Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1874-02-21
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 21 février 1874 21 février 1874
Description : 1874/02/21 (Numéro 4075). 1874/02/21 (Numéro 4075).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k592110c
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/07/2008
Le Petit Journal
*es dispositions se préparent, et à Paris, le
I. 8- *arrondissement est sur le point de suivre
la voie frayée par le 20°. Le faubourg Saint-
Honoré et le quartier de Belleville auront
été; espérons-le, d'heureux initiateur,
La journée d'hier a été froide et grise, mal-
gréquelques rayons de soleil. A deux heu-
res, le thermomètre marquait 7 degrés au-
dessus de zéro.
pans sa séance d'hier jeudi, l'Académie
Française a fixé au jeudi 5 mars la réception
de ni. Emile Ollivier, l'ancien ministre de
l'Empire libéral.
M. Emile Augier répondra au récipien-
daire.
Les nouvelles de la santé de M. Schneider
sont de plus en plus rassurantes. Voici la dé-
pêche que nous avons reçue hier soir du
Creuzot
« Le mieux se continue; le médecin est
aussi satisfait que possible, a
Un habitant de la rue des Lyonnais, en
rentrant, hier soir, sentit une forte odeur de
brûlé, et vit la fumée sortir d'une porte voi-
sine de la sienne.
Il enfonça la porte et trouva une femme
étendue, sans mouvement, sur son) lit qui
Les voisins, accourus à temps, ont éteint le
feu et transporté la femme dans la chambre
du voisin, où, après les soins donnés par un
médecin, elle revint à elle.
fendant qu'elle dormait, le feu avait pris à
du linge quelle faisait sécher près du PQêle
Mercredi soir, pendant la représentation
d'Orphée, à la Gaîté; les spectateurs ont été
affrayes par la chute d'un homme qui, des
frises, est tombé sur la scène à côté d'un des
artistes, Alexandre, qui s'est évanoui; dans
la salle, plusieurs dames se sont trouvées
mal.
C'était un jeune aide-machiniste qui, s'é-
tant trop penché pour voir ce qui se passait
au-dessous de lui, est tombé par-dessus le
pont mobile des cintres, à une hauteur d'en-
viron 15 mètres.
Pendant qu'on prodigue les premiers soins
,au blessé, Montaubry a rassure le public.
Les premiers pansements faits, on a trans-
porte le blessé à l'hôpital Saint-Louis; tout
espoir n'est pas perdu.
La représentation a continué, attristée par
l'impression douloureuse de cet accident.
Un ivrogne rentrait ou essayait de rentrer
ivant-hier soir en titubant. Mais comme il
Avait oublié son adresse, deux personnes
qu'il rencontra dans un établissement se
mirent obligeamment à son service: elles
lui louèrent une chambre dans un garni
du faubourg Saint-Antoine et poussèrent
l'obligeance jusqu'à le coucher.
Le matin, cet homme en se réveillant,
constata la disparition de tous ses effets, de
sa montre et de son porte-monnaie conte-
nant une somme assez ronde.
Le commissaire de la rue des Boulets
averti, fit donner des vêtements au pauvre
diable, et ses actives recherches amenèrent
dans la journée' même l'arrestation des deux
voleurs.
Une jeune-filte, demeurant rue Saint-Anas-
thase, souffrait d'un violent mal de dents.
Elle eut la mauvaise idée de se servir im-
prudemment de chloroforme pour calmer
ses douleurs, ce qui la fit tomber dans une,
terrible crise de nerf.
Il a fallu plusieurs heures de soins intelli-
gents d'un médecin pour larappeler à la vie.
Le feu a pris, pendant la nuit d'hier, dans
un magasin de nouveautés de la chaussée
du Maine. En un instant, toutes lesmarchan-
lises s'étaient enflammées.
En attendant l'arrivée des pompiers, on a
ombattu l'incendie, avec une pompe apparte-
!ant à M. Damain, cafetier.
'Feuilleton dut 21 Février
LE ROI DE CORSE
114 Partie.-La Reine des Vagues
CHAPITRE XIX
Frédéric n'était pas casuiste, tant s'en fal-
lait et le cas lui semblait assez difficile à
expliquer d'une facon concise. 11 allait ce-
pendant répondre pour l'acquis de sa cons-
science, quand la porte du cachot s'ouvrit.
Est-ce que c'est déja l'heure? demanda
Bernard.
Sur la réponse affirmative du gardien
Comme le temps passe vite auprès de
vous, monsieur Frédéric, dit-il encore..
Ce fut tout. Les deux hommes suivirent les
soldats qui les attendaient.
Il y avait à traverser un petit couloir étroit
et noir. Quelle fut la surprise du jeune com-
mandant, quand il sentit qu'on lui serrait les
doigts, de façonàle forcer de fermer la main,
dans laquelle venait d'être glissé un petit
papier. Arrivé au grand jour, il regarda au-
tour de lui, et ne vit que huit Liguriens, à
l'air farouche.
Comment lire l'avis qu'on lui' faisait par-
Grâce à' l'énergie des pompiers, et des
agents de la pâix, de leurs chefs et de la popù-
lation 'on a pu préserver les étages au-des-
sus dont leslocataires avaient déjàdéménagé
en partie.
Un locataire a été brûlé au visage en es-
sayant de sauver quelques marchandises.
Un magnifique portrait de Michelet,. par
Henri Meyer des fantaisies d'actualité,
par Be,rtall et L. Houssot un conte iné-
dit de Francisque Sarcey, illustré; en
tout vingt-huit dessins accompagnés d'un
texte intéressant et varié. Tel est le contenu
du prochain numéro du Journal 'illustré
qui paraîtra samedi: Prix du numéro
15 centimes.
LA STATUE DE JEANNE OARC
Hier, à une heure, sur la place des Pyrami-
des, a eu lieu la pose de la statue équestre
de Jeanne Darc.
Cette œuvre de Frémiet, fondue en bronze
par la maison Thiébault, est remarquable
par son élégance et sa hardiesse.
L'héroïne est représentée sur un cheval
qui piafle elle se hausse sur ses étriers te-
nant du bras droit l'oriflamme de la France.
Armée de pied en cap, sa cuirasse brille
au soleil elle semble revenir du combat,
car elle est nu-tête, les cheveux retombant
en boucle sur ses épaules.
Une auréole de lauriers d'or effleure sa
chevelure, et l'expression de son visage con-
serve encore l'empreinte de l'ardeur de la
bataille.
L'artiste en a fait une jeune fille de seize à
dix-huit ans, élégante et légère, qui plaît in-
finiment aux regards.
Le socle de la statue est en marbre rouge,
avec soubassement en marbre blanc.
On y a gravé en creux ces simples mots
A Jeanne Darc! Une grille en fonte, aux
gracieux mais sévères ornements, entoure
ce monument, qui embellit cette petite place
des Pyramides, sans en masquer ses magni-
tiques maisons.
1.1 n'y apas eu d'inauguration officielle. M. c.
DÉPARTEMENTS
.UN DRAME EN MER
Il y a quelques jours un coup de vent a
surpris une quinzaine de petits bateaux pê-
cheurs d'Etretat. Bientôt ce fut une tempête
affreuse qui poussa les bateaux en pleine
mer2.vec.une violence inouïe; une douzaine
des petits bâtiments purent rentrer, mais on
ne vit pas reparaître les autres, au nombre
de quatre.
Le lendemain, vers midi, une barque de
sauvetage ramenait deux des bateaux dans
un état déplorable.
Une communication gracieuse nous permet
de donner à nos lecteurs le récit du sinistre,
fait par un des patrons des deux bateaux,
nomméMaillard, dans, u ne lettre écrite dans la
langue simple et énergique du marin
« Nous sommes parties d'Etretat à trois
heures du soir au beau temps; en arrivant
sur nos tambours qui se trouvent vers Bru-
neval à trois kilomètres en mer, nous avons
pris nos bouées et cherché nos tambours.
Mais vers cinq heures ne pouvant plus tirer
le reste par le grand vent qui s'élevait, nous
fûmes obligés de remettre à la mer les tam-
bours que nous avions à bord pour nous sau-
ver au plus vite.
» Nous avons appareillé sur notre bouée
avec trois ris; cinq autres petites barques fai-
saient la même manœuvre que nous, qui fai-
sions la sixième, tous à la voile. Vers cinq
heures et demie, une tempête s'est élevée à
six heures moins le quart pour la première
fois le bateau a été pendant une demi-heure'
à moitié d'eau, malgré la manœuvre que Je
fis faire à mes matelots. Pour se défendre de
l'eau qui nous gagnait, je fus obligé d'ame-
ner si peu de voile que -nous a\ions; un
homme était constamment à jeter l'eau et
l'autre à tenir le lest du côté du vent.
« Après cettebourrasque, un quart se passe;
attachées, et quoi qu'il pût s'en servir en-
core, ses mouvements se trouvaient fort gê-
nés de plus, les regards des sbires restaient
fixés sur lui.
Il fit d'abord un mouvement comme si le
soleil le gênait, et porta ses mains au-dessus
de ses yeux. On lui ordonna de les baisser,
il obéit éternua fortement plusieurs lois,
et prit son mouchoir de poche. C'était natu-
rel, on n'y prit pas garde. En le dépliant,
Frédéric déroula le papier, si adroitement
remis entre ses mains, et lut.cette ligne qui
lui fît battre le cœur plus que l'approche- du
gibet:
Soyez prêt à fuir. »
Du mouchoir, le papier passa entre ses lè-
vres. Il l'avala; sesyeux encore une fois cher-
chèrent un indice, un mouvement quelcon-
que dans la foule où passaient les soldats, au
moins un regardami; il ne trouva rien. Seu-
liement, le nombre des gardes augmentait, à
mesure que l'on approchait du lieu du sup-
plice.
Bernard, qui marchait à ses côtés, lai je-
tait de temps à autre un regard chargé de
tristesse et (TaSection.
Je n'ai pas eu le temps de te répondre
tout à l'heure, mon ami, dit Frédéric. Te sou-
viens-tu de la question que tu m'adressais?
Oui monsieur répondit le pauvre
homme qui n'y sonjgeait plus, car il venait
d'apercevoir les potences.
Eh bién je crois que si le diable, au-
trement dit, le mal, semble parfois régner
tous les petits bateaux étaient ensemble,
nous ne tensions pas plus de deux cents mè-
tres carrés. Vers sept heures moins le quart,
quand la première bourrasque est arrivée,
il ai perdu toutes mes voiles, le bateau plein
d'eau. ('est à ce moment que Théodule Va-
lin a dû chavirer et Jean Coquie, le cousin
de Zéphir, avec deux autres hommes.
» Après ce débat, voyant qu'il n'y avait pas
moyen de gagner la terre, nous sommes al-
lés à la grâce de Dieu pendant quinze heu-
res nous étions trempés d'eau de mer dès
cinq heures du soir jusqu'au lendemain.
A une heure après midi, après la terrible
nuit que nous venions de passer, sans bous-
sole, sans lanterne et sans vivres, vers huit
heures du matin, mes deux hommes ont
aperçu un navire, car j'avais entièrement'
perdu la vue.
» Vers une heure du matin jusqu'à mon
arrivée, j'avais donné ordre à mes hommes
de faire route sur le navire. Au même ins-
tant, mes hommes aperçurent une barque
de pêche devant Mont. Alors, ils me deman-
dèrent quel parti prendre. Je les fis diriger
vers la barque, avec un lambeau de voile,
comme pavillon de détresse et, peu de
temps après, nous étions amarrés derrière
la barque qui est le no 37 de Trouville le
patron est natif d'Etretat.
Il nous a-reeueillis à six lieues au large,
dans le nord de Fécarhp.
Nous n'avons monté abord de la barque
qu'à onze heures et demie, afin de nous ré-
chauffer et manger un morceau.
» Nons n'avions pu le faire avant, la mer
étant toujours très forte. Ce ne fut qu'après
avoir senti la chaleur que la vue me revint
un peu. Cependant, je ne puis moi-même
vous écrire ces lignes. Je ne puis pas me
servir de mes mains.
x J'ai besoin que la chaleur vienneme ré.
r chauffer, sans cela je suis tout à lait perdu.
Et dire que c'est pour dix ou douze sous par
têtes que nous sommes allésfaire cent francs
d'avarie et à l'occasion, nous avec. Voilà
notre sort à tous. maillard.
On n'a pas de nouvelles des deux autres
bateaux, sur lesquels se trouvaient Séraphin
Valin, Louis Bellonche, Jean Goquie, Séra-
phin Houlbèq'ue et Théodule Thomas, qui
laisse une femme et trois enfants, dont l'aîné
n'a pas trois ans. sans aucune ressource. Les
autres laissent également femmes et enfants
Une souscription a été ouverte par le mai-
re, M. Monge, à Etretat, et à Paris, 40, rue
Godot de Mauroy, pour venir au secours de
ces malheureuses familles. Nous ne pouvons
qu'engager nos lecteurs d'envoyer leur obole
à cette œuvre de bienfaisance, si nécessaire
aux veuves et orphelins.
CDRSEIL HY&élQUE 1 MHS LECTEURS
Personne n'ignore les souffrances occa-
sionnées par la dentition chez les enfants, et
les conséquences graves qui peuvent en ré-
sulter Convulsions, Diarrhées, Dépérissement.
Les jeunes mères nous sauront donc gré d e
leur indiquer la poudre américaine du doc-
teur Frémint, qui favorise la sortie des dents,
calme immédiatement la douleur etlafluxion
dentaire et empêche tout accident. Pharma-
cie Pénilleau, 148, rue Saint -Dominique,
Paris. Envoyer 5 fr..pour recevoir franco.
ESSENCE DE CAFÉ TRABUT pour café à l'eau, café
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Pr. 1 J',60. Ca/tan,67,r.J.-J. Rousseau, Paris.
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e t pose de dents tant dwkvr. 45, rue Lafayetta
PHARMACIE NORMALE, rue Drouot, 15, à Paris.
L'AFFAIRE
DE lA BÂST1DE-BESPLÂS
̃ • '«OUVEHIR JUDICIAIRE
:.̃̃̃• XIV
•Jï est des scènes que la plume doit s'abste-
nir de retracer Devant la crudité de certains
récits, l'impartialité du conteur se récuse.
Passons.
L'ombre du soir commençait à envelopper
le château quand Latour se retrouva, tâton-
en maître parmi les hommes, Dieu se mon-
tre à son heure, et le met en fuite, alors qu'il
ne s'y attend plus.
Il ne le mettra pas pour nous; ce serait
trop tard.
Qui sait?
Bernard releva vivement la tête. Le jeune
commandant regardait'le ciel, et son beau
visage, calme et souriant, respirait la con-
fiance et la foi.
Le serviteur, qui ne voulait plus croire en
Dieu, se mit à le prier tout bas.
Cependant, la foule encombrait les rues,
les chemins et les voûtes de la citadelle,
dont on lui avait ouvert' les portes pour le
joyeux spectacle. Quoique les potences fus-
sent élevées de façon à être vues de partout,
on aimait mieux'être plus près. C'est qu'on
ne voit pas tous les jours pendre le neveu
d'un roi.
En face du gibet était dressée une estrade,
dont les premières banquettes se trouvaient
occupées par le gouverneur de Terra-Vec-
chia, les .évêques: les magistrats et le haut
clergé. Plus bas, c'étaient les séminaires,
élèves et professeurs, avec les simples abbés.
De chaque côté, il y avait epcore d'autres gra-
dins pour les belles dames et les .gens riches
qui pouvaient payer leur place. Sur celles-
ci les femmes dominaient; c'était le beau
monde de Bastia, la fine neur de l'aristocratie
ligurienne et du haut commerce corse.
Quand Frédéric parut, il y eut parmi ces
dames un murmure approbateur. Le jeune.
nant et titubant, le long de l'étroit couloir du
rez-de-chaussée de l'aile gauche.
Pélagie le guidait, l'accompagnait plu-
La démarche lourde, l'haleine embrasée
l'ceil atone, les lèvres baveuses, la servante,
en chancelant, se cramponnait aux vêtements
de son compagnon; ses traits, hébétés par
l'ivressè, grimaçaient.d'épouvanté au moin-
dre bruit. <̃̃
Dans son cerveau amolli par les vapeurs
de l'alcool, il ne restait plus place que pour
une pensée: la crainte du maître. Rencon-
trer le maître, c'était se perdre, la malheu.
reuse en avait conscience: à défaut de la rai-
son, l'hlstinct de la brute l'avertissait.
Aussi n'était-ce plus la porte de la cour,
mais celle du jardin, qui allait s'ouvrir de.
vant le forçat. Par le jardin on communiqua.
avec la village en suivant d'étroits chemins,
loin de l'avenue d'où le regard embrasse la
façade du château, loin de la. route fréquen-
tée à toute heure.
Pélagie étendit le doigt vers une haie qu'il
suffisait d'enjamber; par une pantomime ex-<
pressive, l'évadé indiqua qu'il avait compris.
Leurs mains se serrèrent, leurs bouches
:murmurèrent quelques syllabes entrecou-
pées de hoquets puis, doucement, la porte
se referma.
Latour aspira une large bouffée d'air frais.
La joie d'un premiertriomphe, joie féroce,
effroyable, faisait hideusement resplendir sa
face de bête fauve. 1
La femme de charge était à sa merci.
Pendant les heures qu'ils venaient de pas-
ser seule à seul, le bandit s'était vingt foie
démandé s'il ne frapperait pas, sans plus ait-
tendre, cette victime qu'une monstrueuse
dépravation mettait en son pouvoir.
Egorger la misérable, s'emparer du tré-
sor. la tentation était grande.
Mais Raymonde veillait en bas, qui pou.
vait entendre dés cris, appeler du secours;
d'ailleurs, où se cacher, comment se dérober
aux poursuites?
Non, le moment de tuer n'était pas venu.
Il fallait achever l'œuvre de captation, sub-
jüguer jusqu'au bout la confiance de la gou-
vernante, faire-de Pélagie une complice in->
consciente, mais, à tout prix, une complice.
Cette alternative semblait devoir prêter
d'autant mieux au succès, que le repris de
justice et la femme de charge ne s'étaient
pas quittés sans convenir de se revoir souvent.
Seulement, par prudence, les rendez-vous
devaient avoir lieu à lanuit close; le jour on
correspondrait par signaux: par exemple, un
mouchoir que Latour déplierait en passant
devant le château.
Suivrons-nous pas à pas le repris de justice
dans chacune de ses visites? Insisterons-noua
sur l'accueil que lui réservait Pélagie? La-
tour ne se présentait jamais à la pejif entrée
du jardin srns avoir eu le soin de se munir
d'une de ces fioles dont la seule apparition
avait le privilége d'afirioler la gouvernante;
bations resserraient davantage le lien qui les
unissait.
Et puis, c'étaient des causeries sans fin.
Pélagie prêtait une oreille complaisante à
des récits merveilleux dont les épisodes
étaient, pour la plupart, empruntés aux Mille
et une nuits, -la lecture préférée de l'ancien
habitué des maisons centrales. La présence-
de Latour devenait pour elle une source de
distractions impatiemment désirées; son in-
tarissable faconde récréait cette femme dont
les aspirations juvéniles étoufiaient dans ce
cloître, entre la sévère Raymonde et le silen-
cieux Lacanal..
Cependant, au village, une sorte de réac-
tion s'opérait à l'égard du prétendu Baptiste
Pujol. Une vague défiance commençait" sa
manifester contre ce négociant que nul na
voyait négocier,
Errant par les sentiers, plongé dans ses
criminelles méditations, l'esprit tourné ex-
clusivement vers la perpétration de l'attentat
dont il considérait l'exécution comme pro-
chaine, Latour passait indifîérent au milieu
de ces hostilités naissantes.
Il ne pouvait, toutefois, longtemps les me
connaître.
Le 19 décembre, comme il entrait chei
homme était beau dan^ toute l'acception du
mot; sa grâce et sa distinction ajoutaienten-
core à l'exquise perfection de ses traits. Il
entendit ce murmure flatteur qui l'accueil-
lait, et se retourna, souriant avec l'aisance
insoucieuseun bal.
Plusieurs lui rendirent salut et sourire.
Ces dames savaient gré au condamné de
mourir sous leurs yeux d'une façon si gra-
cieuse, et trouvaient que le spectacle 4 avait
rien de lugubre, au contraire.
Sur le pont du vaisseau chamarré de la
reine des vagues, on attendait aussi le spec-
tacle. promis. Vittolo regardait d'un air som-
bre; depuis qu'il avait quitté sa montagne,
le paysan ne riait plus. 11 suivait Barbera et
lui obéissait aveuglément, parce qu il croyait
en elle. Il avait hâte de voir exterminer le
roi de Corse et les siens, parce qu'il les croyait
sincèrement des obstacles mais c'était avec
la conviction'de marcher après cela libre-
ment contre Gênes 4 la conquête de la liber.
té. Barbera n'avait-elle pas dit Le roi d'a-
bord, Gênes après.
Et Barbera, pour Vittolo, ne pouvait nj
mentir, ni se tromper. Il pensait donc c'est
toujours un de moins. Et il regardait avec
Marco plaisantait avec l'équipage surlhonr
neur de si hautes potences, pendant que Mar-
eardnit flareo -qui ne la voyait joint
*es dispositions se préparent, et à Paris, le
I. 8- *arrondissement est sur le point de suivre
la voie frayée par le 20°. Le faubourg Saint-
Honoré et le quartier de Belleville auront
été; espérons-le, d'heureux initiateur,
La journée d'hier a été froide et grise, mal-
gréquelques rayons de soleil. A deux heu-
res, le thermomètre marquait 7 degrés au-
dessus de zéro.
pans sa séance d'hier jeudi, l'Académie
Française a fixé au jeudi 5 mars la réception
de ni. Emile Ollivier, l'ancien ministre de
l'Empire libéral.
M. Emile Augier répondra au récipien-
daire.
Les nouvelles de la santé de M. Schneider
sont de plus en plus rassurantes. Voici la dé-
pêche que nous avons reçue hier soir du
Creuzot
« Le mieux se continue; le médecin est
aussi satisfait que possible, a
Un habitant de la rue des Lyonnais, en
rentrant, hier soir, sentit une forte odeur de
brûlé, et vit la fumée sortir d'une porte voi-
sine de la sienne.
Il enfonça la porte et trouva une femme
étendue, sans mouvement, sur son) lit qui
Les voisins, accourus à temps, ont éteint le
feu et transporté la femme dans la chambre
du voisin, où, après les soins donnés par un
médecin, elle revint à elle.
fendant qu'elle dormait, le feu avait pris à
du linge quelle faisait sécher près du PQêle
Mercredi soir, pendant la représentation
d'Orphée, à la Gaîté; les spectateurs ont été
affrayes par la chute d'un homme qui, des
frises, est tombé sur la scène à côté d'un des
artistes, Alexandre, qui s'est évanoui; dans
la salle, plusieurs dames se sont trouvées
mal.
C'était un jeune aide-machiniste qui, s'é-
tant trop penché pour voir ce qui se passait
au-dessous de lui, est tombé par-dessus le
pont mobile des cintres, à une hauteur d'en-
viron 15 mètres.
Pendant qu'on prodigue les premiers soins
,au blessé, Montaubry a rassure le public.
Les premiers pansements faits, on a trans-
porte le blessé à l'hôpital Saint-Louis; tout
espoir n'est pas perdu.
La représentation a continué, attristée par
l'impression douloureuse de cet accident.
Un ivrogne rentrait ou essayait de rentrer
ivant-hier soir en titubant. Mais comme il
Avait oublié son adresse, deux personnes
qu'il rencontra dans un établissement se
mirent obligeamment à son service: elles
lui louèrent une chambre dans un garni
du faubourg Saint-Antoine et poussèrent
l'obligeance jusqu'à le coucher.
Le matin, cet homme en se réveillant,
constata la disparition de tous ses effets, de
sa montre et de son porte-monnaie conte-
nant une somme assez ronde.
Le commissaire de la rue des Boulets
averti, fit donner des vêtements au pauvre
diable, et ses actives recherches amenèrent
dans la journée' même l'arrestation des deux
voleurs.
Une jeune-filte, demeurant rue Saint-Anas-
thase, souffrait d'un violent mal de dents.
Elle eut la mauvaise idée de se servir im-
prudemment de chloroforme pour calmer
ses douleurs, ce qui la fit tomber dans une,
terrible crise de nerf.
Il a fallu plusieurs heures de soins intelli-
gents d'un médecin pour larappeler à la vie.
Le feu a pris, pendant la nuit d'hier, dans
un magasin de nouveautés de la chaussée
du Maine. En un instant, toutes lesmarchan-
lises s'étaient enflammées.
En attendant l'arrivée des pompiers, on a
ombattu l'incendie, avec une pompe apparte-
!ant à M. Damain, cafetier.
'Feuilleton dut 21 Février
LE ROI DE CORSE
114 Partie.-La Reine des Vagues
CHAPITRE XIX
Frédéric n'était pas casuiste, tant s'en fal-
lait et le cas lui semblait assez difficile à
expliquer d'une facon concise. 11 allait ce-
pendant répondre pour l'acquis de sa cons-
science, quand la porte du cachot s'ouvrit.
Est-ce que c'est déja l'heure? demanda
Bernard.
Sur la réponse affirmative du gardien
Comme le temps passe vite auprès de
vous, monsieur Frédéric, dit-il encore..
Ce fut tout. Les deux hommes suivirent les
soldats qui les attendaient.
Il y avait à traverser un petit couloir étroit
et noir. Quelle fut la surprise du jeune com-
mandant, quand il sentit qu'on lui serrait les
doigts, de façonàle forcer de fermer la main,
dans laquelle venait d'être glissé un petit
papier. Arrivé au grand jour, il regarda au-
tour de lui, et ne vit que huit Liguriens, à
l'air farouche.
Comment lire l'avis qu'on lui' faisait par-
Grâce à' l'énergie des pompiers, et des
agents de la pâix, de leurs chefs et de la popù-
lation 'on a pu préserver les étages au-des-
sus dont leslocataires avaient déjàdéménagé
en partie.
Un locataire a été brûlé au visage en es-
sayant de sauver quelques marchandises.
Un magnifique portrait de Michelet,. par
Henri Meyer des fantaisies d'actualité,
par Be,rtall et L. Houssot un conte iné-
dit de Francisque Sarcey, illustré; en
tout vingt-huit dessins accompagnés d'un
texte intéressant et varié. Tel est le contenu
du prochain numéro du Journal 'illustré
qui paraîtra samedi: Prix du numéro
15 centimes.
LA STATUE DE JEANNE OARC
Hier, à une heure, sur la place des Pyrami-
des, a eu lieu la pose de la statue équestre
de Jeanne Darc.
Cette œuvre de Frémiet, fondue en bronze
par la maison Thiébault, est remarquable
par son élégance et sa hardiesse.
L'héroïne est représentée sur un cheval
qui piafle elle se hausse sur ses étriers te-
nant du bras droit l'oriflamme de la France.
Armée de pied en cap, sa cuirasse brille
au soleil elle semble revenir du combat,
car elle est nu-tête, les cheveux retombant
en boucle sur ses épaules.
Une auréole de lauriers d'or effleure sa
chevelure, et l'expression de son visage con-
serve encore l'empreinte de l'ardeur de la
bataille.
L'artiste en a fait une jeune fille de seize à
dix-huit ans, élégante et légère, qui plaît in-
finiment aux regards.
Le socle de la statue est en marbre rouge,
avec soubassement en marbre blanc.
On y a gravé en creux ces simples mots
A Jeanne Darc! Une grille en fonte, aux
gracieux mais sévères ornements, entoure
ce monument, qui embellit cette petite place
des Pyramides, sans en masquer ses magni-
tiques maisons.
1.1 n'y apas eu d'inauguration officielle. M. c.
DÉPARTEMENTS
.UN DRAME EN MER
Il y a quelques jours un coup de vent a
surpris une quinzaine de petits bateaux pê-
cheurs d'Etretat. Bientôt ce fut une tempête
affreuse qui poussa les bateaux en pleine
mer2.vec.une violence inouïe; une douzaine
des petits bâtiments purent rentrer, mais on
ne vit pas reparaître les autres, au nombre
de quatre.
Le lendemain, vers midi, une barque de
sauvetage ramenait deux des bateaux dans
un état déplorable.
Une communication gracieuse nous permet
de donner à nos lecteurs le récit du sinistre,
fait par un des patrons des deux bateaux,
nomméMaillard, dans, u ne lettre écrite dans la
langue simple et énergique du marin
« Nous sommes parties d'Etretat à trois
heures du soir au beau temps; en arrivant
sur nos tambours qui se trouvent vers Bru-
neval à trois kilomètres en mer, nous avons
pris nos bouées et cherché nos tambours.
Mais vers cinq heures ne pouvant plus tirer
le reste par le grand vent qui s'élevait, nous
fûmes obligés de remettre à la mer les tam-
bours que nous avions à bord pour nous sau-
ver au plus vite.
» Nous avons appareillé sur notre bouée
avec trois ris; cinq autres petites barques fai-
saient la même manœuvre que nous, qui fai-
sions la sixième, tous à la voile. Vers cinq
heures et demie, une tempête s'est élevée à
six heures moins le quart pour la première
fois le bateau a été pendant une demi-heure'
à moitié d'eau, malgré la manœuvre que Je
fis faire à mes matelots. Pour se défendre de
l'eau qui nous gagnait, je fus obligé d'ame-
ner si peu de voile que -nous a\ions; un
homme était constamment à jeter l'eau et
l'autre à tenir le lest du côté du vent.
« Après cettebourrasque, un quart se passe;
attachées, et quoi qu'il pût s'en servir en-
core, ses mouvements se trouvaient fort gê-
nés de plus, les regards des sbires restaient
fixés sur lui.
Il fit d'abord un mouvement comme si le
soleil le gênait, et porta ses mains au-dessus
de ses yeux. On lui ordonna de les baisser,
il obéit éternua fortement plusieurs lois,
et prit son mouchoir de poche. C'était natu-
rel, on n'y prit pas garde. En le dépliant,
Frédéric déroula le papier, si adroitement
remis entre ses mains, et lut.cette ligne qui
lui fît battre le cœur plus que l'approche- du
gibet:
Soyez prêt à fuir. »
Du mouchoir, le papier passa entre ses lè-
vres. Il l'avala; sesyeux encore une fois cher-
chèrent un indice, un mouvement quelcon-
que dans la foule où passaient les soldats, au
moins un regardami; il ne trouva rien. Seu-
liement, le nombre des gardes augmentait, à
mesure que l'on approchait du lieu du sup-
plice.
Bernard, qui marchait à ses côtés, lai je-
tait de temps à autre un regard chargé de
tristesse et (TaSection.
Je n'ai pas eu le temps de te répondre
tout à l'heure, mon ami, dit Frédéric. Te sou-
viens-tu de la question que tu m'adressais?
Oui monsieur répondit le pauvre
homme qui n'y sonjgeait plus, car il venait
d'apercevoir les potences.
Eh bién je crois que si le diable, au-
trement dit, le mal, semble parfois régner
tous les petits bateaux étaient ensemble,
nous ne tensions pas plus de deux cents mè-
tres carrés. Vers sept heures moins le quart,
quand la première bourrasque est arrivée,
il ai perdu toutes mes voiles, le bateau plein
d'eau. ('est à ce moment que Théodule Va-
lin a dû chavirer et Jean Coquie, le cousin
de Zéphir, avec deux autres hommes.
» Après ce débat, voyant qu'il n'y avait pas
moyen de gagner la terre, nous sommes al-
lés à la grâce de Dieu pendant quinze heu-
res nous étions trempés d'eau de mer dès
cinq heures du soir jusqu'au lendemain.
A une heure après midi, après la terrible
nuit que nous venions de passer, sans bous-
sole, sans lanterne et sans vivres, vers huit
heures du matin, mes deux hommes ont
aperçu un navire, car j'avais entièrement'
perdu la vue.
» Vers une heure du matin jusqu'à mon
arrivée, j'avais donné ordre à mes hommes
de faire route sur le navire. Au même ins-
tant, mes hommes aperçurent une barque
de pêche devant Mont. Alors, ils me deman-
dèrent quel parti prendre. Je les fis diriger
vers la barque, avec un lambeau de voile,
comme pavillon de détresse et, peu de
temps après, nous étions amarrés derrière
la barque qui est le no 37 de Trouville le
patron est natif d'Etretat.
Il nous a-reeueillis à six lieues au large,
dans le nord de Fécarhp.
Nous n'avons monté abord de la barque
qu'à onze heures et demie, afin de nous ré-
chauffer et manger un morceau.
» Nons n'avions pu le faire avant, la mer
étant toujours très forte. Ce ne fut qu'après
avoir senti la chaleur que la vue me revint
un peu. Cependant, je ne puis moi-même
vous écrire ces lignes. Je ne puis pas me
servir de mes mains.
x J'ai besoin que la chaleur vienneme ré.
r chauffer, sans cela je suis tout à lait perdu.
Et dire que c'est pour dix ou douze sous par
têtes que nous sommes allésfaire cent francs
d'avarie et à l'occasion, nous avec. Voilà
notre sort à tous. maillard.
On n'a pas de nouvelles des deux autres
bateaux, sur lesquels se trouvaient Séraphin
Valin, Louis Bellonche, Jean Goquie, Séra-
phin Houlbèq'ue et Théodule Thomas, qui
laisse une femme et trois enfants, dont l'aîné
n'a pas trois ans. sans aucune ressource. Les
autres laissent également femmes et enfants
Une souscription a été ouverte par le mai-
re, M. Monge, à Etretat, et à Paris, 40, rue
Godot de Mauroy, pour venir au secours de
ces malheureuses familles. Nous ne pouvons
qu'engager nos lecteurs d'envoyer leur obole
à cette œuvre de bienfaisance, si nécessaire
aux veuves et orphelins.
CDRSEIL HY&élQUE 1 MHS LECTEURS
Personne n'ignore les souffrances occa-
sionnées par la dentition chez les enfants, et
les conséquences graves qui peuvent en ré-
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L'AFFAIRE
DE lA BÂST1DE-BESPLÂS
̃ • '«OUVEHIR JUDICIAIRE
:.̃̃̃• XIV
•Jï est des scènes que la plume doit s'abste-
nir de retracer Devant la crudité de certains
récits, l'impartialité du conteur se récuse.
Passons.
L'ombre du soir commençait à envelopper
le château quand Latour se retrouva, tâton-
en maître parmi les hommes, Dieu se mon-
tre à son heure, et le met en fuite, alors qu'il
ne s'y attend plus.
Il ne le mettra pas pour nous; ce serait
trop tard.
Qui sait?
Bernard releva vivement la tête. Le jeune
commandant regardait'le ciel, et son beau
visage, calme et souriant, respirait la con-
fiance et la foi.
Le serviteur, qui ne voulait plus croire en
Dieu, se mit à le prier tout bas.
Cependant, la foule encombrait les rues,
les chemins et les voûtes de la citadelle,
dont on lui avait ouvert' les portes pour le
joyeux spectacle. Quoique les potences fus-
sent élevées de façon à être vues de partout,
on aimait mieux'être plus près. C'est qu'on
ne voit pas tous les jours pendre le neveu
d'un roi.
En face du gibet était dressée une estrade,
dont les premières banquettes se trouvaient
occupées par le gouverneur de Terra-Vec-
chia, les .évêques: les magistrats et le haut
clergé. Plus bas, c'étaient les séminaires,
élèves et professeurs, avec les simples abbés.
De chaque côté, il y avait epcore d'autres gra-
dins pour les belles dames et les .gens riches
qui pouvaient payer leur place. Sur celles-
ci les femmes dominaient; c'était le beau
monde de Bastia, la fine neur de l'aristocratie
ligurienne et du haut commerce corse.
Quand Frédéric parut, il y eut parmi ces
dames un murmure approbateur. Le jeune.
nant et titubant, le long de l'étroit couloir du
rez-de-chaussée de l'aile gauche.
Pélagie le guidait, l'accompagnait plu-
La démarche lourde, l'haleine embrasée
l'ceil atone, les lèvres baveuses, la servante,
en chancelant, se cramponnait aux vêtements
de son compagnon; ses traits, hébétés par
l'ivressè, grimaçaient.d'épouvanté au moin-
dre bruit. <̃̃
Dans son cerveau amolli par les vapeurs
de l'alcool, il ne restait plus place que pour
une pensée: la crainte du maître. Rencon-
trer le maître, c'était se perdre, la malheu.
reuse en avait conscience: à défaut de la rai-
son, l'hlstinct de la brute l'avertissait.
Aussi n'était-ce plus la porte de la cour,
mais celle du jardin, qui allait s'ouvrir de.
vant le forçat. Par le jardin on communiqua.
avec la village en suivant d'étroits chemins,
loin de l'avenue d'où le regard embrasse la
façade du château, loin de la. route fréquen-
tée à toute heure.
Pélagie étendit le doigt vers une haie qu'il
suffisait d'enjamber; par une pantomime ex-<
pressive, l'évadé indiqua qu'il avait compris.
Leurs mains se serrèrent, leurs bouches
:murmurèrent quelques syllabes entrecou-
pées de hoquets puis, doucement, la porte
se referma.
Latour aspira une large bouffée d'air frais.
La joie d'un premiertriomphe, joie féroce,
effroyable, faisait hideusement resplendir sa
face de bête fauve. 1
La femme de charge était à sa merci.
Pendant les heures qu'ils venaient de pas-
ser seule à seul, le bandit s'était vingt foie
démandé s'il ne frapperait pas, sans plus ait-
tendre, cette victime qu'une monstrueuse
dépravation mettait en son pouvoir.
Egorger la misérable, s'emparer du tré-
sor. la tentation était grande.
Mais Raymonde veillait en bas, qui pou.
vait entendre dés cris, appeler du secours;
d'ailleurs, où se cacher, comment se dérober
aux poursuites?
Non, le moment de tuer n'était pas venu.
Il fallait achever l'œuvre de captation, sub-
jüguer jusqu'au bout la confiance de la gou-
vernante, faire-de Pélagie une complice in->
consciente, mais, à tout prix, une complice.
Cette alternative semblait devoir prêter
d'autant mieux au succès, que le repris de
justice et la femme de charge ne s'étaient
pas quittés sans convenir de se revoir souvent.
Seulement, par prudence, les rendez-vous
devaient avoir lieu à lanuit close; le jour on
correspondrait par signaux: par exemple, un
mouchoir que Latour déplierait en passant
devant le château.
Suivrons-nous pas à pas le repris de justice
dans chacune de ses visites? Insisterons-noua
sur l'accueil que lui réservait Pélagie? La-
tour ne se présentait jamais à la pejif entrée
du jardin srns avoir eu le soin de se munir
d'une de ces fioles dont la seule apparition
avait le privilége d'afirioler la gouvernante;
bations resserraient davantage le lien qui les
unissait.
Et puis, c'étaient des causeries sans fin.
Pélagie prêtait une oreille complaisante à
des récits merveilleux dont les épisodes
étaient, pour la plupart, empruntés aux Mille
et une nuits, -la lecture préférée de l'ancien
habitué des maisons centrales. La présence-
de Latour devenait pour elle une source de
distractions impatiemment désirées; son in-
tarissable faconde récréait cette femme dont
les aspirations juvéniles étoufiaient dans ce
cloître, entre la sévère Raymonde et le silen-
cieux Lacanal..
Cependant, au village, une sorte de réac-
tion s'opérait à l'égard du prétendu Baptiste
Pujol. Une vague défiance commençait" sa
manifester contre ce négociant que nul na
voyait négocier,
Errant par les sentiers, plongé dans ses
criminelles méditations, l'esprit tourné ex-
clusivement vers la perpétration de l'attentat
dont il considérait l'exécution comme pro-
chaine, Latour passait indifîérent au milieu
de ces hostilités naissantes.
Il ne pouvait, toutefois, longtemps les me
connaître.
Le 19 décembre, comme il entrait chei
homme était beau dan^ toute l'acception du
mot; sa grâce et sa distinction ajoutaienten-
core à l'exquise perfection de ses traits. Il
entendit ce murmure flatteur qui l'accueil-
lait, et se retourna, souriant avec l'aisance
insoucieuse
Plusieurs lui rendirent salut et sourire.
Ces dames savaient gré au condamné de
mourir sous leurs yeux d'une façon si gra-
cieuse, et trouvaient que le spectacle 4 avait
rien de lugubre, au contraire.
Sur le pont du vaisseau chamarré de la
reine des vagues, on attendait aussi le spec-
tacle. promis. Vittolo regardait d'un air som-
bre; depuis qu'il avait quitté sa montagne,
le paysan ne riait plus. 11 suivait Barbera et
lui obéissait aveuglément, parce qu il croyait
en elle. Il avait hâte de voir exterminer le
roi de Corse et les siens, parce qu'il les croyait
sincèrement des obstacles mais c'était avec
la conviction'de marcher après cela libre-
ment contre Gênes 4 la conquête de la liber.
té. Barbera n'avait-elle pas dit Le roi d'a-
bord, Gênes après.
Et Barbera, pour Vittolo, ne pouvait nj
mentir, ni se tromper. Il pensait donc c'est
toujours un de moins. Et il regardait avec
Marco plaisantait avec l'équipage surlhonr
neur de si hautes potences, pendant que Mar-
eardnit flareo -qui ne la voyait joint
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