Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-02-16
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 février 1887 16 février 1887
Description : 1887/02/16 (Numéro 1088). 1887/02/16 (Numéro 1088).
Description : Note : 2ème édition. Note : 2ème édition.
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/04/2008
Quatrième année. M» ~ft9O£Mp
PARIS ET Départements s|0 CENTIMES
Mercredi Février
(' », -«- ̃&̃ ̃ «S» m. na BU B» O' ̃% C* I À IU I 1 1 T ADMINISTRATION De 10 h. matin â 6 h. soir.
SEUL JOURNAL FRANC»!* RECEVANT PAR FILS ET SERVICES SPÉCIAUX LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE ENTIER
DON QUICHOTTE
Par une de ces dernières soirées si froides,
Mus étions réunis dans la petite chambre de
Jfontacabert, au quartier Latin; une vraie cham-
bre d'étudiant. Je n'ai pas besoin de vous la dé-
;rire vous l'avez connue et habitée quand vous
xviez vingt-einq ans. -Mofftacabert n'est pas de
ces démocrates qui ont des laquais poudrés, et
dont l'équipage vous éclabousse dans la rue. En
revanche, sa chambre est très commode; elle a
deux fenêtres au soleM et une bonne cheminée
lui ffambait joyeusement ce soir-là en notre
aonneur. Nous étions quatre;. j'étais assis sur
le lit, parce que j'étais arrivé le dernier, et qu'il
n'y a que trois chaises. Il y avait là, outre le
maître du logis, son neveu, capitaine d'artille-
rie, charmant garçon qui s'est fait décorer au
Tonkin pour action d'éclat, et celui que nous ap-
pelons entre nous Don Quichotte. Je ne sais pas
aù pouvait être Palaiseau. Sa femme n'aime pas
à le laisser sortir le soir en hiver.
Don Quichotte est un grand dégingandé, mai-
'Ire comme un cent de clous, droit comme un I,
Fœil vif malgré ses soixante-quinze ans, le sour-
:ïl noir et toutru, la moustache et la barbe grises.
!I a l'air d'un vieux général, quoiqu'il n'ait ja-
mais été que professeur et voyageur. C'est un
explorateur très célèbre. Nous l'appelons Don
Quichotte, parce qu'il ne fait jamais aucune con
cession au mal. « Que diable, mon ami, il faut
être homme cependant Il faut apprendre à hur-
ler avec les loups. Non, dit-il; c'est une mu-
sique qui me déplaît. Ils peuvent hurler tant
qu'ils voudront; je n'ai dans la bouche qu'une
langue de chrétien, dont j'entends me servir pour
dire ce que je pense, et pas autre chose, »
Nous larlions de'guerre, ce soir-ia, comme le
monde entier ne cesse de le faire sur l'ordre
exdrès de M. de Bismarck. Le capitaine me de-
mandait combien nous avions de canons pendant
le siège, et je lui disais, entre autres choses, que
nous faisions des souscriptions, et que, chaque
fois que nous avions ramassé vingt n.illo francs,
Dorian nous faisait un canon. Il en riait de tout
son coeur. « Oui, disait-il, on fait des canons de
vingt mille francs. On en fait aussi d'une autre
sorte J'en ai vu deux, au Creusot, la semaine
dernière, dont l'un coûtera 86,000 francs et l'au-
tre 100,000 francs. Le diamètre de la culasse est
de 1 mètre 35. Chaque obus est de 1 mètre 20 en
hauteur et coûte 2,700 francs.
C'est merveilleux, lui dis-je, pour le flatter,
sar je hurle quelquefois avec les loups. Il fut
flatté comme je m'y attendais. Ce n'est pas le
dernier mot de la science, me dit-il. Nous irons
plus loin. Je n'en doute pas. Figurez-vous
qu'étant ailé à Saint-Malo, l'été dernier, j'ai vu
là sur les remparts deux ou trois piles de boulets
de canon que les indigènes regardent avec de
gros yeux comme une des merveilles du monde.
Ce sont des boulets de 2 centimètres de
diamètre; on est toujours tenté de les emporter
sur la plage de Paramé pour jouer à la boule.
Mais ces obus, qui ont 1 niètre 20 de hauteur,
doivent faire des ravages épouvantables? Olil
dit Montacabert, pour faire le capable (notez que
nous parlions de cela comme les aveugles par-
lent des couleurs), si ce n'était que du fer Mais
on les bourre de dynamite. La dynamite s'é-
cria le capitaine. C'est le vieux jeu f La dyna-
mite ne tue presque pas. Il a fallu y renon-
cer. Nous 'avons à présent la mélinite.
Qu'est-ce que c'est que celle-là? lui dit-on. »
Il prit un air de condescendance, comme,
quand on parle à des ignorants par trop enoroû-
tés. « C'est, dit-il, de l'acide picrique englobé
dans du collodion. La dynamite, voyez-vous, écla-
tait en l'air, comme une chandelle romaine: elle
ne tuait pas à coup sûr. La mélinite n'éclate
qu'en tombant, et, par conséquent, sur le mur qu'il
faut renverser.- Et elle le renverse?- Il cligna
ioyeusement de l'œil. « Sur le régiment qu'il faut
massacrer.Et elle le massacre ? Oui, dit-il
il est perdu dès que les projectiles tombent sur
lui. C'est l'affaire d'un instant. Mais alors,
dîmes-nous, il n'y a plus de forteresses 1
Pas que je sache, dit-il. Il suifrt d'avoir de
la mélinite. Et coûte-t-elle cher, mon ca-
jtitaine? Assez cher, dit-il, et, comme
vous savez, la fabrication de l'acide picrique se
fait avec de l'acide phénique, que nous n'avons
pas en abondance. »
Montacabert ôta sa pipe de ses lèvres, ce qu il
fait rarement dans l'intimité, et seulement quand
il doit prononcer un oracle. « Nous avons, dit-il,
la mélinite. et les Allemands ont la roburite. La
roburite et la mélinite ont la même force des-
tructive. C'est à qui, des deux peuples, aura les
magasins les mieux fournis. Le peuple qui aura
le plus de mélinite sera le ulus grand peuple.
Tout se résout par une addition. Pour le- mo-
ment, on est très bien approvisionné de part et
d'autre. On ne sait pas si nous avons plus de
mélinite que nos voisins. n'ont de roburite, ou
s'ils ont plus de roburite que nous n'avons de
mélinite. Si on le savait, on pourrait économiser
ieux ou trois cent mille hommes. L'heureux
peuple qui aurait quelques centaines de tonnes
en excédent ferait constater les existences, et
tiendrait à l'autre ce langage' Vous le voyez, je
tuerai plfflï que vous. Désirez-vous que je le
fasse ? Ou aimez-vous mieux supposer que la
chose est faite, et sauver ainsi la vie, en vous
soumettant de bonnegrâce, à la population d'une
province ou deux ? »
On se mit à rire. Don Quichotte seul ne riait'
pas. Les existences ne sont pas tout, repris-je.
Uy a la manutention. La roburite des Allemand
n'excède pas, comme approvisionnement, notre
mélinite mais elle se fabrique plus -rapidement
et plus aisément, de sorte que, s'ils n'ont pas la
supériorité le premier jour, ils l'auront le
deuxième. D
Notre capitaine nous écoutait avec bienveil-
lance, comme un homme qui se dit ils se for
meront. « Ne vous inquiétez pas de cela, dit-il.
Qu'est ce que la roburite? Du fulmicoton con-
primé.Est-ce que nous mannuons en Franco de
fulmicoton'? L'industrie privée a plusieurs belles
fabriques que l'Etat pourra réquisitionner en
temps de guerre. Il a ïui-mômo une petite fabri-
que du côté de Brest, qu'il ferait sagement d'a-
grandir. Mais vous pensez bien qu'on s'y pré-
pare. Ce n'est pas pour rien que nous avons une
Commission des poudres et salpêtres !-En eiïet,
dis-je. S'il y aune commission 1
Don Quichotte .n'avait rien dit jusque-là, mais
je savais qu'il bouillonnait intérieurement, et
gu'il attendait, pour parler, d'être sûr dq pouvoir
se contenir. Il y parvint à la fin, et du ton le
plus mesuré et le plus poli, étendant le bras vers
le côté gauche de notre jeune ami « Capitaine,
dit-il, vous avez une épée au côté? Oui, mon-
sieur, répondit l'autre, d'un ton qui signifiait:
ne vous y jouez Das! Vous avez été élevé à
l'école Dolytechnfque et à l'école de Fontaine-
bleau, et on vous y a enseigné, outre l'art de la
guerre, les sentiments d'honneur qui font le
caractère distinctif et le charme de votre profes-
sion ? Oui, monsieur! » Il fit un mouvement
pour se lever mais, en voyant l'air de bonté et
de loyauté qui brillait sur le visage de notre
ami, il se rassit, en répétant d'un ton ferme,
mais doux: Oui, monsieur. Si on vous di-
sait Voici un poison sûr, que nous allons jeter
dans les fontaines avant l'invasion de l'ennemi,
et mêler aux farines qui abondent dans nos ma-
gasins nous nous retirerons après, nous fui-
rons la peste combattra pour nous; si on vous
tenait ce langage, que répondriez vous? »
Le capitaine se mit à rire. « Jevous comprends,
dit-il. Mais, monsieur, nous ne sommes ni des
empoisonneurs, ni des assassins. Nous courons
les mêmes risques que l'ennemi. Nous lui en-
voyons la mélinite, et il nous envoie la roburite.
La guerre est toujours la guerre. Elle est deve-
nue plus terrible; elle n'a pas cessé d'être
noble.
Oui,yeune homme; -rotiijipfaeswtre vie.
Je comprends que cela vous console. Et pour
tant, croyez-moi, la guerre a eu son âge glo-
rieux, oui est bien loin de nous. Quand les hom-
mes s'attaquaient à l'arme blanche, poitrine con-
tre poitrine, dans un champ clos dont on ne pou-
vait sortir que mort ou victorieux, tout soldat
était un héros. C'est pour ce soldat-là que les
poètes ont trouvé tant de beaux vers, et que les
hommes ont ressenti tant d'admiration. La
guerre a bien changé de nature quand on a pu
s'embusquer derrière une haie, et envoyer la mort
à distancie. Cependant, tant qu'il y a eu de petites
armées, j'entends des armées de cinquante à
soixante mille hommes, et des canons à petite
portée, comme nos canons de vingt mille francs,
Que vous appelez des joujoux, je comprenais en-
core la gloire militaire;* on voyait la mort venir,
on allait au devant d'elle; il y avait des charges
comme celle deReich?hoffen,dont on ne pouvait
lire le récit sans admiration; le général dispo-
sait de son armée, il la voyait en quelque sorte,
il en suivait les mouvements; il pouvait trans-
mettre ses ordres sur toute la ligne de combat.
Oui, monsieur, je le répète nous avons encore
vu et acclamé la guerre. Je crains qu'elle ne nous
ait donné ses dernières splendeurs. Vous allez
tuer désormais à la mécanique, non pas comme
le soldat qui se couvre de son épée, maiscumme
le bourreau qui tire la gâchette. Pour vous, je
vous admire et je vous plains pour les hommes
d'Etat qui commandent ou provoquent ces tue-
ries, ils ressemblent plus à Robespierre qu'à
Napoléon. La différence entre eux et Robes-
pierre, c'est que Robespierre n'avait qu'une char-
rette, et ne tuait par journée qu'une centaine de
victimes. On envoie deux peuples à la mort; ce
n'est pas contre des hommes qu'ils marchent,
c'est contre des forces brutales. C'est un duel où
il n'y a qu'un seul pistolet chargé on ne se dé.
fend pas, on subit l'arrêt du sort. Ce siècle ne
combat plus, dit-il il tue. Il a supprimé l'art
de combattre et perfectionné l'art de tuer..»
Tout le monde se taisait. On a beau être habi.
bué aux sentences de notre ami, il y a des mo-
ments où elles vous accablent. Nous nous sen-
tions opprimés, écrasés par ces forces brutales.
Nous nous rappelions tristement les hécatombes
de 1870.
« Eh bien dis-je en mettant mon pardessus
pour m'en aller, subissons, puisqu'il le faut, le
règne de l'acide picrique. Il nous reste, comme
espèce humaine, la seule supériorité que Pascal
nous reconnaisse quand l'univers l'écraserait,
l'homme serait encore plus noble que ce qui le
tue, parce qu'il sait qu'il meurt 1 >
JULES SIMON.
LE MATIN publiera demain un article de
M. JOHN LEMOINNE.
ÉLECTIONS ALLUMNOES
L'empereur ne fera pas de proclamation
Les électeurs avertis.
ID'UN correspondant)
Benlin, 15 février. La Gazette de l'Allemagne
du Nord apprend qu'aucune proclamation de l'em-
pereur ne tera publiée l'occasion des élections du
Parlement allemand, parce que l'empereur s'est ex
primé si clairement au sujet de ses désirs concer-
nant le septennat et touchant les élections, lors de
la réception de la délégation qui lui a présenté l'A-
dresse de la Chambre des Seigneurs, qu'une pro-
clamation ne pourrait pas fournir de nouveaux
éclaircissements sur l'opinion de l'empereur.
Le journal officieux allemand ajoute que les élec-
teurs savent bien ce que leur empereur attend
d'eux.
Le parti catholique.
La Gazette de la Croix publie une déclaration
signée du comte Fursienberg-Stammheim et de 36
membres de la noblesse catholique rhénane.
Les signataires de cette déclaration exposent que
le Centre, au lieu de suivre la grande politique na-
tionale, s'est attaché à une politique mesquine; qu'il
est allé jusqu'à, s'allier ouvertement avec les pro-
grossistes et les démocrates, et qu'il a fait tout cela
malgré les avertissements pressants du Pape.
Les signataires engagent les habitants des pro-
vinces rhénanes à rester fidèles à l'empereur, et à
travailler avec eux à la formation d'un parti catho-
liqne conservateur.
Petit état de siège.
En vertu d'un arrêté du ministre d'Etat, 19 petit
état de siège a été établi non seulement â Stettin,
mais aussi dans les petites viiles avoisinantes de
Grabow, Altdamm et dans quatre autres districts
environnants.
LES S£ÎG¥ËtJR S~P R ÛSS i E H S
Discours de M. de Bismarck. Pas d'allu-
sions à la situation.
fràB SERVICE SPÉCIAL»
Beblin, 45 février. M- de Bismarck, 'qui est
membre la Chambre des Seigneurs, a assisté
aujourd'hui à la séance de cette assemblée.
Le chancelier a pris part au4ebat surla question
Son discours ne contient aucune allusion à la si-
tuation politique actuelle; I
LA SITUATION
LES CRÉDITS MILITAIRES DEVANT
LE PARLEMENT AUSTRO-HON-
GROIS
A la Chambre autrichienne Une interpel-
lation Le gouvernement demande
douze millions pour lalandweïu>
et le landsturm Exposé
des motifs.
frAR SERVICE SPÉCIAL!
Vienne, 15 février. Dans la séance de la Cham-
bre d'aujourd'hui, le député Sturm a interpellé le
gouvernement sur la divergence de certains arti-
cles de loi sur le landsturm en Autriche et en Hon-
grie et sur l'interprétation d'autres articles, dont la
rédaction, est obscure ou équivoque.
Le ministre de la Défense nationale, 'le comte
Welsersheimb, a déposé un projet de loi en trois
articles, demandant un crédit de 12 millions de flo-
rins pour des objets d'équipement pour la landwehr
et le landsturm.
L'exposé des motifs du »rojet de loi porte que
la demande de crédits est la conséquence naturelle
de l'adoption de la loi sur le landsturm.
« Nouscommettrionsune grave omission, ajoute le
ministre, si, en présence des mesures que prennent
tous les Etats de l'Eurepo pour développer leur
puissance militaire, nous ne faisions rien. pour ar-
mer et pouvoir en cas de besoin employer le lands-
turm.
Nos intérêts nous obligent à développer nos
institutions d'une manière pacifique, et le gouver-
nement austro-hongrois s'efforce de travailler au
maintien de la paix.
» Malgré cela, nous devons, comme tout Etat qui
ne veut pas renoncer a ses intérêts vitaux, nous
tenir prêts à faire, en cas de besoin, tous les
sacrifices pour défendre la monarchie, afin de ne
pas nous laisser surprendre par les événements. »
A la Chambre hongroise.
(PAR SERVICE SPÉCIAL)
Pbsth, 15 février. Le baron Fejervarg a dé-
posé aujourd'hui à la Chambre des députés un pro-
jet de loi analogue à celui du comte Welsersheimb,
et demandant 7,460,000 de florins.
Son exposé des motifs est plus long et plus dé-
taillé que celui du ministre autrichien, mais con-
tient les mêmes considérations, peut-être plus ac-
centuées et indiquant davantage la nécessité d'être
prêt pour la dépense.
Il émeut cetto conviction que la nation, mal-
gré la situation financière si précaire, n'hésitera pas
à voter le crédit.
Incident.
Vers la fin de la séance, une scène scandaleuse a
mis la Chambre en émoi.
Le député Koinloszy.curé et anti-sémite, a proféré
de violentes invectives contre M. Tréfort, ministre
de l'instruction publique et des cultes, l'accusant
de vendre des charges au clergé.
M. Tréfort. entré précisément aujourd'hui dans sa
soixante-dixième année, a manqué de s'évanouir en
entendant cette apostrophe.
Toute la droite et le centre ont alors poussé des
cris d'indignation, sommant M. Komloszy de quitter
la Chambre.
M. Tisza a eu beaucoup de peine il calmer le vé-
nérable vieillard qui est très estimé de tout le
monde.
Le président n'est parvenu rétablir l'ordre qua-
près uu quart d'heure d'un tumulte épouvantable.
Un mot d'ordre.
M. Tisza, de retour hier soir, avait convoqué im-
médiatement les.chefs de tous les partis afin de
discuter la demande de crédit que le baron Fejorvaz,
ministre de la guerre, adressera aujourd'hui aux
M. Tisza a demandé de ne pas faire de cette ques-
tion une discussion sur la situation extérieure et
sur l'armée.
11 est surprenant après cela que l'Egyetertes,
organe indépendant, déclare aujourd'hui qu'une pro-
sition de discussion sera peut-être faite.
t Si la situation est si sérieuse, dit le journal de
l'opposition, que le devoirnous impose de si grands
sacrifices, il faut montrer au Parlement de quel
côté le danger nous menace; si le danger n'existe
i pas de fait, comme s'accordent à le prétendre les
cercles dirigeants, il faudrait réfléchir et se deman-
der si, dans la situation critique des finances de la
nation, celle-ci doit se décider â de semblables sa-
crifices.
Ce sophisme sera facilement réfuté par M. Tisza,
qui dira que le danger existe, mais qu'il n'est pas
imminent.
Vote de la commission,
(d'un CORRESPONDANT)
Buda-Pesth, 15 février. La commission parle-
mentaire de la défense du pays a approuvé à l'una-
nimité la demande de crédits du ministre des hon-
veds.
M. de Bismarck polémiste.
(PAR SERVICE SPÉCIAL!
BERLIN, 15 février. La Gazette de l'Allemagne
du Nord, répondant aux assurances pacifiques don-
nées par le journal dans son numéro du
13 février, lui oppose les articles belliqueux qu'il a
publiés dans ses numéros du 17 octobre et du 18
décembre 1886.
Le journal français, dit la Gazette de l'Alle-
magne du Nord, montre aujourd'hui IaFranca com-
me la nation la plus tranquille, la plus inoffensive
de l'Europe, ajoutant que toute l'Europe doit savoir
que la Frince ne voulait pas la guerre hier, qu'el.e
ne la veut pas aujourd'hui et, qu'elle ne la voudra
pas demain, et que si,par conséquent, elle est pous-
sée à la guerre, c'est sur l'Allemagne que devra en
retomber toute la responsabilité.
Or, dans son numéro du 17 octobre, la France,
dans un article intitulé La Guerre, déclarait qne
le général Boulanger était l'homme dans lequel le
pays avait placé son espoir, le soldat sur lequel il
comptait. Quand? Peut-être demain.
En tout cas, disait ce journal, à la première
»occasion favorable. Il est prêt'-au combat, et
» nous sommes prêts comme lui.
b Plus tôt l'heure sonnera où la France retrou-
» vera sa gloire ancienne, où elle reconquerra ses
» provinces perdues, et plus joyeux nous saluerons
»cette heure-là. »
Le même journal publiait, le 18 décembre, un
article intitulé, Préparatifs de guerre., dans lequel
il disait qu'une guerre entre la France et l'Allema-
gne était désormais inévitable, que cette guerre
pouvait être retardée quelque temps, mais qu'elle
devait éclater sinon aujourd'hui ou demain, du
moins à la première occasion. »
Persécutions en Alsace.
D'après le Journal d'Alsace, il est exact que des
perquisitions domiciliaires ont été opérées à Stras-
bourg chez M. Emmanuel Schmütz, secrétaire du
comité électoral, et chez M. Kablé. Le gouverne-
ment suppose que les Alsaciens-Lorrains s'enten-
dent avec la Ligue des patriotes. Cependant tous
les papiers, saisis dimanche ont été rendus au se-
crétaire Schmûtz, qui, du reste, nie énergiquement
les faits qui lui sont imputés. La police a égale-
ment saisi cinq mille exemplaires Me brochures 60
cialistes, posant à Strasbourg la candidature d'un
nommé Auguste Hamm, ouvrier à Mulhouse.
Le même journal affirme- q&& Barr, dimanche.
une descende domiciliaire a eu lieu chez un ban-
quier de la ville, M. Tautlieb père, avec un certain
déploiement de police. L'opinion publique est una-
nime à déclarer qu'une cause politique a dicté les
mesures prises par le gouvernement allemand.
La feuille alsacienne ajoute que des visites domi-
ciliaires ont été faites, dimanche, à Metz, chez plu-
sieurs personnes appartenant aux classes supé-
rieures de la population, suspectes de haute trahi
S°D'apr*s l'Express, de Mulhouse, il est également
hors de doute que de nombreuses arrestations ont
été faites dans cette ville. Les personnes arrêtées
sont accusées de menées françaises et d'intelligence
avec la Ligue des patriote.
On évalue à dix le nombre des personnes arrê-
tées, tant à Mulhouse que dans la banlieue.
Enfin la Post de Strasbourg revient le bruit sur
la mise en état de siège de quelques villes de 1 Al
sace et de la Lorraine, qui avait été une première
fois démenti, parc? que la loi de dictature donne au
statthalter des pouvoirs extraordinaires qui ren-
dent inutile toute autre mesure exceptionnelle.
Les Allemands en Fspagne.
(PAR SERVICE SPÉCIAL)
MADRID, 15 février. Depuis plusieurs jours, le
bruit coursait ici que les Allemands résidant en Es-
pagne avaient reçu l'ordre de rentrer en Alle-
magne.
J'ai pu avoir des renseignements puisés aux sour-
ces les plus autorisées et puis vous assurer que le
bruit est faux.
J'ai appris seulement que les Allemands, appar-
tenant à la landwehr, avaient reçu des instructions
leur enjoignant, dans le cas où leur classe serait
appelée, de s'embarquer à Barcelone ou a un tout
autre port de la Méditerranée, pour Gênes, et de se
rendre de là en Allemagne par la voie du Saint-
Gothard.
Je puis vous assurer qu'un colonel d'état-major
prussien, accompagné de M. Krupp, se trouve à
Madrid. Si les craintes de guerre existaient réelle-
ment, ce colonel, qui voyage en Espagne en vertu
d'un congé, aurait été rappelé.
La neutralité de la Belgique.
(PAR SERVICE SPÉCIAL!
Bruxelles, 15 février. Tout le monde est indi-
gné ici du laisser-aller anglais dans la question de
la neutralité de la Belgique.
On proteste énergiquement contre cette idée
que le passage ou le séjour des tyoupes allemandes
en Belgique serait considéré comme tout naturel.
Il serait bien temps de se plaindre si la Franco
victorieuse traitait la Belgique en pays conquis.
La Belgique cherchera des alliances près de tous
ceux qui seront nrêts à défendre sa neutralité.
La conclusion d'un article du Journal cte
Bruxelles, organe officieux, est à noter. Voici coin-
Si la Belgique acquiert la certitude qu'aile n'a a
attendre de personne la protection de sa neutra-
lité, elle ne se souciera plus du traité de 1.839 et
cherchera des alliances profitables à son indépen-
dance nationale, là où elle les trouvera. »
LA QUESTION DE BGNGflRETA
Le différend entra l'Angleterre ot la France.
Les pavillons rétablis. Protes-
tations réciproques.
L'agence Havas a reçu, hier, la dépêche suivante
Lu CAiniî, la février. Une lettro do Zoilali, du 5 fé-
vrier, dit que le pnvillon français a été rétabli à Douga-
l'et, mais que lo navire anglais Amberwiich, étant ar-
rivé lo 1" février, a hissé, de son côté, îcuavillon an-
glais. Les agents français et anglais ont proteste récipro-
Nos informations nous permettent de dire que les
renseignements officiels parvenns au quai d'Orsay
modifient légèrement cette dapë hc.
11 est inexact, en effet, que ce soit un navire an-
glais qui ait hissé le pavillon anglais ce sont des
sauvages, des indigènes qui l'ont arnoré.
Nous devons ajouter qu'il n'y a point non plus
craindre un conflit, comme pouvait peut être le
faire croire la dépêche que nous reproduisons.
La question Je Dongareta fait depuis longtemps
l'objet de négociations amiables entre les gouverne-
ments anglais et français,.et il a été provisoirement
convenu qu'on resterait de part et d'autre dans le
statu quo jusqu'à nouvel ordre.
Négociations en cours.
Déjà, il y a peu de temps, comme on doit se le
rappeler, à la suite d'un accord entre M. Flourens
et le cabinet anglais, les agents respectifs des deux
gouvernements à Zeilah, le commandant Ding et M.
Henry, entre Jesquels les divergences avaient pris
un caractère personnel et aigu, ont été simultané
ment rappelés, afin de faciliter les conclusions pro-
chaines d'un arrangement.
Les négociations continuent entre Paris et Lon-
(Ires, et les faits qui viennent de se produire à
Dongareta ne doivent être considérés que comme
un petit incident secondaire, de même quelles
protestations réciproques des représentants de l'An-
gleterre et de la France doivent être regardées
comme étant de pure forme.
LA CRISE ITALIENNE
Situation stationnaire M. Depretis tient
toujours la corde.
(PAR SERVICE SPECIAL)
ROME, 15 février. M. Depretis a conféré aujour-
d'hui avec quelques amis et plusieurs hommes po-
I litiques considérables sur la situation.
Le Popolo romano dit qu'il n'y a aucune nou-
velle positive.
L'Opinione fait observer que les difficultés sont
loin d'être légères.
Selon le Fan f alla, il n'y a aucune négociation en-
treM. Depretis et les dissidents.
L'Italie montre la difficulté qu'on d'é-
largir la base de la majorité parlementaire.
La Tribuna dit qu'on oscille toujours entre le re-
fus d'accepter la démission du cabinet et l'intention
de charger M. Depretis de former un nouveau mi-
nistère.
MASSAOUAH
Hommages aux combattants de Sahati
Départ de troupes.
(PAR SERVICE SPÉCIAL%
Rome, 15 février. Le maire de Rome propo-
sera, ce soir, au conseil communal, de dédier un
des obélisques de Rome aux soldats morts a
Sabati.
On y fera graver leurs nom!?.
Selon la Tribuna, la Citta Genova embarquera.
à Reggio, un bataillon pour Massaouah.
• Aujourd'hui, s'est embarqué à Naples, un déta-
chement du génie pour le service télégraphique.
L'explorateur Franzoi s'embarquera dimanche
ou lundi à Naples, pour Massaouab.
LE PRINCE VICTOR
fc>AR SERVICE SPÉCIAL)
Bruxelles, 15 ferler. Le çrin«e
Ire beaucoup d'au abcès à l'œil.
LA PREMIÈRE REPRÉSENTATION DH
• NUMA ROUMESTAN o
Le type de M. Daudet transformé -Ce
qu'est devenu lo héros du roraau
Mme Rotimèstan Nord et Midi-
L'interprétation.
Il importe peu main tenant de savoir quel est
l'homme politique qui a servi de rnodélo à l'auteur
pour le héros de son œuvre. Nous ne crayon s pas
d'ailleurs que M. Daudet ait voutn peindre un in-
dividu il a personnifié le Midi tout entier dans,
Numa Roumestan, qui d'ailleurs nous a paru bien
changé en passant du roman au théâtre.
Le livre nous avait montré un personnage hil-
blcur, bruyant, épanoui; vaniteux, peu sympathi-
quo en somme. Les exigences de la scène l'on
rendu presque intéressant malgré ses fautes, et si
le portrait est devenu moins exact, il a du moins
acquis ce aui lui manquait pour que le public pût
le contempler sans trop de défaveur.
Tel qu'il est reste, le type est encore original et
vrai. Numa est bien l'homme de son pays, jouis-
seur, comédien, prompt tous les enthousiasmes
comme à tous les découragements, plein de bonnes
intentions, inconscient du mal qu'il fait, incapable
de réllexion, se grisant lui-même au fracas de ses,
paroles sonores dont le véritable sens.ne lui vient:
que lorsqu'il les a prononcées avec cet. accent qui:
leur donne tant de saveur.
Mais si Numa, grâce cette éloquence entraînante
qui est un don chez lui, parvient conquérir non
seulement la renommée en arrivant aux sommets de'
la politique, mais le bonheur en épousant une ferai-
me adorable, il n'est vraiment digne ni de ce bon-
heur r.i de cette renommée, et il gâche l'un et l'au-1
tre sans savoir pourquoi, sans savoir comment, par!
veulerie; comme il lé dit lui-même. Et lorsqu'il s'a-j
perçoit de ses erreurs, il les regrette sincèrement'
cherche à les repérer et. il retombe dans les m8-
mes fautes pour les déplorer encore et les recom-
mencer toujours, carie grand défaut de cet homme,-
qui a de si brillantes qualités de surface, c'est du;
manquer totalement de sens moral.
Au théâtre, le grand homme nous apparaît pour,
la- première fois dans toute sa gloire, à Aps, en'
province, sa ville natale, dont il est député et où-
il va se retremper, chaque année, pendant les va-
cances parlementaires, et se réchaulfer à l'enthou-
siasme exubérant de ses compatriotes.
On l'acclame, on l'adore, on l'applaudit: il parle,,
et le délire général est à son comble, et dans les'
vastes arènes, où grouille une multitude affolée, il
est le point de mire de toutes les admirations et'
l'objet de toutes les tendresses.
Il parle encore.il promet des bureaux de tabacs,
des bureaux de poste, des subventions, dus conces-
sions, des décorations, et tdut le monde est con.
tent, bien que chacun sache à quoi s'en tenir là-
dessus, et n'attache pas plus d'importance à, ses;
promesses qu'il n'en attache lui-même.
Mais les gens du Midi sont ainsi. •
Par exemple, Resalie, la femme de Roumes tan, ne,
peut pas s'habituer à tout ce vacarme, it toutes ces
hâbleries, a tout cet étalage de bcaux sentiments.;
Elle est du Nord, elle, et elle attache aux mots leur;
véritable sens; aussi a-t elle bien soutfert quand
elle a découvert que son Numa, auquel elle avait,
dans son cœur sincère et aimant élevé un piédestal,
n'était qu'un simple farceur sans consistance, et'
qu'elle a touché du doigt et constaté la fragilité de
bon idole.
Il y a dix ans qu'i'ls sont mariés. Il en a trois
que, tout en restant unis aux yeux du monde, ils
sont séparés dc^coeur. Rosalie, a surpris son mari
en flagrant délit d'infidélité, et il partir de, ce mo-
ment, elle n'a plus été qu'une étrangère pour lui,
renfermant sa douleur au fond de son âme et pieu-
rant la perte de ses illusions.
Elle a accomlagné Numa dans le Midi, avec sa
jeune sœur, dont l'esprit enthousiaste s'éprend de
la fantasmagorie méridionale en général et spécia-
lement d'un tambourinaire qu'elle trouve beau et
romanesque. Elle assiste, froide et dédaigneuse aux
ébats de Roumestan qui, fier et heureux de ses
triomphes, se retourne vers sa femme, et, pris sou-
dain d'attendrissement, lui demande un pardon
que Rosalie, qui aime encore « son chanteur de ca-
vatine » consent a lui accorder, mais pour la pre-
mière et la dernière fois.
Les deux époux réconciliés rentrent a Paris, où
la fortune de Numa prend un nouvel essor. Non
seulement il est orateur écouté à la Chambre,
mais encore avocat recherché au palais. Son cabinet
ne désemplit pas, et le grand homme en déshabilla
nous est montré dans l'exercice familier de ses fai-
blesses, de ses tapages et de ses ambitions.
Numa a déjà oublié les serments faits n Rosalie
il l'aime, il l'adore, il la vénère. « Si je la trompais,
dit-il, je serais un grand coupable 1 » Et il se pré-
pare à la tromper avec la petite Dache, chanteuse
de café-concert.
Il donne une soirée chez lui pour avoir l'occasion;
de faire entendre cette petite R6sine au directeur de
l'Opéra-Comique. Elle a débité deux ou trois roman-
ces de son répertoire dans un costume pimpant, et[
voilà Numa éperdument amoureux de sa protégée.
Mais une maladresse met Rosalie sur la voie des-
soupçons Numa, quand la soirée est finie se dis-;
pose à sortir, sous prétexte d'aller corriger les)
épreuves de son dernier discours; Rosalie le sup-:
pliederester,car elle une confidence à lui faire; ili
part néanmoins. elle quitte la maison derrière lui;
et elle le suit.
Nous n'avons pas besoin de signaler la ressenw
blance qui existe entre cette situation et la situa-
tion de Francillon. Mais Rosalie est honnête, et
elle ne se résignerait pas volontiers, comme l'hé.;
roïne de Dumas, à passer, étant pure, pour une,
femme perdue, <
Elle a suivi son mari, elle l'a vu entrer chez la-f
chanteuse, elle l'a entendu chanter avec elle un duo;
en patois, et quand il rentre à cinq heures du ma-;
tin, elle se présente devant lui et lui déclare que-
tout est fini entre eux, et qu'elle retourne chez ses-,
barents.
Numa, éperdu, commence à esssayer quelques
mensonges; elle l'arrête. Il parle de ses remords',
il pleure, elle le repousse; il invoque son autorité
elle le brava; il veut l'empêcher de sortir, elle se-,
lance dans l'escalier « Si tu fuis un pas, crie-)
t-elle. je me jette par-dessus la rampe, et ie nei
mourrai pas seule) b
C'est ainsi que Numa apprend qu'il va bientôt
être père, au moment où il n'a plus de femme.
Rosalie s'est retirée chez ses parents, et elle s obs-
tine à rester sourde à toutes les propositions de\
raccommodement que son mari tente près délie, et a
toutes les remontrances que sa fuinille lui proai-!
gue. Elle est indignée de la conduite de Roumestaa1
et elle ne la lui pardonnera jamais.
C'est alors que M. le Quesnoy, son père, un ri*.
Cide et austère magistrat que Rosalie considère
comme l'impeccable personnification de 1 honneur,
et de la loyauté, s'avise d'un suprême expédient il
autorise sa femme à lui faire une pénible cona^
l;t la mère se voit forcée d'avouer àsa fille qu'ellaj
aussi a été jadis trompée par son mari, mai3|
qu'elle a oublié cette injure en pensant à ses en-^
Ainsi, tous les hommes sont des menteurs, des
débauchés, des làçnes, et il est dans la destinée de^
»Mage est ïtoottée de cette découverte* «u«.»«5
PARIS ET Départements s|0 CENTIMES
Mercredi Février
(' », -«- ̃&̃ ̃ «S» m. na BU B» O' ̃% C* I À IU I 1 1 T ADMINISTRATION De 10 h. matin â 6 h. soir.
SEUL JOURNAL FRANC»!* RECEVANT PAR FILS ET SERVICES SPÉCIAUX LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE ENTIER
DON QUICHOTTE
Par une de ces dernières soirées si froides,
Mus étions réunis dans la petite chambre de
Jfontacabert, au quartier Latin; une vraie cham-
bre d'étudiant. Je n'ai pas besoin de vous la dé-
;rire vous l'avez connue et habitée quand vous
xviez vingt-einq ans. -Mofftacabert n'est pas de
ces démocrates qui ont des laquais poudrés, et
dont l'équipage vous éclabousse dans la rue. En
revanche, sa chambre est très commode; elle a
deux fenêtres au soleM et une bonne cheminée
lui ffambait joyeusement ce soir-là en notre
aonneur. Nous étions quatre;. j'étais assis sur
le lit, parce que j'étais arrivé le dernier, et qu'il
n'y a que trois chaises. Il y avait là, outre le
maître du logis, son neveu, capitaine d'artille-
rie, charmant garçon qui s'est fait décorer au
Tonkin pour action d'éclat, et celui que nous ap-
pelons entre nous Don Quichotte. Je ne sais pas
aù pouvait être Palaiseau. Sa femme n'aime pas
à le laisser sortir le soir en hiver.
Don Quichotte est un grand dégingandé, mai-
'Ire comme un cent de clous, droit comme un I,
Fœil vif malgré ses soixante-quinze ans, le sour-
:ïl noir et toutru, la moustache et la barbe grises.
!I a l'air d'un vieux général, quoiqu'il n'ait ja-
mais été que professeur et voyageur. C'est un
explorateur très célèbre. Nous l'appelons Don
Quichotte, parce qu'il ne fait jamais aucune con
cession au mal. « Que diable, mon ami, il faut
être homme cependant Il faut apprendre à hur-
ler avec les loups. Non, dit-il; c'est une mu-
sique qui me déplaît. Ils peuvent hurler tant
qu'ils voudront; je n'ai dans la bouche qu'une
langue de chrétien, dont j'entends me servir pour
dire ce que je pense, et pas autre chose, »
Nous larlions de'guerre, ce soir-ia, comme le
monde entier ne cesse de le faire sur l'ordre
exdrès de M. de Bismarck. Le capitaine me de-
mandait combien nous avions de canons pendant
le siège, et je lui disais, entre autres choses, que
nous faisions des souscriptions, et que, chaque
fois que nous avions ramassé vingt n.illo francs,
Dorian nous faisait un canon. Il en riait de tout
son coeur. « Oui, disait-il, on fait des canons de
vingt mille francs. On en fait aussi d'une autre
sorte J'en ai vu deux, au Creusot, la semaine
dernière, dont l'un coûtera 86,000 francs et l'au-
tre 100,000 francs. Le diamètre de la culasse est
de 1 mètre 35. Chaque obus est de 1 mètre 20 en
hauteur et coûte 2,700 francs.
C'est merveilleux, lui dis-je, pour le flatter,
sar je hurle quelquefois avec les loups. Il fut
flatté comme je m'y attendais. Ce n'est pas le
dernier mot de la science, me dit-il. Nous irons
plus loin. Je n'en doute pas. Figurez-vous
qu'étant ailé à Saint-Malo, l'été dernier, j'ai vu
là sur les remparts deux ou trois piles de boulets
de canon que les indigènes regardent avec de
gros yeux comme une des merveilles du monde.
Ce sont des boulets de 2 centimètres de
diamètre; on est toujours tenté de les emporter
sur la plage de Paramé pour jouer à la boule.
Mais ces obus, qui ont 1 niètre 20 de hauteur,
doivent faire des ravages épouvantables? Olil
dit Montacabert, pour faire le capable (notez que
nous parlions de cela comme les aveugles par-
lent des couleurs), si ce n'était que du fer Mais
on les bourre de dynamite. La dynamite s'é-
cria le capitaine. C'est le vieux jeu f La dyna-
mite ne tue presque pas. Il a fallu y renon-
cer. Nous 'avons à présent la mélinite.
Qu'est-ce que c'est que celle-là? lui dit-on. »
Il prit un air de condescendance, comme,
quand on parle à des ignorants par trop enoroû-
tés. « C'est, dit-il, de l'acide picrique englobé
dans du collodion. La dynamite, voyez-vous, écla-
tait en l'air, comme une chandelle romaine: elle
ne tuait pas à coup sûr. La mélinite n'éclate
qu'en tombant, et, par conséquent, sur le mur qu'il
faut renverser.- Et elle le renverse?- Il cligna
ioyeusement de l'œil. « Sur le régiment qu'il faut
massacrer.Et elle le massacre ? Oui, dit-il
il est perdu dès que les projectiles tombent sur
lui. C'est l'affaire d'un instant. Mais alors,
dîmes-nous, il n'y a plus de forteresses 1
Pas que je sache, dit-il. Il suifrt d'avoir de
la mélinite. Et coûte-t-elle cher, mon ca-
jtitaine? Assez cher, dit-il, et, comme
vous savez, la fabrication de l'acide picrique se
fait avec de l'acide phénique, que nous n'avons
pas en abondance. »
Montacabert ôta sa pipe de ses lèvres, ce qu il
fait rarement dans l'intimité, et seulement quand
il doit prononcer un oracle. « Nous avons, dit-il,
la mélinite. et les Allemands ont la roburite. La
roburite et la mélinite ont la même force des-
tructive. C'est à qui, des deux peuples, aura les
magasins les mieux fournis. Le peuple qui aura
le plus de mélinite sera le ulus grand peuple.
Tout se résout par une addition. Pour le- mo-
ment, on est très bien approvisionné de part et
d'autre. On ne sait pas si nous avons plus de
mélinite que nos voisins. n'ont de roburite, ou
s'ils ont plus de roburite que nous n'avons de
mélinite. Si on le savait, on pourrait économiser
ieux ou trois cent mille hommes. L'heureux
peuple qui aurait quelques centaines de tonnes
en excédent ferait constater les existences, et
tiendrait à l'autre ce langage' Vous le voyez, je
tuerai plfflï que vous. Désirez-vous que je le
fasse ? Ou aimez-vous mieux supposer que la
chose est faite, et sauver ainsi la vie, en vous
soumettant de bonnegrâce, à la population d'une
province ou deux ? »
On se mit à rire. Don Quichotte seul ne riait'
pas. Les existences ne sont pas tout, repris-je.
Uy a la manutention. La roburite des Allemand
n'excède pas, comme approvisionnement, notre
mélinite mais elle se fabrique plus -rapidement
et plus aisément, de sorte que, s'ils n'ont pas la
supériorité le premier jour, ils l'auront le
deuxième. D
Notre capitaine nous écoutait avec bienveil-
lance, comme un homme qui se dit ils se for
meront. « Ne vous inquiétez pas de cela, dit-il.
Qu'est ce que la roburite? Du fulmicoton con-
primé.Est-ce que nous mannuons en Franco de
fulmicoton'? L'industrie privée a plusieurs belles
fabriques que l'Etat pourra réquisitionner en
temps de guerre. Il a ïui-mômo une petite fabri-
que du côté de Brest, qu'il ferait sagement d'a-
grandir. Mais vous pensez bien qu'on s'y pré-
pare. Ce n'est pas pour rien que nous avons une
Commission des poudres et salpêtres !-En eiïet,
dis-je. S'il y aune commission 1
Don Quichotte .n'avait rien dit jusque-là, mais
je savais qu'il bouillonnait intérieurement, et
gu'il attendait, pour parler, d'être sûr dq pouvoir
se contenir. Il y parvint à la fin, et du ton le
plus mesuré et le plus poli, étendant le bras vers
le côté gauche de notre jeune ami « Capitaine,
dit-il, vous avez une épée au côté? Oui, mon-
sieur, répondit l'autre, d'un ton qui signifiait:
ne vous y jouez Das! Vous avez été élevé à
l'école Dolytechnfque et à l'école de Fontaine-
bleau, et on vous y a enseigné, outre l'art de la
guerre, les sentiments d'honneur qui font le
caractère distinctif et le charme de votre profes-
sion ? Oui, monsieur! » Il fit un mouvement
pour se lever mais, en voyant l'air de bonté et
de loyauté qui brillait sur le visage de notre
ami, il se rassit, en répétant d'un ton ferme,
mais doux: Oui, monsieur. Si on vous di-
sait Voici un poison sûr, que nous allons jeter
dans les fontaines avant l'invasion de l'ennemi,
et mêler aux farines qui abondent dans nos ma-
gasins nous nous retirerons après, nous fui-
rons la peste combattra pour nous; si on vous
tenait ce langage, que répondriez vous? »
Le capitaine se mit à rire. « Jevous comprends,
dit-il. Mais, monsieur, nous ne sommes ni des
empoisonneurs, ni des assassins. Nous courons
les mêmes risques que l'ennemi. Nous lui en-
voyons la mélinite, et il nous envoie la roburite.
La guerre est toujours la guerre. Elle est deve-
nue plus terrible; elle n'a pas cessé d'être
noble.
Oui,yeune homme; -rotiijipfaeswtre vie.
Je comprends que cela vous console. Et pour
tant, croyez-moi, la guerre a eu son âge glo-
rieux, oui est bien loin de nous. Quand les hom-
mes s'attaquaient à l'arme blanche, poitrine con-
tre poitrine, dans un champ clos dont on ne pou-
vait sortir que mort ou victorieux, tout soldat
était un héros. C'est pour ce soldat-là que les
poètes ont trouvé tant de beaux vers, et que les
hommes ont ressenti tant d'admiration. La
guerre a bien changé de nature quand on a pu
s'embusquer derrière une haie, et envoyer la mort
à distancie. Cependant, tant qu'il y a eu de petites
armées, j'entends des armées de cinquante à
soixante mille hommes, et des canons à petite
portée, comme nos canons de vingt mille francs,
Que vous appelez des joujoux, je comprenais en-
core la gloire militaire;* on voyait la mort venir,
on allait au devant d'elle; il y avait des charges
comme celle deReich?hoffen,dont on ne pouvait
lire le récit sans admiration; le général dispo-
sait de son armée, il la voyait en quelque sorte,
il en suivait les mouvements; il pouvait trans-
mettre ses ordres sur toute la ligne de combat.
Oui, monsieur, je le répète nous avons encore
vu et acclamé la guerre. Je crains qu'elle ne nous
ait donné ses dernières splendeurs. Vous allez
tuer désormais à la mécanique, non pas comme
le soldat qui se couvre de son épée, maiscumme
le bourreau qui tire la gâchette. Pour vous, je
vous admire et je vous plains pour les hommes
d'Etat qui commandent ou provoquent ces tue-
ries, ils ressemblent plus à Robespierre qu'à
Napoléon. La différence entre eux et Robes-
pierre, c'est que Robespierre n'avait qu'une char-
rette, et ne tuait par journée qu'une centaine de
victimes. On envoie deux peuples à la mort; ce
n'est pas contre des hommes qu'ils marchent,
c'est contre des forces brutales. C'est un duel où
il n'y a qu'un seul pistolet chargé on ne se dé.
fend pas, on subit l'arrêt du sort. Ce siècle ne
combat plus, dit-il il tue. Il a supprimé l'art
de combattre et perfectionné l'art de tuer..»
Tout le monde se taisait. On a beau être habi.
bué aux sentences de notre ami, il y a des mo-
ments où elles vous accablent. Nous nous sen-
tions opprimés, écrasés par ces forces brutales.
Nous nous rappelions tristement les hécatombes
de 1870.
« Eh bien dis-je en mettant mon pardessus
pour m'en aller, subissons, puisqu'il le faut, le
règne de l'acide picrique. Il nous reste, comme
espèce humaine, la seule supériorité que Pascal
nous reconnaisse quand l'univers l'écraserait,
l'homme serait encore plus noble que ce qui le
tue, parce qu'il sait qu'il meurt 1 >
JULES SIMON.
LE MATIN publiera demain un article de
M. JOHN LEMOINNE.
ÉLECTIONS ALLUMNOES
L'empereur ne fera pas de proclamation
Les électeurs avertis.
ID'UN correspondant)
Benlin, 15 février. La Gazette de l'Allemagne
du Nord apprend qu'aucune proclamation de l'em-
pereur ne tera publiée l'occasion des élections du
Parlement allemand, parce que l'empereur s'est ex
primé si clairement au sujet de ses désirs concer-
nant le septennat et touchant les élections, lors de
la réception de la délégation qui lui a présenté l'A-
dresse de la Chambre des Seigneurs, qu'une pro-
clamation ne pourrait pas fournir de nouveaux
éclaircissements sur l'opinion de l'empereur.
Le journal officieux allemand ajoute que les élec-
teurs savent bien ce que leur empereur attend
d'eux.
Le parti catholique.
La Gazette de la Croix publie une déclaration
signée du comte Fursienberg-Stammheim et de 36
membres de la noblesse catholique rhénane.
Les signataires de cette déclaration exposent que
le Centre, au lieu de suivre la grande politique na-
tionale, s'est attaché à une politique mesquine; qu'il
est allé jusqu'à, s'allier ouvertement avec les pro-
grossistes et les démocrates, et qu'il a fait tout cela
malgré les avertissements pressants du Pape.
Les signataires engagent les habitants des pro-
vinces rhénanes à rester fidèles à l'empereur, et à
travailler avec eux à la formation d'un parti catho-
liqne conservateur.
Petit état de siège.
En vertu d'un arrêté du ministre d'Etat, 19 petit
état de siège a été établi non seulement â Stettin,
mais aussi dans les petites viiles avoisinantes de
Grabow, Altdamm et dans quatre autres districts
environnants.
LES S£ÎG¥ËtJR S~P R ÛSS i E H S
Discours de M. de Bismarck. Pas d'allu-
sions à la situation.
fràB SERVICE SPÉCIAL»
Beblin, 45 février. M- de Bismarck, 'qui est
membre la Chambre des Seigneurs, a assisté
aujourd'hui à la séance de cette assemblée.
Le chancelier a pris part au4ebat surla question
Son discours ne contient aucune allusion à la si-
tuation politique actuelle; I
LA SITUATION
LES CRÉDITS MILITAIRES DEVANT
LE PARLEMENT AUSTRO-HON-
GROIS
A la Chambre autrichienne Une interpel-
lation Le gouvernement demande
douze millions pour lalandweïu>
et le landsturm Exposé
des motifs.
frAR SERVICE SPÉCIAL!
Vienne, 15 février. Dans la séance de la Cham-
bre d'aujourd'hui, le député Sturm a interpellé le
gouvernement sur la divergence de certains arti-
cles de loi sur le landsturm en Autriche et en Hon-
grie et sur l'interprétation d'autres articles, dont la
rédaction, est obscure ou équivoque.
Le ministre de la Défense nationale, 'le comte
Welsersheimb, a déposé un projet de loi en trois
articles, demandant un crédit de 12 millions de flo-
rins pour des objets d'équipement pour la landwehr
et le landsturm.
L'exposé des motifs du »rojet de loi porte que
la demande de crédits est la conséquence naturelle
de l'adoption de la loi sur le landsturm.
« Nouscommettrionsune grave omission, ajoute le
ministre, si, en présence des mesures que prennent
tous les Etats de l'Eurepo pour développer leur
puissance militaire, nous ne faisions rien. pour ar-
mer et pouvoir en cas de besoin employer le lands-
turm.
Nos intérêts nous obligent à développer nos
institutions d'une manière pacifique, et le gouver-
nement austro-hongrois s'efforce de travailler au
maintien de la paix.
» Malgré cela, nous devons, comme tout Etat qui
ne veut pas renoncer a ses intérêts vitaux, nous
tenir prêts à faire, en cas de besoin, tous les
sacrifices pour défendre la monarchie, afin de ne
pas nous laisser surprendre par les événements. »
A la Chambre hongroise.
(PAR SERVICE SPÉCIAL)
Pbsth, 15 février. Le baron Fejervarg a dé-
posé aujourd'hui à la Chambre des députés un pro-
jet de loi analogue à celui du comte Welsersheimb,
et demandant 7,460,000 de florins.
Son exposé des motifs est plus long et plus dé-
taillé que celui du ministre autrichien, mais con-
tient les mêmes considérations, peut-être plus ac-
centuées et indiquant davantage la nécessité d'être
prêt pour la dépense.
Il émeut cetto conviction que la nation, mal-
gré la situation financière si précaire, n'hésitera pas
à voter le crédit.
Incident.
Vers la fin de la séance, une scène scandaleuse a
mis la Chambre en émoi.
Le député Koinloszy.curé et anti-sémite, a proféré
de violentes invectives contre M. Tréfort, ministre
de l'instruction publique et des cultes, l'accusant
de vendre des charges au clergé.
M. Tréfort. entré précisément aujourd'hui dans sa
soixante-dixième année, a manqué de s'évanouir en
entendant cette apostrophe.
Toute la droite et le centre ont alors poussé des
cris d'indignation, sommant M. Komloszy de quitter
la Chambre.
M. Tisza a eu beaucoup de peine il calmer le vé-
nérable vieillard qui est très estimé de tout le
monde.
Le président n'est parvenu rétablir l'ordre qua-
près uu quart d'heure d'un tumulte épouvantable.
Un mot d'ordre.
M. Tisza, de retour hier soir, avait convoqué im-
médiatement les.chefs de tous les partis afin de
discuter la demande de crédit que le baron Fejorvaz,
ministre de la guerre, adressera aujourd'hui aux
M. Tisza a demandé de ne pas faire de cette ques-
tion une discussion sur la situation extérieure et
sur l'armée.
11 est surprenant après cela que l'Egyetertes,
organe indépendant, déclare aujourd'hui qu'une pro-
sition de discussion sera peut-être faite.
t Si la situation est si sérieuse, dit le journal de
l'opposition, que le devoirnous impose de si grands
sacrifices, il faut montrer au Parlement de quel
côté le danger nous menace; si le danger n'existe
i pas de fait, comme s'accordent à le prétendre les
cercles dirigeants, il faudrait réfléchir et se deman-
der si, dans la situation critique des finances de la
nation, celle-ci doit se décider â de semblables sa-
crifices.
Ce sophisme sera facilement réfuté par M. Tisza,
qui dira que le danger existe, mais qu'il n'est pas
imminent.
Vote de la commission,
(d'un CORRESPONDANT)
Buda-Pesth, 15 février. La commission parle-
mentaire de la défense du pays a approuvé à l'una-
nimité la demande de crédits du ministre des hon-
veds.
M. de Bismarck polémiste.
(PAR SERVICE SPÉCIAL!
BERLIN, 15 février. La Gazette de l'Allemagne
du Nord, répondant aux assurances pacifiques don-
nées par le journal dans son numéro du
13 février, lui oppose les articles belliqueux qu'il a
publiés dans ses numéros du 17 octobre et du 18
décembre 1886.
Le journal français, dit la Gazette de l'Alle-
magne du Nord, montre aujourd'hui IaFranca com-
me la nation la plus tranquille, la plus inoffensive
de l'Europe, ajoutant que toute l'Europe doit savoir
que la Frince ne voulait pas la guerre hier, qu'el.e
ne la veut pas aujourd'hui et, qu'elle ne la voudra
pas demain, et que si,par conséquent, elle est pous-
sée à la guerre, c'est sur l'Allemagne que devra en
retomber toute la responsabilité.
Or, dans son numéro du 17 octobre, la France,
dans un article intitulé La Guerre, déclarait qne
le général Boulanger était l'homme dans lequel le
pays avait placé son espoir, le soldat sur lequel il
comptait. Quand? Peut-être demain.
En tout cas, disait ce journal, à la première
»occasion favorable. Il est prêt'-au combat, et
» nous sommes prêts comme lui.
b Plus tôt l'heure sonnera où la France retrou-
» vera sa gloire ancienne, où elle reconquerra ses
» provinces perdues, et plus joyeux nous saluerons
»cette heure-là. »
Le même journal publiait, le 18 décembre, un
article intitulé, Préparatifs de guerre., dans lequel
il disait qu'une guerre entre la France et l'Allema-
gne était désormais inévitable, que cette guerre
pouvait être retardée quelque temps, mais qu'elle
devait éclater sinon aujourd'hui ou demain, du
moins à la première occasion. »
Persécutions en Alsace.
D'après le Journal d'Alsace, il est exact que des
perquisitions domiciliaires ont été opérées à Stras-
bourg chez M. Emmanuel Schmütz, secrétaire du
comité électoral, et chez M. Kablé. Le gouverne-
ment suppose que les Alsaciens-Lorrains s'enten-
dent avec la Ligue des patriotes. Cependant tous
les papiers, saisis dimanche ont été rendus au se-
crétaire Schmûtz, qui, du reste, nie énergiquement
les faits qui lui sont imputés. La police a égale-
ment saisi cinq mille exemplaires Me brochures 60
cialistes, posant à Strasbourg la candidature d'un
nommé Auguste Hamm, ouvrier à Mulhouse.
Le même journal affirme- q&& Barr, dimanche.
une descende domiciliaire a eu lieu chez un ban-
quier de la ville, M. Tautlieb père, avec un certain
déploiement de police. L'opinion publique est una-
nime à déclarer qu'une cause politique a dicté les
mesures prises par le gouvernement allemand.
La feuille alsacienne ajoute que des visites domi-
ciliaires ont été faites, dimanche, à Metz, chez plu-
sieurs personnes appartenant aux classes supé-
rieures de la population, suspectes de haute trahi
S°D'apr*s l'Express, de Mulhouse, il est également
hors de doute que de nombreuses arrestations ont
été faites dans cette ville. Les personnes arrêtées
sont accusées de menées françaises et d'intelligence
avec la Ligue des patriote.
On évalue à dix le nombre des personnes arrê-
tées, tant à Mulhouse que dans la banlieue.
Enfin la Post de Strasbourg revient le bruit sur
la mise en état de siège de quelques villes de 1 Al
sace et de la Lorraine, qui avait été une première
fois démenti, parc? que la loi de dictature donne au
statthalter des pouvoirs extraordinaires qui ren-
dent inutile toute autre mesure exceptionnelle.
Les Allemands en Fspagne.
(PAR SERVICE SPÉCIAL)
MADRID, 15 février. Depuis plusieurs jours, le
bruit coursait ici que les Allemands résidant en Es-
pagne avaient reçu l'ordre de rentrer en Alle-
magne.
J'ai pu avoir des renseignements puisés aux sour-
ces les plus autorisées et puis vous assurer que le
bruit est faux.
J'ai appris seulement que les Allemands, appar-
tenant à la landwehr, avaient reçu des instructions
leur enjoignant, dans le cas où leur classe serait
appelée, de s'embarquer à Barcelone ou a un tout
autre port de la Méditerranée, pour Gênes, et de se
rendre de là en Allemagne par la voie du Saint-
Gothard.
Je puis vous assurer qu'un colonel d'état-major
prussien, accompagné de M. Krupp, se trouve à
Madrid. Si les craintes de guerre existaient réelle-
ment, ce colonel, qui voyage en Espagne en vertu
d'un congé, aurait été rappelé.
La neutralité de la Belgique.
(PAR SERVICE SPÉCIAL!
Bruxelles, 15 février. Tout le monde est indi-
gné ici du laisser-aller anglais dans la question de
la neutralité de la Belgique.
On proteste énergiquement contre cette idée
que le passage ou le séjour des tyoupes allemandes
en Belgique serait considéré comme tout naturel.
Il serait bien temps de se plaindre si la Franco
victorieuse traitait la Belgique en pays conquis.
La Belgique cherchera des alliances près de tous
ceux qui seront nrêts à défendre sa neutralité.
La conclusion d'un article du Journal cte
Bruxelles, organe officieux, est à noter. Voici coin-
Si la Belgique acquiert la certitude qu'aile n'a a
attendre de personne la protection de sa neutra-
lité, elle ne se souciera plus du traité de 1.839 et
cherchera des alliances profitables à son indépen-
dance nationale, là où elle les trouvera. »
LA QUESTION DE BGNGflRETA
Le différend entra l'Angleterre ot la France.
Les pavillons rétablis. Protes-
tations réciproques.
L'agence Havas a reçu, hier, la dépêche suivante
Lu CAiniî, la février. Une lettro do Zoilali, du 5 fé-
vrier, dit que le pnvillon français a été rétabli à Douga-
l'et, mais que lo navire anglais Amberwiich, étant ar-
rivé lo 1" février, a hissé, de son côté, îcuavillon an-
glais. Les agents français et anglais ont proteste récipro-
Nos informations nous permettent de dire que les
renseignements officiels parvenns au quai d'Orsay
modifient légèrement cette dapë hc.
11 est inexact, en effet, que ce soit un navire an-
glais qui ait hissé le pavillon anglais ce sont des
sauvages, des indigènes qui l'ont arnoré.
Nous devons ajouter qu'il n'y a point non plus
craindre un conflit, comme pouvait peut être le
faire croire la dépêche que nous reproduisons.
La question Je Dongareta fait depuis longtemps
l'objet de négociations amiables entre les gouverne-
ments anglais et français,.et il a été provisoirement
convenu qu'on resterait de part et d'autre dans le
statu quo jusqu'à nouvel ordre.
Négociations en cours.
Déjà, il y a peu de temps, comme on doit se le
rappeler, à la suite d'un accord entre M. Flourens
et le cabinet anglais, les agents respectifs des deux
gouvernements à Zeilah, le commandant Ding et M.
Henry, entre Jesquels les divergences avaient pris
un caractère personnel et aigu, ont été simultané
ment rappelés, afin de faciliter les conclusions pro-
chaines d'un arrangement.
Les négociations continuent entre Paris et Lon-
(Ires, et les faits qui viennent de se produire à
Dongareta ne doivent être considérés que comme
un petit incident secondaire, de même quelles
protestations réciproques des représentants de l'An-
gleterre et de la France doivent être regardées
comme étant de pure forme.
LA CRISE ITALIENNE
Situation stationnaire M. Depretis tient
toujours la corde.
(PAR SERVICE SPECIAL)
ROME, 15 février. M. Depretis a conféré aujour-
d'hui avec quelques amis et plusieurs hommes po-
I litiques considérables sur la situation.
Le Popolo romano dit qu'il n'y a aucune nou-
velle positive.
L'Opinione fait observer que les difficultés sont
loin d'être légères.
Selon le Fan f alla, il n'y a aucune négociation en-
treM. Depretis et les dissidents.
L'Italie montre la difficulté qu'on d'é-
largir la base de la majorité parlementaire.
La Tribuna dit qu'on oscille toujours entre le re-
fus d'accepter la démission du cabinet et l'intention
de charger M. Depretis de former un nouveau mi-
nistère.
MASSAOUAH
Hommages aux combattants de Sahati
Départ de troupes.
(PAR SERVICE SPÉCIAL%
Rome, 15 février. Le maire de Rome propo-
sera, ce soir, au conseil communal, de dédier un
des obélisques de Rome aux soldats morts a
Sabati.
On y fera graver leurs nom!?.
Selon la Tribuna, la Citta Genova embarquera.
à Reggio, un bataillon pour Massaouah.
• Aujourd'hui, s'est embarqué à Naples, un déta-
chement du génie pour le service télégraphique.
L'explorateur Franzoi s'embarquera dimanche
ou lundi à Naples, pour Massaouab.
LE PRINCE VICTOR
fc>AR SERVICE SPÉCIAL)
Bruxelles, 15 ferler. Le çrin«e
Ire beaucoup d'au abcès à l'œil.
LA PREMIÈRE REPRÉSENTATION DH
• NUMA ROUMESTAN o
Le type de M. Daudet transformé -Ce
qu'est devenu lo héros du roraau
Mme Rotimèstan Nord et Midi-
L'interprétation.
Il importe peu main tenant de savoir quel est
l'homme politique qui a servi de rnodélo à l'auteur
pour le héros de son œuvre. Nous ne crayon s pas
d'ailleurs que M. Daudet ait voutn peindre un in-
dividu il a personnifié le Midi tout entier dans,
Numa Roumestan, qui d'ailleurs nous a paru bien
changé en passant du roman au théâtre.
Le livre nous avait montré un personnage hil-
blcur, bruyant, épanoui; vaniteux, peu sympathi-
quo en somme. Les exigences de la scène l'on
rendu presque intéressant malgré ses fautes, et si
le portrait est devenu moins exact, il a du moins
acquis ce aui lui manquait pour que le public pût
le contempler sans trop de défaveur.
Tel qu'il est reste, le type est encore original et
vrai. Numa est bien l'homme de son pays, jouis-
seur, comédien, prompt tous les enthousiasmes
comme à tous les découragements, plein de bonnes
intentions, inconscient du mal qu'il fait, incapable
de réllexion, se grisant lui-même au fracas de ses,
paroles sonores dont le véritable sens.ne lui vient:
que lorsqu'il les a prononcées avec cet. accent qui:
leur donne tant de saveur.
Mais si Numa, grâce cette éloquence entraînante
qui est un don chez lui, parvient conquérir non
seulement la renommée en arrivant aux sommets de'
la politique, mais le bonheur en épousant une ferai-
me adorable, il n'est vraiment digne ni de ce bon-
heur r.i de cette renommée, et il gâche l'un et l'au-1
tre sans savoir pourquoi, sans savoir comment, par!
veulerie; comme il lé dit lui-même. Et lorsqu'il s'a-j
perçoit de ses erreurs, il les regrette sincèrement'
cherche à les repérer et. il retombe dans les m8-
mes fautes pour les déplorer encore et les recom-
mencer toujours, carie grand défaut de cet homme,-
qui a de si brillantes qualités de surface, c'est du;
manquer totalement de sens moral.
Au théâtre, le grand homme nous apparaît pour,
la- première fois dans toute sa gloire, à Aps, en'
province, sa ville natale, dont il est député et où-
il va se retremper, chaque année, pendant les va-
cances parlementaires, et se réchaulfer à l'enthou-
siasme exubérant de ses compatriotes.
On l'acclame, on l'adore, on l'applaudit: il parle,,
et le délire général est à son comble, et dans les'
vastes arènes, où grouille une multitude affolée, il
est le point de mire de toutes les admirations et'
l'objet de toutes les tendresses.
Il parle encore.il promet des bureaux de tabacs,
des bureaux de poste, des subventions, dus conces-
sions, des décorations, et tdut le monde est con.
tent, bien que chacun sache à quoi s'en tenir là-
dessus, et n'attache pas plus d'importance à, ses;
promesses qu'il n'en attache lui-même.
Mais les gens du Midi sont ainsi. •
Par exemple, Resalie, la femme de Roumes tan, ne,
peut pas s'habituer à tout ce vacarme, it toutes ces
hâbleries, a tout cet étalage de bcaux sentiments.;
Elle est du Nord, elle, et elle attache aux mots leur;
véritable sens; aussi a-t elle bien soutfert quand
elle a découvert que son Numa, auquel elle avait,
dans son cœur sincère et aimant élevé un piédestal,
n'était qu'un simple farceur sans consistance, et'
qu'elle a touché du doigt et constaté la fragilité de
bon idole.
Il y a dix ans qu'i'ls sont mariés. Il en a trois
que, tout en restant unis aux yeux du monde, ils
sont séparés dc^coeur. Rosalie, a surpris son mari
en flagrant délit d'infidélité, et il partir de, ce mo-
ment, elle n'a plus été qu'une étrangère pour lui,
renfermant sa douleur au fond de son âme et pieu-
rant la perte de ses illusions.
Elle a accomlagné Numa dans le Midi, avec sa
jeune sœur, dont l'esprit enthousiaste s'éprend de
la fantasmagorie méridionale en général et spécia-
lement d'un tambourinaire qu'elle trouve beau et
romanesque. Elle assiste, froide et dédaigneuse aux
ébats de Roumestan qui, fier et heureux de ses
triomphes, se retourne vers sa femme, et, pris sou-
dain d'attendrissement, lui demande un pardon
que Rosalie, qui aime encore « son chanteur de ca-
vatine » consent a lui accorder, mais pour la pre-
mière et la dernière fois.
Les deux époux réconciliés rentrent a Paris, où
la fortune de Numa prend un nouvel essor. Non
seulement il est orateur écouté à la Chambre,
mais encore avocat recherché au palais. Son cabinet
ne désemplit pas, et le grand homme en déshabilla
nous est montré dans l'exercice familier de ses fai-
blesses, de ses tapages et de ses ambitions.
Numa a déjà oublié les serments faits n Rosalie
il l'aime, il l'adore, il la vénère. « Si je la trompais,
dit-il, je serais un grand coupable 1 » Et il se pré-
pare à la tromper avec la petite Dache, chanteuse
de café-concert.
Il donne une soirée chez lui pour avoir l'occasion;
de faire entendre cette petite R6sine au directeur de
l'Opéra-Comique. Elle a débité deux ou trois roman-
ces de son répertoire dans un costume pimpant, et[
voilà Numa éperdument amoureux de sa protégée.
Mais une maladresse met Rosalie sur la voie des-
soupçons Numa, quand la soirée est finie se dis-;
pose à sortir, sous prétexte d'aller corriger les)
épreuves de son dernier discours; Rosalie le sup-:
pliederester,car elle une confidence à lui faire; ili
part néanmoins. elle quitte la maison derrière lui;
et elle le suit.
Nous n'avons pas besoin de signaler la ressenw
blance qui existe entre cette situation et la situa-
tion de Francillon. Mais Rosalie est honnête, et
elle ne se résignerait pas volontiers, comme l'hé.;
roïne de Dumas, à passer, étant pure, pour une,
femme perdue, <
Elle a suivi son mari, elle l'a vu entrer chez la-f
chanteuse, elle l'a entendu chanter avec elle un duo;
en patois, et quand il rentre à cinq heures du ma-;
tin, elle se présente devant lui et lui déclare que-
tout est fini entre eux, et qu'elle retourne chez ses-,
barents.
Numa, éperdu, commence à esssayer quelques
mensonges; elle l'arrête. Il parle de ses remords',
il pleure, elle le repousse; il invoque son autorité
elle le brava; il veut l'empêcher de sortir, elle se-,
lance dans l'escalier « Si tu fuis un pas, crie-)
t-elle. je me jette par-dessus la rampe, et ie nei
mourrai pas seule) b
C'est ainsi que Numa apprend qu'il va bientôt
être père, au moment où il n'a plus de femme.
Rosalie s'est retirée chez ses parents, et elle s obs-
tine à rester sourde à toutes les propositions de\
raccommodement que son mari tente près délie, et a
toutes les remontrances que sa fuinille lui proai-!
gue. Elle est indignée de la conduite de Roumestaa1
et elle ne la lui pardonnera jamais.
C'est alors que M. le Quesnoy, son père, un ri*.
Cide et austère magistrat que Rosalie considère
comme l'impeccable personnification de 1 honneur,
et de la loyauté, s'avise d'un suprême expédient il
autorise sa femme à lui faire une pénible cona^
l;t la mère se voit forcée d'avouer àsa fille qu'ellaj
aussi a été jadis trompée par son mari, mai3|
qu'elle a oublié cette injure en pensant à ses en-^
Ainsi, tous les hommes sont des menteurs, des
débauchés, des làçnes, et il est dans la destinée de^
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