Titre : L'Ami de l'enfance : journal des salles d'asile
Éditeur : Hachette (Paris)
Date d'édition : 1896-06-01
Contributeur : Cochin, Jean Denis Marie (1789-1841). Éditeur scientifique
Contributeur : Battelle (chef de bureau à l Assistance publique). Éditeur scientifique
Contributeur : Hachette, Louis (1800-1864). Éditeur scientifique
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32691160x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4533 Nombre total de vues : 4533
Description : 01 juin 1896 01 juin 1896
Description : 1896/06/01 (A15,N17,SER5)-1896/06/14. 1896/06/01 (A15,N17,SER5)-1896/06/14.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5607739w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-2016
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/12/2010
-260
L'AMI DE L'ENFANCE
PEDAGOGIE
Kotcs d'Inspection.
]
Chaque année, à la même époque, l'Ami de \
VEnfànce publie une série de « Notes d'inspec- s
tion ». 1
Ces notes, prises sur le vif, je les transcris J
avec une sincérité absolue, évitant avec le plus ;
grand soin d'y introduire le moindre détail
permettant de les attribuer à une école plutôt ,
qu'à une autre, dans les trente départements
dont se compose en général ma tournée. Elles
ont cependant éveillé quelques susceptibilités;
on a cru que je me complaisais dans la critique,
alors que j'avais un seul but — et ce but m'at-
tire chaque jour davantage — faire toucher du
doigt au personnel des écoles maternelles, à ses
guides de tout ordre et à tous ceux qui, de
près ou de loin, ont assumé la responsabilité de
l'éducation enfantine, les défectuosités de notre
«■système. Car les choses vécues sont seules sug-
gestives.
De ces défectuosités, nous sommes tous cou-
pables ■— même moi, puisque je n'ai pas été
persuasive — et nous n'en aurons raison que si
nous les envisageons tous avec une même sin-
cérité et un désir actif de les atténuer, de les
faire disparaître. « Nous y, ce sont évidemment
les maîtresses employées dans les écoles ma-
ternelles eties classes enfantines;mais ce sont
aussi les directrices d'écoles normales aux-
quelles incombe l'éducation professionnelle du
personnel; ce sont encore les inspecteurs pri-
maires qui voient ce personnel à l'oeuvre; ce
sont enfin les inspecteurs d'Académie.... Oh!
sans difficulté, je range dans ce « nous m les
recteurs, le directeur de l'enseignement pri-
, maire, et même le ministre, sans oublier le
Conseil supérieur.
Je voudrais les prier tous de me' suivre dans
nos écoles maternelles et dans nos classes en-
fantines, car il n'y aurait pas assez de la bonne
volonté de tous, de l'autorité de tous pour mo-
difier un système dont souffrent les enfants et
les maîtresses.
Nos visites nous conduiraient aujourd'hui
dans une. classe où sont réunis une trentaine
d'enfants. C'est un des nombres les plus faibles
que nous puissions rencontrer; la directrice n'a
donc aucun droit à une adjointe, et, comme cette
école est décorée du titre de classe enfantine,
quoiqu'elle ne soit annexée à aucune école pri-
maire, il n'y a pas défemme de service.
Evidemment, trente enfants à élever, à in-
struire j ce n'est pas un nombre/dispropor-
tionné, s'ils ont tous de six à sept ans, au besoin
même de cinq à sept ans; mais ici le plus
jeune a dix^huit mois ; quelques autres n'ont
pas deux.ans; il y en a de deux ans et demi,de
trois ans, de trois ans et demi; les aînés ont
sept ans....
Envisagez d'abord les difficultés purement,
matérielles auxquelles la maîtresse est en proie.
Elles sont insurmontables, car les petits ne
sont pas « propres » dans le sens spécial que
l'on donne à ce mot lorsqu'il s'agit de bébés ;
le plancher est souillé par places, l'odeur est
abominable. Les difficultés morales sont aussi
désolantes; la malheureuse maîtresse est obli-
gée à chaque instant d'interrompre son ensei-
gnement — car on exige d'elle de l'enseigne-
ment — pour s'occuper des bébés qui ont
impérieusement besoin d'être soignés, ou qui
se battent ou qui pleurent, car, ce pauvre éta-
blissement étant privé de tout matériel, les"
petits s'ennuient avec toutes les conséquences
de l'ennui..
Quand je suis entrée dans cette misérable
classe, la maîtresse faisait lire les grands —
car, je le répète, il faut leur enseigner quelque
chose à cet âge — et les petits, collés les uns
contre les autres sur un banc, étaient engourdis
par l'oisiveté. L'atmosphère était irrespirable.
Certes, la directrice aurait pu — elle aurait
dû — apporter quelques atténuations à cet état
pitoyable; elle aurait pu, par exemple— elle
aurait dû—laisser grandes ouvertes les fenêtres
placées très haut qui donnent sur la rue dé-
serte; elle aurait pu—elle aurait dû — s'ingé-
nier à fabriquer dû matériel, s'adresser à
quelques familles généreuses pour réunir des
jouets, des boites, des chiffons; elle aurait pu
-— donc elle aurait dû — se faire aider par les
pius: âgés pour les soins à donuer aux petits ;
mais, pour pouvoir ces choses, pour les vouloir,
il faudrait n'être pas découragée, écoeurée pil-
les difficultés'que je viens d'énumérer. 11 fau-
drait aussi que ceux qui sont non seulement
solidaires, mais responsables de cet état de
choses, usent de leur autorité et du droit que
la loi et les règlements leur confèrent pour
forcer la municipalité à transformer ce bouge
en une petite école, très modeste, je le veux
bien, mais honorable.
Or, de l'autre côté de la rue, juste en face,
il y a une garderie, une vraie garderie, où les
enfants sont reçus de deux à quatre ans. C'est
une salle de moyenne grandeur, blanchie à la
chaux, et attenant aune cour, très petite, limi-
trophe d'un grand jardin (le grand jardin appar-
tient aux mêmes propriétaires que la cour, et,
s'ils voulaient, rien ne serait plus facile que d'y
. conduire les enfants). Dans la. salle, il n'y a ni
tables pour écrire,, ni. tableaux de lecture, ni
cartes suspendues au mur, c'est-à-dire que, s'il
: y avait des jouets,, ce serait presque un Eldo-
i. rado.
Peut-être aurait-on pu confier les petits de
■■ l'école maternelle à la garderie d'en face? Ger-
: tainement.... Mais,... voilà : c'est que, d'abord,
les garderies, c'est très mal vu, à noire époque
L'AMI DE L'ENFANCE
PEDAGOGIE
Kotcs d'Inspection.
]
Chaque année, à la même époque, l'Ami de \
VEnfànce publie une série de « Notes d'inspec- s
tion ». 1
Ces notes, prises sur le vif, je les transcris J
avec une sincérité absolue, évitant avec le plus ;
grand soin d'y introduire le moindre détail
permettant de les attribuer à une école plutôt ,
qu'à une autre, dans les trente départements
dont se compose en général ma tournée. Elles
ont cependant éveillé quelques susceptibilités;
on a cru que je me complaisais dans la critique,
alors que j'avais un seul but — et ce but m'at-
tire chaque jour davantage — faire toucher du
doigt au personnel des écoles maternelles, à ses
guides de tout ordre et à tous ceux qui, de
près ou de loin, ont assumé la responsabilité de
l'éducation enfantine, les défectuosités de notre
«■système. Car les choses vécues sont seules sug-
gestives.
De ces défectuosités, nous sommes tous cou-
pables ■— même moi, puisque je n'ai pas été
persuasive — et nous n'en aurons raison que si
nous les envisageons tous avec une même sin-
cérité et un désir actif de les atténuer, de les
faire disparaître. « Nous y, ce sont évidemment
les maîtresses employées dans les écoles ma-
ternelles eties classes enfantines;mais ce sont
aussi les directrices d'écoles normales aux-
quelles incombe l'éducation professionnelle du
personnel; ce sont encore les inspecteurs pri-
maires qui voient ce personnel à l'oeuvre; ce
sont enfin les inspecteurs d'Académie.... Oh!
sans difficulté, je range dans ce « nous m les
recteurs, le directeur de l'enseignement pri-
, maire, et même le ministre, sans oublier le
Conseil supérieur.
Je voudrais les prier tous de me' suivre dans
nos écoles maternelles et dans nos classes en-
fantines, car il n'y aurait pas assez de la bonne
volonté de tous, de l'autorité de tous pour mo-
difier un système dont souffrent les enfants et
les maîtresses.
Nos visites nous conduiraient aujourd'hui
dans une. classe où sont réunis une trentaine
d'enfants. C'est un des nombres les plus faibles
que nous puissions rencontrer; la directrice n'a
donc aucun droit à une adjointe, et, comme cette
école est décorée du titre de classe enfantine,
quoiqu'elle ne soit annexée à aucune école pri-
maire, il n'y a pas défemme de service.
Evidemment, trente enfants à élever, à in-
struire j ce n'est pas un nombre/dispropor-
tionné, s'ils ont tous de six à sept ans, au besoin
même de cinq à sept ans; mais ici le plus
jeune a dix^huit mois ; quelques autres n'ont
pas deux.ans; il y en a de deux ans et demi,de
trois ans, de trois ans et demi; les aînés ont
sept ans....
Envisagez d'abord les difficultés purement,
matérielles auxquelles la maîtresse est en proie.
Elles sont insurmontables, car les petits ne
sont pas « propres » dans le sens spécial que
l'on donne à ce mot lorsqu'il s'agit de bébés ;
le plancher est souillé par places, l'odeur est
abominable. Les difficultés morales sont aussi
désolantes; la malheureuse maîtresse est obli-
gée à chaque instant d'interrompre son ensei-
gnement — car on exige d'elle de l'enseigne-
ment — pour s'occuper des bébés qui ont
impérieusement besoin d'être soignés, ou qui
se battent ou qui pleurent, car, ce pauvre éta-
blissement étant privé de tout matériel, les"
petits s'ennuient avec toutes les conséquences
de l'ennui..
Quand je suis entrée dans cette misérable
classe, la maîtresse faisait lire les grands —
car, je le répète, il faut leur enseigner quelque
chose à cet âge — et les petits, collés les uns
contre les autres sur un banc, étaient engourdis
par l'oisiveté. L'atmosphère était irrespirable.
Certes, la directrice aurait pu — elle aurait
dû — apporter quelques atténuations à cet état
pitoyable; elle aurait pu, par exemple— elle
aurait dû—laisser grandes ouvertes les fenêtres
placées très haut qui donnent sur la rue dé-
serte; elle aurait pu—elle aurait dû — s'ingé-
nier à fabriquer dû matériel, s'adresser à
quelques familles généreuses pour réunir des
jouets, des boites, des chiffons; elle aurait pu
-— donc elle aurait dû — se faire aider par les
pius: âgés pour les soins à donuer aux petits ;
mais, pour pouvoir ces choses, pour les vouloir,
il faudrait n'être pas découragée, écoeurée pil-
les difficultés'que je viens d'énumérer. 11 fau-
drait aussi que ceux qui sont non seulement
solidaires, mais responsables de cet état de
choses, usent de leur autorité et du droit que
la loi et les règlements leur confèrent pour
forcer la municipalité à transformer ce bouge
en une petite école, très modeste, je le veux
bien, mais honorable.
Or, de l'autre côté de la rue, juste en face,
il y a une garderie, une vraie garderie, où les
enfants sont reçus de deux à quatre ans. C'est
une salle de moyenne grandeur, blanchie à la
chaux, et attenant aune cour, très petite, limi-
trophe d'un grand jardin (le grand jardin appar-
tient aux mêmes propriétaires que la cour, et,
s'ils voulaient, rien ne serait plus facile que d'y
. conduire les enfants). Dans la. salle, il n'y a ni
tables pour écrire,, ni. tableaux de lecture, ni
cartes suspendues au mur, c'est-à-dire que, s'il
: y avait des jouets,, ce serait presque un Eldo-
i. rado.
Peut-être aurait-on pu confier les petits de
■■ l'école maternelle à la garderie d'en face? Ger-
: tainement.... Mais,... voilà : c'est que, d'abord,
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