Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-11-03
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 03 novembre 1884 03 novembre 1884
Description : 1884/11/03 (Numéro 252). 1884/11/03 (Numéro 252).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2008
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PARIS ET Départements 10 CENTIMES
RÉDACTION De 6 h. du soir à 6 h. du matin
25, »ub d'argenteuil •̃ '>-
7 DERNIERS tÊLÉQRAMMES DE LA NUIT
ADMINISTRATION: De 10 h. matiaà 6, h. soi»
HUE D'ARCBKTEXJIt
SEUL JOURNAL FflftH?ÀIS RECEVANT, PAR FILS ET SEBWES SPECIAUX LES DERNIÈRES HOUVELLES DU ̃Olttl ENTIER.
RÉFORMES ÉLECTORALES
Dans quelques jours, le Sénat va se voter, pour
ses étrennes, une bonne petite loi électorale,
quelque chose comme une revision à l'amiable
qui le remettra à peu près b neuf, et renouvel-
;lera, sans rien brusquer, l'air qu'on respire au
On ne peut pas reprocher aux honorables mem-
'Ires de la Chambre haute d'y mettre de la mau-
vaise grâce; si divisés qu'ils soient sur la procé-
dure à suivre ou les limites à assigner à la ré-
¡ forme, tous sont d'avis qu'il y a quelque chose à
faire, et chacun, à cette heure suprême, au mo-
,ment de changer de si vieilles habitudes, apporte
sa petite idée, et risque timidement sa transac-
tion.
Ce qui est à modifier avant tout et là-dessus
l'accord a été immédiat c'est le mode d'élec-
tion des sénateurs, la proportionnalité, si cho-
quante actuellement, entre les villes et les cam-
pagnes, et cette étonnante bizarrerie qui met, soit
dit sans blesser la province, Paris sur le même
pied que Landerneau. Dans le Sénat, tel qu'il est
actuellement recruté, c'est incontestablement
l'influence rurale qui l'emporte de beaucoup, ce
qui n'est pas un crime d'ailleurs le sénateur est
l'élu des villages bien plus que des grands centres
de son département; à ses yeux, un petit bourg
de trente feux vaut, les jours de vote, la plus belle
ville du monde, et il en résulte nécessairement
qu'il est assez insensible à ces courants d'opinion
qui naissent généralement et meurent au chef-
lieu du département,dont le député tient si grand
compte, et qui n'ont aucune prise sur le suffrage
restreint.
De là, tout naturellement, dès le jour même de
^élection, avant d'arriver à Paris, et sans que la
;variété des milieux ait encore produit son oeuvre,
une manière de voir très dissémblale, souvent tout
• à fait opposée, une tournure d'esprit différente
entre élus d'un même département, fussent-ils
du même parti selon qu'ils sont sénateurs ou
députés. Cela n'est pas, je l'accorde, un trop grand
mal, et il faut bien, puisque nous avons deux
Chambres, qu'elles se distinguent entre elles par
leur tempérament autant que par leurs attribu-
tions. C'est une chose connue qu'un député, qui
entre au Sénat n'est plus le même homme au bout
de quinze jours. Depuis quelques années; beau-
coup ont fait le voyage du Palais-Bourbon au
Luxembourg on ne les a "plus revus. L'idée 'ne
leur est même jamais venue de s'arrêter quelque-
fois, en passant, pour dire un petit bonjour aux
anciens camarades. Du premier coup, en entrant
au Sénat, ils prennent le pli de la maison; leur
gaieté s'envole, et solennellement, ils se pénètrent
de leur importance sénatoriale.
Mais cette part faite, et très largement faite,
aux différences de situation, et pour ainsi dire
d'atmosphère, n'est-il pas néanmoins désirable,
utile pour la bonne marche des affaires, que sé-
nateurs et députés procèdent, autant que possi-
ble, du m.ême esprit ? C'est là, semblerait-il, une
vérité élémentaire, mais nous vivons en un
temps où l'on discute même les vérités de M. de
La Palisse; et certains du reste, ont tout intérêt
à ce que la porte des conflits reste ouverte. Il
est assez singulier, à ce propos, de voir d'excel-
lents esprits, des hommes de gouvernement
comme notre ami Alfred Naquet, essayer, très in-
volontairement, bien entendu, de perpétuer ces
conflits dont nous 'avons tant souffert en propo-
.liant l'élection du Sénat par le suffrage universel.
La seule explication d'une proposition aussi ra-
dicale est qu'elle nous ramènerait rapidement au
système de la Chambre unique et préparerait, pour
un très prochain avenir, la suppression du Sénat.
Car il n'est pas admissible que l'on puisse sérieu-
sement songer à faire vivre en paix deux Cham-
brés ayant la même origine, les mêmes électeurs
et aspirant, dès lors, aux mêmes.prérogatives et
aux mêmes droits. Ce serait la bataille organi-
sée, la lutte permanente sans solution ni dissolu-
tion possibles. Mais, tout en repoussant le suf-
frage universel pour le Sénat, nous n'en désirons
pas moins que l'on s'en rapproche, dans la plus
page mesure, et je regrette, à mon humble avis,
que l'on ait si dédaigneusement accueilli l'amen
dément qui faisait élire le Sénatpartous les con-
geils municipaux des communes de France.
Il ne me paraissait pas que les objections qui
ont assailli cet amendement à sa naissance fus-
sent décisives, mais il n'y a plus à y revenir au-
jourd'hui, puisque le père de la proposition lui-
même, l'honorable M. "ïtozérïan," a battu enre-'
traite. Ce qu'il faudra rechercher, évidemment,
et le Sénat semble vouloir s'y employer, c'est
d'étendre, le plus possible, le corps électoral, de
façon à ce qu'il soit, bien plus qu'aujourd'hui,
l'exacte représentation du pays, et sinon en con-
formité absolue, tout au moins en harmonie avec
le véritable souverain, le seul maitre le suffrage
universel.
C'est pour cela que l'une des plus curieuses
institutions de ce temps-ci, l'institution des ina-
movibles, va disparaître, sans que personne se
donne grand souci pour la défendre. N'en disons
pas de mal, cependant, ces inamovibles qui s'en
vont sans qu'on les retienne, ont eu leur heure
glorieuse dans l'histoire de la République; leur
élection fut «ne- merveille -de -stratégie parlemen-
taire dont l'honneur, comme toujours, revient à
Gambetta. On les avait inventés, ces soixante-
quinze contre nous, contre la République; c'est l'As-
semblée Nationale qui devait les nommer, et ils
étaient, dans l'esprit du centre droit il y avait
alors un centre droit comme une garnison mo-
narchique qu'on introduisait dans le futur Sénat.
On sait ce qu'il en advint, comment ces calculs
furent déjoués, *ce prodigieux travail de couloirs,
ces savantes combinaisons qui firent nommer par
cette Assemblée réactionnaire une cinquantaine
au moins de républicains convaincus. Ce fut là,
assurément, une des histoires les plus curieuses
de cette époque fertile en incidents et en ay^D.%
res, et si M. Jules Simon, qui y fut mêlé, voulait
la raconter ici même, il y trouverait certaine-
ment l'occasion de quelque belle page vraiment
intéressante 1
Mais les situations ne sont plus les mêmes, et
lé-besoin des inamovibles ne se fait plus sentir.
Eux-mêmes le reconnaissent, et ils prennent
d'autant .mieux la chose qu'elle n'atteint que
leurs successeurs. Il n'y aura donc pas de ba-
taille là-dessus. L'essentiel, maintenant, c'est
d'aller vite, et de ne pas oublier que le temps
vole. Il est, dit-on, question de fixer à la fin jan-
vier les élections sénatoriales. Je ne veux pas
examiner si ce serait légal; mais je suis parfaite-
ment sûr que cela ne serait pas pratique. Il n'y a
pas, en effet, de force au monde qui ferait ren-
trer à Paris, au commencement de janvier, à
l'ouverture de la session, des sénateurs soumis à
la réélection à la fin du mois, et déjà en pleine
campagne électorale. Il manquerait donc un tiers
du Sénat pour l'élection du bureau, et M. Le
Royer, à son tour, se trouverait victime du ter-
rible quorum.
Il faut donc en finir avant le mois de janvier.
C'est facile, si la rage de parler n'est pas trop
forte, et si le Sénat veut bien ce qu'il veut. On af-
fecte de croire que la Chambre voudra y regar-
der de très près,. qu'elle soulèvera des difficultés.
Et pourquoi donc Cette réforme électorale équi-
vaut, en somme, pour le Sénat, à une question de
règlement une assemblée est bien libre de choi
sir son mode de recrutement
On n'a, au Palais-Bourbon, nul désir de causer
à cet égard, le moindre ennui au Sénat. Ce qu'il
fera sera bien fait, et ce n'est.pas en ce moment
que la Chambre y trouverait à reprendre.
Nous aurons aussi, l'an prochain, notre petite
réforme à faire. Le Sénat sait bien ce que nous
voulons dire toujours le scrutin de liste De
nouveau on va le voter, de nouveau il reviendra
au Luxembourg comme nous aurons traité le
Sénat il nous traitera, et, une fois de plus, ce sera
donnant donnant, ce qui est toujours le derniers
mot de la politique 1
"-̃ --̃ EMMANUEL ARÈNE.
Le MATIN publiera, demain, un article de
M. PAUL DE CASSAGNAC
'̃>* LA GUERRE DE CHINE
"Xâ médiation anglaise L'Angleterre ne
l'a pas offerte.
(PAR FIL SPÉCIAL)
LONDRES, 2 novembre'. On n'ajoute ici au-
cune foi aux renseignements télégraphiés de
Vienne au sujet de la médiation.
On est certain que l'Angleterre n'a jamais of-
fert sa médiation à la Chine. Par conséquent
celle-ci n'a pas eu à la refuser.
UNE NOTE-CIRCULAIRE DU PAPE
L'hôpital du Vatican-Plaintes de Léon XIII.
(d'un CORRESPONDANT)
RosIE, 9 novembre. Le Saint-Siège vient d'envoyer
aux nonces apostoliques une note-circulaire qu'ils de-
vront communiquer aux gouvernements auprès desquels
ils sont accrédités.
Dans cette note, entièrement rédigée par Léon XIII,
le Saint-Père se plaint des commentaires auxquels a
donné lieu, dans la presse italienne, l'acte charitable de
la fondation au Vatican d'un hôpital pour les choléri-
ques.
Les journaux libéraux ont eu le tort, suivant Léon XIII,
de faire observer que l'idée de fonder cet hôpital lui est
venue à l'esprit un peu tard.
Le Pape termine en disant que ces commentaires dé-
montrent une fois de plus combien sa situation est péni-
ble.
LES ÉLECTIONS ALLEMANDES
Résultat complet Les ballottages.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER/
Berlin, 2 novembre. C'est aujourd'hui seulement
que l'on a connu le résultat définitif des élections de
mardi dernier.
Le classement officiel divise les élus en 69 conserva-
teurs, 95 députés du. centre, du parti de l'empire, 35
nationaux-libéraux, 31 progressistes, 9 socialistes, 16
polonais, 2 du parti populaire, 14 Alsaciens-Lorrains et 5
Guelfes.
Il n'y a que 97 ballottages au lieu de 100 comme on
le disait hier.
LA SUCCESSION DE BRUNSWICK
Un agent du duc de Cunlberland Visites
à différentes cours Mission infruc-
tueuse.
(DE ROTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
BERLIN, 2 novembre. On mande de Weimar que le
comte de Wedel, ancien officier hanovrien, actuelle-
ment écuyer de la cour de Weimar, s'est rendu à Co-
penhague, Stockholm, Oldenbourg, etc., pour faire de
la propagande en faveur de l'avènement du duc de
Cumberland au trône de Brunswick.
Il paraît que le comte de "Wedel a partout trouvé un ac-
cueil plus que froid et que, notamment à la cour de
Stockholm, on lui aurait déclaré qu'on ne pouvait pas
se mêler d'une question purement allemande.
LA CONFÉRENCE DE BERLIN
Les représentants du Portugal à la Confé-,
p rence.
(d'un CORRESPONDANT)
Lisbonne, 2 novembre.- Le Portugal sera repré-
senté à la Conférence de Berlin par le marquis de Pe-
nafiel, ministre plénipotentiaire à Berlin; M. de Serpa
Pimentel, conseiller d'Etat, sera conseiller technique.
il. Luciano Cordeiro, secrétaire de la Société de géo-
graphie de Lisbonne, partira prochainement pour Berlin.
ces DIPLOMATES portugais
(D'UN comùespûkdant)
Lisbonne, 2 novembre.' Les ministres du Portugal à
Paris, Londres et Madrid, qui sont en ce moment en
congé, vont partir pour aller rejoinùre leurs postes.
M.
MORT DU DIRECTEUR DE L'ACADÉ--
MIE NATIONALE DE MUSIQUE
Halànzier et Vaucorbeil Les débuts du
musicien Un mot de Cherubini
Ce qu'a fait le directeur -La ma-'
ladie La mort La date
des obsèques.
M. Vaucorbeil, directeur de l'Opéra, vient de mourir
d'une inflammation intestinale dont il souffrait depuis
quelque temps.
II avait succédé à M. Halanzier dans la direction de
l'Académie nationale de musique, et l'on croit que M.
lialanzier va lui succéder, du moins provisoirement, et
comme administrateur. L'un et l'autre sont nés dans un
milieu essentiellement théàtral. Si la familiarité du terme
n'était pas un peu choquante, en l'espèce, on pourrait
les qualifier d' « enfants de la balle ».
m M. Halanzier est peut-être administrateur plus habile
et plus pratique. M. Vaucorbeil était techniquement plus
fort en musique.
Ilnaquit en 1824 d'un comédien très connu et très ap-
précié, presque illustre, qui fit les délices de nos frères
ainés, sous le nom de FerviUe, et mourut il y a vingt
M. Vaucorbeil eut de bonne heure le goût de la mu-
sique et entra au Conservatoire soue le « règne » du ter-
rible Gherubini.
On prétend que Cherubini disait de lui « Il ira loin;
car l'inspiration ne'le distrait pas de son travail. »
Il est impossible de savoir si, dans la bouche de ce
diable d'homme, c'était un compliment ou une sa-
tire.
La carrière du compositeur.
Les capacités de Vaucorbeil furent d'ailleurs prises au
sérieux, puisqu'il remplit pendant quelque temps les
fonctions de professeur adjoint.
Plus tard, il se livra très activement à la composition
et toucha, sans succès bien marqué, à tous le* genres
symphonie, musique de chambre, mélodies, chœurs,
cantates,iete., etc.
En 1853, il aborda la scène de 1 Opéra-Comique, avec
une partition écrite sur un libretto de MM. Sardou et
Daclini, Bataille d'amour. Cette œuvre n'était pas sans
mérite, mais elle manquait de chaleur et de charme.
Sa symphonie dramatique, la Mort de Diérae, est plus
appréciée des connaisseurs. Interprétée en 1870 au Con-
servatoire, par JaKrauss, elle est restée au répertoire
de la Société des concerts.
Il laisse un grand opéra, Mahomet, paroles de M. de
Lacretelle.
L'entrée à l'Opéra.
Après avoir été commissaire du gouvernement près
des théâtres subventionnés et inspecteur général des
Beaux-Arts, il fut nommé, en 1879, directeur de l'Opéra.
On attendait beaucoup de lui et sa direction n'a pas été
sans honneur et sans prestige. On lui doit la création, à
l'Académie de musique, de plusieurs grandes œuvres:
Aida, le Tribut de Zamora, Henri VIII.
Plus que ses précurseurs il intervenait dans les pré-
parations et les études des œuvres musicales destinées
au public de l'Opéra. Il se souvenait toujours trop
constamment peut-être que lui aussi était composi-
teur. Sa prétention était de diriger le chef d'orchestre,
les musiciens, les choristes, les chanteurs-les auteurs
eux-mêmes. Très autoritaire de tendance, très autocrate
par tempérament, il n'avait cependant pas la décision et
l'énergie nécessaires au commandement absolu. C'était,
en somme, un caractère complexe et singulier, ou l'indé-
cision se mêlait à l'entêtement, et la violence à la fai-
blesse. Fort galant homme, du reste, et très désireux
d'être toujours fidèle aux lois de la plus stricte jus-
On ne saurait nier sa compétence en matière de mu-
sique dramatique. Cependant son goût n'était pas tou-
jours très sûr et très pur. Il avait des manières de voir
ou d'entendre toutes personnelles et qui ressem-
blaient à ce qu'on appelle familièrement des « toqua-
des Très convaincu et très consciencieux, quand il
se trompait c'était de la meilleure foi du monde. Il lui
est arrivé d'obliger ses artistes à rompre avec la tradi-
tion, dans l'exécution de telle ou telle œuvre, mais c'é-
tait toujours au nom de la tradition elle-même.
Il se croyait, très sincèrement, l'unique et le vrai dé-
positaire de la volonté des maîtres défunts et il eût vo-
lontiers démontré aux maîtres vivants qu'il connaissait
mieux leurs intentions qu'eux-mêmes ne les connais-
saient.
C'est ainsi qu'il a toujours ctligé les artistes de l'O-
péra à ralentir les « mouvements ».
Il a poussé cette manie à l'extrême dans l'exécution
de certains chefs-d'œuvre les Hugueaaots, par exem-
ple, et surtout Don Juan.
Si on lui résistait, il s'emportait; et cependant con-
tradiction bizarre il avait toujours l'air hésitant et
faisait sàns cesse mine de consulter tout le monde.
Le portrait du défunt.
Grand, distingué, presque beau avec sa longue barbe
tombant droit, son profil noble et ses yeux d'une ex-
trême douceur, M. Vaucorbeil était plus courtois qu'ai-
mable et plus sympathique que séduisant. On l'a quel-
que fois entendu s'emporter contre le personnel de [l'O-
péra et sortir, comme directeur, des bornes de la modé-
rati on; hors de ses fonctions, il était toujours correct et
biepveillant.
Au fond, c'était un timide: et sa timidité se traduisait
quelquefois par une apparente froideur un peu trou-'
blante; un des symptômes -de cette timidité, obsédante
et tyrannique, c'était une fatigante hésitation dans la pa-
role.- M. Vaucorbeil s'exprimait très doucement trop
doucement, sauf quand il était irrité: il répétait les mots
et avait rarement le terme précis et la phrase nette. On
eût dit un bègue délivré de son infirmité par quelque
ingénieux traitement.
Sa carrière a été réellement honorable, et sa vie est
restée digne. On n'occupe pas le poste éminent de di-
recteur de l'Opéra et on ne remplit pas d'aussi délicates
fonctions sans mécontenter bien du monde et faire nai-
tre quelques inimitiés. Nul, cependant, ne refusera de
rendre justice au caractère intime d'un administrateur et
d'un artiste, pour tout le moins intègre et convaincu.
La succession de M. Vaucorbeil.
Dès que la maladie de M. Vaucorbeil eut pris une
tournure alarmante, les candidats à sa succession se
sont beaucoup remués.
Il est probable que l'un d'eux M. Halanzier sera
nommé administrateur temporaire, quitte à prendre plus
tard la direction officielle du théâtre. M. Halaùzier, qui a
déjà rempli ces importantes fonctions, passe générale-
ment pour l'administrateur le plus digne de les repren-
dre.
Les autres sout M, Carvalho, très bon administra-
teur aussi et très épris du grand art;
M. Detroyat, un homme très intelligent et très actif,
mais que ses études préalables ne semblent pas avoir
'préparé spécialement aux fonctions de directeur de la
première scène musicale française;
M. Faure, très poussé par M. Antonin Proust;
M. Gailhard, une basse de talent, mais qu'on ne voit
pas bien à la tête de l'Académie- nationale de mu-
sique
M. Campo-Casso, homme expérimenté et compétent,
mais plus administrateur qu'artiste;
M. Gouzien, candidature un peu comique on le dit
pourtant bien appuyé par M. Victor Hugo;
M. Louis Besson, critique parisien très connu,
mais qui malgré sa remarquable corpulence, n'a peut-
être pas l'envergure nécessaire pour succéder a M. Vau-
çorbeiJ..
M. d'Herblay, jadis directeur des théâtres deLyon di-
re<î?eur soigneux, dont il avait déjà été question.
D'autres candidatures se présenteront sans doute en.
core. Il y en aura de [gaies on a vu qu'il y en avait
déja. Origine de la maladie.
Il y a une dizaine de jours, M. Vaucorbeil sortait de
chez lui bien portant et se rendait aux magasins de de-
cors de l'Opéra, rue'Richer; en lés quittant il prit- froid,
se sentit mal à l'aise et rentra bien vite chez lui. Ce re-
froidissement a produit une dysenterie qu'on n a m ar-
malgré les soins dévoués de son ami le docteur
Befgëron-, assisté de deux médecins consultants, MM.
Potain et Pettér.
Les derniers moments
Après de terribles souffrances, l'état du malade fut
jugé dès samedi matin comme désespéré, quoiquil ait
gardé jusqu'au dernier moment toute sa connaissance.
Hier matin, à quatre heures, M. Vaucorbeil envoyait
chercher un ecclésiastique de ses amis et se confes-
A six heures, toute souffrance avait disparu, et le
calme sinistre de la mort avait pris la place des dou-
leurs de la vie; il avait alors à son chevet sa femme,
Mme VaucorbeiL; sa soeur dévouée, son beau-frère et
deux de ses amis.
C'est au milieu d'eux tous qu'il a rendu le dernier
soupir, à sept heures un quart.
Les obsèques.
Les obsèques de M. Vaucorbeil seront célébrées de-
main mardi, à midi, à l'église Saint-Philippe-du-Roule.
Les artistes de l'Opéra, qui tous prêteront leur concours
à la cérémonie religieuse, ont reçu hier un ordre de ser-
vice pour aujourd'hui, à une heure et demie, au foyer
de l'Opéra. H est à" remarquer que cet ordre de service a
été écrit sur les mêmes imprimés que ceux qui servent à
indiquer les heures de répétitions à l'Académie natio.
nale de musique.
Parmi les nombreux amis qui sont venus s'inscrire,
hier, au domicile de M. Vauccrbeil, nous citerons
Le général Pittié, envoyé par M. le président de la
République'; M. le comte de Moltke-Hatzfeld, ministre
du Danemark MM. Gounod, Kœmpfen, Darcel, Saint-
Sàcns, de Franqueville, Marmontel, Mme la vicomtesse
de Courval, etc.
M. Jules Ferry a envoyé un télégramme de condo-
léances à Mme Vaucorbeil.
Vers six heures, le sculpteur Franceschi est allé pren-
dre l'empreinte des traits du défunt.
La famille a réclamé les honneurs militaires.
Il n'y aura pas relâche à l'Opéra. Les règlements s'y y
opposent. ̃ «-;
[A ce propos, le Gaulois de ce matin dit :J
« Beaucoup de gens et quelques journaux se figureut
que l'Académie nationale de musique fermera ses portes
aujourd'hui lundi. C'est une erreur. L'Opéra ne peut fer-
mer que pour la mort du chef de l'Etat ou la mort d'un
des membres de la famille régnante. Encore faut-il un
arrêté du ministre compétent.
Ajoutons qu'il y a changement de spectacle, ce soir, à
l'Opéra. Au lieu d'Aida, on représentera les Hugue-
nots.
̃"à COBOURG
Duc et prince héritier Causes de la rup-
ture Réconciliation.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Beeljn, 2 novembre. On se rappelle qu'il y a un
an, le duc d'Edimbourg, qui, comme on sait, est l'hé-
ritier du trône du duc de Cobourg, est venu à Cobourg,
avec la duchesse d'Edimbourg, et a donné un grand bal,
auquel plusieurs femmes de fonctionnaires de la cour
n'ont pas été invitées, ce qui a motivé de la part -du duc
régnant un ordre défendant formellement à tous les
fonctionnaires de la cour, sans exception, de paraître au
bal de la duchesse d'Edimbourg,
Le duc et la duchesse sont partis immédiatement..
Or, dans ces derniers temps, des négociations ont été
entamées, la famille impériale d'Allemagne y a pris
part, entre le duc de Cobourg et le duc et la duchesse
d'Edimbourg. Le résultat de ces négociations est con-
signé dans une note parue dans le Journal officiel de
Cobourg, disant que des circonstances particulières ont
empêché, cette année, le duc et la duchesse d'Edim-"
bourg de venir à Cobourg, mais que l'accord entre le
couple anglais et le duc régnant, troublé un moment, a
été complètement rétabli.
TROUBLES AU CANADA
Un fonctionnaire impopulaire Brûlé en
effigie.
(PAR CABLE AU « MATIN ,)
New-York, 2 novembre. On mande de Wimsfree
que de graves désordres se sont produits dans cette
ville, ordinairement très calme, comme toutes les cités
de l'ouest du Canada. Trois mille personnes assemblées
sur une place publique ont brùlé l'effigie de l'attorney-
général, M. Miller, qui avait fait .fouetter un prison-
nier.
La foule voulait d'abord infliger le même supplice à
M. Miller, mais celui-ci prévenu, parvint à se cacher, et
la populace, dont les démonstrations devenaient de plus
en plus alarmantes, parvint à arracher au premier mi-
nistre, M. Marquay, la promesse de révoquer l'attor-
ney-général.
La réalisation de cette promesse ?e faisant attendre,
les démonstrations se renouvelèrent et les autorités pri
rent des mesures pour empêcher les troubles.
Vendredi, la populace se porta vers la maison de
M. Miller et la prison, mais elle fut repoussée par la
troupe.
Samedi. M. Miller reprit ses fonctions et cette nou-
velle a causé une grande agitation à Wimsfree.
LES TROUBLES DE MÉCHIPiCOTEN
La police attaquée Les coupables ar-
rêtés.
(PAR CABLE AU « MATIN *)
NEW'YORK, 2 novembre,. Une dépêche du Canada
annonce que quelques individus ont tiré sur un détache-
ment de police envoyé de Toronto à Michipicoten; un
certain nombre des agresseurs ont été arrêtés. Des
constables spéciaux ont été établis pour maintenir l'or-
dre à Michipicoten.
LE REICHSRATH AUTRICHIEN
Date de sa convocation Douzièmes pro-
visoires inévitables.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Vienne, 2 novembre.- Deux dates sont indiquées pour
la réunion du Reichsrath la fin de novembre ou le mi-
lieu de décembre. Il parait cependant certain qu'aucune
décision n'a encore été prise à ce sujel en haut lieu.
Quoi qu'il en soit, on sera forcé d'avoir recours encore
une fois aux douzièmes provisoires, car, le budget ne
pourrait pas être voté en temps utile, c'est-à-dire avant
la fin de l'année.
UN DUEL INTERROMPU
M. Secretan et M. Ruffy La police gene-
voise empêche une rencontre.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
BERNE, 2 novembre. Une rencontre avait lieu hier
près Genève, entre M. Secretan, rédacteur en chef de
la Gazette de Lausanne, et M. Ruffy, membre du Conseil
National; mais au moment où les deux adversaires ont
voulu s'aligner, la police geneYOis_e a fait Sûû Mention
et à empêche le dueU
CHEZ A. DAUDET
UNE VISITE rA L'AUTEUR DKv
« SAPHO»
Derrière le Luxembourg Pourquoi
Daudet ne sera jamais de l' Académie t*j
Son prochain roman La pré-
face des Rois en exil. ».
La lettre d'Alphonse Daudet publiée, hier, et par la-,
quelle le grand romancier affirme sa résolution, tout,
comme Béranger, de ne jamais être de l'Académie, a;
produit une vive émotion dans le monde littéraire. Déjà-
des polémiques assez vives sont engagées pour ou con-
tre l'auteur de Sapho. Aussi avons-nous pensé qu'il se-
rait intéressant de connaître de la bouche même de Dau ?
det ce qui avait pu le pousser à prendre une aussi grave
détermination.
Avenue de l'Observatoire.
Derrière le Luxembourg, au troisième étage d'une;
maison toute neuve, demeure celui qui a déclaré que;
jamais il n'entrerait à l'Institut. Un appartement très
simple,- et qui ne rappelle en rien les beaux hôtels de
encombré de bibelots, et où l'oeil est attiré par un grandi
portrait du maitre par Feyen Perrin.
Le maitre vient à nous la main tendue. On connaît;
cette physionomie si parisienne, cette tête étrange d'une/
beauté antique qui faisait dire jadis, au bon temps dut
Parnasse, que Daudet et Catulle Mendès étaient les plus'
beaux des enfants des hommes; ces longs cheveux re-f
tombant en désordre sur la nuque et sur le front, mais,
dans un désordre qui semble le plus bel effet d'art; ce^
monocle vissé dans l'orbite de l'œil gauche, et qui com<
plète l'ensemble de cette figure curieuse de poète^
Le cabinet de Daudet.
Alphonse Daudet nous introduit dans son cabinet et!
nous présente à Mme Daudet, « une lettrée, comme moi;j
dit l'auteur du Nabab, en parlant de sa femme, et aussi
ma Minerve; je ne fais rien sans son conseil.
Ce cabinet de travail est encore plus simple que le sa-
Ion. Quelques vieux bahuts, une longue bibliothèque, et{
la table ou a été écrit Sapho.
Nous exposons à Daudet le but de notre visite, et, tout j
en allumant une longue pipe d'écume de mer, le maître!,
nous répond
Je ne m'attendais pas, certes, au bruit qu'a fait ma;
lettre, et j'ai été très étonné, ce soir, en lisant les jour-
naux; mais je l'ai écrite après mûre réflexion, et je
n'ai pas pris cette résolution et cet engagement à la le'
gère.-
Alors, c'est bien un engagement définitif?
Absolument.
Pourquoi Daudet ne sera pas de l'Aca-;
demie.
-Mais, mon cher maitre, qui vous a poussé à pren-i
dre cette résolution
L'Académie m'a déjà causé bien des chagrins". {
C'est à cause d'elle que, l'an dernier, j'ai donné un coup
d'épée à Albert Delpit. Je n'ai pas voulu être un can- 1
didat perpétuel et ennuyer le public avec mon nom.'
Cela agace les lecteurs des journaux de voir répété par j
des milliers de feuilles « M. Daudet se présente à l'A-|
cadémie, M. Daudet n'est pas nommé, et quand cela;
se reproduit quelques dizaines de fois, l'agacement du
public devient de l'énervement. J'ai des amis à l'Âca-
démie bien des fois ils m'ont demandé de poser ma
candidature. Puis, tout à coup, quand j'ai paru pren-
dre au sérieux leur invitation, je les ai trouvés embar-
rassés, gênés. J'ai vu bien vite ce que c'était qu'une
élection académique. La liittérature n'y est pour rien.
C'est une pure affaire de passion politique et de coterie.
Je n'avais que faire dans cette galère.
T'iTirlAnAndanee de l'écrivain.
Est-ce la seule raison?
Non, il y en a une autre. J'ai réfléchi; j'ai
compris que si j'avais été de l'Académie, je n'aurais pu:
écrire ni Les rois en exid, ni Sapho. Or, j'ai encore
quelques couvres à publier, qui feraient bondir toutes
les colères académiques. Ma place n'est pas sous la
coupole de l'Institut. Je ne veux, ni ne dois aliéner
mon indépendance d'écrivain.
Enfin, j'ai un exemple sous les yeux, qui, plus que le;
reste, a décidé ma résolution.
Lequel? ̃
Ce pauvre Halévy Cet homme de valeur obligé!
de se plier à toutes les exigences académiques. Je ne%.
me suis pas senti le courage de faire comme lui. Vous!
n'ignorez pas, à ce propos, que ce repenti des joyeusetésï
a jadis habité l'Académie. C est sous la coupole vénérât-
ble de l'Institut qu'il a écrit la Belle Hélène et tant d'au:;
tres choses qu'il renie aujourd'hui.
Le prochain livre de Daudet.
Quand, mon cher maître, publierez-vous une nou-<
velle couvre ?
Pas avant un an.
On dit que dans votre prochain roman l' Académie;,
sera fort malmenée.
J'ai deux ouvrages en train. Je ne sais lequel pa-
raitra le premier,' mais il y en a un qui est une étude
des coteries académiques. Je ne sais si elle sera dure,,
mais j'espère qu'elle sera vraie, car moi qui n'ai jamaiw
prononcé le mot naturalisme, je ne sais écrire que d'à-;
près nature.
Puis, Dous parlons de Zola, de Goncourt, des amis dji!
maitre qui lui ont écrit aujourd'hui même, très étonnée
de sa lettre.
En effet, dit Daudet, Zola et Concourt bien sou*
vent m'avaient dit « II faut que vous soyez de l'Aca-i
demie, il faut qu'une fois au moins nous puissions y al-'
ler entendre un discours où l'on ne nous dise pas des,
choses désagréables. »
L'histoire des « Rois en exil ».
Mais du reste, continue l'auteur de Saplvo, j'espère
que tout ce bruit s'apaisera vite et je vais continuer à
écrire l'histoire de mes livres. Ainsi, en ce moment,
j'écris l'histoire desRois en exil.
Une longue conversation s'engage sur cette œuvre
célèbre. Daudet nous conte que son grand chagrin a été
de ne pouvoir y mettre un épisode vu par lui, l'enter-
rement du roi de Hanovre conduit par le prince de Gal-
les. Ces obsèques royales dans le Paris républicain
avaient vivement frappé le romancier, mais ayant déjà
les funérailles de Morny dans le Nabab, l'enterrement'
de la petite Delobelle dans Fromont jeune, il a craint de
passer pour un grand enterreur.
Mais notre entretien s'étant très longuement prolonga
nous prenons congé de l'auteur de Sapko.
LES NIHILISTES
Leur journal Reconstitution du parti râ*
volutionnaire Le gouvernement
mis en demeure.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
SAINT Pétersbourg, ier novembre. Après une an<
née de silence, les révolutionnaires socialistes russes
ont donné à nouveau signe de vie en publiant un nu-
méro du journal nihiliste Narodnaja Wodja, qui ne
compte pas moins de vingt-sept pages.
Dans ce numéro, le comité exécutif explique l'irrégu
larité qui s'est produite dans l'apparition du journal
elle a été provoquée par la saisie que la police a faite
des caractères et de la presse, et aussi par l'arrestatioa<
des principaux rédacteurs du journal, qui ont été misea'
état d'arrestation par l'autorité, à la suite de la trahison
de Degaïeff, qui plus tard' a assassinê le colonel ba*
déikin.
Le parti nihiliste, qui a été un peu disloqué, est au-
iourd'Uui nouvellement reconstitué..
«»«»«»«»» «A«*a Année. TUS* 2K2
PARIS ET Départements 10 CENTIMES
RÉDACTION De 6 h. du soir à 6 h. du matin
25, »ub d'argenteuil •̃ '>-
7 DERNIERS tÊLÉQRAMMES DE LA NUIT
ADMINISTRATION: De 10 h. matiaà 6, h. soi»
HUE D'ARCBKTEXJIt
SEUL JOURNAL FflftH?ÀIS RECEVANT, PAR FILS ET SEBWES SPECIAUX LES DERNIÈRES HOUVELLES DU ̃Olttl ENTIER.
RÉFORMES ÉLECTORALES
Dans quelques jours, le Sénat va se voter, pour
ses étrennes, une bonne petite loi électorale,
quelque chose comme une revision à l'amiable
qui le remettra à peu près b neuf, et renouvel-
;lera, sans rien brusquer, l'air qu'on respire au
On ne peut pas reprocher aux honorables mem-
'Ires de la Chambre haute d'y mettre de la mau-
vaise grâce; si divisés qu'ils soient sur la procé-
dure à suivre ou les limites à assigner à la ré-
¡ forme, tous sont d'avis qu'il y a quelque chose à
faire, et chacun, à cette heure suprême, au mo-
,ment de changer de si vieilles habitudes, apporte
sa petite idée, et risque timidement sa transac-
tion.
Ce qui est à modifier avant tout et là-dessus
l'accord a été immédiat c'est le mode d'élec-
tion des sénateurs, la proportionnalité, si cho-
quante actuellement, entre les villes et les cam-
pagnes, et cette étonnante bizarrerie qui met, soit
dit sans blesser la province, Paris sur le même
pied que Landerneau. Dans le Sénat, tel qu'il est
actuellement recruté, c'est incontestablement
l'influence rurale qui l'emporte de beaucoup, ce
qui n'est pas un crime d'ailleurs le sénateur est
l'élu des villages bien plus que des grands centres
de son département; à ses yeux, un petit bourg
de trente feux vaut, les jours de vote, la plus belle
ville du monde, et il en résulte nécessairement
qu'il est assez insensible à ces courants d'opinion
qui naissent généralement et meurent au chef-
lieu du département,dont le député tient si grand
compte, et qui n'ont aucune prise sur le suffrage
restreint.
De là, tout naturellement, dès le jour même de
^élection, avant d'arriver à Paris, et sans que la
;variété des milieux ait encore produit son oeuvre,
une manière de voir très dissémblale, souvent tout
• à fait opposée, une tournure d'esprit différente
entre élus d'un même département, fussent-ils
du même parti selon qu'ils sont sénateurs ou
députés. Cela n'est pas, je l'accorde, un trop grand
mal, et il faut bien, puisque nous avons deux
Chambres, qu'elles se distinguent entre elles par
leur tempérament autant que par leurs attribu-
tions. C'est une chose connue qu'un député, qui
entre au Sénat n'est plus le même homme au bout
de quinze jours. Depuis quelques années; beau-
coup ont fait le voyage du Palais-Bourbon au
Luxembourg on ne les a "plus revus. L'idée 'ne
leur est même jamais venue de s'arrêter quelque-
fois, en passant, pour dire un petit bonjour aux
anciens camarades. Du premier coup, en entrant
au Sénat, ils prennent le pli de la maison; leur
gaieté s'envole, et solennellement, ils se pénètrent
de leur importance sénatoriale.
Mais cette part faite, et très largement faite,
aux différences de situation, et pour ainsi dire
d'atmosphère, n'est-il pas néanmoins désirable,
utile pour la bonne marche des affaires, que sé-
nateurs et députés procèdent, autant que possi-
ble, du m.ême esprit ? C'est là, semblerait-il, une
vérité élémentaire, mais nous vivons en un
temps où l'on discute même les vérités de M. de
La Palisse; et certains du reste, ont tout intérêt
à ce que la porte des conflits reste ouverte. Il
est assez singulier, à ce propos, de voir d'excel-
lents esprits, des hommes de gouvernement
comme notre ami Alfred Naquet, essayer, très in-
volontairement, bien entendu, de perpétuer ces
conflits dont nous 'avons tant souffert en propo-
.liant l'élection du Sénat par le suffrage universel.
La seule explication d'une proposition aussi ra-
dicale est qu'elle nous ramènerait rapidement au
système de la Chambre unique et préparerait, pour
un très prochain avenir, la suppression du Sénat.
Car il n'est pas admissible que l'on puisse sérieu-
sement songer à faire vivre en paix deux Cham-
brés ayant la même origine, les mêmes électeurs
et aspirant, dès lors, aux mêmes.prérogatives et
aux mêmes droits. Ce serait la bataille organi-
sée, la lutte permanente sans solution ni dissolu-
tion possibles. Mais, tout en repoussant le suf-
frage universel pour le Sénat, nous n'en désirons
pas moins que l'on s'en rapproche, dans la plus
page mesure, et je regrette, à mon humble avis,
que l'on ait si dédaigneusement accueilli l'amen
dément qui faisait élire le Sénatpartous les con-
geils municipaux des communes de France.
Il ne me paraissait pas que les objections qui
ont assailli cet amendement à sa naissance fus-
sent décisives, mais il n'y a plus à y revenir au-
jourd'hui, puisque le père de la proposition lui-
même, l'honorable M. "ïtozérïan," a battu enre-'
traite. Ce qu'il faudra rechercher, évidemment,
et le Sénat semble vouloir s'y employer, c'est
d'étendre, le plus possible, le corps électoral, de
façon à ce qu'il soit, bien plus qu'aujourd'hui,
l'exacte représentation du pays, et sinon en con-
formité absolue, tout au moins en harmonie avec
le véritable souverain, le seul maitre le suffrage
universel.
C'est pour cela que l'une des plus curieuses
institutions de ce temps-ci, l'institution des ina-
movibles, va disparaître, sans que personne se
donne grand souci pour la défendre. N'en disons
pas de mal, cependant, ces inamovibles qui s'en
vont sans qu'on les retienne, ont eu leur heure
glorieuse dans l'histoire de la République; leur
élection fut «ne- merveille -de -stratégie parlemen-
taire dont l'honneur, comme toujours, revient à
Gambetta. On les avait inventés, ces soixante-
quinze contre nous, contre la République; c'est l'As-
semblée Nationale qui devait les nommer, et ils
étaient, dans l'esprit du centre droit il y avait
alors un centre droit comme une garnison mo-
narchique qu'on introduisait dans le futur Sénat.
On sait ce qu'il en advint, comment ces calculs
furent déjoués, *ce prodigieux travail de couloirs,
ces savantes combinaisons qui firent nommer par
cette Assemblée réactionnaire une cinquantaine
au moins de républicains convaincus. Ce fut là,
assurément, une des histoires les plus curieuses
de cette époque fertile en incidents et en ay^D.%
res, et si M. Jules Simon, qui y fut mêlé, voulait
la raconter ici même, il y trouverait certaine-
ment l'occasion de quelque belle page vraiment
intéressante 1
Mais les situations ne sont plus les mêmes, et
lé-besoin des inamovibles ne se fait plus sentir.
Eux-mêmes le reconnaissent, et ils prennent
d'autant .mieux la chose qu'elle n'atteint que
leurs successeurs. Il n'y aura donc pas de ba-
taille là-dessus. L'essentiel, maintenant, c'est
d'aller vite, et de ne pas oublier que le temps
vole. Il est, dit-on, question de fixer à la fin jan-
vier les élections sénatoriales. Je ne veux pas
examiner si ce serait légal; mais je suis parfaite-
ment sûr que cela ne serait pas pratique. Il n'y a
pas, en effet, de force au monde qui ferait ren-
trer à Paris, au commencement de janvier, à
l'ouverture de la session, des sénateurs soumis à
la réélection à la fin du mois, et déjà en pleine
campagne électorale. Il manquerait donc un tiers
du Sénat pour l'élection du bureau, et M. Le
Royer, à son tour, se trouverait victime du ter-
rible quorum.
Il faut donc en finir avant le mois de janvier.
C'est facile, si la rage de parler n'est pas trop
forte, et si le Sénat veut bien ce qu'il veut. On af-
fecte de croire que la Chambre voudra y regar-
der de très près,. qu'elle soulèvera des difficultés.
Et pourquoi donc Cette réforme électorale équi-
vaut, en somme, pour le Sénat, à une question de
règlement une assemblée est bien libre de choi
sir son mode de recrutement
On n'a, au Palais-Bourbon, nul désir de causer
à cet égard, le moindre ennui au Sénat. Ce qu'il
fera sera bien fait, et ce n'est.pas en ce moment
que la Chambre y trouverait à reprendre.
Nous aurons aussi, l'an prochain, notre petite
réforme à faire. Le Sénat sait bien ce que nous
voulons dire toujours le scrutin de liste De
nouveau on va le voter, de nouveau il reviendra
au Luxembourg comme nous aurons traité le
Sénat il nous traitera, et, une fois de plus, ce sera
donnant donnant, ce qui est toujours le derniers
mot de la politique 1
"-̃ --̃ EMMANUEL ARÈNE.
Le MATIN publiera, demain, un article de
M. PAUL DE CASSAGNAC
'̃>* LA GUERRE DE CHINE
"Xâ médiation anglaise L'Angleterre ne
l'a pas offerte.
(PAR FIL SPÉCIAL)
LONDRES, 2 novembre'. On n'ajoute ici au-
cune foi aux renseignements télégraphiés de
Vienne au sujet de la médiation.
On est certain que l'Angleterre n'a jamais of-
fert sa médiation à la Chine. Par conséquent
celle-ci n'a pas eu à la refuser.
UNE NOTE-CIRCULAIRE DU PAPE
L'hôpital du Vatican-Plaintes de Léon XIII.
(d'un CORRESPONDANT)
RosIE, 9 novembre. Le Saint-Siège vient d'envoyer
aux nonces apostoliques une note-circulaire qu'ils de-
vront communiquer aux gouvernements auprès desquels
ils sont accrédités.
Dans cette note, entièrement rédigée par Léon XIII,
le Saint-Père se plaint des commentaires auxquels a
donné lieu, dans la presse italienne, l'acte charitable de
la fondation au Vatican d'un hôpital pour les choléri-
ques.
Les journaux libéraux ont eu le tort, suivant Léon XIII,
de faire observer que l'idée de fonder cet hôpital lui est
venue à l'esprit un peu tard.
Le Pape termine en disant que ces commentaires dé-
montrent une fois de plus combien sa situation est péni-
ble.
LES ÉLECTIONS ALLEMANDES
Résultat complet Les ballottages.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER/
Berlin, 2 novembre. C'est aujourd'hui seulement
que l'on a connu le résultat définitif des élections de
mardi dernier.
Le classement officiel divise les élus en 69 conserva-
teurs, 95 députés du. centre, du parti de l'empire, 35
nationaux-libéraux, 31 progressistes, 9 socialistes, 16
polonais, 2 du parti populaire, 14 Alsaciens-Lorrains et 5
Guelfes.
Il n'y a que 97 ballottages au lieu de 100 comme on
le disait hier.
LA SUCCESSION DE BRUNSWICK
Un agent du duc de Cunlberland Visites
à différentes cours Mission infruc-
tueuse.
(DE ROTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
BERLIN, 2 novembre. On mande de Weimar que le
comte de Wedel, ancien officier hanovrien, actuelle-
ment écuyer de la cour de Weimar, s'est rendu à Co-
penhague, Stockholm, Oldenbourg, etc., pour faire de
la propagande en faveur de l'avènement du duc de
Cumberland au trône de Brunswick.
Il paraît que le comte de "Wedel a partout trouvé un ac-
cueil plus que froid et que, notamment à la cour de
Stockholm, on lui aurait déclaré qu'on ne pouvait pas
se mêler d'une question purement allemande.
LA CONFÉRENCE DE BERLIN
Les représentants du Portugal à la Confé-,
p rence.
(d'un CORRESPONDANT)
Lisbonne, 2 novembre.- Le Portugal sera repré-
senté à la Conférence de Berlin par le marquis de Pe-
nafiel, ministre plénipotentiaire à Berlin; M. de Serpa
Pimentel, conseiller d'Etat, sera conseiller technique.
il. Luciano Cordeiro, secrétaire de la Société de géo-
graphie de Lisbonne, partira prochainement pour Berlin.
ces DIPLOMATES portugais
(D'UN comùespûkdant)
Lisbonne, 2 novembre.' Les ministres du Portugal à
Paris, Londres et Madrid, qui sont en ce moment en
congé, vont partir pour aller rejoinùre leurs postes.
M.
MORT DU DIRECTEUR DE L'ACADÉ--
MIE NATIONALE DE MUSIQUE
Halànzier et Vaucorbeil Les débuts du
musicien Un mot de Cherubini
Ce qu'a fait le directeur -La ma-'
ladie La mort La date
des obsèques.
M. Vaucorbeil, directeur de l'Opéra, vient de mourir
d'une inflammation intestinale dont il souffrait depuis
quelque temps.
II avait succédé à M. Halanzier dans la direction de
l'Académie nationale de musique, et l'on croit que M.
lialanzier va lui succéder, du moins provisoirement, et
comme administrateur. L'un et l'autre sont nés dans un
milieu essentiellement théàtral. Si la familiarité du terme
n'était pas un peu choquante, en l'espèce, on pourrait
les qualifier d' « enfants de la balle ».
m M. Halanzier est peut-être administrateur plus habile
et plus pratique. M. Vaucorbeil était techniquement plus
fort en musique.
Ilnaquit en 1824 d'un comédien très connu et très ap-
précié, presque illustre, qui fit les délices de nos frères
ainés, sous le nom de FerviUe, et mourut il y a vingt
M. Vaucorbeil eut de bonne heure le goût de la mu-
sique et entra au Conservatoire soue le « règne » du ter-
rible Gherubini.
On prétend que Cherubini disait de lui « Il ira loin;
car l'inspiration ne'le distrait pas de son travail. »
Il est impossible de savoir si, dans la bouche de ce
diable d'homme, c'était un compliment ou une sa-
tire.
La carrière du compositeur.
Les capacités de Vaucorbeil furent d'ailleurs prises au
sérieux, puisqu'il remplit pendant quelque temps les
fonctions de professeur adjoint.
Plus tard, il se livra très activement à la composition
et toucha, sans succès bien marqué, à tous le* genres
symphonie, musique de chambre, mélodies, chœurs,
cantates,iete., etc.
En 1853, il aborda la scène de 1 Opéra-Comique, avec
une partition écrite sur un libretto de MM. Sardou et
Daclini, Bataille d'amour. Cette œuvre n'était pas sans
mérite, mais elle manquait de chaleur et de charme.
Sa symphonie dramatique, la Mort de Diérae, est plus
appréciée des connaisseurs. Interprétée en 1870 au Con-
servatoire, par JaKrauss, elle est restée au répertoire
de la Société des concerts.
Il laisse un grand opéra, Mahomet, paroles de M. de
Lacretelle.
L'entrée à l'Opéra.
Après avoir été commissaire du gouvernement près
des théâtres subventionnés et inspecteur général des
Beaux-Arts, il fut nommé, en 1879, directeur de l'Opéra.
On attendait beaucoup de lui et sa direction n'a pas été
sans honneur et sans prestige. On lui doit la création, à
l'Académie de musique, de plusieurs grandes œuvres:
Aida, le Tribut de Zamora, Henri VIII.
Plus que ses précurseurs il intervenait dans les pré-
parations et les études des œuvres musicales destinées
au public de l'Opéra. Il se souvenait toujours trop
constamment peut-être que lui aussi était composi-
teur. Sa prétention était de diriger le chef d'orchestre,
les musiciens, les choristes, les chanteurs-les auteurs
eux-mêmes. Très autoritaire de tendance, très autocrate
par tempérament, il n'avait cependant pas la décision et
l'énergie nécessaires au commandement absolu. C'était,
en somme, un caractère complexe et singulier, ou l'indé-
cision se mêlait à l'entêtement, et la violence à la fai-
blesse. Fort galant homme, du reste, et très désireux
d'être toujours fidèle aux lois de la plus stricte jus-
On ne saurait nier sa compétence en matière de mu-
sique dramatique. Cependant son goût n'était pas tou-
jours très sûr et très pur. Il avait des manières de voir
ou d'entendre toutes personnelles et qui ressem-
blaient à ce qu'on appelle familièrement des « toqua-
des Très convaincu et très consciencieux, quand il
se trompait c'était de la meilleure foi du monde. Il lui
est arrivé d'obliger ses artistes à rompre avec la tradi-
tion, dans l'exécution de telle ou telle œuvre, mais c'é-
tait toujours au nom de la tradition elle-même.
Il se croyait, très sincèrement, l'unique et le vrai dé-
positaire de la volonté des maîtres défunts et il eût vo-
lontiers démontré aux maîtres vivants qu'il connaissait
mieux leurs intentions qu'eux-mêmes ne les connais-
saient.
C'est ainsi qu'il a toujours ctligé les artistes de l'O-
péra à ralentir les « mouvements ».
Il a poussé cette manie à l'extrême dans l'exécution
de certains chefs-d'œuvre les Hugueaaots, par exem-
ple, et surtout Don Juan.
Si on lui résistait, il s'emportait; et cependant con-
tradiction bizarre il avait toujours l'air hésitant et
faisait sàns cesse mine de consulter tout le monde.
Le portrait du défunt.
Grand, distingué, presque beau avec sa longue barbe
tombant droit, son profil noble et ses yeux d'une ex-
trême douceur, M. Vaucorbeil était plus courtois qu'ai-
mable et plus sympathique que séduisant. On l'a quel-
que fois entendu s'emporter contre le personnel de [l'O-
péra et sortir, comme directeur, des bornes de la modé-
rati on; hors de ses fonctions, il était toujours correct et
biepveillant.
Au fond, c'était un timide: et sa timidité se traduisait
quelquefois par une apparente froideur un peu trou-'
blante; un des symptômes -de cette timidité, obsédante
et tyrannique, c'était une fatigante hésitation dans la pa-
role.- M. Vaucorbeil s'exprimait très doucement trop
doucement, sauf quand il était irrité: il répétait les mots
et avait rarement le terme précis et la phrase nette. On
eût dit un bègue délivré de son infirmité par quelque
ingénieux traitement.
Sa carrière a été réellement honorable, et sa vie est
restée digne. On n'occupe pas le poste éminent de di-
recteur de l'Opéra et on ne remplit pas d'aussi délicates
fonctions sans mécontenter bien du monde et faire nai-
tre quelques inimitiés. Nul, cependant, ne refusera de
rendre justice au caractère intime d'un administrateur et
d'un artiste, pour tout le moins intègre et convaincu.
La succession de M. Vaucorbeil.
Dès que la maladie de M. Vaucorbeil eut pris une
tournure alarmante, les candidats à sa succession se
sont beaucoup remués.
Il est probable que l'un d'eux M. Halanzier sera
nommé administrateur temporaire, quitte à prendre plus
tard la direction officielle du théâtre. M. Halaùzier, qui a
déjà rempli ces importantes fonctions, passe générale-
ment pour l'administrateur le plus digne de les repren-
dre.
Les autres sout M, Carvalho, très bon administra-
teur aussi et très épris du grand art;
M. Detroyat, un homme très intelligent et très actif,
mais que ses études préalables ne semblent pas avoir
'préparé spécialement aux fonctions de directeur de la
première scène musicale française;
M. Faure, très poussé par M. Antonin Proust;
M. Gailhard, une basse de talent, mais qu'on ne voit
pas bien à la tête de l'Académie- nationale de mu-
sique
M. Campo-Casso, homme expérimenté et compétent,
mais plus administrateur qu'artiste;
M. Gouzien, candidature un peu comique on le dit
pourtant bien appuyé par M. Victor Hugo;
M. Louis Besson, critique parisien très connu,
mais qui malgré sa remarquable corpulence, n'a peut-
être pas l'envergure nécessaire pour succéder a M. Vau-
çorbeiJ..
M. d'Herblay, jadis directeur des théâtres deLyon di-
re<î?eur soigneux, dont il avait déjà été question.
D'autres candidatures se présenteront sans doute en.
core. Il y en aura de [gaies on a vu qu'il y en avait
déja. Origine de la maladie.
Il y a une dizaine de jours, M. Vaucorbeil sortait de
chez lui bien portant et se rendait aux magasins de de-
cors de l'Opéra, rue'Richer; en lés quittant il prit- froid,
se sentit mal à l'aise et rentra bien vite chez lui. Ce re-
froidissement a produit une dysenterie qu'on n a m ar-
malgré les soins dévoués de son ami le docteur
Befgëron-, assisté de deux médecins consultants, MM.
Potain et Pettér.
Les derniers moments
Après de terribles souffrances, l'état du malade fut
jugé dès samedi matin comme désespéré, quoiquil ait
gardé jusqu'au dernier moment toute sa connaissance.
Hier matin, à quatre heures, M. Vaucorbeil envoyait
chercher un ecclésiastique de ses amis et se confes-
A six heures, toute souffrance avait disparu, et le
calme sinistre de la mort avait pris la place des dou-
leurs de la vie; il avait alors à son chevet sa femme,
Mme VaucorbeiL; sa soeur dévouée, son beau-frère et
deux de ses amis.
C'est au milieu d'eux tous qu'il a rendu le dernier
soupir, à sept heures un quart.
Les obsèques.
Les obsèques de M. Vaucorbeil seront célébrées de-
main mardi, à midi, à l'église Saint-Philippe-du-Roule.
Les artistes de l'Opéra, qui tous prêteront leur concours
à la cérémonie religieuse, ont reçu hier un ordre de ser-
vice pour aujourd'hui, à une heure et demie, au foyer
de l'Opéra. H est à" remarquer que cet ordre de service a
été écrit sur les mêmes imprimés que ceux qui servent à
indiquer les heures de répétitions à l'Académie natio.
nale de musique.
Parmi les nombreux amis qui sont venus s'inscrire,
hier, au domicile de M. Vauccrbeil, nous citerons
Le général Pittié, envoyé par M. le président de la
République'; M. le comte de Moltke-Hatzfeld, ministre
du Danemark MM. Gounod, Kœmpfen, Darcel, Saint-
Sàcns, de Franqueville, Marmontel, Mme la vicomtesse
de Courval, etc.
M. Jules Ferry a envoyé un télégramme de condo-
léances à Mme Vaucorbeil.
Vers six heures, le sculpteur Franceschi est allé pren-
dre l'empreinte des traits du défunt.
La famille a réclamé les honneurs militaires.
Il n'y aura pas relâche à l'Opéra. Les règlements s'y y
opposent. ̃ «-;
[A ce propos, le Gaulois de ce matin dit :J
« Beaucoup de gens et quelques journaux se figureut
que l'Académie nationale de musique fermera ses portes
aujourd'hui lundi. C'est une erreur. L'Opéra ne peut fer-
mer que pour la mort du chef de l'Etat ou la mort d'un
des membres de la famille régnante. Encore faut-il un
arrêté du ministre compétent.
Ajoutons qu'il y a changement de spectacle, ce soir, à
l'Opéra. Au lieu d'Aida, on représentera les Hugue-
nots.
̃"à COBOURG
Duc et prince héritier Causes de la rup-
ture Réconciliation.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Beeljn, 2 novembre. On se rappelle qu'il y a un
an, le duc d'Edimbourg, qui, comme on sait, est l'hé-
ritier du trône du duc de Cobourg, est venu à Cobourg,
avec la duchesse d'Edimbourg, et a donné un grand bal,
auquel plusieurs femmes de fonctionnaires de la cour
n'ont pas été invitées, ce qui a motivé de la part -du duc
régnant un ordre défendant formellement à tous les
fonctionnaires de la cour, sans exception, de paraître au
bal de la duchesse d'Edimbourg,
Le duc et la duchesse sont partis immédiatement..
Or, dans ces derniers temps, des négociations ont été
entamées, la famille impériale d'Allemagne y a pris
part, entre le duc de Cobourg et le duc et la duchesse
d'Edimbourg. Le résultat de ces négociations est con-
signé dans une note parue dans le Journal officiel de
Cobourg, disant que des circonstances particulières ont
empêché, cette année, le duc et la duchesse d'Edim-"
bourg de venir à Cobourg, mais que l'accord entre le
couple anglais et le duc régnant, troublé un moment, a
été complètement rétabli.
TROUBLES AU CANADA
Un fonctionnaire impopulaire Brûlé en
effigie.
(PAR CABLE AU « MATIN ,)
New-York, 2 novembre. On mande de Wimsfree
que de graves désordres se sont produits dans cette
ville, ordinairement très calme, comme toutes les cités
de l'ouest du Canada. Trois mille personnes assemblées
sur une place publique ont brùlé l'effigie de l'attorney-
général, M. Miller, qui avait fait .fouetter un prison-
nier.
La foule voulait d'abord infliger le même supplice à
M. Miller, mais celui-ci prévenu, parvint à se cacher, et
la populace, dont les démonstrations devenaient de plus
en plus alarmantes, parvint à arracher au premier mi-
nistre, M. Marquay, la promesse de révoquer l'attor-
ney-général.
La réalisation de cette promesse ?e faisant attendre,
les démonstrations se renouvelèrent et les autorités pri
rent des mesures pour empêcher les troubles.
Vendredi, la populace se porta vers la maison de
M. Miller et la prison, mais elle fut repoussée par la
troupe.
Samedi. M. Miller reprit ses fonctions et cette nou-
velle a causé une grande agitation à Wimsfree.
LES TROUBLES DE MÉCHIPiCOTEN
La police attaquée Les coupables ar-
rêtés.
(PAR CABLE AU « MATIN *)
NEW'YORK, 2 novembre,. Une dépêche du Canada
annonce que quelques individus ont tiré sur un détache-
ment de police envoyé de Toronto à Michipicoten; un
certain nombre des agresseurs ont été arrêtés. Des
constables spéciaux ont été établis pour maintenir l'or-
dre à Michipicoten.
LE REICHSRATH AUTRICHIEN
Date de sa convocation Douzièmes pro-
visoires inévitables.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Vienne, 2 novembre.- Deux dates sont indiquées pour
la réunion du Reichsrath la fin de novembre ou le mi-
lieu de décembre. Il parait cependant certain qu'aucune
décision n'a encore été prise à ce sujel en haut lieu.
Quoi qu'il en soit, on sera forcé d'avoir recours encore
une fois aux douzièmes provisoires, car, le budget ne
pourrait pas être voté en temps utile, c'est-à-dire avant
la fin de l'année.
UN DUEL INTERROMPU
M. Secretan et M. Ruffy La police gene-
voise empêche une rencontre.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
BERNE, 2 novembre. Une rencontre avait lieu hier
près Genève, entre M. Secretan, rédacteur en chef de
la Gazette de Lausanne, et M. Ruffy, membre du Conseil
National; mais au moment où les deux adversaires ont
voulu s'aligner, la police geneYOis_e a fait Sûû Mention
et à empêche le dueU
CHEZ A. DAUDET
UNE VISITE rA L'AUTEUR DKv
« SAPHO»
Derrière le Luxembourg Pourquoi
Daudet ne sera jamais de l' Académie t*j
Son prochain roman La pré-
face des Rois en exil. ».
La lettre d'Alphonse Daudet publiée, hier, et par la-,
quelle le grand romancier affirme sa résolution, tout,
comme Béranger, de ne jamais être de l'Académie, a;
produit une vive émotion dans le monde littéraire. Déjà-
des polémiques assez vives sont engagées pour ou con-
tre l'auteur de Sapho. Aussi avons-nous pensé qu'il se-
rait intéressant de connaître de la bouche même de Dau ?
det ce qui avait pu le pousser à prendre une aussi grave
détermination.
Avenue de l'Observatoire.
Derrière le Luxembourg, au troisième étage d'une;
maison toute neuve, demeure celui qui a déclaré que;
jamais il n'entrerait à l'Institut. Un appartement très
simple,- et qui ne rappelle en rien les beaux hôtels de
encombré de bibelots, et où l'oeil est attiré par un grandi
portrait du maitre par Feyen Perrin.
Le maitre vient à nous la main tendue. On connaît;
cette physionomie si parisienne, cette tête étrange d'une/
beauté antique qui faisait dire jadis, au bon temps dut
Parnasse, que Daudet et Catulle Mendès étaient les plus'
beaux des enfants des hommes; ces longs cheveux re-f
tombant en désordre sur la nuque et sur le front, mais,
dans un désordre qui semble le plus bel effet d'art; ce^
monocle vissé dans l'orbite de l'œil gauche, et qui com<
plète l'ensemble de cette figure curieuse de poète^
Le cabinet de Daudet.
Alphonse Daudet nous introduit dans son cabinet et!
nous présente à Mme Daudet, « une lettrée, comme moi;j
dit l'auteur du Nabab, en parlant de sa femme, et aussi
ma Minerve; je ne fais rien sans son conseil.
Ce cabinet de travail est encore plus simple que le sa-
Ion. Quelques vieux bahuts, une longue bibliothèque, et{
la table ou a été écrit Sapho.
Nous exposons à Daudet le but de notre visite, et, tout j
en allumant une longue pipe d'écume de mer, le maître!,
nous répond
Je ne m'attendais pas, certes, au bruit qu'a fait ma;
lettre, et j'ai été très étonné, ce soir, en lisant les jour-
naux; mais je l'ai écrite après mûre réflexion, et je
n'ai pas pris cette résolution et cet engagement à la le'
gère.-
Alors, c'est bien un engagement définitif?
Absolument.
Pourquoi Daudet ne sera pas de l'Aca-;
demie.
-Mais, mon cher maitre, qui vous a poussé à pren-i
dre cette résolution
L'Académie m'a déjà causé bien des chagrins". {
C'est à cause d'elle que, l'an dernier, j'ai donné un coup
d'épée à Albert Delpit. Je n'ai pas voulu être un can- 1
didat perpétuel et ennuyer le public avec mon nom.'
Cela agace les lecteurs des journaux de voir répété par j
des milliers de feuilles « M. Daudet se présente à l'A-|
cadémie, M. Daudet n'est pas nommé, et quand cela;
se reproduit quelques dizaines de fois, l'agacement du
public devient de l'énervement. J'ai des amis à l'Âca-
démie bien des fois ils m'ont demandé de poser ma
candidature. Puis, tout à coup, quand j'ai paru pren-
dre au sérieux leur invitation, je les ai trouvés embar-
rassés, gênés. J'ai vu bien vite ce que c'était qu'une
élection académique. La liittérature n'y est pour rien.
C'est une pure affaire de passion politique et de coterie.
Je n'avais que faire dans cette galère.
T'iTirlAnAndanee de l'écrivain.
Est-ce la seule raison?
Non, il y en a une autre. J'ai réfléchi; j'ai
compris que si j'avais été de l'Académie, je n'aurais pu:
écrire ni Les rois en exid, ni Sapho. Or, j'ai encore
quelques couvres à publier, qui feraient bondir toutes
les colères académiques. Ma place n'est pas sous la
coupole de l'Institut. Je ne veux, ni ne dois aliéner
mon indépendance d'écrivain.
Enfin, j'ai un exemple sous les yeux, qui, plus que le;
reste, a décidé ma résolution.
Lequel? ̃
Ce pauvre Halévy Cet homme de valeur obligé!
de se plier à toutes les exigences académiques. Je ne%.
me suis pas senti le courage de faire comme lui. Vous!
n'ignorez pas, à ce propos, que ce repenti des joyeusetésï
a jadis habité l'Académie. C est sous la coupole vénérât-
ble de l'Institut qu'il a écrit la Belle Hélène et tant d'au:;
tres choses qu'il renie aujourd'hui.
Le prochain livre de Daudet.
Quand, mon cher maître, publierez-vous une nou-<
velle couvre ?
Pas avant un an.
On dit que dans votre prochain roman l' Académie;,
sera fort malmenée.
J'ai deux ouvrages en train. Je ne sais lequel pa-
raitra le premier,' mais il y en a un qui est une étude
des coteries académiques. Je ne sais si elle sera dure,,
mais j'espère qu'elle sera vraie, car moi qui n'ai jamaiw
prononcé le mot naturalisme, je ne sais écrire que d'à-;
près nature.
Puis, Dous parlons de Zola, de Goncourt, des amis dji!
maitre qui lui ont écrit aujourd'hui même, très étonnée
de sa lettre.
En effet, dit Daudet, Zola et Concourt bien sou*
vent m'avaient dit « II faut que vous soyez de l'Aca-i
demie, il faut qu'une fois au moins nous puissions y al-'
ler entendre un discours où l'on ne nous dise pas des,
choses désagréables. »
L'histoire des « Rois en exil ».
Mais du reste, continue l'auteur de Saplvo, j'espère
que tout ce bruit s'apaisera vite et je vais continuer à
écrire l'histoire de mes livres. Ainsi, en ce moment,
j'écris l'histoire desRois en exil.
Une longue conversation s'engage sur cette œuvre
célèbre. Daudet nous conte que son grand chagrin a été
de ne pouvoir y mettre un épisode vu par lui, l'enter-
rement du roi de Hanovre conduit par le prince de Gal-
les. Ces obsèques royales dans le Paris républicain
avaient vivement frappé le romancier, mais ayant déjà
les funérailles de Morny dans le Nabab, l'enterrement'
de la petite Delobelle dans Fromont jeune, il a craint de
passer pour un grand enterreur.
Mais notre entretien s'étant très longuement prolonga
nous prenons congé de l'auteur de Sapko.
LES NIHILISTES
Leur journal Reconstitution du parti râ*
volutionnaire Le gouvernement
mis en demeure.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
SAINT Pétersbourg, ier novembre. Après une an<
née de silence, les révolutionnaires socialistes russes
ont donné à nouveau signe de vie en publiant un nu-
méro du journal nihiliste Narodnaja Wodja, qui ne
compte pas moins de vingt-sept pages.
Dans ce numéro, le comité exécutif explique l'irrégu
larité qui s'est produite dans l'apparition du journal
elle a été provoquée par la saisie que la police a faite
des caractères et de la presse, et aussi par l'arrestatioa<
des principaux rédacteurs du journal, qui ont été misea'
état d'arrestation par l'autorité, à la suite de la trahison
de Degaïeff, qui plus tard' a assassinê le colonel ba*
déikin.
Le parti nihiliste, qui a été un peu disloqué, est au-
iourd'Uui nouvellement reconstitué..
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