Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-01-12
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 10050 Nombre total de vues : 10050
Description : 12 janvier 1913 12 janvier 1913
Description : 1913/01/12 (A4,T11,N63). 1913/01/12 (A4,T11,N63).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6248049h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
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• )
bétail, le village a dû avoir un pâturage banal, où
tous les bestiaux sont réunis en un seul troupeau.
Tous ceux qui ont eu l'occasion d'observer la vie
de la campagne en Russie, et en ont vu les par-
ticularités, ont sans aucun doute présent à la mé-
moire le tableau poétique du réveil d'un village rus-
se, lorsque plongé encore dans le silence du som-
meil, des jets de fumée s'élèvent dans l'air frais du
matin, sortant des poêles allumés par les vigilantes
ménagères, les premières levées, puis les portes co-
chères qui s'ouvrent en grinçant, donnant passage
aux vaches et aux brebis, qui vont prendre leur
place dans le troupeau se rendant au pacage.
Où le mène-t-on paître? Autrefois la Russie était
vantée pour la vie heureuse de la campagne: on y
voyait des prairies et des pâturages luxuriants, où
les troupeaux des villageois paissaient toute la jour-
née ne rentrant que le soir à l'étable. Cet heureux
temps n'est plus. Les prairies ont été défrichées pour
y semer du grain, et maintenant l'on envoie les trou-
peaux dans les champs qui restent vides tout l'été,
en attendant les semailles d'automne. L'agronomie
moderne recommande instamment, en vue de con-
server l'humidité et de contribuer à la fertilisation
naturelle, de labourer le champ dès le printemps et
de le laisser en jachère à l'état meuble sans aucune
végétation. Mais notre paysan, élevé à l'école igno-
rante de la commune rurale, est d'un autre avis; il
croit que le champ doit être foulé par les pieds des
troupeaux, il transforme sans pitié une terre meuble
et fertile en une dure écorce sans vie et il gaspille
le fumier, qui forme pour lui la base de l'économie
agricole. Un contemporain de Frédéric le Grand, le
célèbre agronome allemand Choubart, recommandant
de créer des prairies artificielles et de nourrir le bé-
tail à l'étable, appelait le troupeau collectif "la peste
de l'agriculture", et la Russie voit la justification de
cette maxime, sur une vaste échelle, dans les fami-
nes que sa population supporte périodiquement.
Ce système russe de l'élevage du bétail, dans
les campagnes, sous forme de troupeau collectif,
s'est tellement incrusté dans l'esprit des paysans
qu'ils ne peuvent s'imaginer un autre mode d'éle-
vage. Ainsi, ces derniers temps, au début de l'ins-
tallation des membres de la commune dans leurs
métairies, la première question que soulevèrent les
paysans fut de demander ce que deviendrait le bé-
tail si le berger du village n'allait pas faire paître
les troupeaux.
Le gaspillage inutile du fumier, la terre rendue
inféconde par le piétinement des troupeaux, la ruine
systématique et obstinée de la plaine russe eurent en-
core d'autres conséquences. Si les champs sont par-
tagés en bandes et que le troupeau de la commune
s'y promène, quelle variété de culture sera possible
dans ces conditions? Tout devra se faire dans le
même temps, tous devront semer ensemble et tous
récolter ensemble, et il ne peut être question d'au-
cune alternation compliquée. C'est ainsi que s'était
intronisé dans toute la Russie l'assolement triennal
célèbre par ses effets funestes et consistant à divi-
ser la terre en trois parties égales. Dans l'un d'eux
on sème, en automne, les blés d'hiver: le seigle, le
froment, et en partie l'orge; puis, après avoir récolté
en automne ces blés d'hiver, on sèmera au printemps
suivant les blés de printemps: froment, avoine, orge,
millet, sarrazin, etc., puis, après la récolte des blés
de printemps jusqu'aux semailles d'automne, les
champs se reposent. Nous avons vu plus haut com-
ment ils se reposent sous les pieds des troupeaux du
village. ;
L'uniformité des cultures, réparties, en Russie
sur d'immenses superficies, a une influence funeste.
Le cultivateur étranger, en divisant sa terre en de
nombreux champs qu'il affecte à différentes cultures,
se garantit ainsi une chance de succès, car si la ré-
colte de l'un est perdue il se rattrapera sur un au-
tre. Mais, en Russie, une fois qu'il y a une disette,
c'est sur une immense étendue et c'est alors la fa-
mine complète, et il faut nourrir les cultivateurs
imprévoyants au compte de l'Etat.
C'est aussi le régime communal et l'assolement
triennal qui ont empêché d'engraisser la plaine russe
et d'y apporter, en général, une amélioration quelconque.
Une partie du fumier est laissée par le troupeau du vil-
lage dans les crevasses et les ravins et le peu qui
reste dans les étables devra parfois être transporté à
plusieurs verstes, sans compter que personne n'aura
envie de fumer ses parcelles ni de les améliorer, sa-
chant qu'au prochain partage on pourra les lui en-
lever pour les donner à un autre. Il est arrivé plus
d'une fois que des lots de terre cultivés avec amour
excitaient l'envie et qu'on les enlevait à leur proprié-
taire; on en détruisait même les jardins pour que
tous fussent également dénudés, également pauvres.
Une atrophie complète du sentiment de la propriété
et du respect de la personne vient encore s'ajouter
à cette idée prédominante de la nullité de l'individu
et de l'absence de la propriété individuelle, à cette
misère déprimante qui tend à arracher quelque chose
partout où elle peut. Dégâts causés par le bétail, abat-
tage d'arbres dans les forêts, vol de gerbes ou de
foin, démolissage des ponts pour les convertir en
combustible, bris d'arbres dans les jardins, etc., ce
sont des faits malheureusement trop ordinaires dans
les campagnes russes. Il est de règle de ne pas se-
mer près de la route quelque plante comestible, des
pois par exemple, car les passants les cueilleraient;
quant aux vergers et aux potagers ils doivent être
constamment gardés, sinon il ne restera rien au pro-
priétaire.
En lisant ces lignes n'allez pas croire, messieurs
les étrangers, que le paysan russe soit un ivrogne
ou un voleur. Il est bon, sincère et honnête de sa
nature, et ce n'est pas sa faute si on lui a imposé
la commune, qui a mis tout en œuvre pour le dé-
bétail, le village a dû avoir un pâturage banal, où
tous les bestiaux sont réunis en un seul troupeau.
Tous ceux qui ont eu l'occasion d'observer la vie
de la campagne en Russie, et en ont vu les par-
ticularités, ont sans aucun doute présent à la mé-
moire le tableau poétique du réveil d'un village rus-
se, lorsque plongé encore dans le silence du som-
meil, des jets de fumée s'élèvent dans l'air frais du
matin, sortant des poêles allumés par les vigilantes
ménagères, les premières levées, puis les portes co-
chères qui s'ouvrent en grinçant, donnant passage
aux vaches et aux brebis, qui vont prendre leur
place dans le troupeau se rendant au pacage.
Où le mène-t-on paître? Autrefois la Russie était
vantée pour la vie heureuse de la campagne: on y
voyait des prairies et des pâturages luxuriants, où
les troupeaux des villageois paissaient toute la jour-
née ne rentrant que le soir à l'étable. Cet heureux
temps n'est plus. Les prairies ont été défrichées pour
y semer du grain, et maintenant l'on envoie les trou-
peaux dans les champs qui restent vides tout l'été,
en attendant les semailles d'automne. L'agronomie
moderne recommande instamment, en vue de con-
server l'humidité et de contribuer à la fertilisation
naturelle, de labourer le champ dès le printemps et
de le laisser en jachère à l'état meuble sans aucune
végétation. Mais notre paysan, élevé à l'école igno-
rante de la commune rurale, est d'un autre avis; il
croit que le champ doit être foulé par les pieds des
troupeaux, il transforme sans pitié une terre meuble
et fertile en une dure écorce sans vie et il gaspille
le fumier, qui forme pour lui la base de l'économie
agricole. Un contemporain de Frédéric le Grand, le
célèbre agronome allemand Choubart, recommandant
de créer des prairies artificielles et de nourrir le bé-
tail à l'étable, appelait le troupeau collectif "la peste
de l'agriculture", et la Russie voit la justification de
cette maxime, sur une vaste échelle, dans les fami-
nes que sa population supporte périodiquement.
Ce système russe de l'élevage du bétail, dans
les campagnes, sous forme de troupeau collectif,
s'est tellement incrusté dans l'esprit des paysans
qu'ils ne peuvent s'imaginer un autre mode d'éle-
vage. Ainsi, ces derniers temps, au début de l'ins-
tallation des membres de la commune dans leurs
métairies, la première question que soulevèrent les
paysans fut de demander ce que deviendrait le bé-
tail si le berger du village n'allait pas faire paître
les troupeaux.
Le gaspillage inutile du fumier, la terre rendue
inféconde par le piétinement des troupeaux, la ruine
systématique et obstinée de la plaine russe eurent en-
core d'autres conséquences. Si les champs sont par-
tagés en bandes et que le troupeau de la commune
s'y promène, quelle variété de culture sera possible
dans ces conditions? Tout devra se faire dans le
même temps, tous devront semer ensemble et tous
récolter ensemble, et il ne peut être question d'au-
cune alternation compliquée. C'est ainsi que s'était
intronisé dans toute la Russie l'assolement triennal
célèbre par ses effets funestes et consistant à divi-
ser la terre en trois parties égales. Dans l'un d'eux
on sème, en automne, les blés d'hiver: le seigle, le
froment, et en partie l'orge; puis, après avoir récolté
en automne ces blés d'hiver, on sèmera au printemps
suivant les blés de printemps: froment, avoine, orge,
millet, sarrazin, etc., puis, après la récolte des blés
de printemps jusqu'aux semailles d'automne, les
champs se reposent. Nous avons vu plus haut com-
ment ils se reposent sous les pieds des troupeaux du
village. ;
L'uniformité des cultures, réparties, en Russie
sur d'immenses superficies, a une influence funeste.
Le cultivateur étranger, en divisant sa terre en de
nombreux champs qu'il affecte à différentes cultures,
se garantit ainsi une chance de succès, car si la ré-
colte de l'un est perdue il se rattrapera sur un au-
tre. Mais, en Russie, une fois qu'il y a une disette,
c'est sur une immense étendue et c'est alors la fa-
mine complète, et il faut nourrir les cultivateurs
imprévoyants au compte de l'Etat.
C'est aussi le régime communal et l'assolement
triennal qui ont empêché d'engraisser la plaine russe
et d'y apporter, en général, une amélioration quelconque.
Une partie du fumier est laissée par le troupeau du vil-
lage dans les crevasses et les ravins et le peu qui
reste dans les étables devra parfois être transporté à
plusieurs verstes, sans compter que personne n'aura
envie de fumer ses parcelles ni de les améliorer, sa-
chant qu'au prochain partage on pourra les lui en-
lever pour les donner à un autre. Il est arrivé plus
d'une fois que des lots de terre cultivés avec amour
excitaient l'envie et qu'on les enlevait à leur proprié-
taire; on en détruisait même les jardins pour que
tous fussent également dénudés, également pauvres.
Une atrophie complète du sentiment de la propriété
et du respect de la personne vient encore s'ajouter
à cette idée prédominante de la nullité de l'individu
et de l'absence de la propriété individuelle, à cette
misère déprimante qui tend à arracher quelque chose
partout où elle peut. Dégâts causés par le bétail, abat-
tage d'arbres dans les forêts, vol de gerbes ou de
foin, démolissage des ponts pour les convertir en
combustible, bris d'arbres dans les jardins, etc., ce
sont des faits malheureusement trop ordinaires dans
les campagnes russes. Il est de règle de ne pas se-
mer près de la route quelque plante comestible, des
pois par exemple, car les passants les cueilleraient;
quant aux vergers et aux potagers ils doivent être
constamment gardés, sinon il ne restera rien au pro-
priétaire.
En lisant ces lignes n'allez pas croire, messieurs
les étrangers, que le paysan russe soit un ivrogne
ou un voleur. Il est bon, sincère et honnête de sa
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