Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1905-01-07
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 janvier 1905 07 janvier 1905
Description : 1905/01/07 (Numéro 7622). 1905/01/07 (Numéro 7622).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2008
Vingff-Beifirième
CINQ
DERNIIRS TËLÉfîRAMMES DE LA NUIT
PâR FIJS S P £ç i AU X LES D CR NI È R E S N 0 0 V E L0$ D U M OHP E ENTIER
y m QUI VIENT
Suite dn récit de M Marcel Smet H raconté la promenade
qu'il fît aux avant-postes russes est ce qu'il y vit
Des sentinelles ennemies échangent des
paquets de tabac et des coups de
fusil Une soirée de siège.
UN AVANT-POSTE JAPONAIS DEVANT PORT-ARTHUR
Port-Arthur, 3 octobre.
'Nous descendons, nous montons et
binsi jusqu'à ce que notre guide complai-
sant nous arrête à mi-pente d'une col-
Mes amis, dit-il, voilà un des points
ïes plus rapprochés, c'est-à-dire que no-
tre avant-garde est à cinq cents mètres
d'ici environ. Bien que l'on tire très peu
dans la journée, du moins en ce moment,
il faudra rester derrière les talus c'est
votre intérêt. Je serais désolé s'il vous
arrivait quelque accident, et, d'ailleurs,
je suppose que vous n'êtes pas pressés
d'eji-fwiJn.av.QC la vie. P.o ne, soyez pru-
dents. Et maintenant, en -route.
La curiosité, l'impatience surtout me
(donnent des envies de .courir, mais
Emerson est là pour me modérer.
Enfin, nous sommes arrivés. Le lieu-
tenant Maltchenko nous prie d'attendre
quelques instants. Il se dirige vers un
officier qu'il salue et prononce quelques
mots en nous désignant du doigt.
L'officier aussitôt vient vers nous les
mains tendues
Vous êtes Français, messieurs ?
Notre guide veut bien répondre à no-
tre place
Le colonel Emerson est Américain,
mais son ami a répondu de lui et le gé-
néral Stoessel leur a permis de visiter
toute la ville.
C'est très bien, mais vous n'allez
pas voir grand'chose aujourd'hui. Com-
me vous le constatez, à part les obus qui
tombent de temps en temps, tout est
calme. Je ne, vous souhaite d'ailleurs pas
(d'être ici au moment d'une attaque.
f » Vovez:vous là-bas ce vallonnement ?
Les Japonais sont derrière..Tenez, pre-
nez ma longue vue, vous pourrez distin-
gùer parfaitement leurs sentinelles. »
Je les vois très bien à l'oeil nu, mais
S'accepte quand même -et j'examine lon-
guement avec l'espoir qu'il va se pro-
jduire quelque attaque inattendue.
Mais, vos soldats ne sont pas loin
des Japonais! 1
Ici, non. Peut-être deux cents mè-
tres séparent les factionnaires quant
aux avant-postes, ils sont à peu près à
cinq cents mètres l'un de l'autre. Mais
regardez; vous verrez certainement des
Japonais et des Russes bavarder entre
eux. Ce n'est pas rare de voir un soldat
dû camp ennemi s'approcher des nôtres.
:Alors la conversation suivante s'engage,
(en pidgin (mélange de plusieurs lan-
gues)
» Eh 1 là-bas crie le Japonais,
qu'est-ce que vous faites en ce moment ?
-Nous buvons du tchai et nous fu-
trions des papyros (cigarettes), répond un
Russe.
Ah nous n'avons du tabac que
pour la pipe.
Eh bien approche, je te donne-
rai des papyros.
» Parbleu pour que tu me tires
dessus.
» Non, non. Jet'en donne ma parole.
Tu peux venir.
Alors le Japonais avance, le Russe
lui donne une poignée de cigarettes, ils
se serrent les mains.
» Le Japonais s'éloigne, content, en
plaçant les papyros dans sa cartouchière;
mais le Russe, un loustic, comme vous
dites en France, se met à crier
» Sauve-toi vite, vite, ou je t'ajuste 1
» Et le Japonais de s'enfuir à toutes
jambes, peur la plus grande joie des nô-
tres qui rient de sa frayeur.
» Cela vous étonne, ajoute l'offlcjer
pourtant, voilà ce que nous voyons cha-
que jour. D'ailleurs, regardez, regar-
dez. »
Et, en effet, je puis, avec la longue-
vue, distinguer un Japonais qui s'adresse
aux Russes, en faisant de ses mains un
porte-voix. Que dit-il ? Je l'ignore; mais
ce qui est certain, c'est quelles Russes lui
répondent.
Emerson s'est reculé en fronçant les
sourcils, et, au mêmè instant, je suis
obligé de l'imiter et déporter mon mou-
choir à mon nez.
Quelle odeur
Tenez, voici du camphre, fait l'of-
fleier; ici, c'est nécessaire. Le vent de
llouest: ,nous apporte toujours dé ces
bouifées d'air empesté. Dans cette direc-
(Phot ;• Underwood & Underwood)
tion, les ennemis ne sont pas si près, et,
sur le terrain qui les sépare de nos trou-
pes, quantité de cadavres gisent, se dé-
composant, sans qu'on puisse songer à
les ensevelir. Si un de nos ambulanciers
s'avance, même eh levant le drapeau de
la Croix-Rouge, les Japonais le prennent
comme cible. Maintenant, nous en fai-
sons autant. J'ai vu, vous ne le croiriez
pas, quand j'étais du côté de Pigeon-Bay,
un blessé japonais rester treize jours
étendu sur le sol, souffrant, hurlant, et
mourir finalement de faim, de douleur.
Est-ce possible Un tel récit ne fait-il
pas feémix.
Faites-vous beaucoup de prison-
niers dans les attaques ?
Très peu, cher monsieur, car quand
le Japonais se voit pris, harakiri il se
tue lui-même. S'il airive que quelques-
uns se rendent, il n'est pas rare d'en voir
tomber aussitôt sous les balles de leurs
frères de race. Cela vous surprend, n'est-
xe pas, et moi aussi; mais il y a dans le
cœur du Japonais une fierté féroce qui
lui commande de tuer les siens, plutôt
que de les voir pris par l'ennemi.
Il Maintenant, messieurs, je me per-
mettrai de vous donner un conseil le
jour commence à baisser et, dès lors, les
cigarettes sont remplacées par les balles.
Des deux côtés, on tire'impitoyablement
sur toute silhouette aperçue. Tenez, en-
tendez-vous ?
» Au revoir, messieurs. Je ne vous re-
verrai probablement plus jamais, ajoute
l'officier, mais, tant que je vivrai, je me
souviendrai de votre visite. Elle m'est
d'autant plus agréable que depuis bien-
tôt quatre mois je n'ai pas vu la ville. Le
devoir avant tout.
n Ah j'y pense, quel journal français
vous envoie ici ?
Le Matin, mon capita,ine.
Le Niatin Mais j'y étais abonné en
Russie et je prenais beaucoup de plai-
sir lire les Propos d'un Parisien », si-
gnés Harduin. Eh bien je crois que vo-
tre journal sera le seul qui aura eu un
correspondant ici. Allons, adieu 1
Au revoir rectifiai-je.
Oh au revoir
Et il eut un geste de doute.
Qui sait si l'aurore du prochain jour
ne verra pas ce brave étendu, sanglant,
sur ce sol qu'il défend
Une compagnie en colonne passe de-
vant nous; elle vient relever l'autre. Nous
nous découvrons et un frisson me court
dans le dos.
-Attendez; me dit le bon Maltchenko,
vers qui accourt un soldat. Vous m'avez
dit que vous seriez heureux d'emporter
quelques souvenirs du siège. En voici
un, le plus beau que je puisse vous of-
frir.
Et il me tend une paire d'épaulettes
d'un officier tué sur le for,t. L'or qui les
recouvre est terni, et l'une d'elles porte
des traces de sang coagulé.,
Je serre soigneusement ces précieuses
reliques, tandis que nous regagnons la
ville, qui déjà devient grise au milieu
des montagnes noires. On n'entend plus
de coups de canon. C'est un silence de
mort, un silence dont le poids écrase.
De temps en temps, pourtant, un coup
de vent arrive, et je crois entendre des
sons rauques et des gémissements,
comme au dernier acte de l'Aiglon.
Emerson et Maltchenko causent main-
tenant; je n'entends pas leurs voix, mais
leur écho que renvoie la montagne. Et
je songe à tant de victimes, à tant de sau-
vagerie. Et, malgré ces horreurs, les
étoiles brillent au ciel, les cigales chan-
tent quand même Quel chaos Quels
contrastes dans la naiure
Contraria contrariis eumnlur, disent
les allopathes.
Port-Arthur, 4 oc1obr-e:
La soirée fut mi-gaie mi-sérieuse; on
dînait à l'état-major, et, comme dans l'a-
près-midi, la boisson ne fit pas défaut.
Assis autour d'une grande iable; dans
une salle dont les murs peints la chaux
sont garnis de fusils et de trophées japo-
nais, nous bavardons avec entrain, nous
causons de tout.
Le nom de Stœssel vient à être pro"
nonce.
,-Sans cet homme, commence le colo-
nel Reiss, Port-Arthur ne tiendrâit pas
longtemps. Beaucoup de généraux, voyant
un fort pris, se replieraient et se fortifie-
raient dans le suivant. Eh bien note
,chef ne peut se contenter de se défen-
dre il veut avancer; Tenez, il y a quel-
ques jours,. les Japonais nous ont atta-
qués et- ils ont pris un des petits forts
du nord. Sitôt qu'il en a été avisé, le gé-
néral Stœssel. est parti au galop de son
cheval et, arrivé devant Cette position
que l'ennemi occupait seulement depuis
une heure, il l'a fait attaquer, et, en deux
jours, le général ne quittant pas le ter-
rain, le fort a été pris trois fois par les
Japonais, mais repris par nous. Que di-
tes-vous d'un tel homme ?
» Le général Stœssel n'est pas, au sens
propre du mot, un tacticien il né se
creuse -pas inutilement la tête et né gâche
pas, assis dans une chambre; de nbm-
breuses feuilles de papier pour trouver
un plan sauvant. Non. Pour repousser
l'ennemi, il sait que l'on doit 'se- battre,'
il ne connaît, que cela, et il fonce dessus,
Le courage et l'énergie, chez lui, rempla-
cent avantageusement la mathématique;
il n'est pas homme à lutter avec un
crayon, mais avec son épte. C'est un s'uT
dat de race, et il est comme votre Mas-
séna, qui ne voulait reculer qu'ayant le
feu au c. » •
M. Thiers, choqué par une telle expres-
sion, a traduit « Jusqu'à ce que son
mouchoir prît feu dans sa poche. »
Après le héros de Port-Arthur, on cite
Kouropatkine.
Le colonel Reiss s'est excusé et est
parti. C'est dommage; j'aurais bien voulu
connaître l'opinion de cet homme de va-
leur, qui est le bras droit du général
Stœssel, sur Kouropatkine. Mais un
jeune officier. répond; il ne manque pas
de franchise.:
Encore un soldat, celui-là, moins
farouche que Stœssel, mais connaissant
bien la science de la guerre, C'est peut-
être le meilleur général que nous ayons.
Mais que voulez-vous qu'il fasse, si on
contrarie ses projets, si on l'oblige à mo--
difier son plan Beaucoup ne voudraient
pas d'une telle responsabilité.
» Les généraux japonais, eux, ont cet
avantage qu'on leur laisse leur initiative,
que leur pays s'en rapporte à eux. De
plus, leurs armées n'ont pas dix chefs
qui se jalousent et se nuisent. En Russie,
c'est la plaie. On s'en apercevra bientôt.
Nous avons trop lîa-moivr -du -galoin; tout
le monde veut commander et l'on voit
partout deux ou trois chefs ayant les mê-
mes attributions, malgré leurs titres
différents. Aussi qu'amye-t-il ? Si l'un
décide quelque chose, l'autre veut le con-
traire. Si l'un dit oui, l'autre dit non.
Tenez, monsieur, ici, dans Port-Arthur,
la même plaie existe, la même jalousie
règne. Ainsi les journaux citent seule-
ment le nom du général Stœssel qui,
somme toute, est notre vrai chef. Eh
bien 1 d'autres en sont jaloux, ils veu-
lent aussi leur part de lauriers et. Mais
je ne dois pas parler ainsi, j'en ai déjà
trop dit; vous le verrez certainement
vous-même, puisque vous restez avec
nous plusieurs jours, avec la permission
de notre général. »
Et le jeune officier s'arrête brusque-
ment, regrettant presque d'avoir parlé.
Qu'il soit sans inquiétude son nom ne
sortira de ma plume ni ici ni ailleurs.
Nous buvons encore à Sa Majesté le
tsar, à la France, au général Stœssel, à
l'arrivée de la Baltique, etc., etc.
Autant de toasts, autant de verres vi-
dés, puis brisés, suivant la mode russe.
Un piano est dans là chambre de l'aide
de camp du général. Celui-ci, excellent
musicien, nous joue des valses qui ont
eu.un grand succès en France. Puis. c'est
la Marseillaise et l'hymne russe, sem-
La Flotte dé la, > Baltique
Une fausse nouvelle Le i( Kniaz-Souva-
roll n'a pas *sombré près de Mada-
gascar Démenti officiel de l'ami-
rauté russe.
Nous avons, hier,dans notre « Dernière
heure », reproduit là nouvelle, publiée par
le New York Herald, que Le Kniaz-Souvaroft,
vaisseau amiral .de, l'escadre.de Rojdest-
vensky, en ce moment aux environs de Ma-
dagascar, avait donné sur un écueil et som-
bré. Le correspondant de: Saint-Pétersbourg
du New Yorlc HeraEd ajoutait même qu'il
avait obtenu confirmation du désastre.
Cette nouvelle est pourtant absolument
inexacte et l'amirauté russe a officiellement
déclaré hier à Saint-Péiersbourg que le bruit
était dénué de tout fondement.
Le capitaine Clado qui, ainsi qu'on le sait
attend à Paris de pouvoir déposer devant
la commission internationale de l'affaire de
Le
l'aisseau amiral de l'escadre de Roldestvensky.
blable à un chant d'église, que nous
chantons tous en chœur.
Un jeune officier vient ensuite se pla-
cer près du piano. Doué d'une jolie voix,
il interprète quelques complaintes rus-
ses, tristes et bien slaves.-
Je n'en comprends que quelques mots:
sviesda (étoile), govorit, etc., mais j'en
devine toute la mélancolie.
Aux chansons succèdent des danses
russes et polonaises, et nous nous reti-
rons dans nos chambres.
La nuit est calme, si calme que j'hé-
site à croire que je suis dans Port-Ar-
thur.
Marcel Smet.
[Ici s'arrête l'émouvant récit que nous a
adressé M.. Marcel Smet. La suite cat il
il y a une suite ne nous est pas parvenue.
rtlc nous arrivera sous peu et nous la pu-
blierons aussitôt. Nous pouvons dire seule-
ment aujourd'hui que, quatre fours plus
tard, le 8 octobre, M. Marcel Smet quittait
à nouveau Port-Arthur, mais se heurtait
aux navires japonais et était emmené pri-
sonnier à Sasebo. Remis en liberté, il ga-
gnait Che-Fou, où il se trouvé, et d'où iL'
nous adresse cette heure les cablogram-
mes que l'on a pu lira ces jours-ci dans le
«Matin.».]
A CHË-FOU
On signale l'arrivée prochaine d'une partie
de la population civile de Port-Arthur
d'actifs préparatifs sont faits pour
la recevoir.
CHE-Fou, 6 janvier, 3 h. 40 soir (heure
d'Extrême-Orient). Dépêche de notre
correspondant de guerre. Des Chinois
qui viennent de rentrer au port rappor-
tent qu'ils ont aperçu des vapeurs japo-
nais se dirigeant- sur l'île Tchang-Chàn-
Tao,. avec des réfugiés de Port-Arthur à
leur bord.
4 h. 50 soir. Le consul de Russie. à
Che-Fou a prévenu qu'un millier de Rus-
ses, appartenant à la population civile de
Port-Arthur, arriveront aujourd'hui; on
prépare d'es baraquements pour te,s rece-
voir, mais on n'est pas sans inquiétude
à leur^sujet, tous les médecins, tous les
produits pharmaceutiques ayant été ex-
pédiés à Port-Arthur.
5 h. soir. Des Chinois affirment
qu'ils ont vu, hier encore, le drapeau
russe f Lottant sur Liao-Tï-Chan.
10 h. 30 soir. Je veille, car lés réf u-
giés russes arriveront probablement vers
minuit leurs compatriotes ont retenu,
ici, à leur intention, tous les logements,
tous les vivres disponibles.
Une grande animation règne aussi à
l'hôpital français de Che-Fou.
MARCEL SMET.
APRÈS LA CAPITULATION
Une entrevue du général Nogi et de Stœssel
Long entretien Stœssel retournera
en Russie, via Nagasaki.
Les agences communiquent les dépê-
ches suivantes donnant d'intéressants
renseignements sur une entrevue qui a
eu lieu hier entre le général Nogi.et le gé-
néral Stœssel
PORT-ARTHUR, 6 janvier,. Le général No-
gi et le général Stœssel ont eu aujourd'hui un
long entretien dans le village de Thuishi.
Le rendez-vous avait été fixé à onze
heures du matin.
Pair suite d'un malentendu, le général
Stœssel est arrivé à dix heures et demie. Il
a été reçu par un lieutenant et il a attendu le
général Nogi, qui est venu à L'heure fixée,
avec son étal-maior.
Les deux généraux se sont rencontrés
dans une chambre d'une habitation chinois.
Après l'échange des cotnpliments d'usage, ils
ont eu ensemble un long entretien.
4 l'issue de cette conférence, les deux gé*
sont sortis de la maisons avant de se
Hull, nous a confirme que la nouvelle était
complètement fausse.
Je sors de l'ambassade, nous a-t-M dit,
où Jsii vu l'ambassadeur, et je puis vous
affirmer qu'il n'y a pas un mot de vrai là--
dedans. C'est, jq crois, ce que vous appe-
lez un « canard n.
Et, à ce propos, l'officier qui fut justement
à bord du Kniaz-Souvaroii capitaine de pa-
villon de l'amiral Rojdestvensky, comme
nous l'interrogeons sur un autre bruit, ce-
lui du rappel de l'escadre, nous parle avec
une admiration patriotique de la marine
russe.
Songez donc, nous dit-il, qu'il y a en-
cpre toute la flotte de la mer Noire à la-
quelle il n'a pas été touché. Vous voyez que
nous ne pouvons manquer de marins, de
marins de métier. D'ailleurs, il n'y a pas
d'exemple, ce que je crois, d'une flotte
ayant fait un pareil voyage. de Cronstadt
à Madagascar sans accident ni besoin
de réparation. Voilà bien qui prouve que les
marins qui montent les unités d'une telle
flotte ne manquent point d'entraînement
séparer, îïs se sont serré là main, puis le
général Stœssel est remonté' à cheval et est
rentré à Port- Arthur. '̃'
Le général Stœssel a donné sa parole de
retourner en Russie par Napasaki.
Port-Arthur, 6 janvier. Il n'y a que
quatre-vingts officiers russes qui aient don-
né leur parole.
Tous les soldats russes ont quitté la forte-
resse et ils partiront aujourd'hui pour Dalny.
Un détachement japonais est entré hier en
ville pour maintenir l'ordre.
Les non-combattants ont la permission de
rester à Port-Arthur s'ils le désirent.
Les marins japonais s'occupent en ce mo-
ment à relever les mines du port et à enlever
les pontons japonais qui ont été coulés à l'en-
trée du goulet.
Les Japonais ont maintenant pris posses-
sion de tous les forts.
Tokio, G janvier, midi, Les deux torpil-
leurs et les trois contre-torpilleurs dont on
a parlé aujourd'hui- comme ayant été coulés
à Port-Arthur l'ont été pendant le bombar-
dement. •
Les cuirassés n'ont pas encore été inspec-
tés officiellement par les Japonais, mais on.
croit qu'il n.'y a que les parties au-dessus
de -la ligne de flottaison qui ont été détruites
par les Russes lorsqu'ils ont fait sautèr leurs,
navires au dernier nipment. Ils n'ont aucune
trace d'explosion intérieure, et on espère pou-
voir réparer leurs avaries..
marine annonce que les Japonais ont coulé à
Port-Arthur les torpilleurs russes Gaidavnalc
et Vsàdnik et les trais contre-torpilleurs ze-
liany, Sesy et Boiroy.
Le croiseur Bayan, 'sérieusement endom-
magé, se trouve sur la côte sud du port orien-
tal.
La canonnière Bobr a été entièrement in-
cendiée par les obus japonais.
DE MIDI A MINUIT
Lea faits d'hier En Franoe et à l'étranger.
A la Bourse de Paris le 3 est faible ainsi
que l'ensemble du marché.
Le froid continue dans le sud-est de la
.France. En Savoie, à Chambéry, il a fait
deux victimes, tombées mortes sur la voie
publique,
Le commissaire central de Saint-Etienne
a exécuté les commissions rogatoires en-
voyées par M. Boucard, et concernant l'af-
faire Syveton. 1
Les ouvriers du port de Mèze ont décidé
de se solidariser avec les bateliers en grève
pour appuyer leurs revendications. Aucun
bateau ne peut sortir du port.
Les ouvriers et ouvrières de l'atelier d'é-
tamerie de .l'usine d'Hennebont se sont mis
en .grave; Ils»- sont calmes.
Le général, Stcessei a eu iun long entrètien
avec le général Nogi, dans le village de
Thuishi le défenseur de Port-Arthur a don-
né sa parole de rentrer cm Russie par Naga-
saki.
En Mandehourie, des rencontres ont lieu
entre patrouilles russes et japonaises on si-
gnale l'arrivée de renforts il l'armée japo-
L'amirauté russe dément catégoriquement
que le Kniaz-Souvarojl, cuirassé de l'esca-
dre Rojdestvensky, ait sombré.
A la fin de son inspection des troupes, le
tsar a adressé aux commandants des dis
tricts-militaires de Varsovie, Odessa, Vilna
et Kieff l'expression de son entière satisfac-
tion.
A Bakou, la grève continue une collision
s'est produite entre grévistes et cosaques il
V a eu plusieurs tués et blessés.
On,annonce de Copenhague que le minis-
tre de la guerre ayant donné sa démission,
les ministres de l'instruction publique, de
l'agriculture, de l'intérieur et de la justice
ont, eux aussi, résigné leurs fonctions.
On signale dans l'état de M. Tittoni, le
ministre des affaires étrangères d'Italie, une
amélioration très sensible.
Pie X a reçu, dans la salle du consistoire,
un pèlerinage français accompagné du car-
dinal Mathieu et des évoques d'Amiens, de
Belley, de Nice, de Monaco et de Clermont.
L'évêque de Belley a lu uno courte adresse
sur le curé d'Ars, qui sera béatifié diman-
che.
Un journal de Florence publie un commu-
niqué de l'ex-princesse de Saxe, déclarant
quelle sera reconnaissante à la presse de
ne plus s'occuper d'elle.
A la suite des observations des représen-
tants des puissances européennes intéres-
sées, le gouvernement. chinois s'est déclaré
prêt examiner la question des mesures à
prendre pour la protection des marques de
fabrique.
M. Cortelvou, secrétaire du commerce et
de l'industrie aux Etats-Unis, a quitté Was
hington à destination de l'Europe.
Une dépêche de New-York annonce que
les astronomes de l'observatoire de Liclc ont
découvert un sixième satellite de Jupiter.
PROPOS D'UN PARISIEN
Port-Arthur pris, que va-t-il se passer ?
Les gens qui aiment se faire des illusions
se sont imaginé que c'était la paix.
Elle est encore loin. Le gouvernement
russe doit considérer que l'armée de Kouro-
patkine est en mesure de sauver la situa-
tion.
Le fait est que cette armée est plus forte
qu'elle n'a jamais été. Depuis onze mois que
la guerre dure, on a eu le temps de lui en-
voyer tous les hommes et tout le matériel qui
manquaient au début. Elle représente une
force au moins égale, sinon supérieure à
celle des Japonais.
Aussi, dès que la température le permet-
tra, il est probable que le général' Kouropat-
kine renouvellera l'effort fait il y a deux
mois. Il attaquera les Japonais, qui l'atten-
dent sur leurs positions.
Les conditions dans lesquelles s'engagera
la lutte étant les mêmes, on peut craindre
que les choses tournent comme elles ont
tourné la première fois, c'est-à-dire que les
Japonais jettent par terre quarante ou cin-
quante mille Russes, en ne subissant eux-
mêmes, protégés comme ils le sont, que des
pertes relativement minimes.
Alors, ils marcheront sur Moukden, ou,
jugeant qu'il est préférable d'user leur en-
nemi, ils attendront de nouvelles attaques.
Tout cela nous mènera vraisemblable-
ment jusqu'à l'automne, et ce n'est guère
qu'à ce moniént qu'on pourra parler de
paix. à moins. à moins que d'ici là, autre
éventualité possible, il se passe en Russie
des -événements qui feront apparaître com-
me absolument sans intérêt là question de
la possession de la Mandchourie. •
̃H. Hàrduin.
iiAMORTDEII.SY¥ËfOH
CONFRONTATION GÉNÉRALE
La journée d'hier au Palais M. Barnay
pose des questions et obtient des ré-
ponses Il déclare n'avoir pas de
faits, mais seulement des im-
pressions Les experts si-
gnent leur rapport.
Dès deux heures, la galerie sur laquelle
s'ouvre le cabinet de M. Boucard présent
une animation absolument extraordinaire.
Jamais, depuis le commencement de l'ins-
truction, on n'avait constaté une pareille af-
fluence. Il y a là. une centaine de personnes
pour le moins': journalistes, avocats il y
a aussi, de simples curieux qui ont réussi
à pénétrer dans le couloir. Nous remar-
quons, notamment, un jeune ménage provin-
cial, venu tout exprès à Paris pour voir Mine
Syveton. Mais cet espoir sera déçu. A qua-
tre heures, en effet, M. Boucard a fait pré-
venir la veuve du député que son audition
était remise à- aujourd'hui.
Alarmé, le commandant du Palais a ren-
forcé le service d'ordre. Il circula parmi, les
groupes, où l'on discute avec animation
dans une atmosphère do fuméo dc tabac
qui vous prend â la gorge.
Pourquoi n'empêchez-vous pas de fu-
mer, comme c'est votre consigne ? demande
l'officier à l'un des gardes de service.
Le soldat lève les bras au ciel
Tls sont trop, mon commandant
Venu dès une heure à son cabinet, M. Bou-
card descend un instant chez le procureur
de la République. Pendant ce temps, les té-
moins commencent il arriver. C'est d'abord
un journaliste, M. Méténier le docteur
Luyt, puis M0 Noilhan. Tous trois sont in-
troduits dans l'arrière-cabinet. A deux heu-
res et demie, nous apercevons le dpcteur
Barnay, et bientôt après le docteur Thoî-
mer. Presque au même instant, M. Mériard
pénètre sans bruit dans la galerie des pré-
venus et prend place sur la banquette de-
vant le cabinet n° 11.
C'est à propos de deux interviews, pu-
bliées par lui dans un journal du soir, que
M. Méténier a été entendu par M. Boucard.
Dans ces interviews,le docteur Luyt avait
déclaré que, au moment où il avait été appelé
pour essayer de ranimer M. Syveton, il avait
constaté que le cadavre portait deux ecchy-
moses, l'une en forme de V la naissance
du nez, l'autre au sommet du crâne. La pre-
mière blessure, avait dit le praticien, lui
semblait avoir été produite par une chute
sur l'angle d'un meuble et, par conséquent,
être antérieure à la mort. Il estimait, par
contre, que la seconde provenait d'un choc
après la mort.
.On confronte le journaliste et le docteur.
Ce dernier maintient ses déclarations. ̃̃;̃'
Le docteur Luyt se retire alors, et M"
Noilhan est introduit.
M0 Noilhan, on s'en souvient, a affirmé
que, le 8 décembre, entre dix heures et midi,
il s'était rendu chez M. Svveton. M. Mété-
nier, par contre, a prétendu que l'ex-avocat
de M. Syveton n'avait pu se rendre ù l'heure
qu'il dit 20 bis, avenue de Nouilly. C'est pour
fixer co point que les deux hommes sont
confrontés.
Ils n'ont pu se mettre d'accord.
M. Méténier se retire.
M. Boucard prie Me Noilhan de passer un
instant dans son arrière-cabinet. Le magis-
trat reçoit le commandant Targe, qui vient
protester contre les allégations contenues
dans une lettre anonymo'reçue par le doç-
teur Barnay et communiquée par lui il cer-
tains journaux. Dans cette lettre, il est af-
firmé que le commandant Targe et le capi-
taine de Gail savaient que M. Syveton allait
se suicider.
QUATRE TËMOMS FACE A FACE
Cette audition n'a duré que quelques mai-
nutes. Aussitôt après le juge fait entrer le
docteur Barnny, le docteur Tholmer, Me
Noilhan, et M. Ménard.
Les quatre témoins sont entendus contra-
dictoirement jusqu'à six heures. MM. Mé-
nard, Barnay et Noilhan sortent alors le
docteur Tholmer reste seul chez le juge pen-
dant assez longtemps.
Suivant son habitude, M. Ménard dispa-
rait au plus vite. M0 Noilhan parait très sa-
tisfait. Nous l'abordons.
Vous savez bien, nous dit-il, que je ne
puis rien vous dire. Cependant, allez deman-
der au docteur Barnay s'il est satisfait de sa
journée. Dans l'affirmative, il ne sera vrai-
ment pas difficile
Voici, d'après le docteur Barnay, ce que
fut cette confrontation, au cours de laquelle
il a été donné licence au beau-frère de M.
Syveton de poser aux témoins toutes les
questions qui lui ont plu.
M. Barnay s'adressa tout d'abord à Me
Noilhan, et lui demanda de bien préciser
si oui ou non il s'était rendu chez M. Syve-
ton dans la matinée du 8 décembre.
J'ai été 20 bis, avenue de Neuilly, a
déclaré Me Noilhan, mais je n'ai point vu
Syveton. On m'a dit qu'il était absent.
M. Barnay s'étonne que Me Noilhan se
soit autorisé à emporter de chez le député
les papiers contenus dans la fameuse ser-
viette de cuir noir, saisie par M. Boucard.
Pourquoi, interroge-t-il, avez-vous fait
cela?
Monsieur Barnay, répond très sèche-
ment M" Noilhan, j'ai accompli mon devoir
d'avocat. Je n'ai pas de leçon à recevoir de;
'vous. Cette question, du reste, n'a qu'un
rapport très lointain avec le crime que vous
avez entrepris de démontrer.
M" Noilhan, poursuit le docteur Bar-
nay, n'a-t-il pas dit, le soir de la mort de
Syveton, qu'il savait que mon beau-frère s'é-
tait suicidé ? Ne l'a-t-il pas raconté il plu-
sieurs personnes, en leur conseillant de ne
point faire de bruit autour de ce décès ?
Je n'ai jamais parlé de cela. Des jour-
naux me l'ont fait direi mais la chose est
'inexacte.
M. BARNA INTERROGE
M. Barnay se tourne vers le docteur Thol-
mer et lui demande si le 8 décembre, déjeu-
nant au Grand-Hôtel avec des amis, il n'a-
vait pas manifesté la crainte d'être dérangé
dans le courant de la journée.
N'aver-vous, pas ajouté que vous vous
attendiez à apprendre le suicide de Syveton?
Pas le moins u monde, réplique M.
Tholmer, j'ai dit que j'étais inquiet au sujet
de Syveton, que je savais qu'il avait eu de
violentes scènes avec sa femme. Je n'ai ja-
mais parlé de suicide.
Cependant, insiste le docteur Barnay,,
étant en visite le soir.du drame, vous avez
dit à des amis, politiques qu'il fallait faire le
silence autour de cette mort ?
C'est exact. C'est ce que l'on aurait dû
faire.
Comment expliquez- vous, le- suicide de
Syvetoà?-- ̃-̃' ̃'̃̃̃•̃̃̃̃̃• ̃• .̃ ̃•̃
"–Vôtre beau-frère était un impression-
CINQ
DERNIIRS TËLÉfîRAMMES DE LA NUIT
PâR FIJS S P £ç i AU X LES D CR NI È R E S N 0 0 V E L0$ D U M OHP E ENTIER
y m QUI VIENT
Suite dn récit de M Marcel Smet H raconté la promenade
qu'il fît aux avant-postes russes est ce qu'il y vit
Des sentinelles ennemies échangent des
paquets de tabac et des coups de
fusil Une soirée de siège.
UN AVANT-POSTE JAPONAIS DEVANT PORT-ARTHUR
Port-Arthur, 3 octobre.
'Nous descendons, nous montons et
binsi jusqu'à ce que notre guide complai-
sant nous arrête à mi-pente d'une col-
Mes amis, dit-il, voilà un des points
ïes plus rapprochés, c'est-à-dire que no-
tre avant-garde est à cinq cents mètres
d'ici environ. Bien que l'on tire très peu
dans la journée, du moins en ce moment,
il faudra rester derrière les talus c'est
votre intérêt. Je serais désolé s'il vous
arrivait quelque accident, et, d'ailleurs,
je suppose que vous n'êtes pas pressés
d'eji-fwiJn.av.QC la vie. P.o ne, soyez pru-
dents. Et maintenant, en -route.
La curiosité, l'impatience surtout me
(donnent des envies de .courir, mais
Emerson est là pour me modérer.
Enfin, nous sommes arrivés. Le lieu-
tenant Maltchenko nous prie d'attendre
quelques instants. Il se dirige vers un
officier qu'il salue et prononce quelques
mots en nous désignant du doigt.
L'officier aussitôt vient vers nous les
mains tendues
Vous êtes Français, messieurs ?
Notre guide veut bien répondre à no-
tre place
Le colonel Emerson est Américain,
mais son ami a répondu de lui et le gé-
néral Stoessel leur a permis de visiter
toute la ville.
C'est très bien, mais vous n'allez
pas voir grand'chose aujourd'hui. Com-
me vous le constatez, à part les obus qui
tombent de temps en temps, tout est
calme. Je ne, vous souhaite d'ailleurs pas
(d'être ici au moment d'une attaque.
f » Vovez:vous là-bas ce vallonnement ?
Les Japonais sont derrière..Tenez, pre-
nez ma longue vue, vous pourrez distin-
gùer parfaitement leurs sentinelles. »
Je les vois très bien à l'oeil nu, mais
S'accepte quand même -et j'examine lon-
guement avec l'espoir qu'il va se pro-
jduire quelque attaque inattendue.
Mais, vos soldats ne sont pas loin
des Japonais! 1
Ici, non. Peut-être deux cents mè-
tres séparent les factionnaires quant
aux avant-postes, ils sont à peu près à
cinq cents mètres l'un de l'autre. Mais
regardez; vous verrez certainement des
Japonais et des Russes bavarder entre
eux. Ce n'est pas rare de voir un soldat
dû camp ennemi s'approcher des nôtres.
:Alors la conversation suivante s'engage,
(en pidgin (mélange de plusieurs lan-
gues)
» Eh 1 là-bas crie le Japonais,
qu'est-ce que vous faites en ce moment ?
-Nous buvons du tchai et nous fu-
trions des papyros (cigarettes), répond un
Russe.
Ah nous n'avons du tabac que
pour la pipe.
Eh bien approche, je te donne-
rai des papyros.
» Parbleu pour que tu me tires
dessus.
» Non, non. Jet'en donne ma parole.
Tu peux venir.
Alors le Japonais avance, le Russe
lui donne une poignée de cigarettes, ils
se serrent les mains.
» Le Japonais s'éloigne, content, en
plaçant les papyros dans sa cartouchière;
mais le Russe, un loustic, comme vous
dites en France, se met à crier
» Sauve-toi vite, vite, ou je t'ajuste 1
» Et le Japonais de s'enfuir à toutes
jambes, peur la plus grande joie des nô-
tres qui rient de sa frayeur.
» Cela vous étonne, ajoute l'offlcjer
pourtant, voilà ce que nous voyons cha-
que jour. D'ailleurs, regardez, regar-
dez. »
Et, en effet, je puis, avec la longue-
vue, distinguer un Japonais qui s'adresse
aux Russes, en faisant de ses mains un
porte-voix. Que dit-il ? Je l'ignore; mais
ce qui est certain, c'est quelles Russes lui
répondent.
Emerson s'est reculé en fronçant les
sourcils, et, au mêmè instant, je suis
obligé de l'imiter et déporter mon mou-
choir à mon nez.
Quelle odeur
Tenez, voici du camphre, fait l'of-
fleier; ici, c'est nécessaire. Le vent de
llouest: ,nous apporte toujours dé ces
bouifées d'air empesté. Dans cette direc-
(Phot ;• Underwood & Underwood)
tion, les ennemis ne sont pas si près, et,
sur le terrain qui les sépare de nos trou-
pes, quantité de cadavres gisent, se dé-
composant, sans qu'on puisse songer à
les ensevelir. Si un de nos ambulanciers
s'avance, même eh levant le drapeau de
la Croix-Rouge, les Japonais le prennent
comme cible. Maintenant, nous en fai-
sons autant. J'ai vu, vous ne le croiriez
pas, quand j'étais du côté de Pigeon-Bay,
un blessé japonais rester treize jours
étendu sur le sol, souffrant, hurlant, et
mourir finalement de faim, de douleur.
Est-ce possible Un tel récit ne fait-il
pas feémix.
Faites-vous beaucoup de prison-
niers dans les attaques ?
Très peu, cher monsieur, car quand
le Japonais se voit pris, harakiri il se
tue lui-même. S'il airive que quelques-
uns se rendent, il n'est pas rare d'en voir
tomber aussitôt sous les balles de leurs
frères de race. Cela vous surprend, n'est-
xe pas, et moi aussi; mais il y a dans le
cœur du Japonais une fierté féroce qui
lui commande de tuer les siens, plutôt
que de les voir pris par l'ennemi.
Il Maintenant, messieurs, je me per-
mettrai de vous donner un conseil le
jour commence à baisser et, dès lors, les
cigarettes sont remplacées par les balles.
Des deux côtés, on tire'impitoyablement
sur toute silhouette aperçue. Tenez, en-
tendez-vous ?
» Au revoir, messieurs. Je ne vous re-
verrai probablement plus jamais, ajoute
l'officier, mais, tant que je vivrai, je me
souviendrai de votre visite. Elle m'est
d'autant plus agréable que depuis bien-
tôt quatre mois je n'ai pas vu la ville. Le
devoir avant tout.
n Ah j'y pense, quel journal français
vous envoie ici ?
Le Matin, mon capita,ine.
Le Niatin Mais j'y étais abonné en
Russie et je prenais beaucoup de plai-
sir lire les Propos d'un Parisien », si-
gnés Harduin. Eh bien je crois que vo-
tre journal sera le seul qui aura eu un
correspondant ici. Allons, adieu 1
Au revoir rectifiai-je.
Oh au revoir
Et il eut un geste de doute.
Qui sait si l'aurore du prochain jour
ne verra pas ce brave étendu, sanglant,
sur ce sol qu'il défend
Une compagnie en colonne passe de-
vant nous; elle vient relever l'autre. Nous
nous découvrons et un frisson me court
dans le dos.
-Attendez; me dit le bon Maltchenko,
vers qui accourt un soldat. Vous m'avez
dit que vous seriez heureux d'emporter
quelques souvenirs du siège. En voici
un, le plus beau que je puisse vous of-
frir.
Et il me tend une paire d'épaulettes
d'un officier tué sur le for,t. L'or qui les
recouvre est terni, et l'une d'elles porte
des traces de sang coagulé.,
Je serre soigneusement ces précieuses
reliques, tandis que nous regagnons la
ville, qui déjà devient grise au milieu
des montagnes noires. On n'entend plus
de coups de canon. C'est un silence de
mort, un silence dont le poids écrase.
De temps en temps, pourtant, un coup
de vent arrive, et je crois entendre des
sons rauques et des gémissements,
comme au dernier acte de l'Aiglon.
Emerson et Maltchenko causent main-
tenant; je n'entends pas leurs voix, mais
leur écho que renvoie la montagne. Et
je songe à tant de victimes, à tant de sau-
vagerie. Et, malgré ces horreurs, les
étoiles brillent au ciel, les cigales chan-
tent quand même Quel chaos Quels
contrastes dans la naiure
Contraria contrariis eumnlur, disent
les allopathes.
Port-Arthur, 4 oc1obr-e:
La soirée fut mi-gaie mi-sérieuse; on
dînait à l'état-major, et, comme dans l'a-
près-midi, la boisson ne fit pas défaut.
Assis autour d'une grande iable; dans
une salle dont les murs peints la chaux
sont garnis de fusils et de trophées japo-
nais, nous bavardons avec entrain, nous
causons de tout.
Le nom de Stœssel vient à être pro"
nonce.
,-Sans cet homme, commence le colo-
nel Reiss, Port-Arthur ne tiendrâit pas
longtemps. Beaucoup de généraux, voyant
un fort pris, se replieraient et se fortifie-
raient dans le suivant. Eh bien note
,chef ne peut se contenter de se défen-
dre il veut avancer; Tenez, il y a quel-
ques jours,. les Japonais nous ont atta-
qués et- ils ont pris un des petits forts
du nord. Sitôt qu'il en a été avisé, le gé-
néral Stœssel. est parti au galop de son
cheval et, arrivé devant Cette position
que l'ennemi occupait seulement depuis
une heure, il l'a fait attaquer, et, en deux
jours, le général ne quittant pas le ter-
rain, le fort a été pris trois fois par les
Japonais, mais repris par nous. Que di-
tes-vous d'un tel homme ?
» Le général Stœssel n'est pas, au sens
propre du mot, un tacticien il né se
creuse -pas inutilement la tête et né gâche
pas, assis dans une chambre; de nbm-
breuses feuilles de papier pour trouver
un plan sauvant. Non. Pour repousser
l'ennemi, il sait que l'on doit 'se- battre,'
il ne connaît, que cela, et il fonce dessus,
Le courage et l'énergie, chez lui, rempla-
cent avantageusement la mathématique;
il n'est pas homme à lutter avec un
crayon, mais avec son épte. C'est un s'uT
dat de race, et il est comme votre Mas-
séna, qui ne voulait reculer qu'ayant le
feu au c. » •
M. Thiers, choqué par une telle expres-
sion, a traduit « Jusqu'à ce que son
mouchoir prît feu dans sa poche. »
Après le héros de Port-Arthur, on cite
Kouropatkine.
Le colonel Reiss s'est excusé et est
parti. C'est dommage; j'aurais bien voulu
connaître l'opinion de cet homme de va-
leur, qui est le bras droit du général
Stœssel, sur Kouropatkine. Mais un
jeune officier. répond; il ne manque pas
de franchise.:
Encore un soldat, celui-là, moins
farouche que Stœssel, mais connaissant
bien la science de la guerre, C'est peut-
être le meilleur général que nous ayons.
Mais que voulez-vous qu'il fasse, si on
contrarie ses projets, si on l'oblige à mo--
difier son plan Beaucoup ne voudraient
pas d'une telle responsabilité.
» Les généraux japonais, eux, ont cet
avantage qu'on leur laisse leur initiative,
que leur pays s'en rapporte à eux. De
plus, leurs armées n'ont pas dix chefs
qui se jalousent et se nuisent. En Russie,
c'est la plaie. On s'en apercevra bientôt.
Nous avons trop lîa-moivr -du -galoin; tout
le monde veut commander et l'on voit
partout deux ou trois chefs ayant les mê-
mes attributions, malgré leurs titres
différents. Aussi qu'amye-t-il ? Si l'un
décide quelque chose, l'autre veut le con-
traire. Si l'un dit oui, l'autre dit non.
Tenez, monsieur, ici, dans Port-Arthur,
la même plaie existe, la même jalousie
règne. Ainsi les journaux citent seule-
ment le nom du général Stœssel qui,
somme toute, est notre vrai chef. Eh
bien 1 d'autres en sont jaloux, ils veu-
lent aussi leur part de lauriers et. Mais
je ne dois pas parler ainsi, j'en ai déjà
trop dit; vous le verrez certainement
vous-même, puisque vous restez avec
nous plusieurs jours, avec la permission
de notre général. »
Et le jeune officier s'arrête brusque-
ment, regrettant presque d'avoir parlé.
Qu'il soit sans inquiétude son nom ne
sortira de ma plume ni ici ni ailleurs.
Nous buvons encore à Sa Majesté le
tsar, à la France, au général Stœssel, à
l'arrivée de la Baltique, etc., etc.
Autant de toasts, autant de verres vi-
dés, puis brisés, suivant la mode russe.
Un piano est dans là chambre de l'aide
de camp du général. Celui-ci, excellent
musicien, nous joue des valses qui ont
eu.un grand succès en France. Puis. c'est
la Marseillaise et l'hymne russe, sem-
La Flotte dé la, > Baltique
Une fausse nouvelle Le i( Kniaz-Souva-
roll n'a pas *sombré près de Mada-
gascar Démenti officiel de l'ami-
rauté russe.
Nous avons, hier,dans notre « Dernière
heure », reproduit là nouvelle, publiée par
le New York Herald, que Le Kniaz-Souvaroft,
vaisseau amiral .de, l'escadre.de Rojdest-
vensky, en ce moment aux environs de Ma-
dagascar, avait donné sur un écueil et som-
bré. Le correspondant de: Saint-Pétersbourg
du New Yorlc HeraEd ajoutait même qu'il
avait obtenu confirmation du désastre.
Cette nouvelle est pourtant absolument
inexacte et l'amirauté russe a officiellement
déclaré hier à Saint-Péiersbourg que le bruit
était dénué de tout fondement.
Le capitaine Clado qui, ainsi qu'on le sait
attend à Paris de pouvoir déposer devant
la commission internationale de l'affaire de
Le
l'aisseau amiral de l'escadre de Roldestvensky.
blable à un chant d'église, que nous
chantons tous en chœur.
Un jeune officier vient ensuite se pla-
cer près du piano. Doué d'une jolie voix,
il interprète quelques complaintes rus-
ses, tristes et bien slaves.-
Je n'en comprends que quelques mots:
sviesda (étoile), govorit, etc., mais j'en
devine toute la mélancolie.
Aux chansons succèdent des danses
russes et polonaises, et nous nous reti-
rons dans nos chambres.
La nuit est calme, si calme que j'hé-
site à croire que je suis dans Port-Ar-
thur.
Marcel Smet.
[Ici s'arrête l'émouvant récit que nous a
adressé M.. Marcel Smet. La suite cat il
il y a une suite ne nous est pas parvenue.
rtlc nous arrivera sous peu et nous la pu-
blierons aussitôt. Nous pouvons dire seule-
ment aujourd'hui que, quatre fours plus
tard, le 8 octobre, M. Marcel Smet quittait
à nouveau Port-Arthur, mais se heurtait
aux navires japonais et était emmené pri-
sonnier à Sasebo. Remis en liberté, il ga-
gnait Che-Fou, où il se trouvé, et d'où iL'
nous adresse cette heure les cablogram-
mes que l'on a pu lira ces jours-ci dans le
«Matin.».]
A CHË-FOU
On signale l'arrivée prochaine d'une partie
de la population civile de Port-Arthur
d'actifs préparatifs sont faits pour
la recevoir.
CHE-Fou, 6 janvier, 3 h. 40 soir (heure
d'Extrême-Orient). Dépêche de notre
correspondant de guerre. Des Chinois
qui viennent de rentrer au port rappor-
tent qu'ils ont aperçu des vapeurs japo-
nais se dirigeant- sur l'île Tchang-Chàn-
Tao,. avec des réfugiés de Port-Arthur à
leur bord.
4 h. 50 soir. Le consul de Russie. à
Che-Fou a prévenu qu'un millier de Rus-
ses, appartenant à la population civile de
Port-Arthur, arriveront aujourd'hui; on
prépare d'es baraquements pour te,s rece-
voir, mais on n'est pas sans inquiétude
à leur^sujet, tous les médecins, tous les
produits pharmaceutiques ayant été ex-
pédiés à Port-Arthur.
5 h. soir. Des Chinois affirment
qu'ils ont vu, hier encore, le drapeau
russe f Lottant sur Liao-Tï-Chan.
10 h. 30 soir. Je veille, car lés réf u-
giés russes arriveront probablement vers
minuit leurs compatriotes ont retenu,
ici, à leur intention, tous les logements,
tous les vivres disponibles.
Une grande animation règne aussi à
l'hôpital français de Che-Fou.
MARCEL SMET.
APRÈS LA CAPITULATION
Une entrevue du général Nogi et de Stœssel
Long entretien Stœssel retournera
en Russie, via Nagasaki.
Les agences communiquent les dépê-
ches suivantes donnant d'intéressants
renseignements sur une entrevue qui a
eu lieu hier entre le général Nogi.et le gé-
néral Stœssel
PORT-ARTHUR, 6 janvier,. Le général No-
gi et le général Stœssel ont eu aujourd'hui un
long entretien dans le village de Thuishi.
Le rendez-vous avait été fixé à onze
heures du matin.
Pair suite d'un malentendu, le général
Stœssel est arrivé à dix heures et demie. Il
a été reçu par un lieutenant et il a attendu le
général Nogi, qui est venu à L'heure fixée,
avec son étal-maior.
Les deux généraux se sont rencontrés
dans une chambre d'une habitation chinois.
Après l'échange des cotnpliments d'usage, ils
ont eu ensemble un long entretien.
4 l'issue de cette conférence, les deux gé*
sont sortis de la maisons avant de se
Hull, nous a confirme que la nouvelle était
complètement fausse.
Je sors de l'ambassade, nous a-t-M dit,
où Jsii vu l'ambassadeur, et je puis vous
affirmer qu'il n'y a pas un mot de vrai là--
dedans. C'est, jq crois, ce que vous appe-
lez un « canard n.
Et, à ce propos, l'officier qui fut justement
à bord du Kniaz-Souvaroii capitaine de pa-
villon de l'amiral Rojdestvensky, comme
nous l'interrogeons sur un autre bruit, ce-
lui du rappel de l'escadre, nous parle avec
une admiration patriotique de la marine
russe.
Songez donc, nous dit-il, qu'il y a en-
cpre toute la flotte de la mer Noire à la-
quelle il n'a pas été touché. Vous voyez que
nous ne pouvons manquer de marins, de
marins de métier. D'ailleurs, il n'y a pas
d'exemple, ce que je crois, d'une flotte
ayant fait un pareil voyage. de Cronstadt
à Madagascar sans accident ni besoin
de réparation. Voilà bien qui prouve que les
marins qui montent les unités d'une telle
flotte ne manquent point d'entraînement
séparer, îïs se sont serré là main, puis le
général Stœssel est remonté' à cheval et est
rentré à Port- Arthur. '̃'
Le général Stœssel a donné sa parole de
retourner en Russie par Napasaki.
Port-Arthur, 6 janvier. Il n'y a que
quatre-vingts officiers russes qui aient don-
né leur parole.
Tous les soldats russes ont quitté la forte-
resse et ils partiront aujourd'hui pour Dalny.
Un détachement japonais est entré hier en
ville pour maintenir l'ordre.
Les non-combattants ont la permission de
rester à Port-Arthur s'ils le désirent.
Les marins japonais s'occupent en ce mo-
ment à relever les mines du port et à enlever
les pontons japonais qui ont été coulés à l'en-
trée du goulet.
Les Japonais ont maintenant pris posses-
sion de tous les forts.
Tokio, G janvier, midi, Les deux torpil-
leurs et les trois contre-torpilleurs dont on
a parlé aujourd'hui- comme ayant été coulés
à Port-Arthur l'ont été pendant le bombar-
dement. •
Les cuirassés n'ont pas encore été inspec-
tés officiellement par les Japonais, mais on.
croit qu'il n.'y a que les parties au-dessus
de -la ligne de flottaison qui ont été détruites
par les Russes lorsqu'ils ont fait sautèr leurs,
navires au dernier nipment. Ils n'ont aucune
trace d'explosion intérieure, et on espère pou-
voir réparer leurs avaries..
marine annonce que les Japonais ont coulé à
Port-Arthur les torpilleurs russes Gaidavnalc
et Vsàdnik et les trais contre-torpilleurs ze-
liany, Sesy et Boiroy.
Le croiseur Bayan, 'sérieusement endom-
magé, se trouve sur la côte sud du port orien-
tal.
La canonnière Bobr a été entièrement in-
cendiée par les obus japonais.
DE MIDI A MINUIT
Lea faits d'hier En Franoe et à l'étranger.
A la Bourse de Paris le 3 est faible ainsi
que l'ensemble du marché.
Le froid continue dans le sud-est de la
.France. En Savoie, à Chambéry, il a fait
deux victimes, tombées mortes sur la voie
publique,
Le commissaire central de Saint-Etienne
a exécuté les commissions rogatoires en-
voyées par M. Boucard, et concernant l'af-
faire Syveton. 1
Les ouvriers du port de Mèze ont décidé
de se solidariser avec les bateliers en grève
pour appuyer leurs revendications. Aucun
bateau ne peut sortir du port.
Les ouvriers et ouvrières de l'atelier d'é-
tamerie de .l'usine d'Hennebont se sont mis
en .grave; Ils»- sont calmes.
Le général, Stcessei a eu iun long entrètien
avec le général Nogi, dans le village de
Thuishi le défenseur de Port-Arthur a don-
né sa parole de rentrer cm Russie par Naga-
saki.
En Mandehourie, des rencontres ont lieu
entre patrouilles russes et japonaises on si-
gnale l'arrivée de renforts il l'armée japo-
L'amirauté russe dément catégoriquement
que le Kniaz-Souvarojl, cuirassé de l'esca-
dre Rojdestvensky, ait sombré.
A la fin de son inspection des troupes, le
tsar a adressé aux commandants des dis
tricts-militaires de Varsovie, Odessa, Vilna
et Kieff l'expression de son entière satisfac-
tion.
A Bakou, la grève continue une collision
s'est produite entre grévistes et cosaques il
V a eu plusieurs tués et blessés.
On,annonce de Copenhague que le minis-
tre de la guerre ayant donné sa démission,
les ministres de l'instruction publique, de
l'agriculture, de l'intérieur et de la justice
ont, eux aussi, résigné leurs fonctions.
On signale dans l'état de M. Tittoni, le
ministre des affaires étrangères d'Italie, une
amélioration très sensible.
Pie X a reçu, dans la salle du consistoire,
un pèlerinage français accompagné du car-
dinal Mathieu et des évoques d'Amiens, de
Belley, de Nice, de Monaco et de Clermont.
L'évêque de Belley a lu uno courte adresse
sur le curé d'Ars, qui sera béatifié diman-
che.
Un journal de Florence publie un commu-
niqué de l'ex-princesse de Saxe, déclarant
quelle sera reconnaissante à la presse de
ne plus s'occuper d'elle.
A la suite des observations des représen-
tants des puissances européennes intéres-
sées, le gouvernement. chinois s'est déclaré
prêt examiner la question des mesures à
prendre pour la protection des marques de
fabrique.
M. Cortelvou, secrétaire du commerce et
de l'industrie aux Etats-Unis, a quitté Was
hington à destination de l'Europe.
Une dépêche de New-York annonce que
les astronomes de l'observatoire de Liclc ont
découvert un sixième satellite de Jupiter.
PROPOS D'UN PARISIEN
Port-Arthur pris, que va-t-il se passer ?
Les gens qui aiment se faire des illusions
se sont imaginé que c'était la paix.
Elle est encore loin. Le gouvernement
russe doit considérer que l'armée de Kouro-
patkine est en mesure de sauver la situa-
tion.
Le fait est que cette armée est plus forte
qu'elle n'a jamais été. Depuis onze mois que
la guerre dure, on a eu le temps de lui en-
voyer tous les hommes et tout le matériel qui
manquaient au début. Elle représente une
force au moins égale, sinon supérieure à
celle des Japonais.
Aussi, dès que la température le permet-
tra, il est probable que le général' Kouropat-
kine renouvellera l'effort fait il y a deux
mois. Il attaquera les Japonais, qui l'atten-
dent sur leurs positions.
Les conditions dans lesquelles s'engagera
la lutte étant les mêmes, on peut craindre
que les choses tournent comme elles ont
tourné la première fois, c'est-à-dire que les
Japonais jettent par terre quarante ou cin-
quante mille Russes, en ne subissant eux-
mêmes, protégés comme ils le sont, que des
pertes relativement minimes.
Alors, ils marcheront sur Moukden, ou,
jugeant qu'il est préférable d'user leur en-
nemi, ils attendront de nouvelles attaques.
Tout cela nous mènera vraisemblable-
ment jusqu'à l'automne, et ce n'est guère
qu'à ce moniént qu'on pourra parler de
paix. à moins. à moins que d'ici là, autre
éventualité possible, il se passe en Russie
des -événements qui feront apparaître com-
me absolument sans intérêt là question de
la possession de la Mandchourie. •
̃H. Hàrduin.
iiAMORTDEII.SY¥ËfOH
CONFRONTATION GÉNÉRALE
La journée d'hier au Palais M. Barnay
pose des questions et obtient des ré-
ponses Il déclare n'avoir pas de
faits, mais seulement des im-
pressions Les experts si-
gnent leur rapport.
Dès deux heures, la galerie sur laquelle
s'ouvre le cabinet de M. Boucard présent
une animation absolument extraordinaire.
Jamais, depuis le commencement de l'ins-
truction, on n'avait constaté une pareille af-
fluence. Il y a là. une centaine de personnes
pour le moins': journalistes, avocats il y
a aussi, de simples curieux qui ont réussi
à pénétrer dans le couloir. Nous remar-
quons, notamment, un jeune ménage provin-
cial, venu tout exprès à Paris pour voir Mine
Syveton. Mais cet espoir sera déçu. A qua-
tre heures, en effet, M. Boucard a fait pré-
venir la veuve du député que son audition
était remise à- aujourd'hui.
Alarmé, le commandant du Palais a ren-
forcé le service d'ordre. Il circula parmi, les
groupes, où l'on discute avec animation
dans une atmosphère do fuméo dc tabac
qui vous prend â la gorge.
Pourquoi n'empêchez-vous pas de fu-
mer, comme c'est votre consigne ? demande
l'officier à l'un des gardes de service.
Le soldat lève les bras au ciel
Tls sont trop, mon commandant
Venu dès une heure à son cabinet, M. Bou-
card descend un instant chez le procureur
de la République. Pendant ce temps, les té-
moins commencent il arriver. C'est d'abord
un journaliste, M. Méténier le docteur
Luyt, puis M0 Noilhan. Tous trois sont in-
troduits dans l'arrière-cabinet. A deux heu-
res et demie, nous apercevons le dpcteur
Barnay, et bientôt après le docteur Thoî-
mer. Presque au même instant, M. Mériard
pénètre sans bruit dans la galerie des pré-
venus et prend place sur la banquette de-
vant le cabinet n° 11.
C'est à propos de deux interviews, pu-
bliées par lui dans un journal du soir, que
M. Méténier a été entendu par M. Boucard.
Dans ces interviews,le docteur Luyt avait
déclaré que, au moment où il avait été appelé
pour essayer de ranimer M. Syveton, il avait
constaté que le cadavre portait deux ecchy-
moses, l'une en forme de V la naissance
du nez, l'autre au sommet du crâne. La pre-
mière blessure, avait dit le praticien, lui
semblait avoir été produite par une chute
sur l'angle d'un meuble et, par conséquent,
être antérieure à la mort. Il estimait, par
contre, que la seconde provenait d'un choc
après la mort.
.On confronte le journaliste et le docteur.
Ce dernier maintient ses déclarations. ̃̃;̃'
Le docteur Luyt se retire alors, et M"
Noilhan est introduit.
M0 Noilhan, on s'en souvient, a affirmé
que, le 8 décembre, entre dix heures et midi,
il s'était rendu chez M. Svveton. M. Mété-
nier, par contre, a prétendu que l'ex-avocat
de M. Syveton n'avait pu se rendre ù l'heure
qu'il dit 20 bis, avenue de Nouilly. C'est pour
fixer co point que les deux hommes sont
confrontés.
Ils n'ont pu se mettre d'accord.
M. Méténier se retire.
M. Boucard prie Me Noilhan de passer un
instant dans son arrière-cabinet. Le magis-
trat reçoit le commandant Targe, qui vient
protester contre les allégations contenues
dans une lettre anonymo'reçue par le doç-
teur Barnay et communiquée par lui il cer-
tains journaux. Dans cette lettre, il est af-
firmé que le commandant Targe et le capi-
taine de Gail savaient que M. Syveton allait
se suicider.
QUATRE TËMOMS FACE A FACE
Cette audition n'a duré que quelques mai-
nutes. Aussitôt après le juge fait entrer le
docteur Barnny, le docteur Tholmer, Me
Noilhan, et M. Ménard.
Les quatre témoins sont entendus contra-
dictoirement jusqu'à six heures. MM. Mé-
nard, Barnay et Noilhan sortent alors le
docteur Tholmer reste seul chez le juge pen-
dant assez longtemps.
Suivant son habitude, M. Ménard dispa-
rait au plus vite. M0 Noilhan parait très sa-
tisfait. Nous l'abordons.
Vous savez bien, nous dit-il, que je ne
puis rien vous dire. Cependant, allez deman-
der au docteur Barnay s'il est satisfait de sa
journée. Dans l'affirmative, il ne sera vrai-
ment pas difficile
Voici, d'après le docteur Barnay, ce que
fut cette confrontation, au cours de laquelle
il a été donné licence au beau-frère de M.
Syveton de poser aux témoins toutes les
questions qui lui ont plu.
M. Barnay s'adressa tout d'abord à Me
Noilhan, et lui demanda de bien préciser
si oui ou non il s'était rendu chez M. Syve-
ton dans la matinée du 8 décembre.
J'ai été 20 bis, avenue de Neuilly, a
déclaré Me Noilhan, mais je n'ai point vu
Syveton. On m'a dit qu'il était absent.
M. Barnay s'étonne que Me Noilhan se
soit autorisé à emporter de chez le député
les papiers contenus dans la fameuse ser-
viette de cuir noir, saisie par M. Boucard.
Pourquoi, interroge-t-il, avez-vous fait
cela?
Monsieur Barnay, répond très sèche-
ment M" Noilhan, j'ai accompli mon devoir
d'avocat. Je n'ai pas de leçon à recevoir de;
'vous. Cette question, du reste, n'a qu'un
rapport très lointain avec le crime que vous
avez entrepris de démontrer.
M" Noilhan, poursuit le docteur Bar-
nay, n'a-t-il pas dit, le soir de la mort de
Syveton, qu'il savait que mon beau-frère s'é-
tait suicidé ? Ne l'a-t-il pas raconté il plu-
sieurs personnes, en leur conseillant de ne
point faire de bruit autour de ce décès ?
Je n'ai jamais parlé de cela. Des jour-
naux me l'ont fait direi mais la chose est
'inexacte.
M. BARNA INTERROGE
M. Barnay se tourne vers le docteur Thol-
mer et lui demande si le 8 décembre, déjeu-
nant au Grand-Hôtel avec des amis, il n'a-
vait pas manifesté la crainte d'être dérangé
dans le courant de la journée.
N'aver-vous, pas ajouté que vous vous
attendiez à apprendre le suicide de Syveton?
Pas le moins u monde, réplique M.
Tholmer, j'ai dit que j'étais inquiet au sujet
de Syveton, que je savais qu'il avait eu de
violentes scènes avec sa femme. Je n'ai ja-
mais parlé de suicide.
Cependant, insiste le docteur Barnay,,
étant en visite le soir.du drame, vous avez
dit à des amis, politiques qu'il fallait faire le
silence autour de cette mort ?
C'est exact. C'est ce que l'on aurait dû
faire.
Comment expliquez- vous, le- suicide de
Syvetoà?-- ̃-̃' ̃'̃̃̃•̃̃̃̃̃• ̃• .̃ ̃•̃
"–Vôtre beau-frère était un impression-
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