Titre : La Rue : Paris pittoresque et populaire / rédacteur en chef Jules Vallès ; directeur Daniel Lévy
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-06-15
Contributeur : Vallès, Jules (1832-1885). Directeur de publication
Contributeur : Lévy, Daniel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32863356f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 258 Nombre total de vues : 258
Description : 15 juin 1867 15 juin 1867
Description : 1867/06/15 (A1,N3). 1867/06/15 (A1,N3).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5458149d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES FOL-LC2-3093
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/12/2008
Première année. — N° 3.
20 CENTIMES
15 Juin 1867.
g PRIMES DE LA RUE
'"—Tome personne qui s'abonnera à /«Rue recevra gratuitement, à son
choix, l'une des primes suivantes :
Pour un abonnement d'un an, le journal ha. Lune, pendant toute
la durée de cet abonnement, ou. deux volumes à 3 fr. de la collection
Faure, tels qu'elo Prêtre marié , la Vieille Maîtresse , l'Ensorce-
lée, de Barbey d'Aurevilly; les Mystères de Londres, de Paul Fêval;
les Réfractaircs et la Rue, de Jules Vallès; les Ornières de la vie,
un Assassin, de Jules Claretie; le Fumier d'Ennius, d'Alfred Del-
vau; la Cure du docteur Pontalais, de Robert Huit, Avant de
souffler sa bougie, de Léo Lcspès, et nombre d'ouvrages de
MM. Adrien, Paul et Henry de Koch, de Lescure, Dusolkr, Real,
etc., etc.
Pour les recevoir, il suffira d'ajouter quarante centimes — prix
de la poste, par volume.
Pour tin abonnement de six mois, le journal La Lune pendant six
mois ou UN desdits volumes à 3 francs.
Enfin, pour un abonnement de trois mois, U journal La Lune pen-
dant trois mois.
Nos abonnés pourront donc ainsi ajoutera leur bibliothèque des
livres qui, à des titres différents, ont attiré l'attention, ou voir du
même coup défiler bras dessus dessous le Paris caricatura! et fantai-
siste de La Lune et le Paris pittoresque et populaire de La Hue.
Adresser le montant en mandat ou timbres poste à M. Daniel Lévy,
directeur, 79, rue de Richelieu, Paris.
MA.ZA.S
Nous parlerons de la prison et point du prisonnier, non d'un
coupable, mais d'un supplice.
Je connais Mazas.
11 y a de cela pas mal d'années, nous fûmes, quelques amis et
moi, arrêtés. Ce n'était la faute de personne. Un pauvre garçon
nous avait dénoncés comme complices de je ne sais quelle cons-
piration, et l'on nous conduisit en prison. Renseignements pris, le
juge d'instruction reconnut que notre accusateur n'était qu'un
fou. Depuis le collège où nous avions été ses camarades et où
nous nous mettions quelquefois à dix pour le maintenir dans ses
accès, il était en proie à des attaques d'épilepsie et de délire ; lui-
même avoua sa folie : on nous relâcha. Mais nous avions passé
là quelques semaines, et entendant parler ces jours-ci prison et
prisonnier, il m'est revenu à la mémoire quelques-unes des sensa-
tions que j'éprouvai dans la cellule et entre les murs des prome-
noirs...
Les journées paraissaient longues !
A six heures, le matin, la cloche sonnait et nous réveillait en
plein songe ! On rêvait toujours qu'on était mis en liberté et l'on
se retrouvait entre les quatre murs blancs de plâtre !
11 ne fallait pas perdre de temps à se lamenter, il y avait le
hamac à dépendre, le lit à faire.
Diable de lit ! Je ne savais pas m'y retrouver ; je ne pliais ja-
mais les draps comme Salomon (le gardien de la troisième) vou-
lait qu'ils fussent plies, et je ne roulais jamais le hamac assez
serré ; je m'attirais, pour mon ménage, les reproches les plus
humiliants et parfois les bourrades les plus rudes.
Je ne me tirais à peu près bien que de mon balayage.
C'était encore le moment le- plus agréable de la journée. On
entendait le pas des auxiliaires, les cris des gardiens et les clic-
clac des clés fermant et ouvrant les guichets. Tout fait événement
dans ce silence. Quand on approchait de ma cellule, j'étais ému
comme quand on attend une visite, et je me précipitai vers le
génieux-crachoir que la main du gardien déposait sur ma tablette,
comme on se jette dans les bras d'un ami.
11 y avait dans ce génieux-crachoir, espèce de petit cruohon en
terre brune, du vin, et, par-dessus, une petite tranche., de pain
blanc : les politiques ont droit au pain et au vin.
Je buvais le vin avec délices; j'y trempottais mon pain; je
faisais des mouillettes. Le temps se passait : je m'essuyais les lè-
vres, je secouais les miettes et je donnais un coup de balai.
Puis je débouchais le Bully et me jetais dans les pommades. Je
n'ai jamais été si bien peigné ni si correctement cravaté qu'alors.
Je cherchais la difficulté, toujours mécontent de ma raie, jamais
satisfait de mon col. Il fallait aller jusqu'à neuf heures.
A ce moment-là, si je me souviens bien, on avait un but : poser
sa gamelle sur le guichet et attendre qu'elle revînt pleine de
soupe.
Dès qu'elle avait reparu, on déjeunait : après le déjeuner, on
avait à attendre jusqu'à trois heures pour avoir une émotion
nouvelle, quoique déjà connue, celle de la gamelle replacée sur
la tablette et repassée par le guichet.
Que faire ?
Lire?—Mais c'est bon quinze jours, trois semaines, un mois, et
l'on s'en lasse ! On ne peut pas même écrire.
Citez-moi un détenu cellulaire qui ait accouché dans sa cellule
d'une oeuvre. On ne sait plus parler de la nature ou de l'homme
dès qu'on est loin de l'une et de l'autre.
La pensée travaille encore, mais n'est plus féconde. On devient
mulet dans la captivité.
Le cerveau, dans le vide, s'affaisse et s'ahurit ! et l'ennui ar-
rive, l'ennui plus horrible que la douleur, l'ennui dans lequel on
enfonce comme un naufragé dans la vase, en avalant toujours et
en revomissant sans cesse sa boue épaisse et fade !
On lit encore, mais pour occuper les yeux; on écrit, mais
pour appliquer la main.
Heureux ceux qui restent désespérés ! le désespoir soutient,
mais le désespoir même n'y résiste pas et il aboutit à la. folie,
s'il nesc change on une résignation animale, danslaquelle lajpcnsée
se retire comme un chien va se coucher et ronfler dans un
coin !
20 CENTIMES
15 Juin 1867.
g PRIMES DE LA RUE
'"—Tome personne qui s'abonnera à /«Rue recevra gratuitement, à son
choix, l'une des primes suivantes :
Pour un abonnement d'un an, le journal ha. Lune, pendant toute
la durée de cet abonnement, ou. deux volumes à 3 fr. de la collection
Faure, tels qu'elo Prêtre marié , la Vieille Maîtresse , l'Ensorce-
lée, de Barbey d'Aurevilly; les Mystères de Londres, de Paul Fêval;
les Réfractaircs et la Rue, de Jules Vallès; les Ornières de la vie,
un Assassin, de Jules Claretie; le Fumier d'Ennius, d'Alfred Del-
vau; la Cure du docteur Pontalais, de Robert Huit, Avant de
souffler sa bougie, de Léo Lcspès, et nombre d'ouvrages de
MM. Adrien, Paul et Henry de Koch, de Lescure, Dusolkr, Real,
etc., etc.
Pour les recevoir, il suffira d'ajouter quarante centimes — prix
de la poste, par volume.
Pour tin abonnement de six mois, le journal La Lune pendant six
mois ou UN desdits volumes à 3 francs.
Enfin, pour un abonnement de trois mois, U journal La Lune pen-
dant trois mois.
Nos abonnés pourront donc ainsi ajoutera leur bibliothèque des
livres qui, à des titres différents, ont attiré l'attention, ou voir du
même coup défiler bras dessus dessous le Paris caricatura! et fantai-
siste de La Lune et le Paris pittoresque et populaire de La Hue.
Adresser le montant en mandat ou timbres poste à M. Daniel Lévy,
directeur, 79, rue de Richelieu, Paris.
MA.ZA.S
Nous parlerons de la prison et point du prisonnier, non d'un
coupable, mais d'un supplice.
Je connais Mazas.
11 y a de cela pas mal d'années, nous fûmes, quelques amis et
moi, arrêtés. Ce n'était la faute de personne. Un pauvre garçon
nous avait dénoncés comme complices de je ne sais quelle cons-
piration, et l'on nous conduisit en prison. Renseignements pris, le
juge d'instruction reconnut que notre accusateur n'était qu'un
fou. Depuis le collège où nous avions été ses camarades et où
nous nous mettions quelquefois à dix pour le maintenir dans ses
accès, il était en proie à des attaques d'épilepsie et de délire ; lui-
même avoua sa folie : on nous relâcha. Mais nous avions passé
là quelques semaines, et entendant parler ces jours-ci prison et
prisonnier, il m'est revenu à la mémoire quelques-unes des sensa-
tions que j'éprouvai dans la cellule et entre les murs des prome-
noirs...
Les journées paraissaient longues !
A six heures, le matin, la cloche sonnait et nous réveillait en
plein songe ! On rêvait toujours qu'on était mis en liberté et l'on
se retrouvait entre les quatre murs blancs de plâtre !
11 ne fallait pas perdre de temps à se lamenter, il y avait le
hamac à dépendre, le lit à faire.
Diable de lit ! Je ne savais pas m'y retrouver ; je ne pliais ja-
mais les draps comme Salomon (le gardien de la troisième) vou-
lait qu'ils fussent plies, et je ne roulais jamais le hamac assez
serré ; je m'attirais, pour mon ménage, les reproches les plus
humiliants et parfois les bourrades les plus rudes.
Je ne me tirais à peu près bien que de mon balayage.
C'était encore le moment le- plus agréable de la journée. On
entendait le pas des auxiliaires, les cris des gardiens et les clic-
clac des clés fermant et ouvrant les guichets. Tout fait événement
dans ce silence. Quand on approchait de ma cellule, j'étais ému
comme quand on attend une visite, et je me précipitai vers le
génieux-crachoir que la main du gardien déposait sur ma tablette,
comme on se jette dans les bras d'un ami.
11 y avait dans ce génieux-crachoir, espèce de petit cruohon en
terre brune, du vin, et, par-dessus, une petite tranche., de pain
blanc : les politiques ont droit au pain et au vin.
Je buvais le vin avec délices; j'y trempottais mon pain; je
faisais des mouillettes. Le temps se passait : je m'essuyais les lè-
vres, je secouais les miettes et je donnais un coup de balai.
Puis je débouchais le Bully et me jetais dans les pommades. Je
n'ai jamais été si bien peigné ni si correctement cravaté qu'alors.
Je cherchais la difficulté, toujours mécontent de ma raie, jamais
satisfait de mon col. Il fallait aller jusqu'à neuf heures.
A ce moment-là, si je me souviens bien, on avait un but : poser
sa gamelle sur le guichet et attendre qu'elle revînt pleine de
soupe.
Dès qu'elle avait reparu, on déjeunait : après le déjeuner, on
avait à attendre jusqu'à trois heures pour avoir une émotion
nouvelle, quoique déjà connue, celle de la gamelle replacée sur
la tablette et repassée par le guichet.
Que faire ?
Lire?—Mais c'est bon quinze jours, trois semaines, un mois, et
l'on s'en lasse ! On ne peut pas même écrire.
Citez-moi un détenu cellulaire qui ait accouché dans sa cellule
d'une oeuvre. On ne sait plus parler de la nature ou de l'homme
dès qu'on est loin de l'une et de l'autre.
La pensée travaille encore, mais n'est plus féconde. On devient
mulet dans la captivité.
Le cerveau, dans le vide, s'affaisse et s'ahurit ! et l'ennui ar-
rive, l'ennui plus horrible que la douleur, l'ennui dans lequel on
enfonce comme un naufragé dans la vase, en avalant toujours et
en revomissant sans cesse sa boue épaisse et fade !
On lit encore, mais pour occuper les yeux; on écrit, mais
pour appliquer la main.
Heureux ceux qui restent désespérés ! le désespoir soutient,
mais le désespoir même n'y résiste pas et il aboutit à la. folie,
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