Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-03-29
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 mars 1910 29 mars 1910
Description : 1910/03/29 (Numéro 9527). 1910/03/29 (Numéro 9527).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/05/2008
*•
Ï.E MATIN
29 3 10
CONTE DES MILLE ET UN MATINS
La Lettre
ME Annette, la mercière
de Mondragon, versa la
soupe fumante dans les
grosses assiettes rouges
et bleues, et ouvrant la
porte qui séparait de la
boutique la petite salle à
manger, elle appela sa
fille
Maria Viens dîner. Qu'est-ce gue tu
Le crépuscule d'été éclairait encore le
parquet bien lavé et le comptoir luisant, les
boîtes blanches Qui contenaient les aiguilles
et le fil, les rouleaux de ruban et la robe
claire de Maria, l'infirme. Debout près de
la petite fenêtre sur l'appui de laquelle des
pots de basilic arrondissaient leur boule
odorante et verte, elle regardait la route où
deux promeneurs passaient en ce moment
un homme et une jeune femme blonde.
Pressés l'un contre l'autre, ils marchaient
avec lenteur, avaient des visages bienheu-
reux, des yeux larges qui semblaient ne
rien vcir. Et Maria s'appuyait contre la
vitre, très fort, comme si elle eût voulu la
briser, et du même coup, se rompre le
front.
-Mari?!
Je viens.
Elle traversa la boutique, falote, boitil-
larde, avec son épaule tron haute, sa jambe
trop courte. A table, sous la lumière de la
lampe, elle parut plus vieille que sa mère.
Elle avait les 'chcveux rares et ternes, le
teint gris, la bouche large, les pommettes
saillantes les yeux seuls étaient beaux,
grands et bleus, des yeux de martyre, pleins
de détresse, 'd'exaltation et de fièvre.
Dans le voisinage tinta la cloche d'une
porte rustique.
Tiens dit jovialement Mme Annette,
nos amoureux qui rentrent.
Maria murmura
Oui Je viens de les' voir passer.
Et elle rêva, affaissée sur elle-même, le
col tendu et le visage crispé.
Depuis que ces deux Parisiens avaient
loué la petite maison dont Mme Annette
était propriétaire et qui touchait à la sienne,
la tristesse que ressentait l'infirme le sa
laideur et de sa solitude était devenue plus
atroce. Sans doute elle n'avait point attendu
leur présence pour cor.nnître l'amertume,
étant difforme, do songer l'amour. Au-
tour d'elle, des- intrigues s'étaient nouées,
des accordaille's s'étaient faites. Mais la
lecture des feuilletons, oui occunait ses
long-ues journées inactives, avait,' tout en
exaltant son imagination, en déformant sa
conception des choses, quelque peu affiné
ses goûtes. Elle trouvait grossiers les
amants du village, et son envie de leurs joies
se nuançait de Ces étrangers, au
contraire, étaient élëarants- et beaux.
L'existence de Maria, maintenant, -était
faite de l'observation avide, envieuse, dé-
solée, de l'existence qu'ils menaient. Des
l'aube, elle était dans le jardin, d'où l'on
voyait les fenêtres de la maison heureuse.
L'été passait. Vers la fin d'août, l'homme
dut s'absenter quelques jours et. l'amou-
reuse alors cessa toutes promenade. Elle
ne sortit plus de chez elle que pour aller à
la poste porter les lettres qu'elle venait
d'écrire, et prendre celles qui l'attendaient.
Elle revenait très vite, la chère enveloppe à
la main, et Maria l'apercevait ensuite,assise
près de la fenêtre ouverte, avec ce bout
de papier étalé devant elle sur une petite
table et dont, pendant des heures, elle ne
détachait plus ses veux.
Puis le jeune homme revint, et en sep-
tembre, tous deux reoartirent, définitive-
ment cette fois, pour Paris. Le lendemain
de leur départ, qui était un dimanche, Mme
Annette s'en fut avej/une femme de ser-
vice pour ranger la, maison. Maria les
accompagnait. Quand elle fut entre ces
murs, qui avaient abrité tant d'amour, tout
son pauvre cœur de délaissée se tordit dans
sa poitrine. Lamentable, elle errait de
chambre, en chambre, traînant sa jambe
courte, et balançant sa tête lourde. Et
voici qu'en soulevant, pour en secouer la
poussière, un des rideaux de cretonne, près
de la -petite table où étaient encore l'encrier
et quelques plumes rouillées, elle aperçut,
sous les plis traînants, une lettre, glissée
sans doute du buvard de la jeune femme,
une de ces lettres qu'elle lisait comme on
fait sa prière.
L'infirme la ramassa comme on vole,
toute rouge et les doigts tremblants.
Au jardin, abritée du soleil et du regard
des hommes par les troènes épais, assise
sur sa petite chaise aussi basse qu'une
chaise d'enfant, Maria lut la lettre, et la
relut dix fois. Il y avait la-dedans des phra-
ses comme on. n'en avait jamais imprimé
dans aucun roman. C'était un appel, une
supplication, une confidence minutieuse des
moindres instants passés loin de la femme
aimée et tout occupés d'elle. Et dans ces
phrases qui coulaient jusqu'au fond du
cour, comme des anneaux d'or dans l'eau
limpide d'une source, et le laissaient tout
illuminé, revenait sans cesse l'allusion aux
yeux bleus de l'amoureuse, à la beauté de
ces yeux bleus, au désir de revoir ces yeux
bleus.
Maria,aussi avait les yeux bleus et ces
yeux étaient beaux, elle le savait. Ah ne
pouvait-elle se faire l'illusion que cette
lettre avait été écrite pour elle, par quel-
qu'un qui l'aimait et qui reviendrait un
jour
Son imagination de malade et d'exaltée
conçut le roman, inventa les détails, se per-
̃ suada de leur réalité, et elle pleura presque
de joie en appuyant ses lèvres fanées sur
les phrases qui contenaient les mots les plus
doux.
Dès lors elle vécut en compagnie du brû-
lant papier, le cachant dans son corsage le
jour, et la nuit sous son oreiller. A tout
moment, elle le relisait et murmurait tout
haut, pour se bien convaincre elle-même
«#Je pense qu'une tardera pas beaucoup à
revenir.
Elle songeait qu'on trouverait cçtte lettre
sur elle, quand elle serait morte, et elle se
plaisait à se représenter la surprise de tous,
les suppositions qu'on ferait, et l'envie des
filles qui étaient belles, mais dont les amou-
reux balourds savaient à peine écrire.
Aux premiers jours du printemps, elle
était dans la boutique quand la porte s'ou-
vrit devant une acheteuse qui- n'était pas
une femme du village, puisqu'elle avait un
chapeau, une voilette et des gants. Maria la
regarda avec surprise, puis elle la reconnut,
et une espèce de colère monta en elle.
Bonjour, mademoiselle Maria, dit dou-
cement la jeune femme. Je vais à "Marseille
et me suis arrêtée ici, entre deux trains.
Est-ce que je pourrais revoir la petite mai-
son, les chambres ?.
Elle était pâle, avait de pauvres yeux pro-
fondément creusés, et Maria comprit tout
de suite qu'un grand malheur lui était arri-
̃ vé. Elle prit les clefs et l'accompagna.
Dès qu'elle eut franchi le seuil, la visi-
teuse se mit pleurer. Alors, Maria, pleine
d'angoisse, murmura
Il est mort ?
-Non, dit la malheureuse, il se marie.
Et oubliant à quelle humble créature elle
faisait confidence de sa vie
Il a exigé que je brûle ses lettres.
toutes. par prudence. et je l'ai fait. par
amour. Maintenant je n'ai plus rien de
lui
Les doigts de Maria se crispèrent sur son
corsage.
Mon seul souvenir est cette maison où
nous nous sommes aimés. Mais quand
pourrai-je y revenir ?. Je pars pour un
pays. si loin.
Les doigts de Maria étaient toujours sur
son corsage, mais tandis que la main gau-
che continuait de se crisper, '¡hostile, défen-
dant son trésor, la main droite, lentement,
écartait l'étoffe, en tirait le papier plié.
Il vous a quittée Vous êtes jolie
pourtant.
Hélas cela ne sert rien d'être
jolie. Si vous- saviez
C'est vrai, cela ne servait à rien, puis-
qu'elles étaient pareilles en ce moment, l'in-
firme et li belle fille, aussi misérables,aussi
pauvres d'amour l'une que l'autre.
Tener dit brusquement Maria, en
rangeant la maison, à l'automne j'ai trouvé
ça.
Et tandis que la délaissée, sans chercher
à bien comprendre, s'emparait du papier,
le lisait, le pétrissait de ses mains en fiè-
vre, Maria avait l'impression de n'être plus
une infirme, une « hors la vie », mais une
femme comme toutes les autres, qui a eu sa
part de bonheur et qui ne l'a plus.
Seulemént, elle, c'est volontairement qu'elle
renonçait, et la grandeur du sacrifice l'exal-
tant et la soutenant, ce ne fut pas tout de
suite qu'elle éclata en sanglots.
André Corthis.
Une idée de femme par lonr
Phot. Félix
Les tissus cachemire, dont on fera des ro-
bes très éléganles, se retrouveront sur les
chapeaux. Celui-ci, très jeune de forme, 'n'est
qu'une large calotte en paille d'Italie sa
garniture est la même que celle des- revers
du corsage, en tissu formant galon, ce qui
fait un ensemble charmant.
MAGDELEINE Chaumont.
COURRIER DE LA MODE
Josette. N'employez pas d'autre poudre
de riz que le Duvet de Ninon, la seule adoptée
naguère par la toujours bette Ninon de Len-
clos. Elle communique à l'épidémie une
blancheur diaphane, 'elle est invisible et très
adhérente. Vous la trouverez en quatre
nuances blanche, rosée, naturelle et rachel.
Prix 3 fr. rô, franco 4 fr. 25. Parfumerie Ni-
non, 31, rue du 4-Septembre. (Communiqué.)
AU THEATRE
De Carmen en Carmen
{Les Carmen se suivent et ne se ressemblent
pas. En face de la gitane triste et fataliste
campée par Mlle BrévaV, se dresse une Car-
mén ardente et sauvage. Mme de Nuovina,
qui a reprts le rôle qu'elle avait marqué d'un
cachet si personnel, ve2tt bien nous dire à son
tour quelle eat sa conception de la célèbre
héroïne de Bizet.]
Phot. P. Berger.
-̃ Mm" DE NUOVINA
Pour défen-
dre ma con-
ception d'un
personnage
qui m'est si
cher j'ai ait-
tendu d'avoir
le droit de
parler.. Appe-
lée aujour-
d'hui à inter-
préter à nou-
veau te rôle
où vient de se
faire applau-
dir une cama-
rade dont la
conception
est diamétra-
lement oppo-
sée à lamien-
ne, je suis
heureuse de
pouvoir dire
ici comment
je comprends
l'héroïne que
j'aime entre
toutes.
Non, Car-
men n'est pas
une tris s tte
qu'obsède la
fatalité, et
j'en atteste
ses pères. Au
reste la voici telle qu'elle m'apparalt mu-
sicalement dans la partition de Bizet, dra-
matiquement dans le livret de Meilhac et
La recherche de la vérité au théâtre a
donné aux interprètes une nouvelle con-
science de leurs obligations artistiques.
L'exactitude de la mise en scène moderne,
ses reconstitutions scrupuleuses, ses saisis-
santes évocations d'atmosphères particuliè-
res font que l'on entoure de soins attentifs
les chefs-d'œuvre traditionnels et Carmen
est de ce nombre. Aussi n'est-ce pas dans ce
sens^que j'aurais grand mérite à fixer mon
personnage.
Toutes les chanteuses un peu brunes de
cheveux, un peu vivres de tempérament
songent. chanter Carmen, comme tous les
pianistes un peu névrosés aspirent à jouer
et les tragédiennes un peu passion-
nées, Phèdre il y a, paraît-il, des états de
grâce auxquels les grâces d'état ne suffisent
pas toujours. Je vous dirai' cjiic ce que je
vois dans le personnage de Carmen, n'ayant
pas qualité pour juger ce que j'y fais.
J ai naturellement, comme toute Carmen
un peu consciencieuse, beaucoup étudié l'ad-
mirable nouvelle de Mérimée mais j'estime
que si bien des détails v sont propres à
suggérer une mise en scène nittoresque, ce
n'est peut-être pas là le bon chemin par où
accéder à la pensée intime du musicien.
Mérimée est un. Le livret, merveilleusement
conçu, est autre. Et Bixet n'est ni tout à fait
1,'un, ni tout à fait l'autre. S'il dépasse les
convenlions factices de l'ancien opéra
parlé, il n'atteint pourtant nas'les profon-
deurs psychologiques du drame musical mo-
derne et c'est, à mon avis, trahir l'auteur
que de faire exprime' à son héroïne --aussi
bien dans le geste que dans le chant des
sentiments de cette nature. Mais voilà, Car-
men est un personnage si souple qu'on peut,
au gré des tempérament, la parer des ver-
tus les nlus singulières. Elle devrait pour-
tant rester toujours ce qu elle est originai-
remuent une héroïne d'opéra comique.
Malgré moi me vient à l'esprit, en songeant
à la Carmen moderne, cette nhrase que
Louis Gallet ment, dans la bouche d'un juré
d'un certain concours musical du second
Empire « Voulez-vous que je vous donne
un sujet ?••̃ C'est Carmen il y a là uri
opéra dans le genre de Fra Diauolo, avec
Un rôle d'Anglais bouffe, il n'y en a ja.
mais eu, fort heureusement, dans Carmen
de Bizet mais il y a le Bancaire, le Remen-
dado il y a l'ingénuité savoureuse de Mi-
caëla, l'ardeur héroïque du a canari » de
don José, la barytonnanle fatuité du toréa-
dor, les ensembles piquants, les chcéurs
alertes, les seconda rôles, dont pas un n'é-
chappe il la loi théâtrale de l'opéra comique.
Qumt 0 Carmen elle-méme, elle est mar-
quée d'un caractère nlus net et plus précis
elle existe, elle vit, mais non par la façon
d'une femme accablée par la falalilé. C'est
avant tout et par-dessus tout une indomptée
et une indomptable sa fierté sauvage ne
nlia devant rien, nas méme devant la mort,
elle la pousse au contraire à braver. Par
fierté aussi, elle est franche jusqu'à la bru-
talité. A quoi bon mentir d'abord ? N'est-
ce pas plier que de dissimuler sa pensée ?
Ajoutez à cela qu'elle est capricieuse à n'en
point douter, et surtout gaie, très gaie,
d'une gaieté qui va jusqu'à la provocation.
Bizet lui-même, dans la dernière de ses let-
tres il Edmond Galabert (1872), annonce
Carmen en ces termes CI Ce sera gai, dit-il,
mais d'une gaieté qui permet le style. n
L'opinion de Bizet me nâratt faire autorité
en celte matière. Qui songe à Gœthe eh
entendant clanter Faust on à Shakespeare
en écoutant Roméo? D'ailleurs si je vou-
lais appuyer ma conception de Carmen sur
une autorité dont on nr suspectera pas les
tendances modernistes, je n'aurais qu'à ci-
ter cette lettre de Nietzsche où, parlant de
Carmen, il célèbre le retour la nature,
à la santé, à la gaieté, à la jeunesse, à la
vertu".
Mais cela nous entraîne trop loin, n'est-
ce pas ? Concluons donc plutôt, avec Méri.
mée lui-même, que u quand Carmen riait,
il n'y avait pas moyen de parler raison n.
Aussi, quand nous narlons de Carmen.
parlons gaieté, exubérance, tempérament
indompté, sautes d'humeur, passion. Par-,
lons surtout musique c'est encore, Dieu
merci, le moins raisonnable des langages.
1\1, DE NUOVINA.
INDISCRÉTIONS COMMUNIQUÉS
'Aujourd'hui, au théâtre des Arts, à 4 h. 3/4,
M. Sacha Guitry fera sa causerie familière sur
la force physique, la peur, le duel, le courage
et quelques autres choses, avec le concours
de Mlles Marthe Mellot, Gilda Darthy, Char-
lotte Lysès, MM. de Max, Jean Cocteau, etc.
Th. Femina, 3 h., matinée pour la jeu-
nesse, le Général Bob. Tel. 528-68. Métro Aima.
Dès demain l'Opéra-Comique va reprendre
les répétitions d'ensemble d'Ariane et Barbe-
Bleue. L'œuvre de Paul Dukas est prête à pas-
ser et la primeur de cette reprise sera offerte
des la semaine prochaine aux représentations
d'abonnement. très probablement le mardi
5 avril,
M. Jean Coquelin, qu'une indisposition avait
tenu éloigné du théâtre pendant quelques
jours, est aujourd'hui tout à fait remis. Il re-
prendra ce soir dans ChanUcler son rôle de
Patou et celui du directeur dans le prologue.
L'Odéon affiche pour dimanche prochain
en matinée populaire -à prix réduits avec lo-
cation, Phèdre (avec Mlle Gilda Darthy dans
le rôle de Phèdre), et le Légataire universel.
En soirée, à 8 h. 1/2, l'Arlésienne. orchestre et
choeurs Colonne.
A l'Ambigu le Péché de Marthe ne sera plus
joué que jusqu'au dimanche soir 3 avril. La
dernière matinée sera donnée dimanche à
deux heures.
Dans la première semaine d'avril passera
Prostituée, la pièce que M. Henri Desfontaines
a tirée du roman de M. Victor Margueritte.
Le Trianon-Lyrique annonce pour jeudi
prochain une matinée de la Fille de Madame/
Angot, avec Mlle Rosalia Lamurecht. Le soir
on donnera avec Don Pasquale, le Chalet, au
lieu de la Chanson da Fortunio
Les grands concerts.
Chez Colonne, dimanche prochain, au Châ-
telf-t, deuxième et dernière audition des Béa-
titudes. Le chef-d'œuvre de César Franck sera
donné avec le concours de MM. Delmas, Alt-
chewsky, de l'Opéra, et Mme Auguez de Mon-
Lamoureux, à la salle Gaveau, Mlle
Raveau, de l'Opéra-Comique, interprétera
deux mélodies de M. de Saint-Quentin (lr° au-
dition)", et l'air de Serse de Heendel M. Ai-
fred Cortot se fera entendre dans le concerto
de Schumann le programme comprendra
entre autres œuvres la symphonie en ut mi-
neur de Beethoven, et Mort et Transfiguration
de Richard Strauss
Olympia, Ce soir irrévocablement, mirée d'a-
dieu de JFregoli. Demain mercredi relaclie. Jeudi
3t.mars répétition générale à bureaux ouverts de
la Grandi Revue.
A Barrasfdrd's Alhambra. Pendant quelques
jours seulement la Croix Mystérieuse grande
illusion présentée par Carlton.
Au Nouveau-Cirque, aujourd'hui «mardi, matinée
avec la Crtasse au Cerf.'
Profitez des vacances de Pâques pour aller entre
2 et 6 heures au cinématographe des Grands Maga-
sins Dtifayol dont le succès toujours grandissant
est justifié par les soins apportés à la composition
du programme complètement renouvelé. De 2 à
6 heures, au Palmarium, concert symphonique et
L'Art décoratif français
est en péril
Une invasion allemande
Il'y a quelques jours un certain nombre
d'artistes se sont indignés de ce que les
industries du décor et de l'art ornemental
n'étaient pas officiellement représentées à
l'exposition de Bruxelles. C'est là en effet
un échec fâcheux pour leur section, mais un
problème grandit à l'horizon qui dépasse sin-
gulièrement en importance celui pour lequel
ils viennent de s'alarmer.
Il n'-est question de rien de moins pour eux
que de se laire écraser,au mois de septembre
prochain, par une formidable exposition
d'art décoratif étranger qui se tiendra à Pa-
ris et où des voisins plus méthodiques appor-
teront un total d'efforts bien fait pour don-
ner dès maintenant à réfléchir.
Nous voulons parler de l'exposition déco-
rative allemande au prochain Salon' d'au-
tomne. Un comité français visitait l'exposi-
tion d'art décoratif de Munich, en 1908.
Frappé par les résultats atteints dans ce
centre actif d'art moderne, et se souvenant
que le Salon d'automne qu'il représentait est
un groupement d'avant-garde, ce comité in-
vita les Allemands à manifester à l'une de
nos prochaines expositions. Afin de se bien
préparer, l'Allemagne prit date pour 1910.
Dès 1909, elle fit savoir qu'elle aurait besoin
d'une grande superficie. Elle précisa il/lui
fallait tout le rez-de-chaussée du Grand-Pa-
lais Le gouvernement bavarois accordait
uqe subvention de 100.000 marks des dons
particuliers doublaient la somme.
D'ordinaire le Salon d'automne ne peut
disposer du Grand-Palais qu'au le' septem-
bre. La diplomatie .intervint. Le chargé d'af-
faires bavarois à Paris obtint que le Grand-
Palais serait mis a la disposition de ses com-
patriotes dès le 1" juillet.
Face cette énorme démonstration, qu'al-
lons-nous apporter ?
D'abord l'envoi restreint d'un petit
nombre d'artistes industriels avant des
moyens de fabrication, des usines, et comme
tels tenus à l'écart par les artistes purs
qui ont pour le commerçant un dédain non
dissimulé. Puis l'envoi de ces purs, artistes
isolés, dont beaucoup sont très bien doués,
mais qui ne peuvent que difficilement se
produire parce qu'ils n'ont pas les moyens de
faire exécuter leurs conceptions, et parce
que d'autre part ils ne veulent pas recher-
cher ces moltens en essayant de s'entendre
avec les fabricants qui manquent pourtant
d'éléments créateurs.
Il adviendra donc que nos commerçants
d'art décoratif français seront en très gran-
de infériorité numérique, et que les artistes
seront réduits à emprunter des mobilier
déjà exécutés et déjà anciens aux quelque*
clients pour qui ils ont péniblement travaillé.
Autour de çe noyau, un nombre considéra-
ble ne pourront pas exposer ou ne présen-
teront que des œuvres cartes de visite n,
Le Salon d'automne va lancer un. appel
énergique aux artistes décorateurs, et l on
va totaliser le plus que l'on pourra d'oeuvres
françaises. Mais il est malheureusement à
craindre que les moyens financiers des ar-
tistes et le peu d'encouragement qu'ils trou-
vent ne leur rendent impossible d'exposer
des ensembles par quoi l'on peut seulement
juger des progrès d'un art,ornemental.L'Etat,
qui dépense des centaines de mille francs
pour une école Boulle, aurait l'occasion ici
d'un beau geste. Les œuvres réalisées trou-
veraient bien place dans un ministère, une,
préfecture ou un hôtel d'ambassade.
Car, pour dire vrai; c'est une grosse partie
économique qui va se jouer, abstraction
faite de la prééminence artistique. Si nos
artistes ne répondent pas à ceux de Munich
par des œuvres bien françaises et établies
aussi bon marché que les productions
étrangères, s'ils n'abdiquent pas leurs pré-
tentions à se faire payer 4-00 0/0 les mobi-
liers qui sortent de leurs mains, le goût pu-
blic qui n'est pas encore très assuré se por-
tera d'un coup sur les envois allemands qui
seront, dit-on, de prix abordables et dont on
assure que l'agrément décoratif est certain.
Quinze ans de sympathies françaises, péni-
blement acquises, peuvent ainsi bifurquer
d'un coup.
Dans le domaine strictement matériel, les
conséquences peuvent être des plus graves.
Encore que le Sénat ait hier résolu des droits
importants sur l'entrée du meuble étranger,
il n'est que trop clair que les exposants de
septembre prochain après avoir, par-des-
sus la frontière, tftté la clientèle française,
pourront it bref délai ouvrir chez nous des
maisons de fabrication et de vente, avec un
personnel ouvrier et des modèles importés,
désormais libres de toutes taxes.
Le danger donc existe très réel. A nos ar-
tristes d'apprécier si on s'obstinant à vendre
cher ils veulent rebuter le public, et si d'ici à
septembre prochain, avec tous les concours
qu'on doit leur souhaiter, ils se croient en
mesure de nouer une gerbe aussi grosse que
celle que nous enverra l'Allemagne.
LA ROUMANIE ET LES INONDÉS
Le journal roumain Wnwersul a publié
une très belle édition spéciale d'un numéro
exceptionnel au bénéfice des inondés de
France. En tête est reproduite, en autogra-
phe, cette belle pensée écrite pour la cir-
constance par S. M. la reine Elisabeth de
Roumanie (Carmen Sylva)
Il Ce sont les larmes non séchées nui dé-
6ordent sur la terre. Eusavcte, 1910.
Ce numéro obtient en ce moment en Rou-
manie un énorme succès. L'Universul a
versé 4.000 francs à la caisse des inondés
par l'intermédiaire de notre, ministre à Bu-
carest.
Chirurgiens des hôpitaux -Internes en
pharmacie.
Le concours annuel pour les places vacantes de
chirurgien des hôpitaux et hospices civils de Paris
vient de s'ouvrir et ses opérations, interrompues
par les vacances de Pâques, reprendront le 4 avril
prochain, fl y a une quarantaine de candidats.
Le jury est composé de chirurgiens des hôpitaux
dont les noms suivent.
MM. les docteurs Kichelot, Leguen (LaSnnec), Le-
jars (Saint- Antoine). Campenon, Omtirédanne (Ile-
rold, Marion (LarlnoislÈre), Achafd (Nocher).
Un concours pour la nomination aux places d'élo-
ve interne en pharmacie vacantes au fer juillet 1910,
dans les hôpitaux et hospices civils de Parls, s'est
ouvert il y a quelques jours'dans l'amphithéâtre de
la pharmacie centrale des hôpitaux et hospices
47, quai de la TourSelle. Les candidats sont au
nombre de deux cents environ. Le jury est compo-
se des pharmaciens des hôpitaux ci-après désignés
;:MM. Lalont (Pitié), Cousin (Gochin), Guitrocher'
(Ghar'*6), Somme!et (Dubois), Dumouthiers, Ch.P.
Thibault, 13arillé.
COMMUNIQUÉS DE LA
'VIE MONDAINE
DEUIL
On annonce la mort, à Saint-Brieuc, du
général Geslin de Bourgogne, du cadre de
réserve.
Les obsèques de M™ Nathalie Norat-Da-
vid, décédée, 16,rue S"-Cécile,auront lieu au-
ourdhui.Réunîon porte principale cimetière
Montparnasse, à 0 h. De la part de M.et Mmo
Roger '0 -et Mme Daniel IIirsch,M. Ma-
xime Norat, et des familles David, Bollack
PROTÉGEONS L'ENFANCE
« Le lait et le cœur d'une maman-né se
remplacent, jamais, n Ce mot du professeur
Pinard exprime le rôle, si nrécieux pour la
vie nationale,' que joue chaque mère de fa-
mille. Avoir des enfants sains,. beaux 'et
forts, avec une pensée robuste, telle est la
noble tâché qui incombe à toutes ies mères.
Or pour la réaliser, il faut préserver l'en-
fance des maladies multiules et traîtresses
qui sans cesse l'assaillent rhumes. bron,
chites, anérnie, débilité, surmenage, fièvres
éruplives ou de croissance; troubles de la
lutrition, etc. Pour éviter et combattre ces
maux, il suffit de fortifier l'organisme. Tou-
tes les mères ont pour cela il leur portée un
moyen aussi simple qu'infaillible le Win-
carnis, véritable médecin de la famille, toni-
que préventif idéal des maladies de l'enfance.
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de BRONCHITES, CATARRHES
VIEUX RHUMES NÉGLIGÉS
MIOROBE8 de la phtisie
détrnits par les Capsules de Goudron-Guyot
Un rhume négligé ou mal traité finit son-
vent par dégénérer en bronchite, quand il
ne se transforme pas en phtisie pulmonaire;
parfois les quintes deviennent si fréquenter
et si violentes que toute la constitution en
est ébranlée le sommeil est presque im-
possible, le pouls est fébrile la moindre
impression de froid redouble les souffrances.
Trop souvent, il se forme des tubercules^ qui,
en se multipliant, obstruent les poumons
lorsqu'ils viennent à suppurer, ils sont le
foyer de la désorganisation des cellules du
poumon et y occasionnent de larges pertes
de substance, que l'on désigne sous le nom
de cavernes. Le malade est pris d'une lan-
gueur sans souffrance, d'une mélàneolie
continuelle. Ses crachats, d'abord blancs,
spumeux et nacrés, virent de plus en plus
vers une coloration de mauvais augure, et
Il la dernière période, ils sont d'un gris ver-
dàtre. Son existence n'est plus qu'une lente
agpnie et il s'éteint en pleine connaissance.
On ne saurait donc trop prendre garde à
un rhume qui traîne en longueur, encore
plus à un commencement de bronchite. Il
faut arrêter le mal avant qu'il dégénère en
affection phis grave, et le plus sûr est de
l'enrayer dès le début.
Une cuillerée à café de Goudron-Guyot,.
mélangée à chaque verre d'eau ou de la
boisson que Ion a coutume de prendre à
ses repas, suflît pour guérir en peu de
temps le rhume le plus opiniâtre et la bron.
chite la plus invétérée. Cin peut même 'àrri-
ver ainsi à enrayer et A guérir la phtisie
bien déclarée. Dans ce cas, le Goudron ar-
rête la décomposition des tubercules du
poumon en tuant les mauvais microbes,
causes de cette décomposition. C'est sim,
pie. et vrai.
Si l'on veut vous vendre tel ou tel produit
au lieu du véritable Goudron-Guyot, méfiez-
vous, c'est par intérêt. Il est absolument né-
cessaire, pour oblenir la guérison. de vos
bronchites, catarrhes, vieux rhumes nêgh>
gés, et a fortiori de l'asthme et de la phtisie,
de bien demander dans les .pharmacies le
véritable Goudron-Guyot. Il est obtenu avec
du goudron d'un pin maritime spécial, crois-
sant en Norvège, et préparé sudvant les ins-
tructions de Guyot l'inventeur du
goudron comble ce qui explique qu'il est
infiniment plus efficace que tous les autres
produits analogues. Afin d'éviter toute er-
reur, regardez l'étiquette celle du véritable
Goudron-Guyot porte te nom de Guyot im-
primé en gros caractères et sa signature en
trois couleurs violet, ver, rouge, et en
biais, ainsi que l'adresse Maison FRERE,
19. rue Jacob, Pari.s.
Prix du Goudron-Guyot 2 francs Je flacon-
Le traitement revient à 10 centimes par
jour et guérit.
P.-S. Les personnes qui ne peuvent se
faire au goût de l'eau de goudron pourront
remplacer son usage nar celui des Capsliles-
Guyot au goudron dè Norvège de pin mari-
time pur,' en prenant deux ou trois cap-
suies à chaque repas. Elles obtiendront alors
les mêmes effets salutaires et une guérison
aussi certaine. Prises immédiatement avant
de manger, ou en mangeant, ces capsules
se digèrent très facilement avec tes aliments,
font le plus grand bien à l'estomac et em-
baument l'économie.
tes rentables Capsules-Guyot sont blan-
ches et la signature de Guyot est imprimée
en noir sur chaque capsule. Prix du flacon
2 fr. G0. ̃ •
Dépôt Maison Frère, 19, rue Jacob, Pa-
ris, et dans toutes les pharmaciens.
Que de malades, las de souffrir, écœurés
des drogues malfaisantes, ont été tentés de
recourir à l'homéopathie dont on leur a vanté
les belles cures, et ne l'ont pas fait, faute
de savoir en quoi consiste exactement cette
méthode trop ignorée. A ceux-là signalons
le Petit Manuel d'Homéopathie complexe, où
ils trouveront la description des maladies ai-
guës et chroniques, leur traitement homéo-
pathique, de précieux conseils d'hygiène
enfin le récik de guérisons réalisées depuis
douze ans par des docteurs,, prêtres, pas-
teurs, instituteurs, avec noms et adresses.
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FEUILLETON DU « MATIN »
DU 29 MARS 1910
Le Remous
roman inédit
GASTON CHER AU
DEUXIEME PARIE
B/UH1ISTOC
Lorsque le procureur et le juge d'instruc-
tion sortirent de la'maison de Faroulet, la
break de Quatreloup les attendait pour les
conduire chez Morineau.
Sur le pas de la porte, le procureur prit
la main de la Zine, et de force, voulut y
glisser une pièce, mais d'un coup de poignet
la Zine se dégagea, et les sourcils froncés,
les traits durcis, elle dit au procureur
• Vous croyez donc être entré dans un
cabaret ?
Quand elle prenait cet air respectable, les
Tous drotts de reproduction et de traduction ré-
jervés en France et l'étranger.
Copyright 1909 by Gaston Cbérau,
galants les plus risque-tout perdaient leur
entrain, pensaient qu'ils venaient de com-
mettre une sottise et n'avaient plus assez
de mots pour tenter de se la faire pardon-
ner.
Voyons insistait timidement le pro-
cureur. Je vous eu prie
Mais sans en entendre plus long, elle lui
tourna le dos et rentra dans la cuisine.
Le procureur affolé la suivait
Nous ne paierons pas notre repas, si
vous tenez Ce sera un petit souvenir.
Alors elle lui dit son habituel « Pas de
souvenir en pièce d'or ou d'argent »
Nous sommes des résmiers, nous,
moussu Nous ne vendons pas de repas.
Pourvu qu'on soit contrent, nous sommes
contents aussi.
Et comme le procureur s'entétait à lui pré-
senter sa pièce, elle ajouta, d'un ton de re-
proche, comme une grande personne raison-
nable, qui fait une observation à un jeune
homme
Ne soyez pas « disgracieux », moussu.
Vous devriez comprendre qu'ici tou bache-
ret (1) est ouvert au voyageur, allons!
Le procureur s'était approché d'elle par
derrière, et les lèvres près de son cou. les
yeux brillants, il lui chuchota
Eh bien, que voulez-vous comme sou-
venir
Elle le regarda par-dessus répaule, sou-
rit, très calme, et les paupières à demi fer-
mées,' elle repartit lentement
Je ne veux rien du tout. Une autre
fois, quand vous reviendrez par ici, vous
n'oublierez pas la maison. Ça me fait plai-
sir d'avoir chez moi des personnes de la
ville. Voilà ce que je veux. C'est moins ?.
Le procureur n'avait qu'à se pencher un
peu plus et à fermer les bras pour l'embras-
ser; mais à cet instant la Zine, qui jouait
avec les désirs de l'homme comme un chat
avec une souris, se retourna brusquement et
lui faisant face, elle lui dit gravement
Vous n'allez pas arrêter moussu Lu-
cien, hé ?.
Pourquoi ? fit le procureur étonné.
La Zine baissa les yeux, tortillant son ta-
blier.
Parce que. parce que je ne le veux
pas Moi, n'est-ce pas ?. je vous ai rap-
porté ce que je savais, pour « l'honnéteté de
la parole » mais je ne yeux pas que M. Lu-
cien aille en prison C'est un gentil sei-
gnou ». J'aurais trop de peine de ne pas le
revoir ici, allons
Ah il vient ici ?.
Quelquefois. glissa-t-elle en souriant.
Elle se dandinait, en belle fille qui prend
plaisir à parler du gars qui la possède.
Et sur un mouvement du procureur elle
ajouta vite, les mains jointes
Ne le dites pas devant Faroulet
J'aime mieux.
Le procureur continuait à hocher la tête.
Vous ne l'arrêterez pas, moussu Je
vous en prie D'ailleurs je ne le veux cas.
Faudrait-il dire qu'il est aussi yotee amant
Elle sourit silencieusement et le laissa ré-
péter
Hein ?. Faudrait-il dire qu'il est votre
amant. lui ?
Il crispait les poings sa voix devenait
âpre.
La Zine haussa les épaules.
Ça, fit-elle, je m'en moque Vous pou-
vez le dire. Ce n'est pas vrai' Je vous ai
badiné, allons 1. Le pôvre droulat Ce que
je m'en moque
Il vous fait la cour ?
Lui ?. Ah je pense qu'il perdrait son
temps Il s'en doute peut-être, allez Aussi
il ne se risque pas.
Le procureur la regarda, soupçonneux.
Sans plus insister, la Zine demanda en
baissant les yeux
Est-ce que vous allez chez Mprineau
Cela parut rappeler le procureur à ses
devoirs. Il sortit ses gants, dit encore une
fois, mais sans paraître attacher d'impor-
tance à ses paroles
Vous ne voulez rien accepter Bien
sûr
Et se dirigeant vers la porte, il soupira
Tant pis pour moi. Du moins je ne
vous oublierai pas.
Il ne faut pas m'oublier non plus
Sur le point de sortir, il se retourna en-
core, eut une hésitation, et talonné par sa
jalousie d'homme qui a passé l'âge des
conquêtes, finit cependant par lâcher
Et Morineau, faut-il l'arrêter, celui-ci ?
Son rire qui vibrait, métallique et sec, dé-
couvrait des dents de loup.
-Lui? dit la Zine.Que voulez-vous gue
ça me fasse ?. S'il est coupable, bien sûr,
qu'il ne faut pas le laisser échapper.
Vous savez bien s'il est coupable,
vous ?
Moi ?. Ah Santo-Bergo Non, je ne
le sais pas 1. Tout ce que je jure, c'est
qu'il n'était pas avec nous le soir de la re
présentation.
Où était-il ?,
Eh Que voulez-vous ?. répondit 'la
Zine en soupirant. Il était, le pôvre, à en-
tendre rêver le guatesquirrot dans les pins
Le procureur ouvrait les yeux, les sour-
cils haussés, mais la Zine éclata de rire et
reprit vite, sérieusement
Non, alions Je ne sais pas où il pou-
vait être Chez lui probablement.
Le procureur s'en allait vers la voiture,
mécontent, quand Zine courut à lni
Vous avez oublié votre canne, moussu
Et remuant à peine les lèvres, elle lui
glissa en le regardant dans les yeux
Il ne faut pas arrêter moussu Lucien,
Vous tenez tant que cela à lui ?
Hé dit-elle, c'est un joli garçon!
Le procureur eut encore une fois son rire
métallique.
Un instant après, quand la Zine se re-
trouva seule avec Faroulet, elle lui dit
r– ,Té L.. Je pense que maintenant le vieux
grigou, il ne lâchera pas facilement lou Lu-
cien Je le ferai marcher sur la tête, ce
rôtisseur du diable L..
Faroulet clignait des yeux, satisfait.
La Zine, qui réfléchissait à ce qu'elle ve-
nait de. faire, .dit en frissonnant.
Bouac Que les hommes sont dégoû-
tants
Le break arrivait à Balazet quand le pro-
cureur et le juge d'instruction virent Mori-
neau qui, l'espourguet à l'épaule, s'apprê-
tait à aller gemmer ses pins.
On le héla et à peine entré dans sa cui-
sine, on lui posa des questions.-
Il répondit sans hésiter, comme s'il avait
attendu l'enquête.
Ah 1 fit-il un moment, j'voé qu'on v'sa
donné des renseignements sur moé C'est
les gars du château, d'hasard ?. Eh ben
ils ont perdu leur temps Je l'répète
l'soir.quvous parlez, j'étais ben tranquille
dans mon lit et j'pensais point à leurs his-
toires de baladins. J'suis mal avec eux, ça,
on peut pas dire l'contraire. C'est pas une
raison pour aller faire flamber leurs landes.
J'varie pas
Quelle heure était-il quand vous avez
vu ,l'incendie?
Quelle heure t. Ben Y pouvait être
dans, les deux ou trois heures. Quasiment
plutôt trois heures. J'ai pas. r'gardé.
Le juge d'instruction se tut et puis, comme
s'il avait préparé le coup qu'il devait por-
ter, il prononça lentement
Trois heures 1. Comment se fait-il
alors que personne ne vous ait vu, non
seulement à Quatreloup, mais dans la lan-
de, à Harillon, par exemple, qui n'est pas
à une demi-heure d'ici
LA suivre.),
Ï.E MATIN
29 3 10
CONTE DES MILLE ET UN MATINS
La Lettre
ME Annette, la mercière
de Mondragon, versa la
soupe fumante dans les
grosses assiettes rouges
et bleues, et ouvrant la
porte qui séparait de la
boutique la petite salle à
manger, elle appela sa
fille
Maria Viens dîner. Qu'est-ce gue tu
Le crépuscule d'été éclairait encore le
parquet bien lavé et le comptoir luisant, les
boîtes blanches Qui contenaient les aiguilles
et le fil, les rouleaux de ruban et la robe
claire de Maria, l'infirme. Debout près de
la petite fenêtre sur l'appui de laquelle des
pots de basilic arrondissaient leur boule
odorante et verte, elle regardait la route où
deux promeneurs passaient en ce moment
un homme et une jeune femme blonde.
Pressés l'un contre l'autre, ils marchaient
avec lenteur, avaient des visages bienheu-
reux, des yeux larges qui semblaient ne
rien vcir. Et Maria s'appuyait contre la
vitre, très fort, comme si elle eût voulu la
briser, et du même coup, se rompre le
front.
-Mari?!
Je viens.
Elle traversa la boutique, falote, boitil-
larde, avec son épaule tron haute, sa jambe
trop courte. A table, sous la lumière de la
lampe, elle parut plus vieille que sa mère.
Elle avait les 'chcveux rares et ternes, le
teint gris, la bouche large, les pommettes
saillantes les yeux seuls étaient beaux,
grands et bleus, des yeux de martyre, pleins
de détresse, 'd'exaltation et de fièvre.
Dans le voisinage tinta la cloche d'une
porte rustique.
Tiens dit jovialement Mme Annette,
nos amoureux qui rentrent.
Maria murmura
Oui Je viens de les' voir passer.
Et elle rêva, affaissée sur elle-même, le
col tendu et le visage crispé.
Depuis que ces deux Parisiens avaient
loué la petite maison dont Mme Annette
était propriétaire et qui touchait à la sienne,
la tristesse que ressentait l'infirme le sa
laideur et de sa solitude était devenue plus
atroce. Sans doute elle n'avait point attendu
leur présence pour cor.nnître l'amertume,
étant difforme, do songer l'amour. Au-
tour d'elle, des- intrigues s'étaient nouées,
des accordaille's s'étaient faites. Mais la
lecture des feuilletons, oui occunait ses
long-ues journées inactives, avait,' tout en
exaltant son imagination, en déformant sa
conception des choses, quelque peu affiné
ses goûtes. Elle trouvait grossiers les
amants du village, et son envie de leurs joies
se nuançait de Ces étrangers, au
contraire, étaient élëarants- et beaux.
L'existence de Maria, maintenant, -était
faite de l'observation avide, envieuse, dé-
solée, de l'existence qu'ils menaient. Des
l'aube, elle était dans le jardin, d'où l'on
voyait les fenêtres de la maison heureuse.
L'été passait. Vers la fin d'août, l'homme
dut s'absenter quelques jours et. l'amou-
reuse alors cessa toutes promenade. Elle
ne sortit plus de chez elle que pour aller à
la poste porter les lettres qu'elle venait
d'écrire, et prendre celles qui l'attendaient.
Elle revenait très vite, la chère enveloppe à
la main, et Maria l'apercevait ensuite,assise
près de la fenêtre ouverte, avec ce bout
de papier étalé devant elle sur une petite
table et dont, pendant des heures, elle ne
détachait plus ses veux.
Puis le jeune homme revint, et en sep-
tembre, tous deux reoartirent, définitive-
ment cette fois, pour Paris. Le lendemain
de leur départ, qui était un dimanche, Mme
Annette s'en fut avej/une femme de ser-
vice pour ranger la, maison. Maria les
accompagnait. Quand elle fut entre ces
murs, qui avaient abrité tant d'amour, tout
son pauvre cœur de délaissée se tordit dans
sa poitrine. Lamentable, elle errait de
chambre, en chambre, traînant sa jambe
courte, et balançant sa tête lourde. Et
voici qu'en soulevant, pour en secouer la
poussière, un des rideaux de cretonne, près
de la -petite table où étaient encore l'encrier
et quelques plumes rouillées, elle aperçut,
sous les plis traînants, une lettre, glissée
sans doute du buvard de la jeune femme,
une de ces lettres qu'elle lisait comme on
fait sa prière.
L'infirme la ramassa comme on vole,
toute rouge et les doigts tremblants.
Au jardin, abritée du soleil et du regard
des hommes par les troènes épais, assise
sur sa petite chaise aussi basse qu'une
chaise d'enfant, Maria lut la lettre, et la
relut dix fois. Il y avait la-dedans des phra-
ses comme on. n'en avait jamais imprimé
dans aucun roman. C'était un appel, une
supplication, une confidence minutieuse des
moindres instants passés loin de la femme
aimée et tout occupés d'elle. Et dans ces
phrases qui coulaient jusqu'au fond du
cour, comme des anneaux d'or dans l'eau
limpide d'une source, et le laissaient tout
illuminé, revenait sans cesse l'allusion aux
yeux bleus de l'amoureuse, à la beauté de
ces yeux bleus, au désir de revoir ces yeux
bleus.
Maria,aussi avait les yeux bleus et ces
yeux étaient beaux, elle le savait. Ah ne
pouvait-elle se faire l'illusion que cette
lettre avait été écrite pour elle, par quel-
qu'un qui l'aimait et qui reviendrait un
jour
Son imagination de malade et d'exaltée
conçut le roman, inventa les détails, se per-
̃ suada de leur réalité, et elle pleura presque
de joie en appuyant ses lèvres fanées sur
les phrases qui contenaient les mots les plus
doux.
Dès lors elle vécut en compagnie du brû-
lant papier, le cachant dans son corsage le
jour, et la nuit sous son oreiller. A tout
moment, elle le relisait et murmurait tout
haut, pour se bien convaincre elle-même
«#Je pense qu'une tardera pas beaucoup à
revenir.
Elle songeait qu'on trouverait cçtte lettre
sur elle, quand elle serait morte, et elle se
plaisait à se représenter la surprise de tous,
les suppositions qu'on ferait, et l'envie des
filles qui étaient belles, mais dont les amou-
reux balourds savaient à peine écrire.
Aux premiers jours du printemps, elle
était dans la boutique quand la porte s'ou-
vrit devant une acheteuse qui- n'était pas
une femme du village, puisqu'elle avait un
chapeau, une voilette et des gants. Maria la
regarda avec surprise, puis elle la reconnut,
et une espèce de colère monta en elle.
Bonjour, mademoiselle Maria, dit dou-
cement la jeune femme. Je vais à "Marseille
et me suis arrêtée ici, entre deux trains.
Est-ce que je pourrais revoir la petite mai-
son, les chambres ?.
Elle était pâle, avait de pauvres yeux pro-
fondément creusés, et Maria comprit tout
de suite qu'un grand malheur lui était arri-
̃ vé. Elle prit les clefs et l'accompagna.
Dès qu'elle eut franchi le seuil, la visi-
teuse se mit pleurer. Alors, Maria, pleine
d'angoisse, murmura
Il est mort ?
-Non, dit la malheureuse, il se marie.
Et oubliant à quelle humble créature elle
faisait confidence de sa vie
Il a exigé que je brûle ses lettres.
toutes. par prudence. et je l'ai fait. par
amour. Maintenant je n'ai plus rien de
lui
Les doigts de Maria se crispèrent sur son
corsage.
Mon seul souvenir est cette maison où
nous nous sommes aimés. Mais quand
pourrai-je y revenir ?. Je pars pour un
pays. si loin.
Les doigts de Maria étaient toujours sur
son corsage, mais tandis que la main gau-
che continuait de se crisper, '¡hostile, défen-
dant son trésor, la main droite, lentement,
écartait l'étoffe, en tirait le papier plié.
Il vous a quittée Vous êtes jolie
pourtant.
Hélas cela ne sert rien d'être
jolie. Si vous- saviez
C'est vrai, cela ne servait à rien, puis-
qu'elles étaient pareilles en ce moment, l'in-
firme et li belle fille, aussi misérables,aussi
pauvres d'amour l'une que l'autre.
Tener dit brusquement Maria, en
rangeant la maison, à l'automne j'ai trouvé
ça.
Et tandis que la délaissée, sans chercher
à bien comprendre, s'emparait du papier,
le lisait, le pétrissait de ses mains en fiè-
vre, Maria avait l'impression de n'être plus
une infirme, une « hors la vie », mais une
femme comme toutes les autres, qui a eu sa
part de bonheur et qui ne l'a plus.
Seulemént, elle, c'est volontairement qu'elle
renonçait, et la grandeur du sacrifice l'exal-
tant et la soutenant, ce ne fut pas tout de
suite qu'elle éclata en sanglots.
André Corthis.
Une idée de femme par lonr
Phot. Félix
Les tissus cachemire, dont on fera des ro-
bes très éléganles, se retrouveront sur les
chapeaux. Celui-ci, très jeune de forme, 'n'est
qu'une large calotte en paille d'Italie sa
garniture est la même que celle des- revers
du corsage, en tissu formant galon, ce qui
fait un ensemble charmant.
MAGDELEINE Chaumont.
COURRIER DE LA MODE
Josette. N'employez pas d'autre poudre
de riz que le Duvet de Ninon, la seule adoptée
naguère par la toujours bette Ninon de Len-
clos. Elle communique à l'épidémie une
blancheur diaphane, 'elle est invisible et très
adhérente. Vous la trouverez en quatre
nuances blanche, rosée, naturelle et rachel.
Prix 3 fr. rô, franco 4 fr. 25. Parfumerie Ni-
non, 31, rue du 4-Septembre. (Communiqué.)
AU THEATRE
De Carmen en Carmen
{Les Carmen se suivent et ne se ressemblent
pas. En face de la gitane triste et fataliste
campée par Mlle BrévaV, se dresse une Car-
mén ardente et sauvage. Mme de Nuovina,
qui a reprts le rôle qu'elle avait marqué d'un
cachet si personnel, ve2tt bien nous dire à son
tour quelle eat sa conception de la célèbre
héroïne de Bizet.]
Phot. P. Berger.
-̃ Mm" DE NUOVINA
Pour défen-
dre ma con-
ception d'un
personnage
qui m'est si
cher j'ai ait-
tendu d'avoir
le droit de
parler.. Appe-
lée aujour-
d'hui à inter-
préter à nou-
veau te rôle
où vient de se
faire applau-
dir une cama-
rade dont la
conception
est diamétra-
lement oppo-
sée à lamien-
ne, je suis
heureuse de
pouvoir dire
ici comment
je comprends
l'héroïne que
j'aime entre
toutes.
Non, Car-
men n'est pas
une tris s tte
qu'obsède la
fatalité, et
j'en atteste
ses pères. Au
reste la voici telle qu'elle m'apparalt mu-
sicalement dans la partition de Bizet, dra-
matiquement dans le livret de Meilhac et
La recherche de la vérité au théâtre a
donné aux interprètes une nouvelle con-
science de leurs obligations artistiques.
L'exactitude de la mise en scène moderne,
ses reconstitutions scrupuleuses, ses saisis-
santes évocations d'atmosphères particuliè-
res font que l'on entoure de soins attentifs
les chefs-d'œuvre traditionnels et Carmen
est de ce nombre. Aussi n'est-ce pas dans ce
sens^que j'aurais grand mérite à fixer mon
personnage.
Toutes les chanteuses un peu brunes de
cheveux, un peu vivres de tempérament
songent. chanter Carmen, comme tous les
pianistes un peu névrosés aspirent à jouer
et les tragédiennes un peu passion-
nées, Phèdre il y a, paraît-il, des états de
grâce auxquels les grâces d'état ne suffisent
pas toujours. Je vous dirai' cjiic ce que je
vois dans le personnage de Carmen, n'ayant
pas qualité pour juger ce que j'y fais.
J ai naturellement, comme toute Carmen
un peu consciencieuse, beaucoup étudié l'ad-
mirable nouvelle de Mérimée mais j'estime
que si bien des détails v sont propres à
suggérer une mise en scène nittoresque, ce
n'est peut-être pas là le bon chemin par où
accéder à la pensée intime du musicien.
Mérimée est un. Le livret, merveilleusement
conçu, est autre. Et Bixet n'est ni tout à fait
1,'un, ni tout à fait l'autre. S'il dépasse les
convenlions factices de l'ancien opéra
parlé, il n'atteint pourtant nas'les profon-
deurs psychologiques du drame musical mo-
derne et c'est, à mon avis, trahir l'auteur
que de faire exprime' à son héroïne --aussi
bien dans le geste que dans le chant des
sentiments de cette nature. Mais voilà, Car-
men est un personnage si souple qu'on peut,
au gré des tempérament, la parer des ver-
tus les nlus singulières. Elle devrait pour-
tant rester toujours ce qu elle est originai-
remuent une héroïne d'opéra comique.
Malgré moi me vient à l'esprit, en songeant
à la Carmen moderne, cette nhrase que
Louis Gallet ment, dans la bouche d'un juré
d'un certain concours musical du second
Empire « Voulez-vous que je vous donne
un sujet ?••̃ C'est Carmen il y a là uri
opéra dans le genre de Fra Diauolo, avec
Un rôle d'Anglais bouffe, il n'y en a ja.
mais eu, fort heureusement, dans Carmen
de Bizet mais il y a le Bancaire, le Remen-
dado il y a l'ingénuité savoureuse de Mi-
caëla, l'ardeur héroïque du a canari » de
don José, la barytonnanle fatuité du toréa-
dor, les ensembles piquants, les chcéurs
alertes, les seconda rôles, dont pas un n'é-
chappe il la loi théâtrale de l'opéra comique.
Qumt 0 Carmen elle-méme, elle est mar-
quée d'un caractère nlus net et plus précis
elle existe, elle vit, mais non par la façon
d'une femme accablée par la falalilé. C'est
avant tout et par-dessus tout une indomptée
et une indomptable sa fierté sauvage ne
nlia devant rien, nas méme devant la mort,
elle la pousse au contraire à braver. Par
fierté aussi, elle est franche jusqu'à la bru-
talité. A quoi bon mentir d'abord ? N'est-
ce pas plier que de dissimuler sa pensée ?
Ajoutez à cela qu'elle est capricieuse à n'en
point douter, et surtout gaie, très gaie,
d'une gaieté qui va jusqu'à la provocation.
Bizet lui-même, dans la dernière de ses let-
tres il Edmond Galabert (1872), annonce
Carmen en ces termes CI Ce sera gai, dit-il,
mais d'une gaieté qui permet le style. n
L'opinion de Bizet me nâratt faire autorité
en celte matière. Qui songe à Gœthe eh
entendant clanter Faust on à Shakespeare
en écoutant Roméo? D'ailleurs si je vou-
lais appuyer ma conception de Carmen sur
une autorité dont on nr suspectera pas les
tendances modernistes, je n'aurais qu'à ci-
ter cette lettre de Nietzsche où, parlant de
Carmen, il célèbre le retour la nature,
à la santé, à la gaieté, à la jeunesse, à la
vertu".
Mais cela nous entraîne trop loin, n'est-
ce pas ? Concluons donc plutôt, avec Méri.
mée lui-même, que u quand Carmen riait,
il n'y avait pas moyen de parler raison n.
Aussi, quand nous narlons de Carmen.
parlons gaieté, exubérance, tempérament
indompté, sautes d'humeur, passion. Par-,
lons surtout musique c'est encore, Dieu
merci, le moins raisonnable des langages.
1\1, DE NUOVINA.
INDISCRÉTIONS COMMUNIQUÉS
'Aujourd'hui, au théâtre des Arts, à 4 h. 3/4,
M. Sacha Guitry fera sa causerie familière sur
la force physique, la peur, le duel, le courage
et quelques autres choses, avec le concours
de Mlles Marthe Mellot, Gilda Darthy, Char-
lotte Lysès, MM. de Max, Jean Cocteau, etc.
Th. Femina, 3 h., matinée pour la jeu-
nesse, le Général Bob. Tel. 528-68. Métro Aima.
Dès demain l'Opéra-Comique va reprendre
les répétitions d'ensemble d'Ariane et Barbe-
Bleue. L'œuvre de Paul Dukas est prête à pas-
ser et la primeur de cette reprise sera offerte
des la semaine prochaine aux représentations
d'abonnement. très probablement le mardi
5 avril,
M. Jean Coquelin, qu'une indisposition avait
tenu éloigné du théâtre pendant quelques
jours, est aujourd'hui tout à fait remis. Il re-
prendra ce soir dans ChanUcler son rôle de
Patou et celui du directeur dans le prologue.
L'Odéon affiche pour dimanche prochain
en matinée populaire -à prix réduits avec lo-
cation, Phèdre (avec Mlle Gilda Darthy dans
le rôle de Phèdre), et le Légataire universel.
En soirée, à 8 h. 1/2, l'Arlésienne. orchestre et
choeurs Colonne.
A l'Ambigu le Péché de Marthe ne sera plus
joué que jusqu'au dimanche soir 3 avril. La
dernière matinée sera donnée dimanche à
deux heures.
Dans la première semaine d'avril passera
Prostituée, la pièce que M. Henri Desfontaines
a tirée du roman de M. Victor Margueritte.
Le Trianon-Lyrique annonce pour jeudi
prochain une matinée de la Fille de Madame/
Angot, avec Mlle Rosalia Lamurecht. Le soir
on donnera avec Don Pasquale, le Chalet, au
lieu de la Chanson da Fortunio
Les grands concerts.
Chez Colonne, dimanche prochain, au Châ-
telf-t, deuxième et dernière audition des Béa-
titudes. Le chef-d'œuvre de César Franck sera
donné avec le concours de MM. Delmas, Alt-
chewsky, de l'Opéra, et Mme Auguez de Mon-
Lamoureux, à la salle Gaveau, Mlle
Raveau, de l'Opéra-Comique, interprétera
deux mélodies de M. de Saint-Quentin (lr° au-
dition)", et l'air de Serse de Heendel M. Ai-
fred Cortot se fera entendre dans le concerto
de Schumann le programme comprendra
entre autres œuvres la symphonie en ut mi-
neur de Beethoven, et Mort et Transfiguration
de Richard Strauss
Olympia, Ce soir irrévocablement, mirée d'a-
dieu de JFregoli. Demain mercredi relaclie. Jeudi
3t.mars répétition générale à bureaux ouverts de
la Grandi Revue.
A Barrasfdrd's Alhambra. Pendant quelques
jours seulement la Croix Mystérieuse grande
illusion présentée par Carlton.
Au Nouveau-Cirque, aujourd'hui «mardi, matinée
avec la Crtasse au Cerf.'
Profitez des vacances de Pâques pour aller entre
2 et 6 heures au cinématographe des Grands Maga-
sins Dtifayol dont le succès toujours grandissant
est justifié par les soins apportés à la composition
du programme complètement renouvelé. De 2 à
6 heures, au Palmarium, concert symphonique et
L'Art décoratif français
est en péril
Une invasion allemande
Il'y a quelques jours un certain nombre
d'artistes se sont indignés de ce que les
industries du décor et de l'art ornemental
n'étaient pas officiellement représentées à
l'exposition de Bruxelles. C'est là en effet
un échec fâcheux pour leur section, mais un
problème grandit à l'horizon qui dépasse sin-
gulièrement en importance celui pour lequel
ils viennent de s'alarmer.
Il n'-est question de rien de moins pour eux
que de se laire écraser,au mois de septembre
prochain, par une formidable exposition
d'art décoratif étranger qui se tiendra à Pa-
ris et où des voisins plus méthodiques appor-
teront un total d'efforts bien fait pour don-
ner dès maintenant à réfléchir.
Nous voulons parler de l'exposition déco-
rative allemande au prochain Salon' d'au-
tomne. Un comité français visitait l'exposi-
tion d'art décoratif de Munich, en 1908.
Frappé par les résultats atteints dans ce
centre actif d'art moderne, et se souvenant
que le Salon d'automne qu'il représentait est
un groupement d'avant-garde, ce comité in-
vita les Allemands à manifester à l'une de
nos prochaines expositions. Afin de se bien
préparer, l'Allemagne prit date pour 1910.
Dès 1909, elle fit savoir qu'elle aurait besoin
d'une grande superficie. Elle précisa il/lui
fallait tout le rez-de-chaussée du Grand-Pa-
lais Le gouvernement bavarois accordait
uqe subvention de 100.000 marks des dons
particuliers doublaient la somme.
D'ordinaire le Salon d'automne ne peut
disposer du Grand-Palais qu'au le' septem-
bre. La diplomatie .intervint. Le chargé d'af-
faires bavarois à Paris obtint que le Grand-
Palais serait mis a la disposition de ses com-
patriotes dès le 1" juillet.
Face cette énorme démonstration, qu'al-
lons-nous apporter ?
D'abord l'envoi restreint d'un petit
nombre d'artistes industriels avant des
moyens de fabrication, des usines, et comme
tels tenus à l'écart par les artistes purs
qui ont pour le commerçant un dédain non
dissimulé. Puis l'envoi de ces purs, artistes
isolés, dont beaucoup sont très bien doués,
mais qui ne peuvent que difficilement se
produire parce qu'ils n'ont pas les moyens de
faire exécuter leurs conceptions, et parce
que d'autre part ils ne veulent pas recher-
cher ces moltens en essayant de s'entendre
avec les fabricants qui manquent pourtant
d'éléments créateurs.
Il adviendra donc que nos commerçants
d'art décoratif français seront en très gran-
de infériorité numérique, et que les artistes
seront réduits à emprunter des mobilier
déjà exécutés et déjà anciens aux quelque*
clients pour qui ils ont péniblement travaillé.
Autour de çe noyau, un nombre considéra-
ble ne pourront pas exposer ou ne présen-
teront que des œuvres cartes de visite n,
Le Salon d'automne va lancer un. appel
énergique aux artistes décorateurs, et l on
va totaliser le plus que l'on pourra d'oeuvres
françaises. Mais il est malheureusement à
craindre que les moyens financiers des ar-
tistes et le peu d'encouragement qu'ils trou-
vent ne leur rendent impossible d'exposer
des ensembles par quoi l'on peut seulement
juger des progrès d'un art,ornemental.L'Etat,
qui dépense des centaines de mille francs
pour une école Boulle, aurait l'occasion ici
d'un beau geste. Les œuvres réalisées trou-
veraient bien place dans un ministère, une,
préfecture ou un hôtel d'ambassade.
Car, pour dire vrai; c'est une grosse partie
économique qui va se jouer, abstraction
faite de la prééminence artistique. Si nos
artistes ne répondent pas à ceux de Munich
par des œuvres bien françaises et établies
aussi bon marché que les productions
étrangères, s'ils n'abdiquent pas leurs pré-
tentions à se faire payer 4-00 0/0 les mobi-
liers qui sortent de leurs mains, le goût pu-
blic qui n'est pas encore très assuré se por-
tera d'un coup sur les envois allemands qui
seront, dit-on, de prix abordables et dont on
assure que l'agrément décoratif est certain.
Quinze ans de sympathies françaises, péni-
blement acquises, peuvent ainsi bifurquer
d'un coup.
Dans le domaine strictement matériel, les
conséquences peuvent être des plus graves.
Encore que le Sénat ait hier résolu des droits
importants sur l'entrée du meuble étranger,
il n'est que trop clair que les exposants de
septembre prochain après avoir, par-des-
sus la frontière, tftté la clientèle française,
pourront it bref délai ouvrir chez nous des
maisons de fabrication et de vente, avec un
personnel ouvrier et des modèles importés,
désormais libres de toutes taxes.
Le danger donc existe très réel. A nos ar-
tristes d'apprécier si on s'obstinant à vendre
cher ils veulent rebuter le public, et si d'ici à
septembre prochain, avec tous les concours
qu'on doit leur souhaiter, ils se croient en
mesure de nouer une gerbe aussi grosse que
celle que nous enverra l'Allemagne.
LA ROUMANIE ET LES INONDÉS
Le journal roumain Wnwersul a publié
une très belle édition spéciale d'un numéro
exceptionnel au bénéfice des inondés de
France. En tête est reproduite, en autogra-
phe, cette belle pensée écrite pour la cir-
constance par S. M. la reine Elisabeth de
Roumanie (Carmen Sylva)
Il Ce sont les larmes non séchées nui dé-
6ordent sur la terre. Eusavcte, 1910.
Ce numéro obtient en ce moment en Rou-
manie un énorme succès. L'Universul a
versé 4.000 francs à la caisse des inondés
par l'intermédiaire de notre, ministre à Bu-
carest.
Chirurgiens des hôpitaux -Internes en
pharmacie.
Le concours annuel pour les places vacantes de
chirurgien des hôpitaux et hospices civils de Paris
vient de s'ouvrir et ses opérations, interrompues
par les vacances de Pâques, reprendront le 4 avril
prochain, fl y a une quarantaine de candidats.
Le jury est composé de chirurgiens des hôpitaux
dont les noms suivent.
MM. les docteurs Kichelot, Leguen (LaSnnec), Le-
jars (Saint- Antoine). Campenon, Omtirédanne (Ile-
rold, Marion (LarlnoislÈre), Achafd (Nocher).
Un concours pour la nomination aux places d'élo-
ve interne en pharmacie vacantes au fer juillet 1910,
dans les hôpitaux et hospices civils de Parls, s'est
ouvert il y a quelques jours'dans l'amphithéâtre de
la pharmacie centrale des hôpitaux et hospices
47, quai de la TourSelle. Les candidats sont au
nombre de deux cents environ. Le jury est compo-
se des pharmaciens des hôpitaux ci-après désignés
;:MM. Lalont (Pitié), Cousin (Gochin), Guitrocher'
(Ghar'*6), Somme!et (Dubois), Dumouthiers, Ch.P.
Thibault, 13arillé.
COMMUNIQUÉS DE LA
'VIE MONDAINE
DEUIL
On annonce la mort, à Saint-Brieuc, du
général Geslin de Bourgogne, du cadre de
réserve.
Les obsèques de M™ Nathalie Norat-Da-
vid, décédée, 16,rue S"-Cécile,auront lieu au-
ourdhui.Réunîon porte principale cimetière
Montparnasse, à 0 h. De la part de M.et Mmo
Roger '0 -et Mme Daniel IIirsch,M. Ma-
xime Norat, et des familles David, Bollack
PROTÉGEONS L'ENFANCE
« Le lait et le cœur d'une maman-né se
remplacent, jamais, n Ce mot du professeur
Pinard exprime le rôle, si nrécieux pour la
vie nationale,' que joue chaque mère de fa-
mille. Avoir des enfants sains,. beaux 'et
forts, avec une pensée robuste, telle est la
noble tâché qui incombe à toutes ies mères.
Or pour la réaliser, il faut préserver l'en-
fance des maladies multiules et traîtresses
qui sans cesse l'assaillent rhumes. bron,
chites, anérnie, débilité, surmenage, fièvres
éruplives ou de croissance; troubles de la
lutrition, etc. Pour éviter et combattre ces
maux, il suffit de fortifier l'organisme. Tou-
tes les mères ont pour cela il leur portée un
moyen aussi simple qu'infaillible le Win-
carnis, véritable médecin de la famille, toni-
que préventif idéal des maladies de l'enfance.
Docteur Gem.
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tin en prenant deux ou trois fois par semaine
un Grain de Vab avant le repas du soir.
A LIRE PAR CEUX
QUI SOU FFR ENT
de BRONCHITES, CATARRHES
VIEUX RHUMES NÉGLIGÉS
MIOROBE8 de la phtisie
détrnits par les Capsules de Goudron-Guyot
Un rhume négligé ou mal traité finit son-
vent par dégénérer en bronchite, quand il
ne se transforme pas en phtisie pulmonaire;
parfois les quintes deviennent si fréquenter
et si violentes que toute la constitution en
est ébranlée le sommeil est presque im-
possible, le pouls est fébrile la moindre
impression de froid redouble les souffrances.
Trop souvent, il se forme des tubercules^ qui,
en se multipliant, obstruent les poumons
lorsqu'ils viennent à suppurer, ils sont le
foyer de la désorganisation des cellules du
poumon et y occasionnent de larges pertes
de substance, que l'on désigne sous le nom
de cavernes. Le malade est pris d'une lan-
gueur sans souffrance, d'une mélàneolie
continuelle. Ses crachats, d'abord blancs,
spumeux et nacrés, virent de plus en plus
vers une coloration de mauvais augure, et
Il la dernière période, ils sont d'un gris ver-
dàtre. Son existence n'est plus qu'une lente
agpnie et il s'éteint en pleine connaissance.
On ne saurait donc trop prendre garde à
un rhume qui traîne en longueur, encore
plus à un commencement de bronchite. Il
faut arrêter le mal avant qu'il dégénère en
affection phis grave, et le plus sûr est de
l'enrayer dès le début.
Une cuillerée à café de Goudron-Guyot,.
mélangée à chaque verre d'eau ou de la
boisson que Ion a coutume de prendre à
ses repas, suflît pour guérir en peu de
temps le rhume le plus opiniâtre et la bron.
chite la plus invétérée. Cin peut même 'àrri-
ver ainsi à enrayer et A guérir la phtisie
bien déclarée. Dans ce cas, le Goudron ar-
rête la décomposition des tubercules du
poumon en tuant les mauvais microbes,
causes de cette décomposition. C'est sim,
pie. et vrai.
Si l'on veut vous vendre tel ou tel produit
au lieu du véritable Goudron-Guyot, méfiez-
vous, c'est par intérêt. Il est absolument né-
cessaire, pour oblenir la guérison. de vos
bronchites, catarrhes, vieux rhumes nêgh>
gés, et a fortiori de l'asthme et de la phtisie,
de bien demander dans les .pharmacies le
véritable Goudron-Guyot. Il est obtenu avec
du goudron d'un pin maritime spécial, crois-
sant en Norvège, et préparé sudvant les ins-
tructions de Guyot l'inventeur du
goudron comble ce qui explique qu'il est
infiniment plus efficace que tous les autres
produits analogues. Afin d'éviter toute er-
reur, regardez l'étiquette celle du véritable
Goudron-Guyot porte te nom de Guyot im-
primé en gros caractères et sa signature en
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biais, ainsi que l'adresse Maison FRERE,
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Prix du Goudron-Guyot 2 francs Je flacon-
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P.-S. Les personnes qui ne peuvent se
faire au goût de l'eau de goudron pourront
remplacer son usage nar celui des Capsliles-
Guyot au goudron dè Norvège de pin mari-
time pur,' en prenant deux ou trois cap-
suies à chaque repas. Elles obtiendront alors
les mêmes effets salutaires et une guérison
aussi certaine. Prises immédiatement avant
de manger, ou en mangeant, ces capsules
se digèrent très facilement avec tes aliments,
font le plus grand bien à l'estomac et em-
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tes rentables Capsules-Guyot sont blan-
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en noir sur chaque capsule. Prix du flacon
2 fr. G0. ̃ •
Dépôt Maison Frère, 19, rue Jacob, Pa-
ris, et dans toutes les pharmaciens.
Que de malades, las de souffrir, écœurés
des drogues malfaisantes, ont été tentés de
recourir à l'homéopathie dont on leur a vanté
les belles cures, et ne l'ont pas fait, faute
de savoir en quoi consiste exactement cette
méthode trop ignorée. A ceux-là signalons
le Petit Manuel d'Homéopathie complexe, où
ils trouveront la description des maladies ai-
guës et chroniques, leur traitement homéo-
pathique, de précieux conseils d'hygiène
enfin le récik de guérisons réalisées depuis
douze ans par des docteurs,, prêtres, pas-
teurs, instituteurs, avec noms et adresses.
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propagande, à toute personne qui en fait la
demande à M. le Directeur de la Clinique,
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FEUILLETON DU « MATIN »
DU 29 MARS 1910
Le Remous
roman inédit
GASTON CHER AU
DEUXIEME PARIE
B/UH1ISTOC
Lorsque le procureur et le juge d'instruc-
tion sortirent de la'maison de Faroulet, la
break de Quatreloup les attendait pour les
conduire chez Morineau.
Sur le pas de la porte, le procureur prit
la main de la Zine, et de force, voulut y
glisser une pièce, mais d'un coup de poignet
la Zine se dégagea, et les sourcils froncés,
les traits durcis, elle dit au procureur
• Vous croyez donc être entré dans un
cabaret ?
Quand elle prenait cet air respectable, les
Tous drotts de reproduction et de traduction ré-
jervés en France et l'étranger.
Copyright 1909 by Gaston Cbérau,
galants les plus risque-tout perdaient leur
entrain, pensaient qu'ils venaient de com-
mettre une sottise et n'avaient plus assez
de mots pour tenter de se la faire pardon-
ner.
Voyons insistait timidement le pro-
cureur. Je vous eu prie
Mais sans en entendre plus long, elle lui
tourna le dos et rentra dans la cuisine.
Le procureur affolé la suivait
Nous ne paierons pas notre repas, si
vous tenez Ce sera un petit souvenir.
Alors elle lui dit son habituel « Pas de
souvenir en pièce d'or ou d'argent »
Nous sommes des résmiers, nous,
moussu Nous ne vendons pas de repas.
Pourvu qu'on soit contrent, nous sommes
contents aussi.
Et comme le procureur s'entétait à lui pré-
senter sa pièce, elle ajouta, d'un ton de re-
proche, comme une grande personne raison-
nable, qui fait une observation à un jeune
homme
Ne soyez pas « disgracieux », moussu.
Vous devriez comprendre qu'ici tou bache-
ret (1) est ouvert au voyageur, allons!
Le procureur s'était approché d'elle par
derrière, et les lèvres près de son cou. les
yeux brillants, il lui chuchota
Eh bien, que voulez-vous comme sou-
venir
Elle le regarda par-dessus répaule, sou-
rit, très calme, et les paupières à demi fer-
mées,' elle repartit lentement
Je ne veux rien du tout. Une autre
fois, quand vous reviendrez par ici, vous
n'oublierez pas la maison. Ça me fait plai-
sir d'avoir chez moi des personnes de la
ville. Voilà ce que je veux. C'est moins ?.
Le procureur n'avait qu'à se pencher un
peu plus et à fermer les bras pour l'embras-
ser; mais à cet instant la Zine, qui jouait
avec les désirs de l'homme comme un chat
avec une souris, se retourna brusquement et
lui faisant face, elle lui dit gravement
Vous n'allez pas arrêter moussu Lu-
cien, hé ?.
Pourquoi ? fit le procureur étonné.
La Zine baissa les yeux, tortillant son ta-
blier.
Parce que. parce que je ne le veux
pas Moi, n'est-ce pas ?. je vous ai rap-
porté ce que je savais, pour « l'honnéteté de
la parole » mais je ne yeux pas que M. Lu-
cien aille en prison C'est un gentil sei-
gnou ». J'aurais trop de peine de ne pas le
revoir ici, allons
Ah il vient ici ?.
Quelquefois. glissa-t-elle en souriant.
Elle se dandinait, en belle fille qui prend
plaisir à parler du gars qui la possède.
Et sur un mouvement du procureur elle
ajouta vite, les mains jointes
Ne le dites pas devant Faroulet
J'aime mieux.
Le procureur continuait à hocher la tête.
Vous ne l'arrêterez pas, moussu Je
vous en prie D'ailleurs je ne le veux cas.
Faudrait-il dire qu'il est aussi yotee amant
Elle sourit silencieusement et le laissa ré-
péter
Hein ?. Faudrait-il dire qu'il est votre
amant. lui ?
Il crispait les poings sa voix devenait
âpre.
La Zine haussa les épaules.
Ça, fit-elle, je m'en moque Vous pou-
vez le dire. Ce n'est pas vrai' Je vous ai
badiné, allons 1. Le pôvre droulat Ce que
je m'en moque
Il vous fait la cour ?
Lui ?. Ah je pense qu'il perdrait son
temps Il s'en doute peut-être, allez Aussi
il ne se risque pas.
Le procureur la regarda, soupçonneux.
Sans plus insister, la Zine demanda en
baissant les yeux
Est-ce que vous allez chez Mprineau
Cela parut rappeler le procureur à ses
devoirs. Il sortit ses gants, dit encore une
fois, mais sans paraître attacher d'impor-
tance à ses paroles
Vous ne voulez rien accepter Bien
sûr
Et se dirigeant vers la porte, il soupira
Tant pis pour moi. Du moins je ne
vous oublierai pas.
Il ne faut pas m'oublier non plus
Sur le point de sortir, il se retourna en-
core, eut une hésitation, et talonné par sa
jalousie d'homme qui a passé l'âge des
conquêtes, finit cependant par lâcher
Et Morineau, faut-il l'arrêter, celui-ci ?
Son rire qui vibrait, métallique et sec, dé-
couvrait des dents de loup.
-Lui? dit la Zine.Que voulez-vous gue
ça me fasse ?. S'il est coupable, bien sûr,
qu'il ne faut pas le laisser échapper.
Vous savez bien s'il est coupable,
vous ?
Moi ?. Ah Santo-Bergo Non, je ne
le sais pas 1. Tout ce que je jure, c'est
qu'il n'était pas avec nous le soir de la re
présentation.
Où était-il ?,
Eh Que voulez-vous ?. répondit 'la
Zine en soupirant. Il était, le pôvre, à en-
tendre rêver le guatesquirrot dans les pins
Le procureur ouvrait les yeux, les sour-
cils haussés, mais la Zine éclata de rire et
reprit vite, sérieusement
Non, alions Je ne sais pas où il pou-
vait être Chez lui probablement.
Le procureur s'en allait vers la voiture,
mécontent, quand Zine courut à lni
Vous avez oublié votre canne, moussu
Et remuant à peine les lèvres, elle lui
glissa en le regardant dans les yeux
Il ne faut pas arrêter moussu Lucien,
Vous tenez tant que cela à lui ?
Hé dit-elle, c'est un joli garçon!
Le procureur eut encore une fois son rire
métallique.
Un instant après, quand la Zine se re-
trouva seule avec Faroulet, elle lui dit
r– ,Té L.. Je pense que maintenant le vieux
grigou, il ne lâchera pas facilement lou Lu-
cien Je le ferai marcher sur la tête, ce
rôtisseur du diable L..
Faroulet clignait des yeux, satisfait.
La Zine, qui réfléchissait à ce qu'elle ve-
nait de. faire, .dit en frissonnant.
Bouac Que les hommes sont dégoû-
tants
Le break arrivait à Balazet quand le pro-
cureur et le juge d'instruction virent Mori-
neau qui, l'espourguet à l'épaule, s'apprê-
tait à aller gemmer ses pins.
On le héla et à peine entré dans sa cui-
sine, on lui posa des questions.-
Il répondit sans hésiter, comme s'il avait
attendu l'enquête.
Ah 1 fit-il un moment, j'voé qu'on v'sa
donné des renseignements sur moé C'est
les gars du château, d'hasard ?. Eh ben
ils ont perdu leur temps Je l'répète
l'soir.quvous parlez, j'étais ben tranquille
dans mon lit et j'pensais point à leurs his-
toires de baladins. J'suis mal avec eux, ça,
on peut pas dire l'contraire. C'est pas une
raison pour aller faire flamber leurs landes.
J'varie pas
Quelle heure était-il quand vous avez
vu ,l'incendie?
Quelle heure t. Ben Y pouvait être
dans, les deux ou trois heures. Quasiment
plutôt trois heures. J'ai pas. r'gardé.
Le juge d'instruction se tut et puis, comme
s'il avait préparé le coup qu'il devait por-
ter, il prononça lentement
Trois heures 1. Comment se fait-il
alors que personne ne vous ait vu, non
seulement à Quatreloup, mais dans la lan-
de, à Harillon, par exemple, qui n'est pas
à une demi-heure d'ici
LA suivre.),
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