Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1908-11-19
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 novembre 1908 19 novembre 1908
Description : 1908/11/19 (Numéro 11709). 1908/11/19 (Numéro 11709).
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/04/2008
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Nous ne tarderons pu commencer
la publication du nouveau roman de
Charles MÉROUVEL
Tout se paye
Les Cuisiniers
de Napoléon
Il y a toujours une supériorité que les
étrangers ne nous contestent point
c'est celle de notre cuisiné. Evidemment,
il en est d'autres qui sont plus impor-
tantes, mais celle-là, après tout, n'est
point dédaignable. Voici encore, succes-
sivement', que deux souverains ont tenu
a attacher à 'leur personne des « chefs »
français, et les ont disputés aux grands
cercles où ils exerçaient magistralement
leur office. Peut-être, au fond, est-ce un
événement qui n'est pas sans avoir quel-
que rapport avec la politique l'estomac
joue un certain rôle dans les affaires de
ce monde, et un chef d'Etat, satisfait par
un menu délicat, apporte plus de bonne
humeur et, parfois, plus de sagesse,
dans sa façon de traiter les affaires.
L'influence de la cuisine sur le carac-
tère peut être le thème de réflexions qui
ne seraient point si vaines. On a encore
un exemple de cette constatation par les
curieuses notes de M- Frédéric Masson,
l'historien à qui rien de la vie de Napo-
léon n'est étranger, sur les cuisiniers de
l'exile de Sainte-Hélène. La vie, à Long-
wood, ne fut jamais aussi triste, le pri-
sonnier ne fut jamais aussi irritable que
daus les périodes ou les fourneaux fu-
rent confiés à des mains ignorantes ou
insoueieuses. Et Napoléon, cependant,
n'était ni gourmand, ni gourmet, et se
croyait à peu près indifférent aux re-
cherches culinaires.
C'est un chapitre de l'histoire du
grand homme déchu qui ne va pas sans
qu'il s'en dégage quelque philosophie.
L'honneur de ie servir n'était point sol-
licité et, quand il était accepté, il ne ten-
tait pas longtemps. Dans les six années
de captivité, il y eut de nombreux inter-
régnes dans la direction de la cuisine,
et elle fut souvent déplorable. Napoléon,
vaincu, avait voulu faire encore figure
d'empereur, sur son rocher, en face du
geôlier que l'Angleterre lui avait donné,
et c'est pourquoi, si diminuée que fût sa
maison, il avait tenu à garder une éti-
quette de cour mais cette prétention
même, si platonique qu'elle fût, ne lui
fut guère permise par la réalité des cho-
ses. Cette étiquette se trouva peu à peu
singulièrement réduite par les départs
et par des circonstances qu'il n'avait pas
prévues, même en se croyant au bout du
malheur. La table, pour laquelle il avait
fixé des règlements rappelant le cérémo-
nial d'antan vaisselle plate, Sèvres à
vues de villes ou de champs de bataille,
service fait par les officiers de bouche
en habit vert brodé d'argent, gilet blanc,
culottes de soie noire cette table en
vint à être dérisoire. La vaisselle plate
dut être vendue et les assiettes et les
tasses 'de Sèvres furent distribuées, en
souvenirs, aux derniers fidèles.
Dès le début, des difficultés s'étaient
présentées pour le choix du chef de ser-
vice des cuisines. Rousseau, qui avait
été le chef aux Tuileries pendant les
Cent-Jours, ne voulut plus partir, au
dernier moment, se plaignant d'avoir
été insuffisamment rémunéré à l'île d'El-
be. C'était peu de chose, en apparence,
que ce refus, mais combien déjà il fai-
sait mesurer l'abîme de la chute
Ce fut le cuisinier du roi Joseph. Le-
page, qui alla à Sainte-Hélène, où il eut
grand mal à organiser le service, de-
vant s'accommoder d'auxiliaires chinois,
n'ayant à sa disposition qu'une installa-
tion rudimentaire. Il se mit vaillamment
à l'œuvre, cependant, et sur le papier,
tout au moins, présenta d'admirables
menus. Mais ils ne correspondaient guè-
re à la réalité. Tout cela sentait le vieux
(Lepage usait forcément beaucoup de
conserves) et Napoléon s'en plaignait.
Superbement ingrat, il menaçait de
chasser son cuisinier. fI ïnxsgînsït è*r-H
core qu'il était facile de le remplacer. Il
n'allait pas tarder à voir qu'il s'abusait.
L'organisation défectueuse de la cuisi-
ne rendit Lepage malade. Il fut obligé
de renoncer quelque temps à ses diffici-
les occupations, et on s'aperçut alors de
ce qu'il valait. Il y eut des diners lamen-
tables, où la mauvaise qualité des mets
n'était plus ingénieusement dissimu-
lée. Les digestions pénibles aigrissaient
le captif et son entourage. Les soirées
étaient terribles dans le morne isole-
ment de Longwood. Que faire ? L'intran-
sigeance des principes capitula devant
la nécessité, et on accepta une cuisinière
belge, Catherine Sablon, venant de la
maison d'Hudson Lowe, de qui, pour-
tant, on ne voulait rien recevoir. Cathe-
rine Sablon, ce cordon bleu, fut accueil-
lie avec enthousiasme, et les visages de-
vinrent moins sombres au premier re-
pas confectionné par elle. On en était là,
que l'humeur dépendit d'un rôti cuit à
point, dans l'immense ennui qui pesait
Le désir d'une généreuse émulation gué-
rit Lepage, et les talents de la cuisinière
lui inspirèrent une telle admiration qu'il
épousa sa rivale. Ce furent des jours
heureux, au point de vue de la table.
Mais la santé de ces artistes culinaires,
suppléant, par leur génie, aux ressources
qui manquaient, s'était délabrée sous un
pénible, climat ils'avaient été soupçon-
nés aussi de n'être pas suffisamment dis-
crets. Ils quittèrent l'ile, et les difficul-
tés recommencèrent.
On en fut réduit quelque temps aux
Chinois et Napoléon avait même voulu
qu'ils cuisinassent à la chinoise. Mais
les hôtes de Longwood eurent le coeur
soulevé de dégoût. Les colères de l'em-
pereur redoublèrent et on le voyait pour-
suivre, une queue de billard à la main,
les gens de sa maison.
Un ancien aide de cuisine, Pterron,
s'employa autant qu'il put à remplacer
les Chinois. Puis il y eut un certain La-
roche, Français d'origine, cédé par un
Anglais à l'ancien maître du monde. C'é-
tait un habile homme on était plein
d'espoir en lui. Napoléon, déjà malade,
reprenait un semblant d'appétit, mais
Laroche, lui non plus, ne put supporter
le climat, sa vue s'abima, et, après un
court service, il regagna l'Europe.
De nouveau, ce furent des privations,
qui amenaient une aigreur croissante
dans les rapports des exilés. Puis, à la
fin de i8i9, arriva un cuisinier envoyé
par Pauline, la .sœur préférée de Napo-
léon. Il s'appelait Jacques Chandelier
et il avait des talents. Il avait d'ailleurs
été prévenu de la médiocrité do l'instal-
lation, à Sainte-Hélène, et il s'était prié-
cautionné d'ustensiles pratiques. Mais
il était des lors bien difficile de plaire à
Napoléon, miné par le mal. Au demeu-
rant, bomme ses prédécesseurs, Chande-
.lier fut cruellement éprouvé par le cli-
mat, et il cessa de se piquer d'amour-
propre, plus occupé à sf; soigner qu'à
composer des menus de haut goût. Il fut
obligé d'abandonner son service. On re-
tombait dans tous les hasards et dans
les impatiences fébriles, dans les accès,
da.ns les plaintes de l'empereur.
Les autorités anglaises mirent tant
d'obstacles à l'arrivée de deux autres
cuisiniers mandés d'Europe, un certain
Peyrusset et un cousin de Chandelier,
que, lorsqu'ils débarquèrent, leurs soins
étaient devenus inutiles la mort avait
fait son œuvre.
Cette histoire des cuisiniers de l'exilé
ne contribue pas peu à peindre les mi-
sères de Sainte-Hélène. Les autres, plus
grandioses et plus tragiques, ont été re-
tenues par la postérité mais peut-être,
parfois n'y a-t-il rien de plus expressif
et de plus significatif que ces particula-
rités qui semblent précisément médio-
cres et terre à terre quand il s'agit des
péripéties d'une existence de héros.
4KAM FROLLO
Les Camps d'instruction
La diminution de la durée du service
^JP militaire fait sentir vivement la grande
utilité, la nécessité même des camps d'ins-
truction qui, seuls, permettent de donner
en peu de temps aux hommes l'enseigne-
ment et l'entrainement désirables.
Là, en effet, les troupes des différentes
armes peuvent exécuter les mouvements,
auxquels les conditions ordinaires des loca-
lités mettent parfois obstacle. Là aussi, on
a à sa disposition les emplacements considé-
rables exigés pour les exercices de tir avec
les longues portées des fusils et des canons
modernes.
Mais, pour tirer de ces camps d'instruc-
tion tout le profit que le pays est en droit
d'en attendre, il est indispensable qu'ils
soient pourvus d'abris permanents, dé ba-
raquements protégeant les hommes contre
les intempéries des saisons.
Sans cela, dans notre climat, surtout dans
le Nord de la France, on ne peut pas y con-
duire les régiments en dehors des mois
d'été. Le campement sous la tente n'est ac-
ceptable, en temps de paix, que si la tem-
pérature est clémente.
En outre, ces camps d'instruction, une
fois bien installés, pourront recevoir les ré-
servistes pendant toute l'année, ce qui per-
mettra, pour les appels, de tenir compte des
professions exercées par chacun d'eux et de
les enlever à leurs occupations au moment
où cette interruption de la vie civile les gê-
nera le moins.
Malheureusement, il faut compter avec
la question d'argent et limiter les crédits.
Mais on ferait de mauvaises économies si
l'on perdait de vue l'intérêt supérieur que
présentent le maintien de notre puissance
militaire et l'accroissement de la force dé-
fensive de notre armée, à laquelle le géné-
ral Picquart, à la. suite des grandes manœu-
vres du Centre, a rendu un légitime hom-
mage.
QRANDIOSE CÉRÉMONIE:
FUNÉRAILLES DU GRAND-DUC ALEXIS
Les dispositions prises par le gouverne-
ment français dans l'organisation des funé-
railles du grand-duc Alexis de Russie, oncle
'du tsar, ont donné à cette cérémonie le ca-
ractère d'une solennité funèbre particuliè-
rement grandiose.
Comme. il avait été décidé, c'est à neuf
heures, à neuf heures précises que le
char funèbre quitta l'hôtel de l'avenue Ga-
briel pour s'acheminer vers l'église russe de
la rue Daru. Cette ponctualité dans le dé-
part du cortège fut cause que nombre de
personnes, et parmi elles M. Loubet, an-
cien président de.la République arrivées
à la maison' mortuaire quelques minutes
après neuf heures, durent se rendre direc-
tement et isolément à l'église.
Les prières des' morts ayant été dites, à
huit heures trois quarts par les archiprôtres
Smirnoft et Rodjestwensky, le cercueil fut
enlevé et transporté jusqu'au corbillard .par
les membres de la famille impériale, assistés
des officiers d'ordonnance du défunt.
Au moment où. la bière parut devant la
porte de l'hôtel, le générai de brigade Du-
boc fit rendre les honneurs par les troupes.
C'est sur un char SDécial affecté aux funé-
railles dés chefs d'Etat que le cercueil fut
placé, reconvert du drapeau de la marine
russe, blanc à la croix bleue de Saint-An-
duré. Six <-hwHrrx,- revêtus dr caparaçons
noirs lamés d'argent formaient l'attelage dn
char funèbre, ils étaient tenus en mains par
des pique urs en grande livrée.
Le Cortège
Le cortège se mit en marche dès qu'il fut
formé.
En tête venaient la compagnie de ré-
serve des gardiens de la paix, commandée
par M. Descaves, officier de paix un esca-
dron de cuirassiers le colonel, le drapeau
et la musique du 24e régiment de ligne le
général Duboc, commandant la 110 brigade
d'infanterie la voiture transportant les ar-
chipretres Smirnoff et Rodjestwensky.
Précédant immédiatement le char funè-
bre, huit officiers de marine, aux uniformes
brodés d'or, portaient, sur des coussins de
velours, les nombreuses décorations du dé-
funt. A leurs côtés marchaient les officiers
porte-étendards, tenant, dépioyés et voilés
de crêpe, les quatre pavillons auxquels avait
droit le grand-duc Alexis, qui était grand
amiral de la marine russe. Ce groupe im-
pression riant, était conduit par le comman-
dant d'Oznobichine, aida de camp du duc
de Leuchtenberg.
Le corbillard apparut alors, entouré de l'a-
miral baron N. de Schilling, grand-maitre de
la cour du défunt, et des capitaines de fré-
gate P. Dournovo, N. Wolkoff et N. Wessol-
kine, aides de camp du grand-duc, qui te-
naient les cordons du poèle.
Faisant la haie, de chaque côté du corbil-
lard, et encadrant les membres de la famille
et les dignitaires qui marchaient entre le
char funèbre et la voiture portant les cou-
ronnes, cheminaient des files de marins rus-
ses appartenant aux équipages des canon-
nières Korriet: et Giliak et de matelots
français du Léon+Gambclta et du Dupetit-
Thouars.
Les membres de la famille impériale con-
duisaient le deuil. Le grand-duc Paul, le
duc Georges de Leuchtenberg, son fils, le
prince Alexandre de Leuchtenberg, tous les
trois en uniforme de général russe por-
taient, en sautoir, le grand cordon de Saint-
André.
Le prince Georges de Grèce, en tenue d'a-
miral, avec le grand cordon de Saint-Sau-
veur le duc d'Oldenbourg, le grand-duc
Cyrille, rentré en grâce auprès du tsar, de-
puis la mort du grand-duc Alexis, étaient
également présents,
Aux côtés de M- de Nélidoff, ambassadeur
de Russie à Paris, se tenaient le lieutenant-
colonel Lasson, représentant le Président
de la République; M. Muller, chef du cabi-
net de M. Clemenceau, représentant le pré-
aident du Conseil le commandant Targe,
représentait le ministre de la Guerre ainsi
que les autres personnages délégués aux
Dans' le cortège, nous avons pu noter
également la présence de la plupart des
membres du corps diplomatique, ainsi que
d'un grand, nombre, de personnalités de la
colonie russe de Paris.
Les Couronnes
Quatre chevaux étaient attelés au char
sur lequel étaient amoncelées les couronnes,
presque toutes en fleurs naturelles et fort
belles. Indépendamment d-j 'celles envoyées
par le tsar, et par le Président de ta Répu-
blique, cette, dernière en orchidées et.ro-
sés de Frauce nouées d'un ruban tricolo-
re on .admirait fort celles offertes par
la gardede Moscou,.par la marine russe, par
le rériimént de la garde de Preobrajûnsky,
par le grand-duc Boris, par' le prince You-
rit'wsky", par l'ambassadeur de Russie à Pa-
ris, par l'administration des Forges et
Chantiers de la Méditerranée, par le prince
et la princesse de Montenegro.
Signalons encore une superbe palme en
argent envoyée par la princesse Youriews-
ky, épouse morganatique d'Alexandre II, sur
taquelle on lisait v De la part d'une sin-
cère amie du grand-duc Alexis ». Une autre
palme en bronze était offerte par les aides
de camp.
A l'église russe
On arriva à l'église de la rue Dard à neuf
heures et demie.
Après que le. cercueil eut été transporté
sur une estrade basse placée -au milieu da
l'église et décorée à profusion de plantes
vertes et de fleurs, l'office commença. Il fut
célébré par l'évêque Wladimir, de Crons-
tadt, résidant à Rorne, et venu spécialement
à Paris pour la cérémonie, accompagné d'un
diacre. Le prélat, revêtu d'ornements blanos
brodés d'or, coiffé d'une tiare blafiche, te-
nant à la main une .crosse en or avec des
rubans en soie blanche frangés d'or, était
assisté des archiprétres, ainsi que du diacre
Sakovitch, de Londres.
Les membres de la famille impériale
avaient pris place à droite du catafalque.
Dans cette partie de l'église s'installèrent
bientôt, la grande-duchesse Serge, la prin-
cesse Youriewsky, l'ambassadeur de Russie,
MM. Pichon, mimstre des Affaires étrangè-
res Picquart. ministre de la Guerre Al-
fred Picwd, ministre de la Marine; Ruuu,
ministre de l'Agriculture M. Ramondou, se-
crétaire générai de l'Elysée le capttaine de
frégate Laugier, de la maison militaire du
président de la République.
Gomme l'office prenait fin, l'évêque s'ap-
prêcha du grand-duc Paul et, s'entretint quel-
ques instants avec lui, puis, tous deux, lon-
guement, se donnèrent* le baiser de paix.
L'évêque dcnna également le haiser de paix
I à tous les membres de la iamille impériale.
A onze heures vingt-cinq, les commande-
ments brefs des officiers annoncent à ta
foule innombrable des curieux, massés en
qua.druple et quintuple rang sur les trot-
toirs, que la cérémonie religieuse est termi-
née. Les fantassins, qui avaient formé les
faisceaux, reprennent leurs fusils, recti-
fient la position les cavaliers sautent en
selle.
Au cliquetis des sabres tirés des four-
reaùx se élent les protestations des spec-
tateurs que repoussent les agems.
Da.ns le même ordre qu'au départ de l'ave-
nue Gabriel, le cortège se reforme. Le char
funèbre, sur lequel on a replacé la dépouille
du défunt, s'ébranle lentement, pendant que
la musique du 24' régiment d'infanterie joue.
Devant le n° 75 du boulevard de Courcelles,
entre les petites rues Pierre-le-Grand et de
la Néva, il' s'arrête. Sur le méine côté du
boulevard, à dix mètres plus loin, les
grands-ducs Paul, d'Oldenbourg et de
Leuchtenberg, la comtesse Hohenfelsen, l'am-
bassadeur et les membres de l'ambassade
de Russie, les ministres, les ambassadeurs
des autres puissances, les chargés d'affaires
et les ministres plénipotentiaires se rangent
pour assister au défilé des troupes, qui vont
rendre les honneurs militaires aux restes
du grand-duc Alexis. Aux accents d'un pas
redoublé s avancent tout d'abord les mate-
lots du Dupeht-Thouars et du Léon-Gam-
betta puis ce sont deux bataillons des 28*
et 5° régiments d'infanterie une batterie
montée du 13° d'artillerie un escadron du
2e cuirassiers clôt le défilé. Le général Goi-
rand, qui commande les troupes, se porte
alors devant les grands-ducs, qu'il salue de
l'épée. Le grand-duc Paul s'avance vers lai,
et, en termes affectueux, loi adresse ses
remerciements.
Derrière les troupes, le char funèbre se
remet en marche pour gagner la gare du
Nord, où il arrive à une heure et demie.
A la gare du Nord
Même affluence de curieux que sur le par-
cours. Des gardes municipaux à cheval ont
dégagé la place de Denain. Sur le terre-plein
situé devant la gare, des soldats de toutes
armes viennent prendre position.
Seuls, deux piquets de marins russes et
français pénètrent sur le quai d'embarque-
ment, et, de chaque côté, forment la haie.
Porté par dix hommes que précèdent et sui-
vent deux chambellans de la maison parti-
culière du grand-duc défunt, le cercueil, que
recouvre toujours le pavillon blanc à la croix
bleue de Saint-André, est déposé dans le pre-
mier compartiment d'un fourgon de vingt-
cinq mètres de long, dont les cloisons ont
été tapissées de. draperies noires frangées
d'argent, Pans le second compartiment, "tes
couronnes, ainsi que les caisses renfermant
les palmes d'or et d'argent qui ont figuré aux
1 eniree au iourgon, aans lequel aucun
cie-ge, aucune lumière ne brille, l'archi-
prêtre Smirnoff en chasuble de drap fili-
grapé d'argent, coiffé du bonnet de velours
violet, avant en main l'ostensoir et la croix
d'or à double branche reçoit le corps, qu'il
doit accompagner jusqa'à Saint-Péters-
bourg. Les grands-ducs, la comtesse Hohen-
felsen, la grande-duchesse Serge dé Russie
M. de Nélidofl, montent à tour de rôle, dans le
fourgon et, une dernière f6is, s'inclinent de-
vant la dépouille du grand-duc Alexis. L'ar-
chiprétre leur donne le « baiser de paix ».
Puis des hommes d'équipe retirent les
marchepieds et ferment les ouvertures du
wagon funèbre..
L'heure du départ est proche. Le grand-
duc Paul donne l'accolade aux grands-ducs
d'Oldenbourg et de Leucblenberg, qm, eux-
mêmes, prennent congé de la comtesse Ho-
henfelsen.
En compagnie de M. de Nélidoff, il se di-
rige vers le sleeping-car qui lui est réservé
dans le train spécial.
Avec le grand-duc Paul, montent dans le
sleeping-car sa femme, la comtesse Hohen-
felsan, lanrande-duchesse Sergé,l'archiprêtre.
Smirnoff." Dans l'autre sleeping, s'installent
le capitaine de corvette Pogoulaelf, les capi-
taines de frégate WessolEine, Wolkoff et
Dourno\vo, ainsi que l'amiral baron de
Schilling.
A une heure cinquante-cinq, le signal du
départ est donné. Toutes les personnes pré-
sentes s'inclinent pour la dernière fois de-
vant le cercueil du grand-duc Alexis, que le
train emporte vers la Russie.
Condoléances de M. Falliéres.
Le Président de la République s'est rendu,
dans l'après-midi, à l'ambassade de Russie
et a prié l'ambassadeur de transmettre ses
condoléances au tsar au sujet de la mort du
grand-duc Alexis.
LA CRISE ÉTRO-SIBE
LES PREPARATIFS CONTINUENT
D'après les dernières informations venues
de Budapest, les Austro-Hongrois conti-
nuaient à compléter leurs effectifs à la fron-
tière. Les Serbes, de leur côté, affirment
qu'ils n'ont aucune velléité agressive. Les
Monténégrins, 'leurs alliés, ont, par contre,
augmenté fortement les contingents sous les
aimes.
Telle est la situations. Elia est sérieuse,
mais ne doit pas être prise au tragique, car,
il y a cinq semaines, s'affirma une tension
au moins égale à celle de l'heure présente.
Armements monténégrins
Vienne, 18 novembre..
La Neue Frete Presse reproduit une nou-
velle envoyée de Cattaro (Dalmatie) au jour-
nal tchèque Narodni Listy, suivant laquelle
les communications entre la place uutri-
cl·aienne de Cattaro et le Montenegro seraient
interrompues. Les Monténégrins auraient
placé sur le mon Lovce, qui domine Cattaro,
des canons de gros calibre, dirigés contre
Cattaro et les forts environnants. Les famil-
les des officiers et des fonctionnaires austro-
hongrois résidant à Cattaro auraient quitté
cette ville.
En outre. 8,000 Monténégrins auraient pris
position à la frontière de l'Herzégovine.
La Ne/1£ Freie. Pre.sse dit qu'elle a reçu,
de source autorisée, confirma.lion de ces nou-
velles pourlant, on est déjà informé de ces
faits depuis quelque temps, et ces derniers
jours, nen de nouveau n'est survenu.
Un autre journal annonce que M. llilova-
novikb, rnini.st.ro des Affaires étrangères de
Serbie, démissionnera au retour de son
voyage en Europe on parle de la prochaine
formation d'un cabinet Pasitch. 1.
CHAIBBRS DES DÉPOTÉS
M. Jaurès, socialiste
M. Lemire, chrétien
contre l'échafaud
La Chambre. néanmoins, reste. par
307 voix contre d34, favorable au
maintien de la peine de mort.
que, incomparable qu'il sait mettre au ser-
vice de toutes les causes généreuses, a tenté
rroblement, hier, de ralher, d'augmenter et
de mener à la victoire les troupes abolition-
njstes. Mais là où M. Ariatide Ëriand. mal-
gr:é son talent admirable et son ascfinriant
legituTie, avait été vaincu, le leader socialiste
a éprouvé, lui aussi, uu échec.
Son effort est resté inutile. Ses plus
beaux, ses meilleurs arguments sont venus
Se briser, en lames superbes, sur un rot:
a moiuerenee. La majorité n'a point laissé
entamer la, conviction qu'elle s'est faite du
danger qu'il y aurait, présentement, ga.
rantu' aux assassins la conversation de leur
existence.
Devant des tribunes combles, devant une
salle agitée, M. Puech, partisan .résolu du
maintien de la peine de mort, avait, ouv^wt
le débat par une répotese au discours du
garde des Sceaux.
s'aidant des mêmes chiffras que cenx
grâce auxquels M. Briand démontrait tm
diminution de la criminalité, le député du
troisième arrondissement conclut, lui, à une
augmentation de cette même criminalité.
Comme quoi l'on peut .faire des chiffres ce
que l'on veut en matière de statistique M.
Puech le reconnut, d'ailleurs
Ta sfcafisfique est bonne flUe. {Rires.) Elie dit
tout ce. que Ion veut.
Je prie la Chambre de bien voutoir cnmi-
dérer que nous- ne souhaitons chose rester
arroes en face de .l'armée du
M. Briand protesta, M. Puech ne répli-
qua point. N'avait.il pas eu, pour but uni-
que, de mettre par avance la majorité, en
garde contre les séductions de M. Jaurcs''
Le Christ.. dit 1
Pardonne. 1b
Knftévré déjà et tes mains encombrées par
des papiers, des documents sur lesquels il
ne devait pas même jeter un coup d'œil, M.
Jean Jaurès monta à la tribune-
Et tout de suite ce fut une charge fou-
gueuse contre la doctrine « sauvage n des
partisans de la peine de mort.
M. Jaurès. Il m'appadjt qw ?es" partisans de
la pe4naogrn* de fatalité. Il y il, d't-orTdes individus ,v.
Objecte, si irrpmédiablerrieRt. perdus au')! ne res-
banc, et des passions si perveî-sés. insensibles a
toute répessioni .qu'il n'y a plus d'autre rv>ssour-
ce que de créer en permanence l'épouvante de la
mort, et de dresser une guilkitàïv.
Eh bien cette. doctrine est contraire à .ce
revendiqué de plus noble. Elle, est contraire
a j'esprit du christianisme comme à l'esprit
de la Révolution-
Et M. Jean Jaurès, splendidement:
Le christianisme a proclamé. ay* ru-tuvwselte-
chute, i uïMvcrselte possibiMte de relèwaneril H a
dit il tous les hommes qu'au fond des. ccHKrs tes
plus purs il y avait des gra-mes empoisonnés «n»
pouvaient, toujours infceter de leur vanto' 1k
âmes tes plus orgueilleuses.
Fi en-mènve temps il -a. proclamé Tu'il n'y avait
pas iin seuJ être hinnain. si d'Tin ne fût susceptible de repentir <»t de relevé
ment, (Vifs à iVxtrènvs aaoi-:
fihc et sur quelcnws bancs- à 'gauche.) J'ai- don-
le droit de demander aux rhrétjflns, aux hommes
de o<*tt* humant misérable et divine <\Â's
applaudis* mont* sur les méraos bancs 1
M. l'abbé. Lemire. Vous conii«i5&ez nos sen-
tiinîGni^
M. Jaurès -Vous êtes le smi] des cathc-lfque»!
oc.cenV ainsi. Votre
ment souligne la gravite du procès que je fais à
oes cathodiques.
Et M. Jaurès s'attaqw à M. Maurice Bar-
rès, qui ne pense point, que l'obéissance à la
doctrine évangéliçue puisse aller jusqu'ait
pardon perpétuel.
M. Jauirès. -r- Si t'Eglise:- n'admettait jvm pour
|es. pores /-nminels la possibilité du relèvement
jusqu'au pied dp l'échafaud, quelle comédie tu-
frubre joue donc l'aumônier de? dernières prip-
res, nui fait embrasser au condamna lïmase du
supplicié rédempteur? (Vils applaudissements à
axtrème gauche.
M. Maurice Barres. Nous retrouvons en M.
Jaurès les idées de Mgr Myrie!, des Misérables
Mais si on va jusqu'an bruit de. la pensée de M.
Jaurès et de. Myriel. ie prêtre dont on parle
voudrait arracher le coupable même au bagne
Pour la société, à côté du rôle de l'homme d'in-
finie miséricorde, il doit v avoir le rôle plus dur
de celui qui fait fuslioe, le râle du juge dur com-
me la vie. (Applaudissements il droite.)
M. Jaurès. C'est entendu. Si je suis î'evêqne
Mynel. je m aperçois que M. Barrés est le. doc-
teur autorisé de l'Eglise' catholique. Je ne vous
interdis pas de faire justice à votre manière
mais je constate qu'entre votre justjce et le chrit.-
tianisme il y a une contradiction insoluble (Ap-
plaudissements à gauche.)
De l'allusion faite au chef-d'œuvre de Hugo
par M. Barrés, l'orateur socialistes ne veut:
retenir que ceci l'abolitionnisme est dana
la grande tradition républicaine.
Robespierre eût voulu
pardonner.
S'adressant dès lors à la gauche, M. Jau-
rès lui dit qu'une heure est vernie à la fin
du dix-huitième siècle où une explosion d'es-
pérance humaine s'est produite ».
M. Jaurès. Qu'est-ce que la I-iovohition dans
son fond, dans son inspiration première'' Uho
magnifique affirmation de confiance de la. nature
humaine en elle-même.
On a dit au peuple enchaîné qu'il pouvait êti»
libre sans péril et on a décidé l'adoucissement
des peines comme un corollaire de cette concep-
tion.
Quand les grands esprits de la Révolution rê-
valent pour les hommes celte notice adoucie, ils
la ^servaient à une sociê'.é régulière, équilibre,
fonctionnant normalement.
Mais, obligés à une lutte atroce par la révolte
atroce de toutes les forces du passé, les révoJit-
tiono-Riires, même a travers les pires violences,
n'ont jamais perdu la foi en un avenir de justice-
organisée Exclamations à droite. Applaudis-
sements à l'extrême gauche), ils Dont. jamais
perdu la foi en cette révoiuiioai a-u nom de la-
quelle ils avaient tué et étaient tues Condorcet
proscrit songeait au progrès humam. Robes-
pierre blessé se refusait a prononcer une pârolo
de doute ou de découragement.
C'est parce qu'ils n'oct pas perdu leur <>spe-
r&TKse que nos ancêtres -ont eij le drott de nous
la transmeUiT M <}ij.> nous n'avons pas le droit,
nous, de l'abandonner. ;.Vppiaudj'sem>.jï!i a
gauche.)
Cette politique d'espérance et d'humanité,
.les partisane de la peme de mort demandent
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la publication du nouveau roman de
Charles MÉROUVEL
Tout se paye
Les Cuisiniers
de Napoléon
Il y a toujours une supériorité que les
étrangers ne nous contestent point
c'est celle de notre cuisiné. Evidemment,
il en est d'autres qui sont plus impor-
tantes, mais celle-là, après tout, n'est
point dédaignable. Voici encore, succes-
sivement', que deux souverains ont tenu
a attacher à 'leur personne des « chefs »
français, et les ont disputés aux grands
cercles où ils exerçaient magistralement
leur office. Peut-être, au fond, est-ce un
événement qui n'est pas sans avoir quel-
que rapport avec la politique l'estomac
joue un certain rôle dans les affaires de
ce monde, et un chef d'Etat, satisfait par
un menu délicat, apporte plus de bonne
humeur et, parfois, plus de sagesse,
dans sa façon de traiter les affaires.
L'influence de la cuisine sur le carac-
tère peut être le thème de réflexions qui
ne seraient point si vaines. On a encore
un exemple de cette constatation par les
curieuses notes de M- Frédéric Masson,
l'historien à qui rien de la vie de Napo-
léon n'est étranger, sur les cuisiniers de
l'exile de Sainte-Hélène. La vie, à Long-
wood, ne fut jamais aussi triste, le pri-
sonnier ne fut jamais aussi irritable que
daus les périodes ou les fourneaux fu-
rent confiés à des mains ignorantes ou
insoueieuses. Et Napoléon, cependant,
n'était ni gourmand, ni gourmet, et se
croyait à peu près indifférent aux re-
cherches culinaires.
C'est un chapitre de l'histoire du
grand homme déchu qui ne va pas sans
qu'il s'en dégage quelque philosophie.
L'honneur de ie servir n'était point sol-
licité et, quand il était accepté, il ne ten-
tait pas longtemps. Dans les six années
de captivité, il y eut de nombreux inter-
régnes dans la direction de la cuisine,
et elle fut souvent déplorable. Napoléon,
vaincu, avait voulu faire encore figure
d'empereur, sur son rocher, en face du
geôlier que l'Angleterre lui avait donné,
et c'est pourquoi, si diminuée que fût sa
maison, il avait tenu à garder une éti-
quette de cour mais cette prétention
même, si platonique qu'elle fût, ne lui
fut guère permise par la réalité des cho-
ses. Cette étiquette se trouva peu à peu
singulièrement réduite par les départs
et par des circonstances qu'il n'avait pas
prévues, même en se croyant au bout du
malheur. La table, pour laquelle il avait
fixé des règlements rappelant le cérémo-
nial d'antan vaisselle plate, Sèvres à
vues de villes ou de champs de bataille,
service fait par les officiers de bouche
en habit vert brodé d'argent, gilet blanc,
culottes de soie noire cette table en
vint à être dérisoire. La vaisselle plate
dut être vendue et les assiettes et les
tasses 'de Sèvres furent distribuées, en
souvenirs, aux derniers fidèles.
Dès le début, des difficultés s'étaient
présentées pour le choix du chef de ser-
vice des cuisines. Rousseau, qui avait
été le chef aux Tuileries pendant les
Cent-Jours, ne voulut plus partir, au
dernier moment, se plaignant d'avoir
été insuffisamment rémunéré à l'île d'El-
be. C'était peu de chose, en apparence,
que ce refus, mais combien déjà il fai-
sait mesurer l'abîme de la chute
Ce fut le cuisinier du roi Joseph. Le-
page, qui alla à Sainte-Hélène, où il eut
grand mal à organiser le service, de-
vant s'accommoder d'auxiliaires chinois,
n'ayant à sa disposition qu'une installa-
tion rudimentaire. Il se mit vaillamment
à l'œuvre, cependant, et sur le papier,
tout au moins, présenta d'admirables
menus. Mais ils ne correspondaient guè-
re à la réalité. Tout cela sentait le vieux
(Lepage usait forcément beaucoup de
conserves) et Napoléon s'en plaignait.
Superbement ingrat, il menaçait de
chasser son cuisinier. fI ïnxsgînsït è*r-H
core qu'il était facile de le remplacer. Il
n'allait pas tarder à voir qu'il s'abusait.
L'organisation défectueuse de la cuisi-
ne rendit Lepage malade. Il fut obligé
de renoncer quelque temps à ses diffici-
les occupations, et on s'aperçut alors de
ce qu'il valait. Il y eut des diners lamen-
tables, où la mauvaise qualité des mets
n'était plus ingénieusement dissimu-
lée. Les digestions pénibles aigrissaient
le captif et son entourage. Les soirées
étaient terribles dans le morne isole-
ment de Longwood. Que faire ? L'intran-
sigeance des principes capitula devant
la nécessité, et on accepta une cuisinière
belge, Catherine Sablon, venant de la
maison d'Hudson Lowe, de qui, pour-
tant, on ne voulait rien recevoir. Cathe-
rine Sablon, ce cordon bleu, fut accueil-
lie avec enthousiasme, et les visages de-
vinrent moins sombres au premier re-
pas confectionné par elle. On en était là,
que l'humeur dépendit d'un rôti cuit à
point, dans l'immense ennui qui pesait
Le désir d'une généreuse émulation gué-
rit Lepage, et les talents de la cuisinière
lui inspirèrent une telle admiration qu'il
épousa sa rivale. Ce furent des jours
heureux, au point de vue de la table.
Mais la santé de ces artistes culinaires,
suppléant, par leur génie, aux ressources
qui manquaient, s'était délabrée sous un
pénible, climat ils'avaient été soupçon-
nés aussi de n'être pas suffisamment dis-
crets. Ils quittèrent l'ile, et les difficul-
tés recommencèrent.
On en fut réduit quelque temps aux
Chinois et Napoléon avait même voulu
qu'ils cuisinassent à la chinoise. Mais
les hôtes de Longwood eurent le coeur
soulevé de dégoût. Les colères de l'em-
pereur redoublèrent et on le voyait pour-
suivre, une queue de billard à la main,
les gens de sa maison.
Un ancien aide de cuisine, Pterron,
s'employa autant qu'il put à remplacer
les Chinois. Puis il y eut un certain La-
roche, Français d'origine, cédé par un
Anglais à l'ancien maître du monde. C'é-
tait un habile homme on était plein
d'espoir en lui. Napoléon, déjà malade,
reprenait un semblant d'appétit, mais
Laroche, lui non plus, ne put supporter
le climat, sa vue s'abima, et, après un
court service, il regagna l'Europe.
De nouveau, ce furent des privations,
qui amenaient une aigreur croissante
dans les rapports des exilés. Puis, à la
fin de i8i9, arriva un cuisinier envoyé
par Pauline, la .sœur préférée de Napo-
léon. Il s'appelait Jacques Chandelier
et il avait des talents. Il avait d'ailleurs
été prévenu de la médiocrité do l'instal-
lation, à Sainte-Hélène, et il s'était prié-
cautionné d'ustensiles pratiques. Mais
il était des lors bien difficile de plaire à
Napoléon, miné par le mal. Au demeu-
rant, bomme ses prédécesseurs, Chande-
.lier fut cruellement éprouvé par le cli-
mat, et il cessa de se piquer d'amour-
propre, plus occupé à sf; soigner qu'à
composer des menus de haut goût. Il fut
obligé d'abandonner son service. On re-
tombait dans tous les hasards et dans
les impatiences fébriles, dans les accès,
da.ns les plaintes de l'empereur.
Les autorités anglaises mirent tant
d'obstacles à l'arrivée de deux autres
cuisiniers mandés d'Europe, un certain
Peyrusset et un cousin de Chandelier,
que, lorsqu'ils débarquèrent, leurs soins
étaient devenus inutiles la mort avait
fait son œuvre.
Cette histoire des cuisiniers de l'exilé
ne contribue pas peu à peindre les mi-
sères de Sainte-Hélène. Les autres, plus
grandioses et plus tragiques, ont été re-
tenues par la postérité mais peut-être,
parfois n'y a-t-il rien de plus expressif
et de plus significatif que ces particula-
rités qui semblent précisément médio-
cres et terre à terre quand il s'agit des
péripéties d'une existence de héros.
4KAM FROLLO
Les Camps d'instruction
La diminution de la durée du service
^JP militaire fait sentir vivement la grande
utilité, la nécessité même des camps d'ins-
truction qui, seuls, permettent de donner
en peu de temps aux hommes l'enseigne-
ment et l'entrainement désirables.
Là, en effet, les troupes des différentes
armes peuvent exécuter les mouvements,
auxquels les conditions ordinaires des loca-
lités mettent parfois obstacle. Là aussi, on
a à sa disposition les emplacements considé-
rables exigés pour les exercices de tir avec
les longues portées des fusils et des canons
modernes.
Mais, pour tirer de ces camps d'instruc-
tion tout le profit que le pays est en droit
d'en attendre, il est indispensable qu'ils
soient pourvus d'abris permanents, dé ba-
raquements protégeant les hommes contre
les intempéries des saisons.
Sans cela, dans notre climat, surtout dans
le Nord de la France, on ne peut pas y con-
duire les régiments en dehors des mois
d'été. Le campement sous la tente n'est ac-
ceptable, en temps de paix, que si la tem-
pérature est clémente.
En outre, ces camps d'instruction, une
fois bien installés, pourront recevoir les ré-
servistes pendant toute l'année, ce qui per-
mettra, pour les appels, de tenir compte des
professions exercées par chacun d'eux et de
les enlever à leurs occupations au moment
où cette interruption de la vie civile les gê-
nera le moins.
Malheureusement, il faut compter avec
la question d'argent et limiter les crédits.
Mais on ferait de mauvaises économies si
l'on perdait de vue l'intérêt supérieur que
présentent le maintien de notre puissance
militaire et l'accroissement de la force dé-
fensive de notre armée, à laquelle le géné-
ral Picquart, à la. suite des grandes manœu-
vres du Centre, a rendu un légitime hom-
mage.
QRANDIOSE CÉRÉMONIE:
FUNÉRAILLES DU GRAND-DUC ALEXIS
Les dispositions prises par le gouverne-
ment français dans l'organisation des funé-
railles du grand-duc Alexis de Russie, oncle
'du tsar, ont donné à cette cérémonie le ca-
ractère d'une solennité funèbre particuliè-
rement grandiose.
Comme. il avait été décidé, c'est à neuf
heures, à neuf heures précises que le
char funèbre quitta l'hôtel de l'avenue Ga-
briel pour s'acheminer vers l'église russe de
la rue Daru. Cette ponctualité dans le dé-
part du cortège fut cause que nombre de
personnes, et parmi elles M. Loubet, an-
cien président de.la République arrivées
à la maison' mortuaire quelques minutes
après neuf heures, durent se rendre direc-
tement et isolément à l'église.
Les prières des' morts ayant été dites, à
huit heures trois quarts par les archiprôtres
Smirnoft et Rodjestwensky, le cercueil fut
enlevé et transporté jusqu'au corbillard .par
les membres de la famille impériale, assistés
des officiers d'ordonnance du défunt.
Au moment où. la bière parut devant la
porte de l'hôtel, le générai de brigade Du-
boc fit rendre les honneurs par les troupes.
C'est sur un char SDécial affecté aux funé-
railles dés chefs d'Etat que le cercueil fut
placé, reconvert du drapeau de la marine
russe, blanc à la croix bleue de Saint-An-
duré. Six <-hwHrrx,- revêtus dr caparaçons
noirs lamés d'argent formaient l'attelage dn
char funèbre, ils étaient tenus en mains par
des pique urs en grande livrée.
Le Cortège
Le cortège se mit en marche dès qu'il fut
formé.
En tête venaient la compagnie de ré-
serve des gardiens de la paix, commandée
par M. Descaves, officier de paix un esca-
dron de cuirassiers le colonel, le drapeau
et la musique du 24e régiment de ligne le
général Duboc, commandant la 110 brigade
d'infanterie la voiture transportant les ar-
chipretres Smirnoff et Rodjestwensky.
Précédant immédiatement le char funè-
bre, huit officiers de marine, aux uniformes
brodés d'or, portaient, sur des coussins de
velours, les nombreuses décorations du dé-
funt. A leurs côtés marchaient les officiers
porte-étendards, tenant, dépioyés et voilés
de crêpe, les quatre pavillons auxquels avait
droit le grand-duc Alexis, qui était grand
amiral de la marine russe. Ce groupe im-
pression riant, était conduit par le comman-
dant d'Oznobichine, aida de camp du duc
de Leuchtenberg.
Le corbillard apparut alors, entouré de l'a-
miral baron N. de Schilling, grand-maitre de
la cour du défunt, et des capitaines de fré-
gate P. Dournovo, N. Wolkoff et N. Wessol-
kine, aides de camp du grand-duc, qui te-
naient les cordons du poèle.
Faisant la haie, de chaque côté du corbil-
lard, et encadrant les membres de la famille
et les dignitaires qui marchaient entre le
char funèbre et la voiture portant les cou-
ronnes, cheminaient des files de marins rus-
ses appartenant aux équipages des canon-
nières Korriet: et Giliak et de matelots
français du Léon+Gambclta et du Dupetit-
Thouars.
Les membres de la famille impériale con-
duisaient le deuil. Le grand-duc Paul, le
duc Georges de Leuchtenberg, son fils, le
prince Alexandre de Leuchtenberg, tous les
trois en uniforme de général russe por-
taient, en sautoir, le grand cordon de Saint-
André.
Le prince Georges de Grèce, en tenue d'a-
miral, avec le grand cordon de Saint-Sau-
veur le duc d'Oldenbourg, le grand-duc
Cyrille, rentré en grâce auprès du tsar, de-
puis la mort du grand-duc Alexis, étaient
également présents,
Aux côtés de M- de Nélidoff, ambassadeur
de Russie à Paris, se tenaient le lieutenant-
colonel Lasson, représentant le Président
de la République; M. Muller, chef du cabi-
net de M. Clemenceau, représentant le pré-
aident du Conseil le commandant Targe,
représentait le ministre de la Guerre ainsi
que les autres personnages délégués aux
Dans' le cortège, nous avons pu noter
également la présence de la plupart des
membres du corps diplomatique, ainsi que
d'un grand, nombre, de personnalités de la
colonie russe de Paris.
Les Couronnes
Quatre chevaux étaient attelés au char
sur lequel étaient amoncelées les couronnes,
presque toutes en fleurs naturelles et fort
belles. Indépendamment d-j 'celles envoyées
par le tsar, et par le Président de ta Répu-
blique, cette, dernière en orchidées et.ro-
sés de Frauce nouées d'un ruban tricolo-
re on .admirait fort celles offertes par
la gardede Moscou,.par la marine russe, par
le rériimént de la garde de Preobrajûnsky,
par le grand-duc Boris, par' le prince You-
rit'wsky", par l'ambassadeur de Russie à Pa-
ris, par l'administration des Forges et
Chantiers de la Méditerranée, par le prince
et la princesse de Montenegro.
Signalons encore une superbe palme en
argent envoyée par la princesse Youriews-
ky, épouse morganatique d'Alexandre II, sur
taquelle on lisait v De la part d'une sin-
cère amie du grand-duc Alexis ». Une autre
palme en bronze était offerte par les aides
de camp.
A l'église russe
On arriva à l'église de la rue Dard à neuf
heures et demie.
Après que le. cercueil eut été transporté
sur une estrade basse placée -au milieu da
l'église et décorée à profusion de plantes
vertes et de fleurs, l'office commença. Il fut
célébré par l'évêque Wladimir, de Crons-
tadt, résidant à Rorne, et venu spécialement
à Paris pour la cérémonie, accompagné d'un
diacre. Le prélat, revêtu d'ornements blanos
brodés d'or, coiffé d'une tiare blafiche, te-
nant à la main une .crosse en or avec des
rubans en soie blanche frangés d'or, était
assisté des archiprétres, ainsi que du diacre
Sakovitch, de Londres.
Les membres de la famille impériale
avaient pris place à droite du catafalque.
Dans cette partie de l'église s'installèrent
bientôt, la grande-duchesse Serge, la prin-
cesse Youriewsky, l'ambassadeur de Russie,
MM. Pichon, mimstre des Affaires étrangè-
res Picquart. ministre de la Guerre Al-
fred Picwd, ministre de la Marine; Ruuu,
ministre de l'Agriculture M. Ramondou, se-
crétaire générai de l'Elysée le capttaine de
frégate Laugier, de la maison militaire du
président de la République.
Gomme l'office prenait fin, l'évêque s'ap-
prêcha du grand-duc Paul et, s'entretint quel-
ques instants avec lui, puis, tous deux, lon-
guement, se donnèrent* le baiser de paix.
L'évêque dcnna également le haiser de paix
I à tous les membres de la iamille impériale.
A onze heures vingt-cinq, les commande-
ments brefs des officiers annoncent à ta
foule innombrable des curieux, massés en
qua.druple et quintuple rang sur les trot-
toirs, que la cérémonie religieuse est termi-
née. Les fantassins, qui avaient formé les
faisceaux, reprennent leurs fusils, recti-
fient la position les cavaliers sautent en
selle.
Au cliquetis des sabres tirés des four-
reaùx se élent les protestations des spec-
tateurs que repoussent les agems.
Da.ns le même ordre qu'au départ de l'ave-
nue Gabriel, le cortège se reforme. Le char
funèbre, sur lequel on a replacé la dépouille
du défunt, s'ébranle lentement, pendant que
la musique du 24' régiment d'infanterie joue.
Devant le n° 75 du boulevard de Courcelles,
entre les petites rues Pierre-le-Grand et de
la Néva, il' s'arrête. Sur le méine côté du
boulevard, à dix mètres plus loin, les
grands-ducs Paul, d'Oldenbourg et de
Leuchtenberg, la comtesse Hohenfelsen, l'am-
bassadeur et les membres de l'ambassade
de Russie, les ministres, les ambassadeurs
des autres puissances, les chargés d'affaires
et les ministres plénipotentiaires se rangent
pour assister au défilé des troupes, qui vont
rendre les honneurs militaires aux restes
du grand-duc Alexis. Aux accents d'un pas
redoublé s avancent tout d'abord les mate-
lots du Dupeht-Thouars et du Léon-Gam-
betta puis ce sont deux bataillons des 28*
et 5° régiments d'infanterie une batterie
montée du 13° d'artillerie un escadron du
2e cuirassiers clôt le défilé. Le général Goi-
rand, qui commande les troupes, se porte
alors devant les grands-ducs, qu'il salue de
l'épée. Le grand-duc Paul s'avance vers lai,
et, en termes affectueux, loi adresse ses
remerciements.
Derrière les troupes, le char funèbre se
remet en marche pour gagner la gare du
Nord, où il arrive à une heure et demie.
A la gare du Nord
Même affluence de curieux que sur le par-
cours. Des gardes municipaux à cheval ont
dégagé la place de Denain. Sur le terre-plein
situé devant la gare, des soldats de toutes
armes viennent prendre position.
Seuls, deux piquets de marins russes et
français pénètrent sur le quai d'embarque-
ment, et, de chaque côté, forment la haie.
Porté par dix hommes que précèdent et sui-
vent deux chambellans de la maison parti-
culière du grand-duc défunt, le cercueil, que
recouvre toujours le pavillon blanc à la croix
bleue de Saint-André, est déposé dans le pre-
mier compartiment d'un fourgon de vingt-
cinq mètres de long, dont les cloisons ont
été tapissées de. draperies noires frangées
d'argent, Pans le second compartiment, "tes
couronnes, ainsi que les caisses renfermant
les palmes d'or et d'argent qui ont figuré aux
1 eniree au iourgon, aans lequel aucun
cie-ge, aucune lumière ne brille, l'archi-
prêtre Smirnoff en chasuble de drap fili-
grapé d'argent, coiffé du bonnet de velours
violet, avant en main l'ostensoir et la croix
d'or à double branche reçoit le corps, qu'il
doit accompagner jusqa'à Saint-Péters-
bourg. Les grands-ducs, la comtesse Hohen-
felsen, la grande-duchesse Serge dé Russie
M. de Nélidofl, montent à tour de rôle, dans le
fourgon et, une dernière f6is, s'inclinent de-
vant la dépouille du grand-duc Alexis. L'ar-
chiprétre leur donne le « baiser de paix ».
Puis des hommes d'équipe retirent les
marchepieds et ferment les ouvertures du
wagon funèbre..
L'heure du départ est proche. Le grand-
duc Paul donne l'accolade aux grands-ducs
d'Oldenbourg et de Leucblenberg, qm, eux-
mêmes, prennent congé de la comtesse Ho-
henfelsen.
En compagnie de M. de Nélidoff, il se di-
rige vers le sleeping-car qui lui est réservé
dans le train spécial.
Avec le grand-duc Paul, montent dans le
sleeping-car sa femme, la comtesse Hohen-
felsan, lanrande-duchesse Sergé,l'archiprêtre.
Smirnoff." Dans l'autre sleeping, s'installent
le capitaine de corvette Pogoulaelf, les capi-
taines de frégate WessolEine, Wolkoff et
Dourno\vo, ainsi que l'amiral baron de
Schilling.
A une heure cinquante-cinq, le signal du
départ est donné. Toutes les personnes pré-
sentes s'inclinent pour la dernière fois de-
vant le cercueil du grand-duc Alexis, que le
train emporte vers la Russie.
Condoléances de M. Falliéres.
Le Président de la République s'est rendu,
dans l'après-midi, à l'ambassade de Russie
et a prié l'ambassadeur de transmettre ses
condoléances au tsar au sujet de la mort du
grand-duc Alexis.
LA CRISE ÉTRO-SIBE
LES PREPARATIFS CONTINUENT
D'après les dernières informations venues
de Budapest, les Austro-Hongrois conti-
nuaient à compléter leurs effectifs à la fron-
tière. Les Serbes, de leur côté, affirment
qu'ils n'ont aucune velléité agressive. Les
Monténégrins, 'leurs alliés, ont, par contre,
augmenté fortement les contingents sous les
aimes.
Telle est la situations. Elia est sérieuse,
mais ne doit pas être prise au tragique, car,
il y a cinq semaines, s'affirma une tension
au moins égale à celle de l'heure présente.
Armements monténégrins
Vienne, 18 novembre..
La Neue Frete Presse reproduit une nou-
velle envoyée de Cattaro (Dalmatie) au jour-
nal tchèque Narodni Listy, suivant laquelle
les communications entre la place uutri-
cl·aienne de Cattaro et le Montenegro seraient
interrompues. Les Monténégrins auraient
placé sur le mon Lovce, qui domine Cattaro,
des canons de gros calibre, dirigés contre
Cattaro et les forts environnants. Les famil-
les des officiers et des fonctionnaires austro-
hongrois résidant à Cattaro auraient quitté
cette ville.
En outre. 8,000 Monténégrins auraient pris
position à la frontière de l'Herzégovine.
La Ne/1£ Freie. Pre.sse dit qu'elle a reçu,
de source autorisée, confirma.lion de ces nou-
velles pourlant, on est déjà informé de ces
faits depuis quelque temps, et ces derniers
jours, nen de nouveau n'est survenu.
Un autre journal annonce que M. llilova-
novikb, rnini.st.ro des Affaires étrangères de
Serbie, démissionnera au retour de son
voyage en Europe on parle de la prochaine
formation d'un cabinet Pasitch. 1.
CHAIBBRS DES DÉPOTÉS
M. Jaurès, socialiste
M. Lemire, chrétien
contre l'échafaud
La Chambre. néanmoins, reste. par
307 voix contre d34, favorable au
maintien de la peine de mort.
que, incomparable qu'il sait mettre au ser-
vice de toutes les causes généreuses, a tenté
rroblement, hier, de ralher, d'augmenter et
de mener à la victoire les troupes abolition-
njstes. Mais là où M. Ariatide Ëriand. mal-
gr:é son talent admirable et son ascfinriant
legituTie, avait été vaincu, le leader socialiste
a éprouvé, lui aussi, uu échec.
Son effort est resté inutile. Ses plus
beaux, ses meilleurs arguments sont venus
Se briser, en lames superbes, sur un rot:
a moiuerenee. La majorité n'a point laissé
entamer la, conviction qu'elle s'est faite du
danger qu'il y aurait, présentement, ga.
rantu' aux assassins la conversation de leur
existence.
Devant des tribunes combles, devant une
salle agitée, M. Puech, partisan .résolu du
maintien de la peine de mort, avait, ouv^wt
le débat par une répotese au discours du
garde des Sceaux.
s'aidant des mêmes chiffras que cenx
grâce auxquels M. Briand démontrait tm
diminution de la criminalité, le député du
troisième arrondissement conclut, lui, à une
augmentation de cette même criminalité.
Comme quoi l'on peut .faire des chiffres ce
que l'on veut en matière de statistique M.
Puech le reconnut, d'ailleurs
Ta sfcafisfique est bonne flUe. {Rires.) Elie dit
tout ce. que Ion veut.
Je prie la Chambre de bien voutoir cnmi-
dérer que nous- ne souhaitons chose rester
arroes en face de .l'armée du
M. Briand protesta, M. Puech ne répli-
qua point. N'avait.il pas eu, pour but uni-
que, de mettre par avance la majorité, en
garde contre les séductions de M. Jaurcs''
Le Christ.. dit 1
Pardonne. 1b
Knftévré déjà et tes mains encombrées par
des papiers, des documents sur lesquels il
ne devait pas même jeter un coup d'œil, M.
Jean Jaurès monta à la tribune-
Et tout de suite ce fut une charge fou-
gueuse contre la doctrine « sauvage n des
partisans de la peine de mort.
M. Jaurès. Il m'appadjt qw ?es" partisans de
la pe4naogrn* de fatalité. Il y il, d't-orTdes individus ,v.
Objecte, si irrpmédiablerrieRt. perdus au')! ne res-
banc, et des passions si perveî-sés. insensibles a
toute répessioni .qu'il n'y a plus d'autre rv>ssour-
ce que de créer en permanence l'épouvante de la
mort, et de dresser une guilkitàïv.
Eh bien cette. doctrine est contraire à .ce
a j'esprit du christianisme comme à l'esprit
de la Révolution-
Et M. Jean Jaurès, splendidement:
Le christianisme a proclamé. ay* ru-tuvwselte-
chute, i uïMvcrselte possibiMte de relèwaneril H a
dit il tous les hommes qu'au fond des. ccHKrs tes
plus purs il y avait des gra-mes empoisonnés «n»
pouvaient, toujours infceter de leur vanto' 1k
âmes tes plus orgueilleuses.
Fi en-mènve temps il -a. proclamé Tu'il n'y avait
pas iin seuJ être hinnain. si d
ment, (Vifs à iVxtrènvs aaoi-:
fihc et sur quelcnws bancs- à 'gauche.) J'ai- don-
le droit de demander aux rhrétjflns, aux hommes
de o<*tt* humant misérable et divine <\Â's
applaudis* mont* sur les méraos bancs 1
M. l'abbé. Lemire. Vous conii«i5&ez nos sen-
tiinîGni^
M. Jaurès -Vous êtes le smi] des cathc-lfque»!
oc.cenV ainsi. Votre
ment souligne la gravite du procès que je fais à
oes cathodiques.
Et M. Jaurès s'attaqw à M. Maurice Bar-
rès, qui ne pense point, que l'obéissance à la
doctrine évangéliçue puisse aller jusqu'ait
pardon perpétuel.
M. Jauirès. -r- Si t'Eglise:- n'admettait jvm pour
|es. pores /-nminels la possibilité du relèvement
jusqu'au pied dp l'échafaud, quelle comédie tu-
frubre joue donc l'aumônier de? dernières prip-
res, nui fait embrasser au condamna lïmase du
supplicié rédempteur? (Vils applaudissements à
axtrème gauche.
M. Maurice Barres. Nous retrouvons en M.
Jaurès les idées de Mgr Myrie!, des Misérables
Mais si on va jusqu'an bruit de. la pensée de M.
Jaurès et de. Myriel. ie prêtre dont on parle
voudrait arracher le coupable même au bagne
Pour la société, à côté du rôle de l'homme d'in-
finie miséricorde, il doit v avoir le rôle plus dur
de celui qui fait fuslioe, le râle du juge dur com-
me la vie. (Applaudissements il droite.)
M. Jaurès. C'est entendu. Si je suis î'evêqne
Mynel. je m aperçois que M. Barrés est le. doc-
teur autorisé de l'Eglise' catholique. Je ne vous
interdis pas de faire justice à votre manière
mais je constate qu'entre votre justjce et le chrit.-
tianisme il y a une contradiction insoluble (Ap-
plaudissements à gauche.)
De l'allusion faite au chef-d'œuvre de Hugo
par M. Barrés, l'orateur socialistes ne veut:
retenir que ceci l'abolitionnisme est dana
la grande tradition républicaine.
Robespierre eût voulu
pardonner.
S'adressant dès lors à la gauche, M. Jau-
rès lui dit qu'une heure est vernie à la fin
du dix-huitième siècle où une explosion d'es-
pérance humaine s'est produite ».
M. Jaurès. Qu'est-ce que la I-iovohition dans
son fond, dans son inspiration première'' Uho
magnifique affirmation de confiance de la. nature
humaine en elle-même.
On a dit au peuple enchaîné qu'il pouvait êti»
libre sans péril et on a décidé l'adoucissement
des peines comme un corollaire de cette concep-
tion.
Quand les grands esprits de la Révolution rê-
valent pour les hommes celte notice adoucie, ils
la ^servaient à une sociê'.é régulière, équilibre,
fonctionnant normalement.
Mais, obligés à une lutte atroce par la révolte
atroce de toutes les forces du passé, les révoJit-
tiono-Riires, même a travers les pires violences,
n'ont jamais perdu la foi en un avenir de justice-
organisée Exclamations à droite. Applaudis-
sements à l'extrême gauche), ils Dont. jamais
perdu la foi en cette révoiuiioai a-u nom de la-
quelle ils avaient tué et étaient tues Condorcet
proscrit songeait au progrès humam. Robes-
pierre blessé se refusait a prononcer une pârolo
de doute ou de découragement.
C'est parce qu'ils n'oct pas perdu leur <>spe-
r&TKse que nos ancêtres -ont eij le drott de nous
la transmeUiT M <}ij.> nous n'avons pas le droit,
nous, de l'abandonner. ;.Vppiaudj'sem>.jï!i a
gauche.)
Cette politique d'espérance et d'humanité,
.les partisane de la peme de mort demandent
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