Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1901-03-15
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 mars 1901 15 mars 1901
Description : 1901/03/15 (Numéro 13958). 1901/03/15 (Numéro 13958).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Identifiant : ark:/12148/bpt6k615647q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/10/2008
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VENDREDI 15 e MARS 190ft
74 saint zacharie 291
TRENTE-NEUVIÈME ANNÉE (N UMÉRO 139SÔ)
LES MANUSCRITS NE SONT PAS RENDUS
DERNIÈRE ÉDITION
Personne n'a l'air de se douter que de
puis déjà tantôt trois ou quatre semaines
il nous est né une nouvelle étoile.
Telle 68t pourtant la vérité.
Le merveilleux écrin qui, par les belles
nuits, diapré de mille feux polychromes le
velours bleu de notre plafond vient de s'en
richir inopinément, d'un diamant neuf.
C'est au front de la constellation de Persée
que s'est, un b,eau soir, allumée cette lan
terne, aux reflets bleuâtres.
Les foules profanes n'ont pas pris garde
au phénomène, mais il n'a pourtant pas
passé inaperçu." Il est, en effet, de par le
monde, un tas — grossissant — de bravés
gens, qui, par métier ou par simple dilet
tantisme, passent leur temps à fouiller de
l'œil la voutë azurée. Rien ne leur échappe.
Impossible à un^stre nouveau de montrer
un bout de rayon grand comme ça sans être
dénoncé parleur infatigable contrôle, pointé,
catalogué, numéroté, baptisé, si bien que
la carte de là-haut finit par. être dressée et
tenue à jours heure par heure, en quelque
sorte, avec une ponotualité qui tient du
miracle, et que le Ciel est mieux balisé que
l'Océan. . ■
C'est vers le milieu du mois de février
que la nouvelle étoile fut aperçue, pour la
première fois, en:Ecosse, à Edimbourg, par
un M. Anderson^ qui s'est fait une spécia
lité des trouvailles de ce genre. Malgré sa
compétence bien connue, la parole d'un
simple amateur n'eût pas suffi peut-être, si
nombre d'autres observateurs n'avaient,
un peu partout, immédiatement confirmé la
découverte. Il n'y avait pas à dire «mon
bel ami»: il s'agissait bien d'une étoile
pour de bon, et il ne restait plus qu'à,
l'inscrire comme telle à l'état civil de
l'espace. -
Le plus curieux de l'histoire, du reste,
ce n'était pas enoore Téclosion inattendue,
à des millions, à des milliards de lieues au-
dessus de nos têtes, d'un soleil inédit.
C'était plutôt (et surtout) la prodigieuse va
riation de son éclat, qui; en deux jours, du
19 au 2i février, passait brusquement de la
onzième grandeur à là deuxième grandeur,
pour atteindre ensuite, quarante-huit heures
plus tard (23 février) une intensité de beau
coup supérieure à celles des plus brillantes
étoiles de première grandeur.. C'est-à-dire
qu'il a fallu quatre jours à peine pour faire
d'un astre improvisé, tombé du fond de
l'infini à un moment où l'astronomie n'atten
dait personne, le clou le plus étinoçl&Tit . du
firmament.
.***..
Ce qu'il va couler à ce propos de salive
et d'encre, ce n'est rien de le dire. Il faut
avouer que là question est passionnante. Il
n'en est pas peut-être d'aussi passionnante
à l'ordre du jour...
Voici quela création du monde, & laquelle
n'avaient pas suffi, apparemment, les six
jours de la Genèse, se poursuit en perma
nence sous nos yeux," saiis trêve ni repos.
Sans discontinuer, des étoiles, o'est-à-dire
des soleils, se forment tandis que d'autres
s'évanouissent et disparaissent. Tous ces
astres, dont là lumière semble extra-terres
tre et surnaturelle, tous ces astres dont la
fixité a été si souvent prise pour le symbole
de l'immuabilité suprême, tous ces astres
que la tradition nous avait habitués à consi
dérer comme les inextinguibles flambeaux
- de l'Empyrée, sont enréalité soumis, oomme
les êtres terrestres, aux vicissitudes de la
naissance, de la jeunesse, de la maturité,
de la décrépitude et de la mort. Ils sont,
. eux aussi, justiciables des métamorphoses
fatales dont toute vie porte en soi l'indéfec
tible germe. De même que, dans une forêt,
on retrouve les mêmes arbres à des âges
divers, si bien que le botaniste peut em
brasser d'un coup d'œil les stades successifs
de leur évolution végétative, de même le
ciel nous présente: simultanément, çà et là,
des formations stellaires déjà mûres et par
faites, d'autres qui mettront des centaines
de siècles à se dessiner, d'autres enfin qui
touchent à leur extinction.
Quel est l'âge de la nouvelle étoile de
Persée ? Nul ne le sait. Peut-être a-t-elle
cent mille ans. Peut-être même était-elle ,
déjà défunte au moment où ses radiations
posthumes atteignaient enfin notre atmos
phère. Peut-être n'est-ce plus qu'un globe;
inerte et glacé, roulant sans but à travers
l'abîme sans lèvres, et dont la lumière, qui
ne fait guère plus de 300,000 kilomètres à
la seconde (une misère), n'avait pas encore
eu le temps d'arriver jusqu'à nous.
Peut-être, après avoir flambé comme un
colossal mais éphémère feu follet, est-elle
condamnée à s'éteindre aussi rapidement
qu'elle' s'est allumée et à replonger dans
l'obscurité, où jusques hier- elle s'enseve
lissait encore. Ce ne serait pas le premier
des astres qui, après avoir ainsi brillé d'un
éclat exceptionnel n'ont conservé depuis
qu'une faible lueur et sont" même rede
venus totalement invisibles, \
Reste & savoir comment expliquer ces
extraordinaires vicissitudes.'C'est ici que,
faute de points de repère, l'auteur s'embar
rasse. La seule hypothèse acceptable est
peut-être encore, jusqu'à plus ample in
formé, celle que l'un des hommes les mieux
avertis èt les plus autorisés, M. Janssen,
risquait timidement l'autre jour, et que je
vais essayer dé formuler à mon tour en
termes à la fois suffisamment oompréhensifs
et suffisamment compréhensibles.
Toutes les étoiles généralement quelcon
ques, qui paraissent être des amas tourbil
lonnâmes de gaz incandescents, contiennent
une quantité plus ou moins- considérable
d'hydrogène. Le fait nous, est révélé par
l'analyse spectrale s il est donc hors de
doute. C'est vrai pour le soleil, qui n'est
qu'une étoilo vulgaire, à laquelle nous ne
rendons des hommages spéciaux que parce
qu'elle est plus près de nous et exerce sur
nous une plus immédiate et plus directe in
fluence. C'est également vrai pour la nou
velle étoile de Persée. , S
Par contre^ dans l'atmosphère ignée du
soleil, comme dans l'atmosphère de la nou
velle venue, comme dans toutes les atmos
phères stellaires, ça manque — ou plutôt
ça parait manquer —d'oxygène.
Je dis (et je souligne) : « ça paraît man
quer » parce qu'il n'estpas probable, il n'est
même pas possible, qu'un corps aussi ré
pandu dans la nature, et qui y joue un rôle
si important, puisqu'il est l'âme et la
flamme de toutes les combustions, jusques
et y compris les combustions vitales, fasse
défaut là plus qu'ailleurs.
Il doit y avoir de l'oxygène dans l'atmos
phère du.soleil et des autres étoiles, comme
il y en à partout. Seulement, la tempéra
ture qui règne au sein de ces brasiers erra
tiques est tellement formidable que l'oxygène
lui-même n'a pu y résister sans se dissou
dre, ou plutôt sans se dissocier. Il est tou
jours là, Toxygèite, mais il y est Ù. uu tel
état qu'il a perdu toutes ses qualités dis-
tinctives, et en particulier toutes ses affinités
chimiques, pour devenir un pauvre gaz
neutre.
C'est ce qui explique comment il peut
coexister avec l'hydrogène sans se jeter
immédiatement dessus.
Tout cela marcherait parfaitement, et
nous ne nous en serions sans doute ja
mais aperçus ioi-bas, si les étoiles Sa
vaient pas, comme des êtres vivants,
le tort de vieillir et de.se refroidir en
vieillissant. N'oublions pas, soit dit entre
parenthèses, que tel est le cas de notre so
leil lui-même, en voie, lui aussi, d'extinc
tion progressive. Par exemple, il coulera
joliment d'eau sous le pont des Arts, qui
mène à l'Académie des sciences, avant que
toute la ohaleur solaire soit épuisée; Nous
ne verrons pas ça, mes ohers lecteurs, ni
nos arrièré-petits-enfants non plus, de sorte
qùe nous n'avons pas à nous inquiéter outre
mesure de cette éventualité malencon
treuse.
Toutes les étoiles, dis-je, se refroidissent
en vieillissant. Il arrive un moment où leur
température n'étant plus assez élevée pour
maintenir à l'état de dissociation — et de
neutralité — l'oxygène de leur atmosphère,
ce gaz se reconstitue, revient à lui, pour
ainsi dire, et reprend ses sens, c'est-à-dire
ses affinités chimiques. Dès lors, il n'a rien
de plus pressé que de se combiner avec
'.'hydrogène (lequel est, chacun sait ça, émi
nemment inflammable et combustible) qu'il
a là, sous la main, en quantités énormes.
Ainsi se doit expliquer sans doute'Jex-
ceptionnelle.et subite splendeur de l'étoile
signalée par M. Anderson. Ce soi-disant
jeune astre est en réalité un vieux, vieux
soleil, si vieux qu'il a fini par prendre froid
et par réveiller l'oxygène endormi au sein
.duquel il mijotait depuis des myriades de
siècles. Immédiatement, au contact ...dé
l'oxygène ^ressuscité, l'hydrogène s'est mis
à flamber comme un bol de punch, et c'est
cet incendie que les astronomes des deux
mondes contemplent depuis quelques se
maines avec ahurissement.
Il est, cetincendie, d'une violence extrême,
mais ce ne sera probablement qu'un feu de
paille. Le produit de la combinaison de
l'oxygène et de l'hydrogène, c'esty en effet,
de la vapeur d'eau. Il va donc nécessaire
ment se former- d'immenses nuages, qui
vont obscurcir peu à peu l'éblouissant foyer;
puis, les combustions vont cesser' à leur
tour, faute d'aliment," ët après une période
plus ou moins longue d'ardente ignition,
l'étoile va tendre progressivement à s'étein
dre et à rentrer dans le néant stellaire où
roulent, invisibles, les astres déchus.
. Bien entendu, M. Janssen ne garantit
pas l'hypothèse, Mais il, faut bien dire
qu'elle est assez plausible pour pouvoir être
provisoirement acceptée jusqu'au jour (qui
ne viendra peut-être jamais) où l'on en
aura trouvé une meilleure. " «
Quoi qu'il en soit, ce qui se passe là-haut
à l'heure où j'écris ces lignes est une preuve
de plus que l'éternelle force immanente aux
choses qui, dans la nuit des temps, enfantg.
l'univers, ne se lasse pas, ignorante (Ju chô-^
mage, d'engendrer à perte de vue des com
binaisons toujours nouvelles et des formes
sans fin.
A quoi riment, je vous le demande, en
présence de cette fermentation géante dans
laquelle la Terre a l'air d'un pauvre petit
grain de poussière imperceptible, à quoi
riment les querelles imbéciles, les grotes
ques ambitions et les agitations-stériles, ei
menues oh I combien ! — des misérables
myrmidons que nous sommes I.
Emile Gautier;
. ' INFORMAT IONS PO UTIflUES
Conseil des ministres
Les ministres se sont réunis exceptionnelle
ment hier matin, à l'Elysée, sous la présidence
deM.-Loubet.
La séance du conseil a été entièrement consa
crée à l'examen du projet relatif à la durée du
service militaire, actuellement soumis à la com
mission du Sénat..Il est résulté des explications
du ministre de là guerre, que la solution de
cette question était spécialement subordonnée,
à celle des rengagements, qu'il convenait avant
tout de résoudre. «*-'■■■■'' s
Le ministre de la guerre indiquera à la com
mission les moyens las plus propres à' assurer
l'expérience qu'il juge indispensable et appel-,
lera particulièrement son attention sur la pro
position qui avait été faite dans ce sens par la.
commission du budget et votée par la Chambre.
La disposition que le gouvernement a décidé
de demander aux Chambres de voter, avant
toute mesure tendant à la réduction du service
militaire, sera la reproduction de l'article 45 de
la loi de finances de 1901 qui autorisait le mi
nistre de la guerre à accepter des rengagements
avec primes et hautes payes de brigadiers,
caporaux et soldats, chacun de ces rengage
ments devant être compensé par la-libération
d'un soutien de famille. Le gouvernement es
time en effet que le service ne pourra être réduit
que si l'on est assuré d'avoir les 50,000 rengagés
qui seront nécessaires pour compléter l'elfectif
dans le cas de la réduction au service à
deux ans.
Cet article 45 de la loi de finances avait été
voté par la Chambre, mais le Sénat, on s'en
souvient, l'a disjoint'du budget.
Ce n'est que dans le cas où cette expérience
de rengagements, lorsqu'elle sera autorisée par
les Chambres, donnera des résultats satisfai
sants qu'il pourra être question du dépôt d'un
projet de réduction du service à deux ans.
Les ministres se réuniront de nouveau ce
matin à l'Elysée.
M. Doumer à'l'Elysée :
Le président de la République a reçu hier
soir, à cinq heures, M. Paul Doumer,gouver
neur général de l'Indo-Chine, aveo lequel-il
s'est longuement entretenu.
Les Interpellations sur les sucres .
Aujourd'hui doit venir devant la Chambre la
discussion des interpellations: sur les sucres,
En dehors des quatre interpellateurs, MM. Cas-
telin, Walter, îlouanet et Massé, plusieurs
autres députés se sont fait inscrire pour pren-
dre la parole : MM. Zévaès, Clémentel, Lasies,
Tr&nnoy et Klotz.
L'interpellation de MM. Wajfer'et Renou
porte sur -la fermeture prochaine de la Raffinerie
parisienne ; celle de M. Massé vise l'affaire d'ac
caparement. M. Rouanet doit, d'autre part, in
terpeller sur l/i situation actuelle du marché des
sucres et M, Castelin interviendra pour déga
ger la sucrerie des agissements de la raffinerie.
II. i|jfri
Dans le Sud-jAJgérien
.Alger, 14 mars.
On sait que le général Risbourg, commandant
la division d'Oran, est chargé de protéger le
flanc droit du général. Servière pendant qu'il
poursuit ses opérations dans le Touat et le
Gourara. Le général Risbourg vient de faire
connaître qu'il est arrivé aux Beni-Abbès le
2 mars/ et que le drapeau français a été hissé
sur le point -le plus élevé de la position au
bruit d'unes salve d'artillerie. Le général s'est
rendu ensuite à El-Pitatat, au centre de la
Îiakneraie, des Ghemanena, qui tous ont fait
eur soumission.
Il s'agit d'organiser dans cette région un
poste solide dominant la vallée de ri'Oued-
Saoura et capable: de Surveiller les menées des
tribus marocaines et de s'opposer aux infiltra
tions des contingents marocains désireux de
contrarier notre action dans les oasis saha
riennes.
Le marabout de Kerzaz, dont l'influence est
considérable dans la région, a écrit au général
Risbourg pour lui souhaiter la bienvenue et lui
faire connaître que les Berabers, découragés par
les cruels échecs qui viennent de leur être in
fligés, se disposent à rentrer dans leurs foyers.
Ils sont menacés actuellement à la fois par la
troupe du général Servière et celle du général
Risbourg.
Le général Risbourg ajoute que 4a défaite des
Berabers aura uti grand retentissement dan3
les oasis, et que le colonel Billet descend l'oued
Saoura pour se rendre à Kerzaz. Ce mouvement
en avant ayant été exécuté le 7 mars, le colonel
Billèt doit être arrivé à destination.
FEUILLETON DO Petit Jonrha^ Du lŒEs lWi
—34—
POUR LE DRAPEAU
rilBMlShB FAMt»
(1)
LA QOïïm&sm DES TMbres -
XVI (Suite)
. v - Avertissement»
Le lendemain, de grand matin, Abel
Savariau fut sur pied.
Il se rendit au ministère. Le : oolonel
Derrien était absent./
Il ne devait rentrer que dans h journée,
vers trois ou quatre heures.
Abel courut à son domicile particulier,
rue Casimir-Perier.
Il y laissa un mot écrit àla hâte; l'avisant
qu'il avait à le voir d'urgence.
Il revint, en effet, vers quatre heures et
demie.
Derrièn était rentré.
Qu'avez-vous à m'apprendre, Sava
riau? — demanda l'officier. .
— Des choses graves, mon oolonel. Je
sais beaucoup de nouveau.
— Parlez v en ce cas. Je vous écoute.
Mais faites vite, oar nous pourrions être dé-
nngés. j'attends des. visites, -notamment
^le du oapitaine Audouars. >
Traduction et nprodocUon interdites.
— Ah I de Pierre ? — s'excJama joyeuse
ment l'agent.
Oui ; j'ai ordre de lui notifier l'agré
ment du ministre. 11 est attaché à la mis
sion Breton. — Vous le connaissez bien,
n'est-ce pas ?
— C'est mon frère de lait,.mon colonel,
— répondit Abel avec émotion.
— Je.comprends votre joie, mon cher
Savariau. C'est d'un bon frère. Et, pour
tant, c'est un terrible honneur que la
France fait au capitaine Audouars.
— Je le sais, mon colonel. Mais il en est
digne plus que tout autre.
Le vieil officier soupira et passa la main
sur son front.
— Pauvres enfants 1 — murmura-t-il. —
Reverront-ils jamais la France î
Et» revenant au sujet de la visite de l'a
gent, il lui dit ;
•—Maintenant, narrez-moi votre journée
et le résultat c|e vos recherches.
Savariau raconta l'épisode de l&veille, sa
visite à l'Américain, son audacieuse super
cherie, sa substitution au personnage de
Phileas Walter. -
A mesure qu'il , parlait, la figure de Der
rien s'éclairait d'un sourire.
. Une admiration non mitigée se peignait
sur ses traits.-
— Vous êtes prodigieux, Savariau, —
prononça-t-il, — prodigieux.
Et to^t aussitôt, voulant de plus amples
détails, il demanda :
— Ah ça, mais il existe donc, ce frère na
turel du Yankee ?
— Il est mort, mon colonel.
— Mort 1
— Mort depuis trois semaines. Je me
suis approprié ses papiers, je me suis fait
une tête à__sa ressemblance,• d'après une
photographie. .
C'était une espèce de détraqué qui vivait
au fond d'une masure qu'il s'était' fait
construire à la pointe de la Garoupe. II y à
un mois, il est revenu dans le Nord, en
Normandie, juste à temps pour y attraper
une fluxion de poitrine. Il n'avait plus le
sou. Il a eu encore la force de regagner
Paris, où il est mort .à l'hôpital Laënnéçv
C'est Guermeur qui a été informé de la
chose par un ii\firniier, et oomme il parle
très bien l'anglais, il a pu s'emparer des
preuves d'identité. On a enterré le Phileas
sous un nom quelconque, c'est-à-dire sous
le nom de Walter. tout court;
— Bien ! — Vous avez joué une grosse
partie, mon cher. Attention I .
^ Je veille au grain, mon colonel. Main
tenant, nous sommes trois avertis.
— Comment, trois ? Je ne vois que vous
et moi, Savariau.
— El Guermeur ? C'est même lui qui a
machiné toute l'affaire.
— Vous avez peut-être eu tort de livrer
votre nom, mon ami?
— Je me suis dit cela, mon colonel. Mais
il n'y avait pas moyen de faire autrement.
Il fallait prendre à ce "vieux coquin son
secret.
— Et qu'avez-vous fait du chèque ? Vous
n'allez pas le toucher ? ?
^ Non, mon colonel. Le chèque est une
pièce à conviction. Il est en lieu sûr.
— 4 qui l'avez-vous confié ? .
— A ma mère. Elle 'a l'ordre de ne le
remettre qu'à moi ou à vous.
Bien! — fit encore Derrien. ~ Je
connais votre mère, Savariau.
EA MI-CARÊME
On pense bien que le premier acte par lequel
les gracieuses reines inaugurèrent la grande journée fut d'interroger
anxieusement le ciel.
On avait quelques craintes. La veille encore, il
avait plu désagréablement du matin au soir ;
on pataugeait dans la boue ; on grelottait dans
l'humidité ; le ciel était encombré de nuages
gros encore de menaces. Le bruit avait même
couru que la cavalcade de Mi-Carême si chère
aux Parisiens serait, si le mauvais temps per
sistait, renvoyée au dimanche suivant.
Mais toutes les appréhensions se calmèrent
quand, hier matin, on vit enfin, les. nuages se
dissiper un peu et, par instants, briller le soleil,
dont on avait été privé depuis si longtemps:
La fête promettait d'être très belle; les reines
allaient connaître les ivresses du pouvoir et de
la popularité à travers Paris en joie, au milieu
de l'entrain des foules. Seuls — on l'espérait
ardemment — allaient pleuvoir les confetti
multicolores qui ne feraient qu'ajouter de la
couleur et de l'imprévu aux toilettes presti
gieuses des souveraines ravies. Et l'on activa de
bonne heure tous les préparatifs du magnifique
cortège. '
-Et là journée fut belle en effet. Sans doute,
vers 2 heures 1/2, des gouttes d'eau com
mencèrent à tomber et à inquiéter acteurs et
spectateurs de la fête, mais l'alerte fut de courte
durée. L'après-midi s'acheva sans pluie et la
soirée fut superbe.
' Ce temps, inutile de le dire, fut propice à la
joie de Paris, qui, jusque fort avant - dans >-la_
nuit, se livra, avec une sorte de rage, aux tra
ditionnels plaisirs de la Mi-Carême.
Au « Petit Journal »
La foule, comme chaque année, s'est donné
rendez-vous dès onze heures du matin devant
l'hôtel du Petit Journal dont le portail et le ves
tibule avaient été particulièrement bien déco-rés.
. La maison Offrais, 21, passage Verdeau, bien
connue pour ses décorations artistiques de
bals et soirées,' avait orné de façon pleine
de goût la grande entrée de notre hôtel';
les palmiers, les bambous, les ocubas et les
lauriers garnis de camélias formaient un vérita
ble chemin do verdure. En outre, elle avait en
voyé, pour nos gracieuses visiteuses, de char
mantes corbeilles et des gerbes d'éclatante fraî
cheur; ■
Comme tous les ans, le Petit Journal était le
point de départ du brillant cortège appelé à se
dérouler ensuite à travers Paris.
Aussi, en même temps que le service d'ordre
organisé aux abords de notre hôte^ était
établi' par les soins de MM. Remongin et
Guichard, officiers de paix, étaient accourus les
nombreux habitués du spectacle de la Mi-
Carême.qui viennent assister de là comme d'un
observatoire agréable au défilé des chars et des
cavalcades.
Mais le temps passe et la foule augmente de
minute en minute,' maintenue par les cavaliers
de la garde républicaine et les gardiens de la
— Oh 1 mon oolonel, elle se ferait hacher
plutôt, que de le livrer.
— Je sais cela, mon ami, je le sais. Mais,
faites attention à ceoi. Si vous ne touchez
pas le chèque, le Walter va s'apercevoir
du tour joué.
T- C'est vrai. Mais il faut nous presser.
Deux choses me paraissent urgentes.
— Quelles sont ces choses, à votre avis,
Savariau? Précisez.
L'agent eut une minute de réflexion. Puis
très posément :
— La première est de dépister les gens
qu'on va lancer à la rencontre du capitaine
Lamalgue et de prévenir celui-ci du coup,
qu'on prépare.
— Bon 1 Et la seconde chose urgente,
Savariau ? *
—La seconde, mon colonel,—on'pourrait
presque dire la première, à beaucoup d'é
gards, — c'est de savoir quel est cet officier
français que le Yankee dit être son fil» et
qu'il se vante d'avoir dressé à la trahison.
Le colonel fit quelques pas, le front plissé,
dans lar chambre.
Puis, s'arrêtant devant l'agent, les bras
croisés, iî lui demanda :
— Ne m'avez-vous pas dit que vous aviez
fait boirè cet homme ?
— Certes I du whisky à pleins verres,
oomme de l'eau.
—Propos d'ivrogne, alors. Il ne.oonvient
pas d'y attacher trop d'importance.
— In vino veritas, mon oolonel. Les pro
verbes sont vrais. Et puis, si vous l'aviez
vu, ce Samuel Walter, à ce moment-là,
vous ne douteriez pas. >
— Tout de même, un officier traître de
^profession, traître par haine, le fils de cet
paix, foule paisible et joyeuse ne 'demandant
qu'à s'amuser;
L'heure du déjeuner approche et lés chars du
frand cortège ne paraissent pas ! Néanmoins,
'instant en instant, s'arrêtent devant le Petit
Journal le char ou les landaus d'un lavoir, et les
reines des blanchisseuses viennent recevoir
nos félicitations pour leurs costumes et nos
souhaits d'agrément pour la journée, tandis que
se font entendre. les musiques, les fanfares et
les batteries de tambours en une animation pit
toresque.
Enfin, à midi et demi, l'écho nous apporte
les accents entraînants'd'une fanfare et presque
aussitôt, débouchant de la rue Cadet, le. cor
tège des Gueux des Halles exécute une sa
vante courbe pour venir se ranger devant
1 ePetit Journal. Les Gueux ont adopté cette
année le style romain, et du char, qui re
présente . un arc de triomphé de la Ville
Etemelle, descendent la reine, Mlle Aimée
Richard, dont le péplum blano laisse se déta
cher le manteau bleu aux broderies d'or, puis
le roi, ou plus exactement l'empereur, M. Emile
Mailfert, portant l'impériale pourpre romaine.
La reine des «Gueux», dont chacun remarque
la gaieté communicative, est une'jolie brune
de vingt-quatre ans qui a été bien heureuse le
soir où, après qu'on eut chanté: « Les Gueux!
les Gueux I Sont des gens heureux ! "Vivent les
Gueux ! » elle a. été proclamée^ reine par d'una
nimes suffrages.
Elle est employée, cpmme nous l'avons; dit;
chez M. Pierret, expéditeur aux Halles, don t la
femme fut aussi, il y a quelques années, reine
des Gueux.
Vile Aimée Richard ~
REINE DES C QUEUX B
Mlle Richard et le roi des Guëux por
tent tous deux la couronne de lauriers
d'or. Ils viennent, dans le Salon aménagé pour
la réception des majestés de la Mi-Carême,
recevoir nos compliments au début de leur
marche triomphale. Une corbeille de fleurs est
offerte à la reine, le Champagne est'servi, et
le Montebello qui mousse dans les coupes fête
dignement le succès de la jolie Majesté.
Les souverains des Gueux regagnent ensuite
leur char qui repart pour le Cours-la-Reine, en
cadré par les trompes de chasse à cheval, les
Amis de Saint-Hubert, escorté par quatre
landaus remplis de mousquetaires, de pier-
rettes, de folies et d'Espagnoles aux riches
costumes.
Cependant un. retard s'est produit dans la
réunion des marchés du Temple, des Halles et
Saint-Germain. Les deux derniers ont attendu
vainement le troisième, retardé par un accident
survenu à un des chevaux du char de tête.
Il est donc bien près de deux heures quand
le cortège principal arrive rue Lafayette par la
rue Cadet. Un peloton de gardes républicains
ouvre la marche, suivi par une escouade de gar
diens de la paix.
Les pompiers, à l'uniforme amusant, qui
marchent en tête, jouent une marche entraî
nante et devant le premier char caracolent les
cavaliers circassiens aux uniformes étincelants.
Le char du Mariage sur lequel, à- cause de la
devise « Enfin seuls 1 » se tiennent isolés les
uns des autres des personnages divers, précède
le char de la Majesté suprême.
Ce char, nous l'avons dit déjà, sur lequel
trône, gracieuse et*souriante,|lareine des reines,
-Mlle Marie Marlin-Poirier, représente la (Ville
dé Paris accueillant les nations qui la viennent
visiter. La'partie supérieure est formée de la
nef du bâtiment de Lutècè et les armes de
Paris sont rehaussées de là.croix de la Légion
d'honneur. r-
. En contre-bas se tiennent des musician#
russes, puis, à l'avant, les sept principales
puissances personnifiées par de charmantes
jeunes filles, -parmi lesquelles Mlles Marie Le-
breton, Eugénie Vidal et Louise Marie-Meunier,
les demoiselles d'honneur. ; .
On a constaté hier, comme chaque année
d'ailleurs, que les reines des marchés aussi bien
que des lavoirs avaient rivalisé" de bon -goût
dans le choix de leurs toilettes de gala. Toutes,
sur leur passage, ont entendu s'élever de la
foule des murmures flatteurs et des applaudis
sements chaleureux, mais Mlle Marlin-Poirier,
homme, épousant sa querelle, servant sa
vengeance. C'est invraisemblable.
— Invaisemblable peut-être, mais vrai
tout de même.
Et si je vous disais qu'en l'écoutant, une
pensée m'est venue, un nom -m'est monté
aux lèvres? — Maintenant que je sais
M. d'Hérioourt innooent, il me fallait bien
un autre.
Les deux hommes se regardèrent, crai
gnant de trop bien se comprendre, n'osant
émettre l'accusation qui flottait dans leurs
esprits et sur leurs lèvres.
Elle s'y fit jour, Dépendant. Un même
nom jaillit de leurs bouches tordues.
— Helmann 1
Us se turent. L'ordonnance venait d'ou
vrir la porte et annonçait :
— Mlle Isabelle de Folligny, mon
colonel. \ .
Si rapidement que disparut l'agent, il dut
saluer la jeune fille qui entrait.
XVII
Un
Elle arrivait mal à propos, la pauvre
Isabelle.
Le colonel, la tête encore pleinedes confi
dences de Savariau, eût préféré se trou
ver seul pour remettre un peu d'ordre' dans
ses idées.
Et voilà que la jeune fille se présentait à
lui au moment même où l'agent, après lui
avoir raconté son audacieux exploit de la
veille, avait prononcé ce nom de Helmann,
objet des antipathies de l'officier.
Or, ce Helmann, c'était l'habitué, le
commensal de la maison des dames de
Folligny, le protégé d'Elena Andriair^ qui
vu sa dignité spéciale, a un succès tout par
ticulier.
La rerne des reines, on s'en souvient, a été élue
après l'annuJation cî'un premier tour de scrutin
Mlle JVtaria Marlin-Poirier
nEINE.DES REINES
qui avait donné la majorité des voix, à Mlle
Romelote. Il paraît que ce vote n'avait pas été
régulier, et c'est au cours de la seconde épreuve
à laquelle il a fallu procéder que Mlle Marie
Marlin-Poirier,marchande de verdure auxHalles,
a été appelée à la dignité royale.
Mlle Marlin-Poifier, la reino des reines, porte
une riche robe blanche serrée à la taille par
nne cuirasse d'or, et sur la poitrine se détache
la croix d'honneur de la Ville de Paris. Un long
manteau bleu bordé d'or achève de donner: à
la jeune souveraine un aspect des plus char
mants, et son succès est des plus vifs.
La reine des reines reçoit une magnifique
gerbe de fleurs que nous lui offrons et elle
porte fort gracieusement la bonne santé du
Petit Journal. Nous l'en remercions et lui
adressons nos meilleurs vœux, ainsi qu'au roi,-
M. Horiô.
Mlle Lucie Bret ..
REINE DU MARCHÉ SAINT-GERMAIN
Voici ensuite le marché Saint-Germain, qui a
adopté pour ses personnages le style Charles IX.
Une fanfare à cheval, trois landaus remplis de
costumes riches précèdent le char de la reine,
Mlle Lucie Bret, jolie brune à la physionomie
bien parisienne. .
Mlle Bret est en costume Médicis de soie
blanche.brochée avec manteau; de velours bleu
sur lequel sont piquées des fleurs de lys d'or.
Au bras de son roi, M. Villeneuve, la reine du
marché Saint-Germain nous fait une aimable
visite.
Mlle Eugénie Romelote
REINE DU MARCHÉ DES CARMES .
Le char d^ la reine est suivi d'un char, une
corbeille' fleurie, dans laquelle au milieu des
fleurs s'épanouissent, rivalisant de fraîcheur et
de beauté entre elles, des jeunes femmes costu
mées avec beaucoup dégoût.
Avant de recevoir le. cortège du Temple, que
en avait pris si âprement la. défense contre
les suspicions de son beau-frère.
Paul Derrien accueillit donc sa nièce d'un
visage soucieux, sans lui témoigner l'em
pressement habituel qu'il mettait à la rece
voir.'-' ' x
— Je vous dérange, mon oncle ?—fit-elle
visiblement surprise.
— Un peu, je ne té le cache pas. N'im
porte I Puisque tu es venue, dis-moi oe que
tu as.à nie dire.,Parle vite. .
Il était si préoccupé qu'il ne lui offrit pas
môme de s'asseoir.
—Mon oncle,— commença Isabelle,—
je suis vtenue vous fa.ire une commission de
la part de ma mère.
î— De la part de ta mère ? — questionna-
t-il, se radoucissant. — Pourquoi pas de .a
tienne ? Tu n'as donc rien à me dire?
— De la mienûe aussi, mon oncle, si
vous le voulez. >
— Moi, je le veux bien. Et même, c'est
la meilleure manière de me la faire.
Il souriait. II lui avait pris les mains
et l'avait amenée devant un fauteuil où,
tout doucement, il la fit ; asseoir, réparant
ses torts.
— Voyons. Dis-moi de quoi il s'agit
Quelque folie nouvelle?
— Non,—fit la jeune fille.—-C'est très sé
rieux, au contraire. '
— Quelque chose de sérieux venant-de la
mère ? — Enfin, dis toujours.
t - Voilà; mon oncle. Maman serait très
heureuse de pouvoir rendre service à quel
qu'un que vous connaissez, sans doute.
Pierre MAËL.
(La suite à demain.)
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VENDREDI 15 e MARS 190ft
74 saint zacharie 291
TRENTE-NEUVIÈME ANNÉE (N UMÉRO 139SÔ)
LES MANUSCRITS NE SONT PAS RENDUS
DERNIÈRE ÉDITION
Personne n'a l'air de se douter que de
puis déjà tantôt trois ou quatre semaines
il nous est né une nouvelle étoile.
Telle 68t pourtant la vérité.
Le merveilleux écrin qui, par les belles
nuits, diapré de mille feux polychromes le
velours bleu de notre plafond vient de s'en
richir inopinément, d'un diamant neuf.
C'est au front de la constellation de Persée
que s'est, un b,eau soir, allumée cette lan
terne, aux reflets bleuâtres.
Les foules profanes n'ont pas pris garde
au phénomène, mais il n'a pourtant pas
passé inaperçu." Il est, en effet, de par le
monde, un tas — grossissant — de bravés
gens, qui, par métier ou par simple dilet
tantisme, passent leur temps à fouiller de
l'œil la voutë azurée. Rien ne leur échappe.
Impossible à un^stre nouveau de montrer
un bout de rayon grand comme ça sans être
dénoncé parleur infatigable contrôle, pointé,
catalogué, numéroté, baptisé, si bien que
la carte de là-haut finit par. être dressée et
tenue à jours heure par heure, en quelque
sorte, avec une ponotualité qui tient du
miracle, et que le Ciel est mieux balisé que
l'Océan. . ■
C'est vers le milieu du mois de février
que la nouvelle étoile fut aperçue, pour la
première fois, en:Ecosse, à Edimbourg, par
un M. Anderson^ qui s'est fait une spécia
lité des trouvailles de ce genre. Malgré sa
compétence bien connue, la parole d'un
simple amateur n'eût pas suffi peut-être, si
nombre d'autres observateurs n'avaient,
un peu partout, immédiatement confirmé la
découverte. Il n'y avait pas à dire «mon
bel ami»: il s'agissait bien d'une étoile
pour de bon, et il ne restait plus qu'à,
l'inscrire comme telle à l'état civil de
l'espace. -
Le plus curieux de l'histoire, du reste,
ce n'était pas enoore Téclosion inattendue,
à des millions, à des milliards de lieues au-
dessus de nos têtes, d'un soleil inédit.
C'était plutôt (et surtout) la prodigieuse va
riation de son éclat, qui; en deux jours, du
19 au 2i février, passait brusquement de la
onzième grandeur à là deuxième grandeur,
pour atteindre ensuite, quarante-huit heures
plus tard (23 février) une intensité de beau
coup supérieure à celles des plus brillantes
étoiles de première grandeur.. C'est-à-dire
qu'il a fallu quatre jours à peine pour faire
d'un astre improvisé, tombé du fond de
l'infini à un moment où l'astronomie n'atten
dait personne, le clou le plus étinoçl&Tit . du
firmament.
.***..
Ce qu'il va couler à ce propos de salive
et d'encre, ce n'est rien de le dire. Il faut
avouer que là question est passionnante. Il
n'en est pas peut-être d'aussi passionnante
à l'ordre du jour...
Voici quela création du monde, & laquelle
n'avaient pas suffi, apparemment, les six
jours de la Genèse, se poursuit en perma
nence sous nos yeux," saiis trêve ni repos.
Sans discontinuer, des étoiles, o'est-à-dire
des soleils, se forment tandis que d'autres
s'évanouissent et disparaissent. Tous ces
astres, dont là lumière semble extra-terres
tre et surnaturelle, tous ces astres dont la
fixité a été si souvent prise pour le symbole
de l'immuabilité suprême, tous ces astres
que la tradition nous avait habitués à consi
dérer comme les inextinguibles flambeaux
- de l'Empyrée, sont enréalité soumis, oomme
les êtres terrestres, aux vicissitudes de la
naissance, de la jeunesse, de la maturité,
de la décrépitude et de la mort. Ils sont,
. eux aussi, justiciables des métamorphoses
fatales dont toute vie porte en soi l'indéfec
tible germe. De même que, dans une forêt,
on retrouve les mêmes arbres à des âges
divers, si bien que le botaniste peut em
brasser d'un coup d'œil les stades successifs
de leur évolution végétative, de même le
ciel nous présente: simultanément, çà et là,
des formations stellaires déjà mûres et par
faites, d'autres qui mettront des centaines
de siècles à se dessiner, d'autres enfin qui
touchent à leur extinction.
Quel est l'âge de la nouvelle étoile de
Persée ? Nul ne le sait. Peut-être a-t-elle
cent mille ans. Peut-être même était-elle ,
déjà défunte au moment où ses radiations
posthumes atteignaient enfin notre atmos
phère. Peut-être n'est-ce plus qu'un globe;
inerte et glacé, roulant sans but à travers
l'abîme sans lèvres, et dont la lumière, qui
ne fait guère plus de 300,000 kilomètres à
la seconde (une misère), n'avait pas encore
eu le temps d'arriver jusqu'à nous.
Peut-être, après avoir flambé comme un
colossal mais éphémère feu follet, est-elle
condamnée à s'éteindre aussi rapidement
qu'elle' s'est allumée et à replonger dans
l'obscurité, où jusques hier- elle s'enseve
lissait encore. Ce ne serait pas le premier
des astres qui, après avoir ainsi brillé d'un
éclat exceptionnel n'ont conservé depuis
qu'une faible lueur et sont" même rede
venus totalement invisibles, \
Reste & savoir comment expliquer ces
extraordinaires vicissitudes.'C'est ici que,
faute de points de repère, l'auteur s'embar
rasse. La seule hypothèse acceptable est
peut-être encore, jusqu'à plus ample in
formé, celle que l'un des hommes les mieux
avertis èt les plus autorisés, M. Janssen,
risquait timidement l'autre jour, et que je
vais essayer dé formuler à mon tour en
termes à la fois suffisamment oompréhensifs
et suffisamment compréhensibles.
Toutes les étoiles généralement quelcon
ques, qui paraissent être des amas tourbil
lonnâmes de gaz incandescents, contiennent
une quantité plus ou moins- considérable
d'hydrogène. Le fait nous, est révélé par
l'analyse spectrale s il est donc hors de
doute. C'est vrai pour le soleil, qui n'est
qu'une étoilo vulgaire, à laquelle nous ne
rendons des hommages spéciaux que parce
qu'elle est plus près de nous et exerce sur
nous une plus immédiate et plus directe in
fluence. C'est également vrai pour la nou
velle étoile de Persée. , S
Par contre^ dans l'atmosphère ignée du
soleil, comme dans l'atmosphère de la nou
velle venue, comme dans toutes les atmos
phères stellaires, ça manque — ou plutôt
ça parait manquer —d'oxygène.
Je dis (et je souligne) : « ça paraît man
quer » parce qu'il n'estpas probable, il n'est
même pas possible, qu'un corps aussi ré
pandu dans la nature, et qui y joue un rôle
si important, puisqu'il est l'âme et la
flamme de toutes les combustions, jusques
et y compris les combustions vitales, fasse
défaut là plus qu'ailleurs.
Il doit y avoir de l'oxygène dans l'atmos
phère du.soleil et des autres étoiles, comme
il y en à partout. Seulement, la tempéra
ture qui règne au sein de ces brasiers erra
tiques est tellement formidable que l'oxygène
lui-même n'a pu y résister sans se dissou
dre, ou plutôt sans se dissocier. Il est tou
jours là, Toxygèite, mais il y est Ù. uu tel
état qu'il a perdu toutes ses qualités dis-
tinctives, et en particulier toutes ses affinités
chimiques, pour devenir un pauvre gaz
neutre.
C'est ce qui explique comment il peut
coexister avec l'hydrogène sans se jeter
immédiatement dessus.
Tout cela marcherait parfaitement, et
nous ne nous en serions sans doute ja
mais aperçus ioi-bas, si les étoiles Sa
vaient pas, comme des êtres vivants,
le tort de vieillir et de.se refroidir en
vieillissant. N'oublions pas, soit dit entre
parenthèses, que tel est le cas de notre so
leil lui-même, en voie, lui aussi, d'extinc
tion progressive. Par exemple, il coulera
joliment d'eau sous le pont des Arts, qui
mène à l'Académie des sciences, avant que
toute la ohaleur solaire soit épuisée; Nous
ne verrons pas ça, mes ohers lecteurs, ni
nos arrièré-petits-enfants non plus, de sorte
qùe nous n'avons pas à nous inquiéter outre
mesure de cette éventualité malencon
treuse.
Toutes les étoiles, dis-je, se refroidissent
en vieillissant. Il arrive un moment où leur
température n'étant plus assez élevée pour
maintenir à l'état de dissociation — et de
neutralité — l'oxygène de leur atmosphère,
ce gaz se reconstitue, revient à lui, pour
ainsi dire, et reprend ses sens, c'est-à-dire
ses affinités chimiques. Dès lors, il n'a rien
de plus pressé que de se combiner avec
'.'hydrogène (lequel est, chacun sait ça, émi
nemment inflammable et combustible) qu'il
a là, sous la main, en quantités énormes.
Ainsi se doit expliquer sans doute'Jex-
ceptionnelle.et subite splendeur de l'étoile
signalée par M. Anderson. Ce soi-disant
jeune astre est en réalité un vieux, vieux
soleil, si vieux qu'il a fini par prendre froid
et par réveiller l'oxygène endormi au sein
.duquel il mijotait depuis des myriades de
siècles. Immédiatement, au contact ...dé
l'oxygène ^ressuscité, l'hydrogène s'est mis
à flamber comme un bol de punch, et c'est
cet incendie que les astronomes des deux
mondes contemplent depuis quelques se
maines avec ahurissement.
Il est, cetincendie, d'une violence extrême,
mais ce ne sera probablement qu'un feu de
paille. Le produit de la combinaison de
l'oxygène et de l'hydrogène, c'esty en effet,
de la vapeur d'eau. Il va donc nécessaire
ment se former- d'immenses nuages, qui
vont obscurcir peu à peu l'éblouissant foyer;
puis, les combustions vont cesser' à leur
tour, faute d'aliment," ët après une période
plus ou moins longue d'ardente ignition,
l'étoile va tendre progressivement à s'étein
dre et à rentrer dans le néant stellaire où
roulent, invisibles, les astres déchus.
. Bien entendu, M. Janssen ne garantit
pas l'hypothèse, Mais il, faut bien dire
qu'elle est assez plausible pour pouvoir être
provisoirement acceptée jusqu'au jour (qui
ne viendra peut-être jamais) où l'on en
aura trouvé une meilleure. " «
Quoi qu'il en soit, ce qui se passe là-haut
à l'heure où j'écris ces lignes est une preuve
de plus que l'éternelle force immanente aux
choses qui, dans la nuit des temps, enfantg.
l'univers, ne se lasse pas, ignorante (Ju chô-^
mage, d'engendrer à perte de vue des com
binaisons toujours nouvelles et des formes
sans fin.
A quoi riment, je vous le demande, en
présence de cette fermentation géante dans
laquelle la Terre a l'air d'un pauvre petit
grain de poussière imperceptible, à quoi
riment les querelles imbéciles, les grotes
ques ambitions et les agitations-stériles, ei
menues oh I combien ! — des misérables
myrmidons que nous sommes I.
Emile Gautier;
. ' INFORMAT IONS PO UTIflUES
Conseil des ministres
Les ministres se sont réunis exceptionnelle
ment hier matin, à l'Elysée, sous la présidence
deM.-Loubet.
La séance du conseil a été entièrement consa
crée à l'examen du projet relatif à la durée du
service militaire, actuellement soumis à la com
mission du Sénat..Il est résulté des explications
du ministre de là guerre, que la solution de
cette question était spécialement subordonnée,
à celle des rengagements, qu'il convenait avant
tout de résoudre. «*-'■■■■'' s
Le ministre de la guerre indiquera à la com
mission les moyens las plus propres à' assurer
l'expérience qu'il juge indispensable et appel-,
lera particulièrement son attention sur la pro
position qui avait été faite dans ce sens par la.
commission du budget et votée par la Chambre.
La disposition que le gouvernement a décidé
de demander aux Chambres de voter, avant
toute mesure tendant à la réduction du service
militaire, sera la reproduction de l'article 45 de
la loi de finances de 1901 qui autorisait le mi
nistre de la guerre à accepter des rengagements
avec primes et hautes payes de brigadiers,
caporaux et soldats, chacun de ces rengage
ments devant être compensé par la-libération
d'un soutien de famille. Le gouvernement es
time en effet que le service ne pourra être réduit
que si l'on est assuré d'avoir les 50,000 rengagés
qui seront nécessaires pour compléter l'elfectif
dans le cas de la réduction au service à
deux ans.
Cet article 45 de la loi de finances avait été
voté par la Chambre, mais le Sénat, on s'en
souvient, l'a disjoint'du budget.
Ce n'est que dans le cas où cette expérience
de rengagements, lorsqu'elle sera autorisée par
les Chambres, donnera des résultats satisfai
sants qu'il pourra être question du dépôt d'un
projet de réduction du service à deux ans.
Les ministres se réuniront de nouveau ce
matin à l'Elysée.
M. Doumer à'l'Elysée :
Le président de la République a reçu hier
soir, à cinq heures, M. Paul Doumer,gouver
neur général de l'Indo-Chine, aveo lequel-il
s'est longuement entretenu.
Les Interpellations sur les sucres .
Aujourd'hui doit venir devant la Chambre la
discussion des interpellations: sur les sucres,
En dehors des quatre interpellateurs, MM. Cas-
telin, Walter, îlouanet et Massé, plusieurs
autres députés se sont fait inscrire pour pren-
dre la parole : MM. Zévaès, Clémentel, Lasies,
Tr&nnoy et Klotz.
L'interpellation de MM. Wajfer'et Renou
porte sur -la fermeture prochaine de la Raffinerie
parisienne ; celle de M. Massé vise l'affaire d'ac
caparement. M. Rouanet doit, d'autre part, in
terpeller sur l/i situation actuelle du marché des
sucres et M, Castelin interviendra pour déga
ger la sucrerie des agissements de la raffinerie.
II. i|jfri
Dans le Sud-jAJgérien
.Alger, 14 mars.
On sait que le général Risbourg, commandant
la division d'Oran, est chargé de protéger le
flanc droit du général. Servière pendant qu'il
poursuit ses opérations dans le Touat et le
Gourara. Le général Risbourg vient de faire
connaître qu'il est arrivé aux Beni-Abbès le
2 mars/ et que le drapeau français a été hissé
sur le point -le plus élevé de la position au
bruit d'unes salve d'artillerie. Le général s'est
rendu ensuite à El-Pitatat, au centre de la
Îiakneraie, des Ghemanena, qui tous ont fait
eur soumission.
Il s'agit d'organiser dans cette région un
poste solide dominant la vallée de ri'Oued-
Saoura et capable: de Surveiller les menées des
tribus marocaines et de s'opposer aux infiltra
tions des contingents marocains désireux de
contrarier notre action dans les oasis saha
riennes.
Le marabout de Kerzaz, dont l'influence est
considérable dans la région, a écrit au général
Risbourg pour lui souhaiter la bienvenue et lui
faire connaître que les Berabers, découragés par
les cruels échecs qui viennent de leur être in
fligés, se disposent à rentrer dans leurs foyers.
Ils sont menacés actuellement à la fois par la
troupe du général Servière et celle du général
Risbourg.
Le général Risbourg ajoute que 4a défaite des
Berabers aura uti grand retentissement dan3
les oasis, et que le colonel Billet descend l'oued
Saoura pour se rendre à Kerzaz. Ce mouvement
en avant ayant été exécuté le 7 mars, le colonel
Billèt doit être arrivé à destination.
FEUILLETON DO Petit Jonrha^ Du lŒEs lWi
—34—
POUR LE DRAPEAU
rilBMlShB FAMt»
(1)
LA QOïïm&sm DES TMbres -
XVI (Suite)
. v - Avertissement»
Le lendemain, de grand matin, Abel
Savariau fut sur pied.
Il se rendit au ministère. Le : oolonel
Derrien était absent./
Il ne devait rentrer que dans h journée,
vers trois ou quatre heures.
Abel courut à son domicile particulier,
rue Casimir-Perier.
Il y laissa un mot écrit àla hâte; l'avisant
qu'il avait à le voir d'urgence.
Il revint, en effet, vers quatre heures et
demie.
Derrièn était rentré.
Qu'avez-vous à m'apprendre, Sava
riau? — demanda l'officier. .
— Des choses graves, mon oolonel. Je
sais beaucoup de nouveau.
— Parlez v en ce cas. Je vous écoute.
Mais faites vite, oar nous pourrions être dé-
nngés. j'attends des. visites, -notamment
^le du oapitaine Audouars. >
Traduction et nprodocUon interdites.
— Ah I de Pierre ? — s'excJama joyeuse
ment l'agent.
Oui ; j'ai ordre de lui notifier l'agré
ment du ministre. 11 est attaché à la mis
sion Breton. — Vous le connaissez bien,
n'est-ce pas ?
— C'est mon frère de lait,.mon colonel,
— répondit Abel avec émotion.
— Je.comprends votre joie, mon cher
Savariau. C'est d'un bon frère. Et, pour
tant, c'est un terrible honneur que la
France fait au capitaine Audouars.
— Je le sais, mon colonel. Mais il en est
digne plus que tout autre.
Le vieil officier soupira et passa la main
sur son front.
— Pauvres enfants 1 — murmura-t-il. —
Reverront-ils jamais la France î
Et» revenant au sujet de la visite de l'a
gent, il lui dit ;
•—Maintenant, narrez-moi votre journée
et le résultat c|e vos recherches.
Savariau raconta l'épisode de l&veille, sa
visite à l'Américain, son audacieuse super
cherie, sa substitution au personnage de
Phileas Walter. -
A mesure qu'il , parlait, la figure de Der
rien s'éclairait d'un sourire.
. Une admiration non mitigée se peignait
sur ses traits.-
— Vous êtes prodigieux, Savariau, —
prononça-t-il, — prodigieux.
Et to^t aussitôt, voulant de plus amples
détails, il demanda :
— Ah ça, mais il existe donc, ce frère na
turel du Yankee ?
— Il est mort, mon colonel.
— Mort 1
— Mort depuis trois semaines. Je me
suis approprié ses papiers, je me suis fait
une tête à__sa ressemblance,• d'après une
photographie. .
C'était une espèce de détraqué qui vivait
au fond d'une masure qu'il s'était' fait
construire à la pointe de la Garoupe. II y à
un mois, il est revenu dans le Nord, en
Normandie, juste à temps pour y attraper
une fluxion de poitrine. Il n'avait plus le
sou. Il a eu encore la force de regagner
Paris, où il est mort .à l'hôpital Laënnéçv
C'est Guermeur qui a été informé de la
chose par un ii\firniier, et oomme il parle
très bien l'anglais, il a pu s'emparer des
preuves d'identité. On a enterré le Phileas
sous un nom quelconque, c'est-à-dire sous
le nom de Walter. tout court;
— Bien ! — Vous avez joué une grosse
partie, mon cher. Attention I .
^ Je veille au grain, mon colonel. Main
tenant, nous sommes trois avertis.
— Comment, trois ? Je ne vois que vous
et moi, Savariau.
— El Guermeur ? C'est même lui qui a
machiné toute l'affaire.
— Vous avez peut-être eu tort de livrer
votre nom, mon ami?
— Je me suis dit cela, mon colonel. Mais
il n'y avait pas moyen de faire autrement.
Il fallait prendre à ce "vieux coquin son
secret.
— Et qu'avez-vous fait du chèque ? Vous
n'allez pas le toucher ? ?
^ Non, mon colonel. Le chèque est une
pièce à conviction. Il est en lieu sûr.
— 4 qui l'avez-vous confié ? .
— A ma mère. Elle 'a l'ordre de ne le
remettre qu'à moi ou à vous.
Bien! — fit encore Derrien. ~ Je
connais votre mère, Savariau.
EA MI-CARÊME
On pense bien que le premier acte par lequel
les gracieuses reines
anxieusement le ciel.
On avait quelques craintes. La veille encore, il
avait plu désagréablement du matin au soir ;
on pataugeait dans la boue ; on grelottait dans
l'humidité ; le ciel était encombré de nuages
gros encore de menaces. Le bruit avait même
couru que la cavalcade de Mi-Carême si chère
aux Parisiens serait, si le mauvais temps per
sistait, renvoyée au dimanche suivant.
Mais toutes les appréhensions se calmèrent
quand, hier matin, on vit enfin, les. nuages se
dissiper un peu et, par instants, briller le soleil,
dont on avait été privé depuis si longtemps:
La fête promettait d'être très belle; les reines
allaient connaître les ivresses du pouvoir et de
la popularité à travers Paris en joie, au milieu
de l'entrain des foules. Seuls — on l'espérait
ardemment — allaient pleuvoir les confetti
multicolores qui ne feraient qu'ajouter de la
couleur et de l'imprévu aux toilettes presti
gieuses des souveraines ravies. Et l'on activa de
bonne heure tous les préparatifs du magnifique
cortège. '
-Et là journée fut belle en effet. Sans doute,
vers 2 heures 1/2, des gouttes d'eau com
mencèrent à tomber et à inquiéter acteurs et
spectateurs de la fête, mais l'alerte fut de courte
durée. L'après-midi s'acheva sans pluie et la
soirée fut superbe.
' Ce temps, inutile de le dire, fut propice à la
joie de Paris, qui, jusque fort avant - dans >-la_
nuit, se livra, avec une sorte de rage, aux tra
ditionnels plaisirs de la Mi-Carême.
Au « Petit Journal »
La foule, comme chaque année, s'est donné
rendez-vous dès onze heures du matin devant
l'hôtel du Petit Journal dont le portail et le ves
tibule avaient été particulièrement bien déco-rés.
. La maison Offrais, 21, passage Verdeau, bien
connue pour ses décorations artistiques de
bals et soirées,' avait orné de façon pleine
de goût la grande entrée de notre hôtel';
les palmiers, les bambous, les ocubas et les
lauriers garnis de camélias formaient un vérita
ble chemin do verdure. En outre, elle avait en
voyé, pour nos gracieuses visiteuses, de char
mantes corbeilles et des gerbes d'éclatante fraî
cheur; ■
Comme tous les ans, le Petit Journal était le
point de départ du brillant cortège appelé à se
dérouler ensuite à travers Paris.
Aussi, en même temps que le service d'ordre
organisé aux abords de notre hôte^ était
établi' par les soins de MM. Remongin et
Guichard, officiers de paix, étaient accourus les
nombreux habitués du spectacle de la Mi-
Carême.qui viennent assister de là comme d'un
observatoire agréable au défilé des chars et des
cavalcades.
Mais le temps passe et la foule augmente de
minute en minute,' maintenue par les cavaliers
de la garde républicaine et les gardiens de la
— Oh 1 mon oolonel, elle se ferait hacher
plutôt, que de le livrer.
— Je sais cela, mon ami, je le sais. Mais,
faites attention à ceoi. Si vous ne touchez
pas le chèque, le Walter va s'apercevoir
du tour joué.
T- C'est vrai. Mais il faut nous presser.
Deux choses me paraissent urgentes.
— Quelles sont ces choses, à votre avis,
Savariau? Précisez.
L'agent eut une minute de réflexion. Puis
très posément :
— La première est de dépister les gens
qu'on va lancer à la rencontre du capitaine
Lamalgue et de prévenir celui-ci du coup,
qu'on prépare.
— Bon 1 Et la seconde chose urgente,
Savariau ? *
—La seconde, mon colonel,—on'pourrait
presque dire la première, à beaucoup d'é
gards, — c'est de savoir quel est cet officier
français que le Yankee dit être son fil» et
qu'il se vante d'avoir dressé à la trahison.
Le colonel fit quelques pas, le front plissé,
dans lar chambre.
Puis, s'arrêtant devant l'agent, les bras
croisés, iî lui demanda :
— Ne m'avez-vous pas dit que vous aviez
fait boirè cet homme ?
— Certes I du whisky à pleins verres,
oomme de l'eau.
—Propos d'ivrogne, alors. Il ne.oonvient
pas d'y attacher trop d'importance.
— In vino veritas, mon oolonel. Les pro
verbes sont vrais. Et puis, si vous l'aviez
vu, ce Samuel Walter, à ce moment-là,
vous ne douteriez pas. >
— Tout de même, un officier traître de
^profession, traître par haine, le fils de cet
paix, foule paisible et joyeuse ne 'demandant
qu'à s'amuser;
L'heure du déjeuner approche et lés chars du
frand cortège ne paraissent pas ! Néanmoins,
'instant en instant, s'arrêtent devant le Petit
Journal le char ou les landaus d'un lavoir, et les
reines des blanchisseuses viennent recevoir
nos félicitations pour leurs costumes et nos
souhaits d'agrément pour la journée, tandis que
se font entendre. les musiques, les fanfares et
les batteries de tambours en une animation pit
toresque.
Enfin, à midi et demi, l'écho nous apporte
les accents entraînants'd'une fanfare et presque
aussitôt, débouchant de la rue Cadet, le. cor
tège des Gueux des Halles exécute une sa
vante courbe pour venir se ranger devant
1 ePetit Journal. Les Gueux ont adopté cette
année le style romain, et du char, qui re
présente . un arc de triomphé de la Ville
Etemelle, descendent la reine, Mlle Aimée
Richard, dont le péplum blano laisse se déta
cher le manteau bleu aux broderies d'or, puis
le roi, ou plus exactement l'empereur, M. Emile
Mailfert, portant l'impériale pourpre romaine.
La reine des «Gueux», dont chacun remarque
la gaieté communicative, est une'jolie brune
de vingt-quatre ans qui a été bien heureuse le
soir où, après qu'on eut chanté: « Les Gueux!
les Gueux I Sont des gens heureux ! "Vivent les
Gueux ! » elle a. été proclamée^ reine par d'una
nimes suffrages.
Elle est employée, cpmme nous l'avons; dit;
chez M. Pierret, expéditeur aux Halles, don t la
femme fut aussi, il y a quelques années, reine
des Gueux.
Vile Aimée Richard ~
REINE DES C QUEUX B
Mlle Richard et le roi des Guëux por
tent tous deux la couronne de lauriers
d'or. Ils viennent, dans le Salon aménagé pour
la réception des majestés de la Mi-Carême,
recevoir nos compliments au début de leur
marche triomphale. Une corbeille de fleurs est
offerte à la reine, le Champagne est'servi, et
le Montebello qui mousse dans les coupes fête
dignement le succès de la jolie Majesté.
Les souverains des Gueux regagnent ensuite
leur char qui repart pour le Cours-la-Reine, en
cadré par les trompes de chasse à cheval, les
Amis de Saint-Hubert, escorté par quatre
landaus remplis de mousquetaires, de pier-
rettes, de folies et d'Espagnoles aux riches
costumes.
Cependant un. retard s'est produit dans la
réunion des marchés du Temple, des Halles et
Saint-Germain. Les deux derniers ont attendu
vainement le troisième, retardé par un accident
survenu à un des chevaux du char de tête.
Il est donc bien près de deux heures quand
le cortège principal arrive rue Lafayette par la
rue Cadet. Un peloton de gardes républicains
ouvre la marche, suivi par une escouade de gar
diens de la paix.
Les pompiers, à l'uniforme amusant, qui
marchent en tête, jouent une marche entraî
nante et devant le premier char caracolent les
cavaliers circassiens aux uniformes étincelants.
Le char du Mariage sur lequel, à- cause de la
devise « Enfin seuls 1 » se tiennent isolés les
uns des autres des personnages divers, précède
le char de la Majesté suprême.
Ce char, nous l'avons dit déjà, sur lequel
trône, gracieuse et*souriante,|lareine des reines,
-Mlle Marie Marlin-Poirier, représente la (Ville
dé Paris accueillant les nations qui la viennent
visiter. La'partie supérieure est formée de la
nef du bâtiment de Lutècè et les armes de
Paris sont rehaussées de là.croix de la Légion
d'honneur. r-
. En contre-bas se tiennent des musician#
russes, puis, à l'avant, les sept principales
puissances personnifiées par de charmantes
jeunes filles, -parmi lesquelles Mlles Marie Le-
breton, Eugénie Vidal et Louise Marie-Meunier,
les demoiselles d'honneur. ; .
On a constaté hier, comme chaque année
d'ailleurs, que les reines des marchés aussi bien
que des lavoirs avaient rivalisé" de bon -goût
dans le choix de leurs toilettes de gala. Toutes,
sur leur passage, ont entendu s'élever de la
foule des murmures flatteurs et des applaudis
sements chaleureux, mais Mlle Marlin-Poirier,
homme, épousant sa querelle, servant sa
vengeance. C'est invraisemblable.
— Invaisemblable peut-être, mais vrai
tout de même.
Et si je vous disais qu'en l'écoutant, une
pensée m'est venue, un nom -m'est monté
aux lèvres? — Maintenant que je sais
M. d'Hérioourt innooent, il me fallait bien
un autre.
Les deux hommes se regardèrent, crai
gnant de trop bien se comprendre, n'osant
émettre l'accusation qui flottait dans leurs
esprits et sur leurs lèvres.
Elle s'y fit jour, Dépendant. Un même
nom jaillit de leurs bouches tordues.
— Helmann 1
Us se turent. L'ordonnance venait d'ou
vrir la porte et annonçait :
— Mlle Isabelle de Folligny, mon
colonel. \ .
Si rapidement que disparut l'agent, il dut
saluer la jeune fille qui entrait.
XVII
Un
Elle arrivait mal à propos, la pauvre
Isabelle.
Le colonel, la tête encore pleinedes confi
dences de Savariau, eût préféré se trou
ver seul pour remettre un peu d'ordre' dans
ses idées.
Et voilà que la jeune fille se présentait à
lui au moment même où l'agent, après lui
avoir raconté son audacieux exploit de la
veille, avait prononcé ce nom de Helmann,
objet des antipathies de l'officier.
Or, ce Helmann, c'était l'habitué, le
commensal de la maison des dames de
Folligny, le protégé d'Elena Andriair^ qui
vu sa dignité spéciale, a un succès tout par
ticulier.
La rerne des reines, on s'en souvient, a été élue
après l'annuJation cî'un premier tour de scrutin
Mlle JVtaria Marlin-Poirier
nEINE.DES REINES
qui avait donné la majorité des voix, à Mlle
Romelote. Il paraît que ce vote n'avait pas été
régulier, et c'est au cours de la seconde épreuve
à laquelle il a fallu procéder que Mlle Marie
Marlin-Poirier,marchande de verdure auxHalles,
a été appelée à la dignité royale.
Mlle Marlin-Poifier, la reino des reines, porte
une riche robe blanche serrée à la taille par
nne cuirasse d'or, et sur la poitrine se détache
la croix d'honneur de la Ville de Paris. Un long
manteau bleu bordé d'or achève de donner: à
la jeune souveraine un aspect des plus char
mants, et son succès est des plus vifs.
La reine des reines reçoit une magnifique
gerbe de fleurs que nous lui offrons et elle
porte fort gracieusement la bonne santé du
Petit Journal. Nous l'en remercions et lui
adressons nos meilleurs vœux, ainsi qu'au roi,-
M. Horiô.
Mlle Lucie Bret ..
REINE DU MARCHÉ SAINT-GERMAIN
Voici ensuite le marché Saint-Germain, qui a
adopté pour ses personnages le style Charles IX.
Une fanfare à cheval, trois landaus remplis de
costumes riches précèdent le char de la reine,
Mlle Lucie Bret, jolie brune à la physionomie
bien parisienne. .
Mlle Bret est en costume Médicis de soie
blanche.brochée avec manteau; de velours bleu
sur lequel sont piquées des fleurs de lys d'or.
Au bras de son roi, M. Villeneuve, la reine du
marché Saint-Germain nous fait une aimable
visite.
Mlle Eugénie Romelote
REINE DU MARCHÉ DES CARMES .
Le char d^ la reine est suivi d'un char, une
corbeille' fleurie, dans laquelle au milieu des
fleurs s'épanouissent, rivalisant de fraîcheur et
de beauté entre elles, des jeunes femmes costu
mées avec beaucoup dégoût.
Avant de recevoir le. cortège du Temple, que
en avait pris si âprement la. défense contre
les suspicions de son beau-frère.
Paul Derrien accueillit donc sa nièce d'un
visage soucieux, sans lui témoigner l'em
pressement habituel qu'il mettait à la rece
voir.'-' ' x
— Je vous dérange, mon oncle ?—fit-elle
visiblement surprise.
— Un peu, je ne té le cache pas. N'im
porte I Puisque tu es venue, dis-moi oe que
tu as.à nie dire.,Parle vite. .
Il était si préoccupé qu'il ne lui offrit pas
môme de s'asseoir.
—Mon oncle,— commença Isabelle,—
je suis vtenue vous fa.ire une commission de
la part de ma mère.
î— De la part de ta mère ? — questionna-
t-il, se radoucissant. — Pourquoi pas de .a
tienne ? Tu n'as donc rien à me dire?
— De la mienûe aussi, mon oncle, si
vous le voulez. >
— Moi, je le veux bien. Et même, c'est
la meilleure manière de me la faire.
Il souriait. II lui avait pris les mains
et l'avait amenée devant un fauteuil où,
tout doucement, il la fit ; asseoir, réparant
ses torts.
— Voyons. Dis-moi de quoi il s'agit
Quelque folie nouvelle?
— Non,—fit la jeune fille.—-C'est très sé
rieux, au contraire. '
— Quelque chose de sérieux venant-de la
mère ? — Enfin, dis toujours.
t - Voilà; mon oncle. Maman serait très
heureuse de pouvoir rendre service à quel
qu'un que vous connaissez, sans doute.
Pierre MAËL.
(La suite à demain.)
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