que la vraie doctrine-réëultant de
la responsabilité imposée par la Constitution
actuelle au pouvoir exécutif s'y trouvât expri
mée, la questionn'est pas là. Il n'y a pas que
des questions de principe, il y a aussi des ques
tions .de formes entre les pouvoirs-L'article
que nous rappelons avait éveillé quelques sus
ceptibilités parlementaires, et amené une
protestation à la tribune, protestation suivie
d'un désaveu exprimé par uu ministre.
L'explication, publiée aujourd'hui par le
Napoléon, prév'iendra-t-elle à l'avenir toute
fausse interprétation de la memjî., nature ?
Nous le souhaitons. 11 est clair qu'il n'y a pas
un journal officiel nouveau./^ #oh»Vewr reste
seul avec ce caractèfe;,/e Napoléon^ en se.,
rapprochant le plus possible desaidees du
Président de la Répûb'liqde, n'ente'iiS toute
fois engager 'que sa propre responsabilité.
Mais les organes des différentes opinions
ne manquent pas de faire observer que le Na
poléon se rédige bien près de l'Elysée, qu'au
nombre de ses écrivains sont'dês .personnes
placées bien a^ant daiis la confiance, -dy Pré
sident de la République. Ceux-cij d'ailleurs,
eii rappelant que l'Effipei'eur ' Méfait sou-:
iront les articles du Moniteur^ .donnenf à en
tendre qu!ils pourront aussi publier des ârti-
cleé'sous une autre •însp&'âtlùn (jîe LV.l'e^
pFopfer^ul doute, par cônséguérit,'.' qu' on t ne
cherche souvent à établir une solidarité com
promettante entre ce journal et le gouverne
ment* .
'W>(i^'h?àvons' dé fccJnseilè k donner''a per-
gonn»', -surtout à ceux qui ne'nous Birflïïman-
dent pas. Mais au nom de la cause sociale,que,
nbus séîf^onsj'èt qui a tant à gagner-a l'.union,
PRIS! CS L'abonnement:
. fj 018 MOIS.
,SIX MOIS . .
UN AN. . . .
PARIS.
DÉPART.
ÉTRANO
8 F.
liF.
14 F.
16
22
28 ,
32
44
86 ,
POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UMTERSEL.
' es abonnemens datent des 1" et 16 de chaque mohu
BUREAUX A PARIS : >
Rue du 24 Février (ci-devant Valois), 1&
• ~ . ' » c 1
Les annonces sontrecues, de l ià. îi-heure»,
au bureau du Journal.-.
Toute insertion doit itreïagréée par le garant.,
S' adresser franco, pour l'administration,,
' àf M.denai.n , directeur;
des pouvoirs, tant de périls à craindro ^
le cas d'une division, il nous est bien permis
de. dire que la situation exceptionnelle du.
Napoléon lui impose de grands devoirs de ré-
j serve et de ménagemens. Tout ce qui pour
rait nuire à la concorde entre l'Assemblée et
le Président, nuirait à la sécurité de l'avenir.
Nous avons affaire à deux espèces d'adver-
' çàîres, les uns qui voudraient nous ramener
aux institutions de l'ancien régime, les au
tres qui rêvent nous ne savons quelle révolu
tion sociale. Les uns et les autres s'entendent
en ceci, qu'ils présentent le pays comme étant
en voie de décadence, la misère comme ne
cessant de faire des progrès de plus en plus
! rapides,et les populations comme'menacées de
voir bientôt la terre manquer à leur alimen-
; talion. Heureusement il n'y a rien de vrai
dans ce tableau déplorable, et lorsqu'on aban-
i donne la déclamation pour aborder l'étude
: sérieuse, des faits, on reconnaît bientôt, et
.d'une manière incontestable, que, si tout
n'est pas pour le mieux dans notre pays, les
masses, loin d'avoir vu lçur sort se détério
rer, ont au contraire notablement "gagné en
bien-être et,en civilisation.
C'est ce qui a été mis encore récemment
Hors de dQute par Morefu de Jonnès, dans
: un travail qu'il a lu À-! 1 Académie des sciences
morales et politiques, vt daîiç : léquél ila'tracé,
tion du travatl, de l'égalité desimpOts, des;
progrèffrdes sciences et des artsv'- Voici-quel
ques chiffres que nous empruntons à ce tra
vail, et qui répondent à b.ien des accusations
dirigées contre-nolfi «tat spôiôli -
' "La population 1 excède^ aulpfM'hvû .de r 16
millions d'iiabitansx^2 0 (|e48 ( ^onw'cliie de
Louis XIV, de 12 raillions eeiletdesïssi/et de
7 millions ou d'un cinquième celle "de 1 l'épo
que impériale de d§06. ' Or,, veutron savoir
comment la production, agricole et industriel
le' s'est accrué pendaiit que là population s'ac
croissait piinsi.? La valeur anhqelle de la pro
duction de nos campagnes a quadruplé de
puis Louis XIV; elle a triplé depuis la révo
lution de 1789; elle a doublé depuis l'empire.
Pour la production industrielle, l'augmenta
tion est encore bien autrement considérable ;
sa valeur a presque quintuplé depuis la pre
mière révolution, et elle est aujourd'hui quatre
fois aussi grande qu'elle était à la fm ile l'em
pire. Or, tout ce qui est produit esfc £onsom-
jmé, sauf ce qui est enlevé par l'exportation.
|0n peut donc apprécier, par çqs chiffres,
[l'extension énorme qu'ont éprouvée toutes
jless consommations, et, par conséquent, l'a
mélioration notable qui en est résultée dans
4ô-sort des populations laborieuses.
i Devons-nous être plus inquiets pour l'ave
nir ? Nous ne le pensons pas, pourvu toute
fois que des tentatives insensées ne viennent
pas interrompre le cours de cette améliora
tion progressive. En effet, si notre territoire
'étendu et fertile pourvoit facilement, comme
le démontre M. Moreau de Jonnès, aux né
cessités du présent, ,il promet de satisfaire
avec non moins de facilité à l'accroissement
de la population pendant tout l'avenir qu'il
est possible d'embraser. Il représente cent
cinquante ares de terre par habitant,- soit
moitié en sus de l'Angleterre, et près du dou
ble dé la Belgique .-Notre agriculture est d'ail
leurs encore: bien loin de rendre tout ce qu'on
peut lui demander, et si l'on veut se rappeler
que déjà,.sous l'influence des progrès réalisés
depuis soixante ans, elle produit trois épis de
blé au lieu de deux, on en concluera qu'elle
ne sera pas embarrassée de nourrir les nou
veaux travailleurs que le ciel peut lui er/viver
d'ici à^de,longue^ anné r n
! ,-Nous pouvons annoncer que le «tableau des
produits et ' revenus indirects pendant Fan-;
nee'l 8i9j, tablçàiijqui (lôit paraître demain
jdans le journal officiel, présentasur l'année
i!848 une -augmentation de près de 25 mil •
3iolis^'rnaljgi < ê 1> réduction, des deu^ tiers do
l'impôt ^ùr le sel et la.diminution du tarif des
•lettres, qui 1 représëntent une perte de 59 mil-
IliOfl?. L'excédent sûr, Ifs pi:évisiops du buà-
g'ét est de plus de 4 millions. L'augmentation
f^^^rnffipSlémërirsuf'les drôils' d'enrë-
gistrexnent,. Ije timbre, les douanes et les
Iboissfins, ..,. . .r ■ ' • . .
Nous avoiis pensé qu'il n'était pas sai s in
térêt de retracer^ de temps à autre, le mou
vement d'idées qui se manifeste dans la pres
se: des,départemens. Le journal le plus dé
centralisateur, l'Opinion publique, devrait ap
prouver l'importance que nous attachons à
ces manifestations de l'esprit public en pro
vince. Quand on veut l'indépendance admi
nistrative, il faudrait encourager une certaine
indépendance dans les organes de la publicité
poli'ique. Cependant, l'Opinion publique est
au"premier rang des journaux qui nous atta
quent à propos de cette revue. Nous ne ré
pondons pas à ceux qui nous reprochent de
ne reproduire que des articles empruntés à la
pressé modérée. C'est en effet le seul travail
que nous ayons voulu faire, et nous l'avons
dit. Que d'autres fassent un résumé des jour
naux socialistes , si cela leur convient. Nous
nous restreignons, quant à nous, volontaire
ment, à n'exposer que les questions traitées
par les journaux appartenant aux diverses
nuances de l'opinion modérée.
Nous avons fait voir que la presse provin
ciale abordait beaucoup de 'questions, que,
pour notre part, nous n'avons jamais abor
dées. C'est, selon nous, en quoi consiste l'inn
térêtde notre travail. Cela montre que les
jbùrnaux de.province ont leur originalité. Il
est: par, conséquent assez étrange qu'on nous
attaqué, : comjnè si nous nous étions appro
prie les' dpimon^ flivepsisp .exprimées par les
nombreux journautiir^iïô^ nous citons. Il
EtV a,' qu'Ain! ppj ri^dif& '^bur montrer
a&gujpl 1^6} 1 pfe'ridre v com-
àde. inotuûi-çpropre ïpeûséft».
vue ; c'est -qjiachacun de'ces,journaux^ ûU.
peu-S'en faiit, i'fi" ùn avis particulier su^léâ 1
questions trafics par tou's^grenons » ,'Jiiir.
exemple, la FÔvJâion de la Coiiétitution y ,1a
transformation itu»pouvoir piffejiéntiel : eh-
bien I chacun ^|u^;^'sontproc^âé.pour l'opé
rer. Si ces opinions,.queVnous' reproduisons
étaient les nôtres, nous aurions trois ou qua
tre avis différens sur la même question, trois
on quatre solutions contraires pour le même
problême.
Comment donc peut-on, après cela, soute
nir sérieusement que le Constitutionnel s'ap
proprie ce qu'il expose? L'Opinion publique
tranche, il est vrai, 1a difficulté. Parmi les
journaux qui ont tant d'idées différentes, il y
en a un qui est d'avis que la Constitution soit
révisée par ordonnance. C'est de toutes les
idées présentées dans les journaux.de pro
vince la plus téméraire, un de ,ces partis ex
trêmes pour lesquels on doit convenir que
nous avons toujours montré bien peu de goût,.
L'Opmion publique n'hésite pas à choisir pour
nous ; elle déclare que cet expédient déses
péré est le nôtre, lille en fait l'enfaiit de notre"
adoption. Aussi nous dénonce-t-çlle au pro
cureur de la République comme des viola
teurs de la Constitution. Ce n'est pas sérieux,
nous le savons bien ; car la conclusion du
long article de l'Opinion publique serait bien
plus coupable encore que l'opinion qu'elle
nous attribue. La seule solution possible, se
lon cette feuille, est dans le droit héréditaire.
Or,' l'expédient, qui n'est pas le nôtre, ne sup-
primeraitque la Constitution. L'expédient, qui
est celui de l'Opinion publique, supprime à la
fois la Constitution et la République. Au mo
ment où elle nous dénonce pour un délit,
elle en commettrait depx.
Nous répétons ici, parce que cela est vrai,
que nous n'adpptons nullement les opinions
qu nous avons résumées. Il nous sera per
mis d'ajouter que si la presse des départemens
traite des questions que nous ne traitons pas,
ce n'est pas notre faute. C'est la faute de
beaucoup de journaux, de Paris, qui présen
tent dans cesse la situation comme désespé-
îée, .qui; chaque jour, annoncent un coup
d'Etat .pour le lendemain; qui semblent ou
vrir ainsi, pour toute la France, la délibéra
tion sur les moyens de sortir delà crise
dont ils effraient journellement, le pays.
La-discussion'générale sur la loi de l'ensei-
ghemetit'a commencé .aujourd'hui. M. Bar
thélémy Saint-Hilaire a pris le premier la pa r
rofif/'ef n T â pu terminer son discours, rîont la
dernière;-partie a été renvoyée - à demain.
Nous--ne nous-.étonnons .pas que le temps ait
manqué à M. Barthélémy Saint-Hilaire ; il
traitait une des questions les plus importan
tes qui puissent occuper .une assemblée lé
gislative ; il représentait la minorité 'de la
commission, il apportait enfin dans cette dis
cussion les lumières d'un homme compé
tent, qui a pris part non-seulement à l'ensei
gnement, mais à l'administration de i'ins-
truction^nblique.
Aussi M*. Dupin a-t-il pu dire à quelques
impatiens que si le discours de l'orateur leur
paraissait long, il ne contenait assurément
pas de,longueurs. Néanmoins nous regret
tons que M. Barthélémy Sainl-llilaire, dans
l'intérêt même delà cause qu'il venait dé
fendre, n'ait pas sacrifié certaines parties de
son argumentation, qui auraient facilement
retrouvé leil? place dans la discussion des ar
ticles. La discussion générale qui. précède la
première lecture doit porter sur le fond mê
me de la loi ; elle doit en embrasser les ca
ractères généraux; et. c'est par l'examen de
ces caractères généraux que les orateurs doi
vent démontrer si la loi est, en subsUince,' ou
bonne ou mauvaise.
Quoique M.' Barthélémy Saint-Iïilaire se
soit restreint à discuter les divers titres de la
loi, il a été an\pné par le'nombre de ces titres à
soulever bien des questions; C'est sans doute
un peu la faute de la loi, qui devait avoir pour
objet d'organiser la liberté de l'enseignement
sous la surveillance de l'Etat, c'est à dire de
déterminer, les conditions auquelles chacun
pourrait enseigner, et qui est devenue, de dé
veloppement en développement, un code tout
entier. Mais c'est aussi un peu la faute de M.
Barthélémy Saint-Hilaire, qui s'est laissé aller
au plaisir de relever les endroits-viili^ftiMes,
toujours faciles à trouvertans une codifica
tion étendue. Philosophe par profession, il
p'ouvdit sans peine trouver les points fonda
mentaux du travail de la commission, et c'est
à eux qu'il devait surtout s'attacher, au début
de la discussion générale.
. Nousne pouvons pas suivre M. Barthélémy
Saint-Hilaire dans toute la série desesraison-
nemens, parce que le moment'n'est pas venu
de traiter toutes les questions spéciales qu'il
a soulevées, et parce que l'œuvre de la com
mission n'ayant pas été défendue aujourd'hui,
nous ne pouvons mettre le public en état de
juger entre les critiques de M. Barthélémy
Saint-Hilaire et les réponses de M. Beugnot et
de M. Parisis. Du reste, tous les reproches que
l'orateur aujourd'hui entendu adresse à la
loi, nous paraissent découler de deux objec
tions principales que nous allotik résumer.
La loi, selon l'orateur, établit entre l'État
et la société une opposition imaginaire. L'Etat
émane de la société, il en est le représentant
et l'instrument. C'est la société qui administre
elle-même l'instruction publique par l'inter
médiaire de l'Etat, comme elle administre par
le même intermédiaire les finances, ou la
justice, ou la marine de la France. L'Etat
n'a donc pas d'intérêt distinct de la société ;
quand la société prend des garanties contre
l'Etat, c'est contre elle-même qu'elle les
prend : elle est conduite par une logomaehie
à une contradiction. C'est là, suivantM. Saint-
Hilaire, ce que fait la loi de la commission.
Elle organise la surveillance de l'Etat sur les
écoles, et., au nom.de la société, elle
réclame des garanties contre la surveil
lance de l'Etat, et, par le moyen de ces ga
ranties , elle rend la surveillance illusoire :
elle détruit donc sans cesse d'une main ce
qu'elle fait de l'autre. C'est là, selon M. Saint-
Hilaire, 1'expliçation du personnel choisi pour
composer le conseil supérieur et les conseils
académiques. L'article de la Constitution veut
que ces conseils aient la surveillance des éco-
les, et la commission la leur donne; mais au
nom des garanties nécessaires à la société,
contre l'Etat, la. commission compose les con
seils de telle façon que l'élément compétent
e^ utile y est absorbé par les élémens étran
gers, et parasites. L'élément enseignant, en
très faible minorité dans le conseil supérieur,
est réduit au recteur seul dans le conseil aca
démique. Venons maintenant à la seconde
critique de M. Saint-Hilaire. ;
Le projet de la commission, au lieu de se
borner à régler, lîexercice d'une liberté, dé
truit l'égalité, qui.est le fondement niême de,
là liberté. Il ne fait à tous ni les mêmes con-
ditions, ni des conditions égales. Pour l'ins
truction secondaire, et plus encore pour l'ins
truction primaire, la commission met en pa
rallèle les établissemens de l'Etat et les éta-
blissemens privés, ot au lieu d'assurer 'seule
ment à ceux-ci le droit d'une libre et loyale
concurrence, elle astreint les premiers à tout
un ensemble de conditions onéreuses dont
elle affranchit les seconds. Les établissemens
publics sont assujettis pour leur personnel et
jusque pour le matériel à des conditions que
les établissemens privés peuvent--s'exempter
de remplir. Les'fonctionnaires publics sontas-
treints à des examens, h. des grades , à une
durée de services dont les employés des mai
sons privées sont dispensés. Enfin l'Etat peut
être appelé à subventionner dans une certai
ne mesure les maisons destinées à faire con
currence aux siennes. Le projet de la commis
sion, suivant M. Barthélémy Saint-I-Iilairp,
renverse donc l'égalité, et doit aboutir com •
me dernière conséquence à la destruction des
établissemens publics en Fi ance.
Voilà quel nous parait avoir' été le fond
même de l'argumentation de l'honorable
orateur. L'épuisement de ses forces et la fa
tigue de l'Assemblée l'ont déterminé à ren
voyer à demain le reste de ses considéra
tions. M. Parisis a demandé la parole pour
lui répondre.
La chambre piémontaise a voté la ratifica
tion du traité conclu avec l'Autriche. Le dé
bat a'été très animé. Les joiirnaui du pays
sont remplis des détails de cette séance. L'op
position a pris à partie M. d'Azeglio, le glo4
rieux blessé de Vicence, qui a prouvé 1 , lui,
son patriotisme, non par de vaines bravades
oratoires, mais en versant son sang sur le
champ de bataille. - u ■ ■ .
L'opposition voulait encore, mais cette fois-
ci d'une manière indirecte, imposer pour
condition de son vote la naturalisation en
masse des réfugiés. Le ministère a loyale
ment répondu qu'il n'existait pas de traité se
cret relativement aux réfugiés, et que le
traité authentique ne permettant pas l'extra
dition des réfugiés politiques, le gouverne
ment ne pouvait pas accepter les conditions
qu'on prétendait lui imposer.
La nouvelle chambre a dédaigné les cla
meurs d'une opposition déclamatoire. L'hon
neur d'un pays malheureux consiste à subir
avec une résignation silencieuse une situa
tion à laquelle il lui est impossible de se sous
traire.
» m min« .
La : commission du budget s'occupe très
activement en ce moment de coordonner et
de régulariser les diverses parties composant
le budget des dépenses ; cependant elle n'es
père pas que le rapport puisse être déposé
avant quinze jours.
M. Léon Faucher a déposé une proposition
tendant à modifier l'article 23 du règlement
de l'Assemblée, en -réduisant de trente à
quinze le nombre des commissaires chargés
de l'examen des recettes et des dépenses.
La commission chargée de l'examen du
projet de loi relatif à l'augmentation de soldé
des sous-officiers do l'armée de terre, a temi
aujourd'hui une longue séance, qui a été
consacrée à entendre l'opinion de chaque
membre. Elle a décidé qu'elle garderait la
secret sur ses délibérations.': - > • ■ !,
M. Dahirel a déposé une proposition ainsi
conçue :
« Art. 1»'. Lorsque le Préiidcnt de la Républi
que enverra un message à l'Assemblée nationale,
le message sera imprimé et distribué immédiate
ment..
» Les bureaux seront convoqués dans les vingt-
quatre heures, à l'effet d'examiner l'acte émanant
au'chef du pouvoir executif.
» 2. L'ordre du jour des bureaux posera cette
seule et unique question : Y a-t-il lieu de nom
mer une commission chargée d'examiner le mes
sage et d'y répondre?
» 3. En eas d'affirmative, chaque bureau nom
mera un commissaire. Si la majorité des bureaux
a été d'avis d'examiner et de repondre, ceux des
bureaux qui se seraient prononces pour, la néga
tive seront convoqués à nouveau, et nommeront
un commissaire.
» K. La commission présentera son rapport dans
les trois jours de sa nomination.
» Si les conclusions du rapport, prises aux deux
tiers des suffrages, portent qu'il y a lieu de ri-
poudre au message, un projet de rédaction accom-
pagnfe'ra le rapport, et la discussien s'ouvrira sur-
le-champ.
» Si les conclusions portent- qu'il n'y a lieu à
répondre, l'Assemblée sera consultée sans dé
bats. »
Cette proposition a été renvoyée à la com
mission de l'initiative. !
M. Bocher (du Calvados) a déposé , sur le
bureau de l'Assemblée , des observations de
société de médecine de Caen, relatives à la
disposition du projet de loi sur les patentes
qui concerne les médecins.
Une proposition relative, aux transportés do
juin 1848 et aux prévenus de juin *1849 avait
été déposée par M. Lagrange. On a distribué
aujourd'hui a l'Assemblée le rapport fait pafl
M.-Poujoulat, au nom delà sixième commis
sion d'initiative parlementaire, sur cette pro->
position.
Nous croyons devoir reproduire ce rapport i
« L'honorable M. Ch. Lagrange, qui, plus d'unci
fois du haut de la tribune, a appelé votre intérêt
sur le sort des transportés de juin, vient de for-;
muler une proposition »ù se trouvent catégori
quement exprimés tous ses vosux à l'égard, des,
détenus politiques. Invité à se rendre au sein de
votre commission d'initiative [four donner les ex-,
plications qu'il jugerait convenables, notre hono
rable collègue a complété de vive voix la pensée
indiquée, par le .texte de sa proposition. 11 de
mande qu'il soit dressé un état général: des ci-.!
toyens arrêtés en juin 1848, et remis depuis eiï
liberté, avec les causes de leur arrestation et les?
causes de leur libération; uu autre état général,
de ceux qui n'ont pas étégràciés, et une indication
précise relative aux repris de justice qui figurent
parmi les transportés. M. Lagrange voudrait -en
suite qu'une commission de quinze repi ésentans,
tirée au sort parmi les membres de l'Afsemblée, se
livrât à une enquête dont le, but serait la mise en,
liberté des, détenus de Belle-lsle non repris de,
justice, et lq mise en jugement des individu? qui
ont des antécédens judiciaires. Cette commission
parlementaire serait aussi chargée de faire con
naître la situation physiquc'ct morale des trans
portés-; elle comprendrait dans ce même examen
les prévenus de juin 1849, et tous les citoyens con».
damnés pour faits politiques par les tribunaux
exceptionnels. Là no se bornent point les préoc
cupations de l'honorable.M. Lagrange. 11 demande
un rapport largement étudié sur la situation des
familles des transportés libérés ou encore rete
nus, familles dont la plupart, dit-il, ont été rui
nées par l'incarcération du chef de la communau
té : il conclut à la création d'un fonds de secours
pour les plus maltraités et les plus méritans. Tel:
est l'ensemble de la proposition soumise à l'exa
men de votre commission d'initiative; voici son
avis en peu de mots:: -
» Pourquoi demander à M. le ministre de Tinté-'
rieur le double état général dont il est question
dans l'article premier de la proposition ? Ou serait
l'intérêt de la publication d'un tel tableau? 11 est
fort douteux que tous les individus arrêtés en juin'
1848 et relâchés ou graciés fussentbien aises de se
voir ainsi exposés aux reg.'irds du pays; et d'a ; lleui s-
n'est-il pas plus utile et plus bienveillant de laisser
ces milliers de noms d^ns les ténèbres des dos-;
siersi? ,11 y a toujours quelque danger à toucher
sans nécessité à ces souvenirs encore vivans de
nos guerres civiles. La pacification des esprits doit
être notre œuvre à tous. L'honorable auteur de la
proposition, dans sa sollicitude pour les prison'-"
niera.juin de 1848, désire un relevé sommaire des
causes de leur arrestation et de leur libération.
Les laits et les résolutions de celte nature empor
tent avec eux leur réponse. L'arrestation suppose
une grave présomption de culpabilité; la libération
révèle le travail de l'équité,- de l'indulgence ou de
la miséricorde. Nul d'entre nous ne peut ignorer
ce qu'ont .-iccoinpli les huit commissions militai
res, les onze commissions de clémence, et, en der
nier lieu, la commission des mises en liberté, qui
se rendit elle-même sur les pontons.
,» Les plus larges inspirations le l'humanité
avaient réduit à 1,221 le nombre des détenus de
jûin -itJ48; c'est ce reste de l'insurrection de juin
qui fut envoyé à Bc.llc-lsle.Ln gouvernement avait
soumis à l'Assemblée un projet de loi pour établir
en Algérie ces 1,221 détenus ; une commission
nommée, dans vos bureaux avait accepté ce projet
de loi, et le rapport allait être discute, lorsque M.
le ministre de l'intérieur, montant à la tribune,
annonça que 700 des détenus deBelle Isle venaient
d'être grâciés" par le chef du pouvoir exécutif.
Cette mesure, qui n'exceptait que les plus incorri
gibles et les repris de justice, donnait à la ques- •
tion une face nouvelle, et la commission de la
transportation en Algérie obtint de vous; Mes
sieurs, qu'elle délibérerait de nouveau sur le pro
jet de loi. Le gouvernement a continué à deman
der que les oOO détenus restés à Delle-lsle soient '
établis en Algérie. La commission de transporta
tion, qui a déposé son dernier rapport, conclut à
l'adoption de la pensée du gouvernement, sauf
quelques modifications de détails, et vous aurez
prochainement à vous prononcer sur .cette grave
affaire.
» C est dans cet état de choses que l'honorable
M. Lagrange reclame là mise en liberté immédiate
des détenus de Belle-lsle non repris de justice, et
la n se en ingénient de ceux quront des antécé-
de:r judiu ires. Vous vous trouverez saisis, Mes
sieurs, de la question même que soulève notre hnor.ible collègue; bientôt, dans votre puissance
politique, vous aurez à statuer sur le sort de ces
derniers restes, que les plus persévérans efforts
de ciemence n ont pu rtndie à la liberté- D'ici là,
il ne saurait etrenomméderommission parlemen
taire pour sat sf re cette part 1 l proposition
de 1 honorable-Al. Lagrange. Quant aux prévenus
de juin 18i9 qui se trouveraient prisonniers, soit
à Lyon, soit dans les départemens encore soumis
à 1 état du siege, la justice a eu ou doit avoir son
cours conformément aux lois, 'et l'Assemblée n'a
pa» a iniervumr a cet égard pour s'occuper de la
situation physique et morale des individus inculpés
ou condamnés. . ,
» Les sanglantes discordes civiles mènent à leur
suite de grandes misères! Une insurrection comme
FEUILliiM 15JANV.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE. '
les torcherons , opéra-comique en trois actes;!
.paroles de M. Sauvage^ musique de M. Grisar.
"L'action s'engage vite et bien, par un bon coup,
d'éjïée, donné par. un domino, gris , reçu par, un
doiiiino 'noir, au sortir du bal ! de l'Opéra, Nous
sommes en plein Louis XV. Le jour commence à
poindre. Le domino gris ne veut point se dénias r
quer, mais ses deux témoins jurent sur leur foi de.
gentilshommes qu'on peut, sans déioger,„jcreiser,
le fer avec lui. Cela étant,.les deux adversaires ^e
font, de part et d'autie , une profonde révérence
et disparaissent par une allée du. bois de Boulo
gne. Les curieux s'ameutent. On'entend le cliquer,
tis des épées; le combat ne dure que quelques se.y
eondes. Le domino gris s'élojgne .pour se mettre.à
l'abri des poursuites; car M. le lieutenant-général de
police n'entend pas raillerie sur le duel. Le do
mino noir revient sur la scène pour panser sa
blessure. C'est un nabab, un mulâtre,, une espèce
de Lugarto aux passions ardentes, au cœur .dépra
vé, remuant les rubis à la pelle et cousu de mil
lions. Ce séducteur au teint de réglisse est, venu
en France dans l'intention honnête et avouée, d'a
cheter tout ce qui était à vendre, et rien jusqu'ici
n'a résisté à sa volonté,*! son or. A bonnait le prix
courant des dévoùmens les plus sincères, des plus
solides vertus, des consciences les plus incorrup
tibles! Tout plie, tout s'incline devant la formi
dable puissance d'une-fortune dont on ne connaît
ni la source ni les bornes. Mais voilà une jeune
iet jolie-évaporéé; une veuve à la fleur de!âge et
de? caprices, la séduisante marquise de Bryane,
puisqu'il faut la nommer, qui s'avise tout à coup
de mépriser le. nabab et ses trésors. 11 faut que
cette rébellion sans exemi le soit punie par une
vengeance exemplaire. Des: Bruyères,; tel est le
nonr du mulâtre, a parié dix mille louis, ni plus
■ni moins, que: la; belle marquise... Vous savez ce
qu'on pariait sous S. M; Louis XV.
Et pour aller, droit au fait-, l'entreprenant Des
Bruyères a Voulu, cette nuit même, enlever Mme
de Bryane au< bal de l'Opéra. Mais le maudit do
mino gris, s'attachant aux'pasde la marquisa avec
bne discrète et persévérante sollicitude,* déjoué-les
projets du ravisseur, et l'a saigné tout-à-I'heure
au- bras par-dossus le marché. N'importe! les mil
lions'du nabab n'en auront*pas le démenti; Comme
il renouvelle à part lui "ce .serment d'Annibal,
voici une ravissante amazone qui, par une fantai
sie de jolie femme ou par un intérêt plus puissant,
vient faire un tour au bois, quand le soleil n'est
pas encore levé à l'horizon. Ce charmant pastel,
vous l'avez deviné, n'est autre queMmede Bryane,
qui se fait suivre dans sa course insolite et mati
nale par deux de ses parens de province , le vi
comte et lavicomtesse de Jolicourt, deux incom
parables types de candeur, de noblesse et de di
gnité: Je soupçonne un peu ces braves gens de vi
vre aux dépens de la jeune veuve. Mais ils n'en
sont pas moins à plaindre d'être contraints d'obéir
à teut ce qui peut passer de felies, d'extravagance
et de caprices parlacervelle d'une enfant gàtée.Rien
de plus risible pt.de plustOucliant à la fois que l'air
dç gravité, la résjgnation„ la Viécencc de ces deux
victimes^ Le .viçomte est un .cavalier accompli. J1
fait çle la tapisserie à ravir, ..ot • monte un cheval
de son lige avec une grâce, une aisance, .une bra
voure héroïque. La, vicomtesse pourrait dompter
biep des cœurs,; mais une réputation sans tache,
une fidélité inébranlable, et l'espoir éternellement
déçu d'avoir un héritier de son vicomte, en font
la perle des vicomtesses et le modèle des épouses.
Il faut voir l'étonnement de la digne femme, ses
exclamations naïves, sa pudeur alarmée, quand
elle apprend de la bouche de sa cousine la mysté
rieuse existence d'un ange, d'un protecteur in
connu qui veille incessamment sur la jolie veuve,
l'arrache aux dangers qui la menacent, et dis
paraît quand le péril est passé. — Vous me con
tez là, ma jolie cousine, dit la vicomtessG, au com
ble de la stupéfaction, une histoire bien plus in
croyable que tous les romans que j'ai lus. Quel
peut être ce galant invisible? On m'a aussi fait la
cour bien souvent, mais on s'est toujours mon
tré. — Rien n'est plus vrai cependant, répond la
cousine. Rappelez-vous ce voyage où j'ai pensé
mourir, étouffée par une émeute. Qui m'a soule
vée dans sa main comme une plume légère ? C'est
lui ! mon protecteur inconnu ! Souvenez-vous de
cc canot qui sombra tout près du rivage. Qui nous
sauva d'une mort certaine ? C'est lui! mon ange
invisible! Et cette nuit, quand ces affreux mas
ques se pressaient autour de moi, dans des inten
tions trop faciles à deviner, qui les a dispersés du
geste et m'a ramenée saine et sauve dans vos bra t s?
C'est lui ! toujours lui!
Lé fait est qu'à l'instant môme, et comme pour
ajouter une preuve nouvelle au récit de Mme de
Bryane, le cheval de la jolie veuve ayant pris le
mors aux dents, est arrêté par une main vigoureuse
au bord du précipice, et on sauve pour la vingtiè
me fois les jours de l'imprudente amazone. La
belle évanouie est portée sur un'-banc; ses
gens s'empiessent autour d'elle, le vicomte et la
vicomtesse poussent des cris de douleur, ce qui
n'est pas mal pour des collatéraux qui auraient pu
hériter. Un jeune homme d'un air modeste, en
costume de paysan ou d'ouvrier,se tient près de la
marquise, et parait suivre ses mouvemens avec la
plus vive anxiété : c'est le protecteur mystérieux
qui vient d'arrêter le cheval de Mme de Bryane;
mais au moment où la jolie veuve rouvr/-. enfin
les yeux et reprend connaissance, le jeune homme
se perd dans la foule, au grand regret du vicomte,
qui,toujours digne, toujours généreux, avait tiré sa
bourse pour rémunérer le manant de sa coura
geuse action. Mais ce garçon, qui ne paraît pas
manquer de fierté, refuse l'argent du vicomte, et
dit qu'un jour peut-être il viendra réclamer sa ré
compense.
Ce jour n'est pas loin, comme vous allez voir.
Le jeune homme se présente avec un rabot dans sa
poche et une scie sous le bras chez Mme de Brya
ne, et, malgré la consigne sévère qui ferme à tout
le monde l'appartement de la marquise, encore
indisposée des suites de son accident, il demande
à être introduit auprès d'elle. La camériste lui rit
au nez pour toute réponse. Mais l'ouvrier, très
fertile en ressources et très expéditif de son natu
rel, se'saisit d'une sonnette et carillonne avec tant 1
d'acharnement, que bientôt toute la maison est
sur pied. M. le vicomte arrive en robe de nuit,
Mme la vicomtesse, en pet-en-l'air. '— Qui êtes^
vous? que voulez-vous? que veut dire ce vacar
me? s'écrie le Jolicouit indigné. — Je viens de
mander ma récompense, répond l'inconnu éa
riant. Avez-vous déjà oublié que j'ai eu l'honneur
de sauver Mme la marquise?—Eh bien! voici de
l'argent, et làissez-nous tranquilles. — Je .ne veux
point d'argent, réplique le jeune ouvrier, je veux
de l'ouvrage.
Nous avons vu le moment où Mocker allait de
mander le droit au travail avec accompagnement
de violons et de flûtes; mais, grice à l'esprit de M.
Sauvage et au talent de Grisar, au lieu d'une dé
clamation maussade, nous avons eu une jolie sccne
et un charmant quatuor. Vous pensez bien que ce
n'est point pour briser uu émail ou pour déranger
un coffret que le bon génie de Mme de Bryane s'est
armé d'un ciseau et d'une scie. Un nouveau dan
ger, plus grand, plus terrible que les autres, me
nace la jeune femme, et voilà pourquoi M. An
toine est accouru en veste grise et en tablier d'é
béniste. En effet, l'affreux mulâtre ne tarde pas à
paraître, précédé de deux nègres et de deux cor
beilles, que l'ouvrier lui-même se charge, par un
excès de complaisance, de remettre à leur adresse.
La première est destinée à la respectable vicom
tesse : les fleurs en sont magnifiques, mais sans
odeur; la seconde est pour la marquise, et, sous
les fleurs les plus embaumées, se cache, en ma
nière d'aspic, un billet de la plus perfide dou
ceur. M. Antoine, qui sait tourner un couplet
beaucoup mieux qu'un dossier de fauteuil, rem
place adroitement le billet du nabab par une ro
mance de sa façon. Le mulAtrene se tient pas pour
battu. 11 sème l'or à pleines mains, corrompt les
gens de la marquise, et se glisse hardiment dans
le boudoir. Un bruit de pas se fait entendre. C'est
ce bon M. de Jolicourt qui vient s'assurer par lui-
même que ses ordres ont été respectés et qu# pas
une ame vivante n'a osé, em son absence, péné
trer chm ces dames. Le Des Bruyères, qui s* croit
surpris, va se blottir sous une robe à paniers de la
marquise. La situation ne laisse pas d'êtr# bizarre;
mais que ne braverait-on pas pour se trouver en
tete-à-tète avec use femme si dédaigneuse et si
fière qu'on croit enfin tenir en sa puissance? Mme
de Bryane, enfermée chez elle et se croyant par
faitement seule, est tirée tout à coup de sa rêverie
par un frôlement d'étofics et un soupir mal étouffé.
Le. nabab croit le jnoment venu: il veut sortir de sa
cachette ut s'embarrasse dans les paniers. Le cri de
terreur qu'allait pousser la jeune femme est arrêté
sur ses lèvres par un immense éclat, de r ire. Le
mulâtre est si confus, si penaud, dans son grotes
que accoutrement, que la gaité de la jeune femme
s'épanche en des transports inextinguibles. Ce
rire argentin, vibrant.saccadé, qui tantôtmurmure
et serpente comme un ruisseau contenu dans ses
bords, tantôt jaillit en fusée ou éclate en tonnerre
parcourant ainsi toute la gamme .depuis les
sons les plus graves jusqu'aux, notes, les plus
aiguës, est pour le vaniteux Des Bruyères iine in- •
dicibletorture. 11 jure, en grinçant des dents, que
les rieurs seront bientôt de son côié, et pour se
venger de cette st'ène humiliante quia pour témoins
» . - ""y "
--OTMERO-15i
SEBESSE^®a
VRXX DE t'iBONSEMEN* :
PA1US.
DÉPART.
ÉTBANG.
8 F.
il*.
14 F. -i
16
, - 22
. 28:
i
, 32
.. -.44. .
56
TROIS MOIS.
SIX MOIS. .
EN AN. .
BUREAUX A PARIS : .
Rue du 24 Février (ci-devant Valois), 10.'
On l 'abonne danf les dép »rtemeui,«wu mcHap-
rics et aux direction» de» pestes.— A Londres, chu
MM. C owie ei rin.-j -A Strasbourg, chei
pour l'Allemagne.
S'adresser franco, pour, la rédaction,
à h. boniface. :
Les articles déposés ne sont pâs rendu*}
PARIS, 14 JANVIER.
' .... ■ % ■ ■ I -, -f
Le second numéro du journal hebdôma-
daire le Napoléon, qui a paru hier, «si aujouiH
d'hui l'objet de ljêàdcoup de commentaires.
Nous extrayons de ce journal l'article sui
vant, qui en détermine le caractère ; ■- •
« L'apparition du Napoléon a donné lieu aux
supposîti6nî , T& $Ibs-rngu1iè>^ Oïl' a prétendu
que cette feuille était écrite paj- le Président de la
République, et que même il s'amusait à en. corri
ger les épreuves au milieu : des imprimeurs. De
pareils contes ne méritent pas une réponse sé
rieuse. : , - ' ■ -■-;
» L'empereur Napoléon donnait souvent aù Mo
niteur la. direction politique sans, cependant en
être le rédacteur en cheT. Serait-il défendu au.
Président de ' la,' République d'en faire de même,
sbit dans le Moniïmrl&o'd dans toute autrefeuille?
Quant au Napoléon, il s'efforcera de se rapprocher
le plus.possible des id^esj du Président de la Ré
publique, sans cependant avoir la prétention de:
voir ses propres-idées et ses paroles prises pour
celles du Présidferit même. »
Nous ne sommes pas de ceux qui ont ima
giné de transfprmer le Président da la Répu
blique en éditeur responsable d'un journal.'
Si le Président a reu'du de grands services
au pays depuis' le ! lô décembre, 'c'est ,qu'il
n'a pas employé' son temps à fairerdes, arti
cles de journaux, mais à faire avec intelli
gence et avec courage, son noble et difficile
métier, jqui est de gouverner le pays. Cette
grande tâche qu'il accomplit, au milieu de-
tant d'obstacles, et dans laquelle nous nous
efforçons,pour notre part,'de le soutenir ^'se
lon la mesure de n,os, forces, suffi): ^ample
ment à nourrir l'activité de l'ame la plus rem
plie d'ardeur pouf le bifcnpUblic./Un gou
vernement qui ?è ferait journaliste, lpjn^'ug-
menter ses moyens d'influence, n'augmente-;
rait que ses difficultés. A la respon3abilifp.de
ses actes, il ajouterait la responsabilité.^e sa
parole écrite. Toutes les oppositions lui «au
raient probablement feré d'étendre la surface
par où elles le pourraient attaquer, et «le mïxl-
tiplier ses points vulnérables pour la com
modité de leurs censures. Aussi, tes a-t-on
vu s'empresser dernièrement d'accréditer le
bruit' d'après lequel le Président de la Répu
blique était donné comme le véritable auteur
du Napoléon, " fii . ■<-■■; t:
-Cette scfale rujneur, toute faussé qu'elle
était, n'a pas laissé de causer des inquiétudes;
elle a failM semer un germe de division entre
les deux pouvoirs, dans des circonstances où,
leur union pst si nécessaire , si indispensable
au salut'dè la société. Peu s'en est fallu .qu'un-
article du Napoléon, relatif aux conséquences
des votes parlementaires su^ la durée des ca
binets, ne pvit dans l'opinion de l'Assemblée,
l'importance d'une note officiellement com
muniquée. Que la vraie doctrine-réëultant de
la responsabilité imposée par la Constitution
actuelle au pouvoir exécutif s'y trouvât expri
mée, la questionn'est pas là. Il n'y a pas que
des questions de principe, il y a aussi des ques
tions .de formes entre les pouvoirs-L'article
que nous rappelons avait éveillé quelques sus
ceptibilités parlementaires, et amené une
protestation à la tribune, protestation suivie
d'un désaveu exprimé par uu ministre.
L'explication, publiée aujourd'hui par le
Napoléon, prév'iendra-t-elle à l'avenir toute
fausse interprétation de la memjî., nature ?
Nous le souhaitons. 11 est clair qu'il n'y a pas
un journal officiel nouveau./^ #oh»Vewr reste
seul avec ce caractèfe;,/e Napoléon^ en se.,
rapprochant le plus possible desaidees du
Président de la Répûb'liqde, n'ente'iiS toute
fois engager 'que sa propre responsabilité.
Mais les organes des différentes opinions
ne manquent pas de faire observer que le Na
poléon se rédige bien près de l'Elysée, qu'au
nombre de ses écrivains sont'dês .personnes
placées bien a^ant daiis la confiance, -dy Pré
sident de la République. Ceux-cij d'ailleurs,
eii rappelant que l'Effipei'eur ' Méfait sou-:
iront les articles du Moniteur^ .donnenf à en
tendre qu!ils pourront aussi publier des ârti-
cleé'sous une autre •însp&'âtlùn (jîe LV.l'e^
pFopfer^ul doute, par cônséguérit,'.' qu' on t ne
cherche souvent à établir une solidarité com
promettante entre ce journal et le gouverne
ment* .
'W>(i^'h?àvons' dé fccJnseilè k donner''a per-
gonn»', -surtout à ceux qui ne'nous Birflïïman-
dent pas. Mais au nom de la cause sociale,que,
nbus séîf^onsj'èt qui a tant à gagner-a l'.union,
PRIS! CS L'abonnement:
. fj 018 MOIS.
,SIX MOIS . .
UN AN. . . .
PARIS.
DÉPART.
ÉTRANO
8 F.
liF.
14 F.
16
22
28 ,
32
44
86 ,
POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UMTERSEL.
' es abonnemens datent des 1" et 16 de chaque mohu
BUREAUX A PARIS : >
Rue du 24 Février (ci-devant Valois), 1&
• ~ . ' » c 1
Les annonces sontrecues, de l ià. îi-heure»,
au bureau du Journal.-.
Toute insertion doit itreïagréée par le garant.,
S' adresser franco, pour l'administration,,
' àf M.denai.n , directeur;
des pouvoirs, tant de périls à craindro ^
le cas d'une division, il nous est bien permis
de. dire que la situation exceptionnelle du.
Napoléon lui impose de grands devoirs de ré-
j serve et de ménagemens. Tout ce qui pour
rait nuire à la concorde entre l'Assemblée et
le Président, nuirait à la sécurité de l'avenir.
Nous avons affaire à deux espèces d'adver-
' çàîres, les uns qui voudraient nous ramener
aux institutions de l'ancien régime, les au
tres qui rêvent nous ne savons quelle révolu
tion sociale. Les uns et les autres s'entendent
en ceci, qu'ils présentent le pays comme étant
en voie de décadence, la misère comme ne
cessant de faire des progrès de plus en plus
! rapides,et les populations comme'menacées de
voir bientôt la terre manquer à leur alimen-
; talion. Heureusement il n'y a rien de vrai
dans ce tableau déplorable, et lorsqu'on aban-
i donne la déclamation pour aborder l'étude
: sérieuse, des faits, on reconnaît bientôt, et
.d'une manière incontestable, que, si tout
n'est pas pour le mieux dans notre pays, les
masses, loin d'avoir vu lçur sort se détério
rer, ont au contraire notablement "gagné en
bien-être et,en civilisation.
C'est ce qui a été mis encore récemment
Hors de dQute par Morefu de Jonnès, dans
: un travail qu'il a lu À-! 1 Académie des sciences
morales et politiques, vt daîiç : léquél ila'tracé,
tion du travatl, de l'égalité desimpOts, des;
progrèffrdes sciences et des artsv'- Voici-quel
ques chiffres que nous empruntons à ce tra
vail, et qui répondent à b.ien des accusations
dirigées contre-nolfi «tat spôiôli -
' "La population 1 excède^ aulpfM'hvû .de r 16
millions d'iiabitansx^2 0 (|e48 ( ^onw'cliie de
Louis XIV, de 12 raillions eeiletdesïssi/et de
7 millions ou d'un cinquième celle "de 1 l'épo
que impériale de d§06. ' Or,, veutron savoir
comment la production, agricole et industriel
le' s'est accrué pendaiit que là population s'ac
croissait piinsi.? La valeur anhqelle de la pro
duction de nos campagnes a quadruplé de
puis Louis XIV; elle a triplé depuis la révo
lution de 1789; elle a doublé depuis l'empire.
Pour la production industrielle, l'augmenta
tion est encore bien autrement considérable ;
sa valeur a presque quintuplé depuis la pre
mière révolution, et elle est aujourd'hui quatre
fois aussi grande qu'elle était à la fm ile l'em
pire. Or, tout ce qui est produit esfc £onsom-
jmé, sauf ce qui est enlevé par l'exportation.
|0n peut donc apprécier, par çqs chiffres,
[l'extension énorme qu'ont éprouvée toutes
jless consommations, et, par conséquent, l'a
mélioration notable qui en est résultée dans
4ô-sort des populations laborieuses.
i Devons-nous être plus inquiets pour l'ave
nir ? Nous ne le pensons pas, pourvu toute
fois que des tentatives insensées ne viennent
pas interrompre le cours de cette améliora
tion progressive. En effet, si notre territoire
'étendu et fertile pourvoit facilement, comme
le démontre M. Moreau de Jonnès, aux né
cessités du présent, ,il promet de satisfaire
avec non moins de facilité à l'accroissement
de la population pendant tout l'avenir qu'il
est possible d'embraser. Il représente cent
cinquante ares de terre par habitant,- soit
moitié en sus de l'Angleterre, et près du dou
ble dé la Belgique .-Notre agriculture est d'ail
leurs encore: bien loin de rendre tout ce qu'on
peut lui demander, et si l'on veut se rappeler
que déjà,.sous l'influence des progrès réalisés
depuis soixante ans, elle produit trois épis de
blé au lieu de deux, on en concluera qu'elle
ne sera pas embarrassée de nourrir les nou
veaux travailleurs que le ciel peut lui er/viver
d'ici à^de,longue^ anné r n
! ,-Nous pouvons annoncer que le «tableau des
produits et ' revenus indirects pendant Fan-;
nee'l 8i9j, tablçàiijqui (lôit paraître demain
jdans le journal officiel, présentasur l'année
i!848 une -augmentation de près de 25 mil •
3iolis^'rnaljgi < ê 1> réduction, des deu^ tiers do
l'impôt ^ùr le sel et la.diminution du tarif des
•lettres, qui 1 représëntent une perte de 59 mil-
IliOfl?. L'excédent sûr, Ifs pi:évisiops du buà-
g'ét est de plus de 4 millions. L'augmentation
f^^^rnffipSlémërirsuf'les drôils' d'enrë-
gistrexnent,. Ije timbre, les douanes et les
Iboissfins, ..,. . .r ■ ' • . .
Nous avoiis pensé qu'il n'était pas sai s in
térêt de retracer^ de temps à autre, le mou
vement d'idées qui se manifeste dans la pres
se: des,départemens. Le journal le plus dé
centralisateur, l'Opinion publique, devrait ap
prouver l'importance que nous attachons à
ces manifestations de l'esprit public en pro
vince. Quand on veut l'indépendance admi
nistrative, il faudrait encourager une certaine
indépendance dans les organes de la publicité
poli'ique. Cependant, l'Opinion publique est
au"premier rang des journaux qui nous atta
quent à propos de cette revue. Nous ne ré
pondons pas à ceux qui nous reprochent de
ne reproduire que des articles empruntés à la
pressé modérée. C'est en effet le seul travail
que nous ayons voulu faire, et nous l'avons
dit. Que d'autres fassent un résumé des jour
naux socialistes , si cela leur convient. Nous
nous restreignons, quant à nous, volontaire
ment, à n'exposer que les questions traitées
par les journaux appartenant aux diverses
nuances de l'opinion modérée.
Nous avons fait voir que la presse provin
ciale abordait beaucoup de 'questions, que,
pour notre part, nous n'avons jamais abor
dées. C'est, selon nous, en quoi consiste l'inn
térêtde notre travail. Cela montre que les
jbùrnaux de.province ont leur originalité. Il
est: par, conséquent assez étrange qu'on nous
attaqué, : comjnè si nous nous étions appro
prie les' dpimon^ flivepsisp .exprimées par les
nombreux journautiir^iïô^ nous citons. Il
EtV a,' qu'Ain! ppj ri^dif& '^bur montrer
a&gujpl 1^6} 1 pfe'ridre v com-
àde. inotuûi-çpropre ïpeûséft».
vue ; c'est -qjiachacun de'ces,journaux^ ûU.
peu-S'en faiit, i'fi" ùn avis particulier su^léâ 1
questions trafics par tou's^grenons » ,'Jiiir.
exemple, la FÔvJâion de la Coiiétitution y ,1a
transformation itu»pouvoir piffejiéntiel : eh-
bien I chacun ^|u^;^'sontproc^âé.pour l'opé
rer. Si ces opinions,.queVnous' reproduisons
étaient les nôtres, nous aurions trois ou qua
tre avis différens sur la même question, trois
on quatre solutions contraires pour le même
problême.
Comment donc peut-on, après cela, soute
nir sérieusement que le Constitutionnel s'ap
proprie ce qu'il expose? L'Opinion publique
tranche, il est vrai, 1a difficulté. Parmi les
journaux qui ont tant d'idées différentes, il y
en a un qui est d'avis que la Constitution soit
révisée par ordonnance. C'est de toutes les
idées présentées dans les journaux.de pro
vince la plus téméraire, un de ,ces partis ex
trêmes pour lesquels on doit convenir que
nous avons toujours montré bien peu de goût,.
L'Opmion publique n'hésite pas à choisir pour
nous ; elle déclare que cet expédient déses
péré est le nôtre, lille en fait l'enfaiit de notre"
adoption. Aussi nous dénonce-t-çlle au pro
cureur de la République comme des viola
teurs de la Constitution. Ce n'est pas sérieux,
nous le savons bien ; car la conclusion du
long article de l'Opinion publique serait bien
plus coupable encore que l'opinion qu'elle
nous attribue. La seule solution possible, se
lon cette feuille, est dans le droit héréditaire.
Or,' l'expédient, qui n'est pas le nôtre, ne sup-
primeraitque la Constitution. L'expédient, qui
est celui de l'Opinion publique, supprime à la
fois la Constitution et la République. Au mo
ment où elle nous dénonce pour un délit,
elle en commettrait depx.
Nous répétons ici, parce que cela est vrai,
que nous n'adpptons nullement les opinions
qu nous avons résumées. Il nous sera per
mis d'ajouter que si la presse des départemens
traite des questions que nous ne traitons pas,
ce n'est pas notre faute. C'est la faute de
beaucoup de journaux, de Paris, qui présen
tent dans cesse la situation comme désespé-
îée, .qui; chaque jour, annoncent un coup
d'Etat .pour le lendemain; qui semblent ou
vrir ainsi, pour toute la France, la délibéra
tion sur les moyens de sortir delà crise
dont ils effraient journellement, le pays.
La-discussion'générale sur la loi de l'ensei-
ghemetit'a commencé .aujourd'hui. M. Bar
thélémy Saint-Hilaire a pris le premier la pa r
rofif/'ef n T â pu terminer son discours, rîont la
dernière;-partie a été renvoyée - à demain.
Nous--ne nous-.étonnons .pas que le temps ait
manqué à M. Barthélémy Saint-Hilaire ; il
traitait une des questions les plus importan
tes qui puissent occuper .une assemblée lé
gislative ; il représentait la minorité 'de la
commission, il apportait enfin dans cette dis
cussion les lumières d'un homme compé
tent, qui a pris part non-seulement à l'ensei
gnement, mais à l'administration de i'ins-
truction^nblique.
Aussi M*. Dupin a-t-il pu dire à quelques
impatiens que si le discours de l'orateur leur
paraissait long, il ne contenait assurément
pas de,longueurs. Néanmoins nous regret
tons que M. Barthélémy Sainl-llilaire, dans
l'intérêt même delà cause qu'il venait dé
fendre, n'ait pas sacrifié certaines parties de
son argumentation, qui auraient facilement
retrouvé leil? place dans la discussion des ar
ticles. La discussion générale qui. précède la
première lecture doit porter sur le fond mê
me de la loi ; elle doit en embrasser les ca
ractères généraux; et. c'est par l'examen de
ces caractères généraux que les orateurs doi
vent démontrer si la loi est, en subsUince,' ou
bonne ou mauvaise.
Quoique M.' Barthélémy Saint-Iïilaire se
soit restreint à discuter les divers titres de la
loi, il a été an\pné par le'nombre de ces titres à
soulever bien des questions; C'est sans doute
un peu la faute de la loi, qui devait avoir pour
objet d'organiser la liberté de l'enseignement
sous la surveillance de l'Etat, c'est à dire de
déterminer, les conditions auquelles chacun
pourrait enseigner, et qui est devenue, de dé
veloppement en développement, un code tout
entier. Mais c'est aussi un peu la faute de M.
Barthélémy Saint-Hilaire, qui s'est laissé aller
au plaisir de relever les endroits-viili^ftiMes,
toujours faciles à trouvertans une codifica
tion étendue. Philosophe par profession, il
p'ouvdit sans peine trouver les points fonda
mentaux du travail de la commission, et c'est
à eux qu'il devait surtout s'attacher, au début
de la discussion générale.
. Nousne pouvons pas suivre M. Barthélémy
Saint-Hilaire dans toute la série desesraison-
nemens, parce que le moment'n'est pas venu
de traiter toutes les questions spéciales qu'il
a soulevées, et parce que l'œuvre de la com
mission n'ayant pas été défendue aujourd'hui,
nous ne pouvons mettre le public en état de
juger entre les critiques de M. Barthélémy
Saint-Hilaire et les réponses de M. Beugnot et
de M. Parisis. Du reste, tous les reproches que
l'orateur aujourd'hui entendu adresse à la
loi, nous paraissent découler de deux objec
tions principales que nous allotik résumer.
La loi, selon l'orateur, établit entre l'État
et la société une opposition imaginaire. L'Etat
émane de la société, il en est le représentant
et l'instrument. C'est la société qui administre
elle-même l'instruction publique par l'inter
médiaire de l'Etat, comme elle administre par
le même intermédiaire les finances, ou la
justice, ou la marine de la France. L'Etat
n'a donc pas d'intérêt distinct de la société ;
quand la société prend des garanties contre
l'Etat, c'est contre elle-même qu'elle les
prend : elle est conduite par une logomaehie
à une contradiction. C'est là, suivantM. Saint-
Hilaire, ce que fait la loi de la commission.
Elle organise la surveillance de l'Etat sur les
écoles, et., au nom.de la société, elle
réclame des garanties contre la surveil
lance de l'Etat, et, par le moyen de ces ga
ranties , elle rend la surveillance illusoire :
elle détruit donc sans cesse d'une main ce
qu'elle fait de l'autre. C'est là, selon M. Saint-
Hilaire, 1'expliçation du personnel choisi pour
composer le conseil supérieur et les conseils
académiques. L'article de la Constitution veut
que ces conseils aient la surveillance des éco-
les, et la commission la leur donne; mais au
nom des garanties nécessaires à la société,
contre l'Etat, la. commission compose les con
seils de telle façon que l'élément compétent
e^ utile y est absorbé par les élémens étran
gers, et parasites. L'élément enseignant, en
très faible minorité dans le conseil supérieur,
est réduit au recteur seul dans le conseil aca
démique. Venons maintenant à la seconde
critique de M. Saint-Hilaire. ;
Le projet de la commission, au lieu de se
borner à régler, lîexercice d'une liberté, dé
truit l'égalité, qui.est le fondement niême de,
là liberté. Il ne fait à tous ni les mêmes con-
ditions, ni des conditions égales. Pour l'ins
truction secondaire, et plus encore pour l'ins
truction primaire, la commission met en pa
rallèle les établissemens de l'Etat et les éta-
blissemens privés, ot au lieu d'assurer 'seule
ment à ceux-ci le droit d'une libre et loyale
concurrence, elle astreint les premiers à tout
un ensemble de conditions onéreuses dont
elle affranchit les seconds. Les établissemens
publics sont assujettis pour leur personnel et
jusque pour le matériel à des conditions que
les établissemens privés peuvent--s'exempter
de remplir. Les'fonctionnaires publics sontas-
treints à des examens, h. des grades , à une
durée de services dont les employés des mai
sons privées sont dispensés. Enfin l'Etat peut
être appelé à subventionner dans une certai
ne mesure les maisons destinées à faire con
currence aux siennes. Le projet de la commis
sion, suivant M. Barthélémy Saint-I-Iilairp,
renverse donc l'égalité, et doit aboutir com •
me dernière conséquence à la destruction des
établissemens publics en Fi ance.
Voilà quel nous parait avoir' été le fond
même de l'argumentation de l'honorable
orateur. L'épuisement de ses forces et la fa
tigue de l'Assemblée l'ont déterminé à ren
voyer à demain le reste de ses considéra
tions. M. Parisis a demandé la parole pour
lui répondre.
La chambre piémontaise a voté la ratifica
tion du traité conclu avec l'Autriche. Le dé
bat a'été très animé. Les joiirnaui du pays
sont remplis des détails de cette séance. L'op
position a pris à partie M. d'Azeglio, le glo4
rieux blessé de Vicence, qui a prouvé 1 , lui,
son patriotisme, non par de vaines bravades
oratoires, mais en versant son sang sur le
champ de bataille. - u ■ ■ .
L'opposition voulait encore, mais cette fois-
ci d'une manière indirecte, imposer pour
condition de son vote la naturalisation en
masse des réfugiés. Le ministère a loyale
ment répondu qu'il n'existait pas de traité se
cret relativement aux réfugiés, et que le
traité authentique ne permettant pas l'extra
dition des réfugiés politiques, le gouverne
ment ne pouvait pas accepter les conditions
qu'on prétendait lui imposer.
La nouvelle chambre a dédaigné les cla
meurs d'une opposition déclamatoire. L'hon
neur d'un pays malheureux consiste à subir
avec une résignation silencieuse une situa
tion à laquelle il lui est impossible de se sous
traire.
» m min« .
La : commission du budget s'occupe très
activement en ce moment de coordonner et
de régulariser les diverses parties composant
le budget des dépenses ; cependant elle n'es
père pas que le rapport puisse être déposé
avant quinze jours.
M. Léon Faucher a déposé une proposition
tendant à modifier l'article 23 du règlement
de l'Assemblée, en -réduisant de trente à
quinze le nombre des commissaires chargés
de l'examen des recettes et des dépenses.
La commission chargée de l'examen du
projet de loi relatif à l'augmentation de soldé
des sous-officiers do l'armée de terre, a temi
aujourd'hui une longue séance, qui a été
consacrée à entendre l'opinion de chaque
membre. Elle a décidé qu'elle garderait la
secret sur ses délibérations.': - > • ■ !,
M. Dahirel a déposé une proposition ainsi
conçue :
« Art. 1»'. Lorsque le Préiidcnt de la Républi
que enverra un message à l'Assemblée nationale,
le message sera imprimé et distribué immédiate
ment..
» Les bureaux seront convoqués dans les vingt-
quatre heures, à l'effet d'examiner l'acte émanant
au'chef du pouvoir executif.
» 2. L'ordre du jour des bureaux posera cette
seule et unique question : Y a-t-il lieu de nom
mer une commission chargée d'examiner le mes
sage et d'y répondre?
» 3. En eas d'affirmative, chaque bureau nom
mera un commissaire. Si la majorité des bureaux
a été d'avis d'examiner et de repondre, ceux des
bureaux qui se seraient prononces pour, la néga
tive seront convoqués à nouveau, et nommeront
un commissaire.
» K. La commission présentera son rapport dans
les trois jours de sa nomination.
» Si les conclusions du rapport, prises aux deux
tiers des suffrages, portent qu'il y a lieu de ri-
poudre au message, un projet de rédaction accom-
pagnfe'ra le rapport, et la discussien s'ouvrira sur-
le-champ.
» Si les conclusions portent- qu'il n'y a lieu à
répondre, l'Assemblée sera consultée sans dé
bats. »
Cette proposition a été renvoyée à la com
mission de l'initiative. !
M. Bocher (du Calvados) a déposé , sur le
bureau de l'Assemblée , des observations de
société de médecine de Caen, relatives à la
disposition du projet de loi sur les patentes
qui concerne les médecins.
Une proposition relative, aux transportés do
juin 1848 et aux prévenus de juin *1849 avait
été déposée par M. Lagrange. On a distribué
aujourd'hui a l'Assemblée le rapport fait pafl
M.-Poujoulat, au nom delà sixième commis
sion d'initiative parlementaire, sur cette pro->
position.
Nous croyons devoir reproduire ce rapport i
« L'honorable M. Ch. Lagrange, qui, plus d'unci
fois du haut de la tribune, a appelé votre intérêt
sur le sort des transportés de juin, vient de for-;
muler une proposition »ù se trouvent catégori
quement exprimés tous ses vosux à l'égard, des,
détenus politiques. Invité à se rendre au sein de
votre commission d'initiative [four donner les ex-,
plications qu'il jugerait convenables, notre hono
rable collègue a complété de vive voix la pensée
indiquée, par le .texte de sa proposition. 11 de
mande qu'il soit dressé un état général: des ci-.!
toyens arrêtés en juin 1848, et remis depuis eiï
liberté, avec les causes de leur arrestation et les?
causes de leur libération; uu autre état général,
de ceux qui n'ont pas étégràciés, et une indication
précise relative aux repris de justice qui figurent
parmi les transportés. M. Lagrange voudrait -en
suite qu'une commission de quinze repi ésentans,
tirée au sort parmi les membres de l'Afsemblée, se
livrât à une enquête dont le, but serait la mise en,
liberté des, détenus de Belle-lsle non repris de,
justice, et lq mise en jugement des individu? qui
ont des antécédens judiciaires. Cette commission
parlementaire serait aussi chargée de faire con
naître la situation physiquc'ct morale des trans
portés-; elle comprendrait dans ce même examen
les prévenus de juin 1849, et tous les citoyens con».
damnés pour faits politiques par les tribunaux
exceptionnels. Là no se bornent point les préoc
cupations de l'honorable.M. Lagrange. 11 demande
un rapport largement étudié sur la situation des
familles des transportés libérés ou encore rete
nus, familles dont la plupart, dit-il, ont été rui
nées par l'incarcération du chef de la communau
té : il conclut à la création d'un fonds de secours
pour les plus maltraités et les plus méritans. Tel:
est l'ensemble de la proposition soumise à l'exa
men de votre commission d'initiative; voici son
avis en peu de mots:: -
» Pourquoi demander à M. le ministre de Tinté-'
rieur le double état général dont il est question
dans l'article premier de la proposition ? Ou serait
l'intérêt de la publication d'un tel tableau? 11 est
fort douteux que tous les individus arrêtés en juin'
1848 et relâchés ou graciés fussentbien aises de se
voir ainsi exposés aux reg.'irds du pays; et d'a ; lleui s-
n'est-il pas plus utile et plus bienveillant de laisser
ces milliers de noms d^ns les ténèbres des dos-;
siersi? ,11 y a toujours quelque danger à toucher
sans nécessité à ces souvenirs encore vivans de
nos guerres civiles. La pacification des esprits doit
être notre œuvre à tous. L'honorable auteur de la
proposition, dans sa sollicitude pour les prison'-"
niera.juin de 1848, désire un relevé sommaire des
causes de leur arrestation et de leur libération.
Les laits et les résolutions de celte nature empor
tent avec eux leur réponse. L'arrestation suppose
une grave présomption de culpabilité; la libération
révèle le travail de l'équité,- de l'indulgence ou de
la miséricorde. Nul d'entre nous ne peut ignorer
ce qu'ont .-iccoinpli les huit commissions militai
res, les onze commissions de clémence, et, en der
nier lieu, la commission des mises en liberté, qui
se rendit elle-même sur les pontons.
,» Les plus larges inspirations le l'humanité
avaient réduit à 1,221 le nombre des détenus de
jûin -itJ48; c'est ce reste de l'insurrection de juin
qui fut envoyé à Bc.llc-lsle.Ln gouvernement avait
soumis à l'Assemblée un projet de loi pour établir
en Algérie ces 1,221 détenus ; une commission
nommée, dans vos bureaux avait accepté ce projet
de loi, et le rapport allait être discute, lorsque M.
le ministre de l'intérieur, montant à la tribune,
annonça que 700 des détenus deBelle Isle venaient
d'être grâciés" par le chef du pouvoir exécutif.
Cette mesure, qui n'exceptait que les plus incorri
gibles et les repris de justice, donnait à la ques- •
tion une face nouvelle, et la commission de la
transportation en Algérie obtint de vous; Mes
sieurs, qu'elle délibérerait de nouveau sur le pro
jet de loi. Le gouvernement a continué à deman
der que les oOO détenus restés à Delle-lsle soient '
établis en Algérie. La commission de transporta
tion, qui a déposé son dernier rapport, conclut à
l'adoption de la pensée du gouvernement, sauf
quelques modifications de détails, et vous aurez
prochainement à vous prononcer sur .cette grave
affaire.
» C est dans cet état de choses que l'honorable
M. Lagrange reclame là mise en liberté immédiate
des détenus de Belle-lsle non repris de justice, et
la n se en ingénient de ceux quront des antécé-
de:r judiu ires. Vous vous trouverez saisis, Mes
sieurs, de la question même que soulève notre hnor.ible collègue; bientôt, dans votre puissance
politique, vous aurez à statuer sur le sort de ces
derniers restes, que les plus persévérans efforts
de ciemence n ont pu rtndie à la liberté- D'ici là,
il ne saurait etrenomméderommission parlemen
taire pour sat sf re cette part 1 l proposition
de 1 honorable-Al. Lagrange. Quant aux prévenus
de juin 18i9 qui se trouveraient prisonniers, soit
à Lyon, soit dans les départemens encore soumis
à 1 état du siege, la justice a eu ou doit avoir son
cours conformément aux lois, 'et l'Assemblée n'a
pa» a iniervumr a cet égard pour s'occuper de la
situation physique et morale des individus inculpés
ou condamnés. . ,
» Les sanglantes discordes civiles mènent à leur
suite de grandes misères! Une insurrection comme
FEUILliiM 15JANV.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE. '
les torcherons , opéra-comique en trois actes;!
.paroles de M. Sauvage^ musique de M. Grisar.
"L'action s'engage vite et bien, par un bon coup,
d'éjïée, donné par. un domino, gris , reçu par, un
doiiiino 'noir, au sortir du bal ! de l'Opéra, Nous
sommes en plein Louis XV. Le jour commence à
poindre. Le domino gris ne veut point se dénias r
quer, mais ses deux témoins jurent sur leur foi de.
gentilshommes qu'on peut, sans déioger,„jcreiser,
le fer avec lui. Cela étant,.les deux adversaires ^e
font, de part et d'autie , une profonde révérence
et disparaissent par une allée du. bois de Boulo
gne. Les curieux s'ameutent. On'entend le cliquer,
tis des épées; le combat ne dure que quelques se.y
eondes. Le domino gris s'élojgne .pour se mettre.à
l'abri des poursuites; car M. le lieutenant-général de
police n'entend pas raillerie sur le duel. Le do
mino noir revient sur la scène pour panser sa
blessure. C'est un nabab, un mulâtre,, une espèce
de Lugarto aux passions ardentes, au cœur .dépra
vé, remuant les rubis à la pelle et cousu de mil
lions. Ce séducteur au teint de réglisse est, venu
en France dans l'intention honnête et avouée, d'a
cheter tout ce qui était à vendre, et rien jusqu'ici
n'a résisté à sa volonté,*! son or. A bonnait le prix
courant des dévoùmens les plus sincères, des plus
solides vertus, des consciences les plus incorrup
tibles! Tout plie, tout s'incline devant la formi
dable puissance d'une-fortune dont on ne connaît
ni la source ni les bornes. Mais voilà une jeune
iet jolie-évaporéé; une veuve à la fleur de!âge et
de? caprices, la séduisante marquise de Bryane,
puisqu'il faut la nommer, qui s'avise tout à coup
de mépriser le. nabab et ses trésors. 11 faut que
cette rébellion sans exemi le soit punie par une
vengeance exemplaire. Des: Bruyères,; tel est le
nonr du mulâtre, a parié dix mille louis, ni plus
■ni moins, que: la; belle marquise... Vous savez ce
qu'on pariait sous S. M; Louis XV.
Et pour aller, droit au fait-, l'entreprenant Des
Bruyères a Voulu, cette nuit même, enlever Mme
de Bryane au< bal de l'Opéra. Mais le maudit do
mino gris, s'attachant aux'pasde la marquisa avec
bne discrète et persévérante sollicitude,* déjoué-les
projets du ravisseur, et l'a saigné tout-à-I'heure
au- bras par-dossus le marché. N'importe! les mil
lions'du nabab n'en auront*pas le démenti; Comme
il renouvelle à part lui "ce .serment d'Annibal,
voici une ravissante amazone qui, par une fantai
sie de jolie femme ou par un intérêt plus puissant,
vient faire un tour au bois, quand le soleil n'est
pas encore levé à l'horizon. Ce charmant pastel,
vous l'avez deviné, n'est autre queMmede Bryane,
qui se fait suivre dans sa course insolite et mati
nale par deux de ses parens de province , le vi
comte et lavicomtesse de Jolicourt, deux incom
parables types de candeur, de noblesse et de di
gnité: Je soupçonne un peu ces braves gens de vi
vre aux dépens de la jeune veuve. Mais ils n'en
sont pas moins à plaindre d'être contraints d'obéir
à teut ce qui peut passer de felies, d'extravagance
et de caprices parlacervelle d'une enfant gàtée.Rien
de plus risible pt.de plustOucliant à la fois que l'air
dç gravité, la résjgnation„ la Viécencc de ces deux
victimes^ Le .viçomte est un .cavalier accompli. J1
fait çle la tapisserie à ravir, ..ot • monte un cheval
de son lige avec une grâce, une aisance, .une bra
voure héroïque. La, vicomtesse pourrait dompter
biep des cœurs,; mais une réputation sans tache,
une fidélité inébranlable, et l'espoir éternellement
déçu d'avoir un héritier de son vicomte, en font
la perle des vicomtesses et le modèle des épouses.
Il faut voir l'étonnement de la digne femme, ses
exclamations naïves, sa pudeur alarmée, quand
elle apprend de la bouche de sa cousine la mysté
rieuse existence d'un ange, d'un protecteur in
connu qui veille incessamment sur la jolie veuve,
l'arrache aux dangers qui la menacent, et dis
paraît quand le péril est passé. — Vous me con
tez là, ma jolie cousine, dit la vicomtessG, au com
ble de la stupéfaction, une histoire bien plus in
croyable que tous les romans que j'ai lus. Quel
peut être ce galant invisible? On m'a aussi fait la
cour bien souvent, mais on s'est toujours mon
tré. — Rien n'est plus vrai cependant, répond la
cousine. Rappelez-vous ce voyage où j'ai pensé
mourir, étouffée par une émeute. Qui m'a soule
vée dans sa main comme une plume légère ? C'est
lui ! mon protecteur inconnu ! Souvenez-vous de
cc canot qui sombra tout près du rivage. Qui nous
sauva d'une mort certaine ? C'est lui! mon ange
invisible! Et cette nuit, quand ces affreux mas
ques se pressaient autour de moi, dans des inten
tions trop faciles à deviner, qui les a dispersés du
geste et m'a ramenée saine et sauve dans vos bra t s?
C'est lui ! toujours lui!
Lé fait est qu'à l'instant môme, et comme pour
ajouter une preuve nouvelle au récit de Mme de
Bryane, le cheval de la jolie veuve ayant pris le
mors aux dents, est arrêté par une main vigoureuse
au bord du précipice, et on sauve pour la vingtiè
me fois les jours de l'imprudente amazone. La
belle évanouie est portée sur un'-banc; ses
gens s'empiessent autour d'elle, le vicomte et la
vicomtesse poussent des cris de douleur, ce qui
n'est pas mal pour des collatéraux qui auraient pu
hériter. Un jeune homme d'un air modeste, en
costume de paysan ou d'ouvrier,se tient près de la
marquise, et parait suivre ses mouvemens avec la
plus vive anxiété : c'est le protecteur mystérieux
qui vient d'arrêter le cheval de Mme de Bryane;
mais au moment où la jolie veuve rouvr/-. enfin
les yeux et reprend connaissance, le jeune homme
se perd dans la foule, au grand regret du vicomte,
qui,toujours digne, toujours généreux, avait tiré sa
bourse pour rémunérer le manant de sa coura
geuse action. Mais ce garçon, qui ne paraît pas
manquer de fierté, refuse l'argent du vicomte, et
dit qu'un jour peut-être il viendra réclamer sa ré
compense.
Ce jour n'est pas loin, comme vous allez voir.
Le jeune homme se présente avec un rabot dans sa
poche et une scie sous le bras chez Mme de Brya
ne, et, malgré la consigne sévère qui ferme à tout
le monde l'appartement de la marquise, encore
indisposée des suites de son accident, il demande
à être introduit auprès d'elle. La camériste lui rit
au nez pour toute réponse. Mais l'ouvrier, très
fertile en ressources et très expéditif de son natu
rel, se'saisit d'une sonnette et carillonne avec tant 1
d'acharnement, que bientôt toute la maison est
sur pied. M. le vicomte arrive en robe de nuit,
Mme la vicomtesse, en pet-en-l'air. '— Qui êtes^
vous? que voulez-vous? que veut dire ce vacar
me? s'écrie le Jolicouit indigné. — Je viens de
mander ma récompense, répond l'inconnu éa
riant. Avez-vous déjà oublié que j'ai eu l'honneur
de sauver Mme la marquise?—Eh bien! voici de
l'argent, et làissez-nous tranquilles. — Je .ne veux
point d'argent, réplique le jeune ouvrier, je veux
de l'ouvrage.
Nous avons vu le moment où Mocker allait de
mander le droit au travail avec accompagnement
de violons et de flûtes; mais, grice à l'esprit de M.
Sauvage et au talent de Grisar, au lieu d'une dé
clamation maussade, nous avons eu une jolie sccne
et un charmant quatuor. Vous pensez bien que ce
n'est point pour briser uu émail ou pour déranger
un coffret que le bon génie de Mme de Bryane s'est
armé d'un ciseau et d'une scie. Un nouveau dan
ger, plus grand, plus terrible que les autres, me
nace la jeune femme, et voilà pourquoi M. An
toine est accouru en veste grise et en tablier d'é
béniste. En effet, l'affreux mulâtre ne tarde pas à
paraître, précédé de deux nègres et de deux cor
beilles, que l'ouvrier lui-même se charge, par un
excès de complaisance, de remettre à leur adresse.
La première est destinée à la respectable vicom
tesse : les fleurs en sont magnifiques, mais sans
odeur; la seconde est pour la marquise, et, sous
les fleurs les plus embaumées, se cache, en ma
nière d'aspic, un billet de la plus perfide dou
ceur. M. Antoine, qui sait tourner un couplet
beaucoup mieux qu'un dossier de fauteuil, rem
place adroitement le billet du nabab par une ro
mance de sa façon. Le mulAtrene se tient pas pour
battu. 11 sème l'or à pleines mains, corrompt les
gens de la marquise, et se glisse hardiment dans
le boudoir. Un bruit de pas se fait entendre. C'est
ce bon M. de Jolicourt qui vient s'assurer par lui-
même que ses ordres ont été respectés et qu# pas
une ame vivante n'a osé, em son absence, péné
trer chm ces dames. Le Des Bruyères, qui s* croit
surpris, va se blottir sous une robe à paniers de la
marquise. La situation ne laisse pas d'êtr# bizarre;
mais que ne braverait-on pas pour se trouver en
tete-à-tète avec use femme si dédaigneuse et si
fière qu'on croit enfin tenir en sa puissance? Mme
de Bryane, enfermée chez elle et se croyant par
faitement seule, est tirée tout à coup de sa rêverie
par un frôlement d'étofics et un soupir mal étouffé.
Le. nabab croit le jnoment venu: il veut sortir de sa
cachette ut s'embarrasse dans les paniers. Le cri de
terreur qu'allait pousser la jeune femme est arrêté
sur ses lèvres par un immense éclat, de r ire. Le
mulâtre est si confus, si penaud, dans son grotes
que accoutrement, que la gaité de la jeune femme
s'épanche en des transports inextinguibles. Ce
rire argentin, vibrant.saccadé, qui tantôtmurmure
et serpente comme un ruisseau contenu dans ses
bords, tantôt jaillit en fusée ou éclate en tonnerre
parcourant ainsi toute la gamme .depuis les
sons les plus graves jusqu'aux, notes, les plus
aiguës, est pour le vaniteux Des Bruyères iine in- •
dicibletorture. 11 jure, en grinçant des dents, que
les rieurs seront bientôt de son côié, et pour se
venger de cette st'ène humiliante quia pour témoins
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 92.42%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 92.42%.
- Collections numériques similaires La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
- Auteurs similaires Véron Louis Véron Louis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Véron Louis" or dc.contributor adj "Véron Louis")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6688112/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6688112/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6688112/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6688112/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6688112
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6688112
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6688112/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest