Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-03-23
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 10050 Nombre total de vues : 10050
Description : 23 mars 1913 23 mars 1913
Description : 1913/03/23 (A4,T11,N74). 1913/03/23 (A4,T11,N74).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6248059w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
180
Il est. permis d'espérer que ni la Russie, ni la.'
France, ni l'Angleterre, ni l'Italie qui doit son exis-)
tence au principe même des nationalités, ne consen-
tiront à s'associer à l'œuvre de violence qui peut leur
être demandée demain par le Cabinet de Vienne, ju-'
géant une simple démonstaation navale trop platonique.,
Leur consentement ne serait pas seulement;,
l'oubli des plus belles pages de leur histoire. Il serait
une œuvre dangereuse au point de vue de la paix euro-'
péenne d'aujourd'hui peut-être, de demain sûre-
ment.
René Marchand
-
Chroniques de la Semaine
Bibliographie
"Greuze" par Louis Hautecœur. Docteur ès Lettres. Profes-
seur à l'Institut Français de St-Pétersbourg. Paris, Librairie
Félix Alcan.
Dans la collection Art et Esthétique, M. Louis Hautecœur"
le sympathique professeur d'Histoire de l'Art, vient de publier..
un fort intéressant ouvrage sur Greuze.
Non seulement cette étude est bien faite pour nous faire
connaître le peintre qui malgré son voyage en Italie reste
avant tout un disciple des Hollandais, mais par l'abondance
des expressions, par l'émotion dont il est empreint, il nous
guide habilement à travers l'esthétique artistique et littéraire
de tout le XVIII- siècle.
C'est bien Greuze, comme le dit l'auteur, qui fut un des
peintres les plus aimés du XVIIIe siècle et c'est lui le mieux
connu, peut-être. Mais avant d'entrer dans le sujet, M. Haute-,
cœur a eu l'heureuse idée, en manière de préambule, de nous
parler des causes du succès de la peinture de genre au début
du XVIIIe siècle et des prédécesseurs du grand artiste. Puis,
il ébauche largement son éducation première, sa jeunesse un
peu aventureuse, idéaliste, ses débuts chez le peintre Grandon
à Lyon et lès traits pittoresques de son humeur vaniteuse et
indépendante. C'est ensuite Greuze à Paris, ses rapports avec
M. Silvestre, ancien maître de dessin des enfants de France,
qui, étonné de ses talents, lui fait donner à l'Académie de des-
sin la place honorable qu'on lui avait refusée.
Nous le suivons en Italie où il retrouve Natoire. Nous
assistons au succès du Père de famille expliquant la Bible,
acheté par M. de La Live de Jully qui devient son protecteur.
C'est "Greuze en 1755" entrant à l'Académie Royale dç
peinture et exposant ses toiles au Salon du Louvre. Il appa-
raît alors, tel qu'il demeurera: scènes, familiales, morales, in-
times, figures de patriarches, de bonnes femmes et d'enfants
avec une pointe de galanterie qui se transformera en sen-
sualité.
Dans "Les débuts de Greuze", nous lisons que l'Italie n'eut
point d'influence sur lui. Ce qui l'intéresse à Naples, à Rome
comme à Paris ou à Lyon, ce sont les tableaux de mœurs, les
types, les gestes, l'expression humaine.
Il reste avant tout un disciple des Hollandais et, quand il
revient à Paris, il se hasarde à traiter des sujets hollandais
qui sont au goût du jour et recherchés des amateurs.
"Il faut pourtant avouer que les personnages de Greuze
seront bien différents des matrones charnues ou des drôles
pleins de bière de Téniers, Jordaens ou Brauwer; ils seraient
plutôt parents des bourgeois tranquilles de Gérard Dow, de
Miéris ou de Terburg".
Ainsi, ajoute M. Hautecœur, après le coup d'éclat du Père
de famille, Greuze semble avoir un temps oublié sa propre
manière; en 1701, de nouveau il se révèle et PAccordéc de
Village fait courir tout Paris. Greuze avait, depuis son retour
d'Italie, subi l'influence de Diderot et de la littérature con-
temporaine.
Dans le troisième chapitre, l'auteur analyse l'esthétique littérai-
re de l'époque, la conception théâtrale et la conception artistique de
Diderot: la Nature, l'expression, l'émotion, la morale. En un mot,
ce chapitre nous montre Greuze évoluant vers une technique défi-
nie, vers le sentimentalisme pittoresque qui sera dorénavant son
seul idéal.
Ce fut au Salon de 1701 que Greuze excita dans le pu-
blic l'enthousiasme le plus vif. Cette année là, il exposa toute
une série de portraits, de tableaux et de dessins: c'est d'abord
son chef d'oeuvre, L'accordée de. Village, le Buste de M-gr le
Dauphin, son portrait, celui de la Babuti, Berger qui tente le
sort pour savoir s'il est aimé de sa bergère, l'Enfant qui boude,
la Petite fille qui se repose sur une chaise, le Petit mathéma-
ticien, la Devideuse.
"II serait impossible d'expliquer un tel succès, dit M. Hau-
tecœur, et une telle œuvre, si l'on ne songeait à la transfor-
mation opérée dans les esprits depuis plusieurs années. Si
Greuze s'était borné à écouter Diderot, il eût été pathétique,
dramatique, il n'eût pas été sentimental. Il dut à la littérature
contemporaine d'être un homme ,,sensible".
Il fut également à la hauteur des goûts nouveaux, des
goûts de la vie champêtre, familiale, du renouveau en faveur
de la Nature, dont Rousseau est le poète et Marie-Antoinette,
les grandes daines, M-me de Pompadour, les héroïnes.
En 1705, Greuze expose sa "Piété Filiale", aujourd'hui à
Saint-Pétersbourg connue sous le titre le "Paralytique soigné
par ses enfants". Puis, plusieurs portraits, celui du "Duc de
Chartres, de Mademoiselle" et de sa femme. "La jeune fille
qui pleure son oiseau mort" fut le tableau à sensation du
salon de 1765 et à côté de portraits de Watelet, de Live de
Jully, de Wille et de M-me Greuze, on voyait l'Enfant gâté ou
les Serveuses. Des esquisses promettaient de nouveaux atten-
drissements, c'étaient la Mère bien aimée, le Fils ingrat et le
Mauvais fils puni. Ces trois salons de 1701,176H, 1765, avaient
fait de Greuze le peintre il la mode.
Nous voyons dans le chapitre consacré par MI Hautecçeur
aux Salons de Greuze que l'artiste fut soilvent copié et imité;
qu'il fut à cette époque de 17(51 — 1709 prôné et critiqué par
Grimm et Diderot. Nous y suivons la vogue dont il est l'objet,
la vente de ses toiles, le placement de ses dessins et le recru-
tement de sa riche clientèle. Catherine II, dit l'auteur, acheta
le Paralytique et désormais Greuze trouva en Russie d'excel-
lents clients: l'Impératrice ne se contenta pas de ce morceau,
et des grands seigneurs russes, Yousoupoff surtout, se mirent
à collectionner les Greuze.
Greuze songea même un moment à quitter la France pour
répondre aux avances que Catherine prodiguait aux artistes
français. Diderot le détourna de ce voyage; il connaissait sou
caractère difficile et redoutait quelque incartade.
M1' Hautecœur termine magistralement le chapitre des Sa-
lons de Greuze par une analyse du caractère du peintre, par
ses différends avec les artistes et les littérateurs ses contem-
porains; par sa méthode de travail; sa vanité, ses réparties,
son mépris et sa présomption. II nous montre ses démêlés
avec l'Académie, l'insuccès de sa peinture d'histoire et les cri-
tiques de ses ennemis qui se font chaque jour plus nombreux,
à tel point que uGreuz<" irrité par toutes ces critiques, blessé
dans son orgueil et malheureux aussi dans son ménage, rom-
pit avec ses amis, ne mit plus les pieds à l'Académie et cessa
de paraître au Salon".
Les boutades de Greuze ne diminuent en rien ses succès
auprès du public: en 177r> il expose chez lui, dans son atelier,
la Dame de Charité; il modifie son thème sentimental et sen-
Il est. permis d'espérer que ni la Russie, ni la.'
France, ni l'Angleterre, ni l'Italie qui doit son exis-)
tence au principe même des nationalités, ne consen-
tiront à s'associer à l'œuvre de violence qui peut leur
être demandée demain par le Cabinet de Vienne, ju-'
géant une simple démonstaation navale trop platonique.,
Leur consentement ne serait pas seulement;,
l'oubli des plus belles pages de leur histoire. Il serait
une œuvre dangereuse au point de vue de la paix euro-'
péenne d'aujourd'hui peut-être, de demain sûre-
ment.
René Marchand
-
Chroniques de la Semaine
Bibliographie
"Greuze" par Louis Hautecœur. Docteur ès Lettres. Profes-
seur à l'Institut Français de St-Pétersbourg. Paris, Librairie
Félix Alcan.
Dans la collection Art et Esthétique, M. Louis Hautecœur"
le sympathique professeur d'Histoire de l'Art, vient de publier..
un fort intéressant ouvrage sur Greuze.
Non seulement cette étude est bien faite pour nous faire
connaître le peintre qui malgré son voyage en Italie reste
avant tout un disciple des Hollandais, mais par l'abondance
des expressions, par l'émotion dont il est empreint, il nous
guide habilement à travers l'esthétique artistique et littéraire
de tout le XVIII- siècle.
C'est bien Greuze, comme le dit l'auteur, qui fut un des
peintres les plus aimés du XVIIIe siècle et c'est lui le mieux
connu, peut-être. Mais avant d'entrer dans le sujet, M. Haute-,
cœur a eu l'heureuse idée, en manière de préambule, de nous
parler des causes du succès de la peinture de genre au début
du XVIIIe siècle et des prédécesseurs du grand artiste. Puis,
il ébauche largement son éducation première, sa jeunesse un
peu aventureuse, idéaliste, ses débuts chez le peintre Grandon
à Lyon et lès traits pittoresques de son humeur vaniteuse et
indépendante. C'est ensuite Greuze à Paris, ses rapports avec
M. Silvestre, ancien maître de dessin des enfants de France,
qui, étonné de ses talents, lui fait donner à l'Académie de des-
sin la place honorable qu'on lui avait refusée.
Nous le suivons en Italie où il retrouve Natoire. Nous
assistons au succès du Père de famille expliquant la Bible,
acheté par M. de La Live de Jully qui devient son protecteur.
C'est "Greuze en 1755" entrant à l'Académie Royale dç
peinture et exposant ses toiles au Salon du Louvre. Il appa-
raît alors, tel qu'il demeurera: scènes, familiales, morales, in-
times, figures de patriarches, de bonnes femmes et d'enfants
avec une pointe de galanterie qui se transformera en sen-
sualité.
Dans "Les débuts de Greuze", nous lisons que l'Italie n'eut
point d'influence sur lui. Ce qui l'intéresse à Naples, à Rome
comme à Paris ou à Lyon, ce sont les tableaux de mœurs, les
types, les gestes, l'expression humaine.
Il reste avant tout un disciple des Hollandais et, quand il
revient à Paris, il se hasarde à traiter des sujets hollandais
qui sont au goût du jour et recherchés des amateurs.
"Il faut pourtant avouer que les personnages de Greuze
seront bien différents des matrones charnues ou des drôles
pleins de bière de Téniers, Jordaens ou Brauwer; ils seraient
plutôt parents des bourgeois tranquilles de Gérard Dow, de
Miéris ou de Terburg".
Ainsi, ajoute M. Hautecœur, après le coup d'éclat du Père
de famille, Greuze semble avoir un temps oublié sa propre
manière; en 1701, de nouveau il se révèle et PAccordéc de
Village fait courir tout Paris. Greuze avait, depuis son retour
d'Italie, subi l'influence de Diderot et de la littérature con-
temporaine.
Dans le troisième chapitre, l'auteur analyse l'esthétique littérai-
re de l'époque, la conception théâtrale et la conception artistique de
Diderot: la Nature, l'expression, l'émotion, la morale. En un mot,
ce chapitre nous montre Greuze évoluant vers une technique défi-
nie, vers le sentimentalisme pittoresque qui sera dorénavant son
seul idéal.
Ce fut au Salon de 1701 que Greuze excita dans le pu-
blic l'enthousiasme le plus vif. Cette année là, il exposa toute
une série de portraits, de tableaux et de dessins: c'est d'abord
son chef d'oeuvre, L'accordée de. Village, le Buste de M-gr le
Dauphin, son portrait, celui de la Babuti, Berger qui tente le
sort pour savoir s'il est aimé de sa bergère, l'Enfant qui boude,
la Petite fille qui se repose sur une chaise, le Petit mathéma-
ticien, la Devideuse.
"II serait impossible d'expliquer un tel succès, dit M. Hau-
tecœur, et une telle œuvre, si l'on ne songeait à la transfor-
mation opérée dans les esprits depuis plusieurs années. Si
Greuze s'était borné à écouter Diderot, il eût été pathétique,
dramatique, il n'eût pas été sentimental. Il dut à la littérature
contemporaine d'être un homme ,,sensible".
Il fut également à la hauteur des goûts nouveaux, des
goûts de la vie champêtre, familiale, du renouveau en faveur
de la Nature, dont Rousseau est le poète et Marie-Antoinette,
les grandes daines, M-me de Pompadour, les héroïnes.
En 1705, Greuze expose sa "Piété Filiale", aujourd'hui à
Saint-Pétersbourg connue sous le titre le "Paralytique soigné
par ses enfants". Puis, plusieurs portraits, celui du "Duc de
Chartres, de Mademoiselle" et de sa femme. "La jeune fille
qui pleure son oiseau mort" fut le tableau à sensation du
salon de 1765 et à côté de portraits de Watelet, de Live de
Jully, de Wille et de M-me Greuze, on voyait l'Enfant gâté ou
les Serveuses. Des esquisses promettaient de nouveaux atten-
drissements, c'étaient la Mère bien aimée, le Fils ingrat et le
Mauvais fils puni. Ces trois salons de 1701,176H, 1765, avaient
fait de Greuze le peintre il la mode.
Nous voyons dans le chapitre consacré par MI Hautecçeur
aux Salons de Greuze que l'artiste fut soilvent copié et imité;
qu'il fut à cette époque de 17(51 — 1709 prôné et critiqué par
Grimm et Diderot. Nous y suivons la vogue dont il est l'objet,
la vente de ses toiles, le placement de ses dessins et le recru-
tement de sa riche clientèle. Catherine II, dit l'auteur, acheta
le Paralytique et désormais Greuze trouva en Russie d'excel-
lents clients: l'Impératrice ne se contenta pas de ce morceau,
et des grands seigneurs russes, Yousoupoff surtout, se mirent
à collectionner les Greuze.
Greuze songea même un moment à quitter la France pour
répondre aux avances que Catherine prodiguait aux artistes
français. Diderot le détourna de ce voyage; il connaissait sou
caractère difficile et redoutait quelque incartade.
M1' Hautecœur termine magistralement le chapitre des Sa-
lons de Greuze par une analyse du caractère du peintre, par
ses différends avec les artistes et les littérateurs ses contem-
porains; par sa méthode de travail; sa vanité, ses réparties,
son mépris et sa présomption. II nous montre ses démêlés
avec l'Académie, l'insuccès de sa peinture d'histoire et les cri-
tiques de ses ennemis qui se font chaque jour plus nombreux,
à tel point que uGreuz<" irrité par toutes ces critiques, blessé
dans son orgueil et malheureux aussi dans son ménage, rom-
pit avec ses amis, ne mit plus les pieds à l'Académie et cessa
de paraître au Salon".
Les boutades de Greuze ne diminuent en rien ses succès
auprès du public: en 177r> il expose chez lui, dans son atelier,
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