Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1920-11-12
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 novembre 1920 12 novembre 1920
Description : 1920/11/12 (Numéro 45745). 1920/11/12 (Numéro 45745).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5385074
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/03/2008
année: 3e série,. K'°
C 5 h. du matin > PARIS ET départements 20 centîme? C5 h. du matin > &
VENDREDI NOVEMBRE .1920. fv
/Arthur meyerV
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Les manuscrits ne sont pas rendus
JOURNAL DE LA DÉFENSE SOCIALE ETjDE LA RÉCONCILIATION NATIONALE
LIRE CHAQUE MATIN
^^Dans la «DERNIERE HEURE »^V*
Le Résumé en Anglais des
INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES
FINANCIÈRES
^D'AMÉRIQUE et D'AHGLETERRE
COMMUNIQUÉES PAR LE
NEW YORK mm^r
TÉLÉPHONE Gut. 02.37 Cent 09.00 Louvre
LE CINQUANTENAIRE,
Le gouvernement a été sage et bien
inspiré en associant-le cinquantenaire de
la république l'évocation de la vic-
toire. Je. crois que la nation ne se sent
pas le goût de séparer son régime poli-
tique du prodigieux succès militaire de
ses armées et d'un effort unique dans
son histoire. Depuis 1914, devant l'im-
mensité du péril, notre race â pris plus
profondément conscience, peut-être, de
son destin qu'elle ne l'avait jamais fait.
Qr, ce phénomène s'est accompli sous
le. symbole de la république, qui béné-
ficiera éternellement de ce puissant al-
liage de toutes les valeurs françaises qui
a déterminé la victoire.
La république est devenue ainsi l'hé-
ritière légitime et incontestée du mer-
veilleux trésor de la France. C'est à elle,
désormais, de le faire fructifier et..de
l'agrandir, et d'en répartir le plus équi-
tablement possible la jouissance entre
tous ses enfants. Quelles que soient ses
erreurs et ses torts, et il n'y a pas
un régime, d'ailleurs, qui n'ait commis
des erreurs analogues et qui n'ait eu des
torts pareils elle a franchi d'un cœur
solide la, dure étape de 1914,
comme a dit M. Millerand dans son pa-
thétique discours elle a refait l'unité de 1
la.patrie elle a créé, pour défendre le
sol et conduire les citoyens au combat,
une élite de chefs sans rivale dans les
fastes .militaires des peuples. Elle est
donc en droit de réclamer aujourd'hui
l'union autour d'elle pour continuer de
gérer le pays et pour lui rendre la pros-
périté de ses plus beaux instants.
M. Millerand a tracé un large et sai-
sissant tableau de ce demi-siècle de
notre histoire il en a montré le fécond
tumulte et les semences qui y étaient
déposées. Il appartient aux jeunes géné-
rations de les aider à lever de terre par
-le travail commun. La journée d'hier
.mehts qui poussaient la foule, des pro.
messes de concorde qui seront tenues.
Mais il faut que la république se rap-
pelle qu'elle a maintenant la charge de
la. France totale, de sa tradition et de
sa gloire, autant que de ses intérêts maté-
riels car c'est la France qui est une et
indivisible, et non la république seule-
ment.
Alfred Capus
de l'Académie française
Celui qu'on a connu
Il était là, par privilège.
'Il marchait lentement, au pas,
Accompagnant, dans le cortège,
Celui que l'on ne connaît pas.
On l'a connu, lui. Notre histoire
Evoque des coquelicots
'Germés dans des champs de victoire,
Héroïques et rococos.
Rococos? La vieille garance
Paraît toujours jeune à nos coeurs.
C'est toujours le soldat de France,
Le vainqueur parmi les vainqueurs.
Le VJilà, le vieil uniforme,
Toujours, coquet, toujours plaisant.
Et; symbolique, il nous informe
Que le Passé reste présent.
Afrique, Italie et Crimée,
Oh! tous ces grands noms émouvants!
Voici passer l'ancienne armée,
Avéc ses ^souvenirs vivants.
Et les gens, devenus très graves,
S'inclinent tous, en même temps,
Devant ces brisquards, ces vieux braves.
'Qui sont des poilus de vingt ans.
Lui-même, l'homme à l'églantine,
Le rouge d'aujourd'hui, si fier,
Très humblement soudain s'incline
Devant les rouges. ceux d'hier.
Adrien Vély
f
t
L'amour et la vénération de tout un
peuple ont suivi hier, au long des voies
triomphales, du Panthéon à l'Arc de
1 l'Etoile, le cœur de Gambetta, premier
artisan de la république, et la dépouille
du. Soldat' inconnu,* vainqueur de la
grnade guerre, libérateur du sol sacré,
chair souffrante de la race, âme'héroï-
que de la France immortelle.
Entre ces deux gloires le .verbe écla-
tant et vengeur, et l'humble offrande
d'un sang pur pour le salut de la patrie,
le partage ne pouvait être qu'inégal. La
mémoire du grand tribun fut saluée avec
il respect. Mais tout l'élan du cour de la
multitude, son enthousiasme, sa piété, sa
douleur fière allèrent au guerrier ano-
nyme, pleuré par les mères et les épou-
ses, les filles et les sœurs en deuil- de
S nos quinze cent mille morts.
AU LION DE BELFORT
Le Lion de Belfort s'éveille sous une
i aube grise et comme endeuillée. Les
troupes se rassemblent sur la place dé-
serte. Un officier et six jeunes soldats'
dente, où brûlent des lampes mortuai-
res. L'officier transporte sur le char le
coffret renfermant le cœur de Gambetta,
tandis que les hommes placent sur l'af-
fût du canon, sous un dai aux trois cou-
leurs, la dépouille du soldat inconnu.
.Dans la rue Denfert-Rochereau se sont
massés les drapeaux de la grande guerre
et ceux de 1870 lacérés, noircis, trans-
formés en loques épiques ou battant de
leurs ors neufs et de leurs soies éclatan-
tes, sommées de la lance laurée de la
république ou, de l'aigle impériale, ils
représentent la France de toujours, et
devant eux s'inclinent les épées et se
dressent les baïonnettes.
Des commandements brefs se trans-
mettent au long des avenues convergen-
tes. Le cortège s'organise avec précision.
La foule acclame le peloton des territo-
riaux, en pantalon rouge, capote bléu
sombre et képi rouge de 1914. L'uni-
1 forme qui fut tant de fois à la peine mé-
Titait d'être à .l'honneur.. Le maréchal
Joffre l'a compris, qui est resté fidèle
la tenue des vainqueurs de la première
Marne.
A neuf heures, le convoi glorieux s'é-
branle. Entre deux haies de foule, silen-
cieuse et recueillie, il descend l'avenue
de l'Observatoire et le boulevard Saint-
Michel. Le belliqueux refrain de Sana.-
bre et Meuse rythme le pas allègre des
troupes. La garde républicaine ouvre la
marche, suivie d'une délégation d'Alsa-
ciens-Lorrains, du gouverneur militaire
de Paris, des généraux commandant le
département et la place.
Le gouvernement est représenté par
MM. Steeg, Maginot, Honnorat, Landry
et Lefèvre le conseil municipal par
MM. Fernand Laurent, Emile Faure, La-
tour et Delsol.
ha cérémonie du Panthéon
A neuf heures et demie, le cortège
débouche dans la rue Soufflot, dont les
torchères accouplées tordent leur vapeur
funèbre dans la brume, oui estompe -la
silhouette latine de la basilique.
Les quatre nefs cruciales du Pan-
théon sont trop étroites pour contenir la
foule des invités. Sur le fond sombre
des habits et des pardessus de l'assis-
tance, tranchent les couleurs vives des
uniformes et des simarres. Voici les ma-
gistrats, en robe pourpre et oamail
d'hermine; les avocats, en robe noire
et rabat blanc les professeurs de facul-
tés, en robes jaunes et violettes les
ambassadeurs et ministres plénipoten-
tiaires, en costume de gala les séna-
teurs et députés, ceints de l'écharpe tri-
colore les généraux, le maréchal Joffre:
et le maréchal Foch, qui n'en finissent
pas de serrer des mains.
Une lumière blême tombe des verriè-
res et précise les moindres détails de la
noble ot sévère architecture. Des cou-
rants d'air violents font vaciller les
flammes bleues des lampes funéraires,
autour des drapeaux du cénotaphe.
Les lourdes portes de bronze roulent
sur leurs gonds. M. Millerand, entouré
de sa maison civile et militaire, vient
au-devant du cortège, sous le péristyle,
dégagé par l'enlèvement du Penseur de
Rodin.
Des fanfares' déchirent, l'air. Un pâle
rayon de soleil troue la brume, si bien
que les étendards glorieux et le cercueil
du Héros s'avancent dans un poudroie-
ment d'argent et d'or.
Et puis, un émouvant silence. Le cœur
de Gambetta la dépouille du Soldat
inconnu font leur entrée dans le Pan-
théon et dans la gloire,.
Saint-Saëns retentissent sous les voûtes,
tandis que la relique du tribun et le
corps du guerrier sans nom sont placés
sur le catafalque. Les chœurs chantent
l'Hymne à la Hrancé immortelle de M.
Henri Rabaud, sur les vers de Victor
Hugo N
Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie.
M. Millerand prend place dans une
petite tribune érigée à l'un des angles
de la coupole centrale. Très ému, il soin-
ble dilater sa forte poitrine, barrée du
ruban rouge, et sa voix frémissante s'é-
lève, avec une intonation presque reli-
gieuse.
Toute l'assistance est debout. Un seul
ooeur bat dans cette foule si diverse, que
dominent le verbe énenderue et le geste
bref de l'orateur.
Mais l'acoustique du Panthéon est dé-
testable La résonnance de l'édifice fait
se chevaucher les mots et se bousculer
les périodes harmonieuses. Par lam-
beaux, des phrases d'une superbe envo-
lée suscitent une émotion profonde.
C'est avec des larmes dans les yeux
qu'on entend le président de la républi-
que dire au Soldat inconnu « Dormez
en paix Vous avez rempli votre destin.
La France et la civilisation sont sau-
vées » I
Il semble que les mâles accents de la
Marseillaise condensent soudain tout
l'enthousiasme de la foule, que la sain-
teté du lieu force à se contenir.
A l'hymne national succède un chant
à la gloire de la France. La cérémonie
patriotique est terminée. Les membres
du gouvernement et les maréchaux do
France vont escorter jusqu'à 1'Arc de
Triomphe le .coeur de -Gambetta et la dé-
pouille du petit soldat anonyme qui in-
carne la France meurtrie et victorieuse.
M DISCOURS DE 1W. JÏIIiItEHJip
Un appel à l'Union sacrée
Les fils de la Révolution sont,
sans effort; les dévots de Jeanne
d'Arc.
A la cérémonie du Panthéon, M. Mil-
lerand a prononcé un magistral discours.
C'est une page d'histoire dans laquelle
le président de la république a évoqué
toutes les gloires françaises et affirmé le
sentiment commun « profond 1
de la patrie » qui anima toujours les
hommes qui furent à la tête des desti-
nées de la république depuis cinquante
ans, en dépit dû leurs erreurs
Cinquante années -sans doute, ne se sont
pas écaillées sans qu'il y ait en des faibles-
ses, sans que des fautes aient été commi-
ses. L'erreur est humaine, et nous sommes
des hommes mais, dans l'erreur même, il
y eut quelque chose qui ne faiblit jamais,
ce fut l'amour de la France.
L'amour profond de la patrie, le désir
passionné de-la rendre, chaque jour plus
grande et plus forte, plus prospère et plus
juste, de lui restituer ses frontières natu-
relles, de la garantir contre de nouveaux
crimes-; le désir passionné de faire qu'en
la douce France la vie soit chaque jour-
plus douce et plus humaine, n'est-ce point
le sentiment qui nous inspira tous tou-
jours ? Peu irnporte que Z&s rnéthodes dif-
fèrent le but est là, unique, qui ne se
laisse pas oublier.
Puis le Président passe en revue
l'œuvre politique des Gambetta, des
Jules Ferry, des Waldeck-tlousseau, Il
célèbre l'héroïsme de l'armée nationale,
qui éclata au jour de la Marne, et du
peuple, qui forma cette armée.
Au lendemain de la victoire de la Marne,
de cette bataille de cinq jours pendant les-
quels le monde empli de crainte avait vzt
ave étonnement, avec admiration, avec
soulagement, une armée qu'on disait dé-
faite et en fuite se retourner soudain et for-
cer à la retraite une armée victorieuse, qui
croyait déjà tenir entre ses mains le triom-
plie définitif, le général Joffre télégraphiait
au gouvernement « La république peut
être fière de Vannée qu'elle a formée. » En-
tendez la république peut él'rn fière du
peuple qu'elle à élevé, car n'était-ce pas le
peuple français tout entier qui était sous
tes armes, qui a lutté, qui a tenu, et qui,
avec' l'aide de ses alliés, a vaincu ?
Il parle encore de la vague de pessi-
misme qui s'abattit un moment sur la
France, mais aussi ,de l'espoir, de la:
confiance qui ne tardèrent pas à renaî-
tre pour la réalisation de l'Idéal entrevu,
non dans une retraite intérieure, mais
dans la vie et dans Le travail.
Et voici son émouvant appel à la coti-
corde et son dernier hommage au soldat
inconnu, sauveur de la civilisation
Parfois, l'idéal change, mais il est tou-
jours l'idéal. Il ne s'agit pas de savoir s'ils
étaient républicains ou non, ces poètes, ces
romanciers, ces dramaturges, ces histo-
riens Une s'agit pas de savoir s'ils étaient
rAvoUUiohnaircs ou réactionnaires, s'ils
VERS LA PLACE DE LA CONCORDE
Au long du boulevard Saint-Michel et
du boulevard Saint-Germain, le cortège
a déroulé sa pompe civile et militaire
plus militaire quo civile, hélas
au milieu du recueillement et des ova.
tions d'un peuple immense.
Le président do la république, tête
nue, suivait le canon, dont l'affût, drapé
des couleurs nationales, 'portait levcer-
çueil du héros inconnu.
J'ai vu les femmes se signer et les, en-
fnnts s'agenouiller au passage. du. soldat
mort pour la France. Dans la foule, pas
une note discordante. Partout la même
piété, Iv même ferveur.
M. Millerand a dû mesurer toute l'é-
tendue de sa popularité, qui est très
grande. Jamais Président ne recueillit sur
son passage acclamations plus frénéti-
ques, et son nom fut associé sur tout ̃!«.
parcours du cortège à l'armée, aux poi-
lus, à la république et il la victoire,
Quel peintre pourrait fixer le carac-
tère tour l tour grandiose et plaisant des
tableaux qui se composaient d'eux-mê-
mes entre le public et les décors classi-
eues entrevtis ?
Les façades des maisons n'avaient pas
assez de balcons et de fenêtres pour la
masse des spectateurs. Les toits fourmil-
laient de silhouettes humaines. Des corps,
en grappes, chargeaient les arbres des
boulevards Saint-Michel et Saint-Ger-
main. Les cordons de troupes n'arrivaient
qu'à grand'peine à contenir la. foule. Les
loueurs d'échelles, de, bancs, -de voitures,
de tables, de chaises ont réalisé d'énor-
mes-recettes. Ça et la s'étaient installés
des marchands de marrons, dont les poê-
les mettaient un parfum chaud dans l'air
frisquet.
Sans doute, il'y eut dans le cortège
quelques regrettables erreurs d'esthéti-
que administrative et quelques fâcheuses
intransigeances de protocole démocrati-
Il est bien permis de' dire sans irré-
vérence pour la mémoire du grand tri-
bun que le char de toile peinte et de
carton doré qni portait le cour de Gam-
betta tranchait de faon désçobligeante
dans l'harmonie sévère et sobre du cor-
tège.
Pour introduire et retirer du reliquaire
mesquin, juché sur le. chax en forme de
sabot, le viscère vénérable, un escalier
portatif était nécessaire. Au seuil du
étaient catholiques ou libre-penseurs. Il
suf fit de cons taler que par leur souci des
questions des questions sociales,
des questions religieuses, ils se dégagèrent
de ce dilettantisme dont le charme dissol-
vant est plus néfaste iL un peuple que la
violence des partis-pris.
Générations des débuts du vingtième siè-
cle, qui furent si âpres dans la bataille,
qui descendirent avec tant de fougue dans
l'arène, dont on déplora les cruels déchire-
ments, on peut se demander aujourd'hui
s'il ne faut pas se féliciter de ces luttes qui
étaient des luttes pour un idéal, si bien que,
dès 1905, quand le danger extérieur appa
rut à tous les yeux, les partis
commencèrent à les uns aux au-
tres pour ne plus' faire qu'un parti fran-
Quel chemin parcouru
Dans la philosophie et dans l'histoire,
dans la critique el dans le roman, au théâ-
tre et dans la poésie même se manifesta
sans cesse ce souci des hautes questions
qui font l'honneur et la grandeur de
l'homme,.
Il est vrai, parmi ces philosophes et
parmi ces historiens, parmi ces critiques
et parmi ces romanciers, parmi ces drama-
turf/es et parmi ces poètes, tous ne célébrè-
rent pas la république mais la république
les célèbre fous, car c'est précisément sa
gloire d'avoir permis Il tous d'affirmer
pensées, qu'ils revêtirent parfois d'un
vêtement magnifique et, si l'on ne peut
prévoir ce que la. postérité jugera de notre
temps, on peut être assuré que, si elle n'en
retenait pas certains noms, elle retiendrait
pourtant le souvenir d'une époqre de re-
cherches libres et passionnées vers la
beauté et vers, la vérité.
L'œuvre n'est pas achevée.
Si la France avait, selon le vœu de Gain-
belta, conservé intact et toujotirs présent
le souvenir des chères provinces perdues,
jamais il n'était venu Il la pensée d'aucun
de ses qu'elle pût assumer
la responsabilité de faire appel à la force
pour tenter de reprendre le bien qui lui
avait été ravi. Lra justice immanente a
voulu que lit guerre d'où devait sortir la
juste, restitution fût déchaînée par les au-
teurs mêmes du crime.
a a interrompu le travail pa,-
cifique des bras et du cerveau. Après plus
de quatre années d'une guerre terrible, ce
travail a été repris. Des devoirs nouveaux
se sont ajoutés Il nos. devoirs.
Nous avons des ruines à restaurer. Nous
avons des réparations à poursuivre. Nous
avons des garanties à maintenir.
Que' le passé nous donne confiancé danse
l'avenir
Soldat inconnu, représentant anonyme
et triomphal de la foule héroïque des poi-
lus Morts, qui dormez votre sommeil glacé
sous le sol des Flqndres, de la; Champagne,
de Verdun, de tant de champs de bataille,
cêlèbresou ignorés jeunes héros accourus
d'au-delà de l'Atlantique, des Iles Britan-
niques, des Dominions lointains, de VItalie,
de la Belgique, de la Serbie, de tous les
points du monde pour offrir votre, vie au
salut de l'Idéal qu'une fois de pLus repré-
sentait la France, dormez en paix
Vous avez rempli votre destin.
La France et la civilisation sont sauvées.
Panthéon, cet escalier de bois teinté de
brou ne laissa point de nuire à la noble
ordonnance dU! décor.
Une réflexion d'enfant, ingénue et fé-
roce, nous fit sourire, au passage du
char, qu'un Michel-Ange ou. un Vinci,
seuls, ..eussent pu sauver du ridicule
1 -1* Maman, dit le bambin, où est la
Combien plus simple, juste et pathéti-
que, lo canon de 150, portant, sous le
i voile tricolore brodé de couronnes de
laurier, le cercueil du héros
La. Chambre des députés, aux colon-
nes ceintes d'éèharpes tricolores, pré-
sentait l'aspect le plus singulier, avec sa
cotir d'honneur, ses escaliers et ses sta-
tues chargés de spectateurs.
La place de la Concorde, où se mas-
saient de nombreuses délégations d'étu-
diants, d'anciens combattants, de vété-
rans de 1870, d'Alsaciens-Lorrains et de
sociétés sportives et patriotiques, éche-'
vêlait, dans la brume légère, l'argent de
ses fontaines jaillissantes. Le cortège la
traceu-a vers onze heures, en défilant
devant les statues de Lille et de Stras-
bourg, littéralement écrasées de fleurs et
de drapeaux.
6a Marche à l'Efoile
Et puis, ce fut, dans une lumière grise.
et rosé, orientée comme une perle rare,
l'ascension glorieuse de l'avenue des
Champs-Elysées.
Certes, l'épique-vision restera gravée
dans toutes les mémoires comme la plus
belle image d'Epinal du monde. Pas un
souffle n'agitait la forêt de soie tricolore
des drapeaux aux cimes dorées. L'air
avait cette sécheresse froide où les ova-
tions éclatent en laissant à chaque voix
sa tonalité distincte. Il semblait que Pa-
ris; sous son crêpe de brume, eût pris le
deuil et estompa de bleu horizon ses no-
bles perspectives en l'honneur de l'armée
française, dont il magnifiait le sublime
sacrifice obscur.
fl est des émotions trop poignantes
pour se traduire en mots décolorés. On
ne décrit point les larmes qui brouillent
fea yeux d'une foule, les gestes spontanés
où se manifeste sa religion patriotique,
les cris où s'exprime sa ferveur naïve et
passionnée. Il n'y eut pas une note dis-
sonnante sur tout le parcours d'un cor-
tège qui eût peu paraître un convoi fu-
nèlïre-et qui fut en réalité une marclie
glorieuse à l'Etoile, dans un décor que
l'initiative officielle ne réussit point à
enlaidir.
Il faudra se souvenir à jamais de deux
spectacles dé beauté sans pareille. Nos
yeux ont vu, autx fêtes de la Victoire,
l'arméé française couler, de l'Arc de
Triomphe, sur la pente des Champs-Ely-
sées, comme un fleuve d'intarissable
azur. Mais plus significative encore fut
la' montée de nos drapeaux dé la vic-
tire, unis aux drapeaux de la défaite,
définitivement reconquis, vers l'arche
idéale, n la suite du canon béant et bra-
que vers le ciel, et qui portait sur son
affût, sous le dai aux couleurs françai-
ses, la dépouille immortalisée du Soldat
de France. e
Ce reflux do la gloire, qui ramène au
triomphe des armées- napoléoniennes le
triomphe des armées 1914-1918, fut le
plus émouvant symbole de la journée
d'hier. Il mérite d'entrer dans l'histoire
et dans la légende nationales.
Peut-être: l'élément civil parut-il de-
vancer de façon trop ostentatoire l'élé-
ment militaire, qu'il s'agissait, en som-
me, de glorifier.
Sur deux ranges sombres, épais, les
membres du gouvernement escortaient,
à dix mètres, le président de la républi-
que les ministres isolaient le chef de
l'Etat des maréchaux de la victoire le
maréchal Foch ayant à sa droite le ma-
réchal Joffre, en tunique noire et panta-
Ion rouge, et à sa gauche le maréchal Pé-
tain, en simples leggins de champagne,
sernblait perdu dans la masse des hom-
mes politiques
Ainsi s'avérait la dualité contradictoire
de cette fête, à la fois militaire et répu-
blicaine, heureusement française pair
dessus tout.
Le peuple de Paris eut le bon goût, le
tact infini de ne poin se scandaliser de
ne pas voir les chefs bien-aimés de l'ar-
mée française, soit à cheval, à la tête des
étendards qu'ils conduisirent à la vic-
toire, soit à pied, à côté du président de
la république, derrière le cercueil dit
soldat inconnu.
Les trois maréchaux, très démocrati-
quement, causaient entre eux,, avec cette
familiarité qui leur est coutumière Pé-
tain grave, Foch méditatif, Joffre sou.
riant et bonhomme. Et vers eux, inlas-
sables, déferlaient les vivats de la foule.
A L'ARC DE TRIOMPHE
Mgr Roland-Gosselin vient rendre
hommage au soldat inconnu
Là-haut, comme terminant l'admira-
ble Voie triomphale des Champs-Ely-
sées, l'Arc de Triomphe, l'arche haute
ouverte se découpe dans la grisaille du
ciel. La foule noire est^ maintenue au
loin par des barrières do capotes bleu
horizon. Sous le monument sont ambn-
celées de nombreuses couronnes celle
du gouvernement au Soldat français;
celle tiu gouvernement anglais celle du
roi d'Angleterre celle dles officiers de
l'armée anglaise.
La place, de l'Etoile a été complète-
ment balayée elle paraît encore plus
grande dans sa majesté.
Mgr RolandhGo'sselin, vicaire capitu-
laire de Paris, que le' gouvernement a
officiellement invité, arrive onze heu-
res. Mgr Roland-Gosselin est accompa-
gné de M. le chanoine Couget. Comme
l'anonymat du Soldat francais empoche
de savoir quelle est sa religion, il n'est
pas possible dlo prononcer les prières
des morts du culte catholique.
'Soudain, droite et à gauche de l'ar-
che triomphale, so dénouent, ainsi que
des écharpes grises, toutes frissonnan-
tes d'ailes, des vols successifs de pi-
geons, qui tourbillonnent autour du mo-
nument..
'On dirait des prières libérées, qui se
cherchent, se groupent, ot, dans un
essor unanime, foncent vers le ciel, aux
quatre coins de l'horizon.
Dans le silence impressionnant, le
premier coup de canon retentit. On per-
çoit les musiques militaires, et bientôt
le cortège est visible. Il monte lente-,
ment la Voie triomphale les drapeaux,»
.que le vent-fait claquer fièrement, vont
S'ï ranger à gauche et à droite de l'Arc
de Triomphe, sous les voûtes latérales.
Le, cercueil du soldat inconnu est placé
à gauche, et le char du cœur de Gam-
betta à droit.
La foule est vivement impressionnée
toutes les têtes se découvrent; les fem-
mes s'inclinent respectueusement.
Le cortège so masse-peu à peu, tandis
que les troupes entourent la place de
leurs masses profondes. Derrière M. Mil-
le rand sa tiennent les ministres, les pré-
sidents des deux Chambres, ainsi que
les bureaux des deux assemblées, le oi-é-
fet de Ia Seine et le préfet de police, les
amis et la famille de Gambetta.
'« Garde à vous » Lorsque ce com-
mandement retentit, un long frissonne-
ment parcourt l'immense foule des as-'
sistants. La sonnerie « Aux champs »
éclate, vibrante, roulée par les tambours,
sonnée par les:clairons, reprise par les
trempettes. Et toutes les troupes se
tiennent au port d'armes pour rendre
les honneurs. La Marseillaise éclate
soudain. Et c'est une minute empoi-
gnante, qui étreint tous les cours, qui
mouille tous les yeux 1
M. Millerand salue une dernière fois
le héros anonyme. C'est fini. Les per-
sonnages officiels se retirent. Les trou-
pes regagnênt'leurs casernements et la
place de l'Etoile est rendue à la foule
celle-ci, canalisée par un service d'or-
dre, défile pieusement devant le cer-,
cueil du héros inconnu, devant l'urne'
qui renferme le cœur de Gambetta.
Et, à la tombée de la nuit, l'urne était
transportée au Panthéon, tandis que le
cercueil du Poilu, qui symbolise l'hé-
roïque armée française, était déposé
provisoirement dans une salle du pre-
mier étage de: l'Arc de Triomphe, trans-
formée en chapelle ardente.
A u long du cortège
Choses Vues
C'est dans les manifestations- sponta-
nées de l'âme populaire ciu'il faut re-
chercher la signification vraie des céré-
monies patriotiques, dépouillées de ces
que peuvent avoir de factice les pro-
grammes officiels.
.Le peuple de Paris, qui a témoigné
une déférence cordiale à la relique de
Gambetta, a compris que-le héros des fê-
tes commémoratives de la victoire était
le soldat innombrable, vivant ou mort,
immortel.
La foule, en ses élans d'amour et de
respect, n'a point séparé les chef s ullus-
tres du l'armée française des hommes.
qu'ils conduisirent a la bataille. Le gé-
néral Mangin, le général Gouraud, le
général Fayolle, reconnus dans le cor-
tège, bien que perdus dans les groupes
de parlementaires, furent chaleureusei-
ment acclamés.
Entre vingt scènes touchantes repro-
duites sur tout le parcours du glorieux
convoi, mentionnons le geste émouvant
des petits écoliers massés devant la rue
Balzac et qui s'agenouillèrent, firent lee
signe de la croix et l'oignirent leurs,
mains pures au passage du Soldat in-<
connu.
Nous avons vu, il 'la fenêtre d'un hû-
tel des Champs-Elysées, Mrs Asquith,.
épouse du grand homme d'Eta,t britan-
nique, s'émouvoir devant le cercueil du
guerrier français et lui jeter des fleurs.
Nous avons vu des mutilés, salués
avec respect par les maréchaux de
France, quitter leur place, en bordure
de la voie triomphale, et venir serrer,
avec effusion les mains de Mlle de Bay^i
et de Mme Guérin de Bellier, chevaliers
de la Légion d'honneur, croix de guerre,
plusieurs fois blessées et citées à l!ordre
de l'armée, qui défilaient à la tête-duf'
groupe des infirmières.
Le public s'est demandé pourquoi un
affût de canon de 155 a servi au -trans-
port de l'humble dépouille du Soldat
inconnu, en qui l'armée française^ était
immortalisée. On s'est étonné' que l'au-
torité militaire n'ait pas choisi, deipré-
férence, un canon de 75, si populaire, ou
un char d'assaut, déjà entré dans la
légende.
L'explication qui paraît la plus. plau-
sible est que le calibre de, 155 modèle
Rimailho 1914 de la Marne, au modèles
1 et 18, qui l'ont suivi caracté-
rise le seul canon lourd qui, du premier
au'dernier jour des hostilités, ait figuré
à toutes les heures glorieuses de lâ,
grande guerre..
A Notre-Dame
Un salut solennel Une allocution
de Mgr Roland-Gosselin
A quatre heures et demie, a été célé-
bré le salut solennel prescrit par Mgr
Roland-Gosselin pour les fêtes du 1L no-
vembra..
A l'extérieur de la cathédrale, des fais-
ceaux de drapeaux tricolores et des na-
tions alliées.
A l'intérieur, dans le direur et dans
'le transept, même décoration. Une
considérable remplissait les cinq neufs
de la basilique. Au premier rany, on re-
marquait le général Lasson, représen.
tant le président de la république Mime
Millerand M. Reibël, représentant M.
Leygues plusieurs ministres, MM.
Isaac, Flandin, Le Trocquer, Bignon,
Robert David le maréchal Foch, le gé-.
néral Pau, les généraux Maistre, Debe-
ney, Laignelot, Bailloud un représen-
tant du maréchal Pétain et du maréchal
Joffra. Les ambassadeurs d'Angleterre,
des Etats-Unis, d'Italie, d'Espagne, de''
Belgique, de Suisse, entourés du per-
sonnel des ambassades, étaient présent?-.
On remarquait également des dépu-
tés MM. de Leusse, l'abbé Wetterlé,
Erlich, Leboucq, Pathé, Binder, Chas-
saigne-Goyon, Duval-Arnould, Rollin,"
de Gailhard-Bancel des sénateurs, des
membres de -l'Institut, du conseil muni-
cipal parmi ces derniers MM. Am-
broise Rendu, de Castellane, Faure, Fer-
nand .Laurent, d'Andigné, Guillaumin,
de Fontenay, Missoffe, Lefébure, de
Puymaigre, César Caire, de Clercq des
membres de la cour de cassation, de la
cour d'appel, etc..
Dès que Mgr Roland-Gosselin a pris
place à gauche du chœur, mitre en tête
et crosse en main, Io salut commence.
Successivement on chante' le Magnificat,
le Te Deum, lo Domine salvam lac rem-
Après la bénédiction, Mgr Roland-Gos-
selin s'avance à l'ambon de gauche du
chœur et prononce une allocution
Messieurs, dit-il, le gouvernement fran-
çais a eit une heureuse pensée dp clair-
voyaacc et de sagesse en reportant au 11
novembre, à l'anniversaire dé l'armistire,
la fête du Cinquantenaire de la république.
Il a pu ainsi convier tous les Franfai.s Il..1
C 5 h. du matin > PARIS ET départements 20 centîme? C5 h. du matin > &
VENDREDI NOVEMBRE .1920. fv
/Arthur meyerV
RÉDACTION ADMINISTRATION
ABONNEMENTS
Paris et Départements
Un mois.. 5 fr. 50 1 Six mois.. 28 fr..
Trois mois 15 fr. 1 Un an. 54 fr.
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JOURNAL DE LA DÉFENSE SOCIALE ETjDE LA RÉCONCILIATION NATIONALE
LIRE CHAQUE MATIN
^^Dans la «DERNIERE HEURE »^V*
Le Résumé en Anglais des
INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES
FINANCIÈRES
^D'AMÉRIQUE et D'AHGLETERRE
COMMUNIQUÉES PAR LE
NEW YORK mm^r
TÉLÉPHONE Gut. 02.37 Cent 09.00 Louvre
LE CINQUANTENAIRE,
Le gouvernement a été sage et bien
inspiré en associant-le cinquantenaire de
la république l'évocation de la vic-
toire. Je. crois que la nation ne se sent
pas le goût de séparer son régime poli-
tique du prodigieux succès militaire de
ses armées et d'un effort unique dans
son histoire. Depuis 1914, devant l'im-
mensité du péril, notre race â pris plus
profondément conscience, peut-être, de
son destin qu'elle ne l'avait jamais fait.
Qr, ce phénomène s'est accompli sous
le. symbole de la république, qui béné-
ficiera éternellement de ce puissant al-
liage de toutes les valeurs françaises qui
a déterminé la victoire.
La république est devenue ainsi l'hé-
ritière légitime et incontestée du mer-
veilleux trésor de la France. C'est à elle,
désormais, de le faire fructifier et..de
l'agrandir, et d'en répartir le plus équi-
tablement possible la jouissance entre
tous ses enfants. Quelles que soient ses
erreurs et ses torts, et il n'y a pas
un régime, d'ailleurs, qui n'ait commis
des erreurs analogues et qui n'ait eu des
torts pareils elle a franchi d'un cœur
solide la, dure étape de 1914,
comme a dit M. Millerand dans son pa-
thétique discours elle a refait l'unité de 1
la.patrie elle a créé, pour défendre le
sol et conduire les citoyens au combat,
une élite de chefs sans rivale dans les
fastes .militaires des peuples. Elle est
donc en droit de réclamer aujourd'hui
l'union autour d'elle pour continuer de
gérer le pays et pour lui rendre la pros-
périté de ses plus beaux instants.
M. Millerand a tracé un large et sai-
sissant tableau de ce demi-siècle de
notre histoire il en a montré le fécond
tumulte et les semences qui y étaient
déposées. Il appartient aux jeunes géné-
rations de les aider à lever de terre par
-le travail commun. La journée d'hier
.mehts qui poussaient la foule, des pro.
messes de concorde qui seront tenues.
Mais il faut que la république se rap-
pelle qu'elle a maintenant la charge de
la. France totale, de sa tradition et de
sa gloire, autant que de ses intérêts maté-
riels car c'est la France qui est une et
indivisible, et non la république seule-
ment.
Alfred Capus
de l'Académie française
Celui qu'on a connu
Il était là, par privilège.
'Il marchait lentement, au pas,
Accompagnant, dans le cortège,
Celui que l'on ne connaît pas.
On l'a connu, lui. Notre histoire
Evoque des coquelicots
'Germés dans des champs de victoire,
Héroïques et rococos.
Rococos? La vieille garance
Paraît toujours jeune à nos coeurs.
C'est toujours le soldat de France,
Le vainqueur parmi les vainqueurs.
Le VJilà, le vieil uniforme,
Toujours, coquet, toujours plaisant.
Et; symbolique, il nous informe
Que le Passé reste présent.
Afrique, Italie et Crimée,
Oh! tous ces grands noms émouvants!
Voici passer l'ancienne armée,
Avéc ses ^souvenirs vivants.
Et les gens, devenus très graves,
S'inclinent tous, en même temps,
Devant ces brisquards, ces vieux braves.
'Qui sont des poilus de vingt ans.
Lui-même, l'homme à l'églantine,
Le rouge d'aujourd'hui, si fier,
Très humblement soudain s'incline
Devant les rouges. ceux d'hier.
Adrien Vély
f
t
L'amour et la vénération de tout un
peuple ont suivi hier, au long des voies
triomphales, du Panthéon à l'Arc de
1 l'Etoile, le cœur de Gambetta, premier
artisan de la république, et la dépouille
du. Soldat' inconnu,* vainqueur de la
grnade guerre, libérateur du sol sacré,
chair souffrante de la race, âme'héroï-
que de la France immortelle.
Entre ces deux gloires le .verbe écla-
tant et vengeur, et l'humble offrande
d'un sang pur pour le salut de la patrie,
le partage ne pouvait être qu'inégal. La
mémoire du grand tribun fut saluée avec
il respect. Mais tout l'élan du cour de la
multitude, son enthousiasme, sa piété, sa
douleur fière allèrent au guerrier ano-
nyme, pleuré par les mères et les épou-
ses, les filles et les sœurs en deuil- de
S nos quinze cent mille morts.
AU LION DE BELFORT
Le Lion de Belfort s'éveille sous une
i aube grise et comme endeuillée. Les
troupes se rassemblent sur la place dé-
serte. Un officier et six jeunes soldats'
dente, où brûlent des lampes mortuai-
res. L'officier transporte sur le char le
coffret renfermant le cœur de Gambetta,
tandis que les hommes placent sur l'af-
fût du canon, sous un dai aux trois cou-
leurs, la dépouille du soldat inconnu.
.Dans la rue Denfert-Rochereau se sont
massés les drapeaux de la grande guerre
et ceux de 1870 lacérés, noircis, trans-
formés en loques épiques ou battant de
leurs ors neufs et de leurs soies éclatan-
tes, sommées de la lance laurée de la
république ou, de l'aigle impériale, ils
représentent la France de toujours, et
devant eux s'inclinent les épées et se
dressent les baïonnettes.
Des commandements brefs se trans-
mettent au long des avenues convergen-
tes. Le cortège s'organise avec précision.
La foule acclame le peloton des territo-
riaux, en pantalon rouge, capote bléu
sombre et képi rouge de 1914. L'uni-
1 forme qui fut tant de fois à la peine mé-
Titait d'être à .l'honneur.. Le maréchal
Joffre l'a compris, qui est resté fidèle
la tenue des vainqueurs de la première
Marne.
A neuf heures, le convoi glorieux s'é-
branle. Entre deux haies de foule, silen-
cieuse et recueillie, il descend l'avenue
de l'Observatoire et le boulevard Saint-
Michel. Le belliqueux refrain de Sana.-
bre et Meuse rythme le pas allègre des
troupes. La garde républicaine ouvre la
marche, suivie d'une délégation d'Alsa-
ciens-Lorrains, du gouverneur militaire
de Paris, des généraux commandant le
département et la place.
Le gouvernement est représenté par
MM. Steeg, Maginot, Honnorat, Landry
et Lefèvre le conseil municipal par
MM. Fernand Laurent, Emile Faure, La-
tour et Delsol.
ha cérémonie du Panthéon
A neuf heures et demie, le cortège
débouche dans la rue Soufflot, dont les
torchères accouplées tordent leur vapeur
funèbre dans la brume, oui estompe -la
silhouette latine de la basilique.
Les quatre nefs cruciales du Pan-
théon sont trop étroites pour contenir la
foule des invités. Sur le fond sombre
des habits et des pardessus de l'assis-
tance, tranchent les couleurs vives des
uniformes et des simarres. Voici les ma-
gistrats, en robe pourpre et oamail
d'hermine; les avocats, en robe noire
et rabat blanc les professeurs de facul-
tés, en robes jaunes et violettes les
ambassadeurs et ministres plénipoten-
tiaires, en costume de gala les séna-
teurs et députés, ceints de l'écharpe tri-
colore les généraux, le maréchal Joffre:
et le maréchal Foch, qui n'en finissent
pas de serrer des mains.
Une lumière blême tombe des verriè-
res et précise les moindres détails de la
noble ot sévère architecture. Des cou-
rants d'air violents font vaciller les
flammes bleues des lampes funéraires,
autour des drapeaux du cénotaphe.
Les lourdes portes de bronze roulent
sur leurs gonds. M. Millerand, entouré
de sa maison civile et militaire, vient
au-devant du cortège, sous le péristyle,
dégagé par l'enlèvement du Penseur de
Rodin.
Des fanfares' déchirent, l'air. Un pâle
rayon de soleil troue la brume, si bien
que les étendards glorieux et le cercueil
du Héros s'avancent dans un poudroie-
ment d'argent et d'or.
Et puis, un émouvant silence. Le cœur
de Gambetta la dépouille du Soldat
inconnu font leur entrée dans le Pan-
théon et dans la gloire,.
Saint-Saëns retentissent sous les voûtes,
tandis que la relique du tribun et le
corps du guerrier sans nom sont placés
sur le catafalque. Les chœurs chantent
l'Hymne à la Hrancé immortelle de M.
Henri Rabaud, sur les vers de Victor
Hugo N
Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie.
M. Millerand prend place dans une
petite tribune érigée à l'un des angles
de la coupole centrale. Très ému, il soin-
ble dilater sa forte poitrine, barrée du
ruban rouge, et sa voix frémissante s'é-
lève, avec une intonation presque reli-
gieuse.
Toute l'assistance est debout. Un seul
ooeur bat dans cette foule si diverse, que
dominent le verbe énenderue et le geste
bref de l'orateur.
Mais l'acoustique du Panthéon est dé-
testable La résonnance de l'édifice fait
se chevaucher les mots et se bousculer
les périodes harmonieuses. Par lam-
beaux, des phrases d'une superbe envo-
lée suscitent une émotion profonde.
C'est avec des larmes dans les yeux
qu'on entend le président de la républi-
que dire au Soldat inconnu « Dormez
en paix Vous avez rempli votre destin.
La France et la civilisation sont sau-
vées » I
Il semble que les mâles accents de la
Marseillaise condensent soudain tout
l'enthousiasme de la foule, que la sain-
teté du lieu force à se contenir.
A l'hymne national succède un chant
à la gloire de la France. La cérémonie
patriotique est terminée. Les membres
du gouvernement et les maréchaux do
France vont escorter jusqu'à 1'Arc de
Triomphe le .coeur de -Gambetta et la dé-
pouille du petit soldat anonyme qui in-
carne la France meurtrie et victorieuse.
M DISCOURS DE 1W. JÏIIiItEHJip
Un appel à l'Union sacrée
Les fils de la Révolution sont,
sans effort; les dévots de Jeanne
d'Arc.
A la cérémonie du Panthéon, M. Mil-
lerand a prononcé un magistral discours.
C'est une page d'histoire dans laquelle
le président de la république a évoqué
toutes les gloires françaises et affirmé le
sentiment commun « profond 1
de la patrie » qui anima toujours les
hommes qui furent à la tête des desti-
nées de la république depuis cinquante
ans, en dépit dû leurs erreurs
Cinquante années -sans doute, ne se sont
pas écaillées sans qu'il y ait en des faibles-
ses, sans que des fautes aient été commi-
ses. L'erreur est humaine, et nous sommes
des hommes mais, dans l'erreur même, il
y eut quelque chose qui ne faiblit jamais,
ce fut l'amour de la France.
L'amour profond de la patrie, le désir
passionné de-la rendre, chaque jour plus
grande et plus forte, plus prospère et plus
juste, de lui restituer ses frontières natu-
relles, de la garantir contre de nouveaux
crimes-; le désir passionné de faire qu'en
la douce France la vie soit chaque jour-
plus douce et plus humaine, n'est-ce point
le sentiment qui nous inspira tous tou-
jours ? Peu irnporte que Z&s rnéthodes dif-
fèrent le but est là, unique, qui ne se
laisse pas oublier.
Puis le Président passe en revue
l'œuvre politique des Gambetta, des
Jules Ferry, des Waldeck-tlousseau, Il
célèbre l'héroïsme de l'armée nationale,
qui éclata au jour de la Marne, et du
peuple, qui forma cette armée.
Au lendemain de la victoire de la Marne,
de cette bataille de cinq jours pendant les-
quels le monde empli de crainte avait vzt
ave étonnement, avec admiration, avec
soulagement, une armée qu'on disait dé-
faite et en fuite se retourner soudain et for-
cer à la retraite une armée victorieuse, qui
croyait déjà tenir entre ses mains le triom-
plie définitif, le général Joffre télégraphiait
au gouvernement « La république peut
être fière de Vannée qu'elle a formée. » En-
tendez la république peut él'rn fière du
peuple qu'elle à élevé, car n'était-ce pas le
peuple français tout entier qui était sous
tes armes, qui a lutté, qui a tenu, et qui,
avec' l'aide de ses alliés, a vaincu ?
Il parle encore de la vague de pessi-
misme qui s'abattit un moment sur la
France, mais aussi ,de l'espoir, de la:
confiance qui ne tardèrent pas à renaî-
tre pour la réalisation de l'Idéal entrevu,
non dans une retraite intérieure, mais
dans la vie et dans Le travail.
Et voici son émouvant appel à la coti-
corde et son dernier hommage au soldat
inconnu, sauveur de la civilisation
Parfois, l'idéal change, mais il est tou-
jours l'idéal. Il ne s'agit pas de savoir s'ils
étaient républicains ou non, ces poètes, ces
romanciers, ces dramaturges, ces histo-
riens Une s'agit pas de savoir s'ils étaient
rAvoUUiohnaircs ou réactionnaires, s'ils
VERS LA PLACE DE LA CONCORDE
Au long du boulevard Saint-Michel et
du boulevard Saint-Germain, le cortège
a déroulé sa pompe civile et militaire
plus militaire quo civile, hélas
au milieu du recueillement et des ova.
tions d'un peuple immense.
Le président do la république, tête
nue, suivait le canon, dont l'affût, drapé
des couleurs nationales, 'portait levcer-
çueil du héros inconnu.
J'ai vu les femmes se signer et les, en-
fnnts s'agenouiller au passage. du. soldat
mort pour la France. Dans la foule, pas
une note discordante. Partout la même
piété, Iv même ferveur.
M. Millerand a dû mesurer toute l'é-
tendue de sa popularité, qui est très
grande. Jamais Président ne recueillit sur
son passage acclamations plus frénéti-
ques, et son nom fut associé sur tout ̃!«.
parcours du cortège à l'armée, aux poi-
lus, à la république et il la victoire,
Quel peintre pourrait fixer le carac-
tère tour l tour grandiose et plaisant des
tableaux qui se composaient d'eux-mê-
mes entre le public et les décors classi-
eues entrevtis ?
Les façades des maisons n'avaient pas
assez de balcons et de fenêtres pour la
masse des spectateurs. Les toits fourmil-
laient de silhouettes humaines. Des corps,
en grappes, chargeaient les arbres des
boulevards Saint-Michel et Saint-Ger-
main. Les cordons de troupes n'arrivaient
qu'à grand'peine à contenir la. foule. Les
loueurs d'échelles, de, bancs, -de voitures,
de tables, de chaises ont réalisé d'énor-
mes-recettes. Ça et la s'étaient installés
des marchands de marrons, dont les poê-
les mettaient un parfum chaud dans l'air
frisquet.
Sans doute, il'y eut dans le cortège
quelques regrettables erreurs d'esthéti-
que administrative et quelques fâcheuses
intransigeances de protocole démocrati-
Il est bien permis de' dire sans irré-
vérence pour la mémoire du grand tri-
bun que le char de toile peinte et de
carton doré qni portait le cour de Gam-
betta tranchait de faon désçobligeante
dans l'harmonie sévère et sobre du cor-
tège.
Pour introduire et retirer du reliquaire
mesquin, juché sur le. chax en forme de
sabot, le viscère vénérable, un escalier
portatif était nécessaire. Au seuil du
étaient catholiques ou libre-penseurs. Il
suf fit de cons taler que par leur souci des
questions des questions sociales,
des questions religieuses, ils se dégagèrent
de ce dilettantisme dont le charme dissol-
vant est plus néfaste iL un peuple que la
violence des partis-pris.
Générations des débuts du vingtième siè-
cle, qui furent si âpres dans la bataille,
qui descendirent avec tant de fougue dans
l'arène, dont on déplora les cruels déchire-
ments, on peut se demander aujourd'hui
s'il ne faut pas se féliciter de ces luttes qui
étaient des luttes pour un idéal, si bien que,
dès 1905, quand le danger extérieur appa
rut à tous les yeux, les partis
commencèrent à les uns aux au-
tres pour ne plus' faire qu'un parti fran-
Quel chemin parcouru
Dans la philosophie et dans l'histoire,
dans la critique el dans le roman, au théâ-
tre et dans la poésie même se manifesta
sans cesse ce souci des hautes questions
qui font l'honneur et la grandeur de
l'homme,.
Il est vrai, parmi ces philosophes et
parmi ces historiens, parmi ces critiques
et parmi ces romanciers, parmi ces drama-
turf/es et parmi ces poètes, tous ne célébrè-
rent pas la république mais la république
les célèbre fous, car c'est précisément sa
gloire d'avoir permis Il tous d'affirmer
pensées, qu'ils revêtirent parfois d'un
vêtement magnifique et, si l'on ne peut
prévoir ce que la. postérité jugera de notre
temps, on peut être assuré que, si elle n'en
retenait pas certains noms, elle retiendrait
pourtant le souvenir d'une époqre de re-
cherches libres et passionnées vers la
beauté et vers, la vérité.
L'œuvre n'est pas achevée.
Si la France avait, selon le vœu de Gain-
belta, conservé intact et toujotirs présent
le souvenir des chères provinces perdues,
jamais il n'était venu Il la pensée d'aucun
de ses qu'elle pût assumer
la responsabilité de faire appel à la force
pour tenter de reprendre le bien qui lui
avait été ravi. Lra justice immanente a
voulu que lit guerre d'où devait sortir la
juste, restitution fût déchaînée par les au-
teurs mêmes du crime.
a a interrompu le travail pa,-
cifique des bras et du cerveau. Après plus
de quatre années d'une guerre terrible, ce
travail a été repris. Des devoirs nouveaux
se sont ajoutés Il nos. devoirs.
Nous avons des ruines à restaurer. Nous
avons des réparations à poursuivre. Nous
avons des garanties à maintenir.
Que' le passé nous donne confiancé danse
l'avenir
Soldat inconnu, représentant anonyme
et triomphal de la foule héroïque des poi-
lus Morts, qui dormez votre sommeil glacé
sous le sol des Flqndres, de la; Champagne,
de Verdun, de tant de champs de bataille,
cêlèbresou ignorés jeunes héros accourus
d'au-delà de l'Atlantique, des Iles Britan-
niques, des Dominions lointains, de VItalie,
de la Belgique, de la Serbie, de tous les
points du monde pour offrir votre, vie au
salut de l'Idéal qu'une fois de pLus repré-
sentait la France, dormez en paix
Vous avez rempli votre destin.
La France et la civilisation sont sauvées.
Panthéon, cet escalier de bois teinté de
brou ne laissa point de nuire à la noble
ordonnance dU! décor.
Une réflexion d'enfant, ingénue et fé-
roce, nous fit sourire, au passage du
char, qu'un Michel-Ange ou. un Vinci,
seuls, ..eussent pu sauver du ridicule
1 -1* Maman, dit le bambin, où est la
Combien plus simple, juste et pathéti-
que, lo canon de 150, portant, sous le
i voile tricolore brodé de couronnes de
laurier, le cercueil du héros
La. Chambre des députés, aux colon-
nes ceintes d'éèharpes tricolores, pré-
sentait l'aspect le plus singulier, avec sa
cotir d'honneur, ses escaliers et ses sta-
tues chargés de spectateurs.
La place de la Concorde, où se mas-
saient de nombreuses délégations d'étu-
diants, d'anciens combattants, de vété-
rans de 1870, d'Alsaciens-Lorrains et de
sociétés sportives et patriotiques, éche-'
vêlait, dans la brume légère, l'argent de
ses fontaines jaillissantes. Le cortège la
traceu-a vers onze heures, en défilant
devant les statues de Lille et de Stras-
bourg, littéralement écrasées de fleurs et
de drapeaux.
6a Marche à l'Efoile
Et puis, ce fut, dans une lumière grise.
et rosé, orientée comme une perle rare,
l'ascension glorieuse de l'avenue des
Champs-Elysées.
Certes, l'épique-vision restera gravée
dans toutes les mémoires comme la plus
belle image d'Epinal du monde. Pas un
souffle n'agitait la forêt de soie tricolore
des drapeaux aux cimes dorées. L'air
avait cette sécheresse froide où les ova-
tions éclatent en laissant à chaque voix
sa tonalité distincte. Il semblait que Pa-
ris; sous son crêpe de brume, eût pris le
deuil et estompa de bleu horizon ses no-
bles perspectives en l'honneur de l'armée
française, dont il magnifiait le sublime
sacrifice obscur.
fl est des émotions trop poignantes
pour se traduire en mots décolorés. On
ne décrit point les larmes qui brouillent
fea yeux d'une foule, les gestes spontanés
où se manifeste sa religion patriotique,
les cris où s'exprime sa ferveur naïve et
passionnée. Il n'y eut pas une note dis-
sonnante sur tout le parcours d'un cor-
tège qui eût peu paraître un convoi fu-
nèlïre-et qui fut en réalité une marclie
glorieuse à l'Etoile, dans un décor que
l'initiative officielle ne réussit point à
enlaidir.
Il faudra se souvenir à jamais de deux
spectacles dé beauté sans pareille. Nos
yeux ont vu, autx fêtes de la Victoire,
l'arméé française couler, de l'Arc de
Triomphe, sur la pente des Champs-Ely-
sées, comme un fleuve d'intarissable
azur. Mais plus significative encore fut
la' montée de nos drapeaux dé la vic-
tire, unis aux drapeaux de la défaite,
définitivement reconquis, vers l'arche
idéale, n la suite du canon béant et bra-
que vers le ciel, et qui portait sur son
affût, sous le dai aux couleurs françai-
ses, la dépouille immortalisée du Soldat
de France. e
Ce reflux do la gloire, qui ramène au
triomphe des armées- napoléoniennes le
triomphe des armées 1914-1918, fut le
plus émouvant symbole de la journée
d'hier. Il mérite d'entrer dans l'histoire
et dans la légende nationales.
Peut-être: l'élément civil parut-il de-
vancer de façon trop ostentatoire l'élé-
ment militaire, qu'il s'agissait, en som-
me, de glorifier.
Sur deux ranges sombres, épais, les
membres du gouvernement escortaient,
à dix mètres, le président de la républi-
que les ministres isolaient le chef de
l'Etat des maréchaux de la victoire le
maréchal Foch ayant à sa droite le ma-
réchal Joffre, en tunique noire et panta-
Ion rouge, et à sa gauche le maréchal Pé-
tain, en simples leggins de champagne,
sernblait perdu dans la masse des hom-
mes politiques
Ainsi s'avérait la dualité contradictoire
de cette fête, à la fois militaire et répu-
blicaine, heureusement française pair
dessus tout.
Le peuple de Paris eut le bon goût, le
tact infini de ne poin se scandaliser de
ne pas voir les chefs bien-aimés de l'ar-
mée française, soit à cheval, à la tête des
étendards qu'ils conduisirent à la vic-
toire, soit à pied, à côté du président de
la république, derrière le cercueil dit
soldat inconnu.
Les trois maréchaux, très démocrati-
quement, causaient entre eux,, avec cette
familiarité qui leur est coutumière Pé-
tain grave, Foch méditatif, Joffre sou.
riant et bonhomme. Et vers eux, inlas-
sables, déferlaient les vivats de la foule.
A L'ARC DE TRIOMPHE
Mgr Roland-Gosselin vient rendre
hommage au soldat inconnu
Là-haut, comme terminant l'admira-
ble Voie triomphale des Champs-Ely-
sées, l'Arc de Triomphe, l'arche haute
ouverte se découpe dans la grisaille du
ciel. La foule noire est^ maintenue au
loin par des barrières do capotes bleu
horizon. Sous le monument sont ambn-
celées de nombreuses couronnes celle
du gouvernement au Soldat français;
celle tiu gouvernement anglais celle du
roi d'Angleterre celle dles officiers de
l'armée anglaise.
La place, de l'Etoile a été complète-
ment balayée elle paraît encore plus
grande dans sa majesté.
Mgr RolandhGo'sselin, vicaire capitu-
laire de Paris, que le' gouvernement a
officiellement invité, arrive onze heu-
res. Mgr Roland-Gosselin est accompa-
gné de M. le chanoine Couget. Comme
l'anonymat du Soldat francais empoche
de savoir quelle est sa religion, il n'est
pas possible dlo prononcer les prières
des morts du culte catholique.
'Soudain, droite et à gauche de l'ar-
che triomphale, so dénouent, ainsi que
des écharpes grises, toutes frissonnan-
tes d'ailes, des vols successifs de pi-
geons, qui tourbillonnent autour du mo-
nument..
'On dirait des prières libérées, qui se
cherchent, se groupent, ot, dans un
essor unanime, foncent vers le ciel, aux
quatre coins de l'horizon.
Dans le silence impressionnant, le
premier coup de canon retentit. On per-
çoit les musiques militaires, et bientôt
le cortège est visible. Il monte lente-,
ment la Voie triomphale les drapeaux,»
.que le vent-fait claquer fièrement, vont
S'ï ranger à gauche et à droite de l'Arc
de Triomphe, sous les voûtes latérales.
Le, cercueil du soldat inconnu est placé
à gauche, et le char du cœur de Gam-
betta à droit.
La foule est vivement impressionnée
toutes les têtes se découvrent; les fem-
mes s'inclinent respectueusement.
Le cortège so masse-peu à peu, tandis
que les troupes entourent la place de
leurs masses profondes. Derrière M. Mil-
le rand sa tiennent les ministres, les pré-
sidents des deux Chambres, ainsi que
les bureaux des deux assemblées, le oi-é-
fet de Ia Seine et le préfet de police, les
amis et la famille de Gambetta.
'« Garde à vous » Lorsque ce com-
mandement retentit, un long frissonne-
ment parcourt l'immense foule des as-'
sistants. La sonnerie « Aux champs »
éclate, vibrante, roulée par les tambours,
sonnée par les:clairons, reprise par les
trempettes. Et toutes les troupes se
tiennent au port d'armes pour rendre
les honneurs. La Marseillaise éclate
soudain. Et c'est une minute empoi-
gnante, qui étreint tous les cours, qui
mouille tous les yeux 1
M. Millerand salue une dernière fois
le héros anonyme. C'est fini. Les per-
sonnages officiels se retirent. Les trou-
pes regagnênt'leurs casernements et la
place de l'Etoile est rendue à la foule
celle-ci, canalisée par un service d'or-
dre, défile pieusement devant le cer-,
cueil du héros inconnu, devant l'urne'
qui renferme le cœur de Gambetta.
Et, à la tombée de la nuit, l'urne était
transportée au Panthéon, tandis que le
cercueil du Poilu, qui symbolise l'hé-
roïque armée française, était déposé
provisoirement dans une salle du pre-
mier étage de: l'Arc de Triomphe, trans-
formée en chapelle ardente.
A u long du cortège
Choses Vues
C'est dans les manifestations- sponta-
nées de l'âme populaire ciu'il faut re-
chercher la signification vraie des céré-
monies patriotiques, dépouillées de ces
que peuvent avoir de factice les pro-
grammes officiels.
.Le peuple de Paris, qui a témoigné
une déférence cordiale à la relique de
Gambetta, a compris que-le héros des fê-
tes commémoratives de la victoire était
le soldat innombrable, vivant ou mort,
immortel.
La foule, en ses élans d'amour et de
respect, n'a point séparé les chef s ullus-
tres du l'armée française des hommes.
qu'ils conduisirent a la bataille. Le gé-
néral Mangin, le général Gouraud, le
général Fayolle, reconnus dans le cor-
tège, bien que perdus dans les groupes
de parlementaires, furent chaleureusei-
ment acclamés.
Entre vingt scènes touchantes repro-
duites sur tout le parcours du glorieux
convoi, mentionnons le geste émouvant
des petits écoliers massés devant la rue
Balzac et qui s'agenouillèrent, firent lee
signe de la croix et l'oignirent leurs,
mains pures au passage du Soldat in-<
connu.
Nous avons vu, il 'la fenêtre d'un hû-
tel des Champs-Elysées, Mrs Asquith,.
épouse du grand homme d'Eta,t britan-
nique, s'émouvoir devant le cercueil du
guerrier français et lui jeter des fleurs.
Nous avons vu des mutilés, salués
avec respect par les maréchaux de
France, quitter leur place, en bordure
de la voie triomphale, et venir serrer,
avec effusion les mains de Mlle de Bay^i
et de Mme Guérin de Bellier, chevaliers
de la Légion d'honneur, croix de guerre,
plusieurs fois blessées et citées à l!ordre
de l'armée, qui défilaient à la tête-duf'
groupe des infirmières.
Le public s'est demandé pourquoi un
affût de canon de 155 a servi au -trans-
port de l'humble dépouille du Soldat
inconnu, en qui l'armée française^ était
immortalisée. On s'est étonné' que l'au-
torité militaire n'ait pas choisi, deipré-
férence, un canon de 75, si populaire, ou
un char d'assaut, déjà entré dans la
légende.
L'explication qui paraît la plus. plau-
sible est que le calibre de, 155 modèle
Rimailho 1914 de la Marne, au modèles
1 et 18, qui l'ont suivi caracté-
rise le seul canon lourd qui, du premier
au'dernier jour des hostilités, ait figuré
à toutes les heures glorieuses de lâ,
grande guerre..
A Notre-Dame
Un salut solennel Une allocution
de Mgr Roland-Gosselin
A quatre heures et demie, a été célé-
bré le salut solennel prescrit par Mgr
Roland-Gosselin pour les fêtes du 1L no-
vembra..
A l'extérieur de la cathédrale, des fais-
ceaux de drapeaux tricolores et des na-
tions alliées.
A l'intérieur, dans le direur et dans
'le transept, même décoration. Une
considérable remplissait les cinq neufs
de la basilique. Au premier rany, on re-
marquait le général Lasson, représen.
tant le président de la république Mime
Millerand M. Reibël, représentant M.
Leygues plusieurs ministres, MM.
Isaac, Flandin, Le Trocquer, Bignon,
Robert David le maréchal Foch, le gé-.
néral Pau, les généraux Maistre, Debe-
ney, Laignelot, Bailloud un représen-
tant du maréchal Pétain et du maréchal
Joffra. Les ambassadeurs d'Angleterre,
des Etats-Unis, d'Italie, d'Espagne, de''
Belgique, de Suisse, entourés du per-
sonnel des ambassades, étaient présent?-.
On remarquait également des dépu-
tés MM. de Leusse, l'abbé Wetterlé,
Erlich, Leboucq, Pathé, Binder, Chas-
saigne-Goyon, Duval-Arnould, Rollin,"
de Gailhard-Bancel des sénateurs, des
membres de -l'Institut, du conseil muni-
cipal parmi ces derniers MM. Am-
broise Rendu, de Castellane, Faure, Fer-
nand .Laurent, d'Andigné, Guillaumin,
de Fontenay, Missoffe, Lefébure, de
Puymaigre, César Caire, de Clercq des
membres de la cour de cassation, de la
cour d'appel, etc..
Dès que Mgr Roland-Gosselin a pris
place à gauche du chœur, mitre en tête
et crosse en main, Io salut commence.
Successivement on chante' le Magnificat,
le Te Deum, lo Domine salvam lac rem-
Après la bénédiction, Mgr Roland-Gos-
selin s'avance à l'ambon de gauche du
chœur et prononce une allocution
Messieurs, dit-il, le gouvernement fran-
çais a eit une heureuse pensée dp clair-
voyaacc et de sagesse en reportant au 11
novembre, à l'anniversaire dé l'armistire,
la fête du Cinquantenaire de la république.
Il a pu ainsi convier tous les Franfai.s Il..1
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