Titre : Notre rive : revue nord-africaine illustrée
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1928-04-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32825385p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 1324 Nombre total de vues : 1324
Description : 01 avril 1928 01 avril 1928
Description : 1928/04/01 (A2)-1928/04/30. 1928/04/01 (A2)-1928/04/30.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6372367p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-62734
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
a & a A 3 691*
V* :
?IW-àaw wwwqw :
les séguias. A demi mort il vint demander l'hospitalité à une
hutte de l'Agrour n'Taratt.
C'est cela, Sidi Mohamed ?
Tu ne connais pas l'Agrour n'Taratt ?. Non, tu ne
connais pas.
Maintenant je demanderai a vous tous, ô IchMaïn !,
ce que vous feriez si un bandit venait chercher asile ici.
Les lois de l'hospitalité sont sacrées, dit gravement
l'homme h la djpllaba verte. Le malheureux qui. fuyant, se
réfugierait ici pourrait dormir tranquille. Que je devienne
aveugle plutôt que de le livrer!
Nous sommes avec toi, répondirent les autres. »
Si Mohamed secouait la tête et, aspirant bruyamment,
vidait a petits coups pressés
son verre de thé fumant.
Zaboul continua :
« Malheureusement Tal-
kout ne se confia pas a des
gens tels que vous. »
Il y put un silence lourd.
Un vague malaise régnait a
présent dans cette étroite
masure.
Au dehors la neige resplendissait sous l'éclat blafard de
la lune. Les chacals et les renards jetaient d'aigres hurle-
ments dans la nuit claire.
Après l demanda le cawadji. Tu as laissé refroidir ton
thé, Zaboul. Alla rbbi ! tu es un fin conteur. Afak ! tilok.!
Zaboul.
J'achève, amis :
L'homme ch< z qui Talkout s'était réfugié n'eut rien de
plus pressé que de garrotter le malheureux pendant son
sommeil ; puis il alla chercher les mokhaznis du Caïd.
Est ce vrai Si Mohamed ? »
Avec un cri de rage, le poignard haut, Mohamed s'élança
sur Zaboul. Les fellahs n'eurent que le temps de le saisir.
Zaboul n'avait pas bougé. Le calme revenu, le simple
reprit :
« Pourquoi te faches-tu, Si Mohamed ? Mon histoire n'est
pas la tienne. Allah sait qui dit la vérité. Je répète ce
qu'on m'a raconté. Pourquoi vois-tu une offense dans mes
paroles ? Je ne te prendrai plus h témoin.
J'aurais bien voulu vous faire rire, amis, mais je renonce
a y parvenir. Voici la fin.
Le jour où l'on devait couper la tète a Talkout, al.
irtthem Ithbi !! Que Dieu l'accueille en sa miséricorde U,
ma mère me conduisit voir l'exécution. Il y avait beaucoup
de monde devant la Kasbah du Caïd ; des gens venus des
quatre coins des Zemrans, des Sraghnas et des Glaouas.
J'avais peut-êire six ans ; c'était l'année où les gens de
Skoura et du Dadès pillèrent et incendièrent Demnat.
On amena le condamné ; il fut mis à genoux. Je regardais
le bourreau, a cause de son grand sabre à large lame.
Talkout, lui, regardait tranquillement la foule, comme s'il
cherchait quelqu'un dans les rangs pressés. Il semblait
insensible aux injures, aux quolibets, aux crachats, aux
pierres qu'on lui lançait.
Et puis je me mis à pleurer parce que la tête venait de
rouler sur le sable. ma mère aussi pleurait. Et une troupe
de prostituées poussèrent leurs' tassorit' aigus des joursde fête.
Le bourreau avait tremblé, car la lame avait sectionné le
cou si haut que la moitié du menton était enlevée. Comme
çb »
Et Zaboul se penchant rapidement passa le revers de sa
large main brune sur la gorge de Si Mohamed. L'homme
poussa un cri et porta les doigts à son cou.
« Mon histoire est-elle vraie, Si Mohamed? poursuivit
Zaboul, la voix rauque.
La femme de Talkout el Achaqour est morte de chagrin
et des traitements infâmes
que lui firent subir plus tard
les mokhaznis du Caïd
Driss. Le Caïd Driss est
mort.
Assassiné.
Oui, assassiné, et le
bourreau estaussimortassas-
siné. On n'a jamais décou-
vert le meurtrier. »
Et les hommes muets d'étonnement et de terreur en
écoutant le récit, fixaient le géant qui, les bras croisés sur
la poitrine, promenait ses regards de fauve.
Matlâ kii .'Qui es-tii donc "demanda enfin le montagnard
à djellaba verte.
Je suis Zaboul, Walla immoundan, celui qui voyage,
ricana Zaboul.
- Maudit sois-tu ! Maudite soit ta mère ! hurla Si
Mohamed. Affreux Zaboul ! Mais il est fou 1. Fou 1.
Fou !. Il a mangé des graines de tabourzikt !. Quelles
choses horribles n'invente-t-il pas ! J'ai cru que c'était le
sabre qui se posait sur ma gorge.
A-t-on idée, aussi, de laisser la parole a un tel être.
J'ai vu le démon dans ses yeux. Allah nous protège 1
Amin !
- Mais chassez-le I chassez-le donc ! Voyez comme il
nous regarde. Amis, tuons le maudit !
Il faut dormir, répondit Zaboul sans s'émouvoir.
Pourquoi es-tu sorti avec le fusil de Talkout? Je connaissais
cette arme, Sidi Mohamed. Il y a longtemps que je la
cherche, si longtemps 1 Il ne fallait pas la montrer, il ne
fallait pas la montrer.
A koun iâoun Rbbi ! Que Dieu nous vienne en aide I »
Et, claquant la porte, Zaboul disparut avec un rire de
dément.
Sur un caroubier deux oricous réveillés par le bruit
croassèrent et battirent des ailes. Des paquets de neige
glissèrent des branches surchargées. Une chouette hullula ;
de longs appels de renards pleurèrent au loin.
»
* *
La neige ne tombait plus. Zaboul avançait lentement ; ses
jambes nues enfonçaient et il grelottait. Les nuages voilèrent
un instant la lune.
- 15
V* :
?IW-àaw wwwqw :
les séguias. A demi mort il vint demander l'hospitalité à une
hutte de l'Agrour n'Taratt.
C'est cela, Sidi Mohamed ?
Tu ne connais pas l'Agrour n'Taratt ?. Non, tu ne
connais pas.
Maintenant je demanderai a vous tous, ô IchMaïn !,
ce que vous feriez si un bandit venait chercher asile ici.
Les lois de l'hospitalité sont sacrées, dit gravement
l'homme h la djpllaba verte. Le malheureux qui. fuyant, se
réfugierait ici pourrait dormir tranquille. Que je devienne
aveugle plutôt que de le livrer!
Nous sommes avec toi, répondirent les autres. »
Si Mohamed secouait la tête et, aspirant bruyamment,
vidait a petits coups pressés
son verre de thé fumant.
Zaboul continua :
« Malheureusement Tal-
kout ne se confia pas a des
gens tels que vous. »
Il y put un silence lourd.
Un vague malaise régnait a
présent dans cette étroite
masure.
Au dehors la neige resplendissait sous l'éclat blafard de
la lune. Les chacals et les renards jetaient d'aigres hurle-
ments dans la nuit claire.
Après l demanda le cawadji. Tu as laissé refroidir ton
thé, Zaboul. Alla rbbi ! tu es un fin conteur. Afak ! tilok.!
Zaboul.
J'achève, amis :
L'homme ch< z qui Talkout s'était réfugié n'eut rien de
plus pressé que de garrotter le malheureux pendant son
sommeil ; puis il alla chercher les mokhaznis du Caïd.
Est ce vrai Si Mohamed ? »
Avec un cri de rage, le poignard haut, Mohamed s'élança
sur Zaboul. Les fellahs n'eurent que le temps de le saisir.
Zaboul n'avait pas bougé. Le calme revenu, le simple
reprit :
« Pourquoi te faches-tu, Si Mohamed ? Mon histoire n'est
pas la tienne. Allah sait qui dit la vérité. Je répète ce
qu'on m'a raconté. Pourquoi vois-tu une offense dans mes
paroles ? Je ne te prendrai plus h témoin.
J'aurais bien voulu vous faire rire, amis, mais je renonce
a y parvenir. Voici la fin.
Le jour où l'on devait couper la tète a Talkout, al.
irtthem Ithbi !! Que Dieu l'accueille en sa miséricorde U,
ma mère me conduisit voir l'exécution. Il y avait beaucoup
de monde devant la Kasbah du Caïd ; des gens venus des
quatre coins des Zemrans, des Sraghnas et des Glaouas.
J'avais peut-êire six ans ; c'était l'année où les gens de
Skoura et du Dadès pillèrent et incendièrent Demnat.
On amena le condamné ; il fut mis à genoux. Je regardais
le bourreau, a cause de son grand sabre à large lame.
Talkout, lui, regardait tranquillement la foule, comme s'il
cherchait quelqu'un dans les rangs pressés. Il semblait
insensible aux injures, aux quolibets, aux crachats, aux
pierres qu'on lui lançait.
Et puis je me mis à pleurer parce que la tête venait de
rouler sur le sable. ma mère aussi pleurait. Et une troupe
de prostituées poussèrent leurs' tassorit' aigus des joursde fête.
Le bourreau avait tremblé, car la lame avait sectionné le
cou si haut que la moitié du menton était enlevée. Comme
çb »
Et Zaboul se penchant rapidement passa le revers de sa
large main brune sur la gorge de Si Mohamed. L'homme
poussa un cri et porta les doigts à son cou.
« Mon histoire est-elle vraie, Si Mohamed? poursuivit
Zaboul, la voix rauque.
La femme de Talkout el Achaqour est morte de chagrin
et des traitements infâmes
que lui firent subir plus tard
les mokhaznis du Caïd
Driss. Le Caïd Driss est
mort.
Assassiné.
Oui, assassiné, et le
bourreau estaussimortassas-
siné. On n'a jamais décou-
vert le meurtrier. »
Et les hommes muets d'étonnement et de terreur en
écoutant le récit, fixaient le géant qui, les bras croisés sur
la poitrine, promenait ses regards de fauve.
Matlâ kii .'Qui es-tii donc "demanda enfin le montagnard
à djellaba verte.
Je suis Zaboul, Walla immoundan, celui qui voyage,
ricana Zaboul.
- Maudit sois-tu ! Maudite soit ta mère ! hurla Si
Mohamed. Affreux Zaboul ! Mais il est fou 1. Fou 1.
Fou !. Il a mangé des graines de tabourzikt !. Quelles
choses horribles n'invente-t-il pas ! J'ai cru que c'était le
sabre qui se posait sur ma gorge.
A-t-on idée, aussi, de laisser la parole a un tel être.
J'ai vu le démon dans ses yeux. Allah nous protège 1
Amin !
- Mais chassez-le I chassez-le donc ! Voyez comme il
nous regarde. Amis, tuons le maudit !
Il faut dormir, répondit Zaboul sans s'émouvoir.
Pourquoi es-tu sorti avec le fusil de Talkout? Je connaissais
cette arme, Sidi Mohamed. Il y a longtemps que je la
cherche, si longtemps 1 Il ne fallait pas la montrer, il ne
fallait pas la montrer.
A koun iâoun Rbbi ! Que Dieu nous vienne en aide I »
Et, claquant la porte, Zaboul disparut avec un rire de
dément.
Sur un caroubier deux oricous réveillés par le bruit
croassèrent et battirent des ailes. Des paquets de neige
glissèrent des branches surchargées. Une chouette hullula ;
de longs appels de renards pleurèrent au loin.
»
* *
La neige ne tombait plus. Zaboul avançait lentement ; ses
jambes nues enfonçaient et il grelottait. Les nuages voilèrent
un instant la lune.
- 15
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 95.91%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 95.91%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 21/60
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6372367p/f21.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6372367p/f21.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6372367p/f21.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6372367p/f21.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6372367p
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6372367p
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6372367p/f21.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest