Titre : Alger-étudiant : organe officiel de l'Association générale des étudiants d'Alger
Auteur : Association générale des étudiants d'Algérie. Auteur du texte
Éditeur : Association générale des étudiants d'Alger (Alger)
Date d'édition : 1933-02-11
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32685365z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 3712 Nombre total de vues : 3712
Description : 11 février 1933 11 février 1933
Description : 1933/02/11 (A12,N152). 1933/02/11 (A12,N152).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k57283905
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-60882
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/01/2011
ALGER-ETUDIANT
Cinq étages et trois Dieux
Par Lucienne FAVRE
Mme Lucienne Favre ^
n
ci
Pour qui vient chercher un as- ti
pect des êtres et des choses spéci- G
fiquement oriental, Alger est une p
ville profondément décevante. F
Pour qui souhaite l'imprévu, la st
variété des spectacles humains, le ti
paradoxe des situations et les v«
combinaisons infinies des foules é]
bâtardes, c'est une ville dont on n
ne se lasse pas. C
Mais il ne faut pas s'attarder
dans les villes trop nombreuses qui m
possèdent des immeubles pourvus in
d'un confort à peu près moderne, ^
cependant que circule d'un pas aI
nonchalant, sur les trottoirs, une "<
foule vêtue d'une manière cossue. ï1
Il faut aller chercher, loin du luxe di
des vitrines à l'instar de Paris, par- m
mi les voies plus anciennes, et par-
tir à la découverte des mouvantes tr<
vérités, dans les rues populacières, lei
pleines d'histoires inattendues et mi
de types... 0 rues des Trois-Cou- di 1
leurs, de la Marine, des Tournants- ses
Rovigo, de Bab-el-Oued, de la re
Casbah, où les gens « bien » ne ces
se promènent jamais ! qu
Mais il convient d'en élire une, vie
momentanément, entré toutes. <
Celle-ci est un large escalier y i
qui part de la basse ville euro- me
péenne et s'accote, vers la droite, pre
à la Casbah pour monter jusqu'au Me
coteau où les zouaves ont établi étri
leur casernement. De loin en loin, épa
une plate-forme permet le repos voi.
aux essoufflés, la contemplation sur
aux méditatifs, car de tous les arti
paliers on voit la Méditerranée et une
l'on domine un grand marché cou- cou
cert, dont le contenu pléthori- pe
que déborde aux alentours et ron
jusque sur les marches basses des évo<
escaliers, sous forme d'amoncelle- cha
ments de paniers, de pyramides l'im
de fruits et de légumes, de tas cell
d'épluchures et de groupes hu- £
mains. se ^
A chaque palier s'ouvre des une
deux côtés un porche de maison. ion
Dans l'une de ces maisons il y cons
a, au premier étage, un fonction- pen
naire français ; au second, une fa- euei
mille d'origine espagnole ; le troi- sent
sième est occupé par des juifs mje,
constantinois ; le quatrième ré- et j
sonne souvent dés accents d'un jg ]
patois italien ; au cinquième, se m
renferme une smala musulmane; ,£.
sur la terrasse qui couvre la mai-
son, vit en plein air» le jour, et
dort, la nuit, dans le réduit consa-
cré aux lessives, un vieil horticul- , '
teur méditerranéen qui se con- , (
tente, maintenant, de cultiver une
vingtaine de pots de fleurs et
quelques légumineuses en caisse. ^
*** . mani
fait
L'heure du déjeuner rassemble que
dans la maison tous ses habitants, menl
Le ménage du fonctionnaire fran- pénil
çais, les familles néo-françaises se sent
nourrissent à peu près de la même parc*
manière, à la seule différence de vainc
quelques piments de plus ou de Ions.
moins dans la sauce des ragoûts ; Ve
mais, chaque vendredi, une affreu- menl
se odeur de corne grillée enva- leur
hissant l'escalier apprend à tous distrs
Sl|f] les locataires que les juifs du troi-
Kf? sième flambent des pieds de bête
*Sr< -, -, . n i
%^ velue pour la préparation du plat
^Xft rituel qui leur permettra de ne
jÇf pas toucher au feu le samedi.
gjjgï L'étage occupé par Belkacem et '•
Êljjr sa smala embaume l'encens, le
<||! suint de mouton, l'oranger, le <
_®jfï miel amalgamé à la graisse. ]
fe^j L'homme de la terrasse est un 1
lifg frugal qui trempe son pain dans ï
gjs son vin, déguste, givrées de sel, les
■sx, tomates mûres de son jardin sus-
" - pendu. Il est vrai que la mère de
Belkacem lui apporte parfois j
une écuelle fumante de couscous; c
Rachel, belle-fille de Moïse, une s
large part de barbouch ou de te- c
fina. Ainsi l'homme de la terrasse* j
homme sans préjugés, peut-il pra- s
tiquer un savoureux internationa- s
=^-l lisme cuhnaire. s:
A chaque étage, les repas se à
prennent dans la même salle à L
manger de style Henri IL Sur la d
cheminée de cette pièce, le f onc- n
i as- tionnaire a placé un buste de ç
éci- G-ambetta ; sur celle du juif, re- E
me pose son voile de prière. Les néo- d
ite. Français n'y ont installé que des v
la statues de plâtre d'une inspira- g
, le tion datant de l'Exposition Uni- p
les verselle de 1900, style d'une morne m
îles époque où l'Algérie" en est gêné- p
on ralement restée en matière d'art, si
Ces gens ont réservé pour le p<
Jer Christ cloué ou la Vierge aux la
u^j mains jointes l'atmosphère plus cl
ras intime de leur chambre à coucher. h<
ne C'est entre deux vases de cuivre, ra
jjas anciens culots d'obus rapportés ça
,ne des champs de bataille de France, ni
ae_ que Belkacem a installé une page bj
[xe du Coran magnifiquement enlu- l'I
ar_ minée. co
ar- Outre la salle à manger, d'au- eu
tes très pièces, à chaque étage, signa-
es, lent la même unité de goûts en be
et matière d'ameublement parmi ces da
IU- divergences politiques et religieu- m<
ts- ses, depuis le piano droit, l'armoi- et
la re de noyer ciré à plusieurs gla-
le ces, jusqu'à la garnuiture compli- Gr
quée des tentures de peluche bn
e, vieux rose ou grenat. . fer
Chez Belkacem, seulement, il au
er y a une salle qui diffère totale- ter
o- ment des autres, une salle à peu coi
e, près nue avec des murs peints en pic
u bleu, des nattes et dés matelas de
li étroits sur le sol. Une mousseline Lo
i, épaissie de multicolores broderies pre
»s voile jalousement les fenêtres ; ma
n sur un coffre peint par quelque qui
;s artisan de la Casbah sont posés aus
;t une cage dorée emprisonnant un où
[- couple d'oiseaux, un vase où trem- pie
i- pe un de ces charmants bouquets l
:t ronds en forme de pièce montée» faui
s évoquant des . idées de plaisirs exo
:- champêtres et, pour ces emmurées, ici
s l'image de la liberté à côté de un
s celle de la réclusion. U
Les deux épouses de Belkacem, de
se vieille mère, une jeune soeur, refo
s une parente pauvre recueillie se- et c
• Ion la. coutume musulmane vivent de t
T constamment dans cette pièce veni
" pendant le jour. Elles y rêvent, des
" elles y paressent, elles y jacas- apei
" sent, elles savent s'y taire pour subs
3 mieux écouter les rumeurs mêlées gros
" et dissemblables de la maison et colli
1 de l'a ville. sista
' Tout sens atrophié l'est au bé- me '
' néfice d'un autre. A défaut de cnay
' voir les images de la vie, on peut exa*
en traduire chaque battement ^om
comme ne saurait le faire aucune soro-
créature trop distraite par la vue attra
des choses. Les femmes de Belka- Le
cem situent exactement les ges- Espa
' tes de chaque locataire, le son voici
particulier de ses manoeuvres, sa trine
manière personnelle d'être satis- tuer
fait ou mécontent. Elles savent si pi
que le vieux Moïse tousse légère- qu'ui
ment quand il aborde la montée vorai
pénible de l'escalier et reconnais- rance
sent l'approche du fils Gonzalès, gran<
parce que ses chaussures ont bruit confc
vainqueur de chaquement de ta- rite
Ions. Un
Venus de l'extérieur, des frag- des i
ments de la grande symphonie tranr
leur sont des motifs différents de teurs
distraction, de trouble, d'espoir, très <
troi- C'est ainsi que pour la jeune soeur
bête de Belkacem, non mariée, certain
plat marchand de fruits qui passe ré-
i ne gulièrement à l'aube sous les fenê-
tres et dont le cri gorgé de jeunes-
m et se, de santé; de joie fécondante,
s le traverse des murailles, troue le
le coeur et les flancs d'une flèche
redoutable et divine, peut devenir
t un un sultan de Bagdad, un caïd dé-
ians guisé en colporteur.
, les *
sus-
s de Quand Belkacem le musulman
rfois a réussi quelque fructueux trafic
JUS; ou quand il a manqué une occa-
une sion de réaliser un beau bénéfice,
; te- deux circonstances également ca-
isse» pables d'inciter un homme à
pra- s'abreuver, il va passer une ou plu-
ma- sieurs heures au « Bar des Amis », -
sis près du Vieux-Palais. Ce café, :
3 se de décoration semi-orientale, où .
e à la disgrâce d'un compromis entre i
r la deux civilisations règne sur les ]
me- murs, est géré par un néc-Fran- i
de çais qu'on nomme communément
re- Etienne. C'est un rendez-vous <
léo- d'indigènes conducteurs ou rece- ]
des veurs de tramways, d'autres indi- j
ira- gènes marchands des denrées les c
Ini- plus diverses et de toute une pègre (
me méditerranéenne bariolée, tatouée, j
•né- parfois déguenillée, qui vient de f
art. six heures à minuit boire, se re- t
le poser, discourir et surtout écouter
mx la musique dispensée par un or-
lus chestre composé d'éléments aussi n
1er. hétéroclites que ceux de la déco- r,
Tre, ration niurale. Un pianiste fran- tj
•tés çais, un flûtiste arabe, un violo- Cl
Lee, niste juif, un tambourinaire ka- g
ige byle y jouent des airs où la Judée, a]
lu- l'Espagne, l'Arabie et le café- yj
concert moderne ont fourni cha- p
m- cun leur part. Tl
la- Incontestablement, les plus ta
en beaux chants sont les chants d'An- jj,
;es dalousie, les plus capables au te
iu- moins de se prêter à tous les rêves y:
oi- et à tous les désirs... lu
la- Un air andalou, un chant de ^
li- Grenade !... N'était l'éclairage n'
he brutal, une vision navrante de la
femme du patron : courte, lourde, jyj
il au mufle de bête repue, aux vê- tu
[é- tements trop courts collont à son jj
;u corps déformé, et qui s'inscrit dé- ur
;n plorablement dans le cadre doré
as de cette glace aux ornements cjj
ie Louis XVI, on pourrait, dès le c^
2B premier coup d'archet, le prélude ^
; magique de la flûte, remonter à ne
ie quelques siècles en arriète, oublier j
;s aussitôt l'inélégance d'une époque
n où l'Européen est roi» où le com- JJA
i- plet veston règne. - e2j(
ts Un air grenadin !... Mais il ne gor
e, faudra que quelques minutes pour ^
s exorciser les apparences, créer coj
3, ici une hallucination collective, gQ-.
e un décor de choix.
Un air grenadin !... Et le mira- avc
t, de surgit, déploie des arabesques, (
; reforme une architecture de grâce £to:
i- et d'art, une atmosphère saturée s'h;
t de poudre et de victoires, des sou- m0(
e venirs ancestraux. de chevaucées, méi
:, des visages lunaires de femmes ia ,
- aperçues entre deux galops et se rl 1
r substituant, dans la glace, à cette gra]
5 grosse commère. Un marchand de S0U(
t colliers de fleurs a pourvu l'as- ses
sistance, auparavant, d'un aro- nou
. me qui, mêlé à celui de l'anisette cadi
; chauffant les flancs, les coeurs, tion
l exalte la magie {des reconstitu- ne,.,
^ tions, abat les murailles de ce café Bac
. sordide géré par une créature sans 0htc
. attraits. Syn£
Le chant grenadin ramené des de .
■ Espagnes longtemps soumises, et coût
voici que s'allument dans les poi- à Pi
trines ces sauvages ardeurs de l'enc
tuer et d'aimer qui se confondent la s<
si parfaitement jusqu'à ne faire tenti
qu'une flamme haute, pure, dé- il ta
vorante, éclairant l'illusoire espé- poui
rance d'être encore capables de plet!
grandes choses et le sentiment ré- meir
confortant de n'avoir pas démé- tion
rite ! ne
Un chant grenadin !.... Et sur qu'u
des uniformes de receveurs de dom:
tramways, des blouses de conduc- nette
teurs de bestiaux, des vestons cin- tract
très de racoleurs de filles, des te- race
soeur nues militaires sans galons, voi-
irtain là posées une invisible fleur pour-
îe ré- pre, une gloire, une récompense,
fenê- une valeur régénératrice valable .
unes- longtemps encore après que le <
lante, chant se sera tu.
ie le *%
lèche Belkacem, peu avant minuit, '
venir qUitte ce \{eu charmant, et, pour ~[
d de- se diriger vers sa maison, remonte '
doucement la rue de la Lyre. Eni- ]
vré d'anisette et d'harmonie, un ^
impérieux désir d'amour mêle sou- £
Iman dain en sa mémoire défaillante ]
rafic au souvenir d'une strophe musica-
Dcca- le les visages de ses deux épou- r
:fice, ses : Yamina et Zineb. Pour un s
t ca- instant très court, Belkacem sus- s
ae à pend sa marche hésitante. Il veut ^
plu- trouver passionnément à laquelle l
lis », des deux, selon la règle d'aller- s
eafé, nance, appartient cette belle nuit. 1]
, où Hier, par Allah ! était-ce l'an- t(
ntre cienne ou la plus jeune qui dor- s
les mit à son côté gauche ? Il paraît "
'ran- impossible de le savoir ! 9
tient Belkacem reprend sa marche, c
rous certain, au moins, de trouver ■"
rece- l'une ou l'autre au seuil d'une ma- d
ndi- gnifique salle à manger de fabri- k
les cation française, style Henri IL **
îgre Car le maître, en rentrant, à n'im-
uée, porte quelle heure, peut avoir "<
; de faim ou soif, et il convient, en UI
re- tout cas, qu'il soit servi. s '
iiter ' *** ' ®e
or" Cependant, le pas pesant du *
ussi musulman montant vers son ha-
3C0- rem réveille la femme du fonc-
ran" tionnaire français qui rêvait, grâ-
t" 0' ce au bruit nocturne du marché, ,
^a" qu'elle asistait à la grande foire ,,
*ee, annUelle de Victoire-sur-Orne, sa ,,
!*e" ville natale. Elle pousse un sou-
na" pir de regret. Dans cette courte
reprise de conscience, quelle dis- ,
^us tance a séparé l'idée d'un bon- en
*n" heur de son but ! Son mari n'at-
au teindra que dans quelques années
ves l'âge de la retraite ! Depuis trois ,
lustres qu'elle vit en Algérie, sa ,
"e vie s'est consumée et limitée à E
lSe n'attendre que cela.
ia L'étudiant juif, petit-fils de _.,'
^' Moïse, ramené également au sen- ,
ve' timent proche» ferme le dernier „
on livre de Morand pour atteindre a-,
" un traité de chimie. f
)re Le pas de Belkacem frappant
a s chaque marche comme un balan-
de cier oblige sa soeur qui, depuis la K'
e c- J ■ -r - i i • C1l<
, lin du repas, copiait e la machi-
a ne, pour le compte d'une Société *■
minière, un bilan rassurant, a _,
ae prendre conscience de l'heure tar- ,
n" dive. Mais, avant d'aller dormir, ■.
elle inscrira un chiffre de plus à *
ae son profit personnel, sur une page *
lr de carnet, au-dessous d'une longue ^
er colonne, résultat des travaux des
e' soirs précédents...
— Encore trois veillées pour '-'
a" avoir la somme complète ! . J
s5 Cette enfant, qui ressemble nlt
;e étonnamment à Lilian Gish et ^e' *
se s'habille avec un sens précis de la n
1_ mode parisienne, reste un instant con.
s? méditative, debout au milieu de j^ 1
iS la salle à manger de style Hen- "atl,'
e ri II, face au voile de prière du soJ5ej
e grand-père. Un rêve se déploie *!"u
e soudain, inscrit en images préci- te ,
5" ses sur le mur. Un chiffre gonflé, esPe'
•' nourri d'un travail patient, s'en- Ses
e cadre à la place de cette reproduc- troî^
!' tion de tableau de l'école italien- sein'
■ ne... Encore trois soirs... Et Moïse tnei;
é Bacri» juif vieux turban, pourra matI
s obtenir l'honneur de réciter à la
synagogue, un samedi, une page
s de la Thorah. C'est une gloire
t coûteuse, on la met régulièrement
- à l'adjudication ; certaines fois,
î l'enchérisseur dut élever jusqu'à
t la somme de mille francs sa pré- s
i tention pieuse... Combien fallut- jp;?
■ il taper de pages à la machine ff^
■ pour atteindre ce chiffre com- | ffi
i plet? Peu importe ! Mais quel ,|"jT
■ membre de Conseil d'administra- ffljb^
■ tion d'une Société minière en plei- ™£^
ne prospérité pensera jamais $*—
■ qu'une vierge d'Israël sut faire ^T^~
dominer les chiffres d'un gain si
nettement concret par toute l'abs-
traction de l'espoir mystique de sa
race ?
voi- Elle s'éloigne pour gagner sa
our- chambre. Son frère, décidément,
nse, renonce à l'étude pour ce. soir,
ible Dans quelques instants, la maison
le entière dormira, sans doute... Le
rêve, au moins, seura-t-il rappro-
cher ces êtres porteurs de tant
ujt d'obscurs et contradictoires ata-
our vismes, et sur les murs des ehain-
inte bres où ces prisonniers du som-
Cni- me^ inscrivent irrésistiblement
un leurs désirs, quelle fresque, bros-
10U. sée d'une poigne assez impérieuse,
nte mêlera Moïse Bacri et la native de
ica- Victoire-sur-Orne, les musulmanes
ou. recluses, M. Poretti insensible
un aux paroles pour l'être davantage
1U8. aux sons» et toutes les autres vo-
eut lontés diverses ? Pensons que c'est
die mie époque où le réel l'emporte
er. souvent sur le rêve. Personne, ici,
jjt n'a les mêmes besoins d'âme et
an. tout le monde, peu à peu, subit,
or. sans y prendre assez garde, l'in-
ajt fluence d'habitures et de besoins
qui imposent sournoisement une
be, conception nouvelle de la vie à
Ter laquelle, désormais, la lecture ni
ia. du Coran, ni de la Thorah, ni des
r£. Evangiles ne remédiera suffisam-
JJ ment.
m. A tous les étages, il y a un poste
jjr de T.S.F., et Belkacem possède
en une automobile. Il est vrai qu'il
s'en sert parfois pour transporter
ses femmes soigneusement voilées
i jusqu'à la porte du bain maure.
A tous les étages, l'espoir de la
stabilisation du franc a été un
,- même acte de foi ; et viennent les
, sauterelles, la mévente des vins,
' la sécheresse stérilisant les blés,
l'on pourra voir les serviteurs
d'Allah, le têtu guetteur du Messie
et les fils chrétiens de la Méditer-
' ranée suivre d'un même regard
ému, sur une feuille de journal,
ce qui dénonce pour eux une oc-
casion de ruine ou de fortune. Que
'. ce soit blé, vigne, minerai, lopin
de sol cultivé, actions des phos-
, phates tunisiens, obligations de la
Banque d'Algérie, lés voilà désor-
mais liés par le désir commun
d'une prospérité matérielle. Signe
des temps, la croisade pour l'or,
facteur immédiat de bonheur tan-
gible et de bien-être, a remplacé
les croisades de l'esprit. Et Belka-
cem, le musulman, lui-même, qui
apparaît ici comme le plus diffi-
cilement réductible, s'il n'avait
, pris l'habitude de s'en remettre
T complètement à son Dieu du soin
de faire l'inventaire de son âme,
devrait convenir qu'il n'imagine
' plus l'existence dans un univers
purgé de Roumis, mais privé du
progrès matériel.
Cependant, le naturiste de la
terrasse a regardé monter au zé-
nith une lune énorme» monstrueu-
se, émergeant des fonds nacrés de
la mer. Accoudé à son vaste bal-
con de pierre, il décide d'offrir
maintenant à la lune autant de li-
bations qu'il en offrit ce matin au
soleil. Il lève donc son verre, pour
qu'un rayon le traversant en at-
teste la couleur parfaite et la pure
espèce. Et dominant les cinq éta-
ges de la maison, et défiant les
trois dieux qui la soumettent, il
semble soudain le symbole pan-
théiste de cette terre en transfor-
mation.
LUCIENNE FAVRE.
Cinq étages et trois Dieux
Par Lucienne FAVRE
Mme Lucienne Favre ^
n
ci
Pour qui vient chercher un as- ti
pect des êtres et des choses spéci- G
fiquement oriental, Alger est une p
ville profondément décevante. F
Pour qui souhaite l'imprévu, la st
variété des spectacles humains, le ti
paradoxe des situations et les v«
combinaisons infinies des foules é]
bâtardes, c'est une ville dont on n
ne se lasse pas. C
Mais il ne faut pas s'attarder
dans les villes trop nombreuses qui m
possèdent des immeubles pourvus in
d'un confort à peu près moderne, ^
cependant que circule d'un pas aI
nonchalant, sur les trottoirs, une "<
foule vêtue d'une manière cossue. ï1
Il faut aller chercher, loin du luxe di
des vitrines à l'instar de Paris, par- m
mi les voies plus anciennes, et par-
tir à la découverte des mouvantes tr<
vérités, dans les rues populacières, lei
pleines d'histoires inattendues et mi
de types... 0 rues des Trois-Cou- di 1
leurs, de la Marine, des Tournants- ses
Rovigo, de Bab-el-Oued, de la re
Casbah, où les gens « bien » ne ces
se promènent jamais ! qu
Mais il convient d'en élire une, vie
momentanément, entré toutes. <
Celle-ci est un large escalier y i
qui part de la basse ville euro- me
péenne et s'accote, vers la droite, pre
à la Casbah pour monter jusqu'au Me
coteau où les zouaves ont établi étri
leur casernement. De loin en loin, épa
une plate-forme permet le repos voi.
aux essoufflés, la contemplation sur
aux méditatifs, car de tous les arti
paliers on voit la Méditerranée et une
l'on domine un grand marché cou- cou
cert, dont le contenu pléthori- pe
que déborde aux alentours et ron
jusque sur les marches basses des évo<
escaliers, sous forme d'amoncelle- cha
ments de paniers, de pyramides l'im
de fruits et de légumes, de tas cell
d'épluchures et de groupes hu- £
mains. se ^
A chaque palier s'ouvre des une
deux côtés un porche de maison. ion
Dans l'une de ces maisons il y cons
a, au premier étage, un fonction- pen
naire français ; au second, une fa- euei
mille d'origine espagnole ; le troi- sent
sième est occupé par des juifs mje,
constantinois ; le quatrième ré- et j
sonne souvent dés accents d'un jg ]
patois italien ; au cinquième, se m
renferme une smala musulmane; ,£.
sur la terrasse qui couvre la mai-
son, vit en plein air» le jour, et
dort, la nuit, dans le réduit consa-
cré aux lessives, un vieil horticul- , '
teur méditerranéen qui se con- , (
tente, maintenant, de cultiver une
vingtaine de pots de fleurs et
quelques légumineuses en caisse. ^
*** . mani
fait
L'heure du déjeuner rassemble que
dans la maison tous ses habitants, menl
Le ménage du fonctionnaire fran- pénil
çais, les familles néo-françaises se sent
nourrissent à peu près de la même parc*
manière, à la seule différence de vainc
quelques piments de plus ou de Ions.
moins dans la sauce des ragoûts ; Ve
mais, chaque vendredi, une affreu- menl
se odeur de corne grillée enva- leur
hissant l'escalier apprend à tous distrs
Sl|f] les locataires que les juifs du troi-
Kf? sième flambent des pieds de bête
*Sr< -, -, . n i
%^ velue pour la préparation du plat
^Xft rituel qui leur permettra de ne
jÇf pas toucher au feu le samedi.
gjjgï L'étage occupé par Belkacem et '•
Êljjr sa smala embaume l'encens, le
<||! suint de mouton, l'oranger, le <
_®jfï miel amalgamé à la graisse. ]
fe^j L'homme de la terrasse est un 1
lifg frugal qui trempe son pain dans ï
gjs son vin, déguste, givrées de sel, les
■sx, tomates mûres de son jardin sus-
" - pendu. Il est vrai que la mère de
Belkacem lui apporte parfois j
une écuelle fumante de couscous; c
Rachel, belle-fille de Moïse, une s
large part de barbouch ou de te- c
fina. Ainsi l'homme de la terrasse* j
homme sans préjugés, peut-il pra- s
tiquer un savoureux internationa- s
=^-l lisme cuhnaire. s:
A chaque étage, les repas se à
prennent dans la même salle à L
manger de style Henri IL Sur la d
cheminée de cette pièce, le f onc- n
i as- tionnaire a placé un buste de ç
éci- G-ambetta ; sur celle du juif, re- E
me pose son voile de prière. Les néo- d
ite. Français n'y ont installé que des v
la statues de plâtre d'une inspira- g
, le tion datant de l'Exposition Uni- p
les verselle de 1900, style d'une morne m
îles époque où l'Algérie" en est gêné- p
on ralement restée en matière d'art, si
Ces gens ont réservé pour le p<
Jer Christ cloué ou la Vierge aux la
u^j mains jointes l'atmosphère plus cl
ras intime de leur chambre à coucher. h<
ne C'est entre deux vases de cuivre, ra
jjas anciens culots d'obus rapportés ça
,ne des champs de bataille de France, ni
ae_ que Belkacem a installé une page bj
[xe du Coran magnifiquement enlu- l'I
ar_ minée. co
ar- Outre la salle à manger, d'au- eu
tes très pièces, à chaque étage, signa-
es, lent la même unité de goûts en be
et matière d'ameublement parmi ces da
IU- divergences politiques et religieu- m<
ts- ses, depuis le piano droit, l'armoi- et
la re de noyer ciré à plusieurs gla-
le ces, jusqu'à la garnuiture compli- Gr
quée des tentures de peluche bn
e, vieux rose ou grenat. . fer
Chez Belkacem, seulement, il au
er y a une salle qui diffère totale- ter
o- ment des autres, une salle à peu coi
e, près nue avec des murs peints en pic
u bleu, des nattes et dés matelas de
li étroits sur le sol. Une mousseline Lo
i, épaissie de multicolores broderies pre
»s voile jalousement les fenêtres ; ma
n sur un coffre peint par quelque qui
;s artisan de la Casbah sont posés aus
;t une cage dorée emprisonnant un où
[- couple d'oiseaux, un vase où trem- pie
i- pe un de ces charmants bouquets l
:t ronds en forme de pièce montée» faui
s évoquant des . idées de plaisirs exo
:- champêtres et, pour ces emmurées, ici
s l'image de la liberté à côté de un
s celle de la réclusion. U
Les deux épouses de Belkacem, de
se vieille mère, une jeune soeur, refo
s une parente pauvre recueillie se- et c
• Ion la. coutume musulmane vivent de t
T constamment dans cette pièce veni
" pendant le jour. Elles y rêvent, des
" elles y paressent, elles y jacas- apei
" sent, elles savent s'y taire pour subs
3 mieux écouter les rumeurs mêlées gros
" et dissemblables de la maison et colli
1 de l'a ville. sista
' Tout sens atrophié l'est au bé- me '
' néfice d'un autre. A défaut de cnay
' voir les images de la vie, on peut exa*
en traduire chaque battement ^om
comme ne saurait le faire aucune soro-
créature trop distraite par la vue attra
des choses. Les femmes de Belka- Le
cem situent exactement les ges- Espa
' tes de chaque locataire, le son voici
particulier de ses manoeuvres, sa trine
manière personnelle d'être satis- tuer
fait ou mécontent. Elles savent si pi
que le vieux Moïse tousse légère- qu'ui
ment quand il aborde la montée vorai
pénible de l'escalier et reconnais- rance
sent l'approche du fils Gonzalès, gran<
parce que ses chaussures ont bruit confc
vainqueur de chaquement de ta- rite
Ions. Un
Venus de l'extérieur, des frag- des i
ments de la grande symphonie tranr
leur sont des motifs différents de teurs
distraction, de trouble, d'espoir, très <
troi- C'est ainsi que pour la jeune soeur
bête de Belkacem, non mariée, certain
plat marchand de fruits qui passe ré-
i ne gulièrement à l'aube sous les fenê-
tres et dont le cri gorgé de jeunes-
m et se, de santé; de joie fécondante,
s le traverse des murailles, troue le
le coeur et les flancs d'une flèche
redoutable et divine, peut devenir
t un un sultan de Bagdad, un caïd dé-
ians guisé en colporteur.
, les *
sus-
s de Quand Belkacem le musulman
rfois a réussi quelque fructueux trafic
JUS; ou quand il a manqué une occa-
une sion de réaliser un beau bénéfice,
; te- deux circonstances également ca-
isse» pables d'inciter un homme à
pra- s'abreuver, il va passer une ou plu-
ma- sieurs heures au « Bar des Amis », -
sis près du Vieux-Palais. Ce café, :
3 se de décoration semi-orientale, où .
e à la disgrâce d'un compromis entre i
r la deux civilisations règne sur les ]
me- murs, est géré par un néc-Fran- i
de çais qu'on nomme communément
re- Etienne. C'est un rendez-vous <
léo- d'indigènes conducteurs ou rece- ]
des veurs de tramways, d'autres indi- j
ira- gènes marchands des denrées les c
Ini- plus diverses et de toute une pègre (
me méditerranéenne bariolée, tatouée, j
•né- parfois déguenillée, qui vient de f
art. six heures à minuit boire, se re- t
le poser, discourir et surtout écouter
mx la musique dispensée par un or-
lus chestre composé d'éléments aussi n
1er. hétéroclites que ceux de la déco- r,
Tre, ration niurale. Un pianiste fran- tj
•tés çais, un flûtiste arabe, un violo- Cl
Lee, niste juif, un tambourinaire ka- g
ige byle y jouent des airs où la Judée, a]
lu- l'Espagne, l'Arabie et le café- yj
concert moderne ont fourni cha- p
m- cun leur part. Tl
la- Incontestablement, les plus ta
en beaux chants sont les chants d'An- jj,
;es dalousie, les plus capables au te
iu- moins de se prêter à tous les rêves y:
oi- et à tous les désirs... lu
la- Un air andalou, un chant de ^
li- Grenade !... N'était l'éclairage n'
he brutal, une vision navrante de la
femme du patron : courte, lourde, jyj
il au mufle de bête repue, aux vê- tu
[é- tements trop courts collont à son jj
;u corps déformé, et qui s'inscrit dé- ur
;n plorablement dans le cadre doré
as de cette glace aux ornements cjj
ie Louis XVI, on pourrait, dès le c^
2B premier coup d'archet, le prélude ^
; magique de la flûte, remonter à ne
ie quelques siècles en arriète, oublier j
;s aussitôt l'inélégance d'une époque
n où l'Européen est roi» où le com- JJA
i- plet veston règne. - e2j(
ts Un air grenadin !... Mais il ne gor
e, faudra que quelques minutes pour ^
s exorciser les apparences, créer coj
3, ici une hallucination collective, gQ-.
e un décor de choix.
Un air grenadin !... Et le mira- avc
t, de surgit, déploie des arabesques, (
; reforme une architecture de grâce £to:
i- et d'art, une atmosphère saturée s'h;
t de poudre et de victoires, des sou- m0(
e venirs ancestraux. de chevaucées, méi
:, des visages lunaires de femmes ia ,
- aperçues entre deux galops et se rl 1
r substituant, dans la glace, à cette gra]
5 grosse commère. Un marchand de S0U(
t colliers de fleurs a pourvu l'as- ses
sistance, auparavant, d'un aro- nou
. me qui, mêlé à celui de l'anisette cadi
; chauffant les flancs, les coeurs, tion
l exalte la magie {des reconstitu- ne,.,
^ tions, abat les murailles de ce café Bac
. sordide géré par une créature sans 0htc
. attraits. Syn£
Le chant grenadin ramené des de .
■ Espagnes longtemps soumises, et coût
voici que s'allument dans les poi- à Pi
trines ces sauvages ardeurs de l'enc
tuer et d'aimer qui se confondent la s<
si parfaitement jusqu'à ne faire tenti
qu'une flamme haute, pure, dé- il ta
vorante, éclairant l'illusoire espé- poui
rance d'être encore capables de plet!
grandes choses et le sentiment ré- meir
confortant de n'avoir pas démé- tion
rite ! ne
Un chant grenadin !.... Et sur qu'u
des uniformes de receveurs de dom:
tramways, des blouses de conduc- nette
teurs de bestiaux, des vestons cin- tract
très de racoleurs de filles, des te- race
soeur nues militaires sans galons, voi-
irtain là posées une invisible fleur pour-
îe ré- pre, une gloire, une récompense,
fenê- une valeur régénératrice valable .
unes- longtemps encore après que le <
lante, chant se sera tu.
ie le *%
lèche Belkacem, peu avant minuit, '
venir qUitte ce \{eu charmant, et, pour ~[
d de- se diriger vers sa maison, remonte '
doucement la rue de la Lyre. Eni- ]
vré d'anisette et d'harmonie, un ^
impérieux désir d'amour mêle sou- £
Iman dain en sa mémoire défaillante ]
rafic au souvenir d'une strophe musica-
Dcca- le les visages de ses deux épou- r
:fice, ses : Yamina et Zineb. Pour un s
t ca- instant très court, Belkacem sus- s
ae à pend sa marche hésitante. Il veut ^
plu- trouver passionnément à laquelle l
lis », des deux, selon la règle d'aller- s
eafé, nance, appartient cette belle nuit. 1]
, où Hier, par Allah ! était-ce l'an- t(
ntre cienne ou la plus jeune qui dor- s
les mit à son côté gauche ? Il paraît "
'ran- impossible de le savoir ! 9
tient Belkacem reprend sa marche, c
rous certain, au moins, de trouver ■"
rece- l'une ou l'autre au seuil d'une ma- d
ndi- gnifique salle à manger de fabri- k
les cation française, style Henri IL **
îgre Car le maître, en rentrant, à n'im-
uée, porte quelle heure, peut avoir "<
; de faim ou soif, et il convient, en UI
re- tout cas, qu'il soit servi. s '
iiter ' *** ' ®e
or" Cependant, le pas pesant du *
ussi musulman montant vers son ha-
3C0- rem réveille la femme du fonc-
ran" tionnaire français qui rêvait, grâ-
t" 0' ce au bruit nocturne du marché, ,
^a" qu'elle asistait à la grande foire ,,
*ee, annUelle de Victoire-sur-Orne, sa ,,
!*e" ville natale. Elle pousse un sou-
na" pir de regret. Dans cette courte
reprise de conscience, quelle dis- ,
^us tance a séparé l'idée d'un bon- en
*n" heur de son but ! Son mari n'at-
au teindra que dans quelques années
ves l'âge de la retraite ! Depuis trois ,
lustres qu'elle vit en Algérie, sa ,
"e vie s'est consumée et limitée à E
lSe n'attendre que cela.
ia L'étudiant juif, petit-fils de _.,'
^' Moïse, ramené également au sen- ,
ve' timent proche» ferme le dernier „
on livre de Morand pour atteindre a-,
" un traité de chimie. f
)re Le pas de Belkacem frappant
a s chaque marche comme un balan-
de cier oblige sa soeur qui, depuis la K'
e c- J ■ -r - i i • C1l<
, lin du repas, copiait e la machi-
a ne, pour le compte d'une Société *■
minière, un bilan rassurant, a _,
ae prendre conscience de l'heure tar- ,
n" dive. Mais, avant d'aller dormir, ■.
elle inscrira un chiffre de plus à *
ae son profit personnel, sur une page *
lr de carnet, au-dessous d'une longue ^
er colonne, résultat des travaux des
e' soirs précédents...
— Encore trois veillées pour '-'
a" avoir la somme complète ! . J
s5 Cette enfant, qui ressemble nlt
;e étonnamment à Lilian Gish et ^e' *
se s'habille avec un sens précis de la n
1_ mode parisienne, reste un instant con.
s? méditative, debout au milieu de j^ 1
iS la salle à manger de style Hen- "atl,'
e ri II, face au voile de prière du soJ5ej
e grand-père. Un rêve se déploie *!"u
e soudain, inscrit en images préci- te ,
5" ses sur le mur. Un chiffre gonflé, esPe'
•' nourri d'un travail patient, s'en- Ses
e cadre à la place de cette reproduc- troî^
!' tion de tableau de l'école italien- sein'
■ ne... Encore trois soirs... Et Moïse tnei;
é Bacri» juif vieux turban, pourra matI
s obtenir l'honneur de réciter à la
synagogue, un samedi, une page
s de la Thorah. C'est une gloire
t coûteuse, on la met régulièrement
- à l'adjudication ; certaines fois,
î l'enchérisseur dut élever jusqu'à
t la somme de mille francs sa pré- s
i tention pieuse... Combien fallut- jp;?
■ il taper de pages à la machine ff^
■ pour atteindre ce chiffre com- | ffi
i plet? Peu importe ! Mais quel ,|"jT
■ membre de Conseil d'administra- ffljb^
■ tion d'une Société minière en plei- ™£^
ne prospérité pensera jamais $*—
■ qu'une vierge d'Israël sut faire ^T^~
dominer les chiffres d'un gain si
nettement concret par toute l'abs-
traction de l'espoir mystique de sa
race ?
voi- Elle s'éloigne pour gagner sa
our- chambre. Son frère, décidément,
nse, renonce à l'étude pour ce. soir,
ible Dans quelques instants, la maison
le entière dormira, sans doute... Le
rêve, au moins, seura-t-il rappro-
cher ces êtres porteurs de tant
ujt d'obscurs et contradictoires ata-
our vismes, et sur les murs des ehain-
inte bres où ces prisonniers du som-
Cni- me^ inscrivent irrésistiblement
un leurs désirs, quelle fresque, bros-
10U. sée d'une poigne assez impérieuse,
nte mêlera Moïse Bacri et la native de
ica- Victoire-sur-Orne, les musulmanes
ou. recluses, M. Poretti insensible
un aux paroles pour l'être davantage
1U8. aux sons» et toutes les autres vo-
eut lontés diverses ? Pensons que c'est
die mie époque où le réel l'emporte
er. souvent sur le rêve. Personne, ici,
jjt n'a les mêmes besoins d'âme et
an. tout le monde, peu à peu, subit,
or. sans y prendre assez garde, l'in-
ajt fluence d'habitures et de besoins
qui imposent sournoisement une
be, conception nouvelle de la vie à
Ter laquelle, désormais, la lecture ni
ia. du Coran, ni de la Thorah, ni des
r£. Evangiles ne remédiera suffisam-
JJ ment.
m. A tous les étages, il y a un poste
jjr de T.S.F., et Belkacem possède
en une automobile. Il est vrai qu'il
s'en sert parfois pour transporter
ses femmes soigneusement voilées
i jusqu'à la porte du bain maure.
A tous les étages, l'espoir de la
stabilisation du franc a été un
,- même acte de foi ; et viennent les
, sauterelles, la mévente des vins,
' la sécheresse stérilisant les blés,
l'on pourra voir les serviteurs
d'Allah, le têtu guetteur du Messie
et les fils chrétiens de la Méditer-
' ranée suivre d'un même regard
ému, sur une feuille de journal,
ce qui dénonce pour eux une oc-
casion de ruine ou de fortune. Que
'. ce soit blé, vigne, minerai, lopin
de sol cultivé, actions des phos-
, phates tunisiens, obligations de la
Banque d'Algérie, lés voilà désor-
mais liés par le désir commun
d'une prospérité matérielle. Signe
des temps, la croisade pour l'or,
facteur immédiat de bonheur tan-
gible et de bien-être, a remplacé
les croisades de l'esprit. Et Belka-
cem, le musulman, lui-même, qui
apparaît ici comme le plus diffi-
cilement réductible, s'il n'avait
, pris l'habitude de s'en remettre
T complètement à son Dieu du soin
de faire l'inventaire de son âme,
devrait convenir qu'il n'imagine
' plus l'existence dans un univers
purgé de Roumis, mais privé du
progrès matériel.
Cependant, le naturiste de la
terrasse a regardé monter au zé-
nith une lune énorme» monstrueu-
se, émergeant des fonds nacrés de
la mer. Accoudé à son vaste bal-
con de pierre, il décide d'offrir
maintenant à la lune autant de li-
bations qu'il en offrit ce matin au
soleil. Il lève donc son verre, pour
qu'un rayon le traversant en at-
teste la couleur parfaite et la pure
espèce. Et dominant les cinq éta-
ges de la maison, et défiant les
trois dieux qui la soumettent, il
semble soudain le symbole pan-
théiste de cette terre en transfor-
mation.
LUCIENNE FAVRE.
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