Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-02-23
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 10050 Nombre total de vues : 10050
Description : 23 février 1913 23 février 1913
Description : 1913/02/23 (A4,T11,N69)- (A4,T11,N70). 1913/02/23 (A4,T11,N69)- (A4,T11,N70).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62480557
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
99
N'y a-t-il donc pas correspondance entre ce mou-
vement national et ce goût pour le passé?
Cependant, lorsqu'on parle de style national, il
faut s'entendre. Style national ne veut pas dire style
autochtone. Quel pays ne doit rien à ses voisins? Les
frontières politiques ne sont pas toujours les fron-
tières artistiques: le style roman se retrouve aussi
bien en Lombardie qu'en Poitou, en Normandie que
dans la vallée du Rhin et, malgré les variations loca-
les, le thème est semblable. Le style gothique, né
dans l'île de France, s'est répandu dans toute l'Eu-
rope; il s'établit en Angleterre comme en Allemagne,
au Hradschin de Prague comme à Chypre.
La Russie ne fit pas exception à la loi commune.
De même que Kiev avait demandé des architectes à
Byzance ou à Kherson, que Souzdal n'avait pas
ignoré l'Allemagne, l'art moscovite depuis le temps
d'Ivan III jusqu'au règne de Pierre le Grand se
forma d'éléments empruntés. Que l'on visite la mai-
son des boiars Romanoff, partout on voit des étoffes
des bibelots ou des meubles importés d'Italie, d'Alle-
magne ou de Hollande. Avec ces objets les formes
étrangères se sont introduites. Comme la Granovitaïa
Palata, cette demeure est ornée de pointes de dia-
mant à la façon d'un palais florentin et des fron-
tons que soutiennent des colonnettes y encadrent les
fenêtres, ainsi que sur la façade des palais romains.
Telle porte de la Granovitaïa Palata avec ses pilas-
tres, ses arabesques, avec sa corniche saillante et
son linteau décoré d'un St-Georges entre deux dra-
gons, pourrait presque orner l'entrée de quelque
château de la Renaissance française. Les artistes qui
ont peint les murs du Terem n'ont assurément pas
ignoré l'Italie, et de même qu'on remarque de
curieuses coïncidences entre les tableaux siennois et
pisans et les icones russes, on éprouve en contem-
plant ces voûtes couvertes de fresques—à la verité
très restaurées-une impression semblable à celle qui
vous saisit dans la basilique inférieure d'Assise.
Qu'on regarde encore une fenêtre au côté Sud de la
Granovitaïa Palata, ne rappelle-t-elle pas avec ses deux
colonnes sculptées, sa corniche saillante et ses con-
soles, les cadres du quattrocento florentin? Bientôt
après, le baroque va s'introduire en Russie par la
Pologne et lui aussi il viendra d'Italie.
Cependant sur tous ces monuments on découvre
l'influence du pays. Les portes du Terem ont des
pilastres à arabesques, mais la voûte est quadrilobée
de façon particulière et toutes ces scupltures et tous
ces rinceaux qui s'entrelacent ont déjà un accent
oriental nouveau. Soudain au-dessus d'un fronton
apparaît un autre fronton en forme de Kokochnik",
puis voici que dans l'escalier du Terem les parties
saillantes sont rehaussées de blanc et que se mani-
feste le goût pour les couleurs franches. Sur cer-
tains piliers qui se renflent en bulbe on découvre
l'influence de la technique du bois; enfin la religion
maintient aux eglises les iconostases et sur les toits
ou les bulbes, les "glavy".
Cette architecture russe, en apparence si origi-
nale, a donc subi bien des influences. Les œuvres
de l'art décoratif rappellent de très vieux modèles. Les
sirènes que des serviettes portent brodées ou qui se
dressent au bord de puisoirs à kvass, les animaux
affrontés qui décorent certaines boîtes, les décors
géométriques aux couleurs violentes que nous obser-
vons sur des vases d'écorce ou de terre, la Grèce
antique les avait connus. C'est jusqu'à la céramique
du Dipylon ou de Corinthe qu'il faut remonter pour
en trouver l'origine.
Ainsi tout n'est pas exclusivement national dans
un style. On pourra déclarer: il ne s'agit de dégager'
et de retenir que les éléments spécialement natio-
naux. L'objection est-elle valable? Il est délicat de
détermnier où commence et où finit la nuance ethni-
que; et puis l'esprit d'un peuple doit-il toujours
s'exprimer dans un nombre limité de formes? doit-il
renoncer à en découvrir d'autres sous prétexte de
fidélité à son passé?
Aujourd'hui précisément l'Europe Occidentale est
enfiévrée par la recherche de la nouveauté. La France
est lasse du faux Louis XV et du faux Henri II,
l'Allemagne de ses Nuremberg en carton-pâte. Cette
Allemagne, pour se créer un art moderne, s'adresse
à tous les temps et mêle l'assyrien au byzantin, la
France s'est tournée vers la nature. La besoin de
simplicité et de franchise décorative est évident. La
Russie a cette chance que les formes et les couleurs
de ses objets populaires répondent à ces goûts; il ne
faudrait pas cependant qu'un succès de curiosité
l'amenât à exploiter systématiquement son passé et
à ne plus tenter de recherches personnelles. Un art
pour être national ne doit pas se contenter d'être la
reproduction d'un art d'autrefois et le sentiment
patriotique ne doit pas stériliser le sentiment artis-
tique.
Louis Hautecœup
Les Romanoff
protecteurs des arts
Les souverains ont toujours aimé protéger les
arts. Ils se plaisent à montrer que la renommée mili-
taire n'est point seule à les séduire et que l'hon- -.
neur d'avoir compris les plus nobles productions de
l'esprit ne laisse point de les tenter. Comme les
anciens grands rois de Perse, pour se distinguer de
leurs prédécesseurs, se bâtissaient un palais person-
nel, ils se réjouissent de voir sortir de terre les édi-
fices qui assureront à leur nom une pérennité.
Ils possèdent toutes les qualités nécessaires pour
faire éclore les arts: richesses, puissance et souci de
la gloire. Ils peuvent collectionner les œuvres de leur
N'y a-t-il donc pas correspondance entre ce mou-
vement national et ce goût pour le passé?
Cependant, lorsqu'on parle de style national, il
faut s'entendre. Style national ne veut pas dire style
autochtone. Quel pays ne doit rien à ses voisins? Les
frontières politiques ne sont pas toujours les fron-
tières artistiques: le style roman se retrouve aussi
bien en Lombardie qu'en Poitou, en Normandie que
dans la vallée du Rhin et, malgré les variations loca-
les, le thème est semblable. Le style gothique, né
dans l'île de France, s'est répandu dans toute l'Eu-
rope; il s'établit en Angleterre comme en Allemagne,
au Hradschin de Prague comme à Chypre.
La Russie ne fit pas exception à la loi commune.
De même que Kiev avait demandé des architectes à
Byzance ou à Kherson, que Souzdal n'avait pas
ignoré l'Allemagne, l'art moscovite depuis le temps
d'Ivan III jusqu'au règne de Pierre le Grand se
forma d'éléments empruntés. Que l'on visite la mai-
son des boiars Romanoff, partout on voit des étoffes
des bibelots ou des meubles importés d'Italie, d'Alle-
magne ou de Hollande. Avec ces objets les formes
étrangères se sont introduites. Comme la Granovitaïa
Palata, cette demeure est ornée de pointes de dia-
mant à la façon d'un palais florentin et des fron-
tons que soutiennent des colonnettes y encadrent les
fenêtres, ainsi que sur la façade des palais romains.
Telle porte de la Granovitaïa Palata avec ses pilas-
tres, ses arabesques, avec sa corniche saillante et
son linteau décoré d'un St-Georges entre deux dra-
gons, pourrait presque orner l'entrée de quelque
château de la Renaissance française. Les artistes qui
ont peint les murs du Terem n'ont assurément pas
ignoré l'Italie, et de même qu'on remarque de
curieuses coïncidences entre les tableaux siennois et
pisans et les icones russes, on éprouve en contem-
plant ces voûtes couvertes de fresques—à la verité
très restaurées-une impression semblable à celle qui
vous saisit dans la basilique inférieure d'Assise.
Qu'on regarde encore une fenêtre au côté Sud de la
Granovitaïa Palata, ne rappelle-t-elle pas avec ses deux
colonnes sculptées, sa corniche saillante et ses con-
soles, les cadres du quattrocento florentin? Bientôt
après, le baroque va s'introduire en Russie par la
Pologne et lui aussi il viendra d'Italie.
Cependant sur tous ces monuments on découvre
l'influence du pays. Les portes du Terem ont des
pilastres à arabesques, mais la voûte est quadrilobée
de façon particulière et toutes ces scupltures et tous
ces rinceaux qui s'entrelacent ont déjà un accent
oriental nouveau. Soudain au-dessus d'un fronton
apparaît un autre fronton en forme de Kokochnik",
puis voici que dans l'escalier du Terem les parties
saillantes sont rehaussées de blanc et que se mani-
feste le goût pour les couleurs franches. Sur cer-
tains piliers qui se renflent en bulbe on découvre
l'influence de la technique du bois; enfin la religion
maintient aux eglises les iconostases et sur les toits
ou les bulbes, les "glavy".
Cette architecture russe, en apparence si origi-
nale, a donc subi bien des influences. Les œuvres
de l'art décoratif rappellent de très vieux modèles. Les
sirènes que des serviettes portent brodées ou qui se
dressent au bord de puisoirs à kvass, les animaux
affrontés qui décorent certaines boîtes, les décors
géométriques aux couleurs violentes que nous obser-
vons sur des vases d'écorce ou de terre, la Grèce
antique les avait connus. C'est jusqu'à la céramique
du Dipylon ou de Corinthe qu'il faut remonter pour
en trouver l'origine.
Ainsi tout n'est pas exclusivement national dans
un style. On pourra déclarer: il ne s'agit de dégager'
et de retenir que les éléments spécialement natio-
naux. L'objection est-elle valable? Il est délicat de
détermnier où commence et où finit la nuance ethni-
que; et puis l'esprit d'un peuple doit-il toujours
s'exprimer dans un nombre limité de formes? doit-il
renoncer à en découvrir d'autres sous prétexte de
fidélité à son passé?
Aujourd'hui précisément l'Europe Occidentale est
enfiévrée par la recherche de la nouveauté. La France
est lasse du faux Louis XV et du faux Henri II,
l'Allemagne de ses Nuremberg en carton-pâte. Cette
Allemagne, pour se créer un art moderne, s'adresse
à tous les temps et mêle l'assyrien au byzantin, la
France s'est tournée vers la nature. La besoin de
simplicité et de franchise décorative est évident. La
Russie a cette chance que les formes et les couleurs
de ses objets populaires répondent à ces goûts; il ne
faudrait pas cependant qu'un succès de curiosité
l'amenât à exploiter systématiquement son passé et
à ne plus tenter de recherches personnelles. Un art
pour être national ne doit pas se contenter d'être la
reproduction d'un art d'autrefois et le sentiment
patriotique ne doit pas stériliser le sentiment artis-
tique.
Louis Hautecœup
Les Romanoff
protecteurs des arts
Les souverains ont toujours aimé protéger les
arts. Ils se plaisent à montrer que la renommée mili-
taire n'est point seule à les séduire et que l'hon- -.
neur d'avoir compris les plus nobles productions de
l'esprit ne laisse point de les tenter. Comme les
anciens grands rois de Perse, pour se distinguer de
leurs prédécesseurs, se bâtissaient un palais person-
nel, ils se réjouissent de voir sortir de terre les édi-
fices qui assureront à leur nom une pérennité.
Ils possèdent toutes les qualités nécessaires pour
faire éclore les arts: richesses, puissance et souci de
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