LE' PETIT JOURNAL
3
n'est pas notre faute. Notre souffleur est
complétement sourd; il ne s'en aperçoit pas
mais comme l'administration lui doit six
mois d'appointements, elle est en ce mo-
ment trop pauvre pour le remplacer. »
PIERRE VÉRON.
DEPARTEMENTS
Les journaux de Marséille continuent à nous
entretenir de l'horrible tempête du 11 février,
qui s'est fait surtout sentir dans les nouveaux
bassins de la Joliette, d'Arène, du Lazaret, Na-
Depuis le 2 décembre 1856, en effet, on n'a-
vait éprouvé dans le port un coup de vent
aussi violent. Encore, la date que nous venons
d'indiquer n'était pas accompagnée par un froid
si vif qu'il paralysait bien des efforts.
Vers minuit, le vent de N.-N.-O. commença
à souffler, et il ne tarda pas à devenir une vra'ie
tempête.
Les quais et les navires étaient recouverts
d'une couche de glace qui s'élevait, dans les
mâtures jusqu'à une dizaine de mètres et, ce
qui rendait les sauvetages difficiles, l'eau se
changeait immédiatement en glaçons sur les
vêlements des personnes que leur devoir ou
leur dévoûment appelaient sur les lieux du
danger.
Outre le navire la Provence, dont nous avons
relaté la perte, le Médéah, le Luxor, le Goda-
vert/ et d'autres bâtiments ont reçu des avaries
plus ou moins graves.
L'impétuosité du vent et la rigueur de'la tem-
pérature ont aussi fait des victimes ailleurs. Un
homme qui se trouvait le maiin sur la par-
tie élevée du boulevard Notre-Dame lut telle-
ment saisi lpar le froid, qu'il dut chercher un
asile une maison voisine; mais ce mal-
heureux, s'étant imprudemment trop rapproché
du feu, tomba pour ne plus se relever. Sur le
Grand-Chemin d'Aix, en face presque de la
place Pentagone, un ouvrier qui vers les qua-
tre heures du matin se rendait à l'usine où il
était occupé, fut renversé par une rafale.
Cet, infortuné, lourdement jeté à terre, fut
saisi par le froid, et ce n'estque vers six heures
que les ouvriers de la fabrique de savon de MM.
Gandolpfte et Maraud aperçurent ce pauvre
homme étendu devant l'usine et ne donnant
plus aucun signe de vie. Les soins qu'on lui a
donnés l'ont ranimé, mais il se trouve aujour-
d'hui dans un état désespéré.
Le coup de vent s'est également fait sentir
sur toute la côte. A Toulon, il s'est déchaîné a-
vec unetelle violence, que les bâtiments sur ra-
de Mit été forcés de caler leurs mâts de perro-
quet, et de filer plusieurs brasses de chaîne,
afin cie pouvoir résister à cette affreuse bourras-
que.
Avant-hier dimanche, le train express de Pa-
ris, qui arrive 6 heures 15 minutes du matin,
n'est entré en gare qu'à 10 heures 40 minutes.
A l'entrée de la gare d'Arles, le vent avait é-
teint 'tous les feux. et ce train a heurté des wa-
gons de marchandises qui se trouvaient sur la
voie. Le choc, heureusement, n'a eu que des
conséquences peu fâcheuses deux employés
des postes ont été légèrement contusionnés.
Dans la journée d'hier, le vent avait moÎli,
mais la température était restéelro.ide.Le ther-
momètre a varié de 4 à 5 degrés au-dessous de
zéro. Les fontaines et la plupart des ruisseaux
étaient couverts d'une épaisse couche de glace.
A Valence (Drôme), une tempête a également
sévi; plusieurs personnes ont été blessées dans
les rues par la chute de cheminées et de tuiles.
Le froid est-très vif.
Une cérémonie touchante par son caractère et in-
téressante par sa rareté, vient d'avoir lieu à Gui-
chainville (Eure).
Deux respectables vieillards, M. et M™' Houël,
nabilnnts de cette commune. et âgés l'un de quatre-
» vingts, l'autre de soixante-quinze ans, ont fait-bé-
nir mardi dernier la cinquante-deuxième année de
leur mariage dans la même église et au même au-
tel où ils ont été unis il y a plus d'un demi-siècle.
Il y a des personnes qui ont un faible pour la
gibelotte; d autres préfèrent le lapin sauté;
d'autres encore n'aiment cet animal que pour
lui-même, comme on aime un chien, un chat,
un perroquet.
Un habitant de Quiévy (Nord) était de cette
dernière catégorie.
Il possédait depuïs quelque temps un magni-
fique lapin auquel il distribuait lui-mème avec
autant de profusion que de sollicitude la npur-
riture de chaque jour.
Samedi dernier, notre homme apportait,
comme d'habitude, à son élève, une ample pro-
vision de feuillés de choux, lursqu'il s'aperçut
que la cabane était vide. Une main criminelle
Avait, pendant l'horreur d'une profonde nuit,
Enlevé Jean Lapin.
Nous n'entreprendrons pas de décrire la dou-
leur et le désespoir de l'habitant de Quiévy.
Frappé de stupeur, il contemplait d'un oeil
morne et consterné le gîte solitaire de la pauvre
bête, lorsque soudain son regard tomba sur un
objet brillant qui se trouvait à moité caché sous
un trognon de chou. Cet objet était'le fermoir
en acier d'un porte-monnaie..
Malgré son trouble, il le ramassa machinale-
ment, l'entr'ouvrit, et bientôt poussa un cri de
joie à l'aspect d'une somme de quatre-vingt
francs en or que contenait le bienheureux por-
te-monnaie.
II est fort probable qu'il s'était échappé de la
poche du voleur au moment où ce dernier était
contraint de se glisser en rampant, par l'étroite
ouverture, pour saisir le petit quadrupède, ob-
jet de sa, convoitise.
Or, pour quatre-vingts francs, le voleur eût
pu avoir vingt-cinq lapins achetés chez le rô-
tisseur du pays.
Il a donc fait une mauvaise action et une
mauvaise affaire. m.
Le 2 février dernier, à Rouen, M. et Mm° Das-
rr rentraient chez eux vers onze heures du soir
vue d'une fenêtre ouverte dans, la cuisine fit
naître dans leur esprit quelques soupçons. En en-
trant dans la chambre à coucher de M" Dassiec
ils virent que les meubles avaient été ouverts et
une partie des objets qu'ils contenaient avaient été
jetés pêle-mêle au milieu de t'appartement.
Un certain nombre de bijoux d'une valeur d'en-
viron 1,600 fr. leur manquaient. Les voleurs,.sur-
pris sans doute dans leur opération, n'avaient pas
emporté l'argenterie placée ,a côté des objets qu'ils
avaient soustraits.
La police, avertie, passa le reste de la nuit à faire
des recherches dans la maison et .dans le quartier,
mais elles n'amenèrent aucun résultant. La police,
cependant, ne discontinua pas ses recherches, et la
nuit dernière, nne ronde a arrêté, dans le quartier
Martainville, deux individus aux allures suspectes.
au moment où ils rentraient à leur logis. Conduits
au commissariat central, ils ont été trouvés nantis
de bijoux, linge et argent provenant du vol .com-
mis chez lit. Dassier. et d'un autre vol commis la
nuit même de leur arrestation dans l'église du
Grand-Quevilly: L'un d'eux, au moment même où
il a été saisi par.les agents, débourrait une pipe a-
vec une épingle en or faisant partie des bijoux vo-
lés. Ils se sont renfermés d'abord dans des déné-
gations absolues; mais enfin, vaincus par l'évi-
dence, ils ont fini par faire des aveux complets.
Ces individus, malfaiteurs de la pire espèce, a-
vaient quitté Paris il y a qnelque temps pour la
province. Ils ont été reconnus pour être les auteurs
de nombreux vols commis dans le département et
ont été mis à la disposition du procureur impé-
rial.
Voici un acte de courage que nous sommes'
heureux de signaleur
Le 11 du courant, dans la commune'de Fau-
con, à Bouzolières (Basses-Alpes), deux aigles
planaient majesteusement au-dessus des rocs
escarpés. qui avoisinent ce hameau et cher-
chaient du haut des airs quelque proie à saisir.
Sans doute leur estomac délabré les forçait à
s'approcher des habitations.
Dans l'une des basses-cours du petit village
se trouvait un magnifique coq aussitôt nos
deux anmauxcarnassiers, aussi prompts qu'af-
famés, se jettent, avec toute l'impétuosité qui
appartient à leur race, sur le pauvre animal,
et ils t'auraient infailliblement étreint de. leurs
serres et emporté sur les rochers qui leur ser-
vaient de! gïte, si ce dernier n'avait eu le temps
'de se blottir dans un tas de broussailles, et
surtout si ses cris d'angoisse et de détresse n'a-
vaient été entendus de la fermière, qui sortit
immédiatement et qui vola à son tour sur un
des aigles qui passait rasant la terre, le saisit
adroitement par le cou et par une aile. Cette
femme intrépide tint l'animal en respect mal-
gré la blessure assez forte qu'elle reçut au ge-
nou mais bientôt, secondée par son mari, elle
put enfermer l'aigle dans une corbeille et l'ex-
poser à la curiosité toute naturelle des habi-
tants du quartier?
L'autre aigle fut pris par un petit garçon,
mais il se déroba de ses mains.
Ce récit fait d'autant plus d'honneur à la fer-
mière courageuse que l'oiseau dont elle a fait
la conquête n'a pas moins ne 2 mètres 30 d'en-
vergure.
Nous félicitons bien sincèrement l'héroïne de
ce petit drame. m.
On écrit d'Urvillers au Journal de V Aisne:
,On s'entretient de l'apparition assez étrange dans
la commune d'un individu dont on ignore le nom
et les antécédents.
Lundi dernier, vers deux heures du matin, le
sieur Denis entendit du bruit dans le grenier situé
au-dessus de sa chambre à coucher. Il se leva aus-
sitôt, et ayant trouvé sur les premières marches de
l'escalier jjme paire de vieilles chaussures, il n'eut
aucun doute sur la cause du bruit qui l'avait ré-
veillé. Il s'empressa de pousser le verrou. et il alla
chercher du secours. Accompagné de trois de ses
voisins,et muni d'une lanterne, il retourne chez
lui, pénètre dans le grenier, où il trouve accroupi
sur ses talons et enveloppé dans un vieux jupon de
femme un individu qui lui demande grâce, disant
que, surpris par la nuit, il était venu chercher un
asile en cet endroit. Le sieur Denis se laissa tou-
cher et se contenta de renvoyer l'inconnu.
Le fait s'étant divulgué, on ne tarda pas à ap-
prendre que le même individu avait été surpris, le
29 janvier, dans une briqueterie située sur te che-
min d'Urvillers à Ibncourt. A l'aide des mêmes
prières, il avait obtenu qu'on le laissât partir. Tou-
tefois le propriétaire. voulants'assurer si l'étranger
passait habituellement la nuit dans la cabane, y de-
posa le lendemain du pain et du cidre. Ces vivres
sont demeurés intacts; on en a conclu que l'indi-
vidu n'était pas revenu en ce lieu depuis qu'il y
avait été découvert.
Mais on a su qu'auparavant la cabane lui avait
servi de retraite pendant plusieurs jours. En effet,
un ouvrier assure avoir aperçu là maintes fois un
étranger roulé dans de la paille. prononçant à haute
voix des mots inintelligibles; il n'avait pas osé lui
adresser la parole ni s'approcher de lui pour cher-
cher à le reconnaître. •
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISES DE L'AISNE (Laon.)
Présidence deM. Jacquin deCassières, conseiller
à la cour impériale d'Amiens.
FRATRICIDE.
La salle d'audience est remplie par une foule
avide d'assister à ces dramatiques débats.. Il
s'agit d'un frère tué par son frère. On remar-
que plusieurs dames a la tribune réservée.
L'accusé est introduit. Il se nomme Jean-
Baptiste Marlier, né à Ramicourt le 29 août
1839, débitant de boissons, demeurant à Jon-
court.
Voici les faits que lui reproche l'acte d'accu-
sation
Par suite du décès prématuré de son père Adol-
phe Marlier s'était trouvé de bonne heure le sou-
tien de ses frères et sœurs. Cœur excellent. il les
avait constamment aidés de ses conseils et de sa
bourse, et leur avait témoigné à tous le plus grand
dévouement; mais, en même temps, caractère é-
nergique et même inflexible, il était jaloux de son
autorité; il exigeait qu'ils reconnussent son aûèc-
tjon et ses services par une entière déférence et
une complète soumission; il leur pardonnait diffi-
vilement la plus légère faute, et sa fermeté égalait
son dévouement.
Cette autorité paraissait depuis .longtemps péni-
ble à l'un desestrères, lenommé Jean-Baptiste Bé-
lisé. C'était pourtant celui qui avait eu le plus sou-
vent recours aux bons offices d'Adolphe, mais
c'était aussi celui qui était le moins bien doué, et
qui avait été le plus souvent châtié. Son frère, in-
digné de sa conduite à' l'égard de sa mère, lui
avait infligé, il y a quelques années, une correc-
tion très sévère.
D'autre part, il lui avait adressé depuis quelque
temps de fréquentes représentations sur ses habi-
tudes de chasse ou plutôt de braconnage, habitu-
des qui.le détournaient de son travail et lui avaient
déjà fait subir une condamnation. Par suite, une
sourde animosité s'était glissée dans le.coeur de
Bélisé, lorsque le Il, novembre dernier, dans l'a-
près-midi, il est surpris par son frère chassant sur
le territoire de la commune de Ramicourt.
Une discussion s'engage entre eux, quelques mots
sont échangés, parmi lesquels les témoins distin-
guent celui de lâche. Adolphe alors jette son fusil et
se dirige résolûment vers son frère. Ce dernier le
met en joue et menace de le tuer s'il avance. Aialeré
cette menace, Adolphe fait quelques pas encore, le
coup part et il tombe pour ne plusse relever. Deux
heures après, il avait cessé de vivre le plomb a-
vait fait balle et avait pénétré dans le côté gauche.
Le meurtrier arrêta aussitôt ne pouvait nier-sou
crime.ll a cherché'à alléguer que le coupétait parti
accidentellement au moment ou il relevait son fusil,
mais cette allégation ne saurait se soutenir un ins-
tant en présence des témoins, tous très nets sur ce
point.
Bélisé a mis en joue sa victime il l'a visée pen-
dant quelques secondes et le coup n'est parti qu'a-
près qu'elle eut franchi une quinzaine de mètres
environ, malgré le canon braqué sur elle. En vain
essaierait-il de prétendre qu'il voulait seulement
lui faire peur. Du reste, au moment où le crime
venait de s'accornplir, il n'a pas pensé à se justi-
fier de cette façon. Plus émn encore par la colère
que par la douleur, il n'a pas même trouvé une
larme, une parole de regret à adresser à son frère
expirant. Un des témoins lui dit alors de s'éloigner,
et il s'éloigna l'œil sec, ne proférant que cette
phrase, aveu, trop clair de sa culpabilité i C'est
un malheur, ce sont deux hommes de moins. »
En conséquence, le susnommé est accusé d'a-
voir, en novembre'1864, à RSmiecurt, commis un
homicide volontaire sur la personne de Adolphe-
Alphonse Marlier.
Crime prévu par les articles 295 et 304 du Code
pénal.
Interrogé, l'accusé répond d'abord d'une ma-
nière calme, puis des larmes viennent troubler
sa parole.
Il commence par nier les mauvais procédés
qu'on lui a reprochés vis-a-vis de sa mère,
cause, d'après l'instruction, de punitions sévè-
res à lui infligées par son frère. Il nie son ini-
mitié envers ce dernier, et ajoute même qu'il
n'en a jamais reçu de reproches. Dans cet évé-
nement, qu'il appelle un malheur, il n'y avait
pas de préméditation. Privé depuis deux ans
de l'amitié de son frère pour des raisons secrè-
tes, il ne savait pas devoir le rencontrer à la
chasse. Il prétend que, menacé par son frère
qui couraitsur lui pour le battre, il l'aurait me-
1 nacé.de le tuer pour le faire recujer, et que ce-
lui-ci ayant continé.d'avancer, il aurait, mal-
gré lui, lâché la détente de son fusil.
Il aurait même souffert horriblement de l'at-
tentat qu'il venaitde commettre ;mais une sorte
de stupéfaction s'était emparée de lui et l'a
empêché de porter secours à son malheureux
1 frère.
Pendant l'audition des témoins, qui ont donné
des détails sur le caractère emporté des deux
frères, et qui ont raconté l'attentatcomme l'acte
d'accusation, l'accusé pleure et se montre très
M. Coquiiliettre, procureur impérial, se lève
et prend la parole. Il commence par rappeler
aux jurés qu'ils ne doivent pas se faire de la
mission du ministère public une fausse idée. Il
va porter une accusation terrible contre Bklisé
Marlier mais elle part non d'un rôle qu'il doit
remplir, mais d'une conviction profonde. Il dé-
roule alors avec un remarquable talent le lugu-
bre tableau de l'homicide, repasse les faits, les
antécédents des deux frères, leur moralité con-
statée par l'opinion publique,étudie le moment
fatal du crime dans toutes ses phases rapides,
et conclut 11 la condamnation de Bélisé Marlier.
M0 Barbier, avocat du barreau de Paris, pré-
sente la défense de Jean-Baptiste Marlier.
L'avocat nie les mauvais antécédents de Bé-
lisé, et leur oppose la bruiulité reconnue de son
frère, qui, par son despotisme, se faisait géné-
ralement craindre et détester.
Il explique les circonstances du crime, étudie
l'attitude de son client à ce terrible instant, le
montre craintif, tremblant devant ce frère qui
court à lui pour le battre. S'il relève son arme,
dit-il, ce n'est pas pour tirer, mais pour écarter
le péril que lui révèle la physionomie violente
de l'agresseur.
Puis,, après que la faute matérielle est accom-
plie,i 1 montre Bêtise anéanti par le désespoir,
donnant toutes les marques de la plus muette
douleur. Et joignant dans sa défense ces deux
grands points persuasifs, l'accomplissement in-
volontaire du crime. et le repentir éclatant de
l'accusé, il passe à la péroraison de son plai-
doyer.
M. le président suspend alors la séance pour
quelques minutes; puis, à la reprise de l'au-
dience, il retrace les débats avec une éloquen-
ce vigoureuse. Il termine en donnant des éloges
au talent véritable du jeune défenseur de l'ac-
cusé, qui plaidait pour la première fois, et in-
vite les jurés à entrer dans la salle de leurs dé-
libérations.
Ils en sortent une demi-heure après, et rap-
portent un verdict de culpabilité avec circon-
stances atténuantes.
Sur les Réquisitions du ministère public, la
cour, faisant application de la loi, condamne
Bélisé Marlier à cinq ans de réclusion.
La foule s'écoule silencieuse.
̃£' (Gazette des Tribunaux.)
ÉTRANGER
Le Volcan l'Etna, en Sicile, est en pleine é-
ruption. Après s'être ralentie le 7 et le 8, elle a
repris son cours avec violence.
Déjà la semaine précédente, des secousses et
des détonations très fortes faisaient prévoir
une éruption imminente. Effectivement, lun-
di, une première éruption s'est déclarée au
pied du mont Frumento, et, dans la, nuit du
lendemain, une autre a surgi de la Vaile del
Bue, à.un mille de la première.
La lave a d'abord décrit dans sa course deux
bras, elle s'est ensuite partagée en trois cou-
rants celui du milieu, s'étendant sur un espa-
ce d'à peu près un demi-mille, est descendu
par la Giarrita, vastes bois de pins et de sapins.
On craignait des désastres dans les communes
menacées par le fleuve de feu. Les nouvelles
postérieures sont moins alarmantes.
La lave s'avance avec moins de force et les
dommages causés ne sont pas aussi considéra-'
blés qu'on le craignait.
Nous lisons dans l'Echo du Pacifique, de San-
rrancisco
Un des plus épouvantables accidents de chemin
de fer qui se soknt produits dans l'Ouest depuis
bien des années a eu lieu sur la route d'Indiana-
polis à Lafayette (Etats-Unis), à environ 7 milles de
ce dernier point. Voici comment le Courrier de
Lafayette raconte les faits
Le train express ordinaire de Cincinnati, qui de-
vait arriver ici à quatre heures de relevée, confor-
mément aux nouvelles dispositions prises par l'ad-
ministration, s'est heurté contre un convoi de bétail,
au coude que la route décrit à un mille et demi de
ce côté-ci de la station de Culwer, soit à sept milles
de la ville. Le train des passagers était de ̃vingt
minutes en retard, après avoir attend.- à Sluokwell
le temps voulu par le règlement, marchait à
grande vitesse, lorsque, au bout Uulwer, le convoi de bétail fut aperçu :f était déjà
trop tard pour empêcher la collision:
Selon l'usage, le train des voyageurs était ainsi
composé la locomotive, le vagon des bagages'ap-
partenant à la ligne de Lafayette à Indianopolis,
puis le wagon de première classe appartenant à la
route centrale de Jlichigan. C'était dans ce fatal
wagon que la' mort devait exercer ses plus affreux
ravages. Le car des bagages qui le précédait était
de pouces plus étroit que celui des voyageurs,
mais celui-ci était un peu plus élevé sur sa plate-
forme..
Le choc fut tel que ce wagon de bagages, poussé
en droite ligne par la locomotive, entra dans le wa-
gon des voyageurs, comme le tube plus petit d'uae
longue-vue entre dans le tube plus grand. Le som-
met du wagon fut enlevé, mais les côtés restèrent
intacts et servirent de coulisses. C'est à peine si
quelques voyageurs échappèrent au sinistre la
mort fut instantanée comme la foudre pour ceux
qui se trouvaient en avant; pour les autres, un ha-
sard providentiel les sauva.
Pour entrer dans le car des voyageurs, le wagon
des bagages dut passer de sa plate-forme sur celle
du suivant, mais, comme nous l'avons dit, cette
plate-forme se trouvait plus haute que l'autre.Cet!e
différencie donna au wagon pousse par la locomo-
tive une inclinaison de trente degrés environ, et ce
simple fait sauva les voyageurs du fond, qui sans
cela eussent tous été broyés comme ceux de l'a-
vant.
Il est impossible de dépeindre la scène qui sui-
vit. Le sang ruisselait sous le vagon, et les débris
de chair^et d'os qu'on retira de dedans offraient un
tableau épouvantable.Les cadavfes étaient si forte-
ment comprimés entre le fond du wagon des voya-
aurs et le wagon des bagages qui les avaient
broyés, qu'il fallut employer des crics pour soule-
ver ce dernier avant de pouvoir les retirer.
La Gàzette du Peuple de Florence (Italie) pu-
blie le fait suivant
Un événement très singulier, et encore enve-
loppé du plus profond mystère, est arrivé di-
manche soir dans le nouveau port de Livourne
Une dame anglaise, nommée G. D. qui a-
vait séjourné ici pendant près d'un an pour des
motifs de santé, ayant été rappelée à Malte par
son mari, s'était embarquée dimanche matin,
avec ses deux petits, garçons, sur un vapeur a •
destination de cette île. Le mauvais temps l'or-
ca ce bateau à séjourner dans le port. Mme D.
disparut du bord pendant la nuit et à l'insu de
tous. Aussitôt qu'on s'est apercu de cette dispa-
rition, on a procédé aux recherchés les plus
minutieuses, tant sur le vapeur que dans les
eaux avoisinantes.
Le matin seulement on a trouvé à la jetée du
port un appareil de sauvetage qui a été recon-
nu par les gens du bord, ce qui fait supposer
qu'il a dû servir à l'évasion ou même au suici-
de de Mme G. D. d'autant plus que l'on dit
qu'elle avait exprimé à une personne de l'équi-
page le désir de retourner à terre malgré la
tourmente. Quoi qu'il en soit, on ignore encore
ce qu'elle est devenue.
'VARIÉTÉS
UNE AFFAIRE D'OR
HISTOIRE CALIFORNIENNE.
(Voir le Petit Journal des 14 et 15 février.)
L'Anglais ferma tranquillement son porte-
cigares, le remit dans sa poche et me tendit son
puro tout allumé.
Jusque-là c'était à se croire au milieu d'un
salon nous en agissions vraiment comme de
gentleman à gentleman.
Pourtant, mon Anglais n'oubliait pas que,
chez lui, le gentleman était doublé du décrot-
teur il prit ses brosses et entra dans l'exercice
de ses fonctions..
Ne me demandiez-vous pas tout à l'heure,
me dit-il, si j'avais habité Paris ?
C'est vrai, répondis-je, enchanté qu'il vou-
lût bien lui-même revenir sur ce sujet.
EU bien, continua-t-il, vous ne vous trom-
pez pas oui, j'ai habité Paris. Tel que vous me
voyez, je suis le fils unique d'un des premiers
négociants de London. Mon père, eu égard à la
fortune qu'il doit un jour me laisser, m'a élevé
un peu en grand seigneur et m'a envoyé à Pa-
ris pour me former. J ai bien été quelque temps
à me former; mais enfin l'or aidant.
Et?-quelque peu aussi les dames de Paris,
n'est-il pas vrai?
Oui, l'or et les dames de Paris aidant, j'en
suis venu à bout. Aussi à mon retour, je savais
si bien éparpiller les banknotes et les livrés
sterling, que mon père m'a jugé parfaitement
éduqué. Il m'a cherché pour épouse une riche
héritière, et, un beau jour, m'a présenté une
grande fille à la chevelure en fil delaiton, raide
comme un peuplier, ne parlant jamais que par
monosvllabes, les yeux toujours baissés et la
3
n'est pas notre faute. Notre souffleur est
complétement sourd; il ne s'en aperçoit pas
mais comme l'administration lui doit six
mois d'appointements, elle est en ce mo-
ment trop pauvre pour le remplacer. »
PIERRE VÉRON.
DEPARTEMENTS
Les journaux de Marséille continuent à nous
entretenir de l'horrible tempête du 11 février,
qui s'est fait surtout sentir dans les nouveaux
bassins de la Joliette, d'Arène, du Lazaret, Na-
Depuis le 2 décembre 1856, en effet, on n'a-
vait éprouvé dans le port un coup de vent
aussi violent. Encore, la date que nous venons
d'indiquer n'était pas accompagnée par un froid
si vif qu'il paralysait bien des efforts.
Vers minuit, le vent de N.-N.-O. commença
à souffler, et il ne tarda pas à devenir une vra'ie
tempête.
Les quais et les navires étaient recouverts
d'une couche de glace qui s'élevait, dans les
mâtures jusqu'à une dizaine de mètres et, ce
qui rendait les sauvetages difficiles, l'eau se
changeait immédiatement en glaçons sur les
vêlements des personnes que leur devoir ou
leur dévoûment appelaient sur les lieux du
danger.
Outre le navire la Provence, dont nous avons
relaté la perte, le Médéah, le Luxor, le Goda-
vert/ et d'autres bâtiments ont reçu des avaries
plus ou moins graves.
L'impétuosité du vent et la rigueur de'la tem-
pérature ont aussi fait des victimes ailleurs. Un
homme qui se trouvait le maiin sur la par-
tie élevée du boulevard Notre-Dame lut telle-
ment saisi lpar le froid, qu'il dut chercher un
asile une maison voisine; mais ce mal-
heureux, s'étant imprudemment trop rapproché
du feu, tomba pour ne plus se relever. Sur le
Grand-Chemin d'Aix, en face presque de la
place Pentagone, un ouvrier qui vers les qua-
tre heures du matin se rendait à l'usine où il
était occupé, fut renversé par une rafale.
Cet, infortuné, lourdement jeté à terre, fut
saisi par le froid, et ce n'estque vers six heures
que les ouvriers de la fabrique de savon de MM.
Gandolpfte et Maraud aperçurent ce pauvre
homme étendu devant l'usine et ne donnant
plus aucun signe de vie. Les soins qu'on lui a
donnés l'ont ranimé, mais il se trouve aujour-
d'hui dans un état désespéré.
Le coup de vent s'est également fait sentir
sur toute la côte. A Toulon, il s'est déchaîné a-
vec unetelle violence, que les bâtiments sur ra-
de Mit été forcés de caler leurs mâts de perro-
quet, et de filer plusieurs brasses de chaîne,
afin cie pouvoir résister à cette affreuse bourras-
que.
Avant-hier dimanche, le train express de Pa-
ris, qui arrive 6 heures 15 minutes du matin,
n'est entré en gare qu'à 10 heures 40 minutes.
A l'entrée de la gare d'Arles, le vent avait é-
teint 'tous les feux. et ce train a heurté des wa-
gons de marchandises qui se trouvaient sur la
voie. Le choc, heureusement, n'a eu que des
conséquences peu fâcheuses deux employés
des postes ont été légèrement contusionnés.
Dans la journée d'hier, le vent avait moÎli,
mais la température était restéelro.ide.Le ther-
momètre a varié de 4 à 5 degrés au-dessous de
zéro. Les fontaines et la plupart des ruisseaux
étaient couverts d'une épaisse couche de glace.
A Valence (Drôme), une tempête a également
sévi; plusieurs personnes ont été blessées dans
les rues par la chute de cheminées et de tuiles.
Le froid est-très vif.
Une cérémonie touchante par son caractère et in-
téressante par sa rareté, vient d'avoir lieu à Gui-
chainville (Eure).
Deux respectables vieillards, M. et M™' Houël,
nabilnnts de cette commune. et âgés l'un de quatre-
» vingts, l'autre de soixante-quinze ans, ont fait-bé-
nir mardi dernier la cinquante-deuxième année de
leur mariage dans la même église et au même au-
tel où ils ont été unis il y a plus d'un demi-siècle.
Il y a des personnes qui ont un faible pour la
gibelotte; d autres préfèrent le lapin sauté;
d'autres encore n'aiment cet animal que pour
lui-même, comme on aime un chien, un chat,
un perroquet.
Un habitant de Quiévy (Nord) était de cette
dernière catégorie.
Il possédait depuïs quelque temps un magni-
fique lapin auquel il distribuait lui-mème avec
autant de profusion que de sollicitude la npur-
riture de chaque jour.
Samedi dernier, notre homme apportait,
comme d'habitude, à son élève, une ample pro-
vision de feuillés de choux, lursqu'il s'aperçut
que la cabane était vide. Une main criminelle
Avait, pendant l'horreur d'une profonde nuit,
Enlevé Jean Lapin.
Nous n'entreprendrons pas de décrire la dou-
leur et le désespoir de l'habitant de Quiévy.
Frappé de stupeur, il contemplait d'un oeil
morne et consterné le gîte solitaire de la pauvre
bête, lorsque soudain son regard tomba sur un
objet brillant qui se trouvait à moité caché sous
un trognon de chou. Cet objet était'le fermoir
en acier d'un porte-monnaie..
Malgré son trouble, il le ramassa machinale-
ment, l'entr'ouvrit, et bientôt poussa un cri de
joie à l'aspect d'une somme de quatre-vingt
francs en or que contenait le bienheureux por-
te-monnaie.
II est fort probable qu'il s'était échappé de la
poche du voleur au moment où ce dernier était
contraint de se glisser en rampant, par l'étroite
ouverture, pour saisir le petit quadrupède, ob-
jet de sa, convoitise.
Or, pour quatre-vingts francs, le voleur eût
pu avoir vingt-cinq lapins achetés chez le rô-
tisseur du pays.
Il a donc fait une mauvaise action et une
mauvaise affaire. m.
Le 2 février dernier, à Rouen, M. et Mm° Das-
rr rentraient chez eux vers onze heures du soir
vue d'une fenêtre ouverte dans, la cuisine fit
naître dans leur esprit quelques soupçons. En en-
trant dans la chambre à coucher de M" Dassiec
ils virent que les meubles avaient été ouverts et
une partie des objets qu'ils contenaient avaient été
jetés pêle-mêle au milieu de t'appartement.
Un certain nombre de bijoux d'une valeur d'en-
viron 1,600 fr. leur manquaient. Les voleurs,.sur-
pris sans doute dans leur opération, n'avaient pas
emporté l'argenterie placée ,a côté des objets qu'ils
avaient soustraits.
La police, avertie, passa le reste de la nuit à faire
des recherches dans la maison et .dans le quartier,
mais elles n'amenèrent aucun résultant. La police,
cependant, ne discontinua pas ses recherches, et la
nuit dernière, nne ronde a arrêté, dans le quartier
Martainville, deux individus aux allures suspectes.
au moment où ils rentraient à leur logis. Conduits
au commissariat central, ils ont été trouvés nantis
de bijoux, linge et argent provenant du vol .com-
mis chez lit. Dassier. et d'un autre vol commis la
nuit même de leur arrestation dans l'église du
Grand-Quevilly: L'un d'eux, au moment même où
il a été saisi par.les agents, débourrait une pipe a-
vec une épingle en or faisant partie des bijoux vo-
lés. Ils se sont renfermés d'abord dans des déné-
gations absolues; mais enfin, vaincus par l'évi-
dence, ils ont fini par faire des aveux complets.
Ces individus, malfaiteurs de la pire espèce, a-
vaient quitté Paris il y a qnelque temps pour la
province. Ils ont été reconnus pour être les auteurs
de nombreux vols commis dans le département et
ont été mis à la disposition du procureur impé-
rial.
Voici un acte de courage que nous sommes'
heureux de signaleur
Le 11 du courant, dans la commune'de Fau-
con, à Bouzolières (Basses-Alpes), deux aigles
planaient majesteusement au-dessus des rocs
escarpés. qui avoisinent ce hameau et cher-
chaient du haut des airs quelque proie à saisir.
Sans doute leur estomac délabré les forçait à
s'approcher des habitations.
Dans l'une des basses-cours du petit village
se trouvait un magnifique coq aussitôt nos
deux anmauxcarnassiers, aussi prompts qu'af-
famés, se jettent, avec toute l'impétuosité qui
appartient à leur race, sur le pauvre animal,
et ils t'auraient infailliblement étreint de. leurs
serres et emporté sur les rochers qui leur ser-
vaient de! gïte, si ce dernier n'avait eu le temps
'de se blottir dans un tas de broussailles, et
surtout si ses cris d'angoisse et de détresse n'a-
vaient été entendus de la fermière, qui sortit
immédiatement et qui vola à son tour sur un
des aigles qui passait rasant la terre, le saisit
adroitement par le cou et par une aile. Cette
femme intrépide tint l'animal en respect mal-
gré la blessure assez forte qu'elle reçut au ge-
nou mais bientôt, secondée par son mari, elle
put enfermer l'aigle dans une corbeille et l'ex-
poser à la curiosité toute naturelle des habi-
tants du quartier?
L'autre aigle fut pris par un petit garçon,
mais il se déroba de ses mains.
Ce récit fait d'autant plus d'honneur à la fer-
mière courageuse que l'oiseau dont elle a fait
la conquête n'a pas moins ne 2 mètres 30 d'en-
vergure.
Nous félicitons bien sincèrement l'héroïne de
ce petit drame. m.
On écrit d'Urvillers au Journal de V Aisne:
,On s'entretient de l'apparition assez étrange dans
la commune d'un individu dont on ignore le nom
et les antécédents.
Lundi dernier, vers deux heures du matin, le
sieur Denis entendit du bruit dans le grenier situé
au-dessus de sa chambre à coucher. Il se leva aus-
sitôt, et ayant trouvé sur les premières marches de
l'escalier jjme paire de vieilles chaussures, il n'eut
aucun doute sur la cause du bruit qui l'avait ré-
veillé. Il s'empressa de pousser le verrou. et il alla
chercher du secours. Accompagné de trois de ses
voisins,et muni d'une lanterne, il retourne chez
lui, pénètre dans le grenier, où il trouve accroupi
sur ses talons et enveloppé dans un vieux jupon de
femme un individu qui lui demande grâce, disant
que, surpris par la nuit, il était venu chercher un
asile en cet endroit. Le sieur Denis se laissa tou-
cher et se contenta de renvoyer l'inconnu.
Le fait s'étant divulgué, on ne tarda pas à ap-
prendre que le même individu avait été surpris, le
29 janvier, dans une briqueterie située sur te che-
min d'Urvillers à Ibncourt. A l'aide des mêmes
prières, il avait obtenu qu'on le laissât partir. Tou-
tefois le propriétaire. voulants'assurer si l'étranger
passait habituellement la nuit dans la cabane, y de-
posa le lendemain du pain et du cidre. Ces vivres
sont demeurés intacts; on en a conclu que l'indi-
vidu n'était pas revenu en ce lieu depuis qu'il y
avait été découvert.
Mais on a su qu'auparavant la cabane lui avait
servi de retraite pendant plusieurs jours. En effet,
un ouvrier assure avoir aperçu là maintes fois un
étranger roulé dans de la paille. prononçant à haute
voix des mots inintelligibles; il n'avait pas osé lui
adresser la parole ni s'approcher de lui pour cher-
cher à le reconnaître. •
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISES DE L'AISNE (Laon.)
Présidence deM. Jacquin deCassières, conseiller
à la cour impériale d'Amiens.
FRATRICIDE.
La salle d'audience est remplie par une foule
avide d'assister à ces dramatiques débats.. Il
s'agit d'un frère tué par son frère. On remar-
que plusieurs dames a la tribune réservée.
L'accusé est introduit. Il se nomme Jean-
Baptiste Marlier, né à Ramicourt le 29 août
1839, débitant de boissons, demeurant à Jon-
court.
Voici les faits que lui reproche l'acte d'accu-
sation
Par suite du décès prématuré de son père Adol-
phe Marlier s'était trouvé de bonne heure le sou-
tien de ses frères et sœurs. Cœur excellent. il les
avait constamment aidés de ses conseils et de sa
bourse, et leur avait témoigné à tous le plus grand
dévouement; mais, en même temps, caractère é-
nergique et même inflexible, il était jaloux de son
autorité; il exigeait qu'ils reconnussent son aûèc-
tjon et ses services par une entière déférence et
une complète soumission; il leur pardonnait diffi-
vilement la plus légère faute, et sa fermeté égalait
son dévouement.
Cette autorité paraissait depuis .longtemps péni-
ble à l'un desestrères, lenommé Jean-Baptiste Bé-
lisé. C'était pourtant celui qui avait eu le plus sou-
vent recours aux bons offices d'Adolphe, mais
c'était aussi celui qui était le moins bien doué, et
qui avait été le plus souvent châtié. Son frère, in-
digné de sa conduite à' l'égard de sa mère, lui
avait infligé, il y a quelques années, une correc-
tion très sévère.
D'autre part, il lui avait adressé depuis quelque
temps de fréquentes représentations sur ses habi-
tudes de chasse ou plutôt de braconnage, habitu-
des qui.le détournaient de son travail et lui avaient
déjà fait subir une condamnation. Par suite, une
sourde animosité s'était glissée dans le.coeur de
Bélisé, lorsque le Il, novembre dernier, dans l'a-
près-midi, il est surpris par son frère chassant sur
le territoire de la commune de Ramicourt.
Une discussion s'engage entre eux, quelques mots
sont échangés, parmi lesquels les témoins distin-
guent celui de lâche. Adolphe alors jette son fusil et
se dirige résolûment vers son frère. Ce dernier le
met en joue et menace de le tuer s'il avance. Aialeré
cette menace, Adolphe fait quelques pas encore, le
coup part et il tombe pour ne plusse relever. Deux
heures après, il avait cessé de vivre le plomb a-
vait fait balle et avait pénétré dans le côté gauche.
Le meurtrier arrêta aussitôt ne pouvait nier-sou
crime.ll a cherché'à alléguer que le coupétait parti
accidentellement au moment ou il relevait son fusil,
mais cette allégation ne saurait se soutenir un ins-
tant en présence des témoins, tous très nets sur ce
point.
Bélisé a mis en joue sa victime il l'a visée pen-
dant quelques secondes et le coup n'est parti qu'a-
près qu'elle eut franchi une quinzaine de mètres
environ, malgré le canon braqué sur elle. En vain
essaierait-il de prétendre qu'il voulait seulement
lui faire peur. Du reste, au moment où le crime
venait de s'accornplir, il n'a pas pensé à se justi-
fier de cette façon. Plus émn encore par la colère
que par la douleur, il n'a pas même trouvé une
larme, une parole de regret à adresser à son frère
expirant. Un des témoins lui dit alors de s'éloigner,
et il s'éloigna l'œil sec, ne proférant que cette
phrase, aveu, trop clair de sa culpabilité i C'est
un malheur, ce sont deux hommes de moins. »
En conséquence, le susnommé est accusé d'a-
voir, en novembre'1864, à RSmiecurt, commis un
homicide volontaire sur la personne de Adolphe-
Alphonse Marlier.
Crime prévu par les articles 295 et 304 du Code
pénal.
Interrogé, l'accusé répond d'abord d'une ma-
nière calme, puis des larmes viennent troubler
sa parole.
Il commence par nier les mauvais procédés
qu'on lui a reprochés vis-a-vis de sa mère,
cause, d'après l'instruction, de punitions sévè-
res à lui infligées par son frère. Il nie son ini-
mitié envers ce dernier, et ajoute même qu'il
n'en a jamais reçu de reproches. Dans cet évé-
nement, qu'il appelle un malheur, il n'y avait
pas de préméditation. Privé depuis deux ans
de l'amitié de son frère pour des raisons secrè-
tes, il ne savait pas devoir le rencontrer à la
chasse. Il prétend que, menacé par son frère
qui couraitsur lui pour le battre, il l'aurait me-
1 nacé.de le tuer pour le faire recujer, et que ce-
lui-ci ayant continé.d'avancer, il aurait, mal-
gré lui, lâché la détente de son fusil.
Il aurait même souffert horriblement de l'at-
tentat qu'il venaitde commettre ;mais une sorte
de stupéfaction s'était emparée de lui et l'a
empêché de porter secours à son malheureux
1 frère.
Pendant l'audition des témoins, qui ont donné
des détails sur le caractère emporté des deux
frères, et qui ont raconté l'attentatcomme l'acte
d'accusation, l'accusé pleure et se montre très
M. Coquiiliettre, procureur impérial, se lève
et prend la parole. Il commence par rappeler
aux jurés qu'ils ne doivent pas se faire de la
mission du ministère public une fausse idée. Il
va porter une accusation terrible contre Bklisé
Marlier mais elle part non d'un rôle qu'il doit
remplir, mais d'une conviction profonde. Il dé-
roule alors avec un remarquable talent le lugu-
bre tableau de l'homicide, repasse les faits, les
antécédents des deux frères, leur moralité con-
statée par l'opinion publique,étudie le moment
fatal du crime dans toutes ses phases rapides,
et conclut 11 la condamnation de Bélisé Marlier.
M0 Barbier, avocat du barreau de Paris, pré-
sente la défense de Jean-Baptiste Marlier.
L'avocat nie les mauvais antécédents de Bé-
lisé, et leur oppose la bruiulité reconnue de son
frère, qui, par son despotisme, se faisait géné-
ralement craindre et détester.
Il explique les circonstances du crime, étudie
l'attitude de son client à ce terrible instant, le
montre craintif, tremblant devant ce frère qui
court à lui pour le battre. S'il relève son arme,
dit-il, ce n'est pas pour tirer, mais pour écarter
le péril que lui révèle la physionomie violente
de l'agresseur.
Puis,, après que la faute matérielle est accom-
plie,i 1 montre Bêtise anéanti par le désespoir,
donnant toutes les marques de la plus muette
douleur. Et joignant dans sa défense ces deux
grands points persuasifs, l'accomplissement in-
volontaire du crime. et le repentir éclatant de
l'accusé, il passe à la péroraison de son plai-
doyer.
M. le président suspend alors la séance pour
quelques minutes; puis, à la reprise de l'au-
dience, il retrace les débats avec une éloquen-
ce vigoureuse. Il termine en donnant des éloges
au talent véritable du jeune défenseur de l'ac-
cusé, qui plaidait pour la première fois, et in-
vite les jurés à entrer dans la salle de leurs dé-
libérations.
Ils en sortent une demi-heure après, et rap-
portent un verdict de culpabilité avec circon-
stances atténuantes.
Sur les Réquisitions du ministère public, la
cour, faisant application de la loi, condamne
Bélisé Marlier à cinq ans de réclusion.
La foule s'écoule silencieuse.
̃£' (Gazette des Tribunaux.)
ÉTRANGER
Le Volcan l'Etna, en Sicile, est en pleine é-
ruption. Après s'être ralentie le 7 et le 8, elle a
repris son cours avec violence.
Déjà la semaine précédente, des secousses et
des détonations très fortes faisaient prévoir
une éruption imminente. Effectivement, lun-
di, une première éruption s'est déclarée au
pied du mont Frumento, et, dans la, nuit du
lendemain, une autre a surgi de la Vaile del
Bue, à.un mille de la première.
La lave a d'abord décrit dans sa course deux
bras, elle s'est ensuite partagée en trois cou-
rants celui du milieu, s'étendant sur un espa-
ce d'à peu près un demi-mille, est descendu
par la Giarrita, vastes bois de pins et de sapins.
On craignait des désastres dans les communes
menacées par le fleuve de feu. Les nouvelles
postérieures sont moins alarmantes.
La lave s'avance avec moins de force et les
dommages causés ne sont pas aussi considéra-'
blés qu'on le craignait.
Nous lisons dans l'Echo du Pacifique, de San-
rrancisco
Un des plus épouvantables accidents de chemin
de fer qui se soknt produits dans l'Ouest depuis
bien des années a eu lieu sur la route d'Indiana-
polis à Lafayette (Etats-Unis), à environ 7 milles de
ce dernier point. Voici comment le Courrier de
Lafayette raconte les faits
Le train express ordinaire de Cincinnati, qui de-
vait arriver ici à quatre heures de relevée, confor-
mément aux nouvelles dispositions prises par l'ad-
ministration, s'est heurté contre un convoi de bétail,
au coude que la route décrit à un mille et demi de
ce côté-ci de la station de Culwer, soit à sept milles
de la ville. Le train des passagers était de ̃vingt
minutes en retard, après avoir attend.- à Sluokwell
le temps voulu par le règlement, marchait à
grande vitesse, lorsque, au bout Uulwer, le convoi de bétail fut aperçu :f était déjà
trop tard pour empêcher la collision:
Selon l'usage, le train des voyageurs était ainsi
composé la locomotive, le vagon des bagages'ap-
partenant à la ligne de Lafayette à Indianopolis,
puis le wagon de première classe appartenant à la
route centrale de Jlichigan. C'était dans ce fatal
wagon que la' mort devait exercer ses plus affreux
ravages. Le car des bagages qui le précédait était
de pouces plus étroit que celui des voyageurs,
mais celui-ci était un peu plus élevé sur sa plate-
forme..
Le choc fut tel que ce wagon de bagages, poussé
en droite ligne par la locomotive, entra dans le wa-
gon des voyageurs, comme le tube plus petit d'uae
longue-vue entre dans le tube plus grand. Le som-
met du wagon fut enlevé, mais les côtés restèrent
intacts et servirent de coulisses. C'est à peine si
quelques voyageurs échappèrent au sinistre la
mort fut instantanée comme la foudre pour ceux
qui se trouvaient en avant; pour les autres, un ha-
sard providentiel les sauva.
Pour entrer dans le car des voyageurs, le wagon
des bagages dut passer de sa plate-forme sur celle
du suivant, mais, comme nous l'avons dit, cette
plate-forme se trouvait plus haute que l'autre.Cet!e
différencie donna au wagon pousse par la locomo-
tive une inclinaison de trente degrés environ, et ce
simple fait sauva les voyageurs du fond, qui sans
cela eussent tous été broyés comme ceux de l'a-
vant.
Il est impossible de dépeindre la scène qui sui-
vit. Le sang ruisselait sous le vagon, et les débris
de chair^et d'os qu'on retira de dedans offraient un
tableau épouvantable.Les cadavfes étaient si forte-
ment comprimés entre le fond du wagon des voya-
aurs et le wagon des bagages qui les avaient
broyés, qu'il fallut employer des crics pour soule-
ver ce dernier avant de pouvoir les retirer.
La Gàzette du Peuple de Florence (Italie) pu-
blie le fait suivant
Un événement très singulier, et encore enve-
loppé du plus profond mystère, est arrivé di-
manche soir dans le nouveau port de Livourne
Une dame anglaise, nommée G. D. qui a-
vait séjourné ici pendant près d'un an pour des
motifs de santé, ayant été rappelée à Malte par
son mari, s'était embarquée dimanche matin,
avec ses deux petits, garçons, sur un vapeur a •
destination de cette île. Le mauvais temps l'or-
ca ce bateau à séjourner dans le port. Mme D.
disparut du bord pendant la nuit et à l'insu de
tous. Aussitôt qu'on s'est apercu de cette dispa-
rition, on a procédé aux recherchés les plus
minutieuses, tant sur le vapeur que dans les
eaux avoisinantes.
Le matin seulement on a trouvé à la jetée du
port un appareil de sauvetage qui a été recon-
nu par les gens du bord, ce qui fait supposer
qu'il a dû servir à l'évasion ou même au suici-
de de Mme G. D. d'autant plus que l'on dit
qu'elle avait exprimé à une personne de l'équi-
page le désir de retourner à terre malgré la
tourmente. Quoi qu'il en soit, on ignore encore
ce qu'elle est devenue.
'VARIÉTÉS
UNE AFFAIRE D'OR
HISTOIRE CALIFORNIENNE.
(Voir le Petit Journal des 14 et 15 février.)
L'Anglais ferma tranquillement son porte-
cigares, le remit dans sa poche et me tendit son
puro tout allumé.
Jusque-là c'était à se croire au milieu d'un
salon nous en agissions vraiment comme de
gentleman à gentleman.
Pourtant, mon Anglais n'oubliait pas que,
chez lui, le gentleman était doublé du décrot-
teur il prit ses brosses et entra dans l'exercice
de ses fonctions..
Ne me demandiez-vous pas tout à l'heure,
me dit-il, si j'avais habité Paris ?
C'est vrai, répondis-je, enchanté qu'il vou-
lût bien lui-même revenir sur ce sujet.
EU bien, continua-t-il, vous ne vous trom-
pez pas oui, j'ai habité Paris. Tel que vous me
voyez, je suis le fils unique d'un des premiers
négociants de London. Mon père, eu égard à la
fortune qu'il doit un jour me laisser, m'a élevé
un peu en grand seigneur et m'a envoyé à Pa-
ris pour me former. J ai bien été quelque temps
à me former; mais enfin l'or aidant.
Et?-quelque peu aussi les dames de Paris,
n'est-il pas vrai?
Oui, l'or et les dames de Paris aidant, j'en
suis venu à bout. Aussi à mon retour, je savais
si bien éparpiller les banknotes et les livrés
sterling, que mon père m'a jugé parfaitement
éduqué. Il m'a cherché pour épouse une riche
héritière, et, un beau jour, m'a présenté une
grande fille à la chevelure en fil delaiton, raide
comme un peuplier, ne parlant jamais que par
monosvllabes, les yeux toujours baissés et la
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