Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1902-03-07
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 mars 1902 07 mars 1902
Description : 1902/03/07 (Numéro 9261). 1902/03/07 (Numéro 9261).
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2008
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iSociété du «PETIT PARISIEN
L'Assemblée générale des actionnaires du
Petit Parisien, dans sa séance du 5 mais
1902, a fixé le dividende de l'exercice 1901 à
tr. par chaque action où par chaque part
bénéficiaire.
En eoméquenee, le solde de ce dividende
sera mta en paiement, à partir du 7 mars, à
la Caisse sociale, 18, rue d'Enghien.
Il sera payé, en échange du coupon n» 55,
15 lr., soit net d'impôt: fr. 40 à
chaque action ou part bénéficiaire nomina-
tive; lâfr. O94t pour les titres au porteur.
Cheik-Saïd
C'est le nom d'un point stratégique de
'fpremiw ordre que la France occupa jadis
sur le détroit de Bab-el-Mandeb, au débou-
!«hé de la mer Rouge et de l'océan Indien
let où les Turcs se sont aujourd'hui ins-
lallës.
Il était tntal que l'attention se remportât sur
lui. L'Afrique est si bien partagée qu'il n'y
reste peu près rien à prendre désormais.
Le .rnorcejlerfleot économique du Céleste-i
jEmppe a commencé depuis quatre ans.
IJj'Aste antérieure, de la côte d'Arabie à la
frontière de l'Inde, suscite des convoitises
dont 't'incident prolongé de Koweyt a été
l'éclatant symptôme. C'est à qui saisira la
meilleure route vers cette presqu'île gan-
.Rétique qui, comme aux temps les plus
lointains et les plus fabuleux, demeure
;l'un des centres les plus actifs du commerce
L Allemagne, avec 1 appui de nos capi-
taux, se hâte de construire sa ligne ferrée
«le l'Eupfcr^. ï/Angfeterr**Gn vise le point
termmus sur le golfe Persique. La Russie
tprojette de faire traverser la Perse à ses
rails. Malgré tout, les marchandises lour-
des -l'immense majorité du trafic con-
tinueront* à; sillonner les me,rs. Et c'est pour-
quoi le détroit de Bab-el-Mandeb, cette
clef de la voie océanique, conservera toute
sa valeur.
Actuellement, par Aden et Perim, la
Grande-Bretagne en est la maîtresse. Obock
et Djibouti, où flotte notre drapeau, sont
un peu à l'écart du sillage des grands va-
leurs. Cb«k-Saïd, un port sur lequel nous
détenons d'incontestables' droits, et qu'on
sous remettait récemment en mémoire dans
les Questions Coloniales, nous donnerait une
d'un
cap abrupt. De tout temps les navigateurs en
comprirent l'importance. Dans la nuit des
siècles, le grand conquérant égyptien Sésos-
tris se saisit de ce poste, et en touillant au-
jourd'hui dans lès profondeurs du rivage,
en retrouve enoore les vestiges des monu-
,,m'en, qu'il y éleva.
Plus tard, au huitième siècle de notre ère,
Iles khalifes arabes y établirent une garni-
son. U9 millier d'années après, notre com-
patriote La Bourdonnais, se rendant à Pon-
«tichéry, Wy arrêta par hasard, frappé des
avantages du site, et y jeta un campement
dé la Compagnie des Indes.
lies Ahmia ne tardèrent pas à s'en empa-
rer et,fls gardèrent Cheik-Saïd jusqu'en 1866.
A ce moment, l'un de leurs chefs, Ali Ta-
fiat, offrit de vendre le territoire à un négo-
ciant nommé Mas, qui représentait à Aden
une maison de Marseille. Mas, qui ne vou-
lait pas prendre sur lui une telle responsa-
jbilité, associa un voyageur appelé Poilay,
qui revenait d'une fructueuse campagne due
négoce en Abyssinie. Et eh 1868 le marché
pxt conclu par-devant notre consul à Aden
et en présence de s*x témoins indigènes. Nos
compatriotes s'engageaient à payer 80,000
Ihaiaris, soit 425,000' francs dans un délai
de six mois. Ali 'l'abat 'signa en apposant
sur le papier l'empreinte de son doigt qu'il
Avait trempé dans l'enere.
Mais les difficultés ne tardèrent pas à
sargir. Le caïmacan ou gouverneur turc de
'Moka adressa une protestation à notre
«gent consulaire à Aden, alléguant qu'Ali
Tabal avait vendu ce qui ne lui appartenait
pas. En vain, Mas et Poilay offrirent au
gouvernement français de lui rétrocéder
leur acquisition; ils ne reçurent pas de ré-
Ne 48. Feuilleton du Petit Parisien.
LA BAIL LON NEE
GRAND ROMAN INÉDIT
TROISIÈME PARTI*
LE MENSONGE DE GERMAINE
M (suite)
L'Enquête
ri allait voir la tante de son ami, sons le
prétexte que celui-ci lui avait fourni pour
N'entretenir quelques minutes avec elle.
Après quoi il se retirerait.
Alors pourquoi ce serrement de coeur, ce
trouble grandissant qui l'agitait?.
Pourquoi cette appréhension, cette sorte
(l'angoisse même qui le prenait à la gorge ?
Sans doute c'était l'émotion que lui avait
causée la lettre de l'absent qui produisait
;en lui cet effet nerveux.
Tout à l'heure, cela se dissiperait.
I,e cocher avait fait stopper son équipage.
Christian leva les yeux et aperçut devant
lui la fine architecture de. Saint-Laurent.
11 sauta sur le trottoir et régla le prix de
Ja course.
Puis il gagna le boulevard Magenta, qu'il
(remonta lentement.
Il avait pris le côté opposé à celui de la
Pttjte Ménagère.
II avançât le coeur battant de plus en
pense, et devant ce silence une maison de
Marseille crut pouvoir occuper Cheik-SaïdL,
où s'érigèrent quelques habitations et un
comptoir commercial.
Les Anglais, qui manoeuvraient sous
main, ne se tinrent pas pour battus. Ils
firent attaquer Ali Tabat par des tribus in-
digènes, espérant bien qu'elles pousseraient,
jusque devant nos factoreries. Lorsqu'elles'
eurent été écrasées, ce fut le caimacan de
Moka lui-même qui débarqua avec 250 hom-
mes au nom du pacha ottoman de l'Yémen.
Peut-être, dès ce moment, aurions-nous
délaissé le territoire si la guerre avec l'Al-
I lemagne n'avait pas éclaté et si notre gou-
vernement n'avait pas estimé profitable une
installation provisoire à Cheik-Saïd. Les
Turcs partirent courtoisement et prudem-
ment à l'arrivée de notre escadre. Quatre
navires restèrent dans les parages et un
dépôt de charbon fut créé sans délai.
On eût pu croire que nous garderions
une acquisition si peu onéreuse. Il n'en fut
rien. Nos bâtiments se retirèrent; le dépôt
fut abandonné, et la maison de Marseille,
qui jusque-là avait entretenu des agents,
jugeant la position intenable, évacua ses
constructions.
La partie était belle pour les Turcs, qui
n'avaient plus rien à redouter. En 1885,
le gouverneur du Yémen ordonna que la
place fût réoecupée et que les vestiges de
notre installation fussent effacés. Une ca-
serne fut élevée pour recevoir 250 fantas-
sins et 50 artilleurs, et un télégraphe établi
qui faisait communiquer les deux posses-
sions anglaises d'Aden, sur l'océan Indien,
et de Perim, dans le détroit de Bab-el-
Mandeb. Si l'on en croit des informations
récentes, le sultan, pénétré de l'importance
de sa trop facile et illégitime conquête, au-
rait grossi fortement la garnison et l'aurait
dotée d'une dizaine de canons.
Nos droits sur Cheik-Saïd sont d'ailleurs
hors de toute contestation, c'est-à-dire
qu'au cas où un jour ou l'autre une reprise
de possession nous paraîtrait commandée
par nos intérêts, aucune puissance ne pour-
rait s'y opposer de bonne foi.
Dans les trente dernières années, à maintes
reprises des missions scientifiques ont été
onvoyées vers notre dépendance, soit pour
étudier la flore et la faune du littoral, soit
pour relever les fonds marins. Qu'il suffise
de citer les expéditions du commandant At-
quier, du commandant Bouchey et du com-
mandant Lespès. Tous ceux de nos compa-
tnotes qui ont visité cette partie de la côte
d'Arabie ont reconnu à la fois sa valeur
stratégique et l'importance économique
très réelle qu'elle pourrait prendre. Rien,
dans nos actes, n'a manifesté de notre part
une velléité d'abandonner définitivement la
région.
Les Turcs, de leur côté, et quelques affir-
mations qu'ils aient parfois émises, n'ont
jamais été très sûrs de la validité de leurs
prétentions sur Cheik-Saïd.
En 1863, avant que le marché n'eût été
conclu entre Ali Tabal et MM. Mas et Poi
lay, un navire anglais ayant été pillé au
large de ce port, le sultan déclina toute res-
ponsabilité, en alléguant son absence de su-
zeraineté.
Plus tard, lorsque nous primes la réso-
lution d'établir un dépôt de charbon, la
Porte ne souleva aucune difficulté et s'em-
ploya plutôt à nous faciliter notre tâche.
Enfin, en 1873, cédant à l'Angleterre quel-
ques territoires environnants, elle reconnut
l'indépendance de toute cette côte. C'est dire
qu'elle met garnison à Cheik-Saïd en usant
de notre seule tolérance, mais non point
d'un titre réel de propriété.
Il est indéniahle que Cheik-Saïd, à une
date plus ou moins proche, estappelé à jouer
un rôle décisif sur la route des Indes. Si une
grande puissance, la France en première
ligne, tenait fortement ce point, elle com-
manderait le passage entre Suez et Bombay.
En face du fortin que les Turcs ont élevé en
1885, le détroit de Bab-el-Mandeb, qui fait
communiquer la mer Rouge et l'océan In-
dien, n'a que vingt-huit kilomètres de lar-
geur, c'est-à-dire quelques kilomètres de
moins que le Pas de Calais, entre Douvres
et Calais.
La Grande-Bretagne est actuellement
maîtresse du canal, par l'îlot de Perim
qu'elle possède depuis 1857. Mais Perim,
qui n'est qu'à une lieue environ au-devant
de Cheik-Saïd, est dominé de haut par les
promontoires de notre ancienne dépen-
plus fort dans sa poitrine, dans sa poitrine
sur laquelle il sentait le portrait de sa mere
et il éprouvait un sentiment bizarre, un
sentiment qu'il eût été incapable de dé-
finir.
Vraiment que se passait-il donc en lui ?
C'était singulier.
Soudain le jeune homme s'arrêta et il
s'appuya à un banc, le visage couvert d'une
pâleur subite.
En face de lui, il venait de reconnaître
l'emplacement de la Petite Ménagère.
Mais l'emplacement seul.
Les volets de la boutique étaient clos.
Accrochée à l'un d'eux, une grande pancarte
s'étalait.
Sur cette pancarte, en grosses lettres
il lut. une inscription.:
MAGASIN A LOUER
A cette vue, Christian resta debout, les
prunelles grandes ouvertes, comme pétrifié.
Voyons, il ne rêvait pas.
C'était vrai, ce qu'il voyait, cette boutique
fermée avec un air de deuil, cet écriteau
portant ces mots qu'il répétait en lui-même
comme si le sens lui en échappait
c Magasin à louer ».
C'était donc que la Petite Ménagère n'exis-
tait plus, que les habitants étaient partis,
disparus.
Disparus
Cette idée fouetta le sang du jeune homme
et l'arracha à son hébétude.
Ce n'était pas admissible. On ne disparaît
pas ainsi.
Dans le quartier, on devait savoir ce
qu'étaient devenues la tante et la cousine
de Raymond.
Peut-être même avait-il tort de s'alarmer
sur leur aurt j
dance. Il pourrait être annula par les plus
Aden est incomparablement plus apte à
la résistance, quoique sa situation soit moins
bonne. Les Anglais en ont fait un Gibraltar
de l'Orient, et près de quatre mille hommes
de troupes y résident en permanence. Mais
cette ville souffre d'un manque d'eau légen-
daire. Certaines citernes restent parfois
deux et trois ans sans se remplir, tant les
pluies sont rares et peu abondantes C'est
un gros inconvénient pour un port militaire
qui est en mêmes temps un port de com-
merce.
Cheik-Saïd pourrait rapidement détrôner
Aden. Situé i l'endroit le plus resserré du
Bab-el-Mandeb, il est destiné en outre il.
desservir cette région de l'Arabie, peuplée
de plus de deux millions d'âmes, dont Moka,
Hodeïdah, Sana sont les centres. Là pros-
pèrent l'élevage et des cultures variées qui
fourniraient un trafic important.
Avec Djibouti et Obock sur la côte afri-
caine, à la lisière du pays abyssin avec
Cheik-Saïd sur le littoral asiatique, au dé-
bouché d'une zone qui est naturellement
fertile, la France peut occuper un jour une
position prépondérante sur la route des
A coup sûr, l'heure n'est pas aux expan
sions coloniales, et les conquête^ réalisées
depuis vingt ans par la République autori-
sent un temps d'arrêt mais il sied du moins
de rappeler ses droits, pour empêcher qu'ils
ne paraissent pérïrtiés et que d'autres, plu»
pressés, ne se croient autorisés à les mécon-
naître.
JEAN FROLLO
Faits du Jour
HIER
Le Sénat a continué le débat sur lama-
rine marchande.
La Chambre a entamé la discussion de
la loi de finances.
*•– Le congrès des mineurs, à Alais, pour-
suit ses délibét'ations.
»•»• On signale en Turquie diverses colli-
sioas, en Albanie et en Macédoine; par ailleurs,
le sultan sévit contre ses hauts fonctionnaires.
~v<~ L'assassin de la petite Angèle Chèze est
actuellement connu. La police le recherche.
Les fêtes de la mi-carême ont eu lieu
avec l'éclat accoutumé.
Une explosion s'est produite dans une
usine de Givors, près Lyon, faisant trois vic-
times.
Les débats de l'affaire Meyerae sont
ouverts devant les assises du Rhône. -v-
AUJOURD'HUI
«̃*»«• Séances à la Chambre et au Sénat.
LE VOYAGE DE le LOI»
M. de Lanessan, ministre de la Marine,
a été appelé, hier après-midi, à l'Elysée,
pour conférer avec M. le Président de la
République au sujet de son prochain voyage
en Russie.
Le ministre de la Marine a été prié d'exa-
miner quels étaient les bâtiments de notre
flotte susceptibles de faire le voyage de
Dunkerque à Cronstadt.
Il y a, en eflet, à tenir compte de la pro-
fondeur des passes à franchir et de l'état
probable de la mer à l'époque où s'effec-
tuera le voyage présidentiel, car il est vrai-
semblable que les navires qui seront en-
voyés en Russie rencontreront encore des
glaces au mois de mai prochain.
La question de l'installation intérieure
des bâtiments appelés à faire le voyage mé-
rite également d'être examinée afin que
cette installation puisse se prêter à l'amé-
nagement spécial auquel il sera procédé.
Ajoutons que toutes les indications qui
pourraient être données en ce moment sur
le choix éventuel de tel ou tel navire ou sur
la désignation du contre-amiral chargé de
commander l'escadre qui accompagnera le
Président de la République, seraient pré-
maturées.
Toutes ces questions seront soumises
aux délibérations d'un des prochains con-
seils des ministres.
Disons encore que, d'après nos rensei-
gnements, M. Delcassé, ministre des Affai-
res étrangères, sera le seul membre du ca-
La Petite Ménagère avait vécu cela ne
prouvait pas que celles qui l'avaient aban-
donnée fussent dans une situation précaire,
désespérée.
Il fallait se renseigner, et surtout ne pas
se hâter tout de suite de voir ainsi les choses
sous leur face sombre.
Car, en apercevant cette grande boutique
aux volets mornes, le cœur de Christian.
aussitôt avait été étreint par le pressenti-
ment d'un malheur.
Peut-être étaient-ce les craintes exprimées
dans la lettre de Raymond qui le rendaient
à ce point impressionnable.
Il rallait réagir, et se rendre compte des
événements tout de suite, sans perdre un
instant.
Il traversa la chaussée et se trouva de-
vant l'immeuble qui avait abrité jadis la
Petite Ménagère.
A droite du magasin, la porte cochère se
dressait, haute et massive.
Christian en franchit le seuil.
Immédiatement, a gauche, il distingua
une loge, à l'entrée d'un escalier.
A l'intérieur, un homme à face apoplec-
tique surmontée d'une calotte grecque et en-
foncé béatement dans un fauteuil qui ne
semblait pas assez large pour sa corpulence,
était occupé à lire son journal.
Le jeune homme poussa la porte.
Pardon, monsieur, s'enquit-il, vous êtes
le concierge de cet immeuble ?
L'homme à la calotte grecque leva les
yeux vers le questionneur sans que ses
mailla quittassent le journal.
Oui, monsieur, grogna-t-il. Vous de-
mandez ?.
Christian, sans s'arrêter à ce que cet ac-
cueil avait de peu encourageant, reprit
Je voudrais avoir un renseignement.
MM. le général Dubois et Combarieu,
secrétaires généraux de la présidence, pren-
dront part au voyage, ainsi que la plupart
des ofticiers de la maison militaire de M.
Loubet.
LA TERREUR A CONSTANTÎNOPLE
Constantinople, 6 mars.
Parmi les officiers arrêtés avant-hier se
trouve le général Nazmi pacha, gendre de
l'ancien grand-yizir Ali pacha.
Toutes ces arrestations sont attribuées à
l'influence funeste de Fehin pacha, chef de
la police secrète du palais.
Le général Osman pacha qui fut arrête
immédiatement après son arrivée à Cons-
tantinople, où l'avait attiré la promesse
d'être gracié, a été condamné à mort au-
jourd'hui par le tribunal criminel pour
haute trahison. La sentence sera, bien en-
tendu, commuée en celle de l'emprisonne-
ment perpétuel.
Les rapports reçus de Macédoine signa-
lent une grande activité de la part du co-
mité macédonien. Plusieurs bandes armées
auraient fait leur apparition dans différents
districts.
L'Assassiatf m Mette
Le Coupable. La Tanière du Criminel.
La Ficelle du Crime. Répugnant
Satyre
Les renseignements que, seul, le Petit Pari-
sien a fournis sur l'assassin d'Angèle Chèze,
étaient des plus exacts.
Ainsi que nous l'avons dit, ce misérable
avait déjà été arrêté pour avoir enlevé jadis
une fillette.
Si son arrestation n'est pas opérée à l'heur?
actuelle, la police est sur ses traces, et il ne
peut manquer de tomber entre les: mains des
agents de la sûreté qui le recherchent.
L'Assassin
L'assassin est un nommé Hector Ducocq,
âgé de trente-deux ans, originaire de Bruxel-
les (Belgique). Il habitait 80, rue Caulain-
court, dans une petite baraque, sous le faux
nom de Masson.
Voici dans quelles conditions le service de
la sûreté est arrivé à le découvrir.
Dans la soirée de mardi dernier, M. Cpcbe-
fert, alors qu'il se tenait dans le cabinet de
M. Dupuis, commissaire de police du quar-
tier des Grandes-Carrières, recevait la visite
d'une personne qui demandait à l'entretenir
en particulier.
Le chef de la süreté fit entrer l'inconnue
dans son cabinet.
Je connais, lui dit-elle, l'assassin de la
petite Angèle Chèze; je vais vous donner sur
lui toutes les indications utiles, mais je vous
demanderai en échange de ne pas livrer mon
nom aux journaux, car le coupable est un
homme dangereux et s'il apprenait que c'est
moi qui l'ai dénoncé, je ne vivrais plus tran-
quille, car j'aurais tout à craindre de sa ven-
geance.
Dimanche matin, vers neuf heures, j'ai
aperçu cet homme qui se nomme Lasson ou
Masson, je ne sais pas au juste, dans la rue
Caulaincourt. Il tenait à la main une petite
fille qui doit être la malheurense fillette
étranglée; je n'ai pu apercevoir le visage de
l'enfant; mais je me souviens qu'elle avait
sur le dos un petit manteau que je reconnaî-
trais sûrement si on me le représentait.
M. Cochefert envoya aussitôt chercher Id
manteau dans lequel l'assassin avait enve-
loppé sa victime et il le montra à son inter-
locutrice.
Elle l'examina attentivement et s'écria peu
après
Oui, c'est bien ça; c'est le vêtement dont
était vêtue la fillette.
Cet homme, ajouta-t-elle, habite dans une
petite baraque, 80, rue Caulaincourt. C'est
chez lui qu'il a dû entrainer la petite victime.
Le Repaire du Misérable
On se rendit aussitôt à l'adresse indiquée,
mais le misérable se tenait sur ses gardes. 11
avait appris, dans la journée, que des agents
de la sûreté avaient battu le quartier et qu'il
avait été désigné comme un homme dange-
reux. Il avait alors cherché à vendre ses
meubles, mais le marchand à qui il s'était
adressé n'avait pas voulu en faire l'achat.
Quand les agents se présentèrent à sa porte,
il s'enfuit par le jardinet donnant derrière sa
maison et gagna le large au plus vite.
La cabane habitée par l'assassin est cons-
truite en bois et couverte en papier bitumé.
Elle est fort étroite et ne se compose que
d'une seule pièce.
Une souricière fut établie aux abords de
cette cahute, mais l'oiseau de proie n'eut
garde de revenir dans son nid.
Un renseignement
Oui, sur les locataires du magasin.
Ah le magasin Mais il est à louer.
Je sais. J'ai vu l'écriteau.
Et vous voudriez le visiter ? ni-il avec
une sorte de crainte.
Décidément cet homme était aussi bête
que paresseux.
Il ne s'était pas dérangé de son fauteuil,
opération qui devait d'ailleurs offrir pas
mal de difficultés, et en demandant a
Christian si celui-ci avait vraiment le désir
de 'visiter les lieux à louer, ses gros yeux
ronds avaient roulé dans leur orbite avec
une expression comique de terreur.
Le jeune homme eut un mouvement d'im-
patience.
Voyons, fit-il un peu sèchement, il s'a-
girait de nous comprendre. Je vous ai dit
que j'avais besoin d'un renseignement sur
les anciennes locataires du magasin. C'eat
clair. Pouvez-vous me dire ce qu'elles sont
devenues, et où elles habitent?.
Où elles habitent ?
Qui.
La voix de l'homme à la calotte grecque
se fit goguenarde.
Pour ça, monsieur, il faut vous adres-
ser ailleurs.
Christian fronça les sourcils.
Que voulez-vous dire?
Tout simplement que je ne le sais pas
plus que vous. Et Euphrasie, mon épouse,
pas davantage que moi, attendu que nous
n'avons l'honneur d'être les gardiens,
monsieur, vous entendez, et non les con-
cierges de la maison, que depuis un an
et demi.
Eh bien ?
En bien, il y avait six mois déjà que
M. Cochefert, muni d'un mandat de M. Le
Poittevin, jupe d'instruction, faisait ouvrir
alors la porte de la cabane et se livrait à une
minutieuse perquisition.
Elle est meublée sommairement d'un mau-
vais lit en acajou, d'un poêle, de deux chaises
en paillé et d'une table en bois blanc.
Les vêtements du fugitif étaient accrochés
2 la muraille. Cette circonstance dénotait
qu'il n'avait pas eu le temps de se vêtir con-
venablement quand il s'était sauvé.
Les Preuves
Dans la pièce, M. Cochefort ne trouva rien
de suspect.
Mais, dans le jardinet, le chef de la sdreté
découvrit un assez grand nombre de bouts
de ficelle, et cette ficelle était absolument
semblable à celle qui a servi à étrangler l'in-
fortunée Angèle Chèze et à la ligoter.
Le doute n'était plus possible.
Masson, car à ce moment on ne le connais-
sait que sous ce nom, était bien réellement
l'assassin.
Cela était établi par sa fuite précipitée et
inexplicable d'abord, et ensuite par cette
ficelle révélatrice.
Masson habitait à cet endroit depuis près
de deux ans, en compagnie d'une fille de
mœurs légères, connue seulement sous le
prénom de Blanche. Cette femme était partie
depuls. quelque temps pour se rendre à
Nice.
La vie de Masson était des plus mystérieu-
ses. Il ne se montrait pas dans la journée, et
il sortait seulement de chez lui à la nuit tom-
bante, pour rentrer entre trois et quatre heu-
res du matin.
Une Fillette enlevée
M. Cochefert se livra aussitôt à des recher-
ches pour découvrir le passé de Masson. On
ne trouva rien à ce nom au service anthropo-
métrique.
C'eBt alors qu'en consultant les dossiers
de la préfecture de police, on apprit qu'au
mois de septembre 1898, une petite fille
nommée Marie B. âgée de huit ans, avait
été enlevée, boulevard Ménilmontant, dans
les mêmes eircontances que la jeune Angèle
Chèze.
Mais Marie B. ne fut pas tuée, et comme
Angèle Chèze, elle n'avait subi aucune vio-
lence.
Son ravisseur la garda chez lui pendant une
journée et demie et, afin de l'empêcher de
prendre la fuite, il l'avait attachée au pied de
son lit.
Le misérable ne violenta pas l'enfant, mais
les scènes qui se produisirent ne peuvent se
raconter.
Le ravisseur rendit la liberté à sa petite
victime le 29 septembre au soir.
Marie B. raconta à son frère d'abord, puis
à seg parents, sa navrante histoire.
La police fut avisée de ces faits et Marie B.
très intelligent, conduisit les agents dans la
maison où son ravisseur l'avait emmenée,
c'est-à-dire au numéro 269 du boulevard
Voltaire.
On retrouva l'homme c'était un nommé
Hector Ducocq.
Il fut arrêté et mis à la disposition de M. de
Cosnac, juge d'instruction.
Mais le misérable se défendit d'être l'au-
teur de ce rapt. Mis en présence de Marie B.
il soutint énergiquement que l'enfant mentait.
Comme il n'y avait pas eu de violences,
M. de Cosnac ne crut pas devoir déférer Du-
cocq à la justice, et il le remit en liberté.
L'inculpé n'avait pas été photographié par
le service anthropométrique.
Identité établie
M. Cochefert ne put donc représenter aux
parents de la petite Marie B. la photographie
de Ducocq, mais le signalement qu'il donna
de cet,individu correspondait d'une façon pré-
cise a celui du ravisseur. Seulement Ducocq
avait quitté le quartier depuis son arresta-
tion.
Un marchand des quatre-saisons annonça
qu'il l'avait aperçu, à différentes reprises, à
Montmartre, et qu'il devait habiter rue Cau-
laincourt.
Cette fois l'identité était établie. Ducocq
n'était autre que Masson.
Il avait quitté le boulevardVoltaire et changé
de nom à la suite des faits suivants
Quinze jours après sa mise en liberté, Du-
cocq était entré au service de M. Lévy, mar-
chand aux Halles, 33, rue Berger.
Peu après, il disparaissait en emportant
une somme de 4,500 francs.
Pour ce fait, il fut condamné par défaut à
dix ans de réclusion par la cour d'assises de
la Seine.
Mais la police le rechercha en vain; à ce
moment il se cachait déjà rue Caulaincourt,
sous le nom de Masson.
Le Mobile du Crime
Il apparaît maintenant que, si Ducocq a
assassiné la jeune Angèle Chèze, c'est qu'il
craignait d'être dénoncé par elle.
Le misérable se rappelait qu'en laissant la
vie sauve à Marie B. la première victime
de sa lubricité, il avait été arrêté grâce à ses
Indications.
l'écriteau se balançait sur la porte du ma-
gasin.
Il triomphait le gros bonhomme.
Et ça ne lui déplaisait pas 1( d'en boucher
un coin ce jeunes mirliflor qui venait
ainsi l'attacher aux péripéties de son feuil-
leton, et qui, par-dessus le' marché, l'appe-
lait concierge.
Christian était devenu atterré.
C'est bien 1 répondit-il. Je vous re-
mercie.
Il sortit.
Maintenant il n'essayait plus de dominer
l'angoisse dont son cœur débordait.
De son entretien avec ce cerbère gro-
tesque il était résulté pour lui une certitude.
C'est que depuis plus de deux années la
tante de son ami avait cessé son modeste
commerce.
Est-ce que réellement ce départ cachait
un drame, un drame comme celui que les
pressentiments de Raymond semblaient re-
douter.
Comment savoir, où avoir l'explication de
Ce mystère, à qui s'adresser pour obtenir
un renseignement, un indice quelconque, le
moindre éclaircissement?.
Pourtant il était inadmissible que parmi
tant de gens qui avaient entouré la pauvre
femme et dont les boutiques étaient voi-
sines de la sienne, aucun ne fût au cou-
rant du motif de la disparition de la Petite-
Ménagère.
S'il s'adressait l'un d'eux?.
Oui, c'était une idée, et Il fallait que
véritablement il Mt bien troublé, pour qu'elle
ne lui fût pas venue plus tôt.
Il avait fait quelques pas en redescen-
dant machinalement le boulevard.
Il regarda.
Ln lace de lui, peinte de blanc, pimpante,
Aussi, le bandit n'a-t-il pas craint de com-
mettre un crime pour cacher son abominable
forfait et dépister la justice.
Le corps d'Angèle Chèze sera transporté,
aujourd'hui, de la morgue au domicile dea
parents de la fillette, au numéro 86 de la rue
Lamarck.
Les obsèques auront lieu demain.
LES CAVALCADES
LA MI-CAREME
Une Fête populaire. A l'Hôtol du Petit
Parisien. Sur la Rire droite et sur
la Rive gauche. Avalanche de con-
fetti. Journée bien remplie.
Le mardi gras est mort! c'est entendu,
Mais on n'en urrait dire autant de la
mi-carême. Quelle exubérance, quelle
gaieté durant toute cette sptendide journée
d'hier. Car il n'y a pas 4 le contester, Paris
et les Parisiens ont été gratifiés d'une véri-
table journée de printemps. Dès les premiè-
res heures du jour, le soleil resplendissait
dans un ciel bleu, d'uae limpidité et d'une
clarté toutes méridionales.
On eut pu âe croire transporté sur la. rôt»
d'Azur, tant la température était douce. bref,
une journée parfaite, consacrée toute en-
tière à la joie populaire-
Les grincheux il y en a et il y en aura
toujours ont bien tenté de jeter une pe-
tite note discordante en critiquant les co.
mités qui avaient organisé, sur la rive droite
et sur la rive gauche deux cavalcades qui,
certes, on peut bien le dire, sans crain-
dre d'éveiller ou de froisser la moindre sus-
ceptibilité n'avaient pas l'ampleur et l'im-
portance désirables pour une ville comme
Paris. On peut évidemment faire mieux, et
plus grand et plus .luxueux, mais ni plua
frais ni plus pimpant.
Il convient également de faire entrer ért
ligne de compte le maigre, trop maigre bud.
get dont disposent les organisateur. Il se-
rait nécessaire dé décupler les subvention*
mises à la disposition du comité des halles
et marchés ou de celui des étudiants, pour)
obtenir un résultat satisfaisant.
Le but n'en a pas moins été atteint puis-
que tout Paris était dehors hier et s'est
amusé franchement.
La Matinée
Ceci dit, jetons un coup oeil rapide Sur
les préparatifs de la cavalcade de la rive
droite, nous parlerons ensuite de celle de la
rive gauche.
Il avait été décidé que chaque marché
appartenant au groupe disposerait de sa
matinée pour rendre visite aux commer-
çants et aux amis domiciliés dans son voisi-
nage.
Mais rendez-vous était pris pour onze heu-
res et demie du matin, àl'hôtel du Petit Pa-
risien; c'est là que devaient se réunir les
cavalcades des quatre grands marchés
avant leur départ pour l'avenue des Champs-
Elysées, assignée comme point de concen-
tration général.
Autour du vieux Temple– le mort-vivant,
comme l'appellent ironiquement les habi-
tants du quartier, faisant allusion aux me-
naces de démolition toujours irréalisées de
l'administration autour du vieux Temple
il y avait affluence dès neuf heures et demie
du matin..
La Reine des reines, Mme Berthe Roch^
dont nous donnons ici le portrait, d'après
fraîche, coquette, il vit la boutique d'un p4»
tissier.
Pourquoi pas ?. Ce pâtissier était éga.
lement boulanger. C'était chez lui sans
doute qu'autrefois la tante de Raymond r
fournissait de pain.
Il posa sa main, gantée sur ie bec de
Cane, et pénétra dans le magasin.
Au comptoir, tout blanc également, aves
des amours en guirlande, une femme de
vingt-six à vingt-huit ans se tenait.
Elle examina ce jeune homme bien mis,
distingué, à la figure douce et sympathique.
qui, incliné légèrement devant elle, expii-
quait
Excusez ma liberté, madame. J'avais
besoin d'un renseignement, et j'ai penaé que
votre obligeance ne me le refuserait pas.
Vous avez parfaitement pensé mon.
sieur, sj. toutefois il m'est possible de vous
satisfaire.
Elle souriait, avenante.
Décidément ce jeune homme lui plaisaU
beaucoup.
Christian précisa.
Ce renseignement concerne madame
Rainville.
.La jeune femme eut une exclamation.
Madame Rainville?
Et tout de suite en un flux de paroles
chaudes, abondantes
Oh la pauvre dame Quel coup que
celui qui l'a frappée! Certes elle ne la
méritait pas, elle si vaillante, si courageuse,
avec sa petite Germaine qui était bien !•
plus délicieuse des enfants. C'est toujours
ceux-là que le Destin accable, et c'est à croi-
re qu'il n'existe pas de justice au monde t.
(A suivre.) Pierre Decouroeuï.
{{«production et traduction rtaerviM,
six PAGES & centixaes SIX pages
VENDREDI 7 MARS 190&.
DIRECTION
:i8, rue d'Enghien, PARIS (10*)
TBLBPHONB N" 1M.7S 1M.7S 115 JO
£8 Maaaaerita non inmiré» ne sont pas rendaa.
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Les Annonces et Réclames sont reçue*
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»O, Plaoe de la Bours«, jPARtfl f^tf
Dernière Édition
iSociété du «PETIT PARISIEN
L'Assemblée générale des actionnaires du
Petit Parisien, dans sa séance du 5 mais
1902, a fixé le dividende de l'exercice 1901 à
tr. par chaque action où par chaque part
bénéficiaire.
En eoméquenee, le solde de ce dividende
sera mta en paiement, à partir du 7 mars, à
la Caisse sociale, 18, rue d'Enghien.
Il sera payé, en échange du coupon n» 55,
15 lr., soit net d'impôt: fr. 40 à
chaque action ou part bénéficiaire nomina-
tive; lâfr. O94t pour les titres au porteur.
Cheik-Saïd
C'est le nom d'un point stratégique de
'fpremiw ordre que la France occupa jadis
sur le détroit de Bab-el-Mandeb, au débou-
!«hé de la mer Rouge et de l'océan Indien
let où les Turcs se sont aujourd'hui ins-
lallës.
Il était tntal que l'attention se remportât sur
lui. L'Afrique est si bien partagée qu'il n'y
reste peu près rien à prendre désormais.
Le .rnorcejlerfleot économique du Céleste-i
jEmppe a commencé depuis quatre ans.
IJj'Aste antérieure, de la côte d'Arabie à la
frontière de l'Inde, suscite des convoitises
dont 't'incident prolongé de Koweyt a été
l'éclatant symptôme. C'est à qui saisira la
meilleure route vers cette presqu'île gan-
.Rétique qui, comme aux temps les plus
lointains et les plus fabuleux, demeure
;l'un des centres les plus actifs du commerce
L Allemagne, avec 1 appui de nos capi-
taux, se hâte de construire sa ligne ferrée
«le l'Eupfcr^. ï/Angfeterr**Gn vise le point
termmus sur le golfe Persique. La Russie
tprojette de faire traverser la Perse à ses
rails. Malgré tout, les marchandises lour-
des -l'immense majorité du trafic con-
tinueront* à; sillonner les me,rs. Et c'est pour-
quoi le détroit de Bab-el-Mandeb, cette
clef de la voie océanique, conservera toute
sa valeur.
Actuellement, par Aden et Perim, la
Grande-Bretagne en est la maîtresse. Obock
et Djibouti, où flotte notre drapeau, sont
un peu à l'écart du sillage des grands va-
leurs. Cb«k-Saïd, un port sur lequel nous
détenons d'incontestables' droits, et qu'on
sous remettait récemment en mémoire dans
les Questions Coloniales, nous donnerait une
d'un
cap abrupt. De tout temps les navigateurs en
comprirent l'importance. Dans la nuit des
siècles, le grand conquérant égyptien Sésos-
tris se saisit de ce poste, et en touillant au-
jourd'hui dans lès profondeurs du rivage,
en retrouve enoore les vestiges des monu-
,,m'en, qu'il y éleva.
Plus tard, au huitième siècle de notre ère,
Iles khalifes arabes y établirent une garni-
son. U9 millier d'années après, notre com-
patriote La Bourdonnais, se rendant à Pon-
«tichéry, Wy arrêta par hasard, frappé des
avantages du site, et y jeta un campement
dé la Compagnie des Indes.
lies Ahmia ne tardèrent pas à s'en empa-
rer et,fls gardèrent Cheik-Saïd jusqu'en 1866.
A ce moment, l'un de leurs chefs, Ali Ta-
fiat, offrit de vendre le territoire à un négo-
ciant nommé Mas, qui représentait à Aden
une maison de Marseille. Mas, qui ne vou-
lait pas prendre sur lui une telle responsa-
jbilité, associa un voyageur appelé Poilay,
qui revenait d'une fructueuse campagne due
négoce en Abyssinie. Et eh 1868 le marché
pxt conclu par-devant notre consul à Aden
et en présence de s*x témoins indigènes. Nos
compatriotes s'engageaient à payer 80,000
Ihaiaris, soit 425,000' francs dans un délai
de six mois. Ali 'l'abat 'signa en apposant
sur le papier l'empreinte de son doigt qu'il
Avait trempé dans l'enere.
Mais les difficultés ne tardèrent pas à
sargir. Le caïmacan ou gouverneur turc de
'Moka adressa une protestation à notre
«gent consulaire à Aden, alléguant qu'Ali
Tabal avait vendu ce qui ne lui appartenait
pas. En vain, Mas et Poilay offrirent au
gouvernement français de lui rétrocéder
leur acquisition; ils ne reçurent pas de ré-
Ne 48. Feuilleton du Petit Parisien.
LA BAIL LON NEE
GRAND ROMAN INÉDIT
TROISIÈME PARTI*
LE MENSONGE DE GERMAINE
M (suite)
L'Enquête
ri allait voir la tante de son ami, sons le
prétexte que celui-ci lui avait fourni pour
N'entretenir quelques minutes avec elle.
Après quoi il se retirerait.
Alors pourquoi ce serrement de coeur, ce
trouble grandissant qui l'agitait?.
Pourquoi cette appréhension, cette sorte
(l'angoisse même qui le prenait à la gorge ?
Sans doute c'était l'émotion que lui avait
causée la lettre de l'absent qui produisait
;en lui cet effet nerveux.
Tout à l'heure, cela se dissiperait.
I,e cocher avait fait stopper son équipage.
Christian leva les yeux et aperçut devant
lui la fine architecture de. Saint-Laurent.
11 sauta sur le trottoir et régla le prix de
Ja course.
Puis il gagna le boulevard Magenta, qu'il
(remonta lentement.
Il avait pris le côté opposé à celui de la
Pttjte Ménagère.
II avançât le coeur battant de plus en
pense, et devant ce silence une maison de
Marseille crut pouvoir occuper Cheik-SaïdL,
où s'érigèrent quelques habitations et un
comptoir commercial.
Les Anglais, qui manoeuvraient sous
main, ne se tinrent pas pour battus. Ils
firent attaquer Ali Tabat par des tribus in-
digènes, espérant bien qu'elles pousseraient,
jusque devant nos factoreries. Lorsqu'elles'
eurent été écrasées, ce fut le caimacan de
Moka lui-même qui débarqua avec 250 hom-
mes au nom du pacha ottoman de l'Yémen.
Peut-être, dès ce moment, aurions-nous
délaissé le territoire si la guerre avec l'Al-
I lemagne n'avait pas éclaté et si notre gou-
vernement n'avait pas estimé profitable une
installation provisoire à Cheik-Saïd. Les
Turcs partirent courtoisement et prudem-
ment à l'arrivée de notre escadre. Quatre
navires restèrent dans les parages et un
dépôt de charbon fut créé sans délai.
On eût pu croire que nous garderions
une acquisition si peu onéreuse. Il n'en fut
rien. Nos bâtiments se retirèrent; le dépôt
fut abandonné, et la maison de Marseille,
qui jusque-là avait entretenu des agents,
jugeant la position intenable, évacua ses
constructions.
La partie était belle pour les Turcs, qui
n'avaient plus rien à redouter. En 1885,
le gouverneur du Yémen ordonna que la
place fût réoecupée et que les vestiges de
notre installation fussent effacés. Une ca-
serne fut élevée pour recevoir 250 fantas-
sins et 50 artilleurs, et un télégraphe établi
qui faisait communiquer les deux posses-
sions anglaises d'Aden, sur l'océan Indien,
et de Perim, dans le détroit de Bab-el-
Mandeb. Si l'on en croit des informations
récentes, le sultan, pénétré de l'importance
de sa trop facile et illégitime conquête, au-
rait grossi fortement la garnison et l'aurait
dotée d'une dizaine de canons.
Nos droits sur Cheik-Saïd sont d'ailleurs
hors de toute contestation, c'est-à-dire
qu'au cas où un jour ou l'autre une reprise
de possession nous paraîtrait commandée
par nos intérêts, aucune puissance ne pour-
rait s'y opposer de bonne foi.
Dans les trente dernières années, à maintes
reprises des missions scientifiques ont été
onvoyées vers notre dépendance, soit pour
étudier la flore et la faune du littoral, soit
pour relever les fonds marins. Qu'il suffise
de citer les expéditions du commandant At-
quier, du commandant Bouchey et du com-
mandant Lespès. Tous ceux de nos compa-
tnotes qui ont visité cette partie de la côte
d'Arabie ont reconnu à la fois sa valeur
stratégique et l'importance économique
très réelle qu'elle pourrait prendre. Rien,
dans nos actes, n'a manifesté de notre part
une velléité d'abandonner définitivement la
région.
Les Turcs, de leur côté, et quelques affir-
mations qu'ils aient parfois émises, n'ont
jamais été très sûrs de la validité de leurs
prétentions sur Cheik-Saïd.
En 1863, avant que le marché n'eût été
conclu entre Ali Tabal et MM. Mas et Poi
lay, un navire anglais ayant été pillé au
large de ce port, le sultan déclina toute res-
ponsabilité, en alléguant son absence de su-
zeraineté.
Plus tard, lorsque nous primes la réso-
lution d'établir un dépôt de charbon, la
Porte ne souleva aucune difficulté et s'em-
ploya plutôt à nous faciliter notre tâche.
Enfin, en 1873, cédant à l'Angleterre quel-
ques territoires environnants, elle reconnut
l'indépendance de toute cette côte. C'est dire
qu'elle met garnison à Cheik-Saïd en usant
de notre seule tolérance, mais non point
d'un titre réel de propriété.
Il est indéniahle que Cheik-Saïd, à une
date plus ou moins proche, estappelé à jouer
un rôle décisif sur la route des Indes. Si une
grande puissance, la France en première
ligne, tenait fortement ce point, elle com-
manderait le passage entre Suez et Bombay.
En face du fortin que les Turcs ont élevé en
1885, le détroit de Bab-el-Mandeb, qui fait
communiquer la mer Rouge et l'océan In-
dien, n'a que vingt-huit kilomètres de lar-
geur, c'est-à-dire quelques kilomètres de
moins que le Pas de Calais, entre Douvres
et Calais.
La Grande-Bretagne est actuellement
maîtresse du canal, par l'îlot de Perim
qu'elle possède depuis 1857. Mais Perim,
qui n'est qu'à une lieue environ au-devant
de Cheik-Saïd, est dominé de haut par les
promontoires de notre ancienne dépen-
plus fort dans sa poitrine, dans sa poitrine
sur laquelle il sentait le portrait de sa mere
et il éprouvait un sentiment bizarre, un
sentiment qu'il eût été incapable de dé-
finir.
Vraiment que se passait-il donc en lui ?
C'était singulier.
Soudain le jeune homme s'arrêta et il
s'appuya à un banc, le visage couvert d'une
pâleur subite.
En face de lui, il venait de reconnaître
l'emplacement de la Petite Ménagère.
Mais l'emplacement seul.
Les volets de la boutique étaient clos.
Accrochée à l'un d'eux, une grande pancarte
s'étalait.
Sur cette pancarte, en grosses lettres
il lut. une inscription.:
MAGASIN A LOUER
A cette vue, Christian resta debout, les
prunelles grandes ouvertes, comme pétrifié.
Voyons, il ne rêvait pas.
C'était vrai, ce qu'il voyait, cette boutique
fermée avec un air de deuil, cet écriteau
portant ces mots qu'il répétait en lui-même
comme si le sens lui en échappait
c Magasin à louer ».
C'était donc que la Petite Ménagère n'exis-
tait plus, que les habitants étaient partis,
disparus.
Disparus
Cette idée fouetta le sang du jeune homme
et l'arracha à son hébétude.
Ce n'était pas admissible. On ne disparaît
pas ainsi.
Dans le quartier, on devait savoir ce
qu'étaient devenues la tante et la cousine
de Raymond.
Peut-être même avait-il tort de s'alarmer
sur leur aurt j
dance. Il pourrait être annula par les plus
Aden est incomparablement plus apte à
la résistance, quoique sa situation soit moins
bonne. Les Anglais en ont fait un Gibraltar
de l'Orient, et près de quatre mille hommes
de troupes y résident en permanence. Mais
cette ville souffre d'un manque d'eau légen-
daire. Certaines citernes restent parfois
deux et trois ans sans se remplir, tant les
pluies sont rares et peu abondantes C'est
un gros inconvénient pour un port militaire
qui est en mêmes temps un port de com-
merce.
Cheik-Saïd pourrait rapidement détrôner
Aden. Situé i l'endroit le plus resserré du
Bab-el-Mandeb, il est destiné en outre il.
desservir cette région de l'Arabie, peuplée
de plus de deux millions d'âmes, dont Moka,
Hodeïdah, Sana sont les centres. Là pros-
pèrent l'élevage et des cultures variées qui
fourniraient un trafic important.
Avec Djibouti et Obock sur la côte afri-
caine, à la lisière du pays abyssin avec
Cheik-Saïd sur le littoral asiatique, au dé-
bouché d'une zone qui est naturellement
fertile, la France peut occuper un jour une
position prépondérante sur la route des
A coup sûr, l'heure n'est pas aux expan
sions coloniales, et les conquête^ réalisées
depuis vingt ans par la République autori-
sent un temps d'arrêt mais il sied du moins
de rappeler ses droits, pour empêcher qu'ils
ne paraissent pérïrtiés et que d'autres, plu»
pressés, ne se croient autorisés à les mécon-
naître.
JEAN FROLLO
Faits du Jour
HIER
Le Sénat a continué le débat sur lama-
rine marchande.
La Chambre a entamé la discussion de
la loi de finances.
*•– Le congrès des mineurs, à Alais, pour-
suit ses délibét'ations.
»•»• On signale en Turquie diverses colli-
sioas, en Albanie et en Macédoine; par ailleurs,
le sultan sévit contre ses hauts fonctionnaires.
~v<~ L'assassin de la petite Angèle Chèze est
actuellement connu. La police le recherche.
Les fêtes de la mi-carême ont eu lieu
avec l'éclat accoutumé.
Une explosion s'est produite dans une
usine de Givors, près Lyon, faisant trois vic-
times.
Les débats de l'affaire Meyerae sont
ouverts devant les assises du Rhône. -v-
AUJOURD'HUI
«̃*»«• Séances à la Chambre et au Sénat.
LE VOYAGE DE le LOI»
M. de Lanessan, ministre de la Marine,
a été appelé, hier après-midi, à l'Elysée,
pour conférer avec M. le Président de la
République au sujet de son prochain voyage
en Russie.
Le ministre de la Marine a été prié d'exa-
miner quels étaient les bâtiments de notre
flotte susceptibles de faire le voyage de
Dunkerque à Cronstadt.
Il y a, en eflet, à tenir compte de la pro-
fondeur des passes à franchir et de l'état
probable de la mer à l'époque où s'effec-
tuera le voyage présidentiel, car il est vrai-
semblable que les navires qui seront en-
voyés en Russie rencontreront encore des
glaces au mois de mai prochain.
La question de l'installation intérieure
des bâtiments appelés à faire le voyage mé-
rite également d'être examinée afin que
cette installation puisse se prêter à l'amé-
nagement spécial auquel il sera procédé.
Ajoutons que toutes les indications qui
pourraient être données en ce moment sur
le choix éventuel de tel ou tel navire ou sur
la désignation du contre-amiral chargé de
commander l'escadre qui accompagnera le
Président de la République, seraient pré-
maturées.
Toutes ces questions seront soumises
aux délibérations d'un des prochains con-
seils des ministres.
Disons encore que, d'après nos rensei-
gnements, M. Delcassé, ministre des Affai-
res étrangères, sera le seul membre du ca-
La Petite Ménagère avait vécu cela ne
prouvait pas que celles qui l'avaient aban-
donnée fussent dans une situation précaire,
désespérée.
Il fallait se renseigner, et surtout ne pas
se hâter tout de suite de voir ainsi les choses
sous leur face sombre.
Car, en apercevant cette grande boutique
aux volets mornes, le cœur de Christian.
aussitôt avait été étreint par le pressenti-
ment d'un malheur.
Peut-être étaient-ce les craintes exprimées
dans la lettre de Raymond qui le rendaient
à ce point impressionnable.
Il rallait réagir, et se rendre compte des
événements tout de suite, sans perdre un
instant.
Il traversa la chaussée et se trouva de-
vant l'immeuble qui avait abrité jadis la
Petite Ménagère.
A droite du magasin, la porte cochère se
dressait, haute et massive.
Christian en franchit le seuil.
Immédiatement, a gauche, il distingua
une loge, à l'entrée d'un escalier.
A l'intérieur, un homme à face apoplec-
tique surmontée d'une calotte grecque et en-
foncé béatement dans un fauteuil qui ne
semblait pas assez large pour sa corpulence,
était occupé à lire son journal.
Le jeune homme poussa la porte.
Pardon, monsieur, s'enquit-il, vous êtes
le concierge de cet immeuble ?
L'homme à la calotte grecque leva les
yeux vers le questionneur sans que ses
mailla quittassent le journal.
Oui, monsieur, grogna-t-il. Vous de-
mandez ?.
Christian, sans s'arrêter à ce que cet ac-
cueil avait de peu encourageant, reprit
Je voudrais avoir un renseignement.
MM. le général Dubois et Combarieu,
secrétaires généraux de la présidence, pren-
dront part au voyage, ainsi que la plupart
des ofticiers de la maison militaire de M.
Loubet.
LA TERREUR A CONSTANTÎNOPLE
Constantinople, 6 mars.
Parmi les officiers arrêtés avant-hier se
trouve le général Nazmi pacha, gendre de
l'ancien grand-yizir Ali pacha.
Toutes ces arrestations sont attribuées à
l'influence funeste de Fehin pacha, chef de
la police secrète du palais.
Le général Osman pacha qui fut arrête
immédiatement après son arrivée à Cons-
tantinople, où l'avait attiré la promesse
d'être gracié, a été condamné à mort au-
jourd'hui par le tribunal criminel pour
haute trahison. La sentence sera, bien en-
tendu, commuée en celle de l'emprisonne-
ment perpétuel.
Les rapports reçus de Macédoine signa-
lent une grande activité de la part du co-
mité macédonien. Plusieurs bandes armées
auraient fait leur apparition dans différents
districts.
L'Assassiatf m Mette
Le Coupable. La Tanière du Criminel.
La Ficelle du Crime. Répugnant
Satyre
Les renseignements que, seul, le Petit Pari-
sien a fournis sur l'assassin d'Angèle Chèze,
étaient des plus exacts.
Ainsi que nous l'avons dit, ce misérable
avait déjà été arrêté pour avoir enlevé jadis
une fillette.
Si son arrestation n'est pas opérée à l'heur?
actuelle, la police est sur ses traces, et il ne
peut manquer de tomber entre les: mains des
agents de la sûreté qui le recherchent.
L'Assassin
L'assassin est un nommé Hector Ducocq,
âgé de trente-deux ans, originaire de Bruxel-
les (Belgique). Il habitait 80, rue Caulain-
court, dans une petite baraque, sous le faux
nom de Masson.
Voici dans quelles conditions le service de
la sûreté est arrivé à le découvrir.
Dans la soirée de mardi dernier, M. Cpcbe-
fert, alors qu'il se tenait dans le cabinet de
M. Dupuis, commissaire de police du quar-
tier des Grandes-Carrières, recevait la visite
d'une personne qui demandait à l'entretenir
en particulier.
Le chef de la süreté fit entrer l'inconnue
dans son cabinet.
Je connais, lui dit-elle, l'assassin de la
petite Angèle Chèze; je vais vous donner sur
lui toutes les indications utiles, mais je vous
demanderai en échange de ne pas livrer mon
nom aux journaux, car le coupable est un
homme dangereux et s'il apprenait que c'est
moi qui l'ai dénoncé, je ne vivrais plus tran-
quille, car j'aurais tout à craindre de sa ven-
geance.
Dimanche matin, vers neuf heures, j'ai
aperçu cet homme qui se nomme Lasson ou
Masson, je ne sais pas au juste, dans la rue
Caulaincourt. Il tenait à la main une petite
fille qui doit être la malheurense fillette
étranglée; je n'ai pu apercevoir le visage de
l'enfant; mais je me souviens qu'elle avait
sur le dos un petit manteau que je reconnaî-
trais sûrement si on me le représentait.
M. Cochefert envoya aussitôt chercher Id
manteau dans lequel l'assassin avait enve-
loppé sa victime et il le montra à son inter-
locutrice.
Elle l'examina attentivement et s'écria peu
après
Oui, c'est bien ça; c'est le vêtement dont
était vêtue la fillette.
Cet homme, ajouta-t-elle, habite dans une
petite baraque, 80, rue Caulaincourt. C'est
chez lui qu'il a dû entrainer la petite victime.
Le Repaire du Misérable
On se rendit aussitôt à l'adresse indiquée,
mais le misérable se tenait sur ses gardes. 11
avait appris, dans la journée, que des agents
de la sûreté avaient battu le quartier et qu'il
avait été désigné comme un homme dange-
reux. Il avait alors cherché à vendre ses
meubles, mais le marchand à qui il s'était
adressé n'avait pas voulu en faire l'achat.
Quand les agents se présentèrent à sa porte,
il s'enfuit par le jardinet donnant derrière sa
maison et gagna le large au plus vite.
La cabane habitée par l'assassin est cons-
truite en bois et couverte en papier bitumé.
Elle est fort étroite et ne se compose que
d'une seule pièce.
Une souricière fut établie aux abords de
cette cahute, mais l'oiseau de proie n'eut
garde de revenir dans son nid.
Un renseignement
Oui, sur les locataires du magasin.
Ah le magasin Mais il est à louer.
Je sais. J'ai vu l'écriteau.
Et vous voudriez le visiter ? ni-il avec
une sorte de crainte.
Décidément cet homme était aussi bête
que paresseux.
Il ne s'était pas dérangé de son fauteuil,
opération qui devait d'ailleurs offrir pas
mal de difficultés, et en demandant a
Christian si celui-ci avait vraiment le désir
de 'visiter les lieux à louer, ses gros yeux
ronds avaient roulé dans leur orbite avec
une expression comique de terreur.
Le jeune homme eut un mouvement d'im-
patience.
Voyons, fit-il un peu sèchement, il s'a-
girait de nous comprendre. Je vous ai dit
que j'avais besoin d'un renseignement sur
les anciennes locataires du magasin. C'eat
clair. Pouvez-vous me dire ce qu'elles sont
devenues, et où elles habitent?.
Où elles habitent ?
Qui.
La voix de l'homme à la calotte grecque
se fit goguenarde.
Pour ça, monsieur, il faut vous adres-
ser ailleurs.
Christian fronça les sourcils.
Que voulez-vous dire?
Tout simplement que je ne le sais pas
plus que vous. Et Euphrasie, mon épouse,
pas davantage que moi, attendu que nous
n'avons l'honneur d'être les gardiens,
monsieur, vous entendez, et non les con-
cierges de la maison, que depuis un an
et demi.
Eh bien ?
En bien, il y avait six mois déjà que
M. Cochefert, muni d'un mandat de M. Le
Poittevin, jupe d'instruction, faisait ouvrir
alors la porte de la cabane et se livrait à une
minutieuse perquisition.
Elle est meublée sommairement d'un mau-
vais lit en acajou, d'un poêle, de deux chaises
en paillé et d'une table en bois blanc.
Les vêtements du fugitif étaient accrochés
2 la muraille. Cette circonstance dénotait
qu'il n'avait pas eu le temps de se vêtir con-
venablement quand il s'était sauvé.
Les Preuves
Dans la pièce, M. Cochefort ne trouva rien
de suspect.
Mais, dans le jardinet, le chef de la sdreté
découvrit un assez grand nombre de bouts
de ficelle, et cette ficelle était absolument
semblable à celle qui a servi à étrangler l'in-
fortunée Angèle Chèze et à la ligoter.
Le doute n'était plus possible.
Masson, car à ce moment on ne le connais-
sait que sous ce nom, était bien réellement
l'assassin.
Cela était établi par sa fuite précipitée et
inexplicable d'abord, et ensuite par cette
ficelle révélatrice.
Masson habitait à cet endroit depuis près
de deux ans, en compagnie d'une fille de
mœurs légères, connue seulement sous le
prénom de Blanche. Cette femme était partie
depuls. quelque temps pour se rendre à
Nice.
La vie de Masson était des plus mystérieu-
ses. Il ne se montrait pas dans la journée, et
il sortait seulement de chez lui à la nuit tom-
bante, pour rentrer entre trois et quatre heu-
res du matin.
Une Fillette enlevée
M. Cochefert se livra aussitôt à des recher-
ches pour découvrir le passé de Masson. On
ne trouva rien à ce nom au service anthropo-
métrique.
C'eBt alors qu'en consultant les dossiers
de la préfecture de police, on apprit qu'au
mois de septembre 1898, une petite fille
nommée Marie B. âgée de huit ans, avait
été enlevée, boulevard Ménilmontant, dans
les mêmes eircontances que la jeune Angèle
Chèze.
Mais Marie B. ne fut pas tuée, et comme
Angèle Chèze, elle n'avait subi aucune vio-
lence.
Son ravisseur la garda chez lui pendant une
journée et demie et, afin de l'empêcher de
prendre la fuite, il l'avait attachée au pied de
son lit.
Le misérable ne violenta pas l'enfant, mais
les scènes qui se produisirent ne peuvent se
raconter.
Le ravisseur rendit la liberté à sa petite
victime le 29 septembre au soir.
Marie B. raconta à son frère d'abord, puis
à seg parents, sa navrante histoire.
La police fut avisée de ces faits et Marie B.
très intelligent, conduisit les agents dans la
maison où son ravisseur l'avait emmenée,
c'est-à-dire au numéro 269 du boulevard
Voltaire.
On retrouva l'homme c'était un nommé
Hector Ducocq.
Il fut arrêté et mis à la disposition de M. de
Cosnac, juge d'instruction.
Mais le misérable se défendit d'être l'au-
teur de ce rapt. Mis en présence de Marie B.
il soutint énergiquement que l'enfant mentait.
Comme il n'y avait pas eu de violences,
M. de Cosnac ne crut pas devoir déférer Du-
cocq à la justice, et il le remit en liberté.
L'inculpé n'avait pas été photographié par
le service anthropométrique.
Identité établie
M. Cochefert ne put donc représenter aux
parents de la petite Marie B. la photographie
de Ducocq, mais le signalement qu'il donna
de cet,individu correspondait d'une façon pré-
cise a celui du ravisseur. Seulement Ducocq
avait quitté le quartier depuis son arresta-
tion.
Un marchand des quatre-saisons annonça
qu'il l'avait aperçu, à différentes reprises, à
Montmartre, et qu'il devait habiter rue Cau-
laincourt.
Cette fois l'identité était établie. Ducocq
n'était autre que Masson.
Il avait quitté le boulevardVoltaire et changé
de nom à la suite des faits suivants
Quinze jours après sa mise en liberté, Du-
cocq était entré au service de M. Lévy, mar-
chand aux Halles, 33, rue Berger.
Peu après, il disparaissait en emportant
une somme de 4,500 francs.
Pour ce fait, il fut condamné par défaut à
dix ans de réclusion par la cour d'assises de
la Seine.
Mais la police le rechercha en vain; à ce
moment il se cachait déjà rue Caulaincourt,
sous le nom de Masson.
Le Mobile du Crime
Il apparaît maintenant que, si Ducocq a
assassiné la jeune Angèle Chèze, c'est qu'il
craignait d'être dénoncé par elle.
Le misérable se rappelait qu'en laissant la
vie sauve à Marie B. la première victime
de sa lubricité, il avait été arrêté grâce à ses
Indications.
l'écriteau se balançait sur la porte du ma-
gasin.
Il triomphait le gros bonhomme.
Et ça ne lui déplaisait pas 1( d'en boucher
un coin ce jeunes mirliflor qui venait
ainsi l'attacher aux péripéties de son feuil-
leton, et qui, par-dessus le' marché, l'appe-
lait concierge.
Christian était devenu atterré.
C'est bien 1 répondit-il. Je vous re-
mercie.
Il sortit.
Maintenant il n'essayait plus de dominer
l'angoisse dont son cœur débordait.
De son entretien avec ce cerbère gro-
tesque il était résulté pour lui une certitude.
C'est que depuis plus de deux années la
tante de son ami avait cessé son modeste
commerce.
Est-ce que réellement ce départ cachait
un drame, un drame comme celui que les
pressentiments de Raymond semblaient re-
douter.
Comment savoir, où avoir l'explication de
Ce mystère, à qui s'adresser pour obtenir
un renseignement, un indice quelconque, le
moindre éclaircissement?.
Pourtant il était inadmissible que parmi
tant de gens qui avaient entouré la pauvre
femme et dont les boutiques étaient voi-
sines de la sienne, aucun ne fût au cou-
rant du motif de la disparition de la Petite-
Ménagère.
S'il s'adressait l'un d'eux?.
Oui, c'était une idée, et Il fallait que
véritablement il Mt bien troublé, pour qu'elle
ne lui fût pas venue plus tôt.
Il avait fait quelques pas en redescen-
dant machinalement le boulevard.
Il regarda.
Ln lace de lui, peinte de blanc, pimpante,
Aussi, le bandit n'a-t-il pas craint de com-
mettre un crime pour cacher son abominable
forfait et dépister la justice.
Le corps d'Angèle Chèze sera transporté,
aujourd'hui, de la morgue au domicile dea
parents de la fillette, au numéro 86 de la rue
Lamarck.
Les obsèques auront lieu demain.
LES CAVALCADES
LA MI-CAREME
Une Fête populaire. A l'Hôtol du Petit
Parisien. Sur la Rire droite et sur
la Rive gauche. Avalanche de con-
fetti. Journée bien remplie.
Le mardi gras est mort! c'est entendu,
Mais on n'en urrait dire autant de la
mi-carême. Quelle exubérance, quelle
gaieté durant toute cette sptendide journée
d'hier. Car il n'y a pas 4 le contester, Paris
et les Parisiens ont été gratifiés d'une véri-
table journée de printemps. Dès les premiè-
res heures du jour, le soleil resplendissait
dans un ciel bleu, d'uae limpidité et d'une
clarté toutes méridionales.
On eut pu âe croire transporté sur la. rôt»
d'Azur, tant la température était douce. bref,
une journée parfaite, consacrée toute en-
tière à la joie populaire-
Les grincheux il y en a et il y en aura
toujours ont bien tenté de jeter une pe-
tite note discordante en critiquant les co.
mités qui avaient organisé, sur la rive droite
et sur la rive gauche deux cavalcades qui,
certes, on peut bien le dire, sans crain-
dre d'éveiller ou de froisser la moindre sus-
ceptibilité n'avaient pas l'ampleur et l'im-
portance désirables pour une ville comme
Paris. On peut évidemment faire mieux, et
plus grand et plus .luxueux, mais ni plua
frais ni plus pimpant.
Il convient également de faire entrer ért
ligne de compte le maigre, trop maigre bud.
get dont disposent les organisateur. Il se-
rait nécessaire dé décupler les subvention*
mises à la disposition du comité des halles
et marchés ou de celui des étudiants, pour)
obtenir un résultat satisfaisant.
Le but n'en a pas moins été atteint puis-
que tout Paris était dehors hier et s'est
amusé franchement.
La Matinée
Ceci dit, jetons un coup oeil rapide Sur
les préparatifs de la cavalcade de la rive
droite, nous parlerons ensuite de celle de la
rive gauche.
Il avait été décidé que chaque marché
appartenant au groupe disposerait de sa
matinée pour rendre visite aux commer-
çants et aux amis domiciliés dans son voisi-
nage.
Mais rendez-vous était pris pour onze heu-
res et demie du matin, àl'hôtel du Petit Pa-
risien; c'est là que devaient se réunir les
cavalcades des quatre grands marchés
avant leur départ pour l'avenue des Champs-
Elysées, assignée comme point de concen-
tration général.
Autour du vieux Temple– le mort-vivant,
comme l'appellent ironiquement les habi-
tants du quartier, faisant allusion aux me-
naces de démolition toujours irréalisées de
l'administration autour du vieux Temple
il y avait affluence dès neuf heures et demie
du matin..
La Reine des reines, Mme Berthe Roch^
dont nous donnons ici le portrait, d'après
fraîche, coquette, il vit la boutique d'un p4»
tissier.
Pourquoi pas ?. Ce pâtissier était éga.
lement boulanger. C'était chez lui sans
doute qu'autrefois la tante de Raymond r
fournissait de pain.
Il posa sa main, gantée sur ie bec de
Cane, et pénétra dans le magasin.
Au comptoir, tout blanc également, aves
des amours en guirlande, une femme de
vingt-six à vingt-huit ans se tenait.
Elle examina ce jeune homme bien mis,
distingué, à la figure douce et sympathique.
qui, incliné légèrement devant elle, expii-
quait
Excusez ma liberté, madame. J'avais
besoin d'un renseignement, et j'ai penaé que
votre obligeance ne me le refuserait pas.
Vous avez parfaitement pensé mon.
sieur, sj. toutefois il m'est possible de vous
satisfaire.
Elle souriait, avenante.
Décidément ce jeune homme lui plaisaU
beaucoup.
Christian précisa.
Ce renseignement concerne madame
Rainville.
.La jeune femme eut une exclamation.
Madame Rainville?
Et tout de suite en un flux de paroles
chaudes, abondantes
Oh la pauvre dame Quel coup que
celui qui l'a frappée! Certes elle ne la
méritait pas, elle si vaillante, si courageuse,
avec sa petite Germaine qui était bien !•
plus délicieuse des enfants. C'est toujours
ceux-là que le Destin accable, et c'est à croi-
re qu'il n'existe pas de justice au monde t.
(A suivre.) Pierre Decouroeuï.
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