Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1905-12-27
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 décembre 1905 27 décembre 1905
Description : 1905/12/27 (Numéro 10652). 1905/12/27 (Numéro 10652).
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/04/2008
TRENTIEME Année. N» 10.652. Le plus fort Tirage des Journaux du Monde entier Mercredi 27 Décembre 1905.
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Uortuôro Editaon
UN FANION
Le Musée de l'armée vient de recevoir
un don en apparence modeste un sim-
ple fanion de laine. Mais il fut promené
laborieusement dans des pays alors pres-
que inconnus et guida une campagne
expéditionnaire qui fut soumise à de
bien rudes épreuves, celle qui fut diri-
gée, en 1894 et en vers le pays de
Kong, en Afrique, alors que se poursui-
vaient les longues opérations à la pour-
suite de Samory, notre vieil ennemi sou-
danais. Ces opérations, depuis les pre-
miers combats jusqu'à sa capture, en
1898, durèrent seize ans. Ce sont des évé-
nements récents, qui furent féconds en
actes d'héroïsme. Pourtant, on ne les
connais guère, communément. Tout cela
s'est passé trop loin, dans des régions
dont les noms sont difficiles à retenir, et
ces luttes, qui furent souvent épiques,
n'étaient soutenues que par quelques poi-
gnées d'hommes.
Cela devrait être une raison pour
qu'elles s'imposassent à notre recon-
naissante admiration. Mais qui songe,
aujourd'hui, en dehors des survivants et
dg quelques spécialistes des choses afri-
caines, à ces pages d'histoire contempo-
raine? Et, cependant, il s'accomplit là
des miracles d'énergie et de vaillance, et
cet humble fanion, auquel ne prêtent
peut-être pas grande attention les visi-
teurs du musée, fut le témoin de beaux
exploits et de généreux sacrifices. On
peut, bien qu'il n'attire pas beaucoup
les yeux, le contempler avec quelque
émotion.
En 1894, Samory en était arrivé à
menacer l'arrière-pays de notre colonie
de la Côte-d'Ivoire. Prophète et guerrier,
le héros musulman, qui, après tout, ne
laisse p?.s d'avoir été une assez grande
figure, portait partout la dévastation
devant lui.
Il avait pris Kong comme centre de ses
opérations, Kong, la « ville sainte », long-
temps mystérieuse, où, en 1888, avait, le
premier, presque sans escorte, pénétré le
capitaine Binger, en avouant sa qualité
et en répudiant tout travestissement.
Jusqu'à lui, jusqu'à son séjour dans
cette cité singulière, elle apparaissait
ainsi qu'une ville légendaire, comme
l'avait été Tombouctou. Aucun Euro-
péen n'avait franchi ses portes. C'était
une des énigmes de l'Afrique une de
ces longues énigmes qui, depuis une
trentaine d'années, ont toutes reçu leur
solution.
A force de franchise et de droiture, le
capitaine Binger s'était imposé aux indi-
gènes, qui avaient fini par l'accueillir
avec enthousiasme. Une opportune dis-
tribution de vieux boutons de livrée, arti-
cle qui se trouva être extraordinairement
prisé là-bas, n'avait pas été étrangère à
sa popularité. Il avait même été sollicité
de faire quelques prodiges. Il en avait
réalisé un véritable, en tout cas, en
venant, seul Français, jusque-là. Il avait
pu établir, géographiquement et politi-
quement, l'importance de la région et
jeter les bases de traités avec la France.
Son voyage avait eu des résultats impor-
tants.
Six ans plus tard, Kong n'était plus
qu'un amas de ruines. Samory avait rasé
la ville, coupable d'avoir entretenu des
intelligences avec nous, et massacré
nombre de ses habitants. Il avait fait
périr jusqu'aux chefs de sectes religieu-
ses, attentat qui avait jeté l'épouvante
dans la population. On disait, dans la'
ville en deuil, que les marabouts assas-
sinés revenaient, fantômes tragiques, à
l'heure du salam et qu'on entendait leur
voix menaçantes.
L'influence française était en jeu deux
colonnes, partant l'une du Soudan, l'au-
tre de la Côte-d'Ivoire, furent dirigées
vers Kong. On n'avait pu disposer que
de quelques compagnies de tirailleurs
sénégalais et d'un peloton de spahis,
troupes trop peu nombreuses, mais corn-
mandées par de vieux « africains ». Il
N* I8. Feuilleton du Petit Parisien.
SANG ROUGE
ET
SANG BLEU!
GRAND ROMAN INEDIT
PREMIÈRE PAR=
LE POIDS D'UNE FAUTE
XIV (suite)
Le père et la fille
Pms, soulagée comme l'homme désespéré
qui a enfin prie une résolution et se décide
an suicide, la tête vide comme le coeur, elle
quitta sa chambre, descendit et sans prendre
aucune des précautions d'autretois, elle tra-
versa la route et alla jeter sa lettre à la
poste.
Les habitants du bourg, toujours si pleins
d'attentions pour elle. semblaient ne pas la
voir et elle ne paraissait pas les regarder.
Elle marchait comme dans un rêve.
En quittant la poste. Wle prit un sentier
à travers champs et se dirigea vers le parc
d'Arville, doni les futaies magnifiques sem-
blaient l'attirer.
Le château était vide, mais il n'allait pas
fardier à se remplir.
Le mariage de mademoiselle d'Arville de-
rait avoir lieu le samedi de la semaine sui-
vante et on était au mercredi.
Déjà, à la forge de Lignères on faisait de
grands préparatifs pour la réception de la
mariée.
C'était dans le job manoir amoureusement
fallait s'avancer à travers d'épaisses
forêts, au milieu d'une nature pleine de
pièges. Jamais difficultés semblables ne
s'étaient présentées. Imaginez quelque
quatre cents hommes se trouvant bientôt
en pays soulevé par Samory, ayant à
faire face à tous les dangers, forcés de
se battre sans cesse, ne pouvant. plus être
ravitaillés, minés par des fièvres terri-
j blas, épuisés par leurs marches sans
i répit, sous un soleil de feu. L'armée
) de Samory grossissait constamment. Ce
furent des mois de luttes, dans des con-
ditions extraordinairement dispropor-
tionnées. Et c'étaient, cependant, des
assauts donnés, des villages pris, des vic-
j toires, mais qui ne parvenaient pas à
être décisives, devant la perpétuelle aug-
mentation des bandes ennemies. Samory,
à Dabakala, faillit être fait prisonnier.
On devrait mieux connaître, chez nous,
ces héroïques expéditions, où, vraiment,
on demandait à nos soldats l'impossible,
et qui sont d'admirables exemples de
patient courage et de dévouement. A
peine sait-on, d'une façon sommaire, que
ces choses se sont passées. La colonne de
Kong, à qui il n'avait pas été permis
d'accomplir complètement son but, con-
nut les pires souffrances et montra une
intrépidité que rien ne rebuta. Ceux qui
I en revinrent avaient vu toutes les extré-
mités humaines.
C'est cette rude campagne, c'est cet
héroïsme permanent, c'est cette opiniâ-
tre résistance dans un pays où l'on avait
Cennemi devant soi et la révolte derrière
soi, c'est le sentiment du devoir poussé
aux dernières limites qu'évoque cet hum-
ble fanion.
Ce ne fut que trois ans plus tard, que
Kong fut reprise à Samory. Quelques
semaines après, les lieutenants Demars
et Méchet devaient y soutenir un siège
fameux dans les fastes soudanais par ses
épisodes tragiques et glorieux. C'est
peut-être parce que cette histoire est
d'hier, qu'elle n'a pas tout le prestige
qu'elle devrait avoir.
JEAN
Heureuse Innovation
On vient, pour la première fois, d'exécu-
ter des grandes manœuvres militaires au
Tonkin. C'est le général Voyron qui en a eu
la direction et peut-être l'initiative. D'après
les nouvelles reçues, le résultat aurait été
satisfaisant. On se serait rendu compte des
facilités de la défense dans le Delta et, ce
qui est plus important encore du bon esprit
des populations à notre égard.
Les cours d'eau du Delta tonkinoi6, de
même que les arroyos de la Cochinchine,
constituent des éléments précieux de résis-
tance à toute tentative d'invasion. A l'aide
de canonnières opérant conjointement avec
l'armée, on peut sans aucun doute faire
beaucoup pour la sécurité de notre empire
de rindo-Chine.
Mais la question capitale est de posséder
le concours des Annamites, le cas échéant.
On n'est vraiment maître d'une colonie qu'à
l'heure où l'on a assimilé les indigènes ou,
tout au moins, conquis leurs sympathies.
A ce travail spécial de colonisation, nous
sommes particulièrement aptes, parce que
les Français déposent volontiers leurs flam-
mes aux pieds des femmes de tnut pays.
Or, c'est par l'enfant que se créent les liens
d'affection durable. Les unions mixtes font
autant que le canon pour établir définitive-
ment la souveraineté d'une nation chez un
peuple exotique.
Les fils de France sont volontiers les des-
cendants de Don Juan. En Asie, où la ques-
tion religieuse ne constitue pas une barrière
comme en Algérie, nous devons réussir à
avoir les femmes pour nous, et comme les
femmes, depuis Eve, sont toutes-puissantes,
elles nous garantissent l'avenir.
Ce qui n'empêche pas, du reste, qu'il soit
fort sage de se fortifier, au point de vue mi-
litaire. On ne sait jamais ce que gardent les
lendemains inconnus, et il est bon de se pré-
parer au pire, en exécutant des répétitions
générales de la guerre.
On est entré, d'ailleurs, dans cette voie,
en faisant du général Voyron un inspecteur
général de l'Indo-Chine, et du général Gal-
liéni le commandant en chef éventuel dc nos
possessions de l'Afrique occidentale. 1
rebâti et restauré par Pierre Barrons qu'elle
devait passer sa nuit de noces.
Colette s'était réjouie de la demande du
jeune ingénieur pour cette sœur alnée qui
restait seule en possession de son cœur
brisé.
A peine songeait-elle maintenant à ce ma-
riage, tant elle était incapable d'assembler
deux idées dans sa tête.
Lorsqu'elle arriva à l'extrémité du sentier
qu'elle suivait, elle se trouva devant la porte
de la maison du régisseur.
Elle poussa le loquet qui lui servait de fer-
meture sommaire et entra.
Elle éprouvait une sensation de fatigue in-
définissable ses jambes étaient molles et la
soutenaient mal.
Cependant elle était douée d'une santé
qui n'avait jamais eu de défaillances.
Mais le coup de massue qu'elle avait reçu
était trop violent pour sa natur? de sensitive.
Elle eut comme un éblouissement et au
lieu de traverser le corridor qui servait de
passage pour arriver au parc, elle ouvrit une
porte afln de trouver un siège et se trouva
dans la chambre où avait eu lieu l'entrevue
de mademoiselle d'Arville et du baron de
Vavran.
D'abord elle ne distingua rien.
Affaissée sur un fauteuil de vieille tapis-
serip. elle avait peine à se reconnaltre dans
la demi-obscurité de cet appartement aux
persienne? closes.
Peu à peu, oependant, elle s'habitua à ce
demi-jour qui contrastait si fort avec l'écla-
tant soleil du dehors.
Alors elle rernnnnt certaines traces de dé-
sordre et se souleva de son siège.
En même temps ses idées se ravivèrent et
reprirent une forme moins imprécise.
Elle se rappela des détails qui lui avaient
échappé dans t'abattement où la jetait la ré-
vélation de sa dévouée Véronique.
De la sorte, ces Franoes loinxines sont
confiées d'avance à des officiers de valeur
qui ont fait leurs preuves et qui peuvènt, à
loisir, étudier des programmes de défense
et des plans de campagne.
Certes, aucune guerre exotique n'est me-
naçante, et on n'aperçoit aucun péril, dans
cet ordre d'idées, à l'horizon, de quelque
côté que l'on jette les yeux.
Notre entente cordiale avec l'Angleterre
nous donne tout repos sur les océans, toute
tranquillité pour la France d'outre-mer;
mais aucune assurance pacifique ne doit em-
pêcher de se garder de son mieux contre les
surprises du hasard.
Un flmi de la france
La Mort de M. Raymond Préfontaine, Minis-
tre de la Marine du Canada. Une noble
Carrière. Les Obsèques.
La mort de NI Raymond Préfontaine, minis-
tre de la Marine et des Pêcheries du Canada,
que nous avons annoncée hier, sert doulou-
reusement ressentie non seulement dans son
pays, mais encore en France dont il était un
ami sincère et où il comptait de vives affec-
tions.
M. Raymond Préfontaine
Né à Longueil, près Montréal, le 16 sep-
tembre 1850, NI. Préfontaine était issu d'une
famille d'origine française dont on retrouve
les traces en 1664, à Beauvais.
D'abord président de la ctftrrntisaion des
travaux publics de la ville de Montréal, fonc-
tion qu'il occupa pendant dix ans, il avait
été élu une première fois, en 1875, député au
Parlement fédéral où il siégea sans interrup-
tion de 1879 à 1881. Il avait été réélu à une
majorité considérable, en juillet 1886, et avait
été appelé aux importantes fonctions de mi-
nistre de la Marine et des Pêcheries, en
En Angleterm, oo il était venu pour discu-
ter avec le» autorités compétentes un projet
de création d'une réserve navale au Canada,
il avait reçu partout l'accueil le plus flat-
teur, et ses idées avaient obtenu un succès
complet.
Ses amis de Paris, cù il se trouvait en
compagnie d'un de ses collègues. M. Le-
mieux, solicitor général du Canada, avaient
déjà fêté sa venue en un banquet donné,
jeudi dernier, par l'Union du commerce et
de l'industrie, et une chaleureuse réception
lui avait été faite.
M. Préfontahe s'était rendu, la semaine
dernière, à Dunkerque et à Lille, en compn-
gnie de M Lemieux, pour étudier. la possi-
bilité de la création d'une ligne, maritime
nouvelle franco-canadienne. En outre, les
deux ministres avaient projeté de faire; ces
,ours-ci. un voyage à Lyon et à Marseille
les chambres de commerce de res deux villes
avaient déjû organis^une réception et un
banquet en leur, -htmneur.
En revenant de Lille. M Préfontaine. qu'un
surmenage excessif avait beaucoup fatigué,
ne voulut pas prendre le repos qui lui était
nécessaire, malgré l'avis des médecins
Dimanche encore, il était allé rendre vi-
site à M. Fabre, le distingué représentant du
Canada à Paris, avec lequel il s était longue-
ment entretenu de ses projets d'avenir
Le mal dent il ne voulait pas ressentir les
effets l'a terrassé subitement.
Le corps de M Préfontaine Fera embaumé
ce matin. La mise en bière aura heu aussi-
tôt après. Ur service funèbre serti célébré J
samedi matin la Madeleine puis la dé. J
pouille mortelle du ministre, enfermée dans
De quoi l'accusait-on ?
D'être la maltresse du baron Roger de
Vayran.
A quelques confidences de mademoiselle
d'Arville, n'avait-elle pas deviné depuis
longtemps qu'il existait entre eux une liaison
qu'elle avait dû croire innocente, tant sa
confiance envers sa chère Madeleine était
entière.
Cependant n'avait-elle pas parfois blâmé
l'intimité de leurs rapports, certaines fami-
liarités qu'on pouvait mal interpréter ?
Madeleine ne lui avait-elle pas paru étran-
gement préoccupée le jour où Pierre Barroux
avait fait sa demande si imprévue au mar-
quis d'Arville
N'y avait-il pas eu entre elle et le baron un
échange de signaux et de paroles ambiguës
qui l'étonnaient ?
Et le soir, au moment où elle se disposait
à quitter sa chambre pour aller, en secret,
porter à la poste la lettre qu'elle venait d'é-
crire à son ami Maroel, n'avait-elle pas en-
tendu dans celle de mademoiselle d Arville
un bruit de pas qui l'avait surprise d'abord
et auquel ensuite elle n'avait plus pensé.
Debout maintenant, les yeux fixes, l'esprit
en éveil, elle examinait avec attention l'in-
i térieur de la chambre du régisseur.
Personne, dans le tumulte du départ pour
Paris de la famille qui nllait s'occuper des
formalités et des préparatifs de ce mariage
qui était un coup de fortune pour elle. n'a-
vait songé à cette maison isolée, que les do-
mestiques demeurés au ehftteau oubliaient
eux-mêmes, et qui. depuis la mort du grand-
père de Colette, qui avait été snn dernier
occupant, restait dans un abandon à peu
près complet.
Peu à peu la malheureuse jeune fille com-
prit ce qui s'était passé.
On aurait dit qu'il s'y était livré l'ne ba-
taîlle. sans effusion de sang, mais avec tous
un double cercueil de chêne et de plomb,
sera transportée à Montréal
Sir Wilfria Laurier premier ministre du
Canada, enverra une délégation qui attendra
le cercueil à Halifax.
La Conférence Marocaine
La Réponse du Saltan. On se réunira à
Algésiras. L'Attitude du Maghzen
et les Puissances.
Le sultan, saisi par le cabinet de Madrid,
dès le 15 courant, du projet de déplacement
de la conférence, a répondu dans l'après-
midi de lundi. Sa réponse est, au reste, un
refus formel. Il donne cette raison que pri-
mitivement il avait proposé Tanger et que,
l'Espagne offrant sa capitale, on avait tran-
sigé et adopté Algesiras. La transaction
étant admise par les parties intéressées, il
n'y aurait plus lieu d'y revenir. En somme,
comme le temps manquerait tour négocier
de nouveau, et qu'après tout les aménage-
ments suffisants pourront être pris à Algé-
siras, c'est dans cette ville que la conférence
va se tenir forcément Nous avions déjà
prévu ce résultat il y a huit jours.
D'après des personnes autotisées, le
maghzen, qui avait jadis marqué quelque
déférence aux puissances, aurait repris
toute sa fierté. Ses propos seraient cm-
nçeints d'une autorité renforcés, et il consi-
deierait qu'il est redevenu le maître des
événements.
En somme, les délégués d'Abd el Aziz se
présenteraient à la conférence avec l'inten-
tion de faire le minimum de concessions. Ils
profiteraient des désaccords qu'ils escomp-
tent pour refuser le plus qu'ils pourraient
les réformes et opposer une obstruction per-
sistante.
Il est vrai que l'attitude plus conciliante
que marque la diplomatie allemande pourrait
déterminer chez eux un revirement. Mais il
n'en reste pas moins que les débats seront
longs et laborieux. On craint de n'avoir pas
tout terminé en six semaines.
Quant à la date de l'ouverture de la ronfé-
rence, elle demenre incertaine. L'Espagne
préférerait toujours le 6. A Paris, on repré-
sente qu'il est bien malaisé maintenant de
tenir utilement séance avant les fêtes de ma-
riage. On souhaiterait tout renvoyer, comme
nous l'avons déjà dit, au 17 ou au 1S janvier.
\SfE fÊTE FWCO-HDSSE
Le Cinquantenaire de M. de Nelidofl. M.
Rouvier chez l'Ambassadeur de Russie.
Les Félicitations de M. Loubet.
Le cinquantenaire de l'entrée de M. de Ne-
lidoff dans, la carrière diplomatique a été
oàtéhré hier à Pans. En tout état de cause,
là courtoisie eût enjoint au gouvernement
français de s'associer à cette tête. Il a voulu
y participer de façon plus que courtoise, et
le président du Conseil, M. Rouvier, a tenu
à porter lui-méme à l'ambassadeur de Rus-
sie, avec les félicitations de la France, l'hom»
mage de sa sympathie personnelle. Le Pré-
sident de la République a, de son côté, char-
gé le général Dubois de saluer en son nom
l'éminent diplomate.
IL de NelidoB
M. de Nelidoff est parmi nous depuis deux
ans presque jour pour jour, puisqu'il a pris
rang dans le corps diplomatique à la date
du 29 décembre 1903. Il a su conquérir, avec
l'estime de tous ses collègues, la confiance
du pays auprès duquel il était accrédité. Nul
n'a oublié avec quel tact et quelle vive intel-
ligence il ccntribua à aplanir l'incident de
Hull.
En lui remettant, hier matin, les insignes
les symptômes et les vestiges d'une violence.
Deux chaises avaient été renversées, la
table du milieu se retrouvait dans un angle
,le lit même était bouleversé, la couverture
gisait sur le sol.
Tout à coup les yeux de Colette s'arrêtè-
rent sur un chiffon blanc insignifiant, per-
ceptible à peine, qui tranchait sur la soie I
verte et fanée de cette couverture.
Elle s'en empara et le regarda avec atten-
tion.
C'était un bout de dentelle déchirée, une
parcelle étroite, un lambeau, mais qu'elle
reconnut sans peine.
Cette dentelle provenait do corsage de ma-
demoiselle d'Arville.
Elle ne pouvait pas s'y tromper.
Madeleine murmura-t-elle d'une voix
Alors tout devint lumineux pour elle.
Madeleine était venue au rendez-vous don-
né par elle à son cousin, le baron de Vayran.
Que s'était-il passé entre eux?
Une explication violente, sans doute.
Puis le baron était sorti et on l'avait vue
passer, elle, Colette, à sa suite, lorsqu'elle
avait pris ce chemin au retour de sa course
nocturne.
Qui était là ?
Le pére de Marcel Fabrice, sans doute, et
son propre père à elle!
Ils rayaient surprise pendant une de ces
longues promenades qu'ils faisaient si sou-
vent dans ce parc.
S'ils t'accusaient, comment l'e0t-on sup-
posée innocente?
La réputation du baron était faite.
Personne ne l'aimait, pas plus dans le per-
sonnel du château que dans le bourg.
Sa raideur, ses ironies constantes, ses al-
lures dédaigneuses et les propos des domes-
tiques qui le dépeignaient tel qu'il était
-homme de plaisir sans scrupules, joueur
de la dignité nouvelle que le Président dé la
République venait do lui conférer, celle de
grand-croix de la Légion d'honneur, M. Rou-
vier aura donc répondu à un sentiment una-
nime. On remarquera avec quelle délicatesse
le président du Conseil a affirmé cette fidé-
lité à l'alliance qu'il exprimait encore dans
son discours du 16 décembre dernier.
A l'heure où il recevait les félicitations de
M. Loubet et du gouvernement, M. de Neli-
doff recevait aussi celles de son ministre, le
comte Lamsdorfl, et ce dernier avait eu soin
de les lui faire porter par M. Dimitri de Ne-
lidoff, secrétaire d'ambassade à Constanti-
nople, que son père aura eu une double joie
à revoir.
Enfin, le tsar a adressé un rescrit conçu
en termes flatteurs à l'ambassadeur, et en
même temps il lui offrait les insignes de
Saint-André. Toute l'ambassade était hier
en fête.
UN LOGEUR* POIGNARDÉ
Le Drame de la rue Lebouteux. Entre
Propriétaire et Locataire. Les Excen-
tricités de Louise de Vaucoux. Sa
glant Epilogue.
Un drame dont les causes ne sont encore
qu'imparfaitement définies s'est déroulé
hier après-midi dans un hôtel meublé de mo-
deste apparence, situé 6, rue Lebouteux,
dans le dix-septième arrondissement.
Au cours d'une discussion avec une de ses
locataires, Mlle Louise de Vaucoux, âgé*
de vingt-huit ans, se disant artiste lyrique,
le patron de l'hôtel, M. Urbain Carrière, âgée é
de cinquante-cinq ans, a été frappé par celle-
ci d'un coup de couteau dans la région du
cœur.
Une Locatatre turbulente
Au mois de novembre dernier, les époux
Carrière voyaient arriver dans leur établis-
sement plutôt modeste une jeune femme élé-
gamment vêtue d'un costume tailleur sor-
tant de chez le bon faiseur. Elle était coif-
fée d'un chapeau monumental et couverte
de bijoux de prix. La nouvelle venue loua,
au quatrième étage, une petite chambre
donnant sur la rue et d'un loyer mensuel de
trente francs
Comme la tenue de sa locataire semblait
peu en rapport avec celle des clients ordi-
naires de la maison, M. Carrière la ques-
tionna. La jeune femme lui expliqua qu'elle
arrivait de Rio-de-Janeiro (Brésil) et ne
comptait séjourner que peu de temps à Pa-
ris.
C'est pour cela que je ne veux pas faire
trop de dépenses, ajouta-t-elle.
L'artiste s'inscrivit sur le livre de police
comme étant née à Paris.
Le lendemain matin, la première visite de
la jeune femme fut pour le bar voisin, où
elk ee griea en compagnie des clients de l'é-
tablissement, à qui elle paya largement- à j
boire. Dès lors, chaque jour pareilles scènes
se renouvelèrent
La nuit dernière, vers onze heures, peu
après le départ d'une amie avec laquelle
elle avait bu encore plus que de coutume,
la jeune femme sortit en chemise dans l'es-
calier. Elle se livra à de telles excentricités
que le garçon de l'hôtel, aidé de quelques
locataires, dut la terrasser et la ligoter
pour la ramener dans sa chambre, où elle
s'endormit pesamment
Hier matin, M. Carrière recevait la visite
d'un inspecteur de police qui le priait de se
rendre immédiatement au commissariat du
quartier des Batignolles. Intrigué, le logeur j
s'empressa d'obéir à cet ordre et se pré-
senta devant M. Rouffaud Le brave hom-
me faillit tomber à la renverse quand le
magistrat lui -apprit que sa locataire, Mlle
de Vaucoux, avait déposé une plainte contre
lui pour coups et blessures et qu'à l'appui de
ses dires, elle avait montré au commissaire
une plaie qu'elle portait à la tête.
M. Carrière raconta alors ce qui s'était
passé, et M. Rouffaud le laissa partir, se
promettant de le confronter le lendemain
avec sa prétendue victime.
Ren tré chez lui, le logeur fut invité par
plusieurs de ses locataires à se débarrasser
de Mlle de Vaucoux sur-le-champ, sans quoi
ils quitteraient, disaient-ils, eux-mêmes la
maison.
A Coups dé Couteau
M. Carrière résolut d'en finir. Après son
déjeuner, vers deux heures, il monta chez
Mtle de Vaucoux et la pria de chercher un
autre gîte, offrant même de rembourser la
quinzaine en cours, à condition qu'elle quit-
tât la maison sans tarder.
Que se passa-t-il alors entre le logeur et
sa cliente C'est ce que l'enquête établira.
Toujours est-il que, tout à coup, un cri per-
çant retentit dans l'escalier. En même temps
M. Carrière, ensanglanté, se montrait sur le
palier.
sana générosité, n'ayant que les vioes des
viveurs et des prodigues, sans posséder au-
cune des qualités qui parfois les rendent
sympathiques, en avaient lait un personnage
à part, odieux aux habitants d'Arville qui le
voyaient rarement et surtout au juge de
paix qui ne l'appelait jamais autrement que
« le forban du boulevard
Une clarté sinistre se faisait dans l'esprit
de la malheureuse Colette.
C'était à cet être-là qu'on l'accusait de s'ê-
tre abandonnée
C'était lui qui l'avait perdue!
Lui qu'elle haïssait, presque autant qu'elle
aimait sa chère Madeleine, à cause des crain-
tes qu'elle concevait instinctivement d'une
liaison entre eux, liaison qui ne pouvait
qu'être dangereuse pour celle qu'elle appe-
lait sa soeurette.
Elle savait maintenant,
Elle voyait clair dans le passé qu'une fata-
lité faisait retomber sur sa tête.
En un tour de main, elle remit de l'ordre
dans cet intérieur qui avait servi d'asile à
d'autres.
Elle cacha dans un coin de sa bourse de
jeune fille où quelques pièces d'or lentement
amassées étaient à l'aise. ]p bout de den-
telle qui contenait pour elle toute une révéla-
tion, et elle se disposa à sortir
Flle arrivait au seuil de cette sorte de
chaumière, le front bas. le coeur serré, la
têt* nleinp de sombres pressentiments, lors-
qu'elle s'arrêta net.
Un hnmme vê'tn d'un complet roux, les
yeux cachés sous les verres de ses lunettes
bleues qu'il relava aussitôt, lui barrait le
chemin.
Elle balbutia
Vous, mon ppre
Oui, moi qui t'ai épiée, qui t'ai suivie
et qui te trouve dans cette masure où ta te
plais et où tu n'aurais jamais dû entrer.
Elle m'a tué criait le malheureux.
On s'empressa autour du blessé, qui fut
transporté sur son lit Il portait une blessure
profonde de quinze centimètres au-dessus
du coeur et rendait le sang à flots par la bou-
che. Le malheureux fut transporté à l'hôpi-
tal Beaujon, où il rendit, peu après, le der-
nier soupir.
Cependant Louise de Vaacoox, soa for-
fait accompli, s'était barricadée dans sa
chambre. M. Rouffaud, commissaire de po-
lice du quartier des Batignolles, aceompa-
gné de deux agents, se rendit 6, rue Lebou-
teux.
Les gardiens de la paix enfoncèrent la
orte et, après une courte lutte, réussirent
à s'emparer de la meurtrière, qui fut con-
duite au poste de police de la place des Ba-
tignolles.
La Poule aux Œufs d'Or
Interrogée, Louise de Vaucoux déclara
ne se souvenir de rien et refusa de donner
aucune indication sur son identité. Cepen-
dant un habitant de l'hôtel, ancien cocher
du marquis de V. a pu fournir quelque
renseignements intéressants sur ce!?c fem-
me
Je connais Louise de Vaucoux depuis .^cize ans,
a-t-ij dit. Quand j'étais au service du marqua
de V. il y a une quinzaine d'années, eUe était
sa maîtresse. Elégante, fort bien faite, c'était
alors une des hélaïres les plus cotées. Dans la
nxxnde où l'on s'amuse, elle était connue se «
le nom de la « Poule aux œuts d'or ».
Très souvent, je l'ai vue oounr tes pndiv.jt.3
mal famés en compagnie d'individus inieriopes,
portant msoueieiisement cinquante ou soixante!
mille francs de bijoux sur elle. Je m'étonne qu'il
ne lui soit jamais rien arrivé.
Il y a deux ans, un de ses amants, fils d'i;
grand marchand de papier de Paris, s'est tn<»
pour elle en se jetant sur la voie du chemin de
fer, du haui du pont de l'Europe. Au Brèsiï,
d'où elle vient, deux autres jeunes gens se se-
raient également suicidés pour ses beaux yeux.
Je l'ai toujours vue boire, et, je me doutais
bien que cette passion finirait par lui joutr un
mauvais tour.
Le corps de M. Carrière a été transporté à
la morgue aux fms d'autopsie.
M. Boucard, juge d'instruction, chargé de
cette affaire, a fait rechercher une daane
Boisseau, qui fut témoin du drame. Elle a
été retrouvée à son domicile, i4, rue dc Lé-
vis, et interrogée par M. Rouffaud.
LES
RÉvolutiQnoalrss Russes
LUTTE DÉSESPÉRÉE A MOSCOU
Le Bilan de cinq Jours de Combat. Com-
mencement de Disette. La Répercus-
sion à Saint-Pétersbourg. Agitation
gréviste et Scènes de Désordres.
(DE NOS CORRESPONDANTS PARTICULIERS)
SmrU-Pétersbourg, 25 décembre.
H h. soir.
Il y a eu ici, cet après-midi, un com-
mencemenl de barricades, qui a donné
lieu à de violents conflits entre la troupe
et les grévistes. Quelques ouvriers ant
été tués.
A Moscou, la guerre civile continue
les révolutionnaires ont incendié la gare
Nicolas le nombre total des victimes dé-
passe
Saint-Pétersboterg, 26 décembre.
7 h. 35 soir.
Les ouvriers des usines Poutiloff se sont
de nouveau mis en grève. Déjd quelques
collisiorts se sont produites et on craint
des désordres plus sérieux encore.
D'après les dernières nouveües reçut
de Moscou, Les révolutionnaires conti.
nuent à se battre avec acharnement. On.
compte tués ou blessés pour les
cinq jours de révolte armée qui viennent
de s'écouler.
La ville de Tver, urne des principale*
stations de ld ligne de Moscou il Satnf-
Pétersbourg, serait aux mains des grévis-
tes. Aussi s'attend-on à l'interru-ption de
la circulation sur la ligne Nicolas.
Quant à la situatian dans laquelle s*
trouve la ville de Mnscou, il est facile d:
la deviner. Les habitants n'o\t rien manger depuis trois jours et les hôpitau c
regorgent de blessés et de malades.
Michel NEWSKY.
Combat dans une Gare
Moscou, 26 décembre.
Lorsque 300 miliciens révolutionnaires
sont arrivés, ce matin vers onze heures, par
Vous aussi, vous croyez ?.
Je crois non ce qu'on me dit mais ce que
j'ai vu et ce que je vois encore.
Il ajouta comme M. Fabrice devant sou
fils Maroel
Inutile de mentir ou de chercher des dé-
tours et des excuses. J'étais là 1
Elle s'appuya au chambranle de la porte,
prête à défaillir en murmurant d'une voix
inintelligible
Oh mon Dieu Qu'ai-je donc fait pour
être abandonnée de tous ?
L'ancien dragon repnt
Tu es devenue la risée du pays. Les
langues ne chantent plus tes louangez
comme autrefois. Tu as voulu vivre au mi-
lieu des châtelains et des riches ou de ceux
qui le paraissent.. Tu te plaisais mkHix
dans leurs maisonsque dans la tienne et tu
sais ce qui est arrivé. Quand on joue avec
le feu, on se brûle. Tu n es plus la Colette
que tes voisins admiraient. Amusement des
bandits qui font éblouie avec leurs betles
paroles, tu nas plus à attendre que le mé-
pris de ceux à qui tu les préférais.
Elle joignit les mains et suppliante
Je vous jure. dit-elle.
ta Il eut un rire presque menaçant et répé-
Quand je te dis que j'étais là, le té-
moin de ce qui se passait! Que ai vu
Je n'étais pas seul. Le juge m'accompa-
gnait. Nous étions venus errer sous les
vieux arbres, dans les avenues du parc. Le
juge ne songeait à rien. Il avait confiance
aveuglément. Moi pas. J'avais dçons. Je me disais Elle cherche le dan-
ger, elle y périra. D'un autre côté, je sa-
vais des choses qui me faisaient douter.
Il déclara d'un ton qui la fit tressaillir da
frayeur
Tu avais de mauvais sang dans les vei-
DIRECTION
rue d'EnghIen. PARIS (10e)
TÉLÉPHONE N~»O>
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iTSLEPauNB tf 'O-M;
1O, ptaoe de ka Bourse. PARIS -a«
Uortuôro Editaon
UN FANION
Le Musée de l'armée vient de recevoir
un don en apparence modeste un sim-
ple fanion de laine. Mais il fut promené
laborieusement dans des pays alors pres-
que inconnus et guida une campagne
expéditionnaire qui fut soumise à de
bien rudes épreuves, celle qui fut diri-
gée, en 1894 et en vers le pays de
Kong, en Afrique, alors que se poursui-
vaient les longues opérations à la pour-
suite de Samory, notre vieil ennemi sou-
danais. Ces opérations, depuis les pre-
miers combats jusqu'à sa capture, en
1898, durèrent seize ans. Ce sont des évé-
nements récents, qui furent féconds en
actes d'héroïsme. Pourtant, on ne les
connais guère, communément. Tout cela
s'est passé trop loin, dans des régions
dont les noms sont difficiles à retenir, et
ces luttes, qui furent souvent épiques,
n'étaient soutenues que par quelques poi-
gnées d'hommes.
Cela devrait être une raison pour
qu'elles s'imposassent à notre recon-
naissante admiration. Mais qui songe,
aujourd'hui, en dehors des survivants et
dg quelques spécialistes des choses afri-
caines, à ces pages d'histoire contempo-
raine? Et, cependant, il s'accomplit là
des miracles d'énergie et de vaillance, et
cet humble fanion, auquel ne prêtent
peut-être pas grande attention les visi-
teurs du musée, fut le témoin de beaux
exploits et de généreux sacrifices. On
peut, bien qu'il n'attire pas beaucoup
les yeux, le contempler avec quelque
émotion.
En 1894, Samory en était arrivé à
menacer l'arrière-pays de notre colonie
de la Côte-d'Ivoire. Prophète et guerrier,
le héros musulman, qui, après tout, ne
laisse p?.s d'avoir été une assez grande
figure, portait partout la dévastation
devant lui.
Il avait pris Kong comme centre de ses
opérations, Kong, la « ville sainte », long-
temps mystérieuse, où, en 1888, avait, le
premier, presque sans escorte, pénétré le
capitaine Binger, en avouant sa qualité
et en répudiant tout travestissement.
Jusqu'à lui, jusqu'à son séjour dans
cette cité singulière, elle apparaissait
ainsi qu'une ville légendaire, comme
l'avait été Tombouctou. Aucun Euro-
péen n'avait franchi ses portes. C'était
une des énigmes de l'Afrique une de
ces longues énigmes qui, depuis une
trentaine d'années, ont toutes reçu leur
solution.
A force de franchise et de droiture, le
capitaine Binger s'était imposé aux indi-
gènes, qui avaient fini par l'accueillir
avec enthousiasme. Une opportune dis-
tribution de vieux boutons de livrée, arti-
cle qui se trouva être extraordinairement
prisé là-bas, n'avait pas été étrangère à
sa popularité. Il avait même été sollicité
de faire quelques prodiges. Il en avait
réalisé un véritable, en tout cas, en
venant, seul Français, jusque-là. Il avait
pu établir, géographiquement et politi-
quement, l'importance de la région et
jeter les bases de traités avec la France.
Son voyage avait eu des résultats impor-
tants.
Six ans plus tard, Kong n'était plus
qu'un amas de ruines. Samory avait rasé
la ville, coupable d'avoir entretenu des
intelligences avec nous, et massacré
nombre de ses habitants. Il avait fait
périr jusqu'aux chefs de sectes religieu-
ses, attentat qui avait jeté l'épouvante
dans la population. On disait, dans la'
ville en deuil, que les marabouts assas-
sinés revenaient, fantômes tragiques, à
l'heure du salam et qu'on entendait leur
voix menaçantes.
L'influence française était en jeu deux
colonnes, partant l'une du Soudan, l'au-
tre de la Côte-d'Ivoire, furent dirigées
vers Kong. On n'avait pu disposer que
de quelques compagnies de tirailleurs
sénégalais et d'un peloton de spahis,
troupes trop peu nombreuses, mais corn-
mandées par de vieux « africains ». Il
N* I8. Feuilleton du Petit Parisien.
SANG ROUGE
ET
SANG BLEU!
GRAND ROMAN INEDIT
PREMIÈRE PAR=
LE POIDS D'UNE FAUTE
XIV (suite)
Le père et la fille
Pms, soulagée comme l'homme désespéré
qui a enfin prie une résolution et se décide
an suicide, la tête vide comme le coeur, elle
quitta sa chambre, descendit et sans prendre
aucune des précautions d'autretois, elle tra-
versa la route et alla jeter sa lettre à la
poste.
Les habitants du bourg, toujours si pleins
d'attentions pour elle. semblaient ne pas la
voir et elle ne paraissait pas les regarder.
Elle marchait comme dans un rêve.
En quittant la poste. Wle prit un sentier
à travers champs et se dirigea vers le parc
d'Arville, doni les futaies magnifiques sem-
blaient l'attirer.
Le château était vide, mais il n'allait pas
fardier à se remplir.
Le mariage de mademoiselle d'Arville de-
rait avoir lieu le samedi de la semaine sui-
vante et on était au mercredi.
Déjà, à la forge de Lignères on faisait de
grands préparatifs pour la réception de la
mariée.
C'était dans le job manoir amoureusement
fallait s'avancer à travers d'épaisses
forêts, au milieu d'une nature pleine de
pièges. Jamais difficultés semblables ne
s'étaient présentées. Imaginez quelque
quatre cents hommes se trouvant bientôt
en pays soulevé par Samory, ayant à
faire face à tous les dangers, forcés de
se battre sans cesse, ne pouvant. plus être
ravitaillés, minés par des fièvres terri-
j blas, épuisés par leurs marches sans
i répit, sous un soleil de feu. L'armée
) de Samory grossissait constamment. Ce
furent des mois de luttes, dans des con-
ditions extraordinairement dispropor-
tionnées. Et c'étaient, cependant, des
assauts donnés, des villages pris, des vic-
j toires, mais qui ne parvenaient pas à
être décisives, devant la perpétuelle aug-
mentation des bandes ennemies. Samory,
à Dabakala, faillit être fait prisonnier.
On devrait mieux connaître, chez nous,
ces héroïques expéditions, où, vraiment,
on demandait à nos soldats l'impossible,
et qui sont d'admirables exemples de
patient courage et de dévouement. A
peine sait-on, d'une façon sommaire, que
ces choses se sont passées. La colonne de
Kong, à qui il n'avait pas été permis
d'accomplir complètement son but, con-
nut les pires souffrances et montra une
intrépidité que rien ne rebuta. Ceux qui
I en revinrent avaient vu toutes les extré-
mités humaines.
C'est cette rude campagne, c'est cet
héroïsme permanent, c'est cette opiniâ-
tre résistance dans un pays où l'on avait
Cennemi devant soi et la révolte derrière
soi, c'est le sentiment du devoir poussé
aux dernières limites qu'évoque cet hum-
ble fanion.
Ce ne fut que trois ans plus tard, que
Kong fut reprise à Samory. Quelques
semaines après, les lieutenants Demars
et Méchet devaient y soutenir un siège
fameux dans les fastes soudanais par ses
épisodes tragiques et glorieux. C'est
peut-être parce que cette histoire est
d'hier, qu'elle n'a pas tout le prestige
qu'elle devrait avoir.
JEAN
Heureuse Innovation
On vient, pour la première fois, d'exécu-
ter des grandes manœuvres militaires au
Tonkin. C'est le général Voyron qui en a eu
la direction et peut-être l'initiative. D'après
les nouvelles reçues, le résultat aurait été
satisfaisant. On se serait rendu compte des
facilités de la défense dans le Delta et, ce
qui est plus important encore du bon esprit
des populations à notre égard.
Les cours d'eau du Delta tonkinoi6, de
même que les arroyos de la Cochinchine,
constituent des éléments précieux de résis-
tance à toute tentative d'invasion. A l'aide
de canonnières opérant conjointement avec
l'armée, on peut sans aucun doute faire
beaucoup pour la sécurité de notre empire
de rindo-Chine.
Mais la question capitale est de posséder
le concours des Annamites, le cas échéant.
On n'est vraiment maître d'une colonie qu'à
l'heure où l'on a assimilé les indigènes ou,
tout au moins, conquis leurs sympathies.
A ce travail spécial de colonisation, nous
sommes particulièrement aptes, parce que
les Français déposent volontiers leurs flam-
mes aux pieds des femmes de tnut pays.
Or, c'est par l'enfant que se créent les liens
d'affection durable. Les unions mixtes font
autant que le canon pour établir définitive-
ment la souveraineté d'une nation chez un
peuple exotique.
Les fils de France sont volontiers les des-
cendants de Don Juan. En Asie, où la ques-
tion religieuse ne constitue pas une barrière
comme en Algérie, nous devons réussir à
avoir les femmes pour nous, et comme les
femmes, depuis Eve, sont toutes-puissantes,
elles nous garantissent l'avenir.
Ce qui n'empêche pas, du reste, qu'il soit
fort sage de se fortifier, au point de vue mi-
litaire. On ne sait jamais ce que gardent les
lendemains inconnus, et il est bon de se pré-
parer au pire, en exécutant des répétitions
générales de la guerre.
On est entré, d'ailleurs, dans cette voie,
en faisant du général Voyron un inspecteur
général de l'Indo-Chine, et du général Gal-
liéni le commandant en chef éventuel dc nos
possessions de l'Afrique occidentale. 1
rebâti et restauré par Pierre Barrons qu'elle
devait passer sa nuit de noces.
Colette s'était réjouie de la demande du
jeune ingénieur pour cette sœur alnée qui
restait seule en possession de son cœur
brisé.
A peine songeait-elle maintenant à ce ma-
riage, tant elle était incapable d'assembler
deux idées dans sa tête.
Lorsqu'elle arriva à l'extrémité du sentier
qu'elle suivait, elle se trouva devant la porte
de la maison du régisseur.
Elle poussa le loquet qui lui servait de fer-
meture sommaire et entra.
Elle éprouvait une sensation de fatigue in-
définissable ses jambes étaient molles et la
soutenaient mal.
Cependant elle était douée d'une santé
qui n'avait jamais eu de défaillances.
Mais le coup de massue qu'elle avait reçu
était trop violent pour sa natur? de sensitive.
Elle eut comme un éblouissement et au
lieu de traverser le corridor qui servait de
passage pour arriver au parc, elle ouvrit une
porte afln de trouver un siège et se trouva
dans la chambre où avait eu lieu l'entrevue
de mademoiselle d'Arville et du baron de
Vavran.
D'abord elle ne distingua rien.
Affaissée sur un fauteuil de vieille tapis-
serip. elle avait peine à se reconnaltre dans
la demi-obscurité de cet appartement aux
persienne? closes.
Peu à peu, oependant, elle s'habitua à ce
demi-jour qui contrastait si fort avec l'écla-
tant soleil du dehors.
Alors elle rernnnnt certaines traces de dé-
sordre et se souleva de son siège.
En même temps ses idées se ravivèrent et
reprirent une forme moins imprécise.
Elle se rappela des détails qui lui avaient
échappé dans t'abattement où la jetait la ré-
vélation de sa dévouée Véronique.
De la sorte, ces Franoes loinxines sont
confiées d'avance à des officiers de valeur
qui ont fait leurs preuves et qui peuvènt, à
loisir, étudier des programmes de défense
et des plans de campagne.
Certes, aucune guerre exotique n'est me-
naçante, et on n'aperçoit aucun péril, dans
cet ordre d'idées, à l'horizon, de quelque
côté que l'on jette les yeux.
Notre entente cordiale avec l'Angleterre
nous donne tout repos sur les océans, toute
tranquillité pour la France d'outre-mer;
mais aucune assurance pacifique ne doit em-
pêcher de se garder de son mieux contre les
surprises du hasard.
Un flmi de la france
La Mort de M. Raymond Préfontaine, Minis-
tre de la Marine du Canada. Une noble
Carrière. Les Obsèques.
La mort de NI Raymond Préfontaine, minis-
tre de la Marine et des Pêcheries du Canada,
que nous avons annoncée hier, sert doulou-
reusement ressentie non seulement dans son
pays, mais encore en France dont il était un
ami sincère et où il comptait de vives affec-
tions.
M. Raymond Préfontaine
Né à Longueil, près Montréal, le 16 sep-
tembre 1850, NI. Préfontaine était issu d'une
famille d'origine française dont on retrouve
les traces en 1664, à Beauvais.
D'abord président de la ctftrrntisaion des
travaux publics de la ville de Montréal, fonc-
tion qu'il occupa pendant dix ans, il avait
été élu une première fois, en 1875, député au
Parlement fédéral où il siégea sans interrup-
tion de 1879 à 1881. Il avait été réélu à une
majorité considérable, en juillet 1886, et avait
été appelé aux importantes fonctions de mi-
nistre de la Marine et des Pêcheries, en
En Angleterm, oo il était venu pour discu-
ter avec le» autorités compétentes un projet
de création d'une réserve navale au Canada,
il avait reçu partout l'accueil le plus flat-
teur, et ses idées avaient obtenu un succès
complet.
Ses amis de Paris, cù il se trouvait en
compagnie d'un de ses collègues. M. Le-
mieux, solicitor général du Canada, avaient
déjà fêté sa venue en un banquet donné,
jeudi dernier, par l'Union du commerce et
de l'industrie, et une chaleureuse réception
lui avait été faite.
M. Préfontahe s'était rendu, la semaine
dernière, à Dunkerque et à Lille, en compn-
gnie de M Lemieux, pour étudier. la possi-
bilité de la création d'une ligne, maritime
nouvelle franco-canadienne. En outre, les
deux ministres avaient projeté de faire; ces
,ours-ci. un voyage à Lyon et à Marseille
les chambres de commerce de res deux villes
avaient déjû organis^une réception et un
banquet en leur, -htmneur.
En revenant de Lille. M Préfontaine. qu'un
surmenage excessif avait beaucoup fatigué,
ne voulut pas prendre le repos qui lui était
nécessaire, malgré l'avis des médecins
Dimanche encore, il était allé rendre vi-
site à M. Fabre, le distingué représentant du
Canada à Paris, avec lequel il s était longue-
ment entretenu de ses projets d'avenir
Le mal dent il ne voulait pas ressentir les
effets l'a terrassé subitement.
Le corps de M Préfontaine Fera embaumé
ce matin. La mise en bière aura heu aussi-
tôt après. Ur service funèbre serti célébré J
samedi matin la Madeleine puis la dé. J
pouille mortelle du ministre, enfermée dans
De quoi l'accusait-on ?
D'être la maltresse du baron Roger de
Vayran.
A quelques confidences de mademoiselle
d'Arville, n'avait-elle pas deviné depuis
longtemps qu'il existait entre eux une liaison
qu'elle avait dû croire innocente, tant sa
confiance envers sa chère Madeleine était
entière.
Cependant n'avait-elle pas parfois blâmé
l'intimité de leurs rapports, certaines fami-
liarités qu'on pouvait mal interpréter ?
Madeleine ne lui avait-elle pas paru étran-
gement préoccupée le jour où Pierre Barroux
avait fait sa demande si imprévue au mar-
quis d'Arville
N'y avait-il pas eu entre elle et le baron un
échange de signaux et de paroles ambiguës
qui l'étonnaient ?
Et le soir, au moment où elle se disposait
à quitter sa chambre pour aller, en secret,
porter à la poste la lettre qu'elle venait d'é-
crire à son ami Maroel, n'avait-elle pas en-
tendu dans celle de mademoiselle d Arville
un bruit de pas qui l'avait surprise d'abord
et auquel ensuite elle n'avait plus pensé.
Debout maintenant, les yeux fixes, l'esprit
en éveil, elle examinait avec attention l'in-
i térieur de la chambre du régisseur.
Personne, dans le tumulte du départ pour
Paris de la famille qui nllait s'occuper des
formalités et des préparatifs de ce mariage
qui était un coup de fortune pour elle. n'a-
vait songé à cette maison isolée, que les do-
mestiques demeurés au ehftteau oubliaient
eux-mêmes, et qui. depuis la mort du grand-
père de Colette, qui avait été snn dernier
occupant, restait dans un abandon à peu
près complet.
Peu à peu la malheureuse jeune fille com-
prit ce qui s'était passé.
On aurait dit qu'il s'y était livré l'ne ba-
taîlle. sans effusion de sang, mais avec tous
un double cercueil de chêne et de plomb,
sera transportée à Montréal
Sir Wilfria Laurier premier ministre du
Canada, enverra une délégation qui attendra
le cercueil à Halifax.
La Conférence Marocaine
La Réponse du Saltan. On se réunira à
Algésiras. L'Attitude du Maghzen
et les Puissances.
Le sultan, saisi par le cabinet de Madrid,
dès le 15 courant, du projet de déplacement
de la conférence, a répondu dans l'après-
midi de lundi. Sa réponse est, au reste, un
refus formel. Il donne cette raison que pri-
mitivement il avait proposé Tanger et que,
l'Espagne offrant sa capitale, on avait tran-
sigé et adopté Algesiras. La transaction
étant admise par les parties intéressées, il
n'y aurait plus lieu d'y revenir. En somme,
comme le temps manquerait tour négocier
de nouveau, et qu'après tout les aménage-
ments suffisants pourront être pris à Algé-
siras, c'est dans cette ville que la conférence
va se tenir forcément Nous avions déjà
prévu ce résultat il y a huit jours.
D'après des personnes autotisées, le
maghzen, qui avait jadis marqué quelque
déférence aux puissances, aurait repris
toute sa fierté. Ses propos seraient cm-
nçeints d'une autorité renforcés, et il consi-
deierait qu'il est redevenu le maître des
événements.
En somme, les délégués d'Abd el Aziz se
présenteraient à la conférence avec l'inten-
tion de faire le minimum de concessions. Ils
profiteraient des désaccords qu'ils escomp-
tent pour refuser le plus qu'ils pourraient
les réformes et opposer une obstruction per-
sistante.
Il est vrai que l'attitude plus conciliante
que marque la diplomatie allemande pourrait
déterminer chez eux un revirement. Mais il
n'en reste pas moins que les débats seront
longs et laborieux. On craint de n'avoir pas
tout terminé en six semaines.
Quant à la date de l'ouverture de la ronfé-
rence, elle demenre incertaine. L'Espagne
préférerait toujours le 6. A Paris, on repré-
sente qu'il est bien malaisé maintenant de
tenir utilement séance avant les fêtes de ma-
riage. On souhaiterait tout renvoyer, comme
nous l'avons déjà dit, au 17 ou au 1S janvier.
\SfE fÊTE FWCO-HDSSE
Le Cinquantenaire de M. de Nelidofl. M.
Rouvier chez l'Ambassadeur de Russie.
Les Félicitations de M. Loubet.
Le cinquantenaire de l'entrée de M. de Ne-
lidoff dans, la carrière diplomatique a été
oàtéhré hier à Pans. En tout état de cause,
là courtoisie eût enjoint au gouvernement
français de s'associer à cette tête. Il a voulu
y participer de façon plus que courtoise, et
le président du Conseil, M. Rouvier, a tenu
à porter lui-méme à l'ambassadeur de Rus-
sie, avec les félicitations de la France, l'hom»
mage de sa sympathie personnelle. Le Pré-
sident de la République a, de son côté, char-
gé le général Dubois de saluer en son nom
l'éminent diplomate.
IL de NelidoB
M. de Nelidoff est parmi nous depuis deux
ans presque jour pour jour, puisqu'il a pris
rang dans le corps diplomatique à la date
du 29 décembre 1903. Il a su conquérir, avec
l'estime de tous ses collègues, la confiance
du pays auprès duquel il était accrédité. Nul
n'a oublié avec quel tact et quelle vive intel-
ligence il ccntribua à aplanir l'incident de
Hull.
En lui remettant, hier matin, les insignes
les symptômes et les vestiges d'une violence.
Deux chaises avaient été renversées, la
table du milieu se retrouvait dans un angle
,le lit même était bouleversé, la couverture
gisait sur le sol.
Tout à coup les yeux de Colette s'arrêtè-
rent sur un chiffon blanc insignifiant, per-
ceptible à peine, qui tranchait sur la soie I
verte et fanée de cette couverture.
Elle s'en empara et le regarda avec atten-
tion.
C'était un bout de dentelle déchirée, une
parcelle étroite, un lambeau, mais qu'elle
reconnut sans peine.
Cette dentelle provenait do corsage de ma-
demoiselle d'Arville.
Elle ne pouvait pas s'y tromper.
Madeleine murmura-t-elle d'une voix
Alors tout devint lumineux pour elle.
Madeleine était venue au rendez-vous don-
né par elle à son cousin, le baron de Vayran.
Que s'était-il passé entre eux?
Une explication violente, sans doute.
Puis le baron était sorti et on l'avait vue
passer, elle, Colette, à sa suite, lorsqu'elle
avait pris ce chemin au retour de sa course
nocturne.
Qui était là ?
Le pére de Marcel Fabrice, sans doute, et
son propre père à elle!
Ils rayaient surprise pendant une de ces
longues promenades qu'ils faisaient si sou-
vent dans ce parc.
S'ils t'accusaient, comment l'e0t-on sup-
posée innocente?
La réputation du baron était faite.
Personne ne l'aimait, pas plus dans le per-
sonnel du château que dans le bourg.
Sa raideur, ses ironies constantes, ses al-
lures dédaigneuses et les propos des domes-
tiques qui le dépeignaient tel qu'il était
-homme de plaisir sans scrupules, joueur
de la dignité nouvelle que le Président dé la
République venait do lui conférer, celle de
grand-croix de la Légion d'honneur, M. Rou-
vier aura donc répondu à un sentiment una-
nime. On remarquera avec quelle délicatesse
le président du Conseil a affirmé cette fidé-
lité à l'alliance qu'il exprimait encore dans
son discours du 16 décembre dernier.
A l'heure où il recevait les félicitations de
M. Loubet et du gouvernement, M. de Neli-
doff recevait aussi celles de son ministre, le
comte Lamsdorfl, et ce dernier avait eu soin
de les lui faire porter par M. Dimitri de Ne-
lidoff, secrétaire d'ambassade à Constanti-
nople, que son père aura eu une double joie
à revoir.
Enfin, le tsar a adressé un rescrit conçu
en termes flatteurs à l'ambassadeur, et en
même temps il lui offrait les insignes de
Saint-André. Toute l'ambassade était hier
en fête.
UN LOGEUR* POIGNARDÉ
Le Drame de la rue Lebouteux. Entre
Propriétaire et Locataire. Les Excen-
tricités de Louise de Vaucoux. Sa
glant Epilogue.
Un drame dont les causes ne sont encore
qu'imparfaitement définies s'est déroulé
hier après-midi dans un hôtel meublé de mo-
deste apparence, situé 6, rue Lebouteux,
dans le dix-septième arrondissement.
Au cours d'une discussion avec une de ses
locataires, Mlle Louise de Vaucoux, âgé*
de vingt-huit ans, se disant artiste lyrique,
le patron de l'hôtel, M. Urbain Carrière, âgée é
de cinquante-cinq ans, a été frappé par celle-
ci d'un coup de couteau dans la région du
cœur.
Une Locatatre turbulente
Au mois de novembre dernier, les époux
Carrière voyaient arriver dans leur établis-
sement plutôt modeste une jeune femme élé-
gamment vêtue d'un costume tailleur sor-
tant de chez le bon faiseur. Elle était coif-
fée d'un chapeau monumental et couverte
de bijoux de prix. La nouvelle venue loua,
au quatrième étage, une petite chambre
donnant sur la rue et d'un loyer mensuel de
trente francs
Comme la tenue de sa locataire semblait
peu en rapport avec celle des clients ordi-
naires de la maison, M. Carrière la ques-
tionna. La jeune femme lui expliqua qu'elle
arrivait de Rio-de-Janeiro (Brésil) et ne
comptait séjourner que peu de temps à Pa-
ris.
C'est pour cela que je ne veux pas faire
trop de dépenses, ajouta-t-elle.
L'artiste s'inscrivit sur le livre de police
comme étant née à Paris.
Le lendemain matin, la première visite de
la jeune femme fut pour le bar voisin, où
elk ee griea en compagnie des clients de l'é-
tablissement, à qui elle paya largement- à j
boire. Dès lors, chaque jour pareilles scènes
se renouvelèrent
La nuit dernière, vers onze heures, peu
après le départ d'une amie avec laquelle
elle avait bu encore plus que de coutume,
la jeune femme sortit en chemise dans l'es-
calier. Elle se livra à de telles excentricités
que le garçon de l'hôtel, aidé de quelques
locataires, dut la terrasser et la ligoter
pour la ramener dans sa chambre, où elle
s'endormit pesamment
Hier matin, M. Carrière recevait la visite
d'un inspecteur de police qui le priait de se
rendre immédiatement au commissariat du
quartier des Batignolles. Intrigué, le logeur j
s'empressa d'obéir à cet ordre et se pré-
senta devant M. Rouffaud Le brave hom-
me faillit tomber à la renverse quand le
magistrat lui -apprit que sa locataire, Mlle
de Vaucoux, avait déposé une plainte contre
lui pour coups et blessures et qu'à l'appui de
ses dires, elle avait montré au commissaire
une plaie qu'elle portait à la tête.
M. Carrière raconta alors ce qui s'était
passé, et M. Rouffaud le laissa partir, se
promettant de le confronter le lendemain
avec sa prétendue victime.
Ren tré chez lui, le logeur fut invité par
plusieurs de ses locataires à se débarrasser
de Mlle de Vaucoux sur-le-champ, sans quoi
ils quitteraient, disaient-ils, eux-mêmes la
maison.
A Coups dé Couteau
M. Carrière résolut d'en finir. Après son
déjeuner, vers deux heures, il monta chez
Mtle de Vaucoux et la pria de chercher un
autre gîte, offrant même de rembourser la
quinzaine en cours, à condition qu'elle quit-
tât la maison sans tarder.
Que se passa-t-il alors entre le logeur et
sa cliente C'est ce que l'enquête établira.
Toujours est-il que, tout à coup, un cri per-
çant retentit dans l'escalier. En même temps
M. Carrière, ensanglanté, se montrait sur le
palier.
sana générosité, n'ayant que les vioes des
viveurs et des prodigues, sans posséder au-
cune des qualités qui parfois les rendent
sympathiques, en avaient lait un personnage
à part, odieux aux habitants d'Arville qui le
voyaient rarement et surtout au juge de
paix qui ne l'appelait jamais autrement que
« le forban du boulevard
Une clarté sinistre se faisait dans l'esprit
de la malheureuse Colette.
C'était à cet être-là qu'on l'accusait de s'ê-
tre abandonnée
C'était lui qui l'avait perdue!
Lui qu'elle haïssait, presque autant qu'elle
aimait sa chère Madeleine, à cause des crain-
tes qu'elle concevait instinctivement d'une
liaison entre eux, liaison qui ne pouvait
qu'être dangereuse pour celle qu'elle appe-
lait sa soeurette.
Elle savait maintenant,
Elle voyait clair dans le passé qu'une fata-
lité faisait retomber sur sa tête.
En un tour de main, elle remit de l'ordre
dans cet intérieur qui avait servi d'asile à
d'autres.
Elle cacha dans un coin de sa bourse de
jeune fille où quelques pièces d'or lentement
amassées étaient à l'aise. ]p bout de den-
telle qui contenait pour elle toute une révéla-
tion, et elle se disposa à sortir
Flle arrivait au seuil de cette sorte de
chaumière, le front bas. le coeur serré, la
têt* nleinp de sombres pressentiments, lors-
qu'elle s'arrêta net.
Un hnmme vê'tn d'un complet roux, les
yeux cachés sous les verres de ses lunettes
bleues qu'il relava aussitôt, lui barrait le
chemin.
Elle balbutia
Vous, mon ppre
Oui, moi qui t'ai épiée, qui t'ai suivie
et qui te trouve dans cette masure où ta te
plais et où tu n'aurais jamais dû entrer.
Elle m'a tué criait le malheureux.
On s'empressa autour du blessé, qui fut
transporté sur son lit Il portait une blessure
profonde de quinze centimètres au-dessus
du coeur et rendait le sang à flots par la bou-
che. Le malheureux fut transporté à l'hôpi-
tal Beaujon, où il rendit, peu après, le der-
nier soupir.
Cependant Louise de Vaacoox, soa for-
fait accompli, s'était barricadée dans sa
chambre. M. Rouffaud, commissaire de po-
lice du quartier des Batignolles, aceompa-
gné de deux agents, se rendit 6, rue Lebou-
teux.
Les gardiens de la paix enfoncèrent la
orte et, après une courte lutte, réussirent
à s'emparer de la meurtrière, qui fut con-
duite au poste de police de la place des Ba-
tignolles.
La Poule aux Œufs d'Or
Interrogée, Louise de Vaucoux déclara
ne se souvenir de rien et refusa de donner
aucune indication sur son identité. Cepen-
dant un habitant de l'hôtel, ancien cocher
du marquis de V. a pu fournir quelque
renseignements intéressants sur ce!?c fem-
me
Je connais Louise de Vaucoux depuis .^cize ans,
a-t-ij dit. Quand j'étais au service du marqua
de V. il y a une quinzaine d'années, eUe était
sa maîtresse. Elégante, fort bien faite, c'était
alors une des hélaïres les plus cotées. Dans la
nxxnde où l'on s'amuse, elle était connue se «
le nom de la « Poule aux œuts d'or ».
Très souvent, je l'ai vue oounr tes pndiv.jt.3
mal famés en compagnie d'individus inieriopes,
portant msoueieiisement cinquante ou soixante!
mille francs de bijoux sur elle. Je m'étonne qu'il
ne lui soit jamais rien arrivé.
Il y a deux ans, un de ses amants, fils d'i;
grand marchand de papier de Paris, s'est tn<»
pour elle en se jetant sur la voie du chemin de
fer, du haui du pont de l'Europe. Au Brèsiï,
d'où elle vient, deux autres jeunes gens se se-
raient également suicidés pour ses beaux yeux.
Je l'ai toujours vue boire, et, je me doutais
bien que cette passion finirait par lui joutr un
mauvais tour.
Le corps de M. Carrière a été transporté à
la morgue aux fms d'autopsie.
M. Boucard, juge d'instruction, chargé de
cette affaire, a fait rechercher une daane
Boisseau, qui fut témoin du drame. Elle a
été retrouvée à son domicile, i4, rue dc Lé-
vis, et interrogée par M. Rouffaud.
LES
RÉvolutiQnoalrss Russes
LUTTE DÉSESPÉRÉE A MOSCOU
Le Bilan de cinq Jours de Combat. Com-
mencement de Disette. La Répercus-
sion à Saint-Pétersbourg. Agitation
gréviste et Scènes de Désordres.
(DE NOS CORRESPONDANTS PARTICULIERS)
SmrU-Pétersbourg, 25 décembre.
H h. soir.
Il y a eu ici, cet après-midi, un com-
mencemenl de barricades, qui a donné
lieu à de violents conflits entre la troupe
et les grévistes. Quelques ouvriers ant
été tués.
A Moscou, la guerre civile continue
les révolutionnaires ont incendié la gare
Nicolas le nombre total des victimes dé-
passe
Saint-Pétersboterg, 26 décembre.
7 h. 35 soir.
Les ouvriers des usines Poutiloff se sont
de nouveau mis en grève. Déjd quelques
collisiorts se sont produites et on craint
des désordres plus sérieux encore.
D'après les dernières nouveües reçut
de Moscou, Les révolutionnaires conti.
nuent à se battre avec acharnement. On.
compte tués ou blessés pour les
cinq jours de révolte armée qui viennent
de s'écouler.
La ville de Tver, urne des principale*
stations de ld ligne de Moscou il Satnf-
Pétersbourg, serait aux mains des grévis-
tes. Aussi s'attend-on à l'interru-ption de
la circulation sur la ligne Nicolas.
Quant à la situatian dans laquelle s*
trouve la ville de Mnscou, il est facile d:
la deviner. Les habitants n'o\t rien
regorgent de blessés et de malades.
Michel NEWSKY.
Combat dans une Gare
Moscou, 26 décembre.
Lorsque 300 miliciens révolutionnaires
sont arrivés, ce matin vers onze heures, par
Vous aussi, vous croyez ?.
Je crois non ce qu'on me dit mais ce que
j'ai vu et ce que je vois encore.
Il ajouta comme M. Fabrice devant sou
fils Maroel
Inutile de mentir ou de chercher des dé-
tours et des excuses. J'étais là 1
Elle s'appuya au chambranle de la porte,
prête à défaillir en murmurant d'une voix
inintelligible
Oh mon Dieu Qu'ai-je donc fait pour
être abandonnée de tous ?
L'ancien dragon repnt
Tu es devenue la risée du pays. Les
langues ne chantent plus tes louangez
comme autrefois. Tu as voulu vivre au mi-
lieu des châtelains et des riches ou de ceux
qui le paraissent.. Tu te plaisais mkHix
dans leurs maisonsque dans la tienne et tu
sais ce qui est arrivé. Quand on joue avec
le feu, on se brûle. Tu n es plus la Colette
que tes voisins admiraient. Amusement des
bandits qui font éblouie avec leurs betles
paroles, tu nas plus à attendre que le mé-
pris de ceux à qui tu les préférais.
Elle joignit les mains et suppliante
Je vous jure. dit-elle.
ta Il eut un rire presque menaçant et répé-
Quand je te dis que j'étais là, le té-
moin de ce qui se passait! Que ai vu
Je n'étais pas seul. Le juge m'accompa-
gnait. Nous étions venus errer sous les
vieux arbres, dans les avenues du parc. Le
juge ne songeait à rien. Il avait confiance
aveuglément. Moi pas. J'avais d
ger, elle y périra. D'un autre côté, je sa-
vais des choses qui me faisaient douter.
Il déclara d'un ton qui la fit tressaillir da
frayeur
Tu avais de mauvais sang dans les vei-
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