Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1874-02-05
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 05 février 1874 05 février 1874
Description : 1874/02/05 (Numéro 4059). 1874/02/05 (Numéro 4059).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k592094b
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/07/2008
ADMUSTRATION et REDACTION
AParis, rue de lafayette, 61
"làonnementa Paris
TROIS MOIS 5 Fa.
SÏXStOlS 9 FR.
vu ah 18 m.
QUOTIDIEN
UNM1ÉRO 5 CENTRES
Abonnements Départ.
TROIS 'MOIS. 6 FR.
12 FR.
24m.
Douzième Année
Jeudi 5 Février 1874
MERCREDI 4 FÉVRIER 1874
EN ANGLETERRE
Au directeur du PETIT Journal
Londres, février.
Si la dissolution inattendue du Parle-
ment n'est pas tout à fait, comme le pré-
tendait hier M. Disraeli, un véritable coup
d'Etat, c'est du moins -un coup de théâtre,
h plus singulier qu'on puisse trouver dans
bs annales parlementaires.
.Les électeurs ei les candidats sont pris
par surprise, et les chroniqueurs aussi.
M. Gladstone n'a pas laissé aux premiers
le temps de choisir ou d'être choisis, aux
seconds le temps de se reconnaître.
C'est à peine si j'ai pu faire en hâte mes
malles, prendre l'express de Calais, tra-
verser le détroit et arriver tout juste pour
1 les -premières élections L'embarras de
votre correspondant n'est donc pas moins
grand que celui des citoyens anglais, et je
ne sais trop comment débuter.
Une élection anglaiseestd'ordinaire une
pièce en trois actes, dont un prologue. Or
cette fois; cestrois tableaux sont tellement
confondus et entremêlés qus mon métier
d'analyste n'est rien moins que facile, et
qu'il me faut dans mes récits renoncer à
toute velléité de méthode et d'ordre systé-
matique.
Depuis quarante-huit heures que je suis
ici, j'ai entendu vingt discours, assisté à
sgpt ou huit meetings, vu applaudir M.
Gladstone, siffler, huer, accabler de tro-
gnons de pommes et de sacs de farine l'un
de ses ministres, casser des bornes, briser
des chaises, boxer des électeurs.
tout cela fait bien partie du prologue obli-
gatoire. Mais, comme contraste, c'est
par un dénoûment partiel qu'a commencé
ma tournée..
Vendredi matin, je partais pour Bir-
mingham.
L'avant-veille, les électeurs de John
Bright ne connaissaient pas encore la date
précise de la convocation. Jeudi, la nonti-
nation (1) était fixée au lendemain; ven-
dredi, midi, M. Bright et les deux au-
tres députés de cette grande cité, étaient
élus députés par une dizaine de person-
nes, sans lutte, sans opposition. L'opéra-
tion avait duré en tout à peu près dix mi-
nutes/
Le même fait se reproduisait dans quel-
ques autres villes et quatre jours après la
dissolution du Parlement, la nouvelle
Chambre des Communes comptait déjà
(1) C'est le premier acte de l'élection, dont j'ex-
pliquerai plus loin le mécanisme. Toutes les fois
qu'un candidat n'a pas de concurrent, il n'y a pas de
second acte, c'est-à-dire de scrutin.
Feuilleton du 5 £évrier
[62î DEUXIÈME PARTIE
XIII
X
du hasard
Suite
> C'est l'heure fit Buvard, ne perdons
pas de temps.
Moi, je suis prêt 1 répondit son compa-
gnon.
Il se tourna alors vers le cocher
Tu vas'nous attendre ici, ajouta-t-il
d'un ton bref; je ne sais au juste quand nous
reviendrons, mais ce n'est pas làl'important.
Si, pendant notre absence, quelqu'un s'ima-
ginait par hasard de t'interroger, tu répon-
drais que tu ne sais rien.
Suffit, bourgeois.
Mulot avait déjà fait quelques pas.
Buvard s'empressa de le rejoindre et ils
s'engagèrent dans l'avenue.
Au bout d'un quart d'heure au plus, ils
atteignaient la maison habitée car, Jâ mèro
une quinzaine de membres élus de cette
expéditive manière.
M. Brigtht n'était même pas présent et
n'est arrivé que le soir, et c'est hier seu-
lement qu'il a remercié ses électeurs.
Ce genre d'élection bâclée par quelques
amis, en présence d'un officier public, et
à portes closes, est un résultat assez
étrange de la nouvelle loi du scrutin se-
cret ou ballot.
Revenu sur-le-champ à Londres, et tout
penaud d'avoir fait quarante-cinq lieues
pour si peu de chose, jetasse la soirée à
parcourir les meetings, où je retrouve
enfin la vie et le mouvement, tantôt dans
une salle de concert (musio hall), tantôt
dans une taverne, tantôt en plein air.
Après avoir entendu le cordonnier Od-
ger, le célèbre orateur populaire, faire sa
profession de foi sur une place publique
de Southwark, du haut d'un énorme ca-
mion qui lui sert à la fois d'estrade et de
tribune, en présence de quatre mille élec-
teurs qui l'applaudissent à tout rompre, je
me dirige vers le quartier de la Tour de
Londres, qui porte comme circonscription
électorale le nom de Tower Hamleùs (les
hameaux de la Tour).
Là, dans une taverne qui porte pour en-
1 feigne: Aux armes du ral, un des minis-
tres de la reine, M. Ayrton; avocatgénéral
de la couronne, et qui récemment s'est
rendu fort impopulaire comme ministre
des travaux publics, en interdisant les
parcs aux faiseurs de manifestations, M.
Ayrton avait convoqué les partisans de sa
candidature.
Au moment où j'arrive, un vacarme
épouvantable, qui durait, paraît-il, depuis
plus de deux heures, est en train de pren-
dre des proportions épiques.
L'orateur-ministre rouge de colère
ruisselant de sueur, a vainement essayé
de tenir tête à l'orage, de se faire enten-
dre, d'essayer la justification de ses actes,
Les cris, les vociférations, les huées, ont
constamment couvert sa voix pourtant
bien forte.
Les insultes qu'il adresse à la partie hos-
tile de l'auditoire et l'épi thète d'imbécile
lancée aux opposants, ne font qu'accroître
le tumulte.
L'expulsion de quelques tapageurs ne
sert qu'à rendre les autres plus intraita-
bles on chante à tue-tête les hymnes na-
tionaux Rule Britannia et God $au$ the
Puis enfin des mots on en vient aux
coups les bancs, les chaises sont trans-
formés en armes offensives et défensives;
les projectiles tombent sur la plate-forme,
les sacs en papier, pleins de farine, attei-
gnent le malheureux membre du cabinet
Gladstone; M. Ayrton, renonçant à la
lutte impossible, quitte brusquement Tt>s-
trade, et la séance esL levée au milieu
d'une inexprimable confusion.
Là, ils s'arêtèrent.
Et à leur profond étonnement, ils remar-
quèrent que la salle du rez-dé-chaussée en
était-vivement écla'rée.
Qu'est-ce que cela signifie? fit Buvard
avec un froncement de sourcils.
Ca n'est pas naturel, en effet, dit Mulot,
mais la nature nous a doués d'une langue, et
c'est le vrai moment de s'en servir.
En parlant ainsi, il marcha d'un pas résolu
vers la ferme.
A mesure qu'il approchait de la ferme,
Mulot avait ralenti le pas, et quand il arriva
assez près pour pouvoir plonger son regard
dans l'intérieur de lasalle, par la fenêtre ou-
verte, il fut frappé de voir ce qui s'y passait.
Buvard était derrière lui, et il put, en même
temps; contempler le tableau qui s'oflrait à
eux.
La mère Rebours se promenait avec agita-
tion, marmottant des paroles incohérentes et
ietant de temps en temps un coup d'oeil sur sa
fuie, la petite Pâlotte, qui était assise sur une
chaise, a l'autre extrémité de la salle.
La Pâlotte faisait peine à voir.
Elle était à demi-vêtue et, la tête dans ses
mains, elle pleurait à chaudes larmes, avec
toutes'les marques du désespoir le plus sin-
Quelquefois seulement les sanglots s'arrê-
taient, et alors on entendait une toux opi-
niâtre et sèche lui déchirer la poitrine.
C'était douloureux à entendre.
Huml fit Buvard à voix basse;, qjiel mal*
Ce sont là des incidents assez fréquents
de la période électorale. Ainsi, j'apprends
que sur plusieurs points de la province, il
s'en est présenté quelques-uns de sem-
blables..
Hier, à Gloucester, on a renversé la voi-
ture d'un boulanger pour s'emparer de sa
provision de farine; les libéraux ont
brisé les vitres des public-houses fréquen-
tés par les conservateurs, et les conserva-
teurs ont saccagé les établissements oùse
réunissent de préférence les libéraux.
A Tiverton, les mêmes faits se sont pro-
duits la foule a mis sens dessus dessous
un hôtel où se tenait un meeting anti-mi-
nistériel.
A Portsmouth un canditat a été couvert
de iarine de la tête aux pieds.
Je dois vous dire à ce propos'que les dé-
bitants de bière et de spiritueux, les res-
taurateurs, les maîtres d'hôtel, jouent un
très grandrôle, et possédenturie énorme in-
fluence dans les élections.
Les pub lioans, comme on les appelle (pro-
l,riétaires dëPubÏÏc-Housesou. de tavernes),
sont les plus actifs des agents électoraux
et cela s'explique aisément si l'on sonae
au développement énorme qu'a pris de
tous temps^en Angleterre la vie de ca-
baret
Comme contraste à ces scènes tumul-
tueuses, j'ai pu, hier, dans la même jour-
née, et grâce à la rapidité des communi-
cations, voir presque en même temps, à
quinze lieues de distance, une double ova-
tion faite par leurs partisans respectifs, au
chef du gouvernement et au chef de. l'op-
position.
Dans la petite ville d'Aylesbury, les fer-
miers fêtaient leur candidat, M. Disraeli,
et sans attendre la fin du meeting, où pas
une voix discordante ne venait troubler
ce concert d'applaudissements frénéti-
ques,dont les Anglais ont seuls le secret,
je revenais en hâte dans la métropole, à
Woolwich, où se tenait dans un vaste
square le meeting de M. Gladstone.
Le premiers ministre arrive avec sa fem-
me et sa fille, qui prennent place auprès
de lui sur l'estrade (hustings). Sa voiture,
dételée et traînée à bras d'hommes par
des partisans enthousiastes, a peine à se
frayer un passage à travers les neuf ou
dix mille spectateurs qui ont envahi la
place. Ici, le parti adverse est en minorité
et l'orateur peut se faire entendre sans
trop de difficulté, malgré quelques inter-
ruptions et quelques grognements des
conservateurs présents.
A défaut de coups de poing, M. Glads-
tone d'une part, à Woolwich, et M. Disraeli,
d'autre part, à Aylesbury, n'hésitent pas
à se livrer à un assez curieux pugilat de
paroles chacun d'eux songe beaucoup
moins à faire une profession de foi qu'à
cribler d'épigrammes et d'injures son
redoutable rival; cette boxe oratoire
prend parfois un caractère presque scan-
heur a donc passé par ici?
Nous le saurons à l'instant même, si
vous le voulez, répondit Mulot sur le même
ton.
Tu veux entrer?
Parbleu
Tu as raison. Mais auparavant, glisse-
toi jusqu'à la fenêtre et regarde si tu ne vois
pas l'enfant.
Mulot fit ce qu'ordonnait Buvard mais
quelques précautions qu'il prît, le bruit de
ses pas frappa les deux femmes, et la Pâlotte
se tourna du côté de la fenêtre..
Alors, elle se leva droite, livide de terreur,
et avec un cri qui s'etrangla.dans sa gorge,
pendant que sa main frémissante indiquait
à sa mère cette tête de Méduse qui venait de
lui apparaître.
A son tour, la mère Rebours recula terri-
fiée.
Là! là! fit Mulot; faut pas se dévisser
comme ça, les petites mères, et nous ne ve-
nons pas pour vous faire du tort; nous som-
mes des amis, quoi, et si vous le permettez,
nous aurons ensemble un bout de conver-
sation.
Que vouléz-vous que voulez-vous 1 bal-
butia la mère Rebours.
Cependant, la Pâlotte avait aperçu le vi-
sage de Buvard, dans le cadre de la fenêtre,
et un sentiment nouveau s'était fait jour à
travers ses terreurs.
Elle boudit vers la porte qu'elle ouvrit, et.
bien Qu'elle fût à peine couvert»- bravant
daleux, et si M. Gladstone n'a pas l'espri
vif et étincelant du leader de l'opposition
il y supplée avantageusement par la ru-
desse et la violence de ses attaques, ce
qui n'exclut pas certaines velléités de
calembours– il n'en a pas commis moins
de quatre dans son discours d'hier ï
3. LOULÉ.
]LIES MOIOIUS ]DE mOI
Le Constitutionnel oppose en ces termes
les hommes de foi qui sont en train de
conduire la France à sa ruine aux hommes
d'atlâires qu'il lui faudrait pour la relever
de ses désastre de 1870 et 1871
Chose étrange, notre société passe pour
être désespérément sceptique et positive sans ?
pudeur; c'est une société d'afiaires et il y a
pourtant des heures où l'on est tenté de se
dire que, si elle périclite ou souffre, c'est par
le fait et la faute des hommes de foi, d'une
foi d'autant plus brouillonne et incommode,
qu'elle se tracasse et surmène dans ùn. mi-
lieu plus réfractaire.
Après trois ansri'une expérience tourmen-
tée et de tâtonnements ingrats, il n'est plus
permis de garder d'illusions si, au sortir da
la guerre étrangère et de la guerre civile de
18711 les destinées de la France avaient été
livrées aux mains d'hommes d'adaires, se-
rions-nous encore à nous morfondre dans
le provisoire et dans l'équivoque?
Charles V était un grande homme d'à frai-
res et Henri IV aussi,'et aussi .Richelieu,
Mazai'in, Louis XiV, Napoléon Ier ils sa-
vaient gouverner au jour le jour, se plier
aux circonstances, régler les questions peu.
dantes selon les opportunités temporelles, et
non d'après des formules raides; ils ne prê-
taient pas l'oreille à de prétendues voix d'en
haut: ils menaient prosaïquement et bour-'
geoisement le train de nos affaires.
Toutes les fois crue nous avons fait la che-;
valeresque sottise d'introduire la philosophie',
et le sentiment dans la conduite de nos in-
térêts, nous ne sommes arrivés qu'à les des-
servir.
Avons-nous tant nous louer d'avoir été
dans le monde les plus actifs initiateurs et
propagateurs de la nébuleuse idée des na-
tionalit s?
Aux affaires! aux affaires /-si ce cri n'est
pas entendu et écouté, le déclin de notre.
commerce extérieur ne tardera pas à faire
déborder à l'intérieur, le flot de la misère,
sous la pression d'une crise du travail.
C'esL cette cris) qu'il faut prévoir atin
de la prévenir avant qu'il soit trop tard.
Ce qui est à redouter maintenant, ce
n'est plus la grève, c'est le chômage.
DERNIÈRES NOUVELLES
La commission chargée de l'examen du
projet de loi sur la librairie, a entendu hier
à Versailles les délégués du commerce de la
librairie, MM. Breton (maison Hachette), Mi.
chel Lévy, Georges.Massou et Templier- Ha-
chette, ainsi que ceux de la Société des gens
de lettres, représentée par M. Frédéric Tho-
mas, M. Altaroche, président trimestriel, ef
quelques autres membres.
l'humidité de la nuit, elle courut à Buvard,
dont elle prit les mains.
Vous, c'est vous dit-elle, avec un élan
sur le caractère duquel il était impossible de
se tromper; ah c'est le ciel qui vous envoie.
Venez venez il faut que je vous dise.
Et entraînant Buvard, elle le fit entrer
dans la salle, où Mulot le suivit de près.
Buvard était intrigué au dernier point.
Il s'était évidemment passé quelque chose
d'extraordinaire, et il se sentait vaguement
envahir par le soupçon de la vérité.
Dès qu'il fut entre; il promena donc son
regard de tous côtés, mais il frissonna en
remarquant qu'il n y avait rien là qui indii
quât qu'un enfant y couchait.
Il se tourna vers la Pâlotte.
Vous le voyea dit celle-ci qui n'avait
cessé de l'observer, elle est partie 1
Qui cela?
Léona.
La fille de la Balafrée!
Il y a une heure.
Mais qui est venu la chercher, a. OU
vient que vous avez consenti à vous en se*
parerl
La Pâlotte remua tristement la tête.
C'est horrible, tenez, répondit-elle.
Moi qui l'aimais tant déjà. Si vous saviez
comme elle pleurait quand elle m'a quittée t
Mais cela ne me dit pas. interrompe,
Buvard.
Comment les choses se sont 'passées? i
C'est donc la mère oui
AParis, rue de lafayette, 61
"làonnementa Paris
TROIS MOIS 5 Fa.
SÏXStOlS 9 FR.
vu ah 18 m.
QUOTIDIEN
UNM1ÉRO 5 CENTRES
Abonnements Départ.
TROIS 'MOIS. 6 FR.
12 FR.
24m.
Douzième Année
Jeudi 5 Février 1874
MERCREDI 4 FÉVRIER 1874
EN ANGLETERRE
Au directeur du PETIT Journal
Londres, février.
Si la dissolution inattendue du Parle-
ment n'est pas tout à fait, comme le pré-
tendait hier M. Disraeli, un véritable coup
d'Etat, c'est du moins -un coup de théâtre,
h plus singulier qu'on puisse trouver dans
bs annales parlementaires.
.Les électeurs ei les candidats sont pris
par surprise, et les chroniqueurs aussi.
M. Gladstone n'a pas laissé aux premiers
le temps de choisir ou d'être choisis, aux
seconds le temps de se reconnaître.
C'est à peine si j'ai pu faire en hâte mes
malles, prendre l'express de Calais, tra-
verser le détroit et arriver tout juste pour
1 les -premières élections L'embarras de
votre correspondant n'est donc pas moins
grand que celui des citoyens anglais, et je
ne sais trop comment débuter.
Une élection anglaiseestd'ordinaire une
pièce en trois actes, dont un prologue. Or
cette fois; cestrois tableaux sont tellement
confondus et entremêlés qus mon métier
d'analyste n'est rien moins que facile, et
qu'il me faut dans mes récits renoncer à
toute velléité de méthode et d'ordre systé-
matique.
Depuis quarante-huit heures que je suis
ici, j'ai entendu vingt discours, assisté à
sgpt ou huit meetings, vu applaudir M.
Gladstone, siffler, huer, accabler de tro-
gnons de pommes et de sacs de farine l'un
de ses ministres, casser des bornes, briser
des chaises, boxer des électeurs.
tout cela fait bien partie du prologue obli-
gatoire. Mais, comme contraste, c'est
par un dénoûment partiel qu'a commencé
ma tournée..
Vendredi matin, je partais pour Bir-
mingham.
L'avant-veille, les électeurs de John
Bright ne connaissaient pas encore la date
précise de la convocation. Jeudi, la nonti-
nation (1) était fixée au lendemain; ven-
dredi, midi, M. Bright et les deux au-
tres députés de cette grande cité, étaient
élus députés par une dizaine de person-
nes, sans lutte, sans opposition. L'opéra-
tion avait duré en tout à peu près dix mi-
nutes/
Le même fait se reproduisait dans quel-
ques autres villes et quatre jours après la
dissolution du Parlement, la nouvelle
Chambre des Communes comptait déjà
(1) C'est le premier acte de l'élection, dont j'ex-
pliquerai plus loin le mécanisme. Toutes les fois
qu'un candidat n'a pas de concurrent, il n'y a pas de
second acte, c'est-à-dire de scrutin.
Feuilleton du 5 £évrier
[62î DEUXIÈME PARTIE
XIII
X
du hasard
Suite
> C'est l'heure fit Buvard, ne perdons
pas de temps.
Moi, je suis prêt 1 répondit son compa-
gnon.
Il se tourna alors vers le cocher
Tu vas'nous attendre ici, ajouta-t-il
d'un ton bref; je ne sais au juste quand nous
reviendrons, mais ce n'est pas làl'important.
Si, pendant notre absence, quelqu'un s'ima-
ginait par hasard de t'interroger, tu répon-
drais que tu ne sais rien.
Suffit, bourgeois.
Mulot avait déjà fait quelques pas.
Buvard s'empressa de le rejoindre et ils
s'engagèrent dans l'avenue.
Au bout d'un quart d'heure au plus, ils
atteignaient la maison habitée car, Jâ mèro
une quinzaine de membres élus de cette
expéditive manière.
M. Brigtht n'était même pas présent et
n'est arrivé que le soir, et c'est hier seu-
lement qu'il a remercié ses électeurs.
Ce genre d'élection bâclée par quelques
amis, en présence d'un officier public, et
à portes closes, est un résultat assez
étrange de la nouvelle loi du scrutin se-
cret ou ballot.
Revenu sur-le-champ à Londres, et tout
penaud d'avoir fait quarante-cinq lieues
pour si peu de chose, jetasse la soirée à
parcourir les meetings, où je retrouve
enfin la vie et le mouvement, tantôt dans
une salle de concert (musio hall), tantôt
dans une taverne, tantôt en plein air.
Après avoir entendu le cordonnier Od-
ger, le célèbre orateur populaire, faire sa
profession de foi sur une place publique
de Southwark, du haut d'un énorme ca-
mion qui lui sert à la fois d'estrade et de
tribune, en présence de quatre mille élec-
teurs qui l'applaudissent à tout rompre, je
me dirige vers le quartier de la Tour de
Londres, qui porte comme circonscription
électorale le nom de Tower Hamleùs (les
hameaux de la Tour).
Là, dans une taverne qui porte pour en-
1 feigne: Aux armes du ral, un des minis-
tres de la reine, M. Ayrton; avocatgénéral
de la couronne, et qui récemment s'est
rendu fort impopulaire comme ministre
des travaux publics, en interdisant les
parcs aux faiseurs de manifestations, M.
Ayrton avait convoqué les partisans de sa
candidature.
Au moment où j'arrive, un vacarme
épouvantable, qui durait, paraît-il, depuis
plus de deux heures, est en train de pren-
dre des proportions épiques.
L'orateur-ministre rouge de colère
ruisselant de sueur, a vainement essayé
de tenir tête à l'orage, de se faire enten-
dre, d'essayer la justification de ses actes,
Les cris, les vociférations, les huées, ont
constamment couvert sa voix pourtant
bien forte.
Les insultes qu'il adresse à la partie hos-
tile de l'auditoire et l'épi thète d'imbécile
lancée aux opposants, ne font qu'accroître
le tumulte.
L'expulsion de quelques tapageurs ne
sert qu'à rendre les autres plus intraita-
bles on chante à tue-tête les hymnes na-
tionaux Rule Britannia et God $au$ the
Puis enfin des mots on en vient aux
coups les bancs, les chaises sont trans-
formés en armes offensives et défensives;
les projectiles tombent sur la plate-forme,
les sacs en papier, pleins de farine, attei-
gnent le malheureux membre du cabinet
Gladstone; M. Ayrton, renonçant à la
lutte impossible, quitte brusquement Tt>s-
trade, et la séance esL levée au milieu
d'une inexprimable confusion.
Là, ils s'arêtèrent.
Et à leur profond étonnement, ils remar-
quèrent que la salle du rez-dé-chaussée en
était-vivement écla'rée.
Qu'est-ce que cela signifie? fit Buvard
avec un froncement de sourcils.
Ca n'est pas naturel, en effet, dit Mulot,
mais la nature nous a doués d'une langue, et
c'est le vrai moment de s'en servir.
En parlant ainsi, il marcha d'un pas résolu
vers la ferme.
A mesure qu'il approchait de la ferme,
Mulot avait ralenti le pas, et quand il arriva
assez près pour pouvoir plonger son regard
dans l'intérieur de lasalle, par la fenêtre ou-
verte, il fut frappé de voir ce qui s'y passait.
Buvard était derrière lui, et il put, en même
temps; contempler le tableau qui s'oflrait à
eux.
La mère Rebours se promenait avec agita-
tion, marmottant des paroles incohérentes et
ietant de temps en temps un coup d'oeil sur sa
fuie, la petite Pâlotte, qui était assise sur une
chaise, a l'autre extrémité de la salle.
La Pâlotte faisait peine à voir.
Elle était à demi-vêtue et, la tête dans ses
mains, elle pleurait à chaudes larmes, avec
toutes'les marques du désespoir le plus sin-
Quelquefois seulement les sanglots s'arrê-
taient, et alors on entendait une toux opi-
niâtre et sèche lui déchirer la poitrine.
C'était douloureux à entendre.
Huml fit Buvard à voix basse;, qjiel mal*
Ce sont là des incidents assez fréquents
de la période électorale. Ainsi, j'apprends
que sur plusieurs points de la province, il
s'en est présenté quelques-uns de sem-
blables..
Hier, à Gloucester, on a renversé la voi-
ture d'un boulanger pour s'emparer de sa
provision de farine; les libéraux ont
brisé les vitres des public-houses fréquen-
tés par les conservateurs, et les conserva-
teurs ont saccagé les établissements oùse
réunissent de préférence les libéraux.
A Tiverton, les mêmes faits se sont pro-
duits la foule a mis sens dessus dessous
un hôtel où se tenait un meeting anti-mi-
nistériel.
A Portsmouth un canditat a été couvert
de iarine de la tête aux pieds.
Je dois vous dire à ce propos'que les dé-
bitants de bière et de spiritueux, les res-
taurateurs, les maîtres d'hôtel, jouent un
très grandrôle, et possédenturie énorme in-
fluence dans les élections.
Les pub lioans, comme on les appelle (pro-
l,riétaires dëPubÏÏc-Housesou. de tavernes),
sont les plus actifs des agents électoraux
et cela s'explique aisément si l'on sonae
au développement énorme qu'a pris de
tous temps^en Angleterre la vie de ca-
baret
Comme contraste à ces scènes tumul-
tueuses, j'ai pu, hier, dans la même jour-
née, et grâce à la rapidité des communi-
cations, voir presque en même temps, à
quinze lieues de distance, une double ova-
tion faite par leurs partisans respectifs, au
chef du gouvernement et au chef de. l'op-
position.
Dans la petite ville d'Aylesbury, les fer-
miers fêtaient leur candidat, M. Disraeli,
et sans attendre la fin du meeting, où pas
une voix discordante ne venait troubler
ce concert d'applaudissements frénéti-
ques,dont les Anglais ont seuls le secret,
je revenais en hâte dans la métropole, à
Woolwich, où se tenait dans un vaste
square le meeting de M. Gladstone.
Le premiers ministre arrive avec sa fem-
me et sa fille, qui prennent place auprès
de lui sur l'estrade (hustings). Sa voiture,
dételée et traînée à bras d'hommes par
des partisans enthousiastes, a peine à se
frayer un passage à travers les neuf ou
dix mille spectateurs qui ont envahi la
place. Ici, le parti adverse est en minorité
et l'orateur peut se faire entendre sans
trop de difficulté, malgré quelques inter-
ruptions et quelques grognements des
conservateurs présents.
A défaut de coups de poing, M. Glads-
tone d'une part, à Woolwich, et M. Disraeli,
d'autre part, à Aylesbury, n'hésitent pas
à se livrer à un assez curieux pugilat de
paroles chacun d'eux songe beaucoup
moins à faire une profession de foi qu'à
cribler d'épigrammes et d'injures son
redoutable rival; cette boxe oratoire
prend parfois un caractère presque scan-
heur a donc passé par ici?
Nous le saurons à l'instant même, si
vous le voulez, répondit Mulot sur le même
ton.
Tu veux entrer?
Parbleu
Tu as raison. Mais auparavant, glisse-
toi jusqu'à la fenêtre et regarde si tu ne vois
pas l'enfant.
Mulot fit ce qu'ordonnait Buvard mais
quelques précautions qu'il prît, le bruit de
ses pas frappa les deux femmes, et la Pâlotte
se tourna du côté de la fenêtre..
Alors, elle se leva droite, livide de terreur,
et avec un cri qui s'etrangla.dans sa gorge,
pendant que sa main frémissante indiquait
à sa mère cette tête de Méduse qui venait de
lui apparaître.
A son tour, la mère Rebours recula terri-
fiée.
Là! là! fit Mulot; faut pas se dévisser
comme ça, les petites mères, et nous ne ve-
nons pas pour vous faire du tort; nous som-
mes des amis, quoi, et si vous le permettez,
nous aurons ensemble un bout de conver-
sation.
Que vouléz-vous que voulez-vous 1 bal-
butia la mère Rebours.
Cependant, la Pâlotte avait aperçu le vi-
sage de Buvard, dans le cadre de la fenêtre,
et un sentiment nouveau s'était fait jour à
travers ses terreurs.
Elle boudit vers la porte qu'elle ouvrit, et.
bien Qu'elle fût à peine couvert»- bravant
daleux, et si M. Gladstone n'a pas l'espri
vif et étincelant du leader de l'opposition
il y supplée avantageusement par la ru-
desse et la violence de ses attaques, ce
qui n'exclut pas certaines velléités de
calembours– il n'en a pas commis moins
de quatre dans son discours d'hier ï
3. LOULÉ.
]LIES MOIOIUS ]DE mOI
Le Constitutionnel oppose en ces termes
les hommes de foi qui sont en train de
conduire la France à sa ruine aux hommes
d'atlâires qu'il lui faudrait pour la relever
de ses désastre de 1870 et 1871
Chose étrange, notre société passe pour
être désespérément sceptique et positive sans ?
pudeur; c'est une société d'afiaires et il y a
pourtant des heures où l'on est tenté de se
dire que, si elle périclite ou souffre, c'est par
le fait et la faute des hommes de foi, d'une
foi d'autant plus brouillonne et incommode,
qu'elle se tracasse et surmène dans ùn. mi-
lieu plus réfractaire.
Après trois ansri'une expérience tourmen-
tée et de tâtonnements ingrats, il n'est plus
permis de garder d'illusions si, au sortir da
la guerre étrangère et de la guerre civile de
18711 les destinées de la France avaient été
livrées aux mains d'hommes d'adaires, se-
rions-nous encore à nous morfondre dans
le provisoire et dans l'équivoque?
Charles V était un grande homme d'à frai-
res et Henri IV aussi,'et aussi .Richelieu,
Mazai'in, Louis XiV, Napoléon Ier ils sa-
vaient gouverner au jour le jour, se plier
aux circonstances, régler les questions peu.
dantes selon les opportunités temporelles, et
non d'après des formules raides; ils ne prê-
taient pas l'oreille à de prétendues voix d'en
haut: ils menaient prosaïquement et bour-'
geoisement le train de nos affaires.
Toutes les fois crue nous avons fait la che-;
valeresque sottise d'introduire la philosophie',
et le sentiment dans la conduite de nos in-
térêts, nous ne sommes arrivés qu'à les des-
servir.
Avons-nous tant nous louer d'avoir été
dans le monde les plus actifs initiateurs et
propagateurs de la nébuleuse idée des na-
tionalit s?
Aux affaires! aux affaires /-si ce cri n'est
pas entendu et écouté, le déclin de notre.
commerce extérieur ne tardera pas à faire
déborder à l'intérieur, le flot de la misère,
sous la pression d'une crise du travail.
C'esL cette cris) qu'il faut prévoir atin
de la prévenir avant qu'il soit trop tard.
Ce qui est à redouter maintenant, ce
n'est plus la grève, c'est le chômage.
DERNIÈRES NOUVELLES
La commission chargée de l'examen du
projet de loi sur la librairie, a entendu hier
à Versailles les délégués du commerce de la
librairie, MM. Breton (maison Hachette), Mi.
chel Lévy, Georges.Massou et Templier- Ha-
chette, ainsi que ceux de la Société des gens
de lettres, représentée par M. Frédéric Tho-
mas, M. Altaroche, président trimestriel, ef
quelques autres membres.
l'humidité de la nuit, elle courut à Buvard,
dont elle prit les mains.
Vous, c'est vous dit-elle, avec un élan
sur le caractère duquel il était impossible de
se tromper; ah c'est le ciel qui vous envoie.
Venez venez il faut que je vous dise.
Et entraînant Buvard, elle le fit entrer
dans la salle, où Mulot le suivit de près.
Buvard était intrigué au dernier point.
Il s'était évidemment passé quelque chose
d'extraordinaire, et il se sentait vaguement
envahir par le soupçon de la vérité.
Dès qu'il fut entre; il promena donc son
regard de tous côtés, mais il frissonna en
remarquant qu'il n y avait rien là qui indii
quât qu'un enfant y couchait.
Il se tourna vers la Pâlotte.
Vous le voyea dit celle-ci qui n'avait
cessé de l'observer, elle est partie 1
Qui cela?
Léona.
La fille de la Balafrée!
Il y a une heure.
Mais qui est venu la chercher, a. OU
vient que vous avez consenti à vous en se*
parerl
La Pâlotte remua tristement la tête.
C'est horrible, tenez, répondit-elle.
Moi qui l'aimais tant déjà. Si vous saviez
comme elle pleurait quand elle m'a quittée t
Mais cela ne me dit pas. interrompe,
Buvard.
Comment les choses se sont 'passées? i
C'est donc la mère oui
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