Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1914-08-24
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 24 août 1914 24 août 1914
Description : 1914/08/24 (Numéro 11136). 1914/08/24 (Numéro 11136).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/06/2008
Ce que pensent de l'Allemagne les Alsaciens-Lorrains
Maire de Colmar jusqu'au 31 juillet der-
^nier, jour où t' « élarâe guerre » fut pfo-
clamé en Allemagne, vice-président du
conseil général âe la Haute-Alsace, ancien
député au Reichstag et sénateur a" Alsace-
Lorraine, M. Blumenthal a toujours été, du
côté allemand (les Vosges, le défenseur des
Alsaciens-Lorrains victimes des haines ger-
maniques.
Il fut, comme avocat, le défenseur devant
les tribunaux allemands des 'frères Samain,
de l'abbé iVet,terLé et, plus récemment en-
core, de r oncle Hunsi, poursuivi de-
vaut la haute eour de Leipzig pour crime
de haute trahison. à la suite de, la publica-
tion -de Mon Village.
M. Blumenthat, que les barbares s'étaient
promis de ne pas manquer, a pu heureuse-
ment leur échapper' un peu avaiat la décla-
Tation de guerre et gagner < sinon sans incidents la France, sa vé-
sïtable patrie.
Nous, Alsaciens et Lorrains qui
n'avions cesse d'espérer quand même,
ne pouvons nous adresser à des Fran-
çais sans dire tout de suite ce dont notre
cœur déborde. Malgré les horreurs de
la guerre que nous ressentons tous éga-
lement, nous sommes pénétrés d'une
joie profonde. Nous n'avons rien fait
pour provoquer cette lutte atroce et au-
rions été prêts à sacrifier notre bonheur
pour éviter à l'humanité l'humiliation
de ces carnages, mais puisque malgré
nous 1'AAlemagne, dans son insatiabilité,
a imposé au monde civilisé cette doulou-
reuse épreuve, nous sommes heureux de
voir que jamais dans l'Histoire l'ensem-
ble des circonstances n'a été aussi favo-
rable à la France, champion du droit
violé par la force.
Au moment même où l'heure de la de-
livrance paraissait le plus éloignée, où
notre génération sacrifiée semblait de-
voir renoncer à des jours meilleurs, voici
que se aresse aevant
nos yeux émerveil-
lés l'apparition ma-
jestueuse de la jus-
tice immanente dont
(iafnbetta nous avait
communiqué la foi
ardente. Pour nous,
il n'y a plus de doute
possible la revan-
che longtemps et
vainement attendue
est devenue la réa-
lité. Ce n'est pas un
espoir, c'est la cer-
titude de la. réinté-
gration intégrale de
l'Alsace et de la Lor-
raine qui sera au
b.out. du défi .imou-
demment jeté par FAlïemagne à la
France, et. il faudra que le règlement de
compte soit complet, si les nations civi-
lisées veulent pouvoir se livrer tran-
quillement aux travaux de la paix.
̃
Il me revient que de certains côtés
aussi généreux que peu clairvoyants on
plaide déjà, d'ailleurs bien prématuré-
ment, les circonstances atténuantes pour
le peuple allemand, pour le cas où l'em-
pire, après quelques échecs de ses trou-
pes, demanderait grâce. L'armée alle-
mande est très forte, mais elle ne par-
viendra pas à .tenir tête aux forces réu-
nies des alliés qu'elle a devant elle.
Mais si par impossible l'Allemagne'
était victorieuse, elle ne se laisserait
guider que par le vx victis qu'elle a déjà
crié à ses ennemis. Toute sensiblerie et
tout attendrissement à son égard seraient
donc déplacés..
D'ailleurs la façon barbare dont les
Allemands se sont conduits dans cette
campagne leur a enlevé tout droit à la
mansuétude et ils ne sauraient d'ailleurs
a.ucun gré à celui qui ne les .traiterait
pas comme leur sauvagerie le mérite.
Nous Alsaciens-Lorrains parlons en
connaissance de cause. Nous les avons
vus à l'œuvre pendant quarante-quatre
ans. Nous savons de quoi ils sont capa-
blets. Ne respectant que la force, seule
la force leur en impose. Arrogants et
durs pour les petits, obséquieux et hum-
bles devant les grands, ils sont privés
de tout sentiment de générosité.
Depuis des années on les entendait
proclamer chez nous en fait de politique
mondiale avec le plus grand cynisme la
nécessité de conquérir la Ellenbogenfrei-
heit, ce qui veut dire textuellement la
faculté de jouer librement des coudes et
il leur en faut de l'espace à ces coudes
Leurs manières brutales et leur mau-
Ç,aise foi leur ont aliéné successivement
les sympathies de presque tous les au-
tres peuples. Ils se sont décidés à jouer
va-banque s'ils perdent la partie, com-
me cela ne paraît plus douteux, il n'est
que juste qu'ils en supportent les consé-
quences. Il faut pour la sécurité du
monde que l'empire d'Allemagne soit
complètement anéanti et ne puisse plus
jamais se reformer.
La vie ne vaudrait plus la peine d'être
vécue 'si elle devait se traîner sous, la
lourde hégémonie des Teutons. Combien
de fois n'avons-nous pas vu de paisibles
notables de notre pays qui, gmdés par
des nécessités d'ordre économique,
avaient fait un essai loyal d'entente avec
les Allemands, revenir découragés à l'op-
position en déclarant « Décidément il
n'y a pas moyen de vivre avec ces gens-
là." a Quelle valeur peut-on attribuer
dans ces' conditions aux affirmations
.<; mensongères répandues par le gouver-
nement allemand au sujet du prétendu
enthousiasme qu'auraient manifesté les
Alsaciens-Lorrains en faveur de l'Alle-
magne après la déclaration de guerre.
Les exécutions sommaires d'indigènes
faites par les Allemands et les manifes-
tations sympathiques des populations il.
la vue des soldats français sont autant
d'illustrations caractéristiques pour les
vrais sentiments de l'Alsace.
Je viens de lire dans les journaux un
'de l'appréciation élogieuse faite par le
gouvernement des sentiments germano-
philes des Alsaciens-Lorrains. Le préfet
de Colmar vient de porter à la connais-
sanec de ses administrés l'avis suivant
• « Sur Tordre du général commandant,
si des habitants d'une commune pren- 1
nent part à un combat contre nos trou-
pes, non seulement ils seront fusillés,
mais le bourgmestre le sera également
et la localité sera démolie. Les troupes
ont ordre de fusiller quiconque héberge
un Français. »
Que voilà donc de singuliers ralliés
dont on redoute qu'ils ne prennent part
au combat contre les troupes alleman-
des
Les remerciements prodigués aux Al-
saciens pour leur loyalisme paraissent
avoir été aussi sincères que l'amour de
la vérité du statthalter von Dalhvik qui,
le premier jour de la mobilisation, sup-
prima tous les journaux d'opposition et
télégraphia ensuite au chancelier de
Bethmann-Hollweg que les journaux de
tous les partis étaient unanimes à décla-
rer que la guerre que l'Allemagne avait
été obligée de déclarer à la France était
une guerre juste.
Cependant personne en Alsace-Lor-
raine ne se laisse prendre à une trompe-
rie aussi grossière. Les pauvres habi-
tants des provinces annexées vivent au-
jourd'hui sous un régime de terreur
ils sont d'ailleurs habitués par quarante-
quatre ans de servitude à être circons-
pects et méfiants. Quelques rares politi-
ciens alsaciens, à la solde du gouverne-
ment et sous sa dictée, ont pu, à leur
propre honte, sans danger d'être démen-
tis, en paroles, certifier que les Alsa-
ciens se sentaient heureux de combattre
dans les rangs de l'armée allemande.
Nous connaissons des faits qui prouvent
le contraire. Quand le moment pro-
che sera venu où chacun pourra sans
crainte exprimer, ses vrais sentiments
trop longtemps contenus, ce sera un
seul cri de délivrance et une explosion
de. véritable enthousiasme pour la
France aimée, la patrie recouvrée, la
mère retrouvée.
Les Alsaciens et les Lorrains, séparés
de leurs frères depuis près d'un demi-
siècle, seront restés Français quand
même.
Vive la France Vivent FAlsace et la
Lorraine françaises
Daniel Blumenthal
Le neuvième belligérant
Le Japon est depuis hier
en étant de guerre
avec l'Allemagne
Le 14 août, on annonçait que le Japon
réservait son attitude dans le conflit qui
s'ouvrait en Europe, en raison des liens
d'alliance qui l'attachent à l'Angleterre.
On prévoyait dès lors quelle serait la
décision du vaillant empire du Soleil-
Levant, mais respectueux de ses tradi-
tions nationales de respect religieux en-
vers son souverain, le gouvernement ja-
ponais voulait, avant de faire connaître
ses intentions définitives, les faire rati-
fier par l'empereur alors absent de sa
capitale.
Cette ratification ne devait pas se faire
attendre.
Le 16 août, par l'intermédiaire de son
ambassadeur à Berlin, le gouvernement
japonais faisait remettre au gouverne-
ment allemand un ultimatum qui était
également communiqué à l'ambassadeur
d'Allemagne à Tokio, et dont voici les
termes
Le gouveriement japonais demande au
gouvernement allemand
1° De retirer des eaux japonaises et chi-
noises ses bâtiments, de guèrre ou de les
désarmer
2° D'évacuer dans le délai d'un mois le
territoire du protectorat de Kiao-Tchéou.
Le gouvernement japonais se réservé de
restituer éventuellement ce territoire à la
Dans la déclaration qui accompa-
gnait cet ultimatum, le gouvernement
japonais insistait sur la nécessité « de
1 respecter les intérêts en vue desquels
fut conclue l'alliance anglo-japonaise,
ainsi que son désir d'éviter toute cause
de troubles dans les mers d'Extrême-
Orient ».
Le terme de l'ultimatum adressé à l'Al-
j lemagne par le gouvernement japonais
expirait le 23 août, à midi, c'est-à-dire
hier dimanche.
Le Japon assurait en même temps
l'Angleterre et les Etats-Unis, qui en pri-
rent acte, qu'il entendait se borner à
chasser les Allemands de Kiao-Tchéou
et s'abstiendrait de tout acte pouvant
éveiller la susceptibilité des Etats-Unis
dont tous les intérêts seraient respectés.
Dès la veille de l'expiration du délai
imparti à l'Allemagne pour donner sa
réponse, le vicomte Chinda, ambassa-
deur du Japon à Washington, demandait
à M. Bryan, ministre des affaires étran-
I gères des Etats-Unis, de charger l'am-
bassadeur des, Etats-Unis à Berlin de
transmettre au chargé d'affaires japo-
nais un message lui enjoignant de quit-
ter Berlin dimanche matin, à 4 heures,
si l'Allemagne n'avait pas à cette heure
répondu à l'ultimatum.
On apprenait en même temps de Tien-
Tsin qu'une escadre japonaise, escortée
d'un grand nombre de transports ayant
à bord des troupes, se trouvait près de
Kiao-Tchéou et se préparait à commen-
cer les opérations aussitôt l'expiration
de l'ultimatum japonais.
La dépêche ajoutait que les navires de
guerre et les forts allemands opposeront
une résistance acharnée. On avait tout
d'abord annoncé que l'Allemagne, re-
nonçant à défendre Kiao-Tchéou, avait
donné l'ordre de démanteler les forts
défendant ce port.
Hier soir enfin, à 6 heures, l'empe-
reur du Japon adressait à son peuple
un rescrit lui annonçant que le gouver-
nement japonais était, à dater d'hier, en
état de guerre avec l'Allemagne.
LA PAROLE EST AU CANON
La bataille est engagée
sur tout le front
Un acte sublime d'héroïsme d'un commandant belge
Hier, une vague de pessimisme a passé
sur Paris.
Sous prétexte que les Allemands sont
à Lunéville, on en a conclu qu'ils de-
vaient aussi être à Nancy. On l'a an-
noncé à l'oreille des gens que l'on ren-
contrait alors'que depuis trois jours j
Nancy se défend d'une façon intéres-&\
santé contre les tentatives que l'ennemi
fait pour l'investir. Il était tout aussi
inexact de déclarer que les masses alle-
mandes marchent sur Lille. Nous ne
parlerons que pour mémoire de l'invrai-
semblable nouvelle qui aurait essayé un
instant de pousser les grilles entr'ouver-
tes du Parlement. On insinuait cette fois
que l'armée française était coupée en
deux tronçons, entre Namur et Char-
leroi. Que ne parlait-on plutôt de ce
« Zeppelin n° 8 » que nos gens viennent
d'abattre sur la route de Celle à Badon-
viller ?
Nos lecteurs savent que le Matin t>
se tient constamment en dehors de ces
remous d'opinion derrière lesquels on
trouve rarement un éditeur responsable.
Ceci est sûr. Autrefois, quand une ba-
taille se développait en une journée, il
eût été vain d'envoyer d'heure en heure
des renseignements sur les mouvements
qui se produisaient- Aujourd'hui où, du
fait de la portée des armes, de l'étendue
du terrain, de l'importance des masses
opposées, la bataillé peut durer des
semaines, il serait tout aussi vain de
chercher à se renseigner au jour le jour
sur la façon dont les choses s'orientent.
Le moderne commandant d'une armée
ignore ces incidents de combat qui pren-
nent tant d'importance dans les lettres
et dans les témoignages que colporte le
pulilic. Ce chef ne voit que le mouvement
dans son ensemble.
Pour conduire les grandes masses que
nous remuons, il a fallu recourir à la
méthode de décentralisation. Si les éche-
lons inférieurs sont naturellement tenus
au courant, ehacun dans sa sphère, des
fluctuations du combat, il n'en est pas de
mêipe efj ceux dont l'horizon de vision
s'é'largit à mesure que leur responsabi-
lité monte avec leur grade.
Voilà le Généralissime qui a l'écrasante
mission de coordonner les efforts de
tous. Il n'a pas trop de toute la puissance
de ses facultés pour s'y appliquer. On
comprend que le gouvernement qui, avec
là nation, met sa confiance en lui, soit
patient. Il ne cherche pas à distraire à
son profit une part de l'activité d'un chef
qui a la charge d'organiser la victoire.
Il était nécessaire que cette foule fran-
çaise si facile à émouvoir, si friande
d'honneur, entendît et accueillît ces sa-
ges rétleirions dans les termes mêmes où
le ministre de la guerre nous les for-
mulait dans son cabinet.
Les impatients se réjouiront d'enten-
dre que M. Messimy à ajouté
Lorsque la période de concentration
stratégique, où un mystère absolu enve-
loppe nos mouvements, sera terminée,
c'est-à-dire dans bien peu de jours, il n'y
aura plus de secret. On sera tout à fait
entré dans l'action. Dans la mesure où
cette action se dégagera elle-même de
l'ensemble, tout le monde la connaîtra.
Le détail de la victoire que les Serbes
viennent de re.mporter sur les Autri-
chiens à Chabatz montre ce que devien-
nent les soldats germains quand, devant
eux, ils ont un peuple décidé à défendre
sa liberté et sa vie.
Nos alliés les Russes n'ont pas été
moins, heureux sur les frontières aile-
mandes. Le généralissime de l'armée
russe, le grand-due Nicolas, a chargé M.
Iswolsky, ambassadeur de Russie à Pa-
ris, de communiquer, officiellement cette
fois, au gouvernement français les pre-
miers et brillants résultats de l'offensive
de notre alliée en Allemagne.
On se souvient que depuis plusieurs
jours, l'armée russe avait franchi la
ifrontière de la Prusse orientale; à
40 kilomètres de cette frontière, elle
vient de remporter un magnifique suc- J
cès. Il ne s'agit plus de heurts de pa-
trouille4 Les Russes se sont trouvés en
face de trois corps d'armée allemands,
c'est-à-dire de la plus grosse partie des
forces qui couvrent la frontière orientale
de l'Allemagne. Ils les ont culbutés. Du
coup, ils ont porté leur front 30 kilomè-
tres en avant. Ils s'emparent non seule-
ment de canons, mais de matériel de
chemin de fer.
C'est sur la frontière orientale de la
Prusse que la Russie concentre le
meilleur de son effort. Pour des rai-
sons qu'on devine, elle insiste de ce
côté-là iolus encore que sur la frontière
autrichienne, où, d'ailleurs, tous ses
mouvements sont couronnés dè succès.
Elle considère que la Serbie suffit à cette
heure-ci pour tenir tête à l'Autriche.
Evidemmént, J'emnereur Guillaume a
réservé pour nous combattre l'élite de
ses troupes. Il a concentré sur nos fron-
tières et sur les champs de Belgiquè
l'élite et la masse de ses soldats. Le
quartier-maître général von Stein a rai-
,son de déclarer parmi beaucoup de
mensonges que si les Allemands ont éts
insuffisamment approvisionnés devant
Liège, on les verra dans d'autres occa-
sions marcher à l'ennemi bien nourris et
-bien équipés.
On ne nous parle en tout cela que d'or-
ganisation matérielle. Or, si l'on jette les
y§ux sur les bulletins de victoires que
nous adressent Russes et Allemands, il
faut bien convenir que ces succès ont été
d'abord obtenus par l'élan de ceux qui
venaient au jeu. On sait que la Serbie est
en train de verser les réserves de son
sang. La Belgique a la joie de voir le
commandant Namèche se faire sauter
plutôt que de se rendre. La Russie s'enor-
gueillit d'ajouter ces lignes à son bulle-
tin de victoire
(( Un grand nombre, des membres les
plus connus de l'aristocratie russe ont
été tués ou blessés. »
Cet élan, qui réussit à tous les braves,
aura ses effets ordinaires le jour où il
s'appellera la rr furie française ».
Le Germain, vulnérable à l'Autrichien
et au Russe, ne sentira pas moins profon-
dément le fer atte nous allons lui porter
dans le flanc.
Chaque jour, au contraire, apporte un
nouveau témoignage des inquiétudes que
nous lui causons. Un sous-officier lor-
rain, d'origine française, transporté à
Montpellier, soldat de Guillaume malgré
lui, contait hier quelle épouvante nos ca-
nons de 75 causent à l'Allemand. Il a vu,
dit-il, des retranchements que les Ger-
mains avaient mis trois jours à creuser
bouleversés en quelques minutes. La plu-
part des hommes étaient tués ceux qui
avaient pu échapper à la mort prenaient
la fuite en poussant des cris comme s'ils
avaient été touchés par une force surna-
turelle.
Le couronnement de toutes ces raisons
d'escompter avec certitude le succès que
nous attendons et que le monde attend de
nous, apparaît enfin dans cette union à
chaque seconde plus étroite de ceux que
maintenant, sans autre distinction, l'on
nomme les rr alliés ».
Nous ne sommes pas seulement alliés
pour envoyer à J'ennemi du plomb .et de
la mitraille, mais pour mettre en com-
mun le tout de nos ressources. Le beau
mouvement de générosité dans lequel la
France et l'Angleterre viennent de s'as-
socier pour offrir à la Belgique plus d'or
que Guillaume ne lui en réclame, est un
signe éclatant de la confiance. que nous
mettons en elle et en nous.
La situation militaire
(Communiqués officiels.)
Dans les Vosges, la situation générale
nous a déterminés à ramener en arrière nos
troupes du Donon et du col de Saa(es. Ces
points n'avaient plus en effet d'importance
étant donrté que nous occupons la ligne (or-
ti(iée qui commence au Grand-Couronné de
Nancy. Lunéville a été occupé Par les Alle-
mands
A Namur, les Allemands font un grand
effort contre Les forts qui résistent énergi-
quement. Les forts de Liége tiennent tou-
jours.
L'armée belge est tout entière concentrée
dans le camp retranché d'Anvers, mais c'est
sur la vaste ligne allant de Mons à la fron-
tière luxembourgeoise que se joue la gros-
se partie.
tfos troupes ont pris partout l'offensive
Leur action se poursuit régulièrement, en
liaison avec l'armée. anglaise.
Nous trouvons en jacé de nous dans ce
{ mouvement offensif la presque totaLité de
L'armée allemande formations actives et
formations de réserve.
Le terrain des opérations, surtout à notre
droite, est boisé et difficile.
Il est à présumer que la bataille durera
plusieurs jours
L'énorme extension du front et l'impor-
tance des effectifs engagés empêchent de
pas à pas les mouvements de chacu-
ne de nos armées.
Il convient en efjet pour apprécier cette
siluation, d'attendre un résultat qui serve
de conclusion la première phase du corn-
bat.
Si l'on procédait autrement, on fournirait
la presse des données divergentes et' con-
tradictoires puisqu'une telle bataille est né-
cessairement jaite d'actions et de réactions
qui se succèdent et s'enchaînent de façon
continue.
D'ailleurs des injormations fournies au
xours du combat sur la position momenta-
née de nos armées risqueraient d'autre part
de procurer à l'ennemi des renseignements.
Comment sauta un fort de Liège
Le fort de Chaaudfontaine, à Liège, a été
le théâtre d'un acte d'héroïsme qui affirme
une fois de plus avec éclat la valeur de l'ar-
mée belge. Ce fort, ctui commande la voie
ferrée d'Aix-la-Chapelle à Liège, par Ver-
viers et le tunnel de Chaudfontaine, était
commandé par le major Namèche. Il a été
'soumis par les Allemands à un bombarde-
ment continuel extrêmement violent.
Lorsque le fort ne fut plus qu'un mon-
ceau de décombres et que le commandant
jugea la résistance impossible, il barra le
tunnel en y faisant entrer en collision plu-
sieurs locomotives et en mettant ensuite le
feu aux fourneaux de mine.
Sa mission était dès tors terminée. Le
commandant Namèche ne voulut pas cepen-
dant que le drapeaü allemand flottât même
sur les ruines de son fort. Il mit le feu
ses poudres et se fit sauter.
Un tel acte d'héroïsme. se passe de com-
mentaires.
La victoire des Russes
sur les Allemands
a été dëcislYe
L'ARMÉE ALLIEE VERS
ROME, 23 août. L'ambassade de Rus-
sie à Rome confirme que les Russes ont
remporté une victoire décisive à Gum-
binnen elle est même plus importante
que ne l'avaient indiqué les bulletins of-
ficiels.
Trois corps d'armée allemands ont dû
prendre la fuite devant l'offensive des
troupes russes.
A la suite de cette victoire, aucune ré-
sistance n'est plus possible de la part
des Allemands. En effet, les armées rus-
ses pénètrant en Allemagne avec des
forces sept fois supérieures à celles que
les Allemands peuvent mettre en ligne.
Le projet de l'état-major russe est de
marcher droit sur Berlin. (Fournier.j
A nos frères belges
L'HOMMAGE' DE LA FRANCE
A LA VAILLANCE, D'UN PEUPLE
(Communiqué officiel.)
Si l'bn itous eût dit, il il a trois semaines,
en ce premier dimanche de la guerre, où la
France attendait la décision de Londres et
pouvait douter encoré. de voir à ses côtés,
et là flotte et l'armée de l'Angleterre, si l'on
nous eût dit que üngt-deux jours après nous
aurions pu terminer tous nos préparatifs
et que, sur tout le front, ou presque, le ter-
ritoire national serait indemne, qui donc
l'eût admis sans conteste ?
Oh nous savons le prix dontfut achetée
notre sécurité présente Nous savons quels
en sont lés ouvriers véritables. Nos troupes
ont fait leur devoir, mais l'héroïque nation
belge a fait plus que le sien.
Etle se'devait à elle-même. elle nous de-
vait aussi de défendre sa neutralité. Nous
attendions tout de sa loyauté et de sa vail-
lance. Mais elle a dépassé notre attente
c'est elle qui, par sa résistance oostinée, a
permis notre mobilisation, notre concentra-
lion, le débarquement de nos alliés dans nos
ports, leur arrivée sur le front de bataille
et l'organisation systématique de cette guer-
re en commun c'est de poitrines liégeoises
qu'a été fait notre premier rempart c'est
la nation belge tout entière qui, donnant son
sang, donnant son territoire, donnant sa
capitale, a voulu que Liége et Anvers devins-
sent dans l'Histoire synonymes de Thermo-
pyles et de Marathon > ̃̃-•-̃•
Frères belges, nous vous avons apporté,
il y a soixa nte-trois ans, l'indépendance
vous nous payez votre dette au. centuple
jarnais nos f ils et les fils de nos fils, à tra-
t'ers les siècles, n'auront pour vous assez
de reconnaissance et d'amour.
La sur l'affaire
du 21 août
LE RECUL EN LORRAINE
L'inébranlable confiance que j'ai dans
la valeur de nos troupes et la résolution
de leurs chefs me donne la liberté
d'esprit nécessaire pour m'expliquer sui
l'insuccès que nos armes viennent de
subir en Lorraine.
Un incident déplorable s'est produit
Une division du 15° corps, composée de,
contingents d'Antibes, de Toulon, de
Marseille et d'Aix, a lâché pied devant
l'ennemi. Les conséquences ont été cel-
les que les communiqués officiels ont
fait connaître. Toute l'avance que nous
avions prise au delà de la Seille, sur la
ligne Alaincourt, Delme et Château-Sa
lins, a été perdue tout le fruit d'une ha-
bile combinaison stratégique, longue-
ment préparée, dont les débuts heureux
promettaient les plus brillants avanta-
ges, été momentanément compromis.
Malgré les efforts des autres corps d'ar-
mée, qui participaient à l'opération, et
dont la tenue a été irréprochable, la dé-
faillance d'une partie du 1& corps a en-
traîné la retraite sur toute la ligne.
Le ministre de la guerre, avec sa
décision coutumière, a prescrit les
mesures de répression immédiates et
impitoyables qui s'imposaient: L'heure
n'est plus, en effet, aux considéra-
itions de. sentiment. Tout le monde
doit être aujourd'hui convaincu, du
général en chef au dernier soldat,
qu'il n'y a, en face de l'ennemi, qu'ur
devoir, que nos aïeux de la Révolution
ont su faire accomplir vaincre ou
mourir..
Nous sommes assez forts et assez sûrs
de nous pour reconnaître les fautes dès
qu'elles se sont commises et avouér le
mal aussitôt qu'il apparaît. Nous avons
l'inébranlable résolution de réparer.les.
unes et de remédier il l'autre.
.Aussi bien l'incident, pour navrant
qu'il soit, sera-t-il, nous en avons la
ferme conviction, sans lendemain. D'ail-
leurs il faut dire qu'il doit être sans in-
fluence sur l'ensemble de la manœuvre.
Surprises sans/doute par les effets ter-
rifiants de la bataille, les troupes de l'ai-
mable Provence ont été prises d'un
subit affolement. L'aveu public de leur
impardonnable faiblesse s'ajoutera
la rigueur des châtiments militaires.
Les soldats du Midi, qui ont tant de qua-
lités guerrières, tiendront à honneur
d'effacer, et cela dès demain, l'affront qui
vient d'être fait, par certains des leurs,
à la valeur française. Elles prendront,
nous en sommes convaincu, une glo-
rieuse revanche et montreront qu'en
France, sans'distinction d'origine, tour
les soldats de nos armées sont prêts, jus-
qu'au dernier, à verser leur sang pour
assurer contre l'envahisseur menaçant
le salut 'de la patrie.
A. Gervais
Sénatenr de la Seine
BLESSÉS
Tombés héroïquement, ils n'aspirent tous
qu'à retourner au feu
A VICHY
Ls mois d'août amène d'habitude, dans les hôtels et les somptueux palaces de
la station thermale connue du monde entie7-. une foule élégante et oisive. Cette an-
née conséquence de la guerre ces mêmes hôtels sont transjormés en
taux militaires, où nos héroïques soldats viennent guérir au plus vite leurs bles-
sures, impatients qu'ils sont de repartir vers le front, vers la gloire.
VICHY, 22 août. De l'envoyé spécial du
« Matin ». -Je viens de voir ceux qui sont
tombés vivants sur le sein de la patrie.
C'était le quatrième convoi qui arrivait à
Vichy. L'angoisse du petit jour ajoutait en-
core au spectacle. Mais soyons ferme ce
sont des soldats qui vont passer.
Voilà vingt-huit heures qu'ils sont cou-
chés dans ces fourgons. Le train les a pris
à Saint-Dié. La balle ou les obus les avaient
pris plus avant.
Ceux qui portent l'auguste plaie à la.tête,
aux bras, à l'épaule descendent d'eux-mô-
mes sur le quai ceux qui la portent aux
jambes ou à la poitrine défilent sur la ci-
vière.
Les regards sont les mêmes et les uns
comme les, autres ont entre les lèvres ou
entre les doigts une cigarette qui fume:
c'est leur façon de se faire précéder d'un
panache. Au milieu de ceux-là, quelques-
uns n'ont pas de cigarette leurs bras sont
immobiles, leur tête est dans la ligne du
corps ils gisent. Saluons plus bas.
Les premiers sortent de la gare, se grou-
pent les civières sont posées sur des auto-
mobiles de luxe. On se dirige vers les pa-
laces, devenus des hôpitaux.
Tragique armée qui vient de traverser la
poudre
Artilleurs, fantassins, chasseurs avec bé-
ret, chasseurs avec képi, souliers ouverts,
poitrine nue, le bras bandé, le front bandé,
la joue bandée, portant sur le dos leur mu-
sette, que la pointe d'un casque souve-
nir i semble protéger du tonnerre, re-
couverts de leur capote souillée de boue,
percée de balles, descendent dans la ville
des smokings et des toilettes légères.
Ils gagnent les lits qui leur sont préparés
dans les grands hôtels mobilisés.
C'est lu que l'après-midi je suis allé leur
parler.
Le premier que j'abordai était coucha
pour quatre balles dans les deux cuisses.
Croyez-vous que c'est de la veine, ma
dit-il, de les avoir accrochées toutes les
quatre Ça fait qu'il reste trois capains-da,
plus pour leur casser la gueule
Son voisin était un gars de la Haute-
Loire. Vous allez voir qu il a les reins aussi
solides que les rochers de son pavs. Il mo
dit
A Cirey, j'ai reçu un boulet sur mon
sac, et mon sac était sur mon dos. Sous
ce poids ma poitrine s'entonça dans la terre.
Je ne bougeai plus, j'attendais d'éclater en
petits morceaux. J'attendis une demi-heure.
Comme je n'éclatais pas ni le boulet
je me soulevai de l'épaule droite de façon
à le faire rouler à terre. Il roula gentimen6
C'est dommage qu'il ait été si gros, je l'au.
rais emporté, comme breloque, à ma fiancée.
Dans une autre salle je trouvai un ancien.
u Bat'd'Af ». Il avait un magnifique papil
Ion tatoué sur le cou.
J'en avais un pareil au mollet droit,
me dit-il, j'y tenais comme à mon. tabac.
C'est justement sur cette jambe que des
éclats/d'obus sont venus me chatouiller. Le
reste de la jambe, je m'en fous Ponrvu
qu'ils ne m'aient pas 'effacé mon papillon
Dans une autre rangée, trois soldats du
même bataillon.
C'est peut-être bien de notre faute si,
nous sommes ici, disent-ils. Notre comman-
dant tomba dès le début de l'action. Nous
perdîmes aussitôt deux lieutenants ainsi,
sans commandement, sans nous soucier dE'
ce qui se passait devant, derrière et sur les
côtés, mettant baïonnette au canon à 1.200-
mètres de l'ennemi, notîs partîmes en char-,
tant. Un de mes camarades qui marchait à
mon côté me criait « Ne chante pas, ça
fait perdre du souffle, soigne le moteur.
Le moteur marchait bien. On avançait,
n'est-ce pas, les gars ? Et. zut, on toml>>.>
Maire de Colmar jusqu'au 31 juillet der-
^nier, jour où t' « élarâe guerre » fut pfo-
clamé en Allemagne, vice-président du
conseil général âe la Haute-Alsace, ancien
député au Reichstag et sénateur a" Alsace-
Lorraine, M. Blumenthal a toujours été, du
côté allemand (les Vosges, le défenseur des
Alsaciens-Lorrains victimes des haines ger-
maniques.
Il fut, comme avocat, le défenseur devant
les tribunaux allemands des 'frères Samain,
de l'abbé iVet,terLé et, plus récemment en-
core, de r oncle Hunsi, poursuivi de-
vaut la haute eour de Leipzig pour crime
de haute trahison. à la suite de, la publica-
tion -de Mon Village.
M. Blumenthat, que les barbares s'étaient
promis de ne pas manquer, a pu heureuse-
ment leur échapper' un peu avaiat la décla-
Tation de guerre et gagner <
sïtable patrie.
Nous, Alsaciens et Lorrains qui
n'avions cesse d'espérer quand même,
ne pouvons nous adresser à des Fran-
çais sans dire tout de suite ce dont notre
cœur déborde. Malgré les horreurs de
la guerre que nous ressentons tous éga-
lement, nous sommes pénétrés d'une
joie profonde. Nous n'avons rien fait
pour provoquer cette lutte atroce et au-
rions été prêts à sacrifier notre bonheur
pour éviter à l'humanité l'humiliation
de ces carnages, mais puisque malgré
nous 1'AAlemagne, dans son insatiabilité,
a imposé au monde civilisé cette doulou-
reuse épreuve, nous sommes heureux de
voir que jamais dans l'Histoire l'ensem-
ble des circonstances n'a été aussi favo-
rable à la France, champion du droit
violé par la force.
Au moment même où l'heure de la de-
livrance paraissait le plus éloignée, où
notre génération sacrifiée semblait de-
voir renoncer à des jours meilleurs, voici
que se aresse aevant
nos yeux émerveil-
lés l'apparition ma-
jestueuse de la jus-
tice immanente dont
(iafnbetta nous avait
communiqué la foi
ardente. Pour nous,
il n'y a plus de doute
possible la revan-
che longtemps et
vainement attendue
est devenue la réa-
lité. Ce n'est pas un
espoir, c'est la cer-
titude de la. réinté-
gration intégrale de
l'Alsace et de la Lor-
raine qui sera au
b.out. du défi .imou-
demment jeté par FAlïemagne à la
France, et. il faudra que le règlement de
compte soit complet, si les nations civi-
lisées veulent pouvoir se livrer tran-
quillement aux travaux de la paix.
̃
Il me revient que de certains côtés
aussi généreux que peu clairvoyants on
plaide déjà, d'ailleurs bien prématuré-
ment, les circonstances atténuantes pour
le peuple allemand, pour le cas où l'em-
pire, après quelques échecs de ses trou-
pes, demanderait grâce. L'armée alle-
mande est très forte, mais elle ne par-
viendra pas à .tenir tête aux forces réu-
nies des alliés qu'elle a devant elle.
Mais si par impossible l'Allemagne'
était victorieuse, elle ne se laisserait
guider que par le vx victis qu'elle a déjà
crié à ses ennemis. Toute sensiblerie et
tout attendrissement à son égard seraient
donc déplacés..
D'ailleurs la façon barbare dont les
Allemands se sont conduits dans cette
campagne leur a enlevé tout droit à la
mansuétude et ils ne sauraient d'ailleurs
a.ucun gré à celui qui ne les .traiterait
pas comme leur sauvagerie le mérite.
Nous Alsaciens-Lorrains parlons en
connaissance de cause. Nous les avons
vus à l'œuvre pendant quarante-quatre
ans. Nous savons de quoi ils sont capa-
blets. Ne respectant que la force, seule
la force leur en impose. Arrogants et
durs pour les petits, obséquieux et hum-
bles devant les grands, ils sont privés
de tout sentiment de générosité.
Depuis des années on les entendait
proclamer chez nous en fait de politique
mondiale avec le plus grand cynisme la
nécessité de conquérir la Ellenbogenfrei-
heit, ce qui veut dire textuellement la
faculté de jouer librement des coudes et
il leur en faut de l'espace à ces coudes
Leurs manières brutales et leur mau-
Ç,aise foi leur ont aliéné successivement
les sympathies de presque tous les au-
tres peuples. Ils se sont décidés à jouer
va-banque s'ils perdent la partie, com-
me cela ne paraît plus douteux, il n'est
que juste qu'ils en supportent les consé-
quences. Il faut pour la sécurité du
monde que l'empire d'Allemagne soit
complètement anéanti et ne puisse plus
jamais se reformer.
La vie ne vaudrait plus la peine d'être
vécue 'si elle devait se traîner sous, la
lourde hégémonie des Teutons. Combien
de fois n'avons-nous pas vu de paisibles
notables de notre pays qui, gmdés par
des nécessités d'ordre économique,
avaient fait un essai loyal d'entente avec
les Allemands, revenir découragés à l'op-
position en déclarant « Décidément il
n'y a pas moyen de vivre avec ces gens-
là." a Quelle valeur peut-on attribuer
dans ces' conditions aux affirmations
.<; mensongères répandues par le gouver-
nement allemand au sujet du prétendu
enthousiasme qu'auraient manifesté les
Alsaciens-Lorrains en faveur de l'Alle-
magne après la déclaration de guerre.
Les exécutions sommaires d'indigènes
faites par les Allemands et les manifes-
tations sympathiques des populations il.
la vue des soldats français sont autant
d'illustrations caractéristiques pour les
vrais sentiments de l'Alsace.
Je viens de lire dans les journaux un
'de l'appréciation élogieuse faite par le
gouvernement des sentiments germano-
philes des Alsaciens-Lorrains. Le préfet
de Colmar vient de porter à la connais-
sanec de ses administrés l'avis suivant
• « Sur Tordre du général commandant,
si des habitants d'une commune pren- 1
nent part à un combat contre nos trou-
pes, non seulement ils seront fusillés,
mais le bourgmestre le sera également
et la localité sera démolie. Les troupes
ont ordre de fusiller quiconque héberge
un Français. »
Que voilà donc de singuliers ralliés
dont on redoute qu'ils ne prennent part
au combat contre les troupes alleman-
des
Les remerciements prodigués aux Al-
saciens pour leur loyalisme paraissent
avoir été aussi sincères que l'amour de
la vérité du statthalter von Dalhvik qui,
le premier jour de la mobilisation, sup-
prima tous les journaux d'opposition et
télégraphia ensuite au chancelier de
Bethmann-Hollweg que les journaux de
tous les partis étaient unanimes à décla-
rer que la guerre que l'Allemagne avait
été obligée de déclarer à la France était
une guerre juste.
Cependant personne en Alsace-Lor-
raine ne se laisse prendre à une trompe-
rie aussi grossière. Les pauvres habi-
tants des provinces annexées vivent au-
jourd'hui sous un régime de terreur
ils sont d'ailleurs habitués par quarante-
quatre ans de servitude à être circons-
pects et méfiants. Quelques rares politi-
ciens alsaciens, à la solde du gouverne-
ment et sous sa dictée, ont pu, à leur
propre honte, sans danger d'être démen-
tis, en paroles, certifier que les Alsa-
ciens se sentaient heureux de combattre
dans les rangs de l'armée allemande.
Nous connaissons des faits qui prouvent
le contraire. Quand le moment pro-
che sera venu où chacun pourra sans
crainte exprimer, ses vrais sentiments
trop longtemps contenus, ce sera un
seul cri de délivrance et une explosion
de. véritable enthousiasme pour la
France aimée, la patrie recouvrée, la
mère retrouvée.
Les Alsaciens et les Lorrains, séparés
de leurs frères depuis près d'un demi-
siècle, seront restés Français quand
même.
Vive la France Vivent FAlsace et la
Lorraine françaises
Daniel Blumenthal
Le neuvième belligérant
Le Japon est depuis hier
en étant de guerre
avec l'Allemagne
Le 14 août, on annonçait que le Japon
réservait son attitude dans le conflit qui
s'ouvrait en Europe, en raison des liens
d'alliance qui l'attachent à l'Angleterre.
On prévoyait dès lors quelle serait la
décision du vaillant empire du Soleil-
Levant, mais respectueux de ses tradi-
tions nationales de respect religieux en-
vers son souverain, le gouvernement ja-
ponais voulait, avant de faire connaître
ses intentions définitives, les faire rati-
fier par l'empereur alors absent de sa
capitale.
Cette ratification ne devait pas se faire
attendre.
Le 16 août, par l'intermédiaire de son
ambassadeur à Berlin, le gouvernement
japonais faisait remettre au gouverne-
ment allemand un ultimatum qui était
également communiqué à l'ambassadeur
d'Allemagne à Tokio, et dont voici les
termes
Le gouveriement japonais demande au
gouvernement allemand
1° De retirer des eaux japonaises et chi-
noises ses bâtiments, de guèrre ou de les
désarmer
2° D'évacuer dans le délai d'un mois le
territoire du protectorat de Kiao-Tchéou.
Le gouvernement japonais se réservé de
restituer éventuellement ce territoire à la
Dans la déclaration qui accompa-
gnait cet ultimatum, le gouvernement
japonais insistait sur la nécessité « de
1 respecter les intérêts en vue desquels
fut conclue l'alliance anglo-japonaise,
ainsi que son désir d'éviter toute cause
de troubles dans les mers d'Extrême-
Orient ».
Le terme de l'ultimatum adressé à l'Al-
j lemagne par le gouvernement japonais
expirait le 23 août, à midi, c'est-à-dire
hier dimanche.
Le Japon assurait en même temps
l'Angleterre et les Etats-Unis, qui en pri-
rent acte, qu'il entendait se borner à
chasser les Allemands de Kiao-Tchéou
et s'abstiendrait de tout acte pouvant
éveiller la susceptibilité des Etats-Unis
dont tous les intérêts seraient respectés.
Dès la veille de l'expiration du délai
imparti à l'Allemagne pour donner sa
réponse, le vicomte Chinda, ambassa-
deur du Japon à Washington, demandait
à M. Bryan, ministre des affaires étran-
I gères des Etats-Unis, de charger l'am-
bassadeur des, Etats-Unis à Berlin de
transmettre au chargé d'affaires japo-
nais un message lui enjoignant de quit-
ter Berlin dimanche matin, à 4 heures,
si l'Allemagne n'avait pas à cette heure
répondu à l'ultimatum.
On apprenait en même temps de Tien-
Tsin qu'une escadre japonaise, escortée
d'un grand nombre de transports ayant
à bord des troupes, se trouvait près de
Kiao-Tchéou et se préparait à commen-
cer les opérations aussitôt l'expiration
de l'ultimatum japonais.
La dépêche ajoutait que les navires de
guerre et les forts allemands opposeront
une résistance acharnée. On avait tout
d'abord annoncé que l'Allemagne, re-
nonçant à défendre Kiao-Tchéou, avait
donné l'ordre de démanteler les forts
défendant ce port.
Hier soir enfin, à 6 heures, l'empe-
reur du Japon adressait à son peuple
un rescrit lui annonçant que le gouver-
nement japonais était, à dater d'hier, en
état de guerre avec l'Allemagne.
LA PAROLE EST AU CANON
La bataille est engagée
sur tout le front
Un acte sublime d'héroïsme d'un commandant belge
Hier, une vague de pessimisme a passé
sur Paris.
Sous prétexte que les Allemands sont
à Lunéville, on en a conclu qu'ils de-
vaient aussi être à Nancy. On l'a an-
noncé à l'oreille des gens que l'on ren-
contrait alors'que depuis trois jours j
Nancy se défend d'une façon intéres-&\
santé contre les tentatives que l'ennemi
fait pour l'investir. Il était tout aussi
inexact de déclarer que les masses alle-
mandes marchent sur Lille. Nous ne
parlerons que pour mémoire de l'invrai-
semblable nouvelle qui aurait essayé un
instant de pousser les grilles entr'ouver-
tes du Parlement. On insinuait cette fois
que l'armée française était coupée en
deux tronçons, entre Namur et Char-
leroi. Que ne parlait-on plutôt de ce
« Zeppelin n° 8 » que nos gens viennent
d'abattre sur la route de Celle à Badon-
viller ?
Nos lecteurs savent que le Matin t>
se tient constamment en dehors de ces
remous d'opinion derrière lesquels on
trouve rarement un éditeur responsable.
Ceci est sûr. Autrefois, quand une ba-
taille se développait en une journée, il
eût été vain d'envoyer d'heure en heure
des renseignements sur les mouvements
qui se produisaient- Aujourd'hui où, du
fait de la portée des armes, de l'étendue
du terrain, de l'importance des masses
opposées, la bataillé peut durer des
semaines, il serait tout aussi vain de
chercher à se renseigner au jour le jour
sur la façon dont les choses s'orientent.
Le moderne commandant d'une armée
ignore ces incidents de combat qui pren-
nent tant d'importance dans les lettres
et dans les témoignages que colporte le
pulilic. Ce chef ne voit que le mouvement
dans son ensemble.
Pour conduire les grandes masses que
nous remuons, il a fallu recourir à la
méthode de décentralisation. Si les éche-
lons inférieurs sont naturellement tenus
au courant, ehacun dans sa sphère, des
fluctuations du combat, il n'en est pas de
mêipe efj ceux dont l'horizon de vision
s'é'largit à mesure que leur responsabi-
lité monte avec leur grade.
Voilà le Généralissime qui a l'écrasante
mission de coordonner les efforts de
tous. Il n'a pas trop de toute la puissance
de ses facultés pour s'y appliquer. On
comprend que le gouvernement qui, avec
là nation, met sa confiance en lui, soit
patient. Il ne cherche pas à distraire à
son profit une part de l'activité d'un chef
qui a la charge d'organiser la victoire.
Il était nécessaire que cette foule fran-
çaise si facile à émouvoir, si friande
d'honneur, entendît et accueillît ces sa-
ges rétleirions dans les termes mêmes où
le ministre de la guerre nous les for-
mulait dans son cabinet.
Les impatients se réjouiront d'enten-
dre que M. Messimy à ajouté
Lorsque la période de concentration
stratégique, où un mystère absolu enve-
loppe nos mouvements, sera terminée,
c'est-à-dire dans bien peu de jours, il n'y
aura plus de secret. On sera tout à fait
entré dans l'action. Dans la mesure où
cette action se dégagera elle-même de
l'ensemble, tout le monde la connaîtra.
Le détail de la victoire que les Serbes
viennent de re.mporter sur les Autri-
chiens à Chabatz montre ce que devien-
nent les soldats germains quand, devant
eux, ils ont un peuple décidé à défendre
sa liberté et sa vie.
Nos alliés les Russes n'ont pas été
moins, heureux sur les frontières aile-
mandes. Le généralissime de l'armée
russe, le grand-due Nicolas, a chargé M.
Iswolsky, ambassadeur de Russie à Pa-
ris, de communiquer, officiellement cette
fois, au gouvernement français les pre-
miers et brillants résultats de l'offensive
de notre alliée en Allemagne.
On se souvient que depuis plusieurs
jours, l'armée russe avait franchi la
ifrontière de la Prusse orientale; à
40 kilomètres de cette frontière, elle
vient de remporter un magnifique suc- J
cès. Il ne s'agit plus de heurts de pa-
trouille4 Les Russes se sont trouvés en
face de trois corps d'armée allemands,
c'est-à-dire de la plus grosse partie des
forces qui couvrent la frontière orientale
de l'Allemagne. Ils les ont culbutés. Du
coup, ils ont porté leur front 30 kilomè-
tres en avant. Ils s'emparent non seule-
ment de canons, mais de matériel de
chemin de fer.
C'est sur la frontière orientale de la
Prusse que la Russie concentre le
meilleur de son effort. Pour des rai-
sons qu'on devine, elle insiste de ce
côté-là iolus encore que sur la frontière
autrichienne, où, d'ailleurs, tous ses
mouvements sont couronnés dè succès.
Elle considère que la Serbie suffit à cette
heure-ci pour tenir tête à l'Autriche.
Evidemmént, J'emnereur Guillaume a
réservé pour nous combattre l'élite de
ses troupes. Il a concentré sur nos fron-
tières et sur les champs de Belgiquè
l'élite et la masse de ses soldats. Le
quartier-maître général von Stein a rai-
,son de déclarer parmi beaucoup de
mensonges que si les Allemands ont éts
insuffisamment approvisionnés devant
Liège, on les verra dans d'autres occa-
sions marcher à l'ennemi bien nourris et
-bien équipés.
On ne nous parle en tout cela que d'or-
ganisation matérielle. Or, si l'on jette les
y§ux sur les bulletins de victoires que
nous adressent Russes et Allemands, il
faut bien convenir que ces succès ont été
d'abord obtenus par l'élan de ceux qui
venaient au jeu. On sait que la Serbie est
en train de verser les réserves de son
sang. La Belgique a la joie de voir le
commandant Namèche se faire sauter
plutôt que de se rendre. La Russie s'enor-
gueillit d'ajouter ces lignes à son bulle-
tin de victoire
(( Un grand nombre, des membres les
plus connus de l'aristocratie russe ont
été tués ou blessés. »
Cet élan, qui réussit à tous les braves,
aura ses effets ordinaires le jour où il
s'appellera la rr furie française ».
Le Germain, vulnérable à l'Autrichien
et au Russe, ne sentira pas moins profon-
dément le fer atte nous allons lui porter
dans le flanc.
Chaque jour, au contraire, apporte un
nouveau témoignage des inquiétudes que
nous lui causons. Un sous-officier lor-
rain, d'origine française, transporté à
Montpellier, soldat de Guillaume malgré
lui, contait hier quelle épouvante nos ca-
nons de 75 causent à l'Allemand. Il a vu,
dit-il, des retranchements que les Ger-
mains avaient mis trois jours à creuser
bouleversés en quelques minutes. La plu-
part des hommes étaient tués ceux qui
avaient pu échapper à la mort prenaient
la fuite en poussant des cris comme s'ils
avaient été touchés par une force surna-
turelle.
Le couronnement de toutes ces raisons
d'escompter avec certitude le succès que
nous attendons et que le monde attend de
nous, apparaît enfin dans cette union à
chaque seconde plus étroite de ceux que
maintenant, sans autre distinction, l'on
nomme les rr alliés ».
Nous ne sommes pas seulement alliés
pour envoyer à J'ennemi du plomb .et de
la mitraille, mais pour mettre en com-
mun le tout de nos ressources. Le beau
mouvement de générosité dans lequel la
France et l'Angleterre viennent de s'as-
socier pour offrir à la Belgique plus d'or
que Guillaume ne lui en réclame, est un
signe éclatant de la confiance. que nous
mettons en elle et en nous.
La situation militaire
(Communiqués officiels.)
Dans les Vosges, la situation générale
nous a déterminés à ramener en arrière nos
troupes du Donon et du col de Saa(es. Ces
points n'avaient plus en effet d'importance
étant donrté que nous occupons la ligne (or-
ti(iée qui commence au Grand-Couronné de
Nancy. Lunéville a été occupé Par les Alle-
mands
A Namur, les Allemands font un grand
effort contre Les forts qui résistent énergi-
quement. Les forts de Liége tiennent tou-
jours.
L'armée belge est tout entière concentrée
dans le camp retranché d'Anvers, mais c'est
sur la vaste ligne allant de Mons à la fron-
tière luxembourgeoise que se joue la gros-
se partie.
tfos troupes ont pris partout l'offensive
Leur action se poursuit régulièrement, en
liaison avec l'armée. anglaise.
Nous trouvons en jacé de nous dans ce
{ mouvement offensif la presque totaLité de
L'armée allemande formations actives et
formations de réserve.
Le terrain des opérations, surtout à notre
droite, est boisé et difficile.
Il est à présumer que la bataille durera
plusieurs jours
L'énorme extension du front et l'impor-
tance des effectifs engagés empêchent de
pas à pas les mouvements de chacu-
ne de nos armées.
Il convient en efjet pour apprécier cette
siluation, d'attendre un résultat qui serve
de conclusion la première phase du corn-
bat.
Si l'on procédait autrement, on fournirait
la presse des données divergentes et' con-
tradictoires puisqu'une telle bataille est né-
cessairement jaite d'actions et de réactions
qui se succèdent et s'enchaînent de façon
continue.
D'ailleurs des injormations fournies au
xours du combat sur la position momenta-
née de nos armées risqueraient d'autre part
de procurer à l'ennemi des renseignements.
Comment sauta un fort de Liège
Le fort de Chaaudfontaine, à Liège, a été
le théâtre d'un acte d'héroïsme qui affirme
une fois de plus avec éclat la valeur de l'ar-
mée belge. Ce fort, ctui commande la voie
ferrée d'Aix-la-Chapelle à Liège, par Ver-
viers et le tunnel de Chaudfontaine, était
commandé par le major Namèche. Il a été
'soumis par les Allemands à un bombarde-
ment continuel extrêmement violent.
Lorsque le fort ne fut plus qu'un mon-
ceau de décombres et que le commandant
jugea la résistance impossible, il barra le
tunnel en y faisant entrer en collision plu-
sieurs locomotives et en mettant ensuite le
feu aux fourneaux de mine.
Sa mission était dès tors terminée. Le
commandant Namèche ne voulut pas cepen-
dant que le drapeaü allemand flottât même
sur les ruines de son fort. Il mit le feu
ses poudres et se fit sauter.
Un tel acte d'héroïsme. se passe de com-
mentaires.
La victoire des Russes
sur les Allemands
a été dëcislYe
L'ARMÉE ALLIEE VERS
ROME, 23 août. L'ambassade de Rus-
sie à Rome confirme que les Russes ont
remporté une victoire décisive à Gum-
binnen elle est même plus importante
que ne l'avaient indiqué les bulletins of-
ficiels.
Trois corps d'armée allemands ont dû
prendre la fuite devant l'offensive des
troupes russes.
A la suite de cette victoire, aucune ré-
sistance n'est plus possible de la part
des Allemands. En effet, les armées rus-
ses pénètrant en Allemagne avec des
forces sept fois supérieures à celles que
les Allemands peuvent mettre en ligne.
Le projet de l'état-major russe est de
marcher droit sur Berlin. (Fournier.j
A nos frères belges
L'HOMMAGE' DE LA FRANCE
A LA VAILLANCE, D'UN PEUPLE
(Communiqué officiel.)
Si l'bn itous eût dit, il il a trois semaines,
en ce premier dimanche de la guerre, où la
France attendait la décision de Londres et
pouvait douter encoré. de voir à ses côtés,
et là flotte et l'armée de l'Angleterre, si l'on
nous eût dit que üngt-deux jours après nous
aurions pu terminer tous nos préparatifs
et que, sur tout le front, ou presque, le ter-
ritoire national serait indemne, qui donc
l'eût admis sans conteste ?
Oh nous savons le prix dontfut achetée
notre sécurité présente Nous savons quels
en sont lés ouvriers véritables. Nos troupes
ont fait leur devoir, mais l'héroïque nation
belge a fait plus que le sien.
Etle se'devait à elle-même. elle nous de-
vait aussi de défendre sa neutralité. Nous
attendions tout de sa loyauté et de sa vail-
lance. Mais elle a dépassé notre attente
c'est elle qui, par sa résistance oostinée, a
permis notre mobilisation, notre concentra-
lion, le débarquement de nos alliés dans nos
ports, leur arrivée sur le front de bataille
et l'organisation systématique de cette guer-
re en commun c'est de poitrines liégeoises
qu'a été fait notre premier rempart c'est
la nation belge tout entière qui, donnant son
sang, donnant son territoire, donnant sa
capitale, a voulu que Liége et Anvers devins-
sent dans l'Histoire synonymes de Thermo-
pyles et de Marathon > ̃̃-•-̃•
Frères belges, nous vous avons apporté,
il y a soixa nte-trois ans, l'indépendance
vous nous payez votre dette au. centuple
jarnais nos f ils et les fils de nos fils, à tra-
t'ers les siècles, n'auront pour vous assez
de reconnaissance et d'amour.
La sur l'affaire
du 21 août
LE RECUL EN LORRAINE
L'inébranlable confiance que j'ai dans
la valeur de nos troupes et la résolution
de leurs chefs me donne la liberté
d'esprit nécessaire pour m'expliquer sui
l'insuccès que nos armes viennent de
subir en Lorraine.
Un incident déplorable s'est produit
Une division du 15° corps, composée de,
contingents d'Antibes, de Toulon, de
Marseille et d'Aix, a lâché pied devant
l'ennemi. Les conséquences ont été cel-
les que les communiqués officiels ont
fait connaître. Toute l'avance que nous
avions prise au delà de la Seille, sur la
ligne Alaincourt, Delme et Château-Sa
lins, a été perdue tout le fruit d'une ha-
bile combinaison stratégique, longue-
ment préparée, dont les débuts heureux
promettaient les plus brillants avanta-
ges, été momentanément compromis.
Malgré les efforts des autres corps d'ar-
mée, qui participaient à l'opération, et
dont la tenue a été irréprochable, la dé-
faillance d'une partie du 1& corps a en-
traîné la retraite sur toute la ligne.
Le ministre de la guerre, avec sa
décision coutumière, a prescrit les
mesures de répression immédiates et
impitoyables qui s'imposaient: L'heure
n'est plus, en effet, aux considéra-
itions de. sentiment. Tout le monde
doit être aujourd'hui convaincu, du
général en chef au dernier soldat,
qu'il n'y a, en face de l'ennemi, qu'ur
devoir, que nos aïeux de la Révolution
ont su faire accomplir vaincre ou
mourir..
Nous sommes assez forts et assez sûrs
de nous pour reconnaître les fautes dès
qu'elles se sont commises et avouér le
mal aussitôt qu'il apparaît. Nous avons
l'inébranlable résolution de réparer.les.
unes et de remédier il l'autre.
.Aussi bien l'incident, pour navrant
qu'il soit, sera-t-il, nous en avons la
ferme conviction, sans lendemain. D'ail-
leurs il faut dire qu'il doit être sans in-
fluence sur l'ensemble de la manœuvre.
Surprises sans/doute par les effets ter-
rifiants de la bataille, les troupes de l'ai-
mable Provence ont été prises d'un
subit affolement. L'aveu public de leur
impardonnable faiblesse s'ajoutera
la rigueur des châtiments militaires.
Les soldats du Midi, qui ont tant de qua-
lités guerrières, tiendront à honneur
d'effacer, et cela dès demain, l'affront qui
vient d'être fait, par certains des leurs,
à la valeur française. Elles prendront,
nous en sommes convaincu, une glo-
rieuse revanche et montreront qu'en
France, sans'distinction d'origine, tour
les soldats de nos armées sont prêts, jus-
qu'au dernier, à verser leur sang pour
assurer contre l'envahisseur menaçant
le salut 'de la patrie.
A. Gervais
Sénatenr de la Seine
BLESSÉS
Tombés héroïquement, ils n'aspirent tous
qu'à retourner au feu
A VICHY
Ls mois d'août amène d'habitude, dans les hôtels et les somptueux palaces de
la station thermale connue du monde entie7-. une foule élégante et oisive. Cette an-
née conséquence de la guerre ces mêmes hôtels sont transjormés en
taux militaires, où nos héroïques soldats viennent guérir au plus vite leurs bles-
sures, impatients qu'ils sont de repartir vers le front, vers la gloire.
VICHY, 22 août. De l'envoyé spécial du
« Matin ». -Je viens de voir ceux qui sont
tombés vivants sur le sein de la patrie.
C'était le quatrième convoi qui arrivait à
Vichy. L'angoisse du petit jour ajoutait en-
core au spectacle. Mais soyons ferme ce
sont des soldats qui vont passer.
Voilà vingt-huit heures qu'ils sont cou-
chés dans ces fourgons. Le train les a pris
à Saint-Dié. La balle ou les obus les avaient
pris plus avant.
Ceux qui portent l'auguste plaie à la.tête,
aux bras, à l'épaule descendent d'eux-mô-
mes sur le quai ceux qui la portent aux
jambes ou à la poitrine défilent sur la ci-
vière.
Les regards sont les mêmes et les uns
comme les, autres ont entre les lèvres ou
entre les doigts une cigarette qui fume:
c'est leur façon de se faire précéder d'un
panache. Au milieu de ceux-là, quelques-
uns n'ont pas de cigarette leurs bras sont
immobiles, leur tête est dans la ligne du
corps ils gisent. Saluons plus bas.
Les premiers sortent de la gare, se grou-
pent les civières sont posées sur des auto-
mobiles de luxe. On se dirige vers les pa-
laces, devenus des hôpitaux.
Tragique armée qui vient de traverser la
poudre
Artilleurs, fantassins, chasseurs avec bé-
ret, chasseurs avec képi, souliers ouverts,
poitrine nue, le bras bandé, le front bandé,
la joue bandée, portant sur le dos leur mu-
sette, que la pointe d'un casque souve-
nir i semble protéger du tonnerre, re-
couverts de leur capote souillée de boue,
percée de balles, descendent dans la ville
des smokings et des toilettes légères.
Ils gagnent les lits qui leur sont préparés
dans les grands hôtels mobilisés.
C'est lu que l'après-midi je suis allé leur
parler.
Le premier que j'abordai était coucha
pour quatre balles dans les deux cuisses.
Croyez-vous que c'est de la veine, ma
dit-il, de les avoir accrochées toutes les
quatre Ça fait qu'il reste trois capains-da,
plus pour leur casser la gueule
Son voisin était un gars de la Haute-
Loire. Vous allez voir qu il a les reins aussi
solides que les rochers de son pavs. Il mo
dit
A Cirey, j'ai reçu un boulet sur mon
sac, et mon sac était sur mon dos. Sous
ce poids ma poitrine s'entonça dans la terre.
Je ne bougeai plus, j'attendais d'éclater en
petits morceaux. J'attendis une demi-heure.
Comme je n'éclatais pas ni le boulet
je me soulevai de l'épaule droite de façon
à le faire rouler à terre. Il roula gentimen6
C'est dommage qu'il ait été si gros, je l'au.
rais emporté, comme breloque, à ma fiancée.
Dans une autre salle je trouvai un ancien.
u Bat'd'Af ». Il avait un magnifique papil
Ion tatoué sur le cou.
J'en avais un pareil au mollet droit,
me dit-il, j'y tenais comme à mon. tabac.
C'est justement sur cette jambe que des
éclats/d'obus sont venus me chatouiller. Le
reste de la jambe, je m'en fous Ponrvu
qu'ils ne m'aient pas 'effacé mon papillon
Dans une autre rangée, trois soldats du
même bataillon.
C'est peut-être bien de notre faute si,
nous sommes ici, disent-ils. Notre comman-
dant tomba dès le début de l'action. Nous
perdîmes aussitôt deux lieutenants ainsi,
sans commandement, sans nous soucier dE'
ce qui se passait devant, derrière et sur les
côtés, mettant baïonnette au canon à 1.200-
mètres de l'ennemi, notîs partîmes en char-,
tant. Un de mes camarades qui marchait à
mon côté me criait « Ne chante pas, ça
fait perdre du souffle, soigne le moteur.
Le moteur marchait bien. On avançait,
n'est-ce pas, les gars ? Et. zut, on toml>>.>
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