27 AOUT 1921 LE GÉNIE CIVIL 193
leurs équipages sont moins exigeants et plus disciplinés que
ceux des autres contrées.
Les considérations qui précèdent s'appliquent d'ailleurs à
toutes les industries allemandes. C'est ainsi que les exportations
de produits manufacturés allemandes ont atteint l'année dernière
1 670000 tonnes, dont 369 000 tonnes de machines.
Dans les cercles industriels anglais, il a été fréquemment
affirmé que les salaires payés en Allemagne n'étaient pas supé-
rieurs aux prix d'avant-guerre, compte tenu du change avec
1 Angleterre. Or, la valeur du mark est à 1 heure actuelle d'en-
viron un penny, c'est-à-dire le douzième de sa valeur d'avant-
guerre, par rapport à la monnaie anglaise.
Voici les salaires payés, d'après la Gazette de Francfort :
Mécaniciens et travailleurs de métaux, 6,60 marks par heure;
Ouvriers de grosse industrie chimique, 6,40 marks par heure;
Cheminots et briquetiers, 5,90; tisseurs, 5,14; poseurs de briques
et charpentiers, 7 ; caoutchoutiers, 6,40 ; brasseurs, 2,75 ; tail-
leurs, 6,25; cordonniers, 6; peintres, 6,90.
Comparés avec les gaw's d'avant-guerre, ils représenteraient
en apparence une augmentation de 1150
En réalité, un mécanicien pour une journée de 8 heures recevrait
50 marks ou l'équivalent de 4 shillings 5 deniers ; un employé de
chemin de fer 47,2 marks ou 4 shillings par jour, et de même
pour les autres groupes.
Bien que le pouvoir d'achat du mark en Allemagne soit légè-
rement plus haut pour l'achat des produits indigènes que pour
les produits importés, ce fait ne produit aucune différence maté-
rielle et les points essentiels prouvent que l'industrie allemande
jouit d'un tarif de salaires remarquablement bas, comparé à celui
des autres contrées.
Elle possède en outre de très nombreux ouvriers désireux de
travailler pacifiquement, s'ils ont la possibilité de trouver des
emplois.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les Allemands aient pu
faire un grand pas en avant pour récupérer leur commerce perdu,
leurs relations commerciales, et qu'ils puissent lutter contre les
autres nations dont l'industrie est handicapée par d'incessantes
grèves, bien que leurs ouvriers soient beaucoup mieux rémunérés
que les travailleurs allemands.
A. POIDLOUË,
Capitaine de vaisseau en retraite.
TRAVAUX PUBLICS
CONSTRUCTION D'UN PONT SUSPENDU DE 533m 40 DE PORTÉE
sur la Delaware, à Philadelphie (E.-U ).
On doit commencer prochainement, entre Philadelphie et
Camden, la construction d'un pont suspendu de 533m 40 (1 750
pieds) d'ouverture, qui sera le plus grand pont suspendu con-
struit jusqu'ici. Comme le Génie Civil l'a signalé récemment, à
propos du projet de
pont suspendu de 987
mètres de portée, sur
l'Hudson ('), les plus
grands ponts de ce
type en service jus-
qu'ici sont ceux de
Brooklyn (486m 30) et
de Williamsburg
( 486m40 ), à N e\v-York,
sur l'East River. Un
progrès sensible sera
donc réalisé par la
construction du pont
de Philadelphie, en
attendant la construc-
tion de celui de l'Hud-
son, qui n'est d'ail-
leurs pas encore abso-
lument décidée.
Le nouveau pont
sera le second ou-
FIG. 1 et 2. — Aspects comparés du pont suspendu et du pont cantilever
proposés pour la traversée de la Delaware.
vrage du monde au point de vue de la portée, le plus grand étant
jusqu'ici le pont cantilever de Québec, de 547 mètres d'ouver-
ture ('). En troisième seulement viendra le célèbre pont du Forth,
dont la travée principale, également cantilever, a 518 mètres
d ouverture. Cet ouvrage, construit de 1882 à 1889, a été long-
temps le plus grand pont du monde (3).
Des études comparatives très approfondies ont été faites entre
le projet de pont suspendu qui va être mis à exécution et un
projet de pont cantilever de même portée. Les figures 1 et 2,
empruntées, ainsi que les suivantes, àl Engineering News-Record,
du 23 juin, permettent de comparer l'aspect de ces deux projets.
La solution d'un pont en arc a été écartée à cause de la grande
profondeur à laquelle se trouve le sol solide susceptible de
porter les culées d'un tel ouvrage.
Le pont suspendu a été adopté comme devant être le plus
économique, et devant comporter, d'autre part, la moins grande
surface métallique exposée aux intempéries. Les poids res-
pectifs de métal prévus étaient de 47000 tonnes pour le pont
cantilever, et' de 33000 tonnes seulement pour le pont suspendu.
La dépense prévue pour l'édification du pont suspendu est estimée
à 28 871 000 dollars, dont 22 479 000 pour la construction propre-
ment dite de l'ouvrage, et le reste pour l'acquisition des terrains
nécessaires et pour tous autres frais. Le choix du type de pont a
été décidé par une commission d'ingénieurs spécialistes, com-
posée de MM. Ralph Modjeski, George S. Webster et Laurence
A. Bail. Leurs investigations ont duré six mois, et ont largement
porté sur le choix de l'emplacement du pont, rendu difficile par
l'encombrement des rives. Ils ont estimé que le pont suspendu
coûterait environ 2 millions de dollars de moins qu'un pont
cantilever, et qu'il pourrait être achevé plus rapidement. Un
autre avantage du pont suspendu serait de se prêter éventuelle-
ment à un agrandissement dans le cas d'augmentation du trafic.
Entre Philadelphie et Camden, la Delaware a une largeur
d'environ 825 mètres, et une profondeur moyenne de 15 mètres.
La navigation est relativement peu active, mais la nature du lit
du fleuve s'oppose à l'édification de piles intermédiaires.
Le nouveau pont doit avoir, comme nous l'avons dit, 533m 40
de portée libre, et 1078 mètres de longueur totale. Le tablier
aura une largeur totale maximum de 38m 25 (fig. 3) ; il doit per-
mettre le passage de six véhicules, et, à cet effet, la largeur de la
chaussée est de 17m35 (57 pieds). Quatre voies ferrées sont,
de plus, disposées latéralement, dont deux en porte à faux par
rapport à la suspension des pièces de pont transversales. Les
trottoirs réservés aux piétons sont surélevés, disposés au-dessus
des voies ferrées intérieures.
(1) Voir le Génie Civil du 25 juin 1921 (t. LXXVIiI, no 26, p. 548).
- 1 -1 -- .J 1- _--_1 >Ifl.nro
(2) Voir la description du pont de Québec dans le ueme utvt, ut.:" * avru iuua
(t. LI, no 24), 14 octobre 1916 (t. LXIX, n' 16) et 17 novembre 1917 (t. LXXI, n° 20).
(3) Voir, au sujet du pont du Forth, plusieurs articles du oeme MVU, notamment
dans les numéros du 21 mars 1885 (t. VI, n° 21, p. 325), du 19 mai 1888 (t. XIII, no 3,
p. 36) et du 28 décembre 1889 (t. XVI, n° 9, p. 211).
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