Titre : France-Maroc : revue mensuelle illustrée : organe du Comité des foires du Maroc / directeur Alfred de Tarde
Auteur : Comité des foires du Maroc. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Rabat)
Date d'édition : 1922-04-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32777958s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 6556 Nombre total de vues : 6556
Description : 01 avril 1922 01 avril 1922
Description : 1922/04/01 (A6,N65)-1922/04/30. 1922/04/01 (A6,N65)-1922/04/30.
Description : Collection numérique : Originaux conservés à... Collection numérique : Originaux conservés à l'INHA
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Zone géographique :... Collection numérique : Zone géographique : Afrique du Nord et Moyen-Orient
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Description : Collection numérique : Arts Collection numérique : Arts
Description : Collection numérique : Littérature Collection numérique : Littérature
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k61202369
Source : Bibliothèque de l'INHA / coll. J. Doucet, 2010-103818
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/02/2011
NOTES D'UN LEGIONNAIRE
107
En colonne dans le Sud marocain
plateau, surplombant cette plaine, la ville. Tout de
suite, je me suis inquiété de l'histoire locale. Ah!
combien tragique!
Ancienne capitale d'un pachalik, la blanche cité
s'est entourée à tous les âges de l'histoire d'un
profond fleuve de sang! Ceinture de pourpre au corps
d'une Vestale. Puis la conquête française peuplant
les environs de tombes d'où semblent en la douceur
de la nuit sortir des ombres, fantômes errants, de
soldats morts. Cela compose une atmosphère angois-
sante en laquelle je me plais à vivre. Une bibliothèque
nombreuse et bien fournie vit à la Mairie. Pour un
prix modique je m'y suis abonné et je lis, heureux
d'avoir retrouvé en des livres l'âme de mes auteurs
favoris. Ainsi les heures douloureuses s'atténuent et
j aurais mauvaise grâce à me plaindre. Surtout après
les pénibles moments récemment passés dans le Sud.
Je crois que jamais je n'arriverai à me débarrasser
complètement du souvenir des abominations vécues
là-bas! Dans la vermine, sans manger, presque sans
eau, nous avons couru en vrais bandits, le long de
cette frontière marocaine à la recherche des brigands,
pilleurs de douars, razzieurs de troupeaux. Certes, la
note pittoresque n'a pas manqué au cours de ces
expéditions quotidiennes. D'abord cette vie de la
légion en campagne ne ressemble en rien à la vie
militaire d'une part. Alfred de Vigny seul dans son
admirable volume « Grandeur et servitude militaires »
a réussi à analyser l'âme des armées mercenaires et
encore ici l'élément essentiellement cosmopolite
donne une note particulière: c'est de l'humanité pétrie
en pleine pâte, dépouillée de l'artificiel qui fausse si
souvent les hommes dans la vie sédentaire. Ah! ces
nuits au camp! Toujours en alerte,, avec le fusil
attaché au poignet et chargé. Puis le sommeil écrasant
avec, dans l'ombre, le hululement des chacals. Et
toujours au-dessus de ces hommes la lourde atmo-
sphère de pensées, de souvenirs, de remords planant
comme un nuage prêt à crever. Mon Baudelaire, au
fond de mon sac, en tressaillait d'aise en plein
contact avec le satanisme. J'essaierai dans quelque
temps (sans doute quand les loisirs de ma traversée
prochaine me le permettront) de camper certaines
effroyables figures que j'ai tenté de mettre au point
dans mes notes journalières. Que de fois ce mot
d'Hamlet m'est revenu en mémoire:
That's a man!
quand je contemplais ces êtres farouches couchés
sous la tente, sur lesquels passait comme un besoin
de revanche, l'unique désir de tuer. Oui, tuer,
détruire, voilà le but! Diminuer n'importe où,
n'importe quand, la somme de vie, tel est l'idéal.
On dirait que l'excès de souffrance chez ces vaincus
de l'existence a supprimé tout esprit d'humanité. Ce
sont les vrais affranchis des préjugés, les libérés des
contraintes sociales, ceux qui rient aux éclats quand
on leur parle d'avenir! Ah! que de chemin à parcourir
avant aue la solidarité humaine devienne une loi
universelle.
Et je me souviens qu'après une journée d'haras-
sante fatigue passée à rechercher un point d'eau, ce
qu'on appelle ici un bordj, sous la conduite d'un vieux
sergent, j'étais avec trois de mes camarades en
patrouille dans la direction du puits saumâtre vers
lequel cinq cents hommes à moitié morts de soif,
tendaient leurs désirs. Le demi-bataillon auquel
j'appartenais s'était arrêté près d'une palmeraie et
notre capitaine commandant, certain que l'eau était
voisine, avait décidé aue nous camperions là, jusqu'au
moment où reviendrait la patrouille lancée à sa
découverte. Nous allions écrasés sous le poids du sac
traînant nos pieds meurtris, marchant sans parler,
avec le tintement triste des chaînettes de gamelles
et le battement des baïonnettes. Sur nos têtes le ci"l
limpide et bleu s'ensanglantait des dernières lueurs du
soleil mourant. Tout à coup derrière une dune, comme
sursies de terre, trois masures informes, moitié
paillettes, moitié terre battue, nous apparaissent. Et
de suite nous voilà rôdant autour des misérables
fourbis. Deux vieillards stupéfaits de nous voir sont
là debout devant une porte, seuls êtres vivants parmi
ces ruines, dans ce pays de mort. Très maiere sous
les haillons, avec cependant des restes de cette
élégance arabe oui subsiste chez les pires dégénérés
dans ce pays, ils hésitent et font le geste de fuir.
On les saisit aussitôt. Le sergent qui parle assez
l'arabe pour se faire quelque peu comprendre les
interroge: aui êtes-vous ? Où est l'eau ? Ils ne veulent
pas répondre, se regardent et se taisent. Deux balles
règlent leur sort. Déjà on les oublie, car j'ai trouvé
l'eau et je le crie à mes camarades. Tous les quatre
nous nous précipitons et buvons 'à pleins bidons sans
Étape au bord de l'oued
107
En colonne dans le Sud marocain
plateau, surplombant cette plaine, la ville. Tout de
suite, je me suis inquiété de l'histoire locale. Ah!
combien tragique!
Ancienne capitale d'un pachalik, la blanche cité
s'est entourée à tous les âges de l'histoire d'un
profond fleuve de sang! Ceinture de pourpre au corps
d'une Vestale. Puis la conquête française peuplant
les environs de tombes d'où semblent en la douceur
de la nuit sortir des ombres, fantômes errants, de
soldats morts. Cela compose une atmosphère angois-
sante en laquelle je me plais à vivre. Une bibliothèque
nombreuse et bien fournie vit à la Mairie. Pour un
prix modique je m'y suis abonné et je lis, heureux
d'avoir retrouvé en des livres l'âme de mes auteurs
favoris. Ainsi les heures douloureuses s'atténuent et
j aurais mauvaise grâce à me plaindre. Surtout après
les pénibles moments récemment passés dans le Sud.
Je crois que jamais je n'arriverai à me débarrasser
complètement du souvenir des abominations vécues
là-bas! Dans la vermine, sans manger, presque sans
eau, nous avons couru en vrais bandits, le long de
cette frontière marocaine à la recherche des brigands,
pilleurs de douars, razzieurs de troupeaux. Certes, la
note pittoresque n'a pas manqué au cours de ces
expéditions quotidiennes. D'abord cette vie de la
légion en campagne ne ressemble en rien à la vie
militaire d'une part. Alfred de Vigny seul dans son
admirable volume « Grandeur et servitude militaires »
a réussi à analyser l'âme des armées mercenaires et
encore ici l'élément essentiellement cosmopolite
donne une note particulière: c'est de l'humanité pétrie
en pleine pâte, dépouillée de l'artificiel qui fausse si
souvent les hommes dans la vie sédentaire. Ah! ces
nuits au camp! Toujours en alerte,, avec le fusil
attaché au poignet et chargé. Puis le sommeil écrasant
avec, dans l'ombre, le hululement des chacals. Et
toujours au-dessus de ces hommes la lourde atmo-
sphère de pensées, de souvenirs, de remords planant
comme un nuage prêt à crever. Mon Baudelaire, au
fond de mon sac, en tressaillait d'aise en plein
contact avec le satanisme. J'essaierai dans quelque
temps (sans doute quand les loisirs de ma traversée
prochaine me le permettront) de camper certaines
effroyables figures que j'ai tenté de mettre au point
dans mes notes journalières. Que de fois ce mot
d'Hamlet m'est revenu en mémoire:
That's a man!
quand je contemplais ces êtres farouches couchés
sous la tente, sur lesquels passait comme un besoin
de revanche, l'unique désir de tuer. Oui, tuer,
détruire, voilà le but! Diminuer n'importe où,
n'importe quand, la somme de vie, tel est l'idéal.
On dirait que l'excès de souffrance chez ces vaincus
de l'existence a supprimé tout esprit d'humanité. Ce
sont les vrais affranchis des préjugés, les libérés des
contraintes sociales, ceux qui rient aux éclats quand
on leur parle d'avenir! Ah! que de chemin à parcourir
avant aue la solidarité humaine devienne une loi
universelle.
Et je me souviens qu'après une journée d'haras-
sante fatigue passée à rechercher un point d'eau, ce
qu'on appelle ici un bordj, sous la conduite d'un vieux
sergent, j'étais avec trois de mes camarades en
patrouille dans la direction du puits saumâtre vers
lequel cinq cents hommes à moitié morts de soif,
tendaient leurs désirs. Le demi-bataillon auquel
j'appartenais s'était arrêté près d'une palmeraie et
notre capitaine commandant, certain que l'eau était
voisine, avait décidé aue nous camperions là, jusqu'au
moment où reviendrait la patrouille lancée à sa
découverte. Nous allions écrasés sous le poids du sac
traînant nos pieds meurtris, marchant sans parler,
avec le tintement triste des chaînettes de gamelles
et le battement des baïonnettes. Sur nos têtes le ci"l
limpide et bleu s'ensanglantait des dernières lueurs du
soleil mourant. Tout à coup derrière une dune, comme
sursies de terre, trois masures informes, moitié
paillettes, moitié terre battue, nous apparaissent. Et
de suite nous voilà rôdant autour des misérables
fourbis. Deux vieillards stupéfaits de nous voir sont
là debout devant une porte, seuls êtres vivants parmi
ces ruines, dans ce pays de mort. Très maiere sous
les haillons, avec cependant des restes de cette
élégance arabe oui subsiste chez les pires dégénérés
dans ce pays, ils hésitent et font le geste de fuir.
On les saisit aussitôt. Le sergent qui parle assez
l'arabe pour se faire quelque peu comprendre les
interroge: aui êtes-vous ? Où est l'eau ? Ils ne veulent
pas répondre, se regardent et se taisent. Deux balles
règlent leur sort. Déjà on les oublie, car j'ai trouvé
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