Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-01-27
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 janvier 1909 27 janvier 1909
Description : 1909/01/27 (Numéro 9101). 1909/01/27 (Numéro 9101).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/05/2008
SEUL JOURNAL DU GLOBE
Le vingtième., siècle semble devoir
être, pour toutes les nations de l'Asie,
Tëre de la libération et du progrès.
La Chine, en particulier, dès le lende-
main de la révolte des Boxers, comprend
la leçon des défaites que viennent de-lui
infliger, en peu d'années, les Japonais
d'abord, puis les forces,alliées dès puis-
sances civilisées. Malgré son horreur
profonde pour les innovations, malgré
son origine mandchoue c esta-dire
réactionnaire la vieille impératrice
comprend l'inéluctable nécessité pour
les Célestes de se moderniser a leur
Un Chinois éminent, Yuan Chi.Kaï,-la
pousse dans cette, voie il est: l'homme
des temps nouveaux, jeune, énergique,
qui comprend la grandeur et les difii-
cultés de Tévolilion qui doit peu à peu
amener 400 millions de jaunes: à se-
couer leur torpeur. -pour ne- pas rester
en arrière de l'humanité en mar-
Vice i du Petchili. :il s'entoure de
i européens et de mandarins
1 1,- instruits aux Etats-Unis' en
un coup de baguette, il transforme la
r>r.4-iii.-e qu'il administre LeTchih de-
cent un véritable champ d'expériences
pour les réformes, une école politique
et administrative qui fournit bientôt aux
autres vice-royautés des états-majors de
fonctionnaires et d'officiers imbus des
idées modernes.
On pouvait croire que la Chine réussi-
rait à se rénover sans crise violente, et
par ses propres moyens, sans se livrer
pieds et poings liés à l'influence japo-
naise. Tous les représentants de l'Eu-
rope, tous les Occidentaux habitant l'Ex-
trême-Orient voyaient,, avec une entière
confiance, monter l'étoile et grandir la
jouissance du vice-roi de Tien-Tsin.
La cour de Pékin et les Mandchous
conservateurs ne pouvaient voir qu'avec
colère le prestige et le rôle -grandissant
de Yuan Chi Kaï. Noyés dans quatre
cents-millions de Chinois, les quatre
millions de Mandchous seront, en effet,
inévitablement chassés ou écrasés le
jour où la masse du peuple prendra
conscience de ses droits, comprendra
poignée de fartareb dégénérés.
Jugé trop puissant au milieu de ses
Groupes instruites à l'européenne, Yuan
Cin Kai fut, en 1907, appelé à Pékin
comme membre du conseil de l'empirè
eut président des. affaires étrangères.
Mais, malgré cet6e semi-disgrâce appa-
rente, il n'en conserve pas moins toute
.'son influence sur l'impératrice,; il la
convainc de l'impossibilité où, est la
Chine de s'arrêter dans la voie/des ré-
formes il lui montre toutes les nations
d'Asie frémissantes dans leurs aspira-
tions vers la liberté il lui fait craindre
que-les peuples du Céleste-Empire ne
suivent à leur tour ce mouvement' géné-
ral, mais sans la dynastie ou contre
elle. C'est grâce à Yuan. Chi Kai qu'est
promulgué l'édit promettant une Cons-
Le parti mandchou' jura dès tors la
perte de celui qu'on, voyait déjà prési-
dent du conseil de la Chine nouvelle. Les
réactionnaires et les xénophobes lui dé-
clarent une guerre sans merci la lutte
se poursuit, avec des péripéties et. des
phases diverses pendant plus d'une an-
née. Les morts soudaines et,simulta-
nées, de l'empereur et de l'impératrice
en précipitent le résultat.
Terrorisée par la crainte des bombes,
terrassée par'une attaque d'hémiplégie,
fruit de ses. senties amours; cette grande
Catherine moribonde choisit comme hé-
ritier du trône le neveu de, l'empereur.
Pou Yi sons la même pression de la ca-
bale mandchoue, elle désigne comme ré-
xent le, père de celui-ci, le prince
.Tchôuri.' '• -̃̃̃ ̃•-̃;
Peu de jours après la mort des.deux
souverains, un décret du régent daté
du 2 janvier 1909' brutalement révo-
qué de toutes ses fonctions Yuan Chi
Kaï, l'homme assez énergique pour ré-
nover la vieille Chine, mais assez fort
aussi pour balayer quelque jour les
Mandchous et fonder une dynastie chi-
,noise: .•'̃'
Il s'en va sans recevoir ta moindre
Triarque de gratitude pour les. services
,éminents qu'il a rendus a son pays,
chassé comme un vulgaire domestique,
par un de ces revirements, brusques' et
soudaines qui sont une des caractéristi-
ques de la politique intérieure chinoise
Malgré les affirmations rassurantes
que le régent et son gouvernement ont
prodiguées aux ministres étrangers, j
l'œuvre réformatrice ébauchée par Yuan
a bien des chances d'être totalement eri-
travée et interrompue. Les Mandchous
berneront par des promesses les parti-
sarjs des libertés constitutionnelles, en-
tretiendront les divisions et les rivalités
entre les hauts mandarins chinois, favo-
xénophobes, qui n'ont que trop de pro-
pension à se développer en présence
d'une Europe divisée et ignorante.
L'élite de la jeunesse chinoise est trop
ardente à vouloir une rénovation politi-
que et administrative, les troupcs du
Céleste-Empire sont trop profondément
travaillées par les sociétés secrètes anti-
dyncrstinues pour que la réaction qui
commence ne soit pas suivie, dans un
délai plus ou moins bref, d'une révolu-
tion violente, d'une tourmente générale,
dans laquelle les Occidentaux, fixés dans
l'Empire du Milieu, seraient emportés et
> A. Messimy.
Député de la Seine.
LA LUTTE
contre la
TUBERCULOSE
En Allemagne la mortalité,
en quarante ans, diminue
de 50 poûr cent.
En Angleterre, pour le même temps,
elle a diminué de 38 pour cent
La France est moins heureuse:
nous devons faire
un effort.
:Avec une ardeur égale, tous les pays ci-
vilisés mènent la, lutte contre le plus ef-
froyable, contre le plus meurtrier des maux
humains, contre la tuberculose. Tous, ce-
pendant, ne voient pas leurs efforts égale-
ment couronnés. de: succès.-L'une des plùs
fortunées parmi- les nations pour les: résul-
tats heureux qu'elle- obtient dans sa lutte de
tous-les instants, s'il 'faut en croire le pro-
fesseur Nietner, « La lutte contre la tuberculose, écrit-il
dans les Documents du Progrès, fait en Ai:
montre qu'on est dans la bonne, voie, c'est
la décroissance continue, de la mortalité tu-
berculeuse. La proportion des décès tuber-
culeux a. été -"eh Prusse, jusqu'en -186G,- de
31 à 35 par 10,000 habitants en 1890, de
2R,11 en de 19,21 en 1907, seulement
de 17,12. »
Par-quels procédés, par quelle législation
l'Allemagne est-elle arrivée à' ces, très inté-
ressants résultats, le professeur Nietner'
nous le dit encore.;
Il n'y a guère que treize ans que, dans
lés pays d'outre-Rhin, la lutte contre la tu-
berculose s'est faite, ardente il n'y, a pas
longtemps qu'on y a compris que l'affreuse.
maladie pouvait se combattre non seule-
ment par les ressources de la médecine,
mais 'aussi par des mesures sociales'.
-L'OEUVRE DE L'ALLEMAGNE
Portant, c'est en 1875 que fùt fondé le
Comité central allemand pour la lutte con-
tre la tuberculose, comité qui provoqua la
création des 250 sociétés locales qui mènent
le bon combat, àes, 99 sanatoriums populai-
res et des 36 établissements privés où sont
soignés par an 48,000 malades..
C'est encore sous son' impulsion que se
sont fondés ces 17 sanatoriums où l'on tente
de 'guérir les enfants tuberculeux et les 73
autres établissements où les petits êtres
scrofuleux ou suspects sont mis en obser-
vation.
puis-'un jour'est'venu où l'Allemagne a
compris que ses somptueux sanatoriums pu-'
pu!aires ne pouvaient future a la tâche, que
leur œuvre était forcément incomplète, et
demandait a être parachevée par. d'autres
institutions. Et elle créa les dispensaires
phtisiques elle rechercha dans les familles
tuberculeuses les niernbrès menacés ou déjà
atteints par la contagion, sur eux elle exerça
unp nrtive surveillance..
Pour pourvoir a ces. frais considérables
elle t'est sera des caisses d'assurances qui
fonctionnent sous le contrôle de l'Etat. Ces
caisses ont compris, en effet, que leur inté-
rêt était plutôt de guérir l'ouvrier maladie.
que-de lui payer la rente d'invalidité d la-
quelle Adroit tout.travailleur aliemand dont
ie salaire ne dépasse pas 2,400 francs, et
pour laquelle, chaque semaine, de moitié
avec, son patron, il a effectué un versement
obligatoire.
:Le. résultat de toutes ces,, mesures c'est
que la mortalité tuberculeuse en quarante
ans a diminué de,près de. moitié.
LA MÉTHODE FRANÇAISE
En France, que 'faisons-nous
.Ce qu'est notre armement antitubercu-
leux les résultats appréciables que, nous
avons obtenus" dans notre lutte contre l'af-
freuse maladie, cela nous avons été le de-
mander à un des hommes les plus compé-
tents en -la matière, au docteur Savoire, se-
crétaire de la commission permanente de
préservation contre la tuberculose en Fran-
ce qui, l'an dernier même, faisait pour 'le
ministère de l'intérieur un état officiel des-
progrès obtenus 'sur le mal. Il nous l'a dit
En France, il est extrêmement difficile
d'être fixé sur la décroissance du mal. Nous
n'avons pas dé statistiques sur lesquelles on
puisse se baser. Les chiffres cités sont exa-
gérés et n'ont été obtenus qu'à l'aide d'sn
calcul- contestable- Ces chiffres pourtant
existent pour Paris. La mortalité tubercu-
leuse y a passé, pour 10,000 habitants, de
46,9 en 1890, à 37,7 en 1903.
Le docteur Savoire n'est point partisan des
procédés employés en Allemagne pour lut-
ter contre la tuberculose.
Cette' méthode est chez nous impossible.
Et c'est à prévenir qu'ont tendu tous les
efforts de la commission permanente de pré-
servation contre la tuberculose qui siège au
ministère de l'intérieur..
Notre armement antituberculeux ? Il com-
prend plusieurs sociétés ou ligues contre la
tuberculose, comme l'Alliance d'hygiène so-
ciale que préside -.NI. Léon Bourgeois, ou
de préservation de l'enfance contre
la tuberculose que fonda le professeur Gran-
cher. Il comprend une cinquantaine de dis-
pensaires, 20 cures d'air, .14 hôpitaux mari-
times, 10 sanatoriums populaires, des', crè-
ches, des gouttes de lait qui, en améliorant
l'hygiène de l'enfance, permettent d'arra-
.cher un nombre considérable de petites
existences à la tuberculose. Il comprend des
hôpitaux avec, locaux isolés pour tubercu-
\pxix ce que l'Allemagne n'a pu encore
réaliser les bains-douches, les sociétés
d'habitation à bon .marché" et de jardins ou-
vriers les ligues contre l'alcoolisme, tout
ce qui, enfin, améliore l'hygiène et peut
préserver, par suite, de la- tuberculose.
Et c'est pourquoi, bien qu'elle ne soit pas
spécialement dirigée contre la tuberculose,
la loi de 1902, la loi pour la santé publique,
en améliorant tes conditions d'hygiène, con-
tribuera à diminuex la mortalité tubercu-
leuse.' •̃••
Aux yeux du docteur Sa voire, ce-n'est pas
tant à ses sanatoriums qu'aux mesures géné-
raies d'hygiène qu'elle a prises,, que l'Alle-
magne 'doit l'abaissement de, sa mortalité
tuberculeuse, diminution d'ailleurs moins
sensible depuis époque où l'on créa en
grand, nombre, les aanatoriums.
LES LOTS ANGLAISES
Et le docteur Savoire prend en exemple
également !'Angleleri%, qui, ayant dépensé
120 millions pour la salubrité publique, dp
1850 à 1870, et trois milliards de 1875 (date
de la promulgation du Public Health Act, la
loi d'hygiène anglaise) à 1890, a vu ,en qua-
rante ans diminuer de 38 0/0 sa mortalité
tuberculeuse, grâce uniquement aux-meil-
leures conditions hygiéniques qu'assurent
s'es lois à' son .peuple.
oH RESSUSCITE
OlIBltlÉ
Le arc
BESANÇON, 25 janvier. Par lettre de no-
tre correspondant particulier. Un conflit,
qui menace de prendre une très grande- ex-
tension dans-le département du Doubs,vient
d'éclater. Besançon entre les coiffeurs, les
épiciers et.le fisc..
Il y a une huitaine de jours les coiffeurs et
les épiciers de notre ville recevaient de M. le
tout de suite à sa caisse une somme de qua-
tre francs'pour droit de visite.'
Avec inquiétude, ils se demandèrent ce
que cela signifiait C'est de l'arbitraire, di-
saient-ils. On nous gruge!
Bien pénétrés de cette idée, ils en référé- j
rent à, leur syndicat. Une première réunion
eut lieu à la suite de laquelle une déléga- j
tion de vingt coiffeurs se rendit la mairie
de Besançon, pour y rencontrer le contrôleur
municipal Décrire l'étonnement; de ce
dernier en voyant tout ce monde pénétrer
dans son bureau esL impossible. Presse de
questions, le fonctionnaire des contributions
leur expliqua que. l'impôt, qu'on leur récla-
mail n'était, pas il. était prévu pari
une loi qui n'avait c|u'u,n -défaut celui dêîre j
trop vieille.
Voici en substance ce qu'il leur répondit
Des lettres patentes de 1780 soumettaient a;
la visite de leurs produits les pharmaciens
et les droguistes et fixaient un droit à spp-'
porter par les commerçants visités. Le 25
thermidor an XI (13 août 1803), un décret
étendit cette vérification et ce droit aux épi-
tiers, coiffeurs et à toute une catégorie de
commerçants vendant des produits nocifs
ou des marchandises confectionnées avec
ces produits. Une loi de 1804 étendit encore
cette vérification aux herboristes. Ces dis-
positions, ajoutait-il, n'ont jamais été abro-
Les coiffeurs protestèrent contre cette
épave des régimes déchus, alléguant qu'on
n'était jamais descendu chez eux. Le contrô-
leur ne put que leur dire Dura tex sed lex,
les engageant toutefois à se rendre à la pré-
fecture pour tenter de s'aboucher avec quel-
ques-uns des membres du conseil d'hygiène,
dispensateurs de cet impôt. La délégation
écouta: ce conseil et s'en fut à la préfecture.
Elle fut reçue par le chef de division de qui
relève ce service, lequel-confirma aux inté-
ressés les renseignements donnés par le
contrôleur, ajoutant qu'en ce moment l'Etat,
fortement endetté, faisait argent de tout. Il
leur conseilla â son tour de saisir du fait les
représentants, du département.
Cette réponse n'a. pas satisfait les coif-
feuis qui se. sont réunis dn nouveau ce soir
huit heures et demie. Ils ont décide ae tîe
pas acquitter cet impôt qu'ils jugent exces-
sif et oi t lancé des circulant à leuis tollè-
gues du département et des départements
peu, une grande réunion aura
lieu.de. concert avec les épiciers.
JEAN CHARCOT VOGUE
VERS LE POLE SOD
voici les dernières' nouvelles que nous
avons reçues du chef de l'expédition fran-
çaise au Pôle Sud
Pour gagner du tetnps, j'ai décidé-de ne
pas faire: escale à Ushuaia.
Notre pont est surchargé de charbon, ce
qui nous' permettra, de sortir des canaux
satà toucher celui des soutes.
De plus, en sortant, par le canal Cock-
burn, étant donnés les vents régrzant de
l'ouest, nous serons bien au vent de notr'e
point d'atterrissage dans l'Antarctique.
CHARCOT.
PROPOS' D' UN PARISIEN
Il ne peut se déplacer sans que les jour-
naux annoncent l'heure de son départ,
l'heure de son arrivée, indiquent la couleur
de son chapeau, relatent le plus banal de
ses propos. Une meute de reporters s'atta-
che à ses pas, .le traque sans pitié, mais
il se défend avec énergie. Parfois, un in-
terviewer, plus habile ou plus audacieux
que les autres parvient à l'approcher et à
le questionner “̃
Sera-ce pour bientôt ?
Je l'espère.
Etes-vous content de vos artistes ?
Enchanté.
'Les accessoires ?
'Ils sont prêts depuis longtemps.
Les répétitions ?
Excellentes.
Bref,' vous 'croyez que rien ne clo-
chera ?"
J'ai confiance.
Le fait est que jusqu'à présent, il n'a
obtenu que des succès incontestés. C'est
pourquoi personne ne songe à nier son
talent, sa virtuosité il n'a pas de rival.
On nous l'avait représenté comme un
neurasthénique, un triste. Pas du tout
il a une parfaite santé et se montre sou-
vent de joyeuse humeur. Alors, ses amis
parviennent à lui arracher des confiden-'
ces
On raconte, lui disent-ils, qu'au dé-
but de la piéce, le coq chante.
C'est exact. Comment faire autre-
ment ? La pièce commence au lever du
jour.
Vous avez aussi d'autres volatiles
dans votre troupe ?
Oui, mais je compte beaucoup sur
mon merle, un assez vilain merle, d'ail-
leurs. Vous verrez cela
Et il parle d'autre chose.
Pendant longtemps, on crut qu'il avait
pris sa retraite. Il se taisqit; d'innombrables
fausses nouvelles le représentaient comme
un homme fini. mais ses amis répétaient
Il reviendra plus en train que ja-
mais
En effet, il est revenu et. « Ah ça,
dites-vous, est-ce que vous avez bientôt
fini de nous raser avec votre Edmond Ros-
tand et son Chantecler ? »
Edmond Rostand Pardon, vous faites
erreur je ne vous parle que de M. Dei-
bler. Clément Vautel.
Awgnon. 26`janvier. Dépêche de notre
envoyé spécial. Rémy Danvers, l'assassin
des époux. Uonat, maîtres valets au château
de La Palud, a subi sa peine ce matin à sept
heures cinq minutes, sur la place d'Inguim-
bêrt à Carpentras, dans une tempête de cris,'
dé sifflets et de bravos parmi les bouscu-
lades et les bagarres.
Lorsque hier, on avait appris que les au-
torités avaient réquisitionné à Avignon, à
Tarascon,et dans tout le département, près
de sept cents hommes de troupe, on avait
quelque peu haussé les épaules, l'énoncé
d'aussi importantes précautions. Eh bien, il
s'en est fallu'de peu quelles fussent insuf-
fisantes, en présence de. l'assaut d'une foule
^déchaînée, énervée par deux nuits d'attente
et de beuvenes carnavajesqups, en qui sur-
vit quelque peu du saag de^ ancêtres ro-
mains?. et de ceux contemporains du schisme
papa.)-- ^majeuiB des \en\ cruels du cirqu*3.
Mais procédons pai oTdrf chronologique
dans le récit des péripéties, de cei'^ nuit tra-
gique.
Minuit..Les cafés, les hôtels, plus encore
que la nuit dernière, regorgent de consom-
mateurs. D'instant en instant, arrivent des
véhicules de toutes sortes, depuis l'antique
char à bancs, jusqu'à l'automobile dernier
style,: amenant dés étrangers accourus- à la
fête de .sang- qui- se prépare. Les rues elles-
mêmes,: les places,, les carrefours sont rem-
plis d'une foule-tumultueuse, d'hommes, de!
femmes, d'enfants. Les .chants, les cris s'en-
trecroisent. Dés' pétards, des bottes d'arti-
fice éclatent comme a quelque fête votive.
Des fillettes forment et chantent des rondes,
sur la place du Tribunal, à deux pas de la
cellule du condamné. Il est impossible que
celui-ci n'entende pas, surtout- maintenant
que .clapotent sur les pavés pointus' les
fers des chevaux des, hussards vènant: pren-
dre position, car, voici, dès maintenant, les
troupes à leur poste, bouchant les points
d'accès de la place exiguë où s'accompliront
les rites mortels.
Seule, ou presque seule, parmi tant de lu-
mières qui semblent, des illuminations, une
façade est demeurée -.sombre,, silencieuse et
close. C'est celle de l'hôtel du Cours où l'exé-
cuteur a pris glte. M. Deibler et ses aides,.
dorment profondément. Je m'en suis assuré.,
| Iïs.se sont fait 'porter au réveil, pour quatre
heures et, jusque-là demeurent étrangers et
comme insensiblés au sabbat qui gronde au-
tour d'eux. Cet hôtel qui demeurera histo-
risque à Carpentras, est comme un îlot de
silence' et de recueillement.
Deux heures. La cohue grandit, s'il est pos-
sible. Des Américains, dès Anglais, venus en
automobile, s'efforcent' de trouver, à prix
d'or, des fenêtres ou des balcons d'où; ils
pourront voir tomber une tête, Il n'y en a
pas. J'ai dit hier que trois maisons seulement
s'élèvent sur la "pièce, dont deux sont hermé-
tiquement closes et dont la troisième appar-
livrer à pareil trafic..
Je vais m'informer de ce que.fait.le héros
de la « fête ». Il dort. Il n'entend pas. Est-ce
possible ?. Pour le fatiguer et attirer sur
lui le sommeil préservateur d'angoisse, ses
gardiens l'ont fait jouer aux cartes jusqu'à
onze heures. Il s'est alors 'couché et bien
vite assoupi, prenant toujours les bruits du
dehors pour ceux d'un' carnaval persistant.
Hélas ce sommeil ne le protégera pas jus-
qu'au bout.
Quatre heures. Le froid augmente, sec. et
cinglant. Sur leurs petits chevaux barbes,
immobiles depuis si longtemps déjà les hus-
sards grelottent dans leurs .'manteaux iléus,
à l'entrée des étroits défilés de maisons con-
̃ duisafit àla place et qu'ils bouchent hermé-
tiquement. Plus heureux qu'eux, les fantas-
sins ont formé les faisceaux et- peuvent. bat
tre la semelle.
Chaque'barrage est quadruplé deux
rangs de cavaliers, botte à botte, deux
i rangs de fantassins, coude à coude. deux
autres rangs dé cavaliers,- puis un rang de
gendarmes. Vous verrez tout à l'heure. que.
cette quadruple barricade humaine a été, un
moment, insuffisante.
Gna heures. Tout à l'heure, M. Deibler
et ses' aides sont sortis --silencieusement de
;l'hôtel,, précédés d'un homme d'écurie qui
conduit un cheval haut le pied, et tout har-
j naché. Ils se sont dirigés vers la gare où
sont en consigne les bois 'de justice. L'hom-
me portait un falot, dont la lumière balan-
cée faisait danser sur la chaussée blanche
les ombres des exécuteurs démesurément
agrandie.
Sur la place du Tribunal, dans les rues
tortueuses, aux vieilles maisons piliers, la
foule est de plus en plus dense, de plus en
plus hurlante. Soudain, un grondement en-
coré lointain ainene une minute d'apaise-
ment. On semble écouter, puis tout- à coup
une acclamation féroce •
Le voilà Le voila!
En effet, le fourgon débouche au grand
trot sur la place du Tribunal avec son fanal
rouge au toit, comme un oeil', sanglant dans
la nuit. M. Deibler a refusé toute escorte. Il
va peut-être le regretter, car une horde due
déments se rue, entoure la sinistre voiture
avec des cris de joie et de conquête
Zou Zou !••'
Heureusement, la rue où elle s engage
est des plus étroites. Les assaillants ne peu-
vent que 'courir derrière le fourgon qui se
hâte; par un détour, vers le barrage qui.lui
a été désigné comme voie d'accès: sur la
place d'exécution. C'est un dévalement, une
galopade, une poursuite qui renverse tout
sur son passage. Un nuage de poussière
obscurcit encore la lueur à peine visible de
a su es réverbères. Le fourgon vs-f-il être
enlevé et pillé, mis en miettes par la popu-
Zou Zou M. Mori7ot, chef de la bri-
gade mobile de Marseille, envoyé par le
service d'ordre, a vu le danger. Seul, ou
presque seul, il s'élance et il rejoint le four-
gon au moment même où le barrage de la
rue d'ingmmbprt s'ouvre pour le laisser pas-
ser Des grappes humâmes sont suspendues
à la voiture et passent avec elles dans Te'n-
M. Morizot.
On se hâte d'obéir, mais un cheval de hus-
sard s'abat, et par cette brèche lafoule s en-
gouffre, bouscule les fantassins qui. ne sa-
vent que faire et, surpris, rejetés sur les
boutiques closes, n'arrivent, pas à se refor-
C'est alors, dans ce réseau d'étroits boyaux
mal éclairés, une bagarre sans nom. M. Mo-
rizot a appelé tes gendarmes de la place. Ils
accourent au trot. Le" chef de la brigade mo-
bile arrête de sa main'une douzaine des plus
acharnés assaillants. Les autres soi! l refou-
iés, mais. avec les plus grandes difficultés,
par toutes les voies de dégorgements Il y a
là un tas de petits combats partiels. J ai vu
de mes veux des, gendarmes penches sur
leur selle, cueillant le tour dextre des ma-.
nifestants et les transportant à bout de bras
hors des barrages.
Pendant ce temps la foule, à 1 autre extré-
mité siffle, injurie -ol-iats, fct
parvient, à maintes reprises, sinon il forcer
entièrement le grand barrage qui bouche la
communication entre la place du, Tribunal et
la petite place d'Inguimbert, tout au moins à
le faire osciller, onduler et, parfois craquer.
Et toujours, le sinistre « Zôu Zou » sif-
fle dans l'air, Il'1
seaux mauvais passait sur la ville Lest
le terrible « Zou Zou des grands drames
avignonnais. Celui qui siffla aux oreilles de
Lécuyër réfugié aux marches de l'autel, ce-
lui qui bourdonna autour de l'agonie du ma-
•rèciiûi brune dans la vieille maison de la
place -d'Olïioules, la vieille maison toujours
debout que je vois d'ici à quelques mètres de
la table où j'écris ceci.
Six heures. Le montage de la guiliotine
vient de s'achever sous les" regards curieux
des privilégiés à. coupe-files et aussi sous
ceux, qu'on ne peut interdire, des audacieux
grimpés sur le toit de la maison du fond.
Il y a là, sur la déclivité des tuiles, des om-
bres féminines dont les pas chancellent, et
l'on peut craindre, peut-être, pour tout ù
l'heure, que la fête du mort ne soit plus com-
plète qu on ne l'espérait.
La guillotine se dresse tout contre le mur
de la prison, à -gauche, à droite de la porte
par où va sortir le. condamné. Ce mur sert
de panneau d'affichage à la, publicité: Voici
les plus proches affiches des grands bois
dressés. C'est d'abord, toute fraîche, uneaffi-
che de compagnie, d'assurances- sur la vie,
puis une affiche e théâtre: annonçant un
drame intitulé Marte ta Râleuse et. enfin.
1 regardant la guillotine, une énorme vache
jaune de Benjamin Rabier qui rit à bouche
fendue, immodérément, en vantant 1 excel-
lence d'un chocolat quelconque.
Mais voici les autorités qui entrent dans
la prison. Il est six heures et quart. C'est
l'heure fixée pour le réveil. Dan vers est re-
veillé depuis une heure et cause avec le
gardien. Quand la cellule s'ouvre, ile est
assis sur son séant, le menton dans sa main
droite et ne, .paraît nullement ému. M. le
procureur de la République Gros, dont
l'énervement est grand, se domine pourtant
et adresse au condamné, les paroles tradi-
I tionnelles.
Danvers, votre recours en grâce est
rejeté. Il faut avoir du courage.
J'en aurai J'en aurai interrompt le
condamné. Je suis un homme et. je vais le
prouvez
Pas un muscle de sa face na bouge. Il.
se lève. sans aide et s'habille.
Au sous-préfet Delbarre, qui lui adresse
aussi quelques paroles d'encouragement, .flî
répond- avec la grande politesse* dont 'il-ne
se départira, pas- jusqu'à' la. fin.
-–Je vous remercie,, monsieur le sous-
préfet, de tous vos bons soins et des encou-
ragements que vous me donniez en: nie1 "vi-
sitant plusieiirs fois. Mais c'est: égal, vrai-
ment, c'est malheureux, de-voir cela Oh
gracie des canailles, et moi, qui suis inno-
cent, on va me tuer ̃ ;̃
Jusqu'au bout, il protestera ainsi de son
innocence. On lui demande s'il veut enteÀ^'
dre' la messe. ,-•
Oui, oui. Je yeux bien'. Je veux voir
aussi mon avocat-
On va chercher l'aumônier, ou plutôt sop
remplaçant, M. le vicaire Perbet, de la -pa-
1 rois se Saint-Siffrein. Pendant ce temps,
tme& sur ses piedb nus
'Pas besoin de chaussette?, o'est-ce pas,
Et il sourit presque. Il n'est nullement
et Je m'y attendais, dit-il par instant, n
fallait que ça finisse comme < a Tout de
même, la justice n'est pas juste.
L'aumônier veut lui remettre un chapelet
Dan vers regarde l'objet et très sincèrement,,
très simplement, dcriiand--
(Ju'cst-ce que cette affd.'ie-!d
La messe fut longue, oh bien longue T
car il élo.it sept heures ¡,cinq quand, la'toi-
1 lette terminée, la porte de la, prison s'ouvrit
ttoutf grande sur la place.
< VWV
Il fait grand jour. Le condamné, marche.
avec fermeté, nullement soutenu pwr les ai-
des. Il n'a pas cet aspect terreux, cet aspect
enfariné qu'ont, en général, les condamnés,
au moment supromo. Il n gai-dé ?on teint
rosé. Son torte à moitié nu est celui -d'un
athlète. On distingue nettement les tatoua-
ges qu'il porte sur la poitrine. Il ne pro-
nonce aucune parole et va mourir, simple-
ment, sans défaillance et, aussi, sans crâ-
ner.
Un brusque gauche. Le voilà étendu
sur la bascule. A peine a-l-il'pu entrevoir la
guillotine.
Au bruit sourd du. couteau, on voit Htté-
ralement jaillir la téte de la lunettp et dispa-
raître dans le panier.
y A côté de moi on crie « Bravo! » Ce
sont les deux beaux-frères .des victimes.
Un peu plus loin, parmi les privilégiés, utie
autre voix crie Bis » Sur le toit, une-
femme s'évanouit et manque de tomber sur
la place. Au loin, la foule pousse-un long
hululement; puis, soudain, comme par en-
chantement. elle se tait. C'est le grand si-
lence, troublé seulement par le piétinemen&
des chevaux.
Est-ce danc que quelque chose d'auguste
vienne de s'accomplir, ou que l'acte de veh-i
geanoe soit un apaisement ? Qui discernera.
jamais l'âme des foules
L'affaire STEINHEU
UN COMPLICE?
Qui donc a laissé ces
empreln'es sur la
pendulette ?
Nous avons, dit que M. Bertillon, chef'd*
service anthropométrique avait relevé sur la
pendulette soumise à son'examen une mys-
terieuse trace de doigt.
Dans les procès-verbaux de premières
constatations -que possède M. André, on peut
lire que seuls, des inspecteurs de la sûreté- et
les magistrats instructeurs ont touché à la
pendule de \oyage et qu'ils ont eu soin de ne
la prendre que par l'anneau qu'elle'parte 8-sa
partie supérieure.
D'autre part, M. André a fait prendre les
empreintes digitales de toutes les personnes
qui
qu'après le crime. Ces empreintes ont. été mi-
nutieusenu-nt étudiées par M. Bertillon; au-
cune d'elles ne ressemble même de loin, yà
l'empreinte trouvée sur l'un des cotés de la
pendule.
Alors ?.
Alors. de résoudra
le nouveau problème qui s'offre à. sa saga-
Nous croyons savoir que le distingue ma-
gistrat est décidé à tout tenter pour faire
la lumière sur ce point dont nous n'avons
pas besoin de souligner' l'intérêt exception-
nel.
Après avoir, cru l'existence d'un coni->
plicé, l'accusation n'était pas loin d'admet-
tre que le double assassinat pouvait avoir
été commis par Mme Stoinheil seule.
empreint*? remet tout en^
Le vingtième., siècle semble devoir
être, pour toutes les nations de l'Asie,
Tëre de la libération et du progrès.
La Chine, en particulier, dès le lende-
main de la révolte des Boxers, comprend
la leçon des défaites que viennent de-lui
infliger, en peu d'années, les Japonais
d'abord, puis les forces,alliées dès puis-
sances civilisées. Malgré son horreur
profonde pour les innovations, malgré
son origine mandchoue c esta-dire
réactionnaire la vieille impératrice
comprend l'inéluctable nécessité pour
les Célestes de se moderniser a leur
Un Chinois éminent, Yuan Chi.Kaï,-la
pousse dans cette, voie il est: l'homme
des temps nouveaux, jeune, énergique,
qui comprend la grandeur et les difii-
cultés de Tévolilion qui doit peu à peu
amener 400 millions de jaunes: à se-
couer leur torpeur. -pour ne- pas rester
en arrière de l'humanité en mar-
Vice i du Petchili. :il s'entoure de
i européens et de mandarins
1 1,- instruits aux Etats-Unis' en
un coup de baguette, il transforme la
r>r.4-iii.-e qu'il administre LeTchih de-
cent un véritable champ d'expériences
pour les réformes, une école politique
et administrative qui fournit bientôt aux
autres vice-royautés des états-majors de
fonctionnaires et d'officiers imbus des
idées modernes.
On pouvait croire que la Chine réussi-
rait à se rénover sans crise violente, et
par ses propres moyens, sans se livrer
pieds et poings liés à l'influence japo-
naise. Tous les représentants de l'Eu-
rope, tous les Occidentaux habitant l'Ex-
trême-Orient voyaient,, avec une entière
confiance, monter l'étoile et grandir la
jouissance du vice-roi de Tien-Tsin.
La cour de Pékin et les Mandchous
conservateurs ne pouvaient voir qu'avec
colère le prestige et le rôle -grandissant
de Yuan Chi Kaï. Noyés dans quatre
cents-millions de Chinois, les quatre
millions de Mandchous seront, en effet,
inévitablement chassés ou écrasés le
jour où la masse du peuple prendra
conscience de ses droits, comprendra
poignée de fartareb dégénérés.
Jugé trop puissant au milieu de ses
Groupes instruites à l'européenne, Yuan
Cin Kai fut, en 1907, appelé à Pékin
comme membre du conseil de l'empirè
eut président des. affaires étrangères.
Mais, malgré cet6e semi-disgrâce appa-
rente, il n'en conserve pas moins toute
.'son influence sur l'impératrice,; il la
convainc de l'impossibilité où, est la
Chine de s'arrêter dans la voie/des ré-
formes il lui montre toutes les nations
d'Asie frémissantes dans leurs aspira-
tions vers la liberté il lui fait craindre
que-les peuples du Céleste-Empire ne
suivent à leur tour ce mouvement' géné-
ral, mais sans la dynastie ou contre
elle. C'est grâce à Yuan. Chi Kai qu'est
promulgué l'édit promettant une Cons-
Le parti mandchou' jura dès tors la
perte de celui qu'on, voyait déjà prési-
dent du conseil de la Chine nouvelle. Les
réactionnaires et les xénophobes lui dé-
clarent une guerre sans merci la lutte
se poursuit, avec des péripéties et. des
phases diverses pendant plus d'une an-
née. Les morts soudaines et,simulta-
nées, de l'empereur et de l'impératrice
en précipitent le résultat.
Terrorisée par la crainte des bombes,
terrassée par'une attaque d'hémiplégie,
fruit de ses. senties amours; cette grande
Catherine moribonde choisit comme hé-
ritier du trône le neveu de, l'empereur.
Pou Yi sons la même pression de la ca-
bale mandchoue, elle désigne comme ré-
xent le, père de celui-ci, le prince
.Tchôuri.' '• -̃̃̃ ̃•-̃;
Peu de jours après la mort des.deux
souverains, un décret du régent daté
du 2 janvier 1909' brutalement révo-
qué de toutes ses fonctions Yuan Chi
Kaï, l'homme assez énergique pour ré-
nover la vieille Chine, mais assez fort
aussi pour balayer quelque jour les
Mandchous et fonder une dynastie chi-
,noise: .•'̃'
Il s'en va sans recevoir ta moindre
Triarque de gratitude pour les. services
,éminents qu'il a rendus a son pays,
chassé comme un vulgaire domestique,
par un de ces revirements, brusques' et
soudaines qui sont une des caractéristi-
ques de la politique intérieure chinoise
Malgré les affirmations rassurantes
que le régent et son gouvernement ont
prodiguées aux ministres étrangers, j
l'œuvre réformatrice ébauchée par Yuan
a bien des chances d'être totalement eri-
travée et interrompue. Les Mandchous
berneront par des promesses les parti-
sarjs des libertés constitutionnelles, en-
tretiendront les divisions et les rivalités
entre les hauts mandarins chinois, favo-
xénophobes, qui n'ont que trop de pro-
pension à se développer en présence
d'une Europe divisée et ignorante.
L'élite de la jeunesse chinoise est trop
ardente à vouloir une rénovation politi-
que et administrative, les troupcs du
Céleste-Empire sont trop profondément
travaillées par les sociétés secrètes anti-
dyncrstinues pour que la réaction qui
commence ne soit pas suivie, dans un
délai plus ou moins bref, d'une révolu-
tion violente, d'une tourmente générale,
dans laquelle les Occidentaux, fixés dans
l'Empire du Milieu, seraient emportés et
> A. Messimy.
Député de la Seine.
LA LUTTE
contre la
TUBERCULOSE
En Allemagne la mortalité,
en quarante ans, diminue
de 50 poûr cent.
En Angleterre, pour le même temps,
elle a diminué de 38 pour cent
La France est moins heureuse:
nous devons faire
un effort.
:Avec une ardeur égale, tous les pays ci-
vilisés mènent la, lutte contre le plus ef-
froyable, contre le plus meurtrier des maux
humains, contre la tuberculose. Tous, ce-
pendant, ne voient pas leurs efforts égale-
ment couronnés. de: succès.-L'une des plùs
fortunées parmi- les nations pour les: résul-
tats heureux qu'elle- obtient dans sa lutte de
tous-les instants, s'il 'faut en croire le pro-
fesseur Nietner,
dans les Documents du Progrès, fait en Ai:
montre qu'on est dans la bonne, voie, c'est
la décroissance continue, de la mortalité tu-
berculeuse. La proportion des décès tuber-
culeux a. été -"eh Prusse, jusqu'en -186G,- de
31 à 35 par 10,000 habitants en 1890, de
2R,11 en de 19,21 en 1907, seulement
de 17,12. »
Par-quels procédés, par quelle législation
l'Allemagne est-elle arrivée à' ces, très inté-
ressants résultats, le professeur Nietner'
nous le dit encore.;
Il n'y a guère que treize ans que, dans
lés pays d'outre-Rhin, la lutte contre la tu-
berculose s'est faite, ardente il n'y, a pas
longtemps qu'on y a compris que l'affreuse.
maladie pouvait se combattre non seule-
ment par les ressources de la médecine,
mais 'aussi par des mesures sociales'.
-L'OEUVRE DE L'ALLEMAGNE
Portant, c'est en 1875 que fùt fondé le
Comité central allemand pour la lutte con-
tre la tuberculose, comité qui provoqua la
création des 250 sociétés locales qui mènent
le bon combat, àes, 99 sanatoriums populai-
res et des 36 établissements privés où sont
soignés par an 48,000 malades..
C'est encore sous son' impulsion que se
sont fondés ces 17 sanatoriums où l'on tente
de 'guérir les enfants tuberculeux et les 73
autres établissements où les petits êtres
scrofuleux ou suspects sont mis en obser-
vation.
puis-'un jour'est'venu où l'Allemagne a
compris que ses somptueux sanatoriums pu-'
pu!aires ne pouvaient future a la tâche, que
leur œuvre était forcément incomplète, et
demandait a être parachevée par. d'autres
institutions. Et elle créa les dispensaires
phtisiques elle rechercha dans les familles
tuberculeuses les niernbrès menacés ou déjà
atteints par la contagion, sur eux elle exerça
unp nrtive surveillance..
Pour pourvoir a ces. frais considérables
elle t'est sera des caisses d'assurances qui
fonctionnent sous le contrôle de l'Etat. Ces
caisses ont compris, en effet, que leur inté-
rêt était plutôt de guérir l'ouvrier maladie.
que-de lui payer la rente d'invalidité d la-
quelle Adroit tout.travailleur aliemand dont
ie salaire ne dépasse pas 2,400 francs, et
pour laquelle, chaque semaine, de moitié
avec, son patron, il a effectué un versement
obligatoire.
:Le. résultat de toutes ces,, mesures c'est
que la mortalité tuberculeuse en quarante
ans a diminué de,près de. moitié.
LA MÉTHODE FRANÇAISE
En France, que 'faisons-nous
.Ce qu'est notre armement antitubercu-
leux les résultats appréciables que, nous
avons obtenus" dans notre lutte contre l'af-
freuse maladie, cela nous avons été le de-
mander à un des hommes les plus compé-
tents en -la matière, au docteur Savoire, se-
crétaire de la commission permanente de
préservation contre la tuberculose en Fran-
ce qui, l'an dernier même, faisait pour 'le
ministère de l'intérieur un état officiel des-
progrès obtenus 'sur le mal. Il nous l'a dit
En France, il est extrêmement difficile
d'être fixé sur la décroissance du mal. Nous
n'avons pas dé statistiques sur lesquelles on
puisse se baser. Les chiffres cités sont exa-
gérés et n'ont été obtenus qu'à l'aide d'sn
calcul- contestable- Ces chiffres pourtant
existent pour Paris. La mortalité tubercu-
leuse y a passé, pour 10,000 habitants, de
46,9 en 1890, à 37,7 en 1903.
Le docteur Savoire n'est point partisan des
procédés employés en Allemagne pour lut-
ter contre la tuberculose.
Cette' méthode est chez nous impossible.
Et c'est à prévenir qu'ont tendu tous les
efforts de la commission permanente de pré-
servation contre la tuberculose qui siège au
ministère de l'intérieur..
Notre armement antituberculeux ? Il com-
prend plusieurs sociétés ou ligues contre la
tuberculose, comme l'Alliance d'hygiène so-
ciale que préside -.NI. Léon Bourgeois, ou
de préservation de l'enfance contre
la tuberculose que fonda le professeur Gran-
cher. Il comprend une cinquantaine de dis-
pensaires, 20 cures d'air, .14 hôpitaux mari-
times, 10 sanatoriums populaires, des', crè-
ches, des gouttes de lait qui, en améliorant
l'hygiène de l'enfance, permettent d'arra-
.cher un nombre considérable de petites
existences à la tuberculose. Il comprend des
hôpitaux avec, locaux isolés pour tubercu-
\pxix ce que l'Allemagne n'a pu encore
réaliser les bains-douches, les sociétés
d'habitation à bon .marché" et de jardins ou-
vriers les ligues contre l'alcoolisme, tout
ce qui, enfin, améliore l'hygiène et peut
préserver, par suite, de la- tuberculose.
Et c'est pourquoi, bien qu'elle ne soit pas
spécialement dirigée contre la tuberculose,
la loi de 1902, la loi pour la santé publique,
en améliorant tes conditions d'hygiène, con-
tribuera à diminuex la mortalité tubercu-
leuse.' •̃••
Aux yeux du docteur Sa voire, ce-n'est pas
tant à ses sanatoriums qu'aux mesures géné-
raies d'hygiène qu'elle a prises,, que l'Alle-
magne 'doit l'abaissement de, sa mortalité
tuberculeuse, diminution d'ailleurs moins
sensible depuis époque où l'on créa en
grand, nombre, les aanatoriums.
LES LOTS ANGLAISES
Et le docteur Savoire prend en exemple
également !'Angleleri%, qui, ayant dépensé
120 millions pour la salubrité publique, dp
1850 à 1870, et trois milliards de 1875 (date
de la promulgation du Public Health Act, la
loi d'hygiène anglaise) à 1890, a vu ,en qua-
rante ans diminuer de 38 0/0 sa mortalité
tuberculeuse, grâce uniquement aux-meil-
leures conditions hygiéniques qu'assurent
s'es lois à' son .peuple.
oH RESSUSCITE
OlIBltlÉ
Le arc
BESANÇON, 25 janvier. Par lettre de no-
tre correspondant particulier. Un conflit,
qui menace de prendre une très grande- ex-
tension dans-le département du Doubs,vient
d'éclater. Besançon entre les coiffeurs, les
épiciers et.le fisc..
Il y a une huitaine de jours les coiffeurs et
les épiciers de notre ville recevaient de M. le
tout de suite à sa caisse une somme de qua-
tre francs'pour droit de visite.'
Avec inquiétude, ils se demandèrent ce
que cela signifiait C'est de l'arbitraire, di-
saient-ils. On nous gruge!
Bien pénétrés de cette idée, ils en référé- j
rent à, leur syndicat. Une première réunion
eut lieu à la suite de laquelle une déléga- j
tion de vingt coiffeurs se rendit la mairie
de Besançon, pour y rencontrer le contrôleur
municipal Décrire l'étonnement; de ce
dernier en voyant tout ce monde pénétrer
dans son bureau esL impossible. Presse de
questions, le fonctionnaire des contributions
leur expliqua que. l'impôt, qu'on leur récla-
mail n'était, pas il. était prévu pari
une loi qui n'avait c|u'u,n -défaut celui dêîre j
trop vieille.
Voici en substance ce qu'il leur répondit
Des lettres patentes de 1780 soumettaient a;
la visite de leurs produits les pharmaciens
et les droguistes et fixaient un droit à spp-'
porter par les commerçants visités. Le 25
thermidor an XI (13 août 1803), un décret
étendit cette vérification et ce droit aux épi-
tiers, coiffeurs et à toute une catégorie de
commerçants vendant des produits nocifs
ou des marchandises confectionnées avec
ces produits. Une loi de 1804 étendit encore
cette vérification aux herboristes. Ces dis-
positions, ajoutait-il, n'ont jamais été abro-
Les coiffeurs protestèrent contre cette
épave des régimes déchus, alléguant qu'on
n'était jamais descendu chez eux. Le contrô-
leur ne put que leur dire Dura tex sed lex,
les engageant toutefois à se rendre à la pré-
fecture pour tenter de s'aboucher avec quel-
ques-uns des membres du conseil d'hygiène,
dispensateurs de cet impôt. La délégation
écouta: ce conseil et s'en fut à la préfecture.
Elle fut reçue par le chef de division de qui
relève ce service, lequel-confirma aux inté-
ressés les renseignements donnés par le
contrôleur, ajoutant qu'en ce moment l'Etat,
fortement endetté, faisait argent de tout. Il
leur conseilla â son tour de saisir du fait les
représentants, du département.
Cette réponse n'a. pas satisfait les coif-
feuis qui se. sont réunis dn nouveau ce soir
huit heures et demie. Ils ont décide ae tîe
pas acquitter cet impôt qu'ils jugent exces-
sif et oi t lancé des circulant à leuis tollè-
gues du département et des départements
peu, une grande réunion aura
lieu.de. concert avec les épiciers.
JEAN CHARCOT VOGUE
VERS LE POLE SOD
voici les dernières' nouvelles que nous
avons reçues du chef de l'expédition fran-
çaise au Pôle Sud
Pour gagner du tetnps, j'ai décidé-de ne
pas faire: escale à Ushuaia.
Notre pont est surchargé de charbon, ce
qui nous' permettra, de sortir des canaux
satà toucher celui des soutes.
De plus, en sortant, par le canal Cock-
burn, étant donnés les vents régrzant de
l'ouest, nous serons bien au vent de notr'e
point d'atterrissage dans l'Antarctique.
CHARCOT.
PROPOS' D' UN PARISIEN
Il ne peut se déplacer sans que les jour-
naux annoncent l'heure de son départ,
l'heure de son arrivée, indiquent la couleur
de son chapeau, relatent le plus banal de
ses propos. Une meute de reporters s'atta-
che à ses pas, .le traque sans pitié, mais
il se défend avec énergie. Parfois, un in-
terviewer, plus habile ou plus audacieux
que les autres parvient à l'approcher et à
le questionner “̃
Sera-ce pour bientôt ?
Je l'espère.
Etes-vous content de vos artistes ?
Enchanté.
'Les accessoires ?
'Ils sont prêts depuis longtemps.
Les répétitions ?
Excellentes.
Bref,' vous 'croyez que rien ne clo-
chera ?"
J'ai confiance.
Le fait est que jusqu'à présent, il n'a
obtenu que des succès incontestés. C'est
pourquoi personne ne songe à nier son
talent, sa virtuosité il n'a pas de rival.
On nous l'avait représenté comme un
neurasthénique, un triste. Pas du tout
il a une parfaite santé et se montre sou-
vent de joyeuse humeur. Alors, ses amis
parviennent à lui arracher des confiden-'
ces
On raconte, lui disent-ils, qu'au dé-
but de la piéce, le coq chante.
C'est exact. Comment faire autre-
ment ? La pièce commence au lever du
jour.
Vous avez aussi d'autres volatiles
dans votre troupe ?
Oui, mais je compte beaucoup sur
mon merle, un assez vilain merle, d'ail-
leurs. Vous verrez cela
Et il parle d'autre chose.
Pendant longtemps, on crut qu'il avait
pris sa retraite. Il se taisqit; d'innombrables
fausses nouvelles le représentaient comme
un homme fini. mais ses amis répétaient
Il reviendra plus en train que ja-
mais
En effet, il est revenu et. « Ah ça,
dites-vous, est-ce que vous avez bientôt
fini de nous raser avec votre Edmond Ros-
tand et son Chantecler ? »
Edmond Rostand Pardon, vous faites
erreur je ne vous parle que de M. Dei-
bler. Clément Vautel.
Awgnon. 26`janvier. Dépêche de notre
envoyé spécial. Rémy Danvers, l'assassin
des époux. Uonat, maîtres valets au château
de La Palud, a subi sa peine ce matin à sept
heures cinq minutes, sur la place d'Inguim-
bêrt à Carpentras, dans une tempête de cris,'
dé sifflets et de bravos parmi les bouscu-
lades et les bagarres.
Lorsque hier, on avait appris que les au-
torités avaient réquisitionné à Avignon, à
Tarascon,et dans tout le département, près
de sept cents hommes de troupe, on avait
quelque peu haussé les épaules, l'énoncé
d'aussi importantes précautions. Eh bien, il
s'en est fallu'de peu quelles fussent insuf-
fisantes, en présence de. l'assaut d'une foule
^déchaînée, énervée par deux nuits d'attente
et de beuvenes carnavajesqups, en qui sur-
vit quelque peu du saag de^ ancêtres ro-
mains?. et de ceux contemporains du schisme
papa.)-- ^majeuiB des \en\ cruels du cirqu*3.
Mais procédons pai oTdrf chronologique
dans le récit des péripéties, de cei'^ nuit tra-
gique.
Minuit..Les cafés, les hôtels, plus encore
que la nuit dernière, regorgent de consom-
mateurs. D'instant en instant, arrivent des
véhicules de toutes sortes, depuis l'antique
char à bancs, jusqu'à l'automobile dernier
style,: amenant dés étrangers accourus- à la
fête de .sang- qui- se prépare. Les rues elles-
mêmes,: les places,, les carrefours sont rem-
plis d'une foule-tumultueuse, d'hommes, de!
femmes, d'enfants. Les .chants, les cris s'en-
trecroisent. Dés' pétards, des bottes d'arti-
fice éclatent comme a quelque fête votive.
Des fillettes forment et chantent des rondes,
sur la place du Tribunal, à deux pas de la
cellule du condamné. Il est impossible que
celui-ci n'entende pas, surtout- maintenant
que .clapotent sur les pavés pointus' les
fers des chevaux des, hussards vènant: pren-
dre position, car, voici, dès maintenant, les
troupes à leur poste, bouchant les points
d'accès de la place exiguë où s'accompliront
les rites mortels.
Seule, ou presque seule, parmi tant de lu-
mières qui semblent, des illuminations, une
façade est demeurée -.sombre,, silencieuse et
close. C'est celle de l'hôtel du Cours où l'exé-
cuteur a pris glte. M. Deibler et ses aides,.
dorment profondément. Je m'en suis assuré.,
| Iïs.se sont fait 'porter au réveil, pour quatre
heures et, jusque-là demeurent étrangers et
comme insensiblés au sabbat qui gronde au-
tour d'eux. Cet hôtel qui demeurera histo-
risque à Carpentras, est comme un îlot de
silence' et de recueillement.
Deux heures. La cohue grandit, s'il est pos-
sible. Des Américains, dès Anglais, venus en
automobile, s'efforcent' de trouver, à prix
d'or, des fenêtres ou des balcons d'où; ils
pourront voir tomber une tête, Il n'y en a
pas. J'ai dit hier que trois maisons seulement
s'élèvent sur la "pièce, dont deux sont hermé-
tiquement closes et dont la troisième appar-
livrer à pareil trafic..
Je vais m'informer de ce que.fait.le héros
de la « fête ». Il dort. Il n'entend pas. Est-ce
possible ?. Pour le fatiguer et attirer sur
lui le sommeil préservateur d'angoisse, ses
gardiens l'ont fait jouer aux cartes jusqu'à
onze heures. Il s'est alors 'couché et bien
vite assoupi, prenant toujours les bruits du
dehors pour ceux d'un' carnaval persistant.
Hélas ce sommeil ne le protégera pas jus-
qu'au bout.
Quatre heures. Le froid augmente, sec. et
cinglant. Sur leurs petits chevaux barbes,
immobiles depuis si longtemps déjà les hus-
sards grelottent dans leurs .'manteaux iléus,
à l'entrée des étroits défilés de maisons con-
̃ duisafit àla place et qu'ils bouchent hermé-
tiquement. Plus heureux qu'eux, les fantas-
sins ont formé les faisceaux et- peuvent. bat
tre la semelle.
Chaque'barrage est quadruplé deux
rangs de cavaliers, botte à botte, deux
i rangs de fantassins, coude à coude. deux
autres rangs dé cavaliers,- puis un rang de
gendarmes. Vous verrez tout à l'heure. que.
cette quadruple barricade humaine a été, un
moment, insuffisante.
Gna heures. Tout à l'heure, M. Deibler
et ses' aides sont sortis --silencieusement de
;l'hôtel,, précédés d'un homme d'écurie qui
conduit un cheval haut le pied, et tout har-
j naché. Ils se sont dirigés vers la gare où
sont en consigne les bois 'de justice. L'hom-
me portait un falot, dont la lumière balan-
cée faisait danser sur la chaussée blanche
les ombres des exécuteurs démesurément
agrandie.
Sur la place du Tribunal, dans les rues
tortueuses, aux vieilles maisons piliers, la
foule est de plus en plus dense, de plus en
plus hurlante. Soudain, un grondement en-
coré lointain ainene une minute d'apaise-
ment. On semble écouter, puis tout- à coup
une acclamation féroce •
Le voilà Le voila!
En effet, le fourgon débouche au grand
trot sur la place du Tribunal avec son fanal
rouge au toit, comme un oeil', sanglant dans
la nuit. M. Deibler a refusé toute escorte. Il
va peut-être le regretter, car une horde due
déments se rue, entoure la sinistre voiture
avec des cris de joie et de conquête
Zou Zou !••'
Heureusement, la rue où elle s engage
est des plus étroites. Les assaillants ne peu-
vent que 'courir derrière le fourgon qui se
hâte; par un détour, vers le barrage qui.lui
a été désigné comme voie d'accès: sur la
place d'exécution. C'est un dévalement, une
galopade, une poursuite qui renverse tout
sur son passage. Un nuage de poussière
obscurcit encore la lueur à peine visible de
a su es réverbères. Le fourgon vs-f-il être
enlevé et pillé, mis en miettes par la popu-
Zou Zou M. Mori7ot, chef de la bri-
gade mobile de Marseille, envoyé par le
service d'ordre, a vu le danger. Seul, ou
presque seul, il s'élance et il rejoint le four-
gon au moment même où le barrage de la
rue d'ingmmbprt s'ouvre pour le laisser pas-
ser Des grappes humâmes sont suspendues
à la voiture et passent avec elles dans Te'n-
M. Morizot.
On se hâte d'obéir, mais un cheval de hus-
sard s'abat, et par cette brèche lafoule s en-
gouffre, bouscule les fantassins qui. ne sa-
vent que faire et, surpris, rejetés sur les
boutiques closes, n'arrivent, pas à se refor-
C'est alors, dans ce réseau d'étroits boyaux
mal éclairés, une bagarre sans nom. M. Mo-
rizot a appelé tes gendarmes de la place. Ils
accourent au trot. Le" chef de la brigade mo-
bile arrête de sa main'une douzaine des plus
acharnés assaillants. Les autres soi! l refou-
iés, mais. avec les plus grandes difficultés,
par toutes les voies de dégorgements Il y a
là un tas de petits combats partiels. J ai vu
de mes veux des, gendarmes penches sur
leur selle, cueillant le tour dextre des ma-.
nifestants et les transportant à bout de bras
hors des barrages.
Pendant ce temps la foule, à 1 autre extré-
mité siffle, injurie -ol-iats, fct
parvient, à maintes reprises, sinon il forcer
entièrement le grand barrage qui bouche la
communication entre la place du, Tribunal et
la petite place d'Inguimbert, tout au moins à
le faire osciller, onduler et, parfois craquer.
Et toujours, le sinistre « Zôu Zou » sif-
fle dans l'air, Il'1
seaux mauvais passait sur la ville Lest
le terrible « Zou Zou des grands drames
avignonnais. Celui qui siffla aux oreilles de
Lécuyër réfugié aux marches de l'autel, ce-
lui qui bourdonna autour de l'agonie du ma-
•rèciiûi brune dans la vieille maison de la
place -d'Olïioules, la vieille maison toujours
debout que je vois d'ici à quelques mètres de
la table où j'écris ceci.
Six heures. Le montage de la guiliotine
vient de s'achever sous les" regards curieux
des privilégiés à. coupe-files et aussi sous
ceux, qu'on ne peut interdire, des audacieux
grimpés sur le toit de la maison du fond.
Il y a là, sur la déclivité des tuiles, des om-
bres féminines dont les pas chancellent, et
l'on peut craindre, peut-être, pour tout ù
l'heure, que la fête du mort ne soit plus com-
plète qu on ne l'espérait.
La guillotine se dresse tout contre le mur
de la prison, à -gauche, à droite de la porte
par où va sortir le. condamné. Ce mur sert
de panneau d'affichage à la, publicité: Voici
les plus proches affiches des grands bois
dressés. C'est d'abord, toute fraîche, uneaffi-
che de compagnie, d'assurances- sur la vie,
puis une affiche e théâtre: annonçant un
drame intitulé Marte ta Râleuse et. enfin.
1 regardant la guillotine, une énorme vache
jaune de Benjamin Rabier qui rit à bouche
fendue, immodérément, en vantant 1 excel-
lence d'un chocolat quelconque.
Mais voici les autorités qui entrent dans
la prison. Il est six heures et quart. C'est
l'heure fixée pour le réveil. Dan vers est re-
veillé depuis une heure et cause avec le
gardien. Quand la cellule s'ouvre, ile est
assis sur son séant, le menton dans sa main
droite et ne, .paraît nullement ému. M. le
procureur de la République Gros, dont
l'énervement est grand, se domine pourtant
et adresse au condamné, les paroles tradi-
I tionnelles.
Danvers, votre recours en grâce est
rejeté. Il faut avoir du courage.
J'en aurai J'en aurai interrompt le
condamné. Je suis un homme et. je vais le
prouvez
Pas un muscle de sa face na bouge. Il.
se lève. sans aide et s'habille.
Au sous-préfet Delbarre, qui lui adresse
aussi quelques paroles d'encouragement, .flî
répond- avec la grande politesse* dont 'il-ne
se départira, pas- jusqu'à' la. fin.
-–Je vous remercie,, monsieur le sous-
préfet, de tous vos bons soins et des encou-
ragements que vous me donniez en: nie1 "vi-
sitant plusieiirs fois. Mais c'est: égal, vrai-
ment, c'est malheureux, de-voir cela Oh
gracie des canailles, et moi, qui suis inno-
cent, on va me tuer ̃ ;̃
Jusqu'au bout, il protestera ainsi de son
innocence. On lui demande s'il veut enteÀ^'
dre' la messe. ,-•
Oui, oui. Je yeux bien'. Je veux voir
aussi mon avocat-
On va chercher l'aumônier, ou plutôt sop
remplaçant, M. le vicaire Perbet, de la -pa-
1 rois se Saint-Siffrein. Pendant ce temps,
tme& sur ses piedb nus
'Pas besoin de chaussette?, o'est-ce pas,
Et il sourit presque. Il n'est nullement
et Je m'y attendais, dit-il par instant, n
fallait que ça finisse comme < a Tout de
même, la justice n'est pas juste.
L'aumônier veut lui remettre un chapelet
Dan vers regarde l'objet et très sincèrement,,
très simplement, dcriiand--
(Ju'cst-ce que cette affd.'ie-!d
La messe fut longue, oh bien longue T
car il élo.it sept heures ¡,cinq quand, la'toi-
1 lette terminée, la porte de la, prison s'ouvrit
ttoutf grande sur la place.
< VWV
Il fait grand jour. Le condamné, marche.
avec fermeté, nullement soutenu pwr les ai-
des. Il n'a pas cet aspect terreux, cet aspect
enfariné qu'ont, en général, les condamnés,
au moment supromo. Il n gai-dé ?on teint
rosé. Son torte à moitié nu est celui -d'un
athlète. On distingue nettement les tatoua-
ges qu'il porte sur la poitrine. Il ne pro-
nonce aucune parole et va mourir, simple-
ment, sans défaillance et, aussi, sans crâ-
ner.
Un brusque gauche. Le voilà étendu
sur la bascule. A peine a-l-il'pu entrevoir la
guillotine.
Au bruit sourd du. couteau, on voit Htté-
ralement jaillir la téte de la lunettp et dispa-
raître dans le panier.
y A côté de moi on crie « Bravo! » Ce
sont les deux beaux-frères .des victimes.
Un peu plus loin, parmi les privilégiés, utie
autre voix crie Bis » Sur le toit, une-
femme s'évanouit et manque de tomber sur
la place. Au loin, la foule pousse-un long
hululement; puis, soudain, comme par en-
chantement. elle se tait. C'est le grand si-
lence, troublé seulement par le piétinemen&
des chevaux.
Est-ce danc que quelque chose d'auguste
vienne de s'accomplir, ou que l'acte de veh-i
geanoe soit un apaisement ? Qui discernera.
jamais l'âme des foules
L'affaire STEINHEU
UN COMPLICE?
Qui donc a laissé ces
empreln'es sur la
pendulette ?
Nous avons, dit que M. Bertillon, chef'd*
service anthropométrique avait relevé sur la
pendulette soumise à son'examen une mys-
terieuse trace de doigt.
Dans les procès-verbaux de premières
constatations -que possède M. André, on peut
lire que seuls, des inspecteurs de la sûreté- et
les magistrats instructeurs ont touché à la
pendule de \oyage et qu'ils ont eu soin de ne
la prendre que par l'anneau qu'elle'parte 8-sa
partie supérieure.
D'autre part, M. André a fait prendre les
empreintes digitales de toutes les personnes
qui
qu'après le crime. Ces empreintes ont. été mi-
nutieusenu-nt étudiées par M. Bertillon; au-
cune d'elles ne ressemble même de loin, yà
l'empreinte trouvée sur l'un des cotés de la
pendule.
Alors ?.
Alors. de résoudra
le nouveau problème qui s'offre à. sa saga-
Nous croyons savoir que le distingue ma-
gistrat est décidé à tout tenter pour faire
la lumière sur ce point dont nous n'avons
pas besoin de souligner' l'intérêt exception-
nel.
Après avoir, cru l'existence d'un coni->
plicé, l'accusation n'était pas loin d'admet-
tre que le double assassinat pouvait avoir
été commis par Mme Stoinheil seule.
empreint*? remet tout en^
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