Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1918-08-11
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 août 1918 11 août 1918
Description : 1918/08/11 (Numéro 12584). 1918/08/11 (Numéro 12584).
Description : Note : 4è édition. Note : 4è édition.
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/05/2008
2 s
LE W .&' m
§11_8 18«
}l fïalvy a quitté Paris
hier soir
II se tend à Saint-Sébastien
M. Malvy a quitté Paris, hier soir, pour
iEspagne,à 20 h. 25, par le rapide de Bor-
de ses trois enfants. Sous le péristyle, quel-
ques-uns de ses amis l'attendaient, parmi
lesquels MM. Mayéras et Dalbiez, députés,
des représentants de syndicats ouvriers. M.
3?buhaux, secrétaire général de la C. G. T.,
etc. M. Malvy se rend directement à Saint-
Sébastien. Mais il est probable qu'il n'y fera
qu'une halte de très courte durée et que
6'est dans une autre ville d'Espagne qu'il
se fixera définitivement.
Une lettre an président de la Chambre
Avant de quitter la France, M. Malvy a
adressé à M. Paul Deschanel, président de
la Chambre, une longue lettre dont voici
les principaux passages
Je m'excuse auprès de vous et vous prle de
m'excuser aupres de mes collègues si ie ne
puis, dès la rentrée de la Chambre, collaborer
à nos travaux et exercer le mandat aue ie
tien* de la seule souveraineté devant laauelle
je m'incline celle du peuple.
Ce mandat, je le garde avec la plénitude de
mes droits, et seul l'obstacle matériel de 1 exil
m'empêche pour le moment de lui consacre
mon temps et mes forces.
Désireux néanmoins, à l'heure «rave où se
joue le sort de mon pays, d'éviter ou'il soit
distrait de son effort par aucune agitation.
j'obéis à l'arrêt qui me frappe
Je quitte la France. mais en criant bien haut
que je n'accepte pas, que je n'accepterai la-'
mais cet arrêt politique qui frappe une poli-
Mon véritable crime date du mois Je mai
1917 la campagne organisée contre r oi a
pris naissance du jour où je suis intervenu
comme arbitre' dans ces grèves parisienne
que le ministère pUblic affecta d'abando muer
dans son dernier réquisitoire après ravoir
accusé de les avoir provoquées. De là. latent
les rancunes auxquelles la calomnie devait
bientôt offrir un prétexte et un cadre. Mon
véritable crime, aux yeux d'adversaires nour
qui l'union sacrée n'était plus qu'un souvenir.
avait été d'obliger des patrons insuffisam-
ment perspicaces et prévoyants à reconnaître
les légitimes revendications de leurs ouvriers
ou de leur personnel et de les mettre n rre-
«ence des représentants de ces organisations
syndicales qu'ils avaient toujours dédaignes.
A cette politique d'union nationale. ,'Il' con-
fiance démocratique, le reste inébranlable-
ment fidèle, convaincu au'elle était et reste
seule capable de maintenir la paix sociale oue
1« suis heureu xd'avoir pu assurer sans dou-
bles, et sans incidents, pendant les cruararite-
deux mois de mon ministère.
Cette paix sociale, elle est la condition In-
dispensable de la victoire. J'aime trou i. on
pays pour rien faire aujourd'hui qui puisse le
troubler. La France au-dessus de tout
Le seizième concours Lépine 4
L'Association des petits fabricants et in-
Venteurs français a. organisé hour la sei-
Kième fois son exposition au Petit-Paleds des
Champs-Elysées: L'inauguration a eu lieu
hier après-midi, en présence de MM. Lof-
ferre, ministre de l'instruction publique et
des -arts Autrand, préfet de la Seine ]
Baux, préfet de police Le Carbeiller, vice-
président du conseil municipal et Levée,
vice-président du conseil général. Le prési-
dent de la République et les ministres
étaient représentés
Malgré la cherté des matières premières,
les ingénieux petits fabricants ont su, com-
me les autres années, donner à leurs jouets
inspirés par l'actualité. ce cachet d'élégance
et ce fini oui distinguent l'article de Parls.
LES TÉLÉGRAPHISTES ET TÉLÉPHONISTES
SOUS LE BOMBARDEMENT
Le directeur de la télégraphie militaire de
S6 ligne vient de faire parvenir à M. Bastié,
chef du central télégraphique militaire de
Chalons, la lettre suivante, qu'il a reçue du
général de division Maistre, commandant
le groupe d'années du centre
« Au ^.ours des opérations du mois de
juillet 1918. le personnel civil et militaire
du central Télégraphique de Chutons a as-
Buré son service dans des conditions dignes
d'éloges, malgré un violent bombardement
et des ruptures fréquentes des lignes. Le
calme, le sang-froid et le dévouemeat mon-
très par tous en ces circonstances ont été
tout à lait remarquables.
Vous voudrez hien en lémoinner ma
satisfaction niix dames employés, agents
civils et militaires figurant sur la liste ci-
jcinte. »
CATASTROPRC DE CHEMIN DE FER
Vingt morts et trente blessés
Un très grave accident de chemin de fer
s'est produit hier à 3 h. 30 du matin sur la
ligne de Paris-Bastille à Verneuil-l'Etang,
entre Solers et le hameau de Barneau
Deux trains se suivaient à quelques mi-
nutes d'intervalle et se dirigeaient sur Ver-
neuil, lorsque le premier dut s'arrêter sur
un pont. Des pétards avertisseurs furent
placés sur la voie pour prévenir le méca-
nicien du second convoi, mais celui-ci n'en-
tendit pas les détonations. Une collision se
produisit alors et deux wagons furent pro-
jetés sur l'autre voie. Le malheur voulut
qu'au môme instant un troisième train, ar-
rivant celui- de Verneuil, y fut engagé et
vint se heurter aux wagons renversés. Le
choc fut extrêmement violent une partie
du convoi, brisant le parapet du pont,
tomba dans la rivière et le reste fut forte-
ment endommagé.
Cette cataslrophe a causé la mort de
vingt personnes trente voyageurs, en ou-
tre, ont été blessés. Le dernier train trans-
portait de nombreux chevaux quatre-
vingts d'entre eux ont été tués.
LA PRISE
de Fère-en-Tardenois
Un bel exploit d'une division
du général Degoutte
[DU CORRESPONDANT DU « MATIN ACCRÉDIÏÊ
AUX ARMÉES]
Front français. 10 août 1918.
Ne parlez pas de moi, mais parlez de
mes hommes.
Cette phrase nous est à présent fami-
lière. Nous l'avons entendue, répétée
comme une prière, chaque fois que nous
sommes entrés dans le P. C. du général
Dégoutta où, chaque fois, nous sommes ac-
cueillis sons cette condition « Que nous ne
parlions pas de lui
Les journalistes, au front, sont quelque
peu des militaires obéissons Obéis-
sons autant que nous pourrons le faire.
Vous le savez, c'est un. belle division
placée sous le commandement du général
Dégoutte qui a conquis de hau'e lutte Fère-
on-Tardenois. Voici un très imparfait his-
torique » de ce fameux exploit
La division fut débarquée, après un long
et compliqué voyage. Par étapes, elle
s'achemina sur le terrain de lu bataille
L'orage sévissait et la marche était longue.
Elle était dure et longue, en dépit des chan.
sons, car ces hommes, n'es'-ce pas 1
n'étaient plus entraînés. L'immobile fac-
tion montée durant des mois et des années
dans les abris et les tranchées avait rouillé
leurs jambes. Bah tant pis 1 Ils mar-
chaient Le 26 au soir. on les vit bivoua-
quer, ayant sur eux le toit aue leur offrait
la frondaison des bois. Il pleuvait 1 il pleu-
vait 1. et les nuits étaient brèves Qu'im-
porte Ils cheminaient. Le 27. ils prirent
position devant Fère-en-Tardenois..
A l'aube. ils dévalèrent les bosses de ter-
rain de la vallée de l'Ourcq. Bien que le
temps fût gris et l'horizon brouillé, leur
arrivée n'avait point échappé au Boche vi-
gilant. Il leur avait fallu quitter l'écran des
bois, et lé régiment de la division qui avait
pour mission d'a'taquer Fère-en-Tardenoia
ne' put utteindre la rivière, dont l'ennemi
avait détruit tous les passages, que sous
les balles et les obus prodigués avec rage.
Le régiment d'assaut contemplait ce pay-
sage au premier plan, Fère, construit h
flanc de pente, farci de mitrailleuses, et
derrière, en signal, la position des Alle-
mands le bois Ovale, puis la ferme
Cayenne et enfin la butte 184, qui domine
tc.ute la région.
Les nôtres, astucieusement, s avancèrent
sur l'Ourcq. L'ordre était de passer, il fal-
lait passer. C'est alors que Desroches
Desroches est un sergent se mit il Tenu
si courageusement que six autres nageurs
le disputèrent à la course. lis abordèrent
tous ensmblè sur la rive opposée et s'élan!
ébroués, ils se jetèrent à l'attaque d'un
groupe d'Allemands qui n'en croyaient point
leurs besicles. Leur colloque fut bref un
Allemand, lorsqu'il n'est pas certain d'être
vainqueur, se rend. Un officier, deux sous-
officiers, vingt-trois mitrailleurs manifeste-
rant il Desroches leur grand désir de paix.
Ils furent exaucés durant que d'autres élé-
ments passttient l'Ourcq. Il en passait, il en
passait. si bien1 qu'après une furieuse lutte
le réginrent, an soir, entre dans Fère, en te-
nait la moitié.
A droite, le bataillon Seurin s'accrochait
sur les pentes de la cote 181; mais il. gau-
che, le bois Ovale plein de trous et plein de
broussailles, ne pouvait pas être Il entamé ».
Le lendemain, dans Fère-en-Tardenois, on
se battait de maison en maison. Cent Alle-
mands y furent pris, dissimules nu fond des
cavets, et, quand le soir tomba, Fére était re-
conquise, notre beau régiment avait pu s'a-
vancer jusqu'aux abards de la ferme Cayen-
ne pendant que des deux autres unités,
l'une mordait » sous les couverts du bois
Ovale et l'autre, auprès avoir repris et re-
perdu trois fois la cote 184, d'un dernier
élnn' l'enlevait et la conservait.
Seule, la ferme résistait. Ses défenseurs
s'y montraient entôlés.
'Le 31, au crépuscule, ·il fallut en finir.
Deux officiers, le chef de bataillon Pérotel
et le sons-lieutenant Barthelemy dirent à
leurs unités
Les enfants en voilà assez 1 Nous al-
lons enlever ce repaire de Boches. Ils di-
rent et les premiers partirent à l'assaut.
Quelques instants après Cayenne était à
nous, le lendemain le bois Ovale, et Fère
dégagé.
L'ennemi en retraite est alors poursuivi,
accroché sans merci durant toute la nuit.
Le 2, il tente encore de s'arrêter entre Fère
et Loupeiene. mnis sans aucun succès. Le 3,
nyant pris Brurs et Lhuv et Mont-Notre-
lait la franchir lorsque le général, estimant
1 que ses hommes devaient être trop fatigués,
voulut les rp'ever. Il sp heurta à un refus
formel du colonel du régiment en ligne.
Je resterai, dit celui-ci, jusqu'à ce que
mes soldats soient sur la rive nord.
Et ils v sont. allés. Ils y ont établi cette
tête de pont que l'Allemand depuis a vai-
nement tenté, et plusieurs fois, de leur ar-
Et telle est la très belle histoire de cette
'division. que, hélas je ne dois pas nom-
mer.
LA CONSOMMATIONJUJOISSON A PARIS
M. Ambroise Rendu a communiqué hier
à ses collègues du conseil municipal uno
note.où il préconise un ensemble de mesu-
res en vue de généraliser Paris la consont-
mation ;lu poisson, aliment susceptible de
remplacer avantageusement la viande et
dont l'emploi auratt comme conséquence 'le
ménager notre cheptf-1.
Ni. Rendu propose non seulement d'amé-
liorer les conditions de transport et de
conservation du poisson, mais d'en général.
liser l'emploi en le vendant cuit ou séché
par l'intermédiaire de petites voitures ap-
propriées et en augmentant te nombre des
poissonneries. Il demande enfin qu'on or-
ganise une active campagne de propagande
LA'CROISADE DES U YANKS
Sur la route de leurs victoire
Comme la marée qui monte, les Américains continuent
leur rnarche en avant
[DE NOTRE correspondant DE GUERRE
accrédité aux armées américaines]
De « Château-Thierry u à u Fismes. »
Cest à quelques kilomètres avant d'arri-
ver a Château-Thierry qu'apparaît pour la
première fois la physionomie tragique de
la guerre. Sur la route, les arbres cassés,
les trous d'obus dans les champs, les bois
dévastés en sont les premiers signes. Vaici
une ligne de tranchées, Jes abris creusés
dans le talus, des maisons abandonnées,
des toits crevés tout le silence et le désert
qui accompagnent la grande catastrophe. Et
puis des tombes, marquées par de pauvres
croix de bois, les unes menuisées, les au-
tres simplement faites de branchages.
Comme les poteaux indicateurs sont ren-
versés, des noms écrits sur des planchettes
de bois indiquent la direction des villages.
Quelques-uns sont déjà historiques. A droi-
te, dans le vallon, ce bois est le bois Bel-
leau, où les Américains ont arrêté la ruée
qui menaçait Pnris. Ces toits de tuiles dé-
foncés sont les toits de Bouresches, où tant
de tombes américaines remplissent le cime
tièrc. Voici Vaux, qui n'est plus qu'un tas
de ruines.
Château-Thierry
A Château-Thierry, dans le faubourg,
quelques maisons sont très atteintes, niais
le désastre ne commence qu'au quai de la
Marne, où tout d'un coup apparaît la déso-
lation, Le pont écroulé remplit la rivière
de débris gigantesques. Entre les moellons
énormes, la Marne gronde et écume pour
se livrer passage, et je pense combien jadis,
il y a trois mois à peine, elle coulait douce-
ment sous les vieilles archers, notre Marne
si française qu'un Français ne peut plus la
voir sans émotion 1.
En face, sur la rive gauche que tenaient
nos troupes dans un amoncellement de
débris, semblable un chantier de démo-
lition, seule la maison du Courrier de
l'Aisne est à peu près intacte. Dans l'église,
où les Allemands ont entassé des munitions
et des matelas, pour les emporter en temps
voulu, suivant leur méthode de pillage orga-
nisé, des habitants, sous la conduite du
commissaire de police, viennent reconnaî-
tre leurs literies. Ils les palpent, les retour-
nent avec un sourire où il y a des larmes.
Au château féodal
Les Boches ont laissé des traces plus
curieuses, parce que moins dbplorables, au
château féodal construit par Charles Mar-
tel pour le roi Thierry, 'lui domine la ville
de ses hautes murailles et d'ailleurs lui a
donné son nom. Là, sous les tours millé-
naires, dans les souterrains où le bruit des
batailles paraissait éteint depuis tant de siè-
cles, les Allemands tenaient garnison. Ils y
avaient entassé tout un matériel hétéroclite
de couchage, de cuisine et de décoration
pillé dans la ville. Des pendules, des baro-
mètres y sont jetés pôle-môle, sur» les mate-
las avec des photographies, des cartes pos-
tales et des bouteilles de toutes sortes.
Dans le fond d'une chapelle souterraine, &
côté d'une croix du douzième siècle, nous
découvrons un phonographe démonté et une
partition de Werther en loques, symboles de
la Kultur. en faillite.
Mais sur la terrasse du donjon qui do-
mine toute la vallée, ils avaient installé
canons et mitrailleuses. De là, ils écra-
saient la ville: Le panorama est désolant.
Toute la vieille cité riante et douce apparaît
dévastée comme après un immense incen-
die.
Il parait qu'ils s'en vantent. Dans le Ber-
liner Tageblatf, un misérable a osé écrire
que ai leur dernière offensive n'avait pas
donné tous les résultats militaires prévus,
elle leur avait du moins procuré la joie de
dévaster une des plus belles parties de la
France. A nous de ne pas oublier dans nos
comptes de haine ces paroles abominables
L'officier d'artillerie qui commandait la bat-
terie a été tué et enterré là. Qu'il repose
en paix », dit l'inscription sur la croix de
bois. Jo ne puis m'associer à ce vœu.
Dans la "poche"
Après Château-Thierry, nous entrons
dans le Tardenois, la « poche qu'évacuent
les Allemands. Là, leurs traces deviennent
de plus en plus « chaudes suivant un mot
de vénerie qui s'applique bien à ces bêtes
malfaisantes. A Verdilly, Epieds, Beuvar-
des, le Charmel, ou du moins ce qui en
reste, tout un vocabulaire allemand s'étale
sur des écriteaux cantonnements pour
hommes, chevaux, flammenwerfer, abris,
ambulances, kommandanturs étaient encore
habités au commencement de la semaine.
A leur place s'installent les vainqueurs,
les jeunes Yanks.
Dieu merci, nous avons renoncé à leur
donner, dans notre manie de sobriquets, ce
surnom de sammies qui leur était insup-
portable, tandis que ce nom de Yank. dimi-
nuit de Yankee, en méme temps que lo-
gique, les définit parfaitement, si droits, si
fermés, si nets.
Sur la route, nous commençons à croiser
des unités qui montent vers le front de ba-
taille.
Casqués du casque plat des soldats de
Cyrus, drapés dans leurs longs caoutchoucs,
appuyées sur les grands étriers de cuir, les
homir.es donnent une impression magnifi-
que de force jeune et calme.
Entre les branchages qui camouflent la
route, des canons, recouverts de feuillage,
ont l'air d'aller une fête. nans une forêt
d'où les Boches se sont enfuis la veille, en
laissant ine immense quantité de matériel,
des éléments campent comme dans leurs
forêts natales.
A l'horizon, des fumées montent. Vous
approchons de la ligne de feu qui recule
trop rapidement. Le canon gronde faible-
ment. Les Boches s'en vont en vitesse.
Ils décollent.
Fère-en-T'ardenois encore le même spec-
tacle de dévastation trop vu depuis quatre
ans. Les équipes du génie américain met-
tent ui. peu d'nrdre dans les décoinbrtô qui
remplissent les rites. Quelques maisons de-
bout un café, une bonneterie, un débit de
tabac, vide certainement 1 Partout les écri-
teaux, boches. L'un d'eux porte la mention
plutôt fantaisiste, narh Pari.s. Dans le
bassin d'une fontaine publique trempe un
saint, enlevé à l'église, dont les Allemands
ont fait, comme Lt Château-Thierry, un ma-
gasin de munitions et de meubles.
Le cimetière est lamentable. C'est un
chans de pierres, d'où émergent des dé-
bris de cercueils et un monument funéraire
intact.
Les Allemands y ont enterré beaucoup
des leurs et sur les croix de bois ils ont
suspendu les couronnes prises aux tombes
voisines.
Etapes glorieuses
Sergy, Seringes, Cierges, Loupeigne,
Maieuil, Mont-Notre-Daire, des ruines (pi
marquent les étapes glorieuses de la vic-
toire Près de Mont-Notre-Dame, dans un
château, logeait le kronprinz. ou le prince
Eitel ? Les junkers ont filé en hâte, en
laissant sur les lits encore chauds les tra-
ces habituelles de leur passage.
Kt l'odeur fade des cadavres commence
nous prendre aux narines. Or, ce n'est
qu'en littérature que le corps d un ennemi
mort sent bon.
Dans des nids de mitrailleuses, des Aile-.
mands sont étendus ou crispés, à côté de
leurs engins. Presque tous ont été tues il
la baïonnette. Sur plusieurs épaulettes, je
relève la désignation du 1083 chasseurs, un
des plus beaux régiments de la garde im-
Les jeunes Américains recensent joyeu-
sement tout le matériel de guerre que l'en-
nemi a abandonné, dans les bois, dans les
ravins, dans les ruines des maisons, par-
tout oil il s'est arrêté pour constituer une
ligne de défense. Revolvers, fusils, maa-
ques, grenades, etc., jonchent les champs
dont quelques-uns sont encore parés des
moissons, intactes, comme si rien ne s'était
passé la.
Au-dessus de nous, Une saucisse se ba-
lance sourdement et des avions américains
ronronnent. Ils sont marqués comrne les
nôtres dj la cocarde aux trois couleurs,
différente seulement par la disposition.
Dans la cocarde américaine, le bleu est au
milieu entouré de rouge, avec le blanc au
centre. Mais ce sont toujours les trois cou-
leurs, triomphantes, symboles d'alliance et
de victoire r
Retraite et poursuite
Quel dommage que la pluie qui tombe de
hlus en plus dru vienne ralentir notre pour-
suite! Dans la route boueuse, les voitures
enfoncent et avancent péniblement. Comme
ki contrée est très vallonnée, sur ces pentes
glissantes « l'aria devient terrible. Ce-
pendant, sans cris, sans confusion, tiès
calmes, les Américains continuent leur
marche et les éléments défilent vers lu
front sous la pluie maintenant torrentielle.
La question est de savoir où les Boches
arrèteront leur retraite. Il est ir craindre
que bientôt, derrière la Vesle ou l'Aisne, le
front reprenne pour quelque temps sou
ancienne stabilité. Nos Yanks regretteront
ces quelques semaines d'une guerre «le
mouvement pendant laquelle ils ont dé-
ployé tant d'allant, d'adresse et même de
ruse guerrière. Car ces 'descendants des
grands chasseurs de la prairie sont aussi
grands chasseurs d'hommes.
En route, nous croisons, dans une auto-
mobile conduite par un offtcier américain,
plusieurs civils, qui sont, pqralt-il, de hau-
tes personnalités américaines venues en
France pour prendre une impression du
front. Ils en rapporteront une erté accrue
d'être Américains.
Trente-cinq kilomètres gagnés, 8.400 pri-
sonniers en quelques semaines. Anrès a
tes Amex auraient le droit de souffler. Je
crois pouvoir dire que ce n'est pas leur
intention.
Une mission parlementaire
des Etats-Unis en France
Treize membres de la commission navale
de la Chambre des représentants des Etats'
Unis sont arrivés il Paris, venant de Lon-
dres. Ils ont été reçus hier par le ministre
de la marine.
Pendant leur séjour en France, ils visi-
teront les différentes bases navales créées
par les Américains et aussi quelques sec-
teurs du front.
L'accueil aux soldats américains
La ligue française Il Union permanente
pour la défense des grands intérêts du
pays n, que président M. Ernest La visse' et
le général Pau, demande à tous ses comités
et délégués de France de suivra l'exemple de
sa section d'Orléans et de recevoir pendant
leurs permissions de détente les officiers et
soldats américains.
Des questionnaires portant le ncmlbro des
permissionnaires, parlant ou non le français,
que peuvcnt recevoir les particuliers sont
envoyés sur demande adressée au siège so-
cial/237, boulevard Saint-Germain, Paris
(7' arr').
Une entente avec le grand quartier géné-
ral américain permettra de répartir nos vail-
lants alliées entre les personnes de bonne vo-
lonté.
LE CRIME
de la rue Beaubourg
L'enquête révèle que la victime
connaissait ses assassins
Nous avons relaté hier l'assassinat de M.
Lévy, horloger, assommé en plein jour à
coups de marteau dans sa boutique, 44, rue
Beaubourg, par un ou plusieurs individus
qui réussirent à prendre la fuite sans avoir
été vus après s'être emparés d'un certain
nombre de bijoux.
Bien que les circonstances qui ont en-
touré le crime demeurent obscures, l'en-
quête a cependant recueilli quelques nou-
veaux éléments qui ne laissent pas de con-
tribuer à la découverte des criminels. En
dehors des bijoux volés dans le coffre-fort,
on sait aujourd'hui que le commerçant a
été dépouillé de son portefeuille qui devait
contenir une aasez forte somme, ainsi que
de, sa montre et de sa chaîne. On a tout heu
de supposer, en outre, que le marteau qui a
servi au meurtrier avait été apporté par ce
dernier, l'instrument découvert par la jus-
tice n'étant en rien semblable il. ceux que
l'on emploie dans l'horlogerie.
Enfin, et ceci constitue une indication
beaucoup plus sérieuse, un client de M.
Lévy a déclaré que la veille du crime, dans
la journée, alors qu'il causait dans la bouti-
que, deux individus étaient entrés qui le
commerçant avait posé cette question
Est-ce que vous m'apportez ce que vous
m'avez dit
A quoi l'un des deux hommes avait ré-
pondu
Non, ce sera pour demain matin.
Mais le lendemain matin, au moment où
ils se présentèrent, le même client se trou-
vait encore avec M. Lévy, qui, leur ayant
posé la même question que la veille, reçut
l* même réponse négative suivie cette fois
de ces mots
n Ce sera pour cet après-midi. »
Le témoin, qui certainement reconnaîtrait
les individus en question, a affirmé, d'autre
part, que ceux-ci n'avaient pu réprimer un
mouvement de surprise en le renvoyant en-
core là. L'importance de cette déclaration,
qui tend prouver que la victime avait eu
antérieurement des relations avec ses meur-
triers, n'a point échappé Il M. Tanguy, com-
missaire de police, attaché Il la police judi-
ciaire, qui poursuit l'enquête.
M. Frochot, juge d'instruction, chargé de
cette affaire, s est rendu hier sur les lieux
du crime accompagné de son greffier, M.
Vallet, et il a indiqué lna bijoux, livres de
comptabilité et objets divers qui devront
être tenus iL la disposition de la justice et
sur lesquels il conviendra d'apposer des
scellés. L'apposition en sera faite par le juge
de paix du troisième arrondissement.
LES AFFAIRES EN COURS
Le lieutenant Gazier compte faire subir la r
semaine prochaine les derniers interrogea- 1
toii-es h Suzy Depsy, Tremble?,, Jay, Brodier
et Guillier, inculpés do commerce avec l'en-
nemi et de complicité. Dans la même affaire
sont inculpés d'une part l'expert comptable
Léautcy et le négociant Pillet, et d'autre
part lo capitaine Ladoux, qui, eux aussi, fu-
rent en relations avec Hosenberg, le fina,n- <
cier autrichien, agent des puissances cen-
trales. Mais, en transmettant son dossier au c
gouvernement militaire 'le Paris, le magts- t
liât demandera de scinder l'affaire en trois
instructions 'lilïérentes. De cette façon, l'af-
faire Suzy Depsy-Tremblez pourrait venir
devnnt le 3° ,-onseil de guerre dans les dé-
buts de septembre.
Débris de champs de bataüle et d'explosion
Est-on en droit de ramasser soit sur un
champ de bataille, soit aux abords d'un en- j
droit où une catastrophe s'est produite les
débris qui s'y trouvent ?
Ce point do droit d'actualité a été longue-
ment discuté, hier, au 3° conseil de guerre
de Paris par le lieutenant Tétreau, commis-
saire du gouvernement, et par M" Marcel
Pasquier, dans une affaire où étaient impli-
qués MM. Joseph Dumoulin et Lucien Du-
puis, du 10r zouaves, mobilisés dans une
usine.
Le 17 mars 1918, il la suite de l'explosion
de la Courneuve, NI-1. Dumoulin et Dupuis
ramassèrent dans les champs voisins de la
catastrophe des grenades et des détonateurs
qu'ils placèrent dans leur musette. Lors- <
qu'en s'en retournant il leurs domiciles, ils
furent arrêtés. l'un et l'autre étaient por-
teurs de dix kilos environ de débris ainsi
ramassés.
Poursuivis sous l'inculpation de vol mîli-
taire devant le conseil de guerre, ils ont tours
deux, à l'audience, protesté énergiquement
de leur absolue bonne foi.
Je croyais que c'était permis, a dit M. Du-
moulin. Du reste, tout le monde le faisait.
Mol aussi, a ajouté NI. Dupuis. i'ai fait
comme tout le monde.
Dans son réquisitoire, le lieutenant Té-
treau a soutenu que les grenades du dépôt
de la Courneuve étant la propriété de l'Etat,
les inculpés se sont rendus coupables d'un
vol militaire. Parlant des débris, trouvés
sur les champs de bataille, le commissaire
du gouvernement a rappelé, d'une façon
anecdotique, une circulaire, datée du 3 juin
1915. Cette circulaire du général comman-
dant en chef autorise la détention, jusqu'à
concurrence d'un poids inférieur à 500
grammes, de débris de munitions ne ren-
fermant pas de substances explosives. Une
instruction d'un sous-secrétaire d'Etat du
ministère de la guerre énonce le principe
que « tous les produits (sic) des « champs
de bataille » appartiennent à l'Etat.
Le commissaire du gouvernement a con-
clu à une condamnation modérée iL l'encon-
tre des deux, prévenus.
Après plaidoirie de M* Marcel Pasquier,
par six voix contre une, MM. Joseph Uu-
moulin et Lucien Dupuis ont été acquittés.
m répartition du charbon
aux Parisiens
Elle reprendra le 1er septembre
La préfecture de la Seine porte é la
connaissance du 'public que la répartition
du combustible pour les besoins de chauf-
fage pour la période d'hiver va être re-
prise à partir du 1er septembre prochain.
Les chefs de ménage, titulaires d'une
carte de charbon pour les besoins domesti-'
ques sont priés de se présenter, munis de
cette carte, les samedi 31 août courant et di-
manche 1OT septembre prochain, aux lieux
habituels de distribution des tickets de pain
et de charbon, pour obtenir délivrance des
coupons auxquels ils ont droit, en vertu du
coefficient général (cuisine et chauffage)
porté sur leur carte.
Les petits commerçants et petits indus.
triels consommant moins d'une tonne par
mois (P. C. I.) et qui ont, à ce titre, pré-
cédemment déjà, béneftcié d'attributions da
charbon, recevront à partir du mois dp
septembre, et par l'intermédiaire de leur
mairie, les coupons auxquels ils ont droit.
Ceux qui n'ont encore jamais bénéficié
d'attributions de cette nature auront à rem-
plir et Il adresser au bureau du charbon, 4,
rue Lobau, s'ils ne l'ont pas déjà fait, la
questionnaire spécial P. C. T. mis à leur
disposition par '.es mairies.
Les tasBgiiBS fl^MicM Zévaco
Ainsi que nous l'avons annoncé, les ob-
sèques de Michel Zévaco ont eu lieu hier ma-
tin au petit cimetière d'Eaubonne. C'est dans
cette commune. que vivait avec les siens
l'auteur de tant d'œuvres populaires. C'est
là qu'il a voulu que fût sa dernière de»
meure. Derrière le convoi des pauvres (car
telle, on le sait, avait été la volonté de Zé-
vaco) de nombreux amis et admirateurs se
pressaient, douloureusement affectés.
échos
OUAND L'ARMÉE ALLEMANDE, ouvrant la po-
che qui lui f ut fatale, espéra entrer à
t'aris, Guillaume Il trouve opportun le moment
de se f aire un peu de publicité. On lui expédia
donc un correspondant du Lokal-Anzeiger et le
reporter du grand journal berlinois raconta en
termes lyriques la présence dans la uictcire de
l'empereur incomparable.
Il est probable que l'enooyé du Lokal-
Anzeiger a également envoyé à sa f euille un té-
légramme pour décrire l'empereur assistant à la
retraite. Le, te.tte ne nous en est pas parvenu
mais en m'aidant des documents connus et
n'ignorant pas la manière dont sont rédigées les
communications qui concernent Sa Majesté, je
crois pouvoir reconstituer l'article. Le Voici
« De 1'éminence d'où nous regardions, la j
regard s'étendait sur des récoltes que nos mi-
trailleuses avaient fauchées. Sa Majesté se ras-
sasiait véritablement l'âme en admirant la fuite
puissante de sés divisions. Nos soldats- re-
fluaient en un désordre qui faisait plaisir à
voir, tant il avait été strictement calculé par notre
génial commandement. Des équipes occupées
charg:r sur les voilules les stocks de munitions
prépcrés pour l'avance, reçurent à cet instant l'or-
dre de les abandonner, af in de montrer à l'en·
nemi, qui allait s'en emparer, la solide qualité
de notre fabrication. L'empereur applaudit à
cette excellente ruse de guerre. Mais la ni*
nute arriva où il fallut rompre le charme ce moment inoubliable. Un obus venait d'ècla^
ter à nos pieds. Nom dames nous joindre à
l'admirable déroute. Toujours simple, Sa Ma-
jesté se joignit à nos canonniers qui
ramenaient triomphalement leurs pièces en or·
rière et qui, reconnaissant le visage auguste du
haut seigneur de la guerre, s'écriaient joyeuse-
ment: Hourra Hourra 1 Majesté Enfin
nous avons réussi à reculer 1 »
Tel est l'article que le Lokal-Anzeigcr de
Berlin va, sans doute, publier aujourd'hui.
L'ADJUDANT Mordacq, engagé volontaire de
la classe i88i, blessé et cité à l'ordre du
jour au début de la guerre, actuellement le
doven des observateurs aviateurs, a été de-
coré de la médaille militaire.
l OMBÉ AU CHAMP D'HONNEUR
Le capitaine lüarcel Hmtellst, du 27» régiment
d'artillerie, tué le Y Juillet aux poites avancés. y
wv On apprend le décès de M. Arthur Mar*
tin, chevalier de la Légion d'honneur. mem
bre du conseil d'administration du Musée d
arts décoratifs. Ses obsôaues auront lie
lundi 12, en l'église de la Trinité. Réunion
la maison mortuaire. 73, boulevard de Cllchv
à 10 heures. Le présent avis tiendra
vitation. •
wv On annonce la mort du lieutenant Jean
Pe.pin, commandant de compagnie au ••• ba-
taillon de tirailleurs sénégalais, décoré de la
Légion d'honneur et de la Croix de guerre.
tombé devant Reims le 31 mai.
wv On annonce la mort de M. Simon Zivv,
décédé à Dijon dans sa 50" année. De la part
de Mme Simon Zivy, de M. et Mme Alfred
Lanzenberg de Dijon et leurs enfants. de
M et Mme Kron de Nancy et leurs enfants.
des tamilles Maurice et Norbert Zivv.
wt On annonce de Sao-Paulo (Brésil) le dé-
cès à l'âge de 28 ans, de Mme Lucien Oppen-
heim. De la part de son mari, ses enfants, et
des familles Achille Oppenheim, Jules Bloch. j
8 mott < »el« t «̃
Bsnti n SxniB-KT-Ois> 8 (r. 15.50 SO tt. ij
FllAKCB ET COLOKIBS 9 16.50 33
ÊTHAitosn 10 » 18 a 33
On l'abcia» au frais dans tons Ira baroaua de untl.
La Pobucitô est reçue à la O ainéralt ad PuhlieUt
Parinmne. 10, boulevard Poissonnière, Paris (IX'J.
55 Feuilleton du MATIN du Il août 1918
Grand roman dramatique inédit
MAXIME LA TOUR
DEUXIEME PARTIE
L'APPAT
ïll, ON SAIT DÉMAILLER UNE CHAINE (suite)
¡¡ Mais j'étais à l'extrême limite des far-
ces humaines. Peu m'importait de voir ac-
courir mes geôliers Encore deux ou trois
secondes, nies mains paralysées, mes bras
brisés m'abandonnaient et j'allais retomber
sur le ol de mon cachot.
Non
» Je me raidis sur la barre de fer supé-
rieure à laquelle j'étais maintenant accro-
ché par mes deux poings; je tendis déses-
pérement mes muscles, mes épaules se dé-
chirèrent aux parois de l'étroite lucarne,
mais je parvins h les y engager, à les y
coincer pour ainsi dire, et dans cette posi-
tion la tête et le haut du buste serrés dans
cette sorte de cheminée, le bas du corps et
les jambes toujours ballants dans le vide,
• je respirai 1
» Je Us encore un effort et, me calant
avec les coudes aux parois, je secouai le
seconà barreau. Je l'enlevai presque aussi
facilement aile le premier. hisser dans
la cheminée n'était plus qu'un jeu
Hervois s'arrêta encore. Il souriait. Il se
versa un second xerve de linunnr et le 'sa-
têsextèn pour tous paya sans exf-optù-n.
Copyright Ly Maxime xa Tout, 1018.
voure, tandis que Robert Chambreuil, muet,
stupéfait, le regardait avec admiration,
mais pâle et le front couvert de sueur
Voyons, mon bon Chambreuil, dit Her-
vois, une évasion comme cela, c'est un jeu
d'enfant Je vous assure que lorsque l'on a
quelque pratique de ce genre de sport, ça
n'existe pas Je vous raconterai plus
tard
» Mais revenons au présent, .te vous fais
grâce des talents de ramoneur que je dé-
ptoyai dans mon ascension; il était tout de
même temp/3 qu'elle prit fin, lorsque j'arri-
vai à "l'orifice supérieur de la cheminée de
l'appartement où Mlle Odette Darsange
m'avait octroyé une hospitalité si écossaise.
n Savez-vous où la cheminée prenait fin ?
'Vous l'avez deviné sans doute cent mè-
tres à peine du couvent des carmélites de
Saint-Glézin, au milieu d'un amas de ruines
croulantes qui se dressent au centre de
champs de vignes.
» Je ne vous fatiguerai pas par la suite de
mes aventures. Il est moins difficile, croyez-
m'en, de revenir du Dauphiné à Paris que
de la Guyane en France, et les bords de
l'Isère sont plus hospitaliers que ceux du
Maroni 1
Et voila
Hervois, dit Chàmbreuil en se levant,
vous êtes un rude gaillard 1
Je le crois, dit flegmatiquement Her-
vois.
Il faut que je réfléchisse à tout ceci.
C'est étrange, mais je crois bien qu'en vous
évadant des griffes de 1( mes ennemis n.
Ah bien, vous reconnaissez que ce
sont les vôtres ?
Je n'en doute plue. Je croit bien, dis-
je, que voue m'avez ««osé kjPiM.
Tiens vous avez bien sauvé ma tête,
à moi
Hervois, c'est entre nous à la vie, à la
mort
C'était déjà comme ça avant, pour moi
du moins.
Il frappa familièrement sur l'épaule de
Chambreuil.
Allez dormir, mon vieux, ne vous en
faites pas j'ai bien su démailler » ma
chatne, je saurai bien reconstituer les chaî-
nons de celle avec laquelle on veut Il vous
mailler »
IV. AMOUR, QUAND TU nous TIENS
Firmin, voici un louis.
Oh monsieur î
Vous êtes un valet de chambre stylé
ci en plus vous avez de l'initiative.
Monsieur est trop bon.
Je dis ce qui est. Vous avez parfaite-
ment bien fait de songer à offrir une tasse
de thô à Mlle Verneuil, l'autre matin.
Monsieur.
Et il me plaît de voir que mes gens.
connaissant mes principes, me suppléent
parfois lorsque je néglige de leur dbnner un
ordre relatif au bien-être de mes employés
ou do mes serviteurs.
Monsieur, on connaît foffice votre
largesse et votre sollicitude, j'ose le Cire
Très bien. Mais dorénavant,, pour évi-
ter à Mlle Verneuil, qui est très discrète, la
crainte de déranger le service, j'entenas que
chaque matin un thé, agrémenté de nom-
breuses friandises, soit préparé à son inten-
tion ici même, dans mon cabinet. Bref, veil-
lez à ce qu'elle ne manque de rien.
Monsieur peut comnter sur moi.
C'est bien. Allez, Finnin 1
Le valet de chambre fit quelques pas pour
sortir.
Ah attendez vous aurez aussi soin
de déposer sur un guéridon, chaque jour,
des verres et une bouteille de porto.
Bien, monsieur.
Robert Chambreuil, reste seul, se mit à
arpenter son cabinet, avec agitation.
La délicieuse fille que cette Suzanne,
dit-il, mais quelle farouche vertu, Je
n'avance pas d'une ligne dans son coeur,
et pourtant.
Il réfléchit, alla à son bureau, prit dans
son gousset un petit trousseau de clefs et
ouvrit un tiroir.
Il en tira un écrin de maroquin rouge, et
llt,jouer le petit ressort qui fermait la botte,
en rajoutant
Pourtant, j'espère que ceci impression-
l'p'i'a peut-être la jolie statue
Sur le velours de l'écrin, brillait un min-
ce bracelet d'or, enrichi de perles fines.
Cela n'est pas mal, discret, de bon
goût allons, mon joaillier est un homme
intelligent, il a compris ce que je désirais.
» Pourtant, la petite est si farouche qu'il
faut lui présenter la chose avec simplicité,
cn bon enfant sans cela elle serait capa-
blo de la refuser. Heureusement que Jean-
nine de Machecoul m'a donné une idée char-
mante
Il revint au tiroir et en sortit un gros
bouquet de violettes.
Il reprit If bracelet et enserra les tiges
des fleurs parfumées dans le beau cercle
d'or
Comme le goût inné du tfottin parisien
1 subsiste toujours dit-il en souriant. Cette
petite Jeannine qui, maintenant, a hôtel.
chevaux, nnto. diamants, qui a déjé ruiné
un lord anglais, mis à sec deux Américains,
enchaîné un rajah, comme elle reste, maigre
sa splendeur et sa fortune, toujours la fil-
lette pleine de goût qui-se faisait un cha-
peau délicieux d'un bout de soie ramassé
a l'atelier, avec un tour de main à faire
pAlir les plus grandes modistes de la rue
de la Paix. Ah si Suzanne avait ses-ambi-
tions, ses appétits, comme je la lancerais
bien dans la haute galanterie, moi 1
Les fleurs, bien disposée, retombaient
maintenant sur le bracelet. qui réunissait
leurs tiges de telle façon qu'il était complè-
tement dissimulé par les corolles violettes
Parfait dit Chambreuil, visiblement
satisfait de son ouvrage.
Il alla à la machine à écrire de Suzanne
et disposa le bouquet dans la poignée du
couvercle.
Là ajouta-t-il en ajustant son mono-
cle et en reculant de deux pas.
La porte s'ouvrit, et le valet de chambre
annonça
Mademoiselle Verneuil.
Robert revint rapidement à son bureau,
s'assit et éparpilla devant lui quelques pa-
piers qu'il parut parcourir avec la plus
grande attention.
Bonjour, monsieur, dit doucement Su-
zanne en entrant.
Chambreuil ne leva pas la tête et répon-
dit sur un ton paternel
Bonjour, mon enfant.
Suzanne s'approcha du bureau et y dé-
posa un doss:er.
Conformément à la note que vous m'a
vez fait remettre ce matin, lorsque je suis
arrivée je me suis rendue au ministère et
je vous rapporte les documents que vous y
aviez demandés.
Parfait dit Chambreuil l'air toujours
très absorbé..
Le cartel de ia cnemmee sonna mx coups.
Oh déjà dix heures I murmura Su-
zanne et elle se dirigea rapidement vers
sa machine à écrire. En apercevant le bou-
quet de violettes, elle poussa un cri de sur-
prise et s'arrêta indécise.
Qu'est-ce donc ? dit Robert en levant f
les yeux.
Ces fleurs, monsieur ?
Eh bien continua Chambreuil en sou*
riant.
On se sera rampé. Finnin les aura po-
sées là sans doute. v
On ne s'est pas trompé, et ce n'est pas
Pirmin, c'est moi.
Vous, monsieur ? Oh
Robert se leva et s'approcha de Suzanne,
N'aimez-vous pas les violettes ?
Oh si, monsieur.
Je le pensais. il est impossible de nal
pas aimer ses sœurs.
Suzanne rougit.
Allons, faites-moi le plaisir, dit Cham-
hreuil, d'accepter ce petit bouquet de deux
sous.
Oh 1 deux sous.
Mettons un peu plus, si vous vouleé,
mais qu'importe je vous l'offre en gage de
notre bonne amitié.
Suzanne sentit qu'elle ne pouvait refu-
ser. ̃
Merci, monsieur, dit-elle avec embar-
Elle dégagea le bouquet de la poignée
dans lequel il était engagé et poussa un lé-
ger cri.
Oh qu'est-ce que cela 1
Elle venait de découvrir le bracelet
Robert, les mains dans les poches, le$
yeux mi-clos, jouissait de sa surprise.
(A suivre^ >,
LE W .&' m
§11_8 18«
}l fïalvy a quitté Paris
hier soir
II se tend à Saint-Sébastien
M. Malvy a quitté Paris, hier soir, pour
iEspagne,à 20 h. 25, par le rapide de Bor-
de ses trois enfants. Sous le péristyle, quel-
ques-uns de ses amis l'attendaient, parmi
lesquels MM. Mayéras et Dalbiez, députés,
des représentants de syndicats ouvriers. M.
3?buhaux, secrétaire général de la C. G. T.,
etc. M. Malvy se rend directement à Saint-
Sébastien. Mais il est probable qu'il n'y fera
qu'une halte de très courte durée et que
6'est dans une autre ville d'Espagne qu'il
se fixera définitivement.
Une lettre an président de la Chambre
Avant de quitter la France, M. Malvy a
adressé à M. Paul Deschanel, président de
la Chambre, une longue lettre dont voici
les principaux passages
Je m'excuse auprès de vous et vous prle de
m'excuser aupres de mes collègues si ie ne
puis, dès la rentrée de la Chambre, collaborer
à nos travaux et exercer le mandat aue ie
tien* de la seule souveraineté devant laauelle
je m'incline celle du peuple.
Ce mandat, je le garde avec la plénitude de
mes droits, et seul l'obstacle matériel de 1 exil
m'empêche pour le moment de lui consacre
mon temps et mes forces.
Désireux néanmoins, à l'heure «rave où se
joue le sort de mon pays, d'éviter ou'il soit
distrait de son effort par aucune agitation.
j'obéis à l'arrêt qui me frappe
Je quitte la France. mais en criant bien haut
que je n'accepte pas, que je n'accepterai la-'
mais cet arrêt politique qui frappe une poli-
Mon véritable crime date du mois Je mai
1917 la campagne organisée contre r oi a
pris naissance du jour où je suis intervenu
comme arbitre' dans ces grèves parisienne
que le ministère pUblic affecta d'abando muer
dans son dernier réquisitoire après ravoir
accusé de les avoir provoquées. De là. latent
les rancunes auxquelles la calomnie devait
bientôt offrir un prétexte et un cadre. Mon
véritable crime, aux yeux d'adversaires nour
qui l'union sacrée n'était plus qu'un souvenir.
avait été d'obliger des patrons insuffisam-
ment perspicaces et prévoyants à reconnaître
les légitimes revendications de leurs ouvriers
ou de leur personnel et de les mettre n rre-
«ence des représentants de ces organisations
syndicales qu'ils avaient toujours dédaignes.
A cette politique d'union nationale. ,'Il' con-
fiance démocratique, le reste inébranlable-
ment fidèle, convaincu au'elle était et reste
seule capable de maintenir la paix sociale oue
1« suis heureu xd'avoir pu assurer sans dou-
bles, et sans incidents, pendant les cruararite-
deux mois de mon ministère.
Cette paix sociale, elle est la condition In-
dispensable de la victoire. J'aime trou i. on
pays pour rien faire aujourd'hui qui puisse le
troubler. La France au-dessus de tout
Le seizième concours Lépine 4
L'Association des petits fabricants et in-
Venteurs français a. organisé hour la sei-
Kième fois son exposition au Petit-Paleds des
Champs-Elysées: L'inauguration a eu lieu
hier après-midi, en présence de MM. Lof-
ferre, ministre de l'instruction publique et
des -arts Autrand, préfet de la Seine ]
Baux, préfet de police Le Carbeiller, vice-
président du conseil municipal et Levée,
vice-président du conseil général. Le prési-
dent de la République et les ministres
étaient représentés
Malgré la cherté des matières premières,
les ingénieux petits fabricants ont su, com-
me les autres années, donner à leurs jouets
inspirés par l'actualité. ce cachet d'élégance
et ce fini oui distinguent l'article de Parls.
LES TÉLÉGRAPHISTES ET TÉLÉPHONISTES
SOUS LE BOMBARDEMENT
Le directeur de la télégraphie militaire de
S6 ligne vient de faire parvenir à M. Bastié,
chef du central télégraphique militaire de
Chalons, la lettre suivante, qu'il a reçue du
général de division Maistre, commandant
le groupe d'années du centre
« Au ^.ours des opérations du mois de
juillet 1918. le personnel civil et militaire
du central Télégraphique de Chutons a as-
Buré son service dans des conditions dignes
d'éloges, malgré un violent bombardement
et des ruptures fréquentes des lignes. Le
calme, le sang-froid et le dévouemeat mon-
très par tous en ces circonstances ont été
tout à lait remarquables.
Vous voudrez hien en lémoinner ma
satisfaction niix dames employés, agents
civils et militaires figurant sur la liste ci-
jcinte. »
CATASTROPRC DE CHEMIN DE FER
Vingt morts et trente blessés
Un très grave accident de chemin de fer
s'est produit hier à 3 h. 30 du matin sur la
ligne de Paris-Bastille à Verneuil-l'Etang,
entre Solers et le hameau de Barneau
Deux trains se suivaient à quelques mi-
nutes d'intervalle et se dirigeaient sur Ver-
neuil, lorsque le premier dut s'arrêter sur
un pont. Des pétards avertisseurs furent
placés sur la voie pour prévenir le méca-
nicien du second convoi, mais celui-ci n'en-
tendit pas les détonations. Une collision se
produisit alors et deux wagons furent pro-
jetés sur l'autre voie. Le malheur voulut
qu'au môme instant un troisième train, ar-
rivant celui- de Verneuil, y fut engagé et
vint se heurter aux wagons renversés. Le
choc fut extrêmement violent une partie
du convoi, brisant le parapet du pont,
tomba dans la rivière et le reste fut forte-
ment endommagé.
Cette cataslrophe a causé la mort de
vingt personnes trente voyageurs, en ou-
tre, ont été blessés. Le dernier train trans-
portait de nombreux chevaux quatre-
vingts d'entre eux ont été tués.
LA PRISE
de Fère-en-Tardenois
Un bel exploit d'une division
du général Degoutte
[DU CORRESPONDANT DU « MATIN ACCRÉDIÏÊ
AUX ARMÉES]
Front français. 10 août 1918.
Ne parlez pas de moi, mais parlez de
mes hommes.
Cette phrase nous est à présent fami-
lière. Nous l'avons entendue, répétée
comme une prière, chaque fois que nous
sommes entrés dans le P. C. du général
Dégoutta où, chaque fois, nous sommes ac-
cueillis sons cette condition « Que nous ne
parlions pas de lui
Les journalistes, au front, sont quelque
peu des militaires obéissons Obéis-
sons autant que nous pourrons le faire.
Vous le savez, c'est un. belle division
placée sous le commandement du général
Dégoutte qui a conquis de hau'e lutte Fère-
on-Tardenois. Voici un très imparfait his-
torique » de ce fameux exploit
La division fut débarquée, après un long
et compliqué voyage. Par étapes, elle
s'achemina sur le terrain de lu bataille
L'orage sévissait et la marche était longue.
Elle était dure et longue, en dépit des chan.
sons, car ces hommes, n'es'-ce pas 1
n'étaient plus entraînés. L'immobile fac-
tion montée durant des mois et des années
dans les abris et les tranchées avait rouillé
leurs jambes. Bah tant pis 1 Ils mar-
chaient Le 26 au soir. on les vit bivoua-
quer, ayant sur eux le toit aue leur offrait
la frondaison des bois. Il pleuvait 1 il pleu-
vait 1. et les nuits étaient brèves Qu'im-
porte Ils cheminaient. Le 27. ils prirent
position devant Fère-en-Tardenois..
A l'aube. ils dévalèrent les bosses de ter-
rain de la vallée de l'Ourcq. Bien que le
temps fût gris et l'horizon brouillé, leur
arrivée n'avait point échappé au Boche vi-
gilant. Il leur avait fallu quitter l'écran des
bois, et lé régiment de la division qui avait
pour mission d'a'taquer Fère-en-Tardenoia
ne' put utteindre la rivière, dont l'ennemi
avait détruit tous les passages, que sous
les balles et les obus prodigués avec rage.
Le régiment d'assaut contemplait ce pay-
sage au premier plan, Fère, construit h
flanc de pente, farci de mitrailleuses, et
derrière, en signal, la position des Alle-
mands le bois Ovale, puis la ferme
Cayenne et enfin la butte 184, qui domine
tc.ute la région.
Les nôtres, astucieusement, s avancèrent
sur l'Ourcq. L'ordre était de passer, il fal-
lait passer. C'est alors que Desroches
Desroches est un sergent se mit il Tenu
si courageusement que six autres nageurs
le disputèrent à la course. lis abordèrent
tous ensmblè sur la rive opposée et s'élan!
ébroués, ils se jetèrent à l'attaque d'un
groupe d'Allemands qui n'en croyaient point
leurs besicles. Leur colloque fut bref un
Allemand, lorsqu'il n'est pas certain d'être
vainqueur, se rend. Un officier, deux sous-
officiers, vingt-trois mitrailleurs manifeste-
rant il Desroches leur grand désir de paix.
Ils furent exaucés durant que d'autres élé-
ments passttient l'Ourcq. Il en passait, il en
passait. si bien1 qu'après une furieuse lutte
le réginrent, an soir, entre dans Fère, en te-
nait la moitié.
A droite, le bataillon Seurin s'accrochait
sur les pentes de la cote 181; mais il. gau-
che, le bois Ovale plein de trous et plein de
broussailles, ne pouvait pas être Il entamé ».
Le lendemain, dans Fère-en-Tardenois, on
se battait de maison en maison. Cent Alle-
mands y furent pris, dissimules nu fond des
cavets, et, quand le soir tomba, Fére était re-
conquise, notre beau régiment avait pu s'a-
vancer jusqu'aux abards de la ferme Cayen-
ne pendant que des deux autres unités,
l'une mordait » sous les couverts du bois
Ovale et l'autre, auprès avoir repris et re-
perdu trois fois la cote 184, d'un dernier
élnn' l'enlevait et la conservait.
Seule, la ferme résistait. Ses défenseurs
s'y montraient entôlés.
'Le 31, au crépuscule, ·il fallut en finir.
Deux officiers, le chef de bataillon Pérotel
et le sons-lieutenant Barthelemy dirent à
leurs unités
Les enfants en voilà assez 1 Nous al-
lons enlever ce repaire de Boches. Ils di-
rent et les premiers partirent à l'assaut.
Quelques instants après Cayenne était à
nous, le lendemain le bois Ovale, et Fère
dégagé.
L'ennemi en retraite est alors poursuivi,
accroché sans merci durant toute la nuit.
Le 2, il tente encore de s'arrêter entre Fère
et Loupeiene. mnis sans aucun succès. Le 3,
nyant pris Brurs et Lhuv et Mont-Notre-
lait la franchir lorsque le général, estimant
1 que ses hommes devaient être trop fatigués,
voulut les rp'ever. Il sp heurta à un refus
formel du colonel du régiment en ligne.
Je resterai, dit celui-ci, jusqu'à ce que
mes soldats soient sur la rive nord.
Et ils v sont. allés. Ils y ont établi cette
tête de pont que l'Allemand depuis a vai-
nement tenté, et plusieurs fois, de leur ar-
Et telle est la très belle histoire de cette
'division. que, hélas je ne dois pas nom-
mer.
LA CONSOMMATIONJUJOISSON A PARIS
M. Ambroise Rendu a communiqué hier
à ses collègues du conseil municipal uno
note.où il préconise un ensemble de mesu-
res en vue de généraliser Paris la consont-
mation ;lu poisson, aliment susceptible de
remplacer avantageusement la viande et
dont l'emploi auratt comme conséquence 'le
ménager notre cheptf-1.
Ni. Rendu propose non seulement d'amé-
liorer les conditions de transport et de
conservation du poisson, mais d'en général.
liser l'emploi en le vendant cuit ou séché
par l'intermédiaire de petites voitures ap-
propriées et en augmentant te nombre des
poissonneries. Il demande enfin qu'on or-
ganise une active campagne de propagande
LA'CROISADE DES U YANKS
Sur la route de leurs victoire
Comme la marée qui monte, les Américains continuent
leur rnarche en avant
[DE NOTRE correspondant DE GUERRE
accrédité aux armées américaines]
De « Château-Thierry u à u Fismes. »
Cest à quelques kilomètres avant d'arri-
ver a Château-Thierry qu'apparaît pour la
première fois la physionomie tragique de
la guerre. Sur la route, les arbres cassés,
les trous d'obus dans les champs, les bois
dévastés en sont les premiers signes. Vaici
une ligne de tranchées, Jes abris creusés
dans le talus, des maisons abandonnées,
des toits crevés tout le silence et le désert
qui accompagnent la grande catastrophe. Et
puis des tombes, marquées par de pauvres
croix de bois, les unes menuisées, les au-
tres simplement faites de branchages.
Comme les poteaux indicateurs sont ren-
versés, des noms écrits sur des planchettes
de bois indiquent la direction des villages.
Quelques-uns sont déjà historiques. A droi-
te, dans le vallon, ce bois est le bois Bel-
leau, où les Américains ont arrêté la ruée
qui menaçait Pnris. Ces toits de tuiles dé-
foncés sont les toits de Bouresches, où tant
de tombes américaines remplissent le cime
tièrc. Voici Vaux, qui n'est plus qu'un tas
de ruines.
Château-Thierry
A Château-Thierry, dans le faubourg,
quelques maisons sont très atteintes, niais
le désastre ne commence qu'au quai de la
Marne, où tout d'un coup apparaît la déso-
lation, Le pont écroulé remplit la rivière
de débris gigantesques. Entre les moellons
énormes, la Marne gronde et écume pour
se livrer passage, et je pense combien jadis,
il y a trois mois à peine, elle coulait douce-
ment sous les vieilles archers, notre Marne
si française qu'un Français ne peut plus la
voir sans émotion 1.
En face, sur la rive gauche que tenaient
nos troupes dans un amoncellement de
débris, semblable un chantier de démo-
lition, seule la maison du Courrier de
l'Aisne est à peu près intacte. Dans l'église,
où les Allemands ont entassé des munitions
et des matelas, pour les emporter en temps
voulu, suivant leur méthode de pillage orga-
nisé, des habitants, sous la conduite du
commissaire de police, viennent reconnaî-
tre leurs literies. Ils les palpent, les retour-
nent avec un sourire où il y a des larmes.
Au château féodal
Les Boches ont laissé des traces plus
curieuses, parce que moins dbplorables, au
château féodal construit par Charles Mar-
tel pour le roi Thierry, 'lui domine la ville
de ses hautes murailles et d'ailleurs lui a
donné son nom. Là, sous les tours millé-
naires, dans les souterrains où le bruit des
batailles paraissait éteint depuis tant de siè-
cles, les Allemands tenaient garnison. Ils y
avaient entassé tout un matériel hétéroclite
de couchage, de cuisine et de décoration
pillé dans la ville. Des pendules, des baro-
mètres y sont jetés pôle-môle, sur» les mate-
las avec des photographies, des cartes pos-
tales et des bouteilles de toutes sortes.
Dans le fond d'une chapelle souterraine, &
côté d'une croix du douzième siècle, nous
découvrons un phonographe démonté et une
partition de Werther en loques, symboles de
la Kultur. en faillite.
Mais sur la terrasse du donjon qui do-
mine toute la vallée, ils avaient installé
canons et mitrailleuses. De là, ils écra-
saient la ville: Le panorama est désolant.
Toute la vieille cité riante et douce apparaît
dévastée comme après un immense incen-
die.
Il parait qu'ils s'en vantent. Dans le Ber-
liner Tageblatf, un misérable a osé écrire
que ai leur dernière offensive n'avait pas
donné tous les résultats militaires prévus,
elle leur avait du moins procuré la joie de
dévaster une des plus belles parties de la
France. A nous de ne pas oublier dans nos
comptes de haine ces paroles abominables
L'officier d'artillerie qui commandait la bat-
terie a été tué et enterré là. Qu'il repose
en paix », dit l'inscription sur la croix de
bois. Jo ne puis m'associer à ce vœu.
Dans la "poche"
Après Château-Thierry, nous entrons
dans le Tardenois, la « poche qu'évacuent
les Allemands. Là, leurs traces deviennent
de plus en plus « chaudes suivant un mot
de vénerie qui s'applique bien à ces bêtes
malfaisantes. A Verdilly, Epieds, Beuvar-
des, le Charmel, ou du moins ce qui en
reste, tout un vocabulaire allemand s'étale
sur des écriteaux cantonnements pour
hommes, chevaux, flammenwerfer, abris,
ambulances, kommandanturs étaient encore
habités au commencement de la semaine.
A leur place s'installent les vainqueurs,
les jeunes Yanks.
Dieu merci, nous avons renoncé à leur
donner, dans notre manie de sobriquets, ce
surnom de sammies qui leur était insup-
portable, tandis que ce nom de Yank. dimi-
nuit de Yankee, en méme temps que lo-
gique, les définit parfaitement, si droits, si
fermés, si nets.
Sur la route, nous commençons à croiser
des unités qui montent vers le front de ba-
taille.
Casqués du casque plat des soldats de
Cyrus, drapés dans leurs longs caoutchoucs,
appuyées sur les grands étriers de cuir, les
homir.es donnent une impression magnifi-
que de force jeune et calme.
Entre les branchages qui camouflent la
route, des canons, recouverts de feuillage,
ont l'air d'aller une fête. nans une forêt
d'où les Boches se sont enfuis la veille, en
laissant ine immense quantité de matériel,
des éléments campent comme dans leurs
forêts natales.
A l'horizon, des fumées montent. Vous
approchons de la ligne de feu qui recule
trop rapidement. Le canon gronde faible-
ment. Les Boches s'en vont en vitesse.
Ils décollent.
Fère-en-T'ardenois encore le même spec-
tacle de dévastation trop vu depuis quatre
ans. Les équipes du génie américain met-
tent ui. peu d'nrdre dans les décoinbrtô qui
remplissent les rites. Quelques maisons de-
bout un café, une bonneterie, un débit de
tabac, vide certainement 1 Partout les écri-
teaux, boches. L'un d'eux porte la mention
plutôt fantaisiste, narh Pari.s. Dans le
bassin d'une fontaine publique trempe un
saint, enlevé à l'église, dont les Allemands
ont fait, comme Lt Château-Thierry, un ma-
gasin de munitions et de meubles.
Le cimetière est lamentable. C'est un
chans de pierres, d'où émergent des dé-
bris de cercueils et un monument funéraire
intact.
Les Allemands y ont enterré beaucoup
des leurs et sur les croix de bois ils ont
suspendu les couronnes prises aux tombes
voisines.
Etapes glorieuses
Sergy, Seringes, Cierges, Loupeigne,
Maieuil, Mont-Notre-Daire, des ruines (pi
marquent les étapes glorieuses de la vic-
toire Près de Mont-Notre-Dame, dans un
château, logeait le kronprinz. ou le prince
Eitel ? Les junkers ont filé en hâte, en
laissant sur les lits encore chauds les tra-
ces habituelles de leur passage.
Kt l'odeur fade des cadavres commence
nous prendre aux narines. Or, ce n'est
qu'en littérature que le corps d un ennemi
mort sent bon.
Dans des nids de mitrailleuses, des Aile-.
mands sont étendus ou crispés, à côté de
leurs engins. Presque tous ont été tues il
la baïonnette. Sur plusieurs épaulettes, je
relève la désignation du 1083 chasseurs, un
des plus beaux régiments de la garde im-
Les jeunes Américains recensent joyeu-
sement tout le matériel de guerre que l'en-
nemi a abandonné, dans les bois, dans les
ravins, dans les ruines des maisons, par-
tout oil il s'est arrêté pour constituer une
ligne de défense. Revolvers, fusils, maa-
ques, grenades, etc., jonchent les champs
dont quelques-uns sont encore parés des
moissons, intactes, comme si rien ne s'était
passé la.
Au-dessus de nous, Une saucisse se ba-
lance sourdement et des avions américains
ronronnent. Ils sont marqués comrne les
nôtres dj la cocarde aux trois couleurs,
différente seulement par la disposition.
Dans la cocarde américaine, le bleu est au
milieu entouré de rouge, avec le blanc au
centre. Mais ce sont toujours les trois cou-
leurs, triomphantes, symboles d'alliance et
de victoire r
Retraite et poursuite
Quel dommage que la pluie qui tombe de
hlus en plus dru vienne ralentir notre pour-
suite! Dans la route boueuse, les voitures
enfoncent et avancent péniblement. Comme
ki contrée est très vallonnée, sur ces pentes
glissantes « l'aria devient terrible. Ce-
pendant, sans cris, sans confusion, tiès
calmes, les Américains continuent leur
marche et les éléments défilent vers lu
front sous la pluie maintenant torrentielle.
La question est de savoir où les Boches
arrèteront leur retraite. Il est ir craindre
que bientôt, derrière la Vesle ou l'Aisne, le
front reprenne pour quelque temps sou
ancienne stabilité. Nos Yanks regretteront
ces quelques semaines d'une guerre «le
mouvement pendant laquelle ils ont dé-
ployé tant d'allant, d'adresse et même de
ruse guerrière. Car ces 'descendants des
grands chasseurs de la prairie sont aussi
grands chasseurs d'hommes.
En route, nous croisons, dans une auto-
mobile conduite par un offtcier américain,
plusieurs civils, qui sont, pqralt-il, de hau-
tes personnalités américaines venues en
France pour prendre une impression du
front. Ils en rapporteront une erté accrue
d'être Américains.
Trente-cinq kilomètres gagnés, 8.400 pri-
sonniers en quelques semaines. Anrès a
tes Amex auraient le droit de souffler. Je
crois pouvoir dire que ce n'est pas leur
intention.
Une mission parlementaire
des Etats-Unis en France
Treize membres de la commission navale
de la Chambre des représentants des Etats'
Unis sont arrivés il Paris, venant de Lon-
dres. Ils ont été reçus hier par le ministre
de la marine.
Pendant leur séjour en France, ils visi-
teront les différentes bases navales créées
par les Américains et aussi quelques sec-
teurs du front.
L'accueil aux soldats américains
La ligue française Il Union permanente
pour la défense des grands intérêts du
pays n, que président M. Ernest La visse' et
le général Pau, demande à tous ses comités
et délégués de France de suivra l'exemple de
sa section d'Orléans et de recevoir pendant
leurs permissions de détente les officiers et
soldats américains.
Des questionnaires portant le ncmlbro des
permissionnaires, parlant ou non le français,
que peuvcnt recevoir les particuliers sont
envoyés sur demande adressée au siège so-
cial/237, boulevard Saint-Germain, Paris
(7' arr').
Une entente avec le grand quartier géné-
ral américain permettra de répartir nos vail-
lants alliées entre les personnes de bonne vo-
lonté.
LE CRIME
de la rue Beaubourg
L'enquête révèle que la victime
connaissait ses assassins
Nous avons relaté hier l'assassinat de M.
Lévy, horloger, assommé en plein jour à
coups de marteau dans sa boutique, 44, rue
Beaubourg, par un ou plusieurs individus
qui réussirent à prendre la fuite sans avoir
été vus après s'être emparés d'un certain
nombre de bijoux.
Bien que les circonstances qui ont en-
touré le crime demeurent obscures, l'en-
quête a cependant recueilli quelques nou-
veaux éléments qui ne laissent pas de con-
tribuer à la découverte des criminels. En
dehors des bijoux volés dans le coffre-fort,
on sait aujourd'hui que le commerçant a
été dépouillé de son portefeuille qui devait
contenir une aasez forte somme, ainsi que
de, sa montre et de sa chaîne. On a tout heu
de supposer, en outre, que le marteau qui a
servi au meurtrier avait été apporté par ce
dernier, l'instrument découvert par la jus-
tice n'étant en rien semblable il. ceux que
l'on emploie dans l'horlogerie.
Enfin, et ceci constitue une indication
beaucoup plus sérieuse, un client de M.
Lévy a déclaré que la veille du crime, dans
la journée, alors qu'il causait dans la bouti-
que, deux individus étaient entrés qui le
commerçant avait posé cette question
Est-ce que vous m'apportez ce que vous
m'avez dit
A quoi l'un des deux hommes avait ré-
pondu
Non, ce sera pour demain matin.
Mais le lendemain matin, au moment où
ils se présentèrent, le même client se trou-
vait encore avec M. Lévy, qui, leur ayant
posé la même question que la veille, reçut
l* même réponse négative suivie cette fois
de ces mots
n Ce sera pour cet après-midi. »
Le témoin, qui certainement reconnaîtrait
les individus en question, a affirmé, d'autre
part, que ceux-ci n'avaient pu réprimer un
mouvement de surprise en le renvoyant en-
core là. L'importance de cette déclaration,
qui tend prouver que la victime avait eu
antérieurement des relations avec ses meur-
triers, n'a point échappé Il M. Tanguy, com-
missaire de police, attaché Il la police judi-
ciaire, qui poursuit l'enquête.
M. Frochot, juge d'instruction, chargé de
cette affaire, s est rendu hier sur les lieux
du crime accompagné de son greffier, M.
Vallet, et il a indiqué lna bijoux, livres de
comptabilité et objets divers qui devront
être tenus iL la disposition de la justice et
sur lesquels il conviendra d'apposer des
scellés. L'apposition en sera faite par le juge
de paix du troisième arrondissement.
LES AFFAIRES EN COURS
Le lieutenant Gazier compte faire subir la r
semaine prochaine les derniers interrogea- 1
toii-es h Suzy Depsy, Tremble?,, Jay, Brodier
et Guillier, inculpés do commerce avec l'en-
nemi et de complicité. Dans la même affaire
sont inculpés d'une part l'expert comptable
Léautcy et le négociant Pillet, et d'autre
part lo capitaine Ladoux, qui, eux aussi, fu-
rent en relations avec Hosenberg, le fina,n- <
cier autrichien, agent des puissances cen-
trales. Mais, en transmettant son dossier au c
gouvernement militaire 'le Paris, le magts- t
liât demandera de scinder l'affaire en trois
instructions 'lilïérentes. De cette façon, l'af-
faire Suzy Depsy-Tremblez pourrait venir
devnnt le 3° ,-onseil de guerre dans les dé-
buts de septembre.
Débris de champs de bataüle et d'explosion
Est-on en droit de ramasser soit sur un
champ de bataille, soit aux abords d'un en- j
droit où une catastrophe s'est produite les
débris qui s'y trouvent ?
Ce point do droit d'actualité a été longue-
ment discuté, hier, au 3° conseil de guerre
de Paris par le lieutenant Tétreau, commis-
saire du gouvernement, et par M" Marcel
Pasquier, dans une affaire où étaient impli-
qués MM. Joseph Dumoulin et Lucien Du-
puis, du 10r zouaves, mobilisés dans une
usine.
Le 17 mars 1918, il la suite de l'explosion
de la Courneuve, NI-1. Dumoulin et Dupuis
ramassèrent dans les champs voisins de la
catastrophe des grenades et des détonateurs
qu'ils placèrent dans leur musette. Lors- <
qu'en s'en retournant il leurs domiciles, ils
furent arrêtés. l'un et l'autre étaient por-
teurs de dix kilos environ de débris ainsi
ramassés.
Poursuivis sous l'inculpation de vol mîli-
taire devant le conseil de guerre, ils ont tours
deux, à l'audience, protesté énergiquement
de leur absolue bonne foi.
Je croyais que c'était permis, a dit M. Du-
moulin. Du reste, tout le monde le faisait.
Mol aussi, a ajouté NI. Dupuis. i'ai fait
comme tout le monde.
Dans son réquisitoire, le lieutenant Té-
treau a soutenu que les grenades du dépôt
de la Courneuve étant la propriété de l'Etat,
les inculpés se sont rendus coupables d'un
vol militaire. Parlant des débris, trouvés
sur les champs de bataille, le commissaire
du gouvernement a rappelé, d'une façon
anecdotique, une circulaire, datée du 3 juin
1915. Cette circulaire du général comman-
dant en chef autorise la détention, jusqu'à
concurrence d'un poids inférieur à 500
grammes, de débris de munitions ne ren-
fermant pas de substances explosives. Une
instruction d'un sous-secrétaire d'Etat du
ministère de la guerre énonce le principe
que « tous les produits (sic) des « champs
de bataille » appartiennent à l'Etat.
Le commissaire du gouvernement a con-
clu à une condamnation modérée iL l'encon-
tre des deux, prévenus.
Après plaidoirie de M* Marcel Pasquier,
par six voix contre une, MM. Joseph Uu-
moulin et Lucien Dupuis ont été acquittés.
m répartition du charbon
aux Parisiens
Elle reprendra le 1er septembre
La préfecture de la Seine porte é la
connaissance du 'public que la répartition
du combustible pour les besoins de chauf-
fage pour la période d'hiver va être re-
prise à partir du 1er septembre prochain.
Les chefs de ménage, titulaires d'une
carte de charbon pour les besoins domesti-'
ques sont priés de se présenter, munis de
cette carte, les samedi 31 août courant et di-
manche 1OT septembre prochain, aux lieux
habituels de distribution des tickets de pain
et de charbon, pour obtenir délivrance des
coupons auxquels ils ont droit, en vertu du
coefficient général (cuisine et chauffage)
porté sur leur carte.
Les petits commerçants et petits indus.
triels consommant moins d'une tonne par
mois (P. C. I.) et qui ont, à ce titre, pré-
cédemment déjà, béneftcié d'attributions da
charbon, recevront à partir du mois dp
septembre, et par l'intermédiaire de leur
mairie, les coupons auxquels ils ont droit.
Ceux qui n'ont encore jamais bénéficié
d'attributions de cette nature auront à rem-
plir et Il adresser au bureau du charbon, 4,
rue Lobau, s'ils ne l'ont pas déjà fait, la
questionnaire spécial P. C. T. mis à leur
disposition par '.es mairies.
Les tasBgiiBS fl^MicM Zévaco
Ainsi que nous l'avons annoncé, les ob-
sèques de Michel Zévaco ont eu lieu hier ma-
tin au petit cimetière d'Eaubonne. C'est dans
cette commune. que vivait avec les siens
l'auteur de tant d'œuvres populaires. C'est
là qu'il a voulu que fût sa dernière de»
meure. Derrière le convoi des pauvres (car
telle, on le sait, avait été la volonté de Zé-
vaco) de nombreux amis et admirateurs se
pressaient, douloureusement affectés.
échos
OUAND L'ARMÉE ALLEMANDE, ouvrant la po-
che qui lui f ut fatale, espéra entrer à
t'aris, Guillaume Il trouve opportun le moment
de se f aire un peu de publicité. On lui expédia
donc un correspondant du Lokal-Anzeiger et le
reporter du grand journal berlinois raconta en
termes lyriques la présence dans la uictcire de
l'empereur incomparable.
Il est probable que l'enooyé du Lokal-
Anzeiger a également envoyé à sa f euille un té-
légramme pour décrire l'empereur assistant à la
retraite. Le, te.tte ne nous en est pas parvenu
mais en m'aidant des documents connus et
n'ignorant pas la manière dont sont rédigées les
communications qui concernent Sa Majesté, je
crois pouvoir reconstituer l'article. Le Voici
« De 1'éminence d'où nous regardions, la j
regard s'étendait sur des récoltes que nos mi-
trailleuses avaient fauchées. Sa Majesté se ras-
sasiait véritablement l'âme en admirant la fuite
puissante de sés divisions. Nos soldats- re-
fluaient en un désordre qui faisait plaisir à
voir, tant il avait été strictement calculé par notre
génial commandement. Des équipes occupées
charg:r sur les voilules les stocks de munitions
prépcrés pour l'avance, reçurent à cet instant l'or-
dre de les abandonner, af in de montrer à l'en·
nemi, qui allait s'en emparer, la solide qualité
de notre fabrication. L'empereur applaudit à
cette excellente ruse de guerre. Mais la ni*
nute arriva où il fallut rompre le charme ce moment inoubliable. Un obus venait d'ècla^
ter à nos pieds. Nom dames nous joindre à
l'admirable déroute. Toujours simple, Sa Ma-
jesté se joignit à nos canonniers qui
ramenaient triomphalement leurs pièces en or·
rière et qui, reconnaissant le visage auguste du
haut seigneur de la guerre, s'écriaient joyeuse-
ment: Hourra Hourra 1 Majesté Enfin
nous avons réussi à reculer 1 »
Tel est l'article que le Lokal-Anzeigcr de
Berlin va, sans doute, publier aujourd'hui.
L'ADJUDANT Mordacq, engagé volontaire de
la classe i88i, blessé et cité à l'ordre du
jour au début de la guerre, actuellement le
doven des observateurs aviateurs, a été de-
coré de la médaille militaire.
l OMBÉ AU CHAMP D'HONNEUR
Le capitaine lüarcel Hmtellst, du 27» régiment
d'artillerie, tué le Y Juillet aux poites avancés. y
wv On apprend le décès de M. Arthur Mar*
tin, chevalier de la Légion d'honneur. mem
bre du conseil d'administration du Musée d
arts décoratifs. Ses obsôaues auront lie
lundi 12, en l'église de la Trinité. Réunion
la maison mortuaire. 73, boulevard de Cllchv
à 10 heures. Le présent avis tiendra
vitation. •
wv On annonce la mort du lieutenant Jean
Pe.pin, commandant de compagnie au ••• ba-
taillon de tirailleurs sénégalais, décoré de la
Légion d'honneur et de la Croix de guerre.
tombé devant Reims le 31 mai.
wv On annonce la mort de M. Simon Zivv,
décédé à Dijon dans sa 50" année. De la part
de Mme Simon Zivy, de M. et Mme Alfred
Lanzenberg de Dijon et leurs enfants. de
M et Mme Kron de Nancy et leurs enfants.
des tamilles Maurice et Norbert Zivv.
wt On annonce de Sao-Paulo (Brésil) le dé-
cès à l'âge de 28 ans, de Mme Lucien Oppen-
heim. De la part de son mari, ses enfants, et
des familles Achille Oppenheim, Jules Bloch. j
8 mott < »el« t «̃
Bsnti n SxniB-KT-Ois> 8 (r. 15.50 SO tt. ij
FllAKCB ET COLOKIBS 9 16.50 33
ÊTHAitosn 10 » 18 a 33
On l'abcia» au frais dans tons Ira baroaua de untl.
La Pobucitô est reçue à la O ainéralt ad PuhlieUt
Parinmne. 10, boulevard Poissonnière, Paris (IX'J.
55 Feuilleton du MATIN du Il août 1918
Grand roman dramatique inédit
MAXIME LA TOUR
DEUXIEME PARTIE
L'APPAT
ïll, ON SAIT DÉMAILLER UNE CHAINE (suite)
¡¡ Mais j'étais à l'extrême limite des far-
ces humaines. Peu m'importait de voir ac-
courir mes geôliers Encore deux ou trois
secondes, nies mains paralysées, mes bras
brisés m'abandonnaient et j'allais retomber
sur le ol de mon cachot.
Non
» Je me raidis sur la barre de fer supé-
rieure à laquelle j'étais maintenant accro-
ché par mes deux poings; je tendis déses-
pérement mes muscles, mes épaules se dé-
chirèrent aux parois de l'étroite lucarne,
mais je parvins h les y engager, à les y
coincer pour ainsi dire, et dans cette posi-
tion la tête et le haut du buste serrés dans
cette sorte de cheminée, le bas du corps et
les jambes toujours ballants dans le vide,
• je respirai 1
» Je Us encore un effort et, me calant
avec les coudes aux parois, je secouai le
seconà barreau. Je l'enlevai presque aussi
facilement aile le premier. hisser dans
la cheminée n'était plus qu'un jeu
Hervois s'arrêta encore. Il souriait. Il se
versa un second xerve de linunnr et le 'sa-
têsextèn pour tous paya sans exf-optù-n.
Copyright Ly Maxime xa Tout, 1018.
voure, tandis que Robert Chambreuil, muet,
stupéfait, le regardait avec admiration,
mais pâle et le front couvert de sueur
Voyons, mon bon Chambreuil, dit Her-
vois, une évasion comme cela, c'est un jeu
d'enfant Je vous assure que lorsque l'on a
quelque pratique de ce genre de sport, ça
n'existe pas Je vous raconterai plus
tard
» Mais revenons au présent, .te vous fais
grâce des talents de ramoneur que je dé-
ptoyai dans mon ascension; il était tout de
même temp/3 qu'elle prit fin, lorsque j'arri-
vai à "l'orifice supérieur de la cheminée de
l'appartement où Mlle Odette Darsange
m'avait octroyé une hospitalité si écossaise.
n Savez-vous où la cheminée prenait fin ?
'Vous l'avez deviné sans doute cent mè-
tres à peine du couvent des carmélites de
Saint-Glézin, au milieu d'un amas de ruines
croulantes qui se dressent au centre de
champs de vignes.
» Je ne vous fatiguerai pas par la suite de
mes aventures. Il est moins difficile, croyez-
m'en, de revenir du Dauphiné à Paris que
de la Guyane en France, et les bords de
l'Isère sont plus hospitaliers que ceux du
Maroni 1
Et voila
Hervois, dit Chàmbreuil en se levant,
vous êtes un rude gaillard 1
Je le crois, dit flegmatiquement Her-
vois.
Il faut que je réfléchisse à tout ceci.
C'est étrange, mais je crois bien qu'en vous
évadant des griffes de 1( mes ennemis n.
Ah bien, vous reconnaissez que ce
sont les vôtres ?
Je n'en doute plue. Je croit bien, dis-
je, que voue m'avez ««osé kjPiM.
Tiens vous avez bien sauvé ma tête,
à moi
Hervois, c'est entre nous à la vie, à la
mort
C'était déjà comme ça avant, pour moi
du moins.
Il frappa familièrement sur l'épaule de
Chambreuil.
Allez dormir, mon vieux, ne vous en
faites pas j'ai bien su démailler » ma
chatne, je saurai bien reconstituer les chaî-
nons de celle avec laquelle on veut Il vous
mailler »
IV. AMOUR, QUAND TU nous TIENS
Firmin, voici un louis.
Oh monsieur î
Vous êtes un valet de chambre stylé
ci en plus vous avez de l'initiative.
Monsieur est trop bon.
Je dis ce qui est. Vous avez parfaite-
ment bien fait de songer à offrir une tasse
de thô à Mlle Verneuil, l'autre matin.
Monsieur.
Et il me plaît de voir que mes gens.
connaissant mes principes, me suppléent
parfois lorsque je néglige de leur dbnner un
ordre relatif au bien-être de mes employés
ou do mes serviteurs.
Monsieur, on connaît foffice votre
largesse et votre sollicitude, j'ose le Cire
Très bien. Mais dorénavant,, pour évi-
ter à Mlle Verneuil, qui est très discrète, la
crainte de déranger le service, j'entenas que
chaque matin un thé, agrémenté de nom-
breuses friandises, soit préparé à son inten-
tion ici même, dans mon cabinet. Bref, veil-
lez à ce qu'elle ne manque de rien.
Monsieur peut comnter sur moi.
C'est bien. Allez, Finnin 1
Le valet de chambre fit quelques pas pour
sortir.
Ah attendez vous aurez aussi soin
de déposer sur un guéridon, chaque jour,
des verres et une bouteille de porto.
Bien, monsieur.
Robert Chambreuil, reste seul, se mit à
arpenter son cabinet, avec agitation.
La délicieuse fille que cette Suzanne,
dit-il, mais quelle farouche vertu, Je
n'avance pas d'une ligne dans son coeur,
et pourtant.
Il réfléchit, alla à son bureau, prit dans
son gousset un petit trousseau de clefs et
ouvrit un tiroir.
Il en tira un écrin de maroquin rouge, et
llt,jouer le petit ressort qui fermait la botte,
en rajoutant
Pourtant, j'espère que ceci impression-
l'p'i'a peut-être la jolie statue
Sur le velours de l'écrin, brillait un min-
ce bracelet d'or, enrichi de perles fines.
Cela n'est pas mal, discret, de bon
goût allons, mon joaillier est un homme
intelligent, il a compris ce que je désirais.
» Pourtant, la petite est si farouche qu'il
faut lui présenter la chose avec simplicité,
cn bon enfant sans cela elle serait capa-
blo de la refuser. Heureusement que Jean-
nine de Machecoul m'a donné une idée char-
mante
Il revint au tiroir et en sortit un gros
bouquet de violettes.
Il reprit If bracelet et enserra les tiges
des fleurs parfumées dans le beau cercle
d'or
Comme le goût inné du tfottin parisien
1 subsiste toujours dit-il en souriant. Cette
petite Jeannine qui, maintenant, a hôtel.
chevaux, nnto. diamants, qui a déjé ruiné
un lord anglais, mis à sec deux Américains,
enchaîné un rajah, comme elle reste, maigre
sa splendeur et sa fortune, toujours la fil-
lette pleine de goût qui-se faisait un cha-
peau délicieux d'un bout de soie ramassé
a l'atelier, avec un tour de main à faire
pAlir les plus grandes modistes de la rue
de la Paix. Ah si Suzanne avait ses-ambi-
tions, ses appétits, comme je la lancerais
bien dans la haute galanterie, moi 1
Les fleurs, bien disposée, retombaient
maintenant sur le bracelet. qui réunissait
leurs tiges de telle façon qu'il était complè-
tement dissimulé par les corolles violettes
Parfait dit Chambreuil, visiblement
satisfait de son ouvrage.
Il alla à la machine à écrire de Suzanne
et disposa le bouquet dans la poignée du
couvercle.
Là ajouta-t-il en ajustant son mono-
cle et en reculant de deux pas.
La porte s'ouvrit, et le valet de chambre
annonça
Mademoiselle Verneuil.
Robert revint rapidement à son bureau,
s'assit et éparpilla devant lui quelques pa-
piers qu'il parut parcourir avec la plus
grande attention.
Bonjour, monsieur, dit doucement Su-
zanne en entrant.
Chambreuil ne leva pas la tête et répon-
dit sur un ton paternel
Bonjour, mon enfant.
Suzanne s'approcha du bureau et y dé-
posa un doss:er.
Conformément à la note que vous m'a
vez fait remettre ce matin, lorsque je suis
arrivée je me suis rendue au ministère et
je vous rapporte les documents que vous y
aviez demandés.
Parfait dit Chambreuil l'air toujours
très absorbé..
Le cartel de ia cnemmee sonna mx coups.
Oh déjà dix heures I murmura Su-
zanne et elle se dirigea rapidement vers
sa machine à écrire. En apercevant le bou-
quet de violettes, elle poussa un cri de sur-
prise et s'arrêta indécise.
Qu'est-ce donc ? dit Robert en levant f
les yeux.
Ces fleurs, monsieur ?
Eh bien continua Chambreuil en sou*
riant.
On se sera rampé. Finnin les aura po-
sées là sans doute. v
On ne s'est pas trompé, et ce n'est pas
Pirmin, c'est moi.
Vous, monsieur ? Oh
Robert se leva et s'approcha de Suzanne,
N'aimez-vous pas les violettes ?
Oh si, monsieur.
Je le pensais. il est impossible de nal
pas aimer ses sœurs.
Suzanne rougit.
Allons, faites-moi le plaisir, dit Cham-
hreuil, d'accepter ce petit bouquet de deux
sous.
Oh 1 deux sous.
Mettons un peu plus, si vous vouleé,
mais qu'importe je vous l'offre en gage de
notre bonne amitié.
Suzanne sentit qu'elle ne pouvait refu-
ser. ̃
Merci, monsieur, dit-elle avec embar-
Elle dégagea le bouquet de la poignée
dans lequel il était engagé et poussa un lé-
ger cri.
Oh qu'est-ce que cela 1
Elle venait de découvrir le bracelet
Robert, les mains dans les poches, le$
yeux mi-clos, jouissait de sa surprise.
(A suivre^ >,
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