Titre : La Vie algérienne, tunisienne et marocaine : revue illustrée du dimanche : lettres, arts, sports / de Pouvreau-Baldy, rédacteur en chef
Éditeur : J. Bringau (Alger)
Date d'édition : 1925-01-18
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328886457
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 1864 Nombre total de vues : 1864
Description : 18 janvier 1925 18 janvier 1925
Description : 1925/01/18 (A2,N16). 1925/01/18 (A2,N16).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6325878r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-61229
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/01/2013
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- SOMMAIRE du N° 16 de La Vie Algérienne, Tunisienne et Marocaine
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- Contes et Nouvelles:
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Deuxiètne Année. N° 16. 18 Janvier 1925 Le Numéro : 60 Centimes.
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TUNISIENNE & MAROCAINE
_H.
REVUE ILLUSTRÉE DU DIMANCHE
LETTRES * ARTS. SPORTS
M. J. BRINGAU, Directeur-Administrateur, 7, Boulevard de France, ALGER - Tél. 12.73]
Abonnements : Un an. 25 francs, Six mois. 13 francs.
R. c. Alger N* 3.124
LETTRE PARISIENNE
JE AH RACINE AMOUREUX
.0.0.
Je ne sais si les programmes universitaires ont tort
ou raison d'imposer à la jeunesse l'étude des fables de
La Fontaine, si humiliantes pour l'humanité, puisque
les animaux, même les plus humbles, s'y expriment en
une langue que la plupart des hommes seraient fort en
peine d'écrire.
Le bonhomme ne fut pourtant pas toujours tenu par
les honnêtes familles pour l'indispensable compagnon
et précieux conseiller d'un débutant. Vers 1860, une des
plus austères familles qui fût jamais s'épouvantait à
l'idée qu'un élève de Port Royal et du collège d'Har-
court pût avoir pour ami un tel coureur de cabarets.
L'indiscipliné n'était autre que Jean Racine, qui, devan-
çant de plusieurs siècles la mode, venait de se faire
attribuer un prix littéraire de 600 livres. L'ode aux Nym-
phes de la Seine, qui saluait le mariage du Roi, avait
plu à Chapelain, alors tout puissant dispensateur de pal-
mes dorées.
Que pouvait faire un jeune homme de vingt et un ans
d'une somme aussi fantastique pour l'époque, représen-
tant quatre ou cinq fois la valeur de l'actuel prix Gon-
court ? Il est peu difficile de l'imaginer.
Le jeune Jean devait terriblement s'ennuyer dans
l'hôtel de son bon oncle Vitart, dans l'humide et sombre
rue Git-le-Coeur, malgré les plaisanteries de mauvais
aloi que ne devaient manquer de faire les beaux esprits
du quartier, en souvenir de la Ferronnière « aux dan-
gereuses faveurs ». Et celui que ces tuteurs destinaient
à l'état ecclésiastique passait volontiers la Seine pour
aller retrouver certaine petite actrice du Marais qui, à
coup sûr, ne lui conseilla point d'enfouir au fond d'un
tiroir les livres trébuchantes de M. Chapelain. Peut-être
M. de La Fontaine revenait-il alors de Château-Thierry,
désolé de n'avoir pu voir sa femme « qui était au salut »
et ne sachant pas où il avait égaré l'argent produit par
la vente du dernier lopin de Janot.
Il approchait de la quarantaine, et le jeune Racine
que, sans nul doute, divertissait la fantaisie de ce grand
ainé, se plaisait à le régaler à la Croix de Lorraine, à la
très rabelaisienne Pomme de Pain, à ce Mouton-Blanc,
qui, dix-huit ans plus tard, allait voir naitre Les Plai-
deurs. Et le génial distrait, en l'honneur de celui qu'il
appelait Maître François, devait prendre un bien malin
plaisir à donner le goût de la dive purée septembrale à
un futur abbé.
C'est alors que, pour mettre un terme à ces débau-
ches, tous les Vitart vivants se dressèrent comme une
seule férule. Un Sconin, oncle maternel de ce mauvais
drôle de Jean, était révérend Père et chanoine, quelque
part, dans la douce Provence. On lui dépêcha par la
première commodité celui qui, avec son goût pour les
lettres, la table, les filles et les poètes, déshonorait le
nom intact que lui avait transmis un procureur, fils
d'un contrôleur du grenier à sel ! Jean dut pleurer dans
les bras de sa petite camarade, mais La Fontaine le
réconforta en lui disant que les vins 'de là-bas n'étaient
pas sans bouquet, et que toutes les filles de Provence
avaient de jolis yeux. Et, à peine débarqué à Uzès, Jean
dut bien rire en constatant que le bonhomme ne s'était
point trompé. Fit-il tout de suite une maîtresse? comme
on disait alors ; c'est fort probable, car, sans tarder, il
écrivait à son grand ami :
« Toutes les femmes, ici, sont éclatantes et s'y ajus-
tent d'une façon qui est la plus naturelle du monde. Et,
pour ce qui est de leur personne, « color verus, corpus
« solidum et succi plenum ». Mais comme c'est la pre-
mière chose dont on m'a dit de me donner garde, je ne
veux pas en parler davantage. Aussi bien ce serait pro-
faner la maison d'un bénéficier comme celle où je suis
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R. c. Alger N* 3.124
LETTRE PARISIENNE
JE AH RACINE AMOUREUX
.0.0.
Je ne sais si les programmes universitaires ont tort
ou raison d'imposer à la jeunesse l'étude des fables de
La Fontaine, si humiliantes pour l'humanité, puisque
les animaux, même les plus humbles, s'y expriment en
une langue que la plupart des hommes seraient fort en
peine d'écrire.
Le bonhomme ne fut pourtant pas toujours tenu par
les honnêtes familles pour l'indispensable compagnon
et précieux conseiller d'un débutant. Vers 1860, une des
plus austères familles qui fût jamais s'épouvantait à
l'idée qu'un élève de Port Royal et du collège d'Har-
court pût avoir pour ami un tel coureur de cabarets.
L'indiscipliné n'était autre que Jean Racine, qui, devan-
çant de plusieurs siècles la mode, venait de se faire
attribuer un prix littéraire de 600 livres. L'ode aux Nym-
phes de la Seine, qui saluait le mariage du Roi, avait
plu à Chapelain, alors tout puissant dispensateur de pal-
mes dorées.
Que pouvait faire un jeune homme de vingt et un ans
d'une somme aussi fantastique pour l'époque, représen-
tant quatre ou cinq fois la valeur de l'actuel prix Gon-
court ? Il est peu difficile de l'imaginer.
Le jeune Jean devait terriblement s'ennuyer dans
l'hôtel de son bon oncle Vitart, dans l'humide et sombre
rue Git-le-Coeur, malgré les plaisanteries de mauvais
aloi que ne devaient manquer de faire les beaux esprits
du quartier, en souvenir de la Ferronnière « aux dan-
gereuses faveurs ». Et celui que ces tuteurs destinaient
à l'état ecclésiastique passait volontiers la Seine pour
aller retrouver certaine petite actrice du Marais qui, à
coup sûr, ne lui conseilla point d'enfouir au fond d'un
tiroir les livres trébuchantes de M. Chapelain. Peut-être
M. de La Fontaine revenait-il alors de Château-Thierry,
désolé de n'avoir pu voir sa femme « qui était au salut »
et ne sachant pas où il avait égaré l'argent produit par
la vente du dernier lopin de Janot.
Il approchait de la quarantaine, et le jeune Racine
que, sans nul doute, divertissait la fantaisie de ce grand
ainé, se plaisait à le régaler à la Croix de Lorraine, à la
très rabelaisienne Pomme de Pain, à ce Mouton-Blanc,
qui, dix-huit ans plus tard, allait voir naitre Les Plai-
deurs. Et le génial distrait, en l'honneur de celui qu'il
appelait Maître François, devait prendre un bien malin
plaisir à donner le goût de la dive purée septembrale à
un futur abbé.
C'est alors que, pour mettre un terme à ces débau-
ches, tous les Vitart vivants se dressèrent comme une
seule férule. Un Sconin, oncle maternel de ce mauvais
drôle de Jean, était révérend Père et chanoine, quelque
part, dans la douce Provence. On lui dépêcha par la
première commodité celui qui, avec son goût pour les
lettres, la table, les filles et les poètes, déshonorait le
nom intact que lui avait transmis un procureur, fils
d'un contrôleur du grenier à sel ! Jean dut pleurer dans
les bras de sa petite camarade, mais La Fontaine le
réconforta en lui disant que les vins 'de là-bas n'étaient
pas sans bouquet, et que toutes les filles de Provence
avaient de jolis yeux. Et, à peine débarqué à Uzès, Jean
dut bien rire en constatant que le bonhomme ne s'était
point trompé. Fit-il tout de suite une maîtresse? comme
on disait alors ; c'est fort probable, car, sans tarder, il
écrivait à son grand ami :
« Toutes les femmes, ici, sont éclatantes et s'y ajus-
tent d'une façon qui est la plus naturelle du monde. Et,
pour ce qui est de leur personne, « color verus, corpus
« solidum et succi plenum ». Mais comme c'est la pre-
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