Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-01-11
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 11 janvier 1906 11 janvier 1906
Description : 1906/01/11 (Numéro 7991). 1906/01/11 (Numéro 7991).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2008
SIX Pê.fJii Paris et CENTIMES
Jeudi 11 Janvier 1906
DERNIERS TÉLÉGRAMMES DE LA NUH
PAR entie r
LA PATRIE ET LA `GLOIRE
[La scène que nous puùlions, avec l'auto-
^Tisation gracieuse de la Revue de Paris, est
une des principales du Coup d'aile. Elle mel
en présence le que, les ha-
sards des manœuvres ont amené à, loger chez
un dépttté 'antimilitariste, Bernard Prinson,
et où il rencontre un ancien officiers colonial,
Micliel, qiu a déserté après' avoir commis des
exactions,] ̃ -;• ̃ >
LE COLONEL :Hérouard. Vraiment
'Je puis espérer que ma présence n'a pas
été trop importune ? ?.'•
Bernabd, protestant. Oh colonel 1
Hérouard. -Dame L'hôte inat-
tendu qu'on accepte par devoir.
ii Bernard, interrompant. C'est très
vilain de nous prêter des sentiments pa-
Treils. Nous vous regretterons beaucoup.
Sachez-le, colonel, votre séjour dans
cette maison marquera une date dans ma
vie. Jusqu'à ce jour, je me figuraisque
les vieilles formules du patriotisme ne
conviennent pluss;qu'aûx esprits peu cul-
tivés^ Ce matin, lorsque je suis sorti pour
^saluer le drapeau, je faisais une conces-
(t'hot. Henri Manucll
Auteur dit « Coup tëailé- J
sion aux préjuges de mes électeurs; mais
q(j n'étais pas aussi rempli de respect que
mon attitude l'indiquait. Eli bien eau
moment où lc drapeau s'est avancé, j'ai
eu rirnprcs.sioii-qùc l'officier, en saluant
de l'épée, offrait 'sa vie. et celle de ses sol-
dats; et que le drapeau acceptait!
Mieux encore- Quand. -le -drapeau. a:
passé devanl moi pour franchir 'celle'
porte, je me suis incliné,- oh cette fois;,
très sincèrement ému.,C'était un prince
pénétrait sous mou' toit. Jainais manant
n'a reçu avec.plus de squmissioii ia vi-
me à un ami auquel -oh' ncrcvaint point
de dévoiler ses petits travers.
Hérouaud. A }i monsieur. Prinson,
l'envie votre éloquence' elle me servi-
.rait à vous remercier. Notre: métier
r.'est pas en hausse; par le temps qui
feourt. On trouve tout simple. que nous
allions nous faire casser les os à Mada-
gascar, au Tonkin, au Soudan, pourvu
que nous nous laissions; traiter d'imbé-
ciles et de propres-à-rien: C'est donné
Mais bah des crétins comme nous, il
en faut J'éprouve 'tout de même un
soulagement à rencontrer quelqu'un de-
vent lequel on n'a pas à rougir d'être un
(:le ces crétins-là Il existe donc encore
tin homme de bon sens-qui admet qu'un
peuple est f. dès qu'il n'honore plus
le courage .militaire- Lorsqu'on m'a
prévenu que je logerais chez le député
Prinson, ma foi, je l'avoue, cela ne m'al-
lait qu'à moitié. Vos discours, arran-
gés par les journaux, ressemblent si peu
à ce que j'entends !En lisant les comp-
les rendus de la Ch»mbre;' on' se de-
mande parfois Comment reste-t-il
une France ?; » Et. puis on voit que la
France reste pourtant debout, et alors
on se dit qu'il doit y avoir un correètif.
Eh bien à présent, je:sais qu'il y en- a
tin. Vous êtes de meilleurs bougres que
vôus n'en avez l'air. Vous aimez la
France Vous aimez son drapeau
Vous ne les séparez ,pas l'un de l'au-
tre. Le drapeau Pour comprendre
ce' qu'il est il faut avoir entendu siffler
les balles. Le prêtr.e a son Dieu vivant,
incarné dans l'hostie. Le drapeau, lui
aussi, nous apporte une présence réelle.
ILorsqu'il flotte pendant la bataille, c'est
la Patrie elle-même qui éterid les bras sur
le pioupiou qui tombe: Quand vous
vous êtes mis à parler du drapeau com-
me s'il s'agissait d'une personne, j'ai
frémi de la tête aux pieds. C'est une
personne ̃ ̃<'>̃•
MICHEL. t- Je suis ancien soldat et -j'ai
fait plus qu'entendre siffler les balles.
Regardez. (Il porte la main à sa figure.)
Oui, vous avez raisôn lé drapeau est
une* personne- Mais .cette personne
n'est pas la Patrie J'ai observé sous
ia feu de l'ennemi des soldats de la lié-
gion étrangère; ou bien des gens ;qui
vendent leur sang des nègres, des for-
}Jans. Autour de la personne en ques-
tion, leur courage s'exaspérait folle-
ment. Us se faisaient hacher pour elle.
Ce n'était cependant pas leur Patrie
Hérouard. Alors qui ? .•
Michel. La gloire!
Hérouard.; En quoi ,peut:.elle tou-
cher des nègres qui'n'ont même pas de
mot pour la; désigner, ou des désespérés
qui ont perdu jusqu'à leur nom?
i Michel. Vous aussi, mon colonel,
'vous avez noiuluil feu ces deux espè-
ces de, i't1!]^ (jiii ou non,' est-il vrai que
le drapeau exalte leur courage ?
carne lerréghnent. L'esprit de corps, qui
est un petit patriotisme, les enflamme.
Ils protègent contre l'ennemi l'emblème
dt1 régiment, avec une passion analogue
à, cell,e que développent certains ]eux.
Lorsque des enfants. se. disputent un bal-
lon, il y a souvent des bras'et des jam-
bes cassés.
Michel. J'ai connu des révoltés qui
avaient pour le régiment une haine ef-
froyable et qui ne pouvaient pas regar-
der le drapeau sans pâlir. L'un ne repré-
sentait donc pas l'autre. Savez-vous ce
qui rend le drapeau sacré aux nègres et
aux gens de sac et de corde ?. C'est
qu'ils ont appris que tout un peuple at-
taché à la conservation de ce morceau
d'étoffe une importance extrême. Que
la colère et le mépris attendent ceux qui
le laissent prendre. l'admiration et la
louange ceux qui le sauvent. Ah ils
ne se font pas d'illusions, ces malchan-
ceux Ils n'espèrent ni honneurs ni
triomphe. Mais ils éprouvent confùsé-
ment que l'élan d'un peuple entier vers
un objet, homme ou chose, constitue la
vision la plus émouvante. qu'il soit don-
né dé contempler. Les objets finissent
par s'imprégner du sentiment qu'ils
inspirent. J'ai, vu, au fond de sanctuai-
rés où se pressaiént des milliers de pè-
lerins, dès vierges de bois devenues
vraiment divines à force d'avoir entendu
les ardentes prières et les supplications
des foules. Elles guérissaient les infir-
mes et convertissaient les pécheurs. Le
drapeau, lui, est tissé d'héroïsmes, d'en-
thousiasmes et de fiertés. Il flotte tout
gonflé d'émotions humaines. Devant
lui, les fronts les plus huiniliés rayon-
nent. Il est une beauté. C'est la gloi-
Hkrouard. Une beauté, c'est cer-
tain. On se bat devant lui, comme, sur
le terrain,- on se battrait devant une fem-
me très belle.
Michel. Et si un révolté en arrive
à tirer sur lui. Eh bien on tue la fem-
me (lu'oil trouve dans l'es bras d'un au-
tre. on tue et on adore 1.
Ukrouaki). Monsieur Renaud, vous
ne forez pas cntrei' dans ma caboche de
vieille baderne qu'un soldat peut aimer
son. drapeau -et: tirer dessus. En outre,
la Patrie et la gloire. Maigre cela, 'vous
vciiez.de dire des choses qui m'ont plu..
Cela n'u,'pas d'in-
leret. je suis de ceux qui ont, perdu jus-
qu'à leur nom.
HïiROUAno. Je n'insiste pas: f/W«£
de même. ̃
Michel. Pas cela non plus.
HiinoùARb, (ï'nn ton résigné. Ah!
1 François de Curel.
DE MIDI A MINUIT
Les faits d'hier Esa France et à l'étranger.
Clôture 'de la Bourse, ferme 98 87 •
Extérieure, 91 55; Russe consolidé, 93
Turc, 91 77 Rio, 1,678 Rand Mines, 188.
Le troisième congrès des fabricants fran-
çais de conserves dé sardines s'est ouvert
il Nantes. La presque totalité des fabricants
de. Bretagne et de Vendée étaient présents
A la suite d'un conflit qui à éclaté entre
ceux ̃ contremaîtres, une grève s'est pro-
duite à- l'usine de fers Septier, il Vizille
(Isère). Les ouvriers, prenant parti pour
Tun des conlreiiiuiires, exigent le renvoi de
l'autre. Ils ont parcouru- les rues-en coi,
tège, mais dans le plus grand calme.
Le cuirassé russe L'esarevUch, venant de
est il y restera
quinze jours pour faire du charbon et ré-
parer quelques avaries..
Le tsar a reçu en audience d'adieux sir
Cloarles Hardinge, ambassadeur d'Angle-
terre. Interrogé sur la date probable de la
réunion, de la Douma, le comte Witte a dé-
claré qu'il lui était impossible de la fixer
encore d'une manière définitive. Le gouver-
nement russe a reçu des provinces du Cau-
case, et plus particulièrement de Géorgie et
de Mingrélie, des nouvelles inquiétantes sur
l'intensité du mouvement révolutionnaire
dans ces régions il 'finis et a Eiizabethpol,
la situation serait très grave.
La princesse Clémentine de Belgique a
quitté Bruxelles pour se rendre il Saint-Ra-
phaël.
Le roi Alphonse XII est parti pour Al-
cala de HenaVes, où il va assister a des ma-
nœuvres, militaires. Les autorités espagno-
les ont saisi le journal catalan Poble Calala.
Le référendum organisé en Suisse contre
la loi créant une banque nationale a
échoué.
Le prince Arsène de; Serbie, frère du roi
Pierre Ier, est arrivé à Belgrade.
Le Journal officiel brésilien a publie le
compte rendu de l'incident du Panlher
l'Allemagne aurait, paraît-il, promis de dé-
férer les coupables a la justice militaire.
LE GASSINÎ^CHHISTIAM
La Visite du vaisseau dé guerre française a
produit une excellente impression à la
cour et dans toute la Norvège.
Christiania, 10 janvier. Dépêche par.
ticulière du « blatin ». Le vaisseau 4e
guerre français Cassini est arrivé il Chris-
tiania lundi, portant à son bord le ministre
de France, M. Dclayaud. Cette visite a pro-
duit une excellente impression Christiania
et en Norvège officiers et marins du Cas-
sini scyil. fêlés et choyés .par les habitants
de Christianisa qui, sous sa parure d'hiver,
charme nos compatriotes. •.
Hier, le roillà'alcon a reçu en audience so-
lennelle le ministre de France, qui lui a
présenté. le commandant du Cassini. Le
souverain a invité à déjeuner aujourd'hui le
ministre,- le commandant, le ministre nor-
végien'des affaires étrangères et diverses
notabilités. Il, a particulièrement paru sen-
sible à l'attention du président de la Répu-
bliquef qui a envoyé le Crsssini à Christia-
nia, elle ministre de France et les officiers,
français sont restés sous le charme de l'ama-
bilité @,la reine et de la cordialité du roi.
Hier, soirée de gala au Théâtre national,
en l'honnéuutle de l'arrivée dû Cassini. Aujour-
d'hui, M. Delavaud, ministre de France,
doilne un grand dinor, où les membres du
Siouverïieniéni norvégien et les notabilités
norvégiennes se rencontreront avec les' of fi-
ciers du Casziid.
LA CROIX D'UN VIEUX BRAVE
Le gouvernement a fait chevalier de la Lé-
gion d'honneur le doyen des Vétérans
des armées de terre et de mer Une
vie bien remplie Héroïsme et
abnégation.
DIJON, ia janvier. Par lettre de, notre cor-
respondant particulier. 'L'Officiel, d'hier pu-
bliait un décret rendu le 2 de ce mois et nom-
mant plusieurs chevaliers de la Légion d'hon-
neur.
Parmi toutes ces croix nouvelles, bien peu
orneront une plus glorieuse poitrine que celle
de M. Jean Dirassen, le doyen des cent trente-
sept mille Vétérans des armées de terre et de
mer.
Je me suis rendu hier chez le nouveau. pro-
mu, qui habite, à Dijon, un petit appartement,
au deuxième étage. d'une coquette maison,
bastion Saint-André.
D'une voix que trouble l'intense émotion qui
le saisit, depuis qu'il connaît la nouvelle, M.
Jean Dirassen m'a raconté son héroïque exis-
tence, avec la simplicité d'un vieux brave, qui
n'aime pas trop à parler de sa bravoure.
Je suis né dans les Basses-Pyrénées, à
Guiche, le ier juillet 1812. Mon père était « 1^
majeur x. Sur son bateau, à partir de Huit ans,
j'appris auprès des pilotes le rude métier de
moussue. Quand j'eus douze ans, mon père ne
voulut point me faire engager comme mousse.
Te fus garçon de ferme. Pendant trois ans, je
labourai nos champs. Malheureusement, je ne
pus continuer, car, au moins de juin 1827, j'eus
la jambe cassée.
En accomplissant un sauvetage, s'il faut
en croire la rumeur publique?
Oui, mon père conduisait une voiture
chargée de foin il longeait un précipice. Tout
il coup, le cheval prit peur; il devenait très
difficile de le retenir une catastrophe allait se
produire. Je pris le cheval par la bride et évi-
tai le malheur. Mon përé était sauvé; mais la
voiture, qui s'était renversée sur moi, venait
de me briser la jambe-et de me défoncer une
côte.
» Comme je ne travaillais plus à la terre,
j'en profitai pour aller à l'école; c'est, eu effet.
à cet âge seulement que j'appris à lire et
écrirc. Quelques aimées plus tard, à dix-neuf
ans, je fus nommé aide instituteur dans mon
pays. Mais l'heure de mon service militaire
approchais je ne l'attendis pas, et je m'enga-
geai au 64" de ligue, où j'ai « tiré mes sept
M. Dirassen me dit encore qu'il fut nommé,
à la sortie du régiment, instituteur à Belfort,
oîj j} -njstg cinq années. C'est à ce moment qu'il
entra pans l'administration vicinale, où, du-
ian.taîingt-sept ans, il -exerça les fonctions d'à-'
gent voyer.
En 1870, Jean Dirassen avait cinquante-
huit ans. Il ne crut point que sa tâche était
finie. Il s'engagea aux volontaires de secours'
M. Jean Dirassen
aux blessés. La décoration de la Croix-Rouge
et la médaille d'Alsace-Lorraine furent une
faible récompense de son dévouement.
Dans la nuit du 15 décembre, il conduisit, à
travers les lignes prussiennes qui encerclaient
Mulhouse, un détachement de gardes natio-
naux, qu'il amena, deux jours après, à Ville-
franchc-sur-Saône. A Lyon, qu'il gagna, il
s'engagea dans le génie légion de marche),
et bientôt on lui donnait les galons de sergent-
major.
Au cours de la campagne, il eut les pieds
gelés.'
Mais ce n'est:pas que devant l'ennemi qu'il
avait su se montrer vaillant.
A Belfort, il sauva des flammes un de ses
concitoyens; puis un enfant qui allait être
broyé sous les sabots des chevaux d'un esca-
dron de -dragons.
Le 10 octobre 1847, un incendie éclate. On
apprend qu'un vieillard alité est au milieu du
foyer. Dirassen entre résolument dans les flam-
mes et sauve ce malheureux infirme. Six ans
après, il arrache à la mort;'un jeune écolier en
danger.
En 1863, il se trouve à Mulhouse; une ef-
froyable tempête s'abat sur la ville; deux pe-
tites, filles vont être enlevées par la trombe; il
les arrache à une mort certaine, exposant une
fois de plus sa propre vie. Cinq ans après, tou-
jours à Mulhouse, il retire un petit garçon
de dessous les roues d'un lourd chariot qui
allait l'écraser, et, la même année, dans une
circonstance identique, il sauve deux enfants.
Un mois ne devait pas s'écouler sans que le
vaillant Dirassen donnât une nouvelle preuve
de son courage, en maîtrisant deux chevaux
emportés, à la tête. desquels il s'était jeté.
Le, 20 juin 1870, il saute à la bride d'un
cheval affolé, qui le traîne sur un parcours de
soixante mètres il est blessé, mais le conduc-
teur est sain et sauf.
Parmi ses sauvetages, on signale encore ce-
lui d'un homme qui se noyait dans la Savou-
reuse, à Belfort; celui d'un père de sept en-
fants, tombé entre les roues d'une voiturc; ce-
lui'd'une fillette de sept ans, qu'allait écraser
un train. Un jour, le feu éclate dans un entre-
pôt d'huiles, de pétrole des obus provenant du
siège de Belfort s'y trouvent également: Diras-
sen procède, à lui seul, au sauvetage et pré-
serve tout un quartier.
Aussi, n'est-on pas étonné de voir sa poi-
trine constellée de trente-deux décorations.
Parmi ces dernières, il faut mentionner celle
que lui décerna l'Académie française et celle
décernée par la Société nationale d'encourage-
ment au bien. Jean Dirassen.fut aussi titulaire
du prix Montyon.
Il vint a Dijon, où il fait partie de la 1225
section des Vétérans-T les Sauveteurs de la
'©ôte-d'Or et la Société nautique le voulurent
coeamjï président d'honneur. Il s'occupe 'ici
beaucoup de mutualité. Il avait fondé na-
guère plusieurs sociétés à Mulhouse, il avait
créé lçs Sauveteurs du Haut-Rhin puis, à Bel-
fort, il jetait les bases d'une société de secours
mutuels.
Malgré ses quatre-vingt-quatorze ans, qui
bientôt vont sonner, Jean Dirassen est très va-
lide il possède une excellente santé et a bon
appétit. Il est fort gai.
Etre utile à sos concitoyens, c'est le vrai
bonheur! ajouta-t-il en me reconduisant.
PROPOS ÏÏUN PARISIEN
Elections sur élections. C'est le plat du
jour. Il fait, pour le moment, tort à l'autre,
qui est la conférence d'Algésiras. Et comme
hier, entre amis, on s'occupait de scrutin,
de majorité, de minorité, quelqu'un raconta
cette histoire
Dans le Midi, quand un parti s'est em-
paré de la municipalité, c'est pour long-
temps. En effet, le maire, ses adjoints, ses
amis, maîtres des urnes, tripatouillent les
votes comme ils l'entendent. Le parti ad-
verse n'a qu'une ressource envahir la salle
un jour d'élection et jeter l'urne par la fe-
nêtre. En pareil cas, l'autorité politique in-
tervient, renvoie l'élection à un. autre di-
manche et, sous sa surveillance, les choses
se passent correctement.
Or donc, un jour de vote à M. le parti
qui attendait sous l'orme avait préparé un
coup semblable. Mais l'autre parti, le parti
au pouvoir, avait pris ses précautions. Im-
possible d'envahir la salle, sérieusement gar-
dée.
» Ce que voyant, le premier parti décide
de faire le siège de la mairie, occupe toutes
les issues, décidé à prendre ses adversaires
par la famine. Ceux-ci, aussitôt, télégra-
phient au sous-préfet, demandant des gen-
darmes.
» La situation était ainsi, quand les assié-
geants voient les assiégés, qui s'étaient réu-
nis en conciliabule, se mettre à manger.
» Ah les gredins, pensent-ils, ils ont ap-
porté des provisions. Nous sommes lù pour
longtemps
Il Cependant, les gendarmes et le sous-
préfet accouraient. Us dégagent les portes,
pénètrent dans la salle de vole, se saisis-
sent de l'urne, et le sous-préfet demande les
registres contenant les noms des électeurs.
» 0 stupeur toutes les feuilles avaient
disparu.
Voici ce qui s'était passé. Après avoir
fait appel au préfet, le. maire et ses amis
s'étaient dit que si l'antorité fourrait le nez
dans les registres elle y trouverait la
prouve de leurs fraudes électorales.
Il Alors; bravement, stoïquement, ils
avaient mastiqué et avalé pages de gros
papier in-folio.
i) Quand leurs adversaires croyaient
qu'ils absorbaient des sandwiches, les mal-
heureux mangeaient du papier:
N'est-ce pas là un beau trait d'héroïsme à
faire figurer dans les annales du suffrage
universel ? II. Harduin.
AVANT LE' CONGRÈS
La date du Congrès Pour la réunion plé-
nièrè des gauches Les groupes de la
Chambre Un ordre du jour.
Plusieurs journaux du soir ont dit hier
qu'il y avait encore doute sur le point de
savoir si le congrès présidentiel aura lieu le
16 ou le 17 janvier. C'est au Sénat que cette
question s'est posée. On aurait préféré,,en
effet, dans certains milieux sénatoriaux que
la réunion plénière des gauches pût avoir
lieu mardi au lieu de lundi. Mais, à la Cham-
bre, on a élevé des objections contre ce
changement de date, à cause des travaux
ilc cette assemblée, et des mesures matériel-
les qui sont déjà arrêtées à Versailles.
Dans ces conditions, il paraît a peu près
certain que la date du mardi 16 janvier sera
maintenue. La décision définitive sera prise
demain vendredi au conseil des ministres.
En attendant, on se préoccupe unique-
ment, au Palais-Bourbon et au Luxembourg,
de l'organisation de la réunion plénière des
gauches.
Nous avons dit que les trois groupes
républicains du Sénat avaient accepté le
principe de cette réunion.
Hier, au Palais-Bourbon, deux groupes
ont délibéré sur le même sujet l'Union dé-
moçratique et l'Union républicaine.
L'Union démocratique, ù l'issue de sa dé-
libération, a communiqué le procès-verbal
suivant
L'Union démocratique s'est réunie hier
après-midi, sous la présidence de M. Georges
Leygues.
Le président explique que les délégués du
groupe n'ont pu assister à la dernière réunion
de la délégation des gauches, parce qu'ils
étaient retenus dans leurs départements par
les élections sénatoriales.
Le groupe a ensuite adopté à l'unanimité j
l'ordre du jour suivant
Les membres de l'Union démocratique fëso-
lus à assurer l'élection du présideazt de la Ne-
publique par le parti républicain, donnent leur i
adhésion à la réunion plénière des groupes ré- i
publicains pour la désignation de Leur candi-
dat et chargent leur président de prendre
cet égard toutes dispositions utiles.
A ce procès-verbal nous pouvons ajouter 1
que l'ordre du jour a été présenté par MM. •
Joseph Gaillaux, Pierre Dupuy et Modeste 1
Leroy.
D'autre part, l'Union démocratique est fa-
vorablé à la participation des progressistes J
à la réunion plénière des gauches. <̃
Cette participation a été admis, on le sait, l
par les groupes de gauche du Sénat.
Le groupe de l'Union républicaine, qui est
formé d'anciens membres du groupe pro- c
grossiste, s'est réuni hier, sous la présiden- f
ce de M. Flandin (de l'Yonne). En principe,. t
le groupe accepte de se rendre à la réunion
plénière, sous réserve de connaître dans
quelles conditions cette réunion sera appelée
ù se prononcer sur le choix d'un candidat à
la présidence de la République. Le groupe l
a chargé son bureau de se concerter à ce i
sujet avec les bureaux du groupe nrogres- c
siste et de l'Union démocratique.
Enfin, ajoutons que le groupe des répu-, c
blicains progressistes de la Chambre est
convoqué pour cet après-midi, au Palais-
Bourbon, avec l'ordre du jour suivant Si-
tualion politique. Discussion très impar-
C'est évidemment de la réunion plénière s
qu'il s'agit..
–_̃*̃- », ^» ENTRETIENS AVEC LE DUC D'ALMODOVAR & M. MORET
Ce que disent le président de la Conférence
et le président du conseil d'Espagne
[PAR DÉPÊCHE DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
Madrid, 10 janvier.
Arrivé à Madrid hier, en route pour
Algésiras, j'ai eu le grand honneur d'être
reçu ce matin par le duc d'Almodovar,
ministre des affaires étrangères d'Espa-
gne.
J'ai dit à Son Excellence que, à Pa-ris
comme à Londres, on avait été extrême-
ment satisfait de ce que le gouvernement
de Sa Majesté Alphonse XIII eût fait
tomber son choix sûr. lui comme repré-
sentant de l'Espagne à la conférence. Ce
choix est, à notre point de vue, d'autant
plus heureux que Son Excellence sera
due, selon les usages diplomatiques,
président de la conférence, et que nous
serons, par conséquent, sûrs de voir ses
travaux dirigés par un homme d'Etat
dont la parfaite impartialité, le grand
tact et la haute compétence ne sont con-
testés de. personne ceci est pour la
France surtout un gros point acquis et
de bon augure.
Le duc d'Almodovar •:
Ministre des affaires étrangères d'Espagne.
J'ai dit tout cela à Son Excellence. Le
duc, homme très modeste, extrêmement
sympathique, parlant le français comme
un Français et l'anglais comme un An-
glais, m'a permis de reproduire, de la
conversation que j'aie eue ensuite avec
lui, les paroles suivantes
Nous allàns à la conjérence avec le
ferme espoir' de la voir aboutir heureu-
sement, avec la ferme intention de con-
cilier tous les intérêts.- Les bruits alar-
mistes Qui ont couru dernièrement,
quant à l'issue et aux suites
inquiétantes de la conférence, sont vrai-
ment trop ridicules. Nous ne nous fai-
sons pas d'illusions, mais nous sommes
persuadés que la conférence mettra fin
à la tension des temps derniers, appor-
tera de la tranquillité et un peu de pros-
périté au Maroc, et sauvegardera les in-
térêts de tous Les pays intéressés.
Je demande
Un important journal espagnol a dé-
claré, ces jours-ci, que la France ayant
complètement modifie sa politique Vis-
à-vis du sultan, à cause de l'attitude de
l'Allemagne, et n'occupant plus la même
situation au Maroc qu'au moment de la
signature du traité franco-espagnol, ce
traite devait' être considéré par l'Espa-
gne comine n'étant plus en vigueur
Le duc m'a répondu
Cette déclarations est tout çl fait
inexacte l'attitude du gouvernement es-
pagnol n'a changé sur aucun point. Le
traité porte notre signature; c'est tout
dire.
» Il n'y a rien de changé, en ce qui
concerne ce traité, de la part du gouver-
nement espagnol Nous n'avons pas à
Madrid de journaux inspirés; les opi-
nions de nos journaux sont uniquement
les leurs et n'engagent qu'eux. A ce su-
jet, je voudrais bien que le ton des jour-
naux européens devînt un peu plus çpr-
dial, lorsqu'ils s'occupent de la question
délicate qu'est la question marocaine.
La presse peut nous aider beaucoup pour
trancher cette question, et, au contraire,
elle peut nous faire énormément de mal
par des commentaires déraisonnables ou
violents. J'espère que, pendant la confé-
rence au moins, la presse la commentera
avec modération et avec courtoisie à
l'égard des adversaires. »
'Je demande au duc s'il a connaissance
de certaines propositions qui auraient été
faites de divers côtés, à en croire cer-
tains journaux français et allemands.
Son Excellence m'a répondu
On a parlé de plusieurs proposi-
tions, mais aucune d'elles n'est officielle-.
Elle ne pourrait pas l'être, car c'est à la
conférence séulenient que les délégués
s'occuperont des propositions. C'est la
conférence qui les examinera, discutera,
acceptera, modifiera ou repoussera. Il
n'y a pas d'utilité de nous en saisir main-
tenant. Ces propositions, j'en suis, du
reste, ccrtain, quand elles seront soumi-
ses, n'offriront pas de difficultés insur-
montables, et je vous répète que la con- <
férence donnera des résultats durâbles
et satisfaisants.
Telles sont les déclarations du duc
d'Almodovar.
De son côté, M. Moret, président du
conseil, m'a accordé un entretien ce
soir. Il m'a reçu de charmante façon, et
son collègue, M. Gasset, ministre des
travaux publics, qui assistait à la der-
nière partie de notre conversation, s'est
montré également d'une amabilité par-
faite pour le représentant du Matin. J'ai
dit à M. Moret qu'en France on était tout
particulièrement satisfait de l'excellent.
choix qu'avait fait le gouvernement, es-
pagnol en désignant comme son repré-
sentant à la conférence le duc d'Almo-
dovar, dont nous connaissions les hau-
tes qualités et qui serait un président de
la plus absolue impartialité. M. Moret
m'a tout simplement répondu que le duc
était un très grand ami de la France.
J'ai eu avec le président du conseil une
longue et très intéressante conversation.
Il m'a permis de reproduire certaines de
ses paroles.
Je suis, m'â-t-il dit, un ami de la
France, comme je le suis de l'Angle-
terre. Pour mot, el plus encore pour mon
pays, l'amitié franco-anglaise est une
amitié idéale. Rien ne peut profiter da-
vantage à la prospérité et au développer
ment économique de l'Espagne que
l'existence et la durée de l'entente cour-
diale j'ranco-anglaise. Et cela pour plu-
sieurs raisons la première est la situa-
tion géographique de mon pays, voisin
du Portugal et de Gibraltar, et aussi de
la France.' l'ant guc la France ci l'Angle-
terre seront en bonas termes, tout pour
nous ira fort bicn. Si jamais nos deux
voisins se prenaient de querelle, ce serait
pour nous un désastrc.
» Mon collègue des affaires étrangè-
res, me dites-vous,, vous a déjà autorisé
a démentir la nouvelle fantastique qiïq
publiée, un journal madrilène; prétendant
que la politique français, ayurat subi dei
modifications au Maroc, l'Espagne de
vrâit regarder comme non existant le
traité franco-espagnol relatif au Maroc.
hn mon nom également, vous pouvez dé-
mentir cette absurdité, si vraiment un
démenti officiel est nécessaire. L'11,'spa-
gne a mis sa signature au bas de cé
traité. Elle fera honneur à sa signature,
quoi qu'il puisse advenir. »
Le président du conseil me parle en-
suite et son collègue des travaux pu-
blics prend part à cette partie de la con-
versation des bruits alarmistes qui
ont couru, dans le cas où certaines évem
tualités viendraient à se produire. M.
Moret tourne en ridicule ces bruits et mè
dit
La Franche a, en M. Rouvier, urt
homine d'Etat de premier ordre, qui allie
la prudence, la .tolérance el la fermeté.
Un homme ayant des qualités pareilles
se fait respecter partout et ne se lait que
des amis. Je suis persuadé qu'avec Ml
Bouvier et la potitique qu'il représente,
la tension de ces derniers temps dispa*
raîtra. Quant à M. Révoil, le gouverne-
ment français a fait, en le désignant, u4
excellent choix. Nous avons tous la plui\
grande confiance en lui.
Voilà les paroles de M. Moret, aux-t
quelles M. Gasset s'est entièrement ans-
socié. Il m'a permis de reproduire cette*
partie de notre entretien.
Le président du conseil ne m'en voua'
dra pas, j'en suis sûr, si je dis que j'a|
reçu l'impression très vive, pendant
raudience qu'il a bien voulu m'accorder
que ses sympathies nous sont entière-
ment acquises et qu'elles se feront sûre-
ment sentir à notre égard pendant la'
conférence.
Jules Hedeman.
L'ÉLU DE L'HINDOU
Comment M. Fallières a appris d'un certain
Ramana que, d'après les sciences sa-
crées de l'Inde, son élection à la pré-'
sidence de la République est
certaine.
'M. Fallières, président du Sénat, trouvé
hier matin dans son courrier une petite let-
tre mystérieuse. Elle était écrite en un fran-
çais douteux. Trois mages montés sur ,des
dromadaires en illustraient le coin gauche,
et ils allaient disant « Nous avons vu son
étoile briller dans l'Orient.
M. Fallières lut
Permettez-moi d'être le premier de vous of-
frir mes sincères félicitations sur le fait que
vous serez élu président de la République fran-
çaise le 16 janvier 1906.
Je ne sais si M. Tallières s'est demandé
depuis gui pouvait bien être l'étrange signa-
taire, mais, pour ma part, dès que la lettre
eut passé sous mes yeux, je me mis à
la recherche de Ramana.
Je le trouvai dans un confortable appar-
tement du boulevard Malesherbes, où évo-
luait familièrement sa silhouette exotique.
Car Ramana est un Hindou.
La main qu'il me lendit et le visage que
sans peine il fit aimable pour m'accueillir
avaient la couleur du bronze, mais le geste
était fort courtois et le sourire très fin.
L'homme m'eût apparu comme un des trois
mages dont s'adorne son papier à lettre,
ft'eût été sa jeunesse, et l'élégante redingote
en laquelle il se cambrait avec aisance.
En un français déconcertant, qui témoi-
gnait d'une connaissance parfaite de la lan-
gue anglaise,' Ramana se fit connaître. Il
tait un savant dans son pays. Sur les rives
lu Gange, il avait appris à interpréter le
Jeudi 11 Janvier 1906
DERNIERS TÉLÉGRAMMES DE LA NUH
PAR entie r
LA PATRIE ET LA `GLOIRE
[La scène que nous puùlions, avec l'auto-
^Tisation gracieuse de la Revue de Paris, est
une des principales du Coup d'aile. Elle mel
en présence le que, les ha-
sards des manœuvres ont amené à, loger chez
un dépttté 'antimilitariste, Bernard Prinson,
et où il rencontre un ancien officiers colonial,
Micliel, qiu a déserté après' avoir commis des
exactions,] ̃ -;• ̃ >
LE COLONEL :Hérouard. Vraiment
'Je puis espérer que ma présence n'a pas
été trop importune ? ?.'•
Bernabd, protestant. Oh colonel 1
Hérouard. -Dame L'hôte inat-
tendu qu'on accepte par devoir.
ii Bernard, interrompant. C'est très
vilain de nous prêter des sentiments pa-
Treils. Nous vous regretterons beaucoup.
Sachez-le, colonel, votre séjour dans
cette maison marquera une date dans ma
vie. Jusqu'à ce jour, je me figuraisque
les vieilles formules du patriotisme ne
conviennent pluss;qu'aûx esprits peu cul-
tivés^ Ce matin, lorsque je suis sorti pour
^saluer le drapeau, je faisais une conces-
(t'hot. Henri Manucll
Auteur dit « Coup tëailé- J
sion aux préjuges de mes électeurs; mais
q(j n'étais pas aussi rempli de respect que
mon attitude l'indiquait. Eli bien eau
moment où lc drapeau s'est avancé, j'ai
eu rirnprcs.sioii-qùc l'officier, en saluant
de l'épée, offrait 'sa vie. et celle de ses sol-
dats; et que le drapeau acceptait!
Mieux encore- Quand. -le -drapeau. a:
passé devanl moi pour franchir 'celle'
porte, je me suis incliné,- oh cette fois;,
très sincèrement ému.,C'était un prince
pénétrait sous mou' toit. Jainais manant
n'a reçu avec.plus de squmissioii ia vi-
me à un ami auquel -oh' ncrcvaint point
de dévoiler ses petits travers.
Hérouaud. A }i monsieur. Prinson,
l'envie votre éloquence' elle me servi-
.rait à vous remercier. Notre: métier
r.'est pas en hausse; par le temps qui
feourt. On trouve tout simple. que nous
allions nous faire casser les os à Mada-
gascar, au Tonkin, au Soudan, pourvu
que nous nous laissions; traiter d'imbé-
ciles et de propres-à-rien: C'est donné
Mais bah des crétins comme nous, il
en faut J'éprouve 'tout de même un
soulagement à rencontrer quelqu'un de-
vent lequel on n'a pas à rougir d'être un
(:le ces crétins-là Il existe donc encore
tin homme de bon sens-qui admet qu'un
peuple est f. dès qu'il n'honore plus
le courage .militaire- Lorsqu'on m'a
prévenu que je logerais chez le député
Prinson, ma foi, je l'avoue, cela ne m'al-
lait qu'à moitié. Vos discours, arran-
gés par les journaux, ressemblent si peu
à ce que j'entends !En lisant les comp-
les rendus de la Ch»mbre;' on' se de-
mande parfois Comment reste-t-il
une France ?; » Et. puis on voit que la
France reste pourtant debout, et alors
on se dit qu'il doit y avoir un correètif.
Eh bien à présent, je:sais qu'il y en- a
tin. Vous êtes de meilleurs bougres que
vôus n'en avez l'air. Vous aimez la
France Vous aimez son drapeau
Vous ne les séparez ,pas l'un de l'au-
tre. Le drapeau Pour comprendre
ce' qu'il est il faut avoir entendu siffler
les balles. Le prêtr.e a son Dieu vivant,
incarné dans l'hostie. Le drapeau, lui
aussi, nous apporte une présence réelle.
ILorsqu'il flotte pendant la bataille, c'est
la Patrie elle-même qui éterid les bras sur
le pioupiou qui tombe: Quand vous
vous êtes mis à parler du drapeau com-
me s'il s'agissait d'une personne, j'ai
frémi de la tête aux pieds. C'est une
personne ̃ ̃<'>̃•
MICHEL. t- Je suis ancien soldat et -j'ai
fait plus qu'entendre siffler les balles.
Regardez. (Il porte la main à sa figure.)
Oui, vous avez raisôn lé drapeau est
une* personne- Mais .cette personne
n'est pas la Patrie J'ai observé sous
ia feu de l'ennemi des soldats de la lié-
gion étrangère; ou bien des gens ;qui
vendent leur sang des nègres, des for-
}Jans. Autour de la personne en ques-
tion, leur courage s'exaspérait folle-
ment. Us se faisaient hacher pour elle.
Ce n'était cependant pas leur Patrie
Hérouard. Alors qui ? .•
Michel. La gloire!
Hérouard.; En quoi ,peut:.elle tou-
cher des nègres qui'n'ont même pas de
mot pour la; désigner, ou des désespérés
qui ont perdu jusqu'à leur nom?
i Michel. Vous aussi, mon colonel,
'vous avez noiuluil feu ces deux espè-
ces de, i't1!]^ (jiii ou non,' est-il vrai que
le drapeau exalte leur courage ?
carne lerréghnent. L'esprit de corps, qui
est un petit patriotisme, les enflamme.
Ils protègent contre l'ennemi l'emblème
dt1 régiment, avec une passion analogue
à, cell,e que développent certains ]eux.
Lorsque des enfants. se. disputent un bal-
lon, il y a souvent des bras'et des jam-
bes cassés.
Michel. J'ai connu des révoltés qui
avaient pour le régiment une haine ef-
froyable et qui ne pouvaient pas regar-
der le drapeau sans pâlir. L'un ne repré-
sentait donc pas l'autre. Savez-vous ce
qui rend le drapeau sacré aux nègres et
aux gens de sac et de corde ?. C'est
qu'ils ont appris que tout un peuple at-
taché à la conservation de ce morceau
d'étoffe une importance extrême. Que
la colère et le mépris attendent ceux qui
le laissent prendre. l'admiration et la
louange ceux qui le sauvent. Ah ils
ne se font pas d'illusions, ces malchan-
ceux Ils n'espèrent ni honneurs ni
triomphe. Mais ils éprouvent confùsé-
ment que l'élan d'un peuple entier vers
un objet, homme ou chose, constitue la
vision la plus émouvante. qu'il soit don-
né dé contempler. Les objets finissent
par s'imprégner du sentiment qu'ils
inspirent. J'ai, vu, au fond de sanctuai-
rés où se pressaiént des milliers de pè-
lerins, dès vierges de bois devenues
vraiment divines à force d'avoir entendu
les ardentes prières et les supplications
des foules. Elles guérissaient les infir-
mes et convertissaient les pécheurs. Le
drapeau, lui, est tissé d'héroïsmes, d'en-
thousiasmes et de fiertés. Il flotte tout
gonflé d'émotions humaines. Devant
lui, les fronts les plus huiniliés rayon-
nent. Il est une beauté. C'est la gloi-
Hkrouard. Une beauté, c'est cer-
tain. On se bat devant lui, comme, sur
le terrain,- on se battrait devant une fem-
me très belle.
Michel. Et si un révolté en arrive
à tirer sur lui. Eh bien on tue la fem-
me (lu'oil trouve dans l'es bras d'un au-
tre. on tue et on adore 1.
Ukrouaki). Monsieur Renaud, vous
ne forez pas cntrei' dans ma caboche de
vieille baderne qu'un soldat peut aimer
son. drapeau -et: tirer dessus. En outre,
la Patrie et la gloire. Maigre cela, 'vous
vciiez.de dire des choses qui m'ont plu..
Cela n'u,'pas d'in-
leret. je suis de ceux qui ont, perdu jus-
qu'à leur nom.
HïiROUAno. Je n'insiste pas: f/W«£
de même. ̃
Michel. Pas cela non plus.
HiinoùARb, (ï'nn ton résigné. Ah!
1 François de Curel.
DE MIDI A MINUIT
Les faits d'hier Esa France et à l'étranger.
Clôture 'de la Bourse, ferme 98 87 •
Extérieure, 91 55; Russe consolidé, 93
Turc, 91 77 Rio, 1,678 Rand Mines, 188.
Le troisième congrès des fabricants fran-
çais de conserves dé sardines s'est ouvert
il Nantes. La presque totalité des fabricants
de. Bretagne et de Vendée étaient présents
A la suite d'un conflit qui à éclaté entre
ceux ̃ contremaîtres, une grève s'est pro-
duite à- l'usine de fers Septier, il Vizille
(Isère). Les ouvriers, prenant parti pour
Tun des conlreiiiuiires, exigent le renvoi de
l'autre. Ils ont parcouru- les rues-en coi,
tège, mais dans le plus grand calme.
Le cuirassé russe L'esarevUch, venant de
est il y restera
quinze jours pour faire du charbon et ré-
parer quelques avaries..
Le tsar a reçu en audience d'adieux sir
Cloarles Hardinge, ambassadeur d'Angle-
terre. Interrogé sur la date probable de la
réunion, de la Douma, le comte Witte a dé-
claré qu'il lui était impossible de la fixer
encore d'une manière définitive. Le gouver-
nement russe a reçu des provinces du Cau-
case, et plus particulièrement de Géorgie et
de Mingrélie, des nouvelles inquiétantes sur
l'intensité du mouvement révolutionnaire
dans ces régions il 'finis et a Eiizabethpol,
la situation serait très grave.
La princesse Clémentine de Belgique a
quitté Bruxelles pour se rendre il Saint-Ra-
phaël.
Le roi Alphonse XII est parti pour Al-
cala de HenaVes, où il va assister a des ma-
nœuvres, militaires. Les autorités espagno-
les ont saisi le journal catalan Poble Calala.
Le référendum organisé en Suisse contre
la loi créant une banque nationale a
échoué.
Le prince Arsène de; Serbie, frère du roi
Pierre Ier, est arrivé à Belgrade.
Le Journal officiel brésilien a publie le
compte rendu de l'incident du Panlher
l'Allemagne aurait, paraît-il, promis de dé-
férer les coupables a la justice militaire.
LE GASSINÎ^CHHISTIAM
La Visite du vaisseau dé guerre française a
produit une excellente impression à la
cour et dans toute la Norvège.
Christiania, 10 janvier. Dépêche par.
ticulière du « blatin ». Le vaisseau 4e
guerre français Cassini est arrivé il Chris-
tiania lundi, portant à son bord le ministre
de France, M. Dclayaud. Cette visite a pro-
duit une excellente impression Christiania
et en Norvège officiers et marins du Cas-
sini scyil. fêlés et choyés .par les habitants
de Christianisa qui, sous sa parure d'hiver,
charme nos compatriotes. •.
Hier, le roillà'alcon a reçu en audience so-
lennelle le ministre de France, qui lui a
présenté. le commandant du Cassini. Le
souverain a invité à déjeuner aujourd'hui le
ministre,- le commandant, le ministre nor-
végien'des affaires étrangères et diverses
notabilités. Il, a particulièrement paru sen-
sible à l'attention du président de la Répu-
bliquef qui a envoyé le Crsssini à Christia-
nia, elle ministre de France et les officiers,
français sont restés sous le charme de l'ama-
bilité @,la reine et de la cordialité du roi.
Hier, soirée de gala au Théâtre national,
en l'honnéuutle de l'arrivée dû Cassini. Aujour-
d'hui, M. Delavaud, ministre de France,
doilne un grand dinor, où les membres du
Siouverïieniéni norvégien et les notabilités
norvégiennes se rencontreront avec les' of fi-
ciers du Casziid.
LA CROIX D'UN VIEUX BRAVE
Le gouvernement a fait chevalier de la Lé-
gion d'honneur le doyen des Vétérans
des armées de terre et de mer Une
vie bien remplie Héroïsme et
abnégation.
DIJON, ia janvier. Par lettre de, notre cor-
respondant particulier. 'L'Officiel, d'hier pu-
bliait un décret rendu le 2 de ce mois et nom-
mant plusieurs chevaliers de la Légion d'hon-
neur.
Parmi toutes ces croix nouvelles, bien peu
orneront une plus glorieuse poitrine que celle
de M. Jean Dirassen, le doyen des cent trente-
sept mille Vétérans des armées de terre et de
mer.
Je me suis rendu hier chez le nouveau. pro-
mu, qui habite, à Dijon, un petit appartement,
au deuxième étage. d'une coquette maison,
bastion Saint-André.
D'une voix que trouble l'intense émotion qui
le saisit, depuis qu'il connaît la nouvelle, M.
Jean Dirassen m'a raconté son héroïque exis-
tence, avec la simplicité d'un vieux brave, qui
n'aime pas trop à parler de sa bravoure.
Je suis né dans les Basses-Pyrénées, à
Guiche, le ier juillet 1812. Mon père était « 1^
majeur x. Sur son bateau, à partir de Huit ans,
j'appris auprès des pilotes le rude métier de
moussue. Quand j'eus douze ans, mon père ne
voulut point me faire engager comme mousse.
Te fus garçon de ferme. Pendant trois ans, je
labourai nos champs. Malheureusement, je ne
pus continuer, car, au moins de juin 1827, j'eus
la jambe cassée.
En accomplissant un sauvetage, s'il faut
en croire la rumeur publique?
Oui, mon père conduisait une voiture
chargée de foin il longeait un précipice. Tout
il coup, le cheval prit peur; il devenait très
difficile de le retenir une catastrophe allait se
produire. Je pris le cheval par la bride et évi-
tai le malheur. Mon përé était sauvé; mais la
voiture, qui s'était renversée sur moi, venait
de me briser la jambe-et de me défoncer une
côte.
» Comme je ne travaillais plus à la terre,
j'en profitai pour aller à l'école; c'est, eu effet.
à cet âge seulement que j'appris à lire et
écrirc. Quelques aimées plus tard, à dix-neuf
ans, je fus nommé aide instituteur dans mon
pays. Mais l'heure de mon service militaire
approchais je ne l'attendis pas, et je m'enga-
geai au 64" de ligue, où j'ai « tiré mes sept
M. Dirassen me dit encore qu'il fut nommé,
à la sortie du régiment, instituteur à Belfort,
oîj j} -njstg cinq années. C'est à ce moment qu'il
entra pans l'administration vicinale, où, du-
ian.taîingt-sept ans, il -exerça les fonctions d'à-'
gent voyer.
En 1870, Jean Dirassen avait cinquante-
huit ans. Il ne crut point que sa tâche était
finie. Il s'engagea aux volontaires de secours'
M. Jean Dirassen
aux blessés. La décoration de la Croix-Rouge
et la médaille d'Alsace-Lorraine furent une
faible récompense de son dévouement.
Dans la nuit du 15 décembre, il conduisit, à
travers les lignes prussiennes qui encerclaient
Mulhouse, un détachement de gardes natio-
naux, qu'il amena, deux jours après, à Ville-
franchc-sur-Saône. A Lyon, qu'il gagna, il
s'engagea dans le génie légion de marche),
et bientôt on lui donnait les galons de sergent-
major.
Au cours de la campagne, il eut les pieds
gelés.'
Mais ce n'est:pas que devant l'ennemi qu'il
avait su se montrer vaillant.
A Belfort, il sauva des flammes un de ses
concitoyens; puis un enfant qui allait être
broyé sous les sabots des chevaux d'un esca-
dron de -dragons.
Le 10 octobre 1847, un incendie éclate. On
apprend qu'un vieillard alité est au milieu du
foyer. Dirassen entre résolument dans les flam-
mes et sauve ce malheureux infirme. Six ans
après, il arrache à la mort;'un jeune écolier en
danger.
En 1863, il se trouve à Mulhouse; une ef-
froyable tempête s'abat sur la ville; deux pe-
tites, filles vont être enlevées par la trombe; il
les arrache à une mort certaine, exposant une
fois de plus sa propre vie. Cinq ans après, tou-
jours à Mulhouse, il retire un petit garçon
de dessous les roues d'un lourd chariot qui
allait l'écraser, et, la même année, dans une
circonstance identique, il sauve deux enfants.
Un mois ne devait pas s'écouler sans que le
vaillant Dirassen donnât une nouvelle preuve
de son courage, en maîtrisant deux chevaux
emportés, à la tête. desquels il s'était jeté.
Le, 20 juin 1870, il saute à la bride d'un
cheval affolé, qui le traîne sur un parcours de
soixante mètres il est blessé, mais le conduc-
teur est sain et sauf.
Parmi ses sauvetages, on signale encore ce-
lui d'un homme qui se noyait dans la Savou-
reuse, à Belfort; celui d'un père de sept en-
fants, tombé entre les roues d'une voiturc; ce-
lui'd'une fillette de sept ans, qu'allait écraser
un train. Un jour, le feu éclate dans un entre-
pôt d'huiles, de pétrole des obus provenant du
siège de Belfort s'y trouvent également: Diras-
sen procède, à lui seul, au sauvetage et pré-
serve tout un quartier.
Aussi, n'est-on pas étonné de voir sa poi-
trine constellée de trente-deux décorations.
Parmi ces dernières, il faut mentionner celle
que lui décerna l'Académie française et celle
décernée par la Société nationale d'encourage-
ment au bien. Jean Dirassen.fut aussi titulaire
du prix Montyon.
Il vint a Dijon, où il fait partie de la 1225
section des Vétérans-T les Sauveteurs de la
'©ôte-d'Or et la Société nautique le voulurent
coeamjï président d'honneur. Il s'occupe 'ici
beaucoup de mutualité. Il avait fondé na-
guère plusieurs sociétés à Mulhouse, il avait
créé lçs Sauveteurs du Haut-Rhin puis, à Bel-
fort, il jetait les bases d'une société de secours
mutuels.
Malgré ses quatre-vingt-quatorze ans, qui
bientôt vont sonner, Jean Dirassen est très va-
lide il possède une excellente santé et a bon
appétit. Il est fort gai.
Etre utile à sos concitoyens, c'est le vrai
bonheur! ajouta-t-il en me reconduisant.
PROPOS ÏÏUN PARISIEN
Elections sur élections. C'est le plat du
jour. Il fait, pour le moment, tort à l'autre,
qui est la conférence d'Algésiras. Et comme
hier, entre amis, on s'occupait de scrutin,
de majorité, de minorité, quelqu'un raconta
cette histoire
Dans le Midi, quand un parti s'est em-
paré de la municipalité, c'est pour long-
temps. En effet, le maire, ses adjoints, ses
amis, maîtres des urnes, tripatouillent les
votes comme ils l'entendent. Le parti ad-
verse n'a qu'une ressource envahir la salle
un jour d'élection et jeter l'urne par la fe-
nêtre. En pareil cas, l'autorité politique in-
tervient, renvoie l'élection à un. autre di-
manche et, sous sa surveillance, les choses
se passent correctement.
Or donc, un jour de vote à M. le parti
qui attendait sous l'orme avait préparé un
coup semblable. Mais l'autre parti, le parti
au pouvoir, avait pris ses précautions. Im-
possible d'envahir la salle, sérieusement gar-
dée.
» Ce que voyant, le premier parti décide
de faire le siège de la mairie, occupe toutes
les issues, décidé à prendre ses adversaires
par la famine. Ceux-ci, aussitôt, télégra-
phient au sous-préfet, demandant des gen-
darmes.
» La situation était ainsi, quand les assié-
geants voient les assiégés, qui s'étaient réu-
nis en conciliabule, se mettre à manger.
» Ah les gredins, pensent-ils, ils ont ap-
porté des provisions. Nous sommes lù pour
longtemps
Il Cependant, les gendarmes et le sous-
préfet accouraient. Us dégagent les portes,
pénètrent dans la salle de vole, se saisis-
sent de l'urne, et le sous-préfet demande les
registres contenant les noms des électeurs.
» 0 stupeur toutes les feuilles avaient
disparu.
Voici ce qui s'était passé. Après avoir
fait appel au préfet, le. maire et ses amis
s'étaient dit que si l'antorité fourrait le nez
dans les registres elle y trouverait la
prouve de leurs fraudes électorales.
Il Alors; bravement, stoïquement, ils
avaient mastiqué et avalé pages de gros
papier in-folio.
i) Quand leurs adversaires croyaient
qu'ils absorbaient des sandwiches, les mal-
heureux mangeaient du papier:
N'est-ce pas là un beau trait d'héroïsme à
faire figurer dans les annales du suffrage
universel ? II. Harduin.
AVANT LE' CONGRÈS
La date du Congrès Pour la réunion plé-
nièrè des gauches Les groupes de la
Chambre Un ordre du jour.
Plusieurs journaux du soir ont dit hier
qu'il y avait encore doute sur le point de
savoir si le congrès présidentiel aura lieu le
16 ou le 17 janvier. C'est au Sénat que cette
question s'est posée. On aurait préféré,,en
effet, dans certains milieux sénatoriaux que
la réunion plénière des gauches pût avoir
lieu mardi au lieu de lundi. Mais, à la Cham-
bre, on a élevé des objections contre ce
changement de date, à cause des travaux
ilc cette assemblée, et des mesures matériel-
les qui sont déjà arrêtées à Versailles.
Dans ces conditions, il paraît a peu près
certain que la date du mardi 16 janvier sera
maintenue. La décision définitive sera prise
demain vendredi au conseil des ministres.
En attendant, on se préoccupe unique-
ment, au Palais-Bourbon et au Luxembourg,
de l'organisation de la réunion plénière des
gauches.
Nous avons dit que les trois groupes
républicains du Sénat avaient accepté le
principe de cette réunion.
Hier, au Palais-Bourbon, deux groupes
ont délibéré sur le même sujet l'Union dé-
moçratique et l'Union républicaine.
L'Union démocratique, ù l'issue de sa dé-
libération, a communiqué le procès-verbal
suivant
L'Union démocratique s'est réunie hier
après-midi, sous la présidence de M. Georges
Leygues.
Le président explique que les délégués du
groupe n'ont pu assister à la dernière réunion
de la délégation des gauches, parce qu'ils
étaient retenus dans leurs départements par
les élections sénatoriales.
Le groupe a ensuite adopté à l'unanimité j
l'ordre du jour suivant
Les membres de l'Union démocratique fëso-
lus à assurer l'élection du présideazt de la Ne-
publique par le parti républicain, donnent leur i
adhésion à la réunion plénière des groupes ré- i
publicains pour la désignation de Leur candi-
dat et chargent leur président de prendre
cet égard toutes dispositions utiles.
A ce procès-verbal nous pouvons ajouter 1
que l'ordre du jour a été présenté par MM. •
Joseph Gaillaux, Pierre Dupuy et Modeste 1
Leroy.
D'autre part, l'Union démocratique est fa-
vorablé à la participation des progressistes J
à la réunion plénière des gauches. <̃
Cette participation a été admis, on le sait, l
par les groupes de gauche du Sénat.
Le groupe de l'Union républicaine, qui est
formé d'anciens membres du groupe pro- c
grossiste, s'est réuni hier, sous la présiden- f
ce de M. Flandin (de l'Yonne). En principe,. t
le groupe accepte de se rendre à la réunion
plénière, sous réserve de connaître dans
quelles conditions cette réunion sera appelée
ù se prononcer sur le choix d'un candidat à
la présidence de la République. Le groupe l
a chargé son bureau de se concerter à ce i
sujet avec les bureaux du groupe nrogres- c
siste et de l'Union démocratique.
Enfin, ajoutons que le groupe des répu-, c
blicains progressistes de la Chambre est
convoqué pour cet après-midi, au Palais-
Bourbon, avec l'ordre du jour suivant Si-
tualion politique. Discussion très impar-
C'est évidemment de la réunion plénière s
qu'il s'agit..
–_̃*̃- », ^»
Ce que disent le président de la Conférence
et le président du conseil d'Espagne
[PAR DÉPÊCHE DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
Madrid, 10 janvier.
Arrivé à Madrid hier, en route pour
Algésiras, j'ai eu le grand honneur d'être
reçu ce matin par le duc d'Almodovar,
ministre des affaires étrangères d'Espa-
gne.
J'ai dit à Son Excellence que, à Pa-ris
comme à Londres, on avait été extrême-
ment satisfait de ce que le gouvernement
de Sa Majesté Alphonse XIII eût fait
tomber son choix sûr. lui comme repré-
sentant de l'Espagne à la conférence. Ce
choix est, à notre point de vue, d'autant
plus heureux que Son Excellence sera
due, selon les usages diplomatiques,
président de la conférence, et que nous
serons, par conséquent, sûrs de voir ses
travaux dirigés par un homme d'Etat
dont la parfaite impartialité, le grand
tact et la haute compétence ne sont con-
testés de. personne ceci est pour la
France surtout un gros point acquis et
de bon augure.
Le duc d'Almodovar •:
Ministre des affaires étrangères d'Espagne.
J'ai dit tout cela à Son Excellence. Le
duc, homme très modeste, extrêmement
sympathique, parlant le français comme
un Français et l'anglais comme un An-
glais, m'a permis de reproduire, de la
conversation que j'aie eue ensuite avec
lui, les paroles suivantes
Nous allàns à la conjérence avec le
ferme espoir' de la voir aboutir heureu-
sement, avec la ferme intention de con-
cilier tous les intérêts.- Les bruits alar-
mistes Qui ont couru dernièrement,
quant à l'issue et aux suites
inquiétantes de la conférence, sont vrai-
ment trop ridicules. Nous ne nous fai-
sons pas d'illusions, mais nous sommes
persuadés que la conférence mettra fin
à la tension des temps derniers, appor-
tera de la tranquillité et un peu de pros-
périté au Maroc, et sauvegardera les in-
térêts de tous Les pays intéressés.
Je demande
Un important journal espagnol a dé-
claré, ces jours-ci, que la France ayant
complètement modifie sa politique Vis-
à-vis du sultan, à cause de l'attitude de
l'Allemagne, et n'occupant plus la même
situation au Maroc qu'au moment de la
signature du traité franco-espagnol, ce
traite devait' être considéré par l'Espa-
gne comine n'étant plus en vigueur
Le duc m'a répondu
Cette déclarations est tout çl fait
inexacte l'attitude du gouvernement es-
pagnol n'a changé sur aucun point. Le
traité porte notre signature; c'est tout
dire.
» Il n'y a rien de changé, en ce qui
concerne ce traité, de la part du gouver-
nement espagnol Nous n'avons pas à
Madrid de journaux inspirés; les opi-
nions de nos journaux sont uniquement
les leurs et n'engagent qu'eux. A ce su-
jet, je voudrais bien que le ton des jour-
naux européens devînt un peu plus çpr-
dial, lorsqu'ils s'occupent de la question
délicate qu'est la question marocaine.
La presse peut nous aider beaucoup pour
trancher cette question, et, au contraire,
elle peut nous faire énormément de mal
par des commentaires déraisonnables ou
violents. J'espère que, pendant la confé-
rence au moins, la presse la commentera
avec modération et avec courtoisie à
l'égard des adversaires. »
'Je demande au duc s'il a connaissance
de certaines propositions qui auraient été
faites de divers côtés, à en croire cer-
tains journaux français et allemands.
Son Excellence m'a répondu
On a parlé de plusieurs proposi-
tions, mais aucune d'elles n'est officielle-.
Elle ne pourrait pas l'être, car c'est à la
conférence séulenient que les délégués
s'occuperont des propositions. C'est la
conférence qui les examinera, discutera,
acceptera, modifiera ou repoussera. Il
n'y a pas d'utilité de nous en saisir main-
tenant. Ces propositions, j'en suis, du
reste, ccrtain, quand elles seront soumi-
ses, n'offriront pas de difficultés insur-
montables, et je vous répète que la con- <
férence donnera des résultats durâbles
et satisfaisants.
Telles sont les déclarations du duc
d'Almodovar.
De son côté, M. Moret, président du
conseil, m'a accordé un entretien ce
soir. Il m'a reçu de charmante façon, et
son collègue, M. Gasset, ministre des
travaux publics, qui assistait à la der-
nière partie de notre conversation, s'est
montré également d'une amabilité par-
faite pour le représentant du Matin. J'ai
dit à M. Moret qu'en France on était tout
particulièrement satisfait de l'excellent.
choix qu'avait fait le gouvernement, es-
pagnol en désignant comme son repré-
sentant à la conférence le duc d'Almo-
dovar, dont nous connaissions les hau-
tes qualités et qui serait un président de
la plus absolue impartialité. M. Moret
m'a tout simplement répondu que le duc
était un très grand ami de la France.
J'ai eu avec le président du conseil une
longue et très intéressante conversation.
Il m'a permis de reproduire certaines de
ses paroles.
Je suis, m'â-t-il dit, un ami de la
France, comme je le suis de l'Angle-
terre. Pour mot, el plus encore pour mon
pays, l'amitié franco-anglaise est une
amitié idéale. Rien ne peut profiter da-
vantage à la prospérité et au développer
ment économique de l'Espagne que
l'existence et la durée de l'entente cour-
diale j'ranco-anglaise. Et cela pour plu-
sieurs raisons la première est la situa-
tion géographique de mon pays, voisin
du Portugal et de Gibraltar, et aussi de
la France.' l'ant guc la France ci l'Angle-
terre seront en bonas termes, tout pour
nous ira fort bicn. Si jamais nos deux
voisins se prenaient de querelle, ce serait
pour nous un désastrc.
» Mon collègue des affaires étrangè-
res, me dites-vous,, vous a déjà autorisé
a démentir la nouvelle fantastique qiïq
publiée, un journal madrilène; prétendant
que la politique français, ayurat subi dei
modifications au Maroc, l'Espagne de
vrâit regarder comme non existant le
traité franco-espagnol relatif au Maroc.
hn mon nom également, vous pouvez dé-
mentir cette absurdité, si vraiment un
démenti officiel est nécessaire. L'11,'spa-
gne a mis sa signature au bas de cé
traité. Elle fera honneur à sa signature,
quoi qu'il puisse advenir. »
Le président du conseil me parle en-
suite et son collègue des travaux pu-
blics prend part à cette partie de la con-
versation des bruits alarmistes qui
ont couru, dans le cas où certaines évem
tualités viendraient à se produire. M.
Moret tourne en ridicule ces bruits et mè
dit
La Franche a, en M. Rouvier, urt
homine d'Etat de premier ordre, qui allie
la prudence, la .tolérance el la fermeté.
Un homme ayant des qualités pareilles
se fait respecter partout et ne se lait que
des amis. Je suis persuadé qu'avec Ml
Bouvier et la potitique qu'il représente,
la tension de ces derniers temps dispa*
raîtra. Quant à M. Révoil, le gouverne-
ment français a fait, en le désignant, u4
excellent choix. Nous avons tous la plui\
grande confiance en lui.
Voilà les paroles de M. Moret, aux-t
quelles M. Gasset s'est entièrement ans-
socié. Il m'a permis de reproduire cette*
partie de notre entretien.
Le président du conseil ne m'en voua'
dra pas, j'en suis sûr, si je dis que j'a|
reçu l'impression très vive, pendant
raudience qu'il a bien voulu m'accorder
que ses sympathies nous sont entière-
ment acquises et qu'elles se feront sûre-
ment sentir à notre égard pendant la'
conférence.
Jules Hedeman.
L'ÉLU DE L'HINDOU
Comment M. Fallières a appris d'un certain
Ramana que, d'après les sciences sa-
crées de l'Inde, son élection à la pré-'
sidence de la République est
certaine.
'M. Fallières, président du Sénat, trouvé
hier matin dans son courrier une petite let-
tre mystérieuse. Elle était écrite en un fran-
çais douteux. Trois mages montés sur ,des
dromadaires en illustraient le coin gauche,
et ils allaient disant « Nous avons vu son
étoile briller dans l'Orient.
M. Fallières lut
Permettez-moi d'être le premier de vous of-
frir mes sincères félicitations sur le fait que
vous serez élu président de la République fran-
çaise le 16 janvier 1906.
Je ne sais si M. Tallières s'est demandé
depuis gui pouvait bien être l'étrange signa-
taire, mais, pour ma part, dès que la lettre
eut passé sous mes yeux, je me mis à
la recherche de Ramana.
Je le trouvai dans un confortable appar-
tement du boulevard Malesherbes, où évo-
luait familièrement sa silhouette exotique.
Car Ramana est un Hindou.
La main qu'il me lendit et le visage que
sans peine il fit aimable pour m'accueillir
avaient la couleur du bronze, mais le geste
était fort courtois et le sourire très fin.
L'homme m'eût apparu comme un des trois
mages dont s'adorne son papier à lettre,
ft'eût été sa jeunesse, et l'élégante redingote
en laquelle il se cambrait avec aisance.
En un français déconcertant, qui témoi-
gnait d'une connaissance parfaite de la lan-
gue anglaise,' Ramana se fit connaître. Il
tait un savant dans son pays. Sur les rives
lu Gange, il avait appris à interpréter le
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