Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1915-05-17
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 mai 1915 17 mai 1915
Description : 1915/05/17 (Numéro 13729). 1915/05/17 (Numéro 13729).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/04/2008
S0-e année.- 3e série.- N° 13729
PARIS ET DÉPARTEMENTS 10 CENTIMES
LUNDI 17 MAI 1915
'ARTHUR -MEYER •
Directeur
RÉDACTION
DE QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIN
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens)
ABONNEMENTS
Paris et départements
Un mois 3fr. 50 Six mois 18 fr.
Trois mois. 9 fr. Un an 36 fr.
Etranger
Trois mois (Union postale) 18 fr.
TÉLÉPHONE. Trdislignes: 102.37 209.00– 312.21
ARTHUR MEY ER
.<, Directeur
Administration
ABONNEMENTS, PETITES ANNONCES»
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et das Italiens)
ANNONCES
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DES ANNONCES
8, PLACE DE LA BOURSE, 8
Et l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rendus
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE GAULOIS, PARIS
Lire à la troisième page
BÊPÊGHES DE LA DERNIÈRE HEUiT
Le Pape
'Jamais on ne prononça, autant son nom. Ce
ne sont pas seulement ceux qui se glorifient
d'appartenir à la société spirituelle dont il est
le chef infaillible qui se tournent vers lui
mais les chrétiens séparés de l'Eglise catholi-
que et les incroyants et les hostiles s'inquiètent
de ce qu'il pense, de ce qu'il dit. C'est que,
selon la parole de Pascal « Quel autre est
connu de tous, quel autre est reconnu de tous,
ayant le pouvoir d'influer sur tout le corps,
parce qu'il tient la maîtresse branche qui in-
flue partout ? »
II n'a cependant ni armée ni soldats. Et cette
Importance qu'il prend au milieu d'une tour-
a mente sans précédent dans l'histoire de l'hu-
manité est la protestation universelle contre le
principe sauvage de l'Allemagne La force
prime le droit Le Pape, c'est le droit s-ins
a force du moins sans la force matérielle qui
ruine et dévaste, mais àvec la force morale qui
subjugue et protège.
Que pense le Pape des horreurs dont le
monde est le témoin. épouvanté ? Vers qui vont
ses sympathies ? Ces questions se renouvellent
et se répètent. Il me semble cependant que les
actes de Benoît XV y ont déjà répondu.
Oui, en planant au-dessus de toutes les na-
tions, il a déjà posé avec énergie et clarté des
principes qui, à eux seuls, sont la condamna-
tion décisive de nos ennemis. Il a dit
(c Pour être supportable, la guerre doit être
juste et nécessaire jamais le belligérant ne
combattants
» Il doit surtout respecter les femmes, les en-
fants, les vieillards
» Il ne doit pas s'attaquer aux monuments
vénérables qui, détenus par certains peuples,
appartiennent en réalité à l'humanité. »
En lisant cette doctrine de Benoit XV qui
ne se reporte invinciblement
.Vers la déclaration injuste de la guerre par
l'Autriche et l'Allemagne ?
Vers les hommes fusillés, les femmes violen-
tées, les enfants mutilés, les villes incendiées
et pillées sur l'ordre de chefs des armées aus.
tro-allemandes ?
Vers Louvain et Malines, Soissons et Reims ?
Mais mon patriotiste veut aller plus loin et
SI aime à trouver dans les actes personnels de
Renoit XV la preuve que tout en gardant une
neutralité que son titre de chef de l'Eglise uni-
Fverselle lui impose, toutes ses bienveillances,
toutes ses sympathies vont vers nous. Certes,
\j'aurai soin ni d'interroger ceux qui ont eu
1. honneur d'être reçus par lui, ni d'interpréter
les paroles qu'il a prononcées qu'il me suf-
îflse d'invoquer dans le passé et dans le présent
iae.Ja vie du Pape actuel des faits précis qui en
disent long.
Mgr della Chiesa, le futur Benoit XV, a été
televé à l'école du cardinal Rampolla. Les sen-
timents de celui-ci pour notre pays étaient no-
toires. Il le voulait glorieux et prospère il ai-
mait à dire que des nations privilégiées ont une
mission dans le monde que celle de la France
était aussi visible que le soleil. Ne sait-on pas
que lorsqu'il s'agit de nommer un successeur
à Léon XIII les cardinaux français furent in-
vités discrètement par le gouvernement à vo-
ter pour le cardinal Rampolla ? Et celui-ci ne
fut écarté de la charge suprême que par le
-veto, pour la dernière fois subi, prononcé par
notre ennemie l'Autriche, associée à l'Allema-
1 Ce fut dans ce milieu de particulière bien-
veillance pour la France et sous la direction
d'un tel maître que grandit et se forma Mgr
délia Chiesa, et il est permis de dire que ce fut
peut-être parce que le successeur du cardinal
(Rampolla ne partageait pas les sentiments de
son prédécesseur à notre égard que le futur Be-
noit XV se trouva éloigné de Rome et nommé à
l'archevêché de Bologne, que lui méritaient ses
,vertus et les services déjà rendus par lui à
Voilà pour le passé.
( Voici le présent A peine monté sur le siège
'de saint Pierre, Benoît XV a rétabli l'ancienne
tradition de sympathie pour la France. Il y eut
même un certain mérite. Depuis des années,
l'Autriche, la Prusse, la Bavière avaient à Rome
des ambassadeurs ne négligeant rien, absolu-
ment rien, pour y gagner des sympathies, éten-
dre leur influence et la France restait muette.
Pie X avait accepté comme secrétaire d'Etat
le cardinal Merry del Val, que des circonstan-
ces exceptionnelles avaient mis en relief Be-
noît XV choisit entre tous le cardinal Ferrata.
Le cardinal Ferrata, ancien nonce à Paris, se
glorifiait d'être, lui aussi, un grand ami Ide la
France et il apparut à tous que ce choix indi-
quait les préférences du Pontife nouveau. Mais
le cardinal Ferrata ne fit que passer il mou-
rut peu de temps après sa nomination. Par qui
Benoît XV allait-il le remlpacer ? Son choix se
porta sans hésitation sur le cardinal Gasparri,
presque un Français, puisqu'il a été pendant
dix-neuf ans professeur à l'Institut catholique
de Paris. C'est là que le nouveau secrétaire
d'Etat se fit comme une mentalité française.
C'est là, en tout cas, qu'il comprit la valeur de
J'âme de la France, et à tel point qu'il n'hésita
pas à s'en montrer, dans des circonstances gra-
ves et douloureuses, le défenseur ardent et
convaincu.
N'apparaît-il pas, dès lors, que dans ses lon-
gues méditations Benoît XV n'oublie rien des
leçons et des conseils de son premier maître
Rampolla, non plus que dans ses conférences
avec son conseiller de tous les jours, le cardinal
Gasparri ?
Toutes les occasions sont saisies par lui pour
témoigner de sa bienveillance particulière
pour notre pays. Il a créé au Vatican un orga-
nisme qui renseigne les parents français sur le
sort de leurs enfants prisonniers en Allema-
gne et, détails intéressants, c'est à un grand'
jpeintre français, M. Besnard, directeur de
motre Ecole de Rome, qu'il a commandé son
portrait c'est un grand sculpteur français,
M. Rodin, qui fait son buste. L'un et l'autre
sont aussi ses familiers.
Tout cela est tellement significatif que le
'journal le Matin en a rendu un solennel témoi-
gnage. Son correspondant et envoyé a eu
l'honneur d'être reçu par Benoit XV et voici
«en quels termes il résume ses impressions dans
,le numéro du 26 avril « La prudence des
expressions ne se détend vraiment que lorsqu'il
s'agit d'exprimer des sympathies pour la
France. La porte de bronze est largement ou-
verte à tous ceux qui viendront de la France. »
Enfin, hier, le Pape n'hésitait pas à donner
de cette sympathie pour notre pays un nou-
veau et personnel témoignage, en faisant écrire
au cardinal-archevêque de Paris « que la sol-
licitude du Père commun des fidèles se tourne
ide préférence vers ceux de ses fils qui témoi-
gnent plus vivement leur respect et leur affec-
tion à son égard, et que parmi eux méritent
tune mention particulière ses fils de France, les
enfants de cette nation qui, à juste titre, a été
appelée la Fille aînée de l'Eglise », et en adres-
1 sanl au Uomîtê national, une somme de SO.OOO
francs.
"Voilà ce dont il faut bie.n se pénétrer oui,
il se trouve là-bas, au Vatican, un grand ami
de la France, dont le concours nous est assuré
et nous sera grandement utile dans un avenir
que je veux prochain.
Tous les bons Français ne peuvent que s'en
réjouir.
Ii. Zénouvrler
sénateur
La Semaine
militaire
Elle sera celle'de la victoire d'Arras. Car c'est
bien une victoire que viennent de remporter
nos vaillantes troupes en bousculant si bril-
lamment la ligne allemande, depuis les abords
de Loos jusqu'à la transversale Mont-Saint-
Moi-Neuville-Saint-Vaast. Je ne reviendrai
pas sur les détails de cette affaire, que tout le
monde maintenant connaît, et qui ont rempli
nos âmes d'une sainte allégresse. Mais je vou-
drais montrer' combien, dans sa préparation et
son exécution, l'opération a été remarquable et
par quoi elle mérite notre attention admirative,
après les longues attentes de ce pénible hiver.
Et d'abord, quelles ont été les causes de son
succès Le communiqué les résume en quel-
ques mots que voici « Une parfaite liaison
des armes, une préparation d'artillerie supé-
rieurement efficace, enfin et surtout un élan
incomparable de l'infanterie. »
Ce sont là, en effet, les trois conditions es-
sentielles de toute victoire. Quand on arrive à
les réaliser pleinement, on est sûr de prendre
finalement l'ennemi à la gorge et de le terras-
ser.
Qu'on suive pas à pas nos attaques à travers
cette plaine ravinée par des tranchées enche-
vêtrées et toute hérissée de défenses, dont le
tracé, formé alternativement d'angles saillants
et rentrants, dessinait comme un réseau d'obs-
tacles aux mailles infiniment compliquées on
verra alors avec quelle adresse fut d'abord con-
duit le bombardement préparatoire qui, négli-
geant les points secondaires, s'obstinait surtout
contre les arêtes de flanquement. Et l'on jugera
également qu'il était particulièrement heureux
le dispositif d'ensemble qui, pour faire tomber
l'importante position de Notre-Dame-de-Lo-
rette, la menaça tout à coup sur ses deux
flancs à la fois.
Voilà pour le commandement. Quant la
troupe, elle a déployé pendant cinq journées de
lutte une vigueur, un entrain, un courage, un
mépris de la mort qui la mettent au niveau de
nos vieilles légions d'autrefois. On pourrait
presque lui reprocher un peu trop de fougue et
d'ardeur.
Vous avez lu, je suppose, le récit de la prise
des ouvrages blancs. Vous avez vu nos soldats
enjambant les tranchées, lardant à la baïonnet-
te tout ce qui se montrait, et murant les Alle-
mands dans leurs tanières, avant de pousser
plus loin. Ils avaient, dans leur élan, dépas-
sI?. les ouvrages sans même se donner la pei-
né de les conquérir, et, derrière eux, l'ennemi
déconcerté, ahuri, se rendait en implorant mer.
ci.
Je ne sais si l'on trouverait dans le Bulletin
de la Grande Armée quelque chose de plus
émouvant que ce récit épique. Territoriaux fris-
sonnants, aguerris par huit mois de tranchée,
zouaves, fantassins, chasseurs, jeunes gens de
la dernière classe qui faisaient là leurs premiè-
res armes, tous se sont, d'un coup, haussés à la
hauteur des grognards Leurs officiers leur ont
donné le plus magnifique exemple. Ce fut un
concours d'héroïsme où chacun voulut disputer
le premier rang.
Saluons tous ces braves. Adressons- leur le
tribut de notre admiration et de notre recon-
naissance. Ils ont ressuscité nos vieilles gloires
françaises, cachées dans les plis du drapeau. Ils
ont gonflé nos cœurs d'espérance. Avec des
chefs de cette trempe et des soldats de cette
frappe, la France immortelle peut être tran-
quille. Les destinées s'accompliront.
Et maintenant, où en sont nos alliés russes ?
Ah I je dois avouer qu'ils traversent en ce mo-
ment une crise assez rude, qui dure depuis
quinze jours déjà. Mais elle n'est pas la pre-
mière, et de même qu'ils ont triomphé de tou-
tes les autres, ils sortiront sans doute encore
sans trop de dommage de celle-là.
Un peu trop préoccupés, peut-être, des mena-
ces très ostensibles qui s'accusaient sur leurs
deux ailes extrêmes la Courlande et la Buko-
vine, ils n'ont pas fait suffisamment attention
que, devant leur centre, un formidable orage
était près d'éclater. Une armée allemande,
nombreuse et très richement dotée de gros ca-
nons, -venait de se rassembler tout à coup à
l'est de Cracovie, sous le commandement du
general-oberst von Mackensen, et, dès le i"
mai, elle commençait à écraser de projectiles
nos alliés, qui ne s'attendaient guère à cette
avalanche de fer.
Attaqués de front par cette armée et de flanc
par les Autrichiens de l'archiduc Ferdinand,
postés devant la Dunajec, les Russes se voyaient
obligés de reculer successivement sur la Wislo-
ka, affluent de la Vistule, sur la Wislok, af-
fluent du San, et enfin sur le San lui-même,
abandonnant, après une belle défense, Gorlice
et Tarnow. Leurs positions, si chèrement ac-
quises, des cols de Dukla et de Lupkow, celles
plus avancées encore de Bartfeld et de Niezo-
Liborey étaient tournées. Seules leur restaient
celles qui dominent le col d'Usjok, encore aux
mains des Austro-Allemands.
Il fallut tout quitter. Mais on le fit avec or-
dre et méthode. L'armée russe des Carpathes
opéra un changement de front oblique sur
l'aile gauche, et, par la droite, rejoignit celle
qui reculait vers le San. Il y eut bien quelques
moments difficiles, pendant lesquels des divi-
sions entières pensèrent être complètement en-
veloppées. Mais, finalement, la manœuvre
s'exécuta sans trop d'encombre, et maintenant
nos alliés occupent une ligne brisée qui, em-
pruntant le cours du San, vient, presque à an-
gle droit, se relier aux Carpathes, dans les
abords du col d'Uszjok.
Le recul est important, sans doute, et regret-
table, parc*qu'il a défait en quelques jours
l'œuvre accomplie, au prix de grands efforts
et de lourds sacrifices, au cours de ce pénible
hiver, La griffe qui s'abattait sur la Hongrie
a dû se largement desserrer, et nos alliés doi-
vent maintenant songer à couvrir Przemysl,
que les Allemands du moins ils le disent
menacent par Jaroslaw.
Mais le fond du caractère moscovite est la
ténacité et la fermeté dans les épreuves. Tan-
dis que ses armées abandonnaient par force la
Galicie orientale, le grand-duc Nicolas profi-
tait de ce que les Autrichiens de Bukovine
étaient livrés à eux-mêmes par le départ, vers
le nord, des éléments allemands qui les
avaient renforcés jusque-là. Il fonçait sur eux,
les refoulait du Dniester sur le Pruth, et fai-
sait charger par ses cosaques leur troupe dé-
sorganisée. Dans le moment où nous sommes,
quand certaines interventions annoncées peu-
vent n'être plus qu'une question d'heures, cette
poussée vers la frontière roumaine constitue
une manœuvre non seulement militaire, mais
par quelque côté diplomatique, et qui pour-
rait fort bien agir par cïïoc en retour sur le
champ de bataillé du San.
d'est cette opiniâtreté dans l'action qu'il faut
avant tout admirer chez les Russes. On dirait
que chaque revers les anime et les galvanise,
que chaque péril nouveau retrempe le ressort
de leur activité, et aiguise une volonté
qui demeure inflexible. Repoussés d'un côté,
ils foncent de l'autre, comme pour narguer
l'adversaire qui un moment a réussi à pren-
dre le dessus. Leur front immense et toujours
mobile présente des parties inertes, d'autres
qui se dérobent, d'autres qui s'ébranlent et
poussent de l'avant.
Il faudra attendre quelque temps encore
avant de pouvoir établir la balance entre ces
mouvements contrariés en apparence, mais tous
commandés par ce principe formel de la
guerre entraver l'ennemi en usant de tous les
moyens, directs ou indirects.
Lieutenant-colonel Rousset
1 ♦
Les résultats de la crise ministérielle
et des intrigues du prince de BUlow
Un de nos amis a reçu la dépêcfie suivante,
qu'il a bien voulu nous communiquer
Rome, 16 mai, 11 heures.
Iln détachement autrichien a franchi la fron-
tière du Trentin et a été, aussitôt écrasé Tar les
trouves italiennes.,
Aléa jacta est comme l'a Hit le poète (l'An-
nunzio si cette dépêche est confirmée, le sort
en est jeté si elle n'était pas officiellement dé-
clarée hier, la guerre éclatera certainement au-
jourd'hui, comme une mine dont la mèche,
allongée plusieurs fois, finit par mettre le feu
aux poudres.
Ce qui aurait provoqué cette attaque subite,
c'est indubitablement le fait que toutes les intri-
gues du prince de Bülow avaientdéfinitivement
échoué, le roi d'Italie ayant fait savoir, hier,
qu'il refusait la démission du ministère Salan-
dra. Le Roi n'a pas pris cette décision sans con-
naissance de cause, et il savait certainement
que l'Italie était prête, tout entière, armée et
population, unie de coeur et d'âme à son sou-
verain.
Maintenir le ministère Salandra, c'était fran-
chir le Rubicon le pas est fait, et le Roi l'a
fait avec un patriotisme et une hauteur d'esprit
qui seront l'éternel honneur de Victor-Emma-
nuel III.
Avant ou'on ne sût la violation du territoire,
on apprenait à Rome la décision du Roi, et *a
nouvelle, aussitôt propagée, provoquait dans la
ville une explosion d'enthousiasme indicible.
Les drapeaux apparaissaient à toutes les fenê-
tres et la foule parcourait les rues en acclamant
le- Hoi, M-. Salandra et la guerre.
On peut dire que l'Italie s'est ressaisie et
qu'il y a maintenant une Italie italienne, com-
me le disait le Times.
Il faut même reconnaître que cette crise mi-
nistérielle, qu'on pouvait juger si dangereuse
au premier abord, a eu les résultats les plus
heureux. Elle a permis à l'opinion publique de
se manifester clairement, non sans quelque vio-
lence, en faveur de la politique de M. Salandra
contre M. Giolitti, qu'on pouvait croire jus-
que-là soutenu par une notable portion des élec-
tueurs. Il semblait avoir la majorité au Parle-
ment l'avait-il dans le pays ? Là était la ques-
tion, et maintenant il est prouvé que cette
Chambre n'était plus d'accord avec ceux qui
l'avaient élue. Le vent avait tourné et le Parle-
ment ne s'en apercevait pas il continuait ses
discussions et ses combinaisons terre à terre,
alors que l'âme de l'Italie avait pris soa vol
vers.la frontière. La leçon a été rude, car M.
Giolitti et ses amis ont eu besoin de la protec-
tion déjà police contre lef fureurs du peuple.
Il leur faudra ou se rallier au ministère pour
former enfin l'union sacrée », ou compro-
mettre à tout jamais leur carrière politique. Ce
ne sera pas la première fois qu'un Parlement
sera obligé de faire volte-face devant l'opinion
publique, qui voit souvent plus loin et plus
juste que les politiciens.
Le ministère Salandra est maintenant un mi-
nistère national. Il est fait de la force que lui
donnent le Roi et la nation.
Cette crise aura montré aussi que la diplo-
matie du prince de Bûlow, que l'on croyait si
habile, n'a servi qu'à humilier l'Autriche et à
révéler à l'Italie cette sorte de tyrannie que
l'Allemagne exerçait sur elle. Peut-être, ne se
faisant aucune illusion sur les décisions fata-
les qui .devaient intervenir, l'ex-chancelier de
1 Empire n'a-t-il voulu que retarder l'entrée en
jeu de l'Italie, pour donner le temps aux ar-
mées allemandes de refouler les Russes et de
venir ensuite se jeter sur la Lombardie et la
Vénétie. C'était, en tout cas, un calcul aventu-
reux, puisque déjà l'armée russe reprend l'ol-
fensive.
En fait, la politique allemande a infligé à
1 Autriche une dernière humiliation la dénon-
ciation de la Triple-Alliance, le 4 mai dernier,
impliquait, comme réponse, la guerre immé-
diate de la part de l'Autriche le gouverne-
ment italien s'y attendait et voilà qu'au lieu
de prendre les armes, l'Autriche, poussée par
1 Allemagne, faisait de nouvelles concessions et
des concessions inutiles Comment ne pas vo'r
dans cet abaissement la cause d'une révolte de
la dignité nationale en Autriche et d'un nou-
veau grief contre l'alliée impérative, l'Allema-
gne ?
Le second résultat des intrigues du prince de
Bulow a été de montrer clairement aux Ita-
liens le pouvoir occulte et cependant évident
qu'il exerçait chez eux. Il a démasqué l'in-
fluence de l'Allemagne dans les affaires inté-
rieures du pays, en faisant agir un parti con,-
tre l'autre. Rien ne pouvait froisser davantage
le sentiment italien rien ne pouvait l'irriter
plus justement.
Mais en même temps l'Allemagne, par
l'anxiété dont témoignaient ses intrigues â
montré quel prix elle attachait à la neutralité
de l'Italie, quelle crainte elle pouvait avoir de
son intervention. Rien ne pouvait flatter et
exciter plus sûrement l'amour-propre de
l'Italie.
Par là, on peut voir que la lourde diploma-
tie allemande, bottée et épreonnée, n'a pas été
plus adroite en Italie qu'aux Etats-Unis.
Nous sommes heureux, faut-il le dire, de ce
qui se passe en Italie, moins pour nous que
pour l'Italie elle-même, parce que ces déci-
sions grandissent notre sœur latine et lui don-
nent l'élan qui doit la conduire vers ses plus
grandes destinées. Certes, nous sommes respec-
tueux de l'indépendance et de la neutralité de
l'Espagne elle nous permettra du moins d'ex-
primer le regret de son isolement dans cette
union latine si désirable. Quel avenir n'eût pas
été celui d'une Confédération des races la-
tines
Mais il n'est plus temps de penser à ce qui
aurait pu être. Ce qui est suffit, et ce qui
est élève nos cœurs vers le triomphe défiinitif
de la civilisation et de la paix européenne.
Intérim
COMMUNIQUÉS OFFICIELS
Communiqué du 16 mai, 15 heures
En Belgique, l'ennemi a prononcé cette nuit
trois contre-attaques contre Steenstraete et ses
environs.
La troisième, qui s'est produite au lever du
jour, a été particulièrement violente.
Les assaillants ont été repoussés et ont subi
de grosses pertes.
Nous avons pris hier six mitrailleuses et un
lance-bombes.
Au nord de La Bassée, entre Richebourg, La-
voné et Quinquerue, les troupes britanniques
ont enlevé cette nuit plusieurs tranchées alle-
mandes.
Au nord d'Arras, on s'est battu toute la nuit
avec acharnement.
Sur les pentes est et sud de Lorette, un dur
combat à coups de grenades nous a permis
quelques progrès.
A Neuville, l'ennemi a cnerché en vain à nous
reprendre les maisons dont nous nous étions
emparés dans la journée.
Il n'a pas pu reconquérir non plus les tran-
chées que nous lui avions enlevées à l'extérieur
du village.
Sur le reste du front, rien à signaler.
Communiqué du 16 mai, 23 heure
Dans l'après-midi d'aujourd'hui, nous avons
repoussé, à Steenstraete, avec un plein succès,
une quatrième contre-attaque al lemande noua
avons conservé toutes les positions conquises
hier et consolidé notre gain, dont le violent ef-
fort de l'ennemi souligne l'importance.
Plus au sud, les troupes britanniques ont in.
fligé aux Allemands un sérieux échec elles ont
enlevé, au sud-ouest de Richebourg-Lavoué,
un kilomètre de tranchées en même temps,
au nord-est de Festubert, elles se sont emparées
de quinze cents mètres de tranchées. Cette se-
conde attaque a ensuite progressé dans la di-
rection de la Quinque-Rue et, sur un front de
six cents mètres, a gagné quinze cents mètres
en profondeur. Les pertes allemandes sont très
élevées. Le progrès des troupes britanniques
continue.
Dans le secteur au nord d'Arras nous avons
poursuivi les diverses actions destinées à con-
solider notre nouveau front en chassant l'en-
nemi des quelques points où il est resté accro-
ché. Nos troupes font preuve, dans cette lutte
pied à pied, d'une énergie tenace.
Nous avons gagné deux cents mètres sur l'é-
peron qui descend du plateau de Lorette vers 1
la sucrerie de Souchez.
Nous avons enlevé de nouvelles maisons dans
la partie nord de Neuville, fait exploser un bal-
lon captif allemand à l'est de Vimy et fait bom-
barder par nos avions la gare de Somain.
En Champagne, au nord-ouest de Ville-sur-
Tourbe, une action toute locale nous a valu un
très brillant succès.
Dans la nuit de samedi à dimanche, l'ennemi
a fait exploser une mine en arrière de notre
première ligne. Huit compagnies allemandes se
sont aussitôt précipitées sur nos positions et y
ont pris pied dans un saillant nous avons im-
médiatement contre-attaque et reconquis une
partie du terrain perdu en faisant soixante-dix-
sept prisonniers, dont trois officiers. Dans la
journée, nous avons prononcé une seconde con-
tre-attaque. Cette contre-attaque, menée avec
beaucoup d'élan à la baïonnette et à coups de
grenades, nous a rendu la totalité de la posi-
tion.
L'ennemi a subi des pertes énormes consta-
tées par nous avec certitude dans les tran-
chées et sur les parapets, nous avons, en effet,
trouvé plus de mille cadavres allemands nous
avons fait, d'autre part, trois cents prisonniers,
dont neuf officiers, et pris six mitrailleuses
c'est donc la presque totalité de l'effectif d'at-
taque qui est restée entre nos mains ou sur le
terrain.
Le repli russe sur le San. Les Au-
trichiens reculent en Bukovine et
les Allemands en Courlande
On télégraphie de Pétro:rade, en date d'hier,
que, si les Russes se sont repliés un peu plus
à l'ouest du San, ce ne fut pas sous la poussée
de l'ennemi, mais pour organiser une nouvelle
disposition de leurs forces qui aura l'avantage
de comprendre dans sa ligne la place forte de
Przemysl où, depuis deux mois qu'elle est en
leur possession, les Russes, comme on s'en dou-
te, ne sont pas restés inactifs.
Sur le front de Bukovine, nos alliés conti-
nuent à progresser sur un front de plus de 60
kilomètres. Les Russes ont, sur ce point, des
forces considérables qui ne cessent de chasser
devant elles l'armée austro-hongroise en pleine
retraite, sans que celle-ci puisse s'accrocher à
une ligne de défenses naturelles pour essayer
d'arrêter la marche de son adversaire.
Sur le front nord du front oriental, les Alle-
mands ont subi, samedi, un double échec. Au
prix de grosses pertes, l'ennemi a tenté sans
succès de,reprendre, par des attaques noctur-
nes et, au matin, par une colonne d'enveloppe-
ment, la position de Chavli, base de son occu-
pation momentanée de la ligne Libau-Vilna.
Cet échec se doublait par la perte d'une autre
base plus au sud, le village d'Eyragola, centre
des troupes de couverture allemandes dispo-
sées à Rossienne, et le long de la Doubissa, afin
d'assurer éventuellement la retraite.
LA CAVALERIE ALLEMANDE
On sait que presque la totalité de la cavalerie
allemande se trouve sur le front oriental, où
elle est plus utile que dans la guerre de tran-
chées du front occidental. D'après une intéres-
sante dépêche du correspondant particulier du
Temps, les prisonniers faits ces derniers jours
près de Chavli racontent que toute la cavalerie
opérant dans les provinces baltiques est nou-
vellement arrivée du front belge et qu'en gé-
néral l'Allemagne manque de chevaux.
A ce sujet, les milieux militaires rappellent
que lors de l'incursion russe dans la Prusse
orientale, au commencement des hostilités, nos
alliés emmenèrent avec eux tous les chevaux
du pays avant que l'état-major allemand ait
eu le temps d'opérer des réquisitions, et l'on
̃ sait que la Prusse orientale fournit des che-
vaux dans le rapport de douze par kilomèJtje
carré, alors que sur le reste du territoire on ne
trouve que sept chevaux par kilomètre. D'après
les chiffres allemands, la randonnée russe sur
Kœnigsberg priva nos ennemis de soixante
mille chevaux..
LE KAISER FELICITE
SON CHEF D'ETAT-MAJOR
L'empereur Guillaume II a adressé au chef
du grand état-major de l'armée allemande, le
général d'infanterie von Falkenhayn, le télé-
gramme suivant
D'un coup d'oeil prompt et clair, avec une juste
appréciation de la situation, vous aviez rewnnu
le point vulnérable du front russe et vous 'n'avez
fait des propositions qui devaient aboutir d un
grand succès. La 7magnifique vietoire qui vient
d'être remportée me fournit de nouveau l'occasion
de vous exprimer mes remerciements et ceux de
la patrie totet entières pour le travait dévoué que
vous accomplissez silencieusement à mon service
et au service du pays.
Parmi ceux qui ont permis à Varm'ée allemande
'de faire front à un monde d'ennemis et de rem-
porter sur eux de grands succès, vous vous trouvez
au premier rang cornrrae chef de l'état-major géné-
ral de l'armée de campagne. En signe de reconnais-
sance, je vous confère mon ordre de l'Aigle-Noir.
La Guerre
avec la Turquie
Dans les Dardanelles. Une leçon qui profite
L'envoyé spécial du Messager d'Athènes à
Mytilène télégraphie que les troupes austra-
liennes déploient dans les combats un héroïs-
me unique dans l'histoire des guerres moder-
nes. Il ajoute que l'élan des alliés est irrésisti-
ble. S'il faut en croire un prisonnier, les muni-
tions commenceraient à faire défaut aux trou-
pes ottomanes.
Nous avons fait connaître les réponses adres-
sées par les ministres des affaires étrangères
d'Angleterre et de France aux menaces turques
de transporter des Français et des Anglais dans
les villes susceptibles d'être survolées par les
avions des alliés. Il y avait eu commencement
d'exécution à Gallipoli.
On apprend que les Anglais et Français ont
été depuis conduits de Gallipoli à Brousse. Les
gouvernements turcs ont compris la leçon qui
leur était donnée et la responsabilité qui leur
incombait.
Impressions d'un témoin
La Gazelle de Francfort publie le récit d'un
témoin oculaire qui déclare que les combats
qui durent depuis trois semaines aux Dardanel-
les sont sans précédent dans l'histoire.
Depuis seize jours, la flotte anglaise bom-
barde les détroits nuit et jour d'une façon inin-
terrompue. Grâce à l'excellent fonctionnement
des ballons captifs et de puissants réflecteurs
qui éclairent la nuit le terrain, la canonnade
est incessante et impose des sacrifices énormes
aux troupes turques.
La péninsule de Gallipoli est transformée en
un véritable enfer. Les montagnes semblent se
mouvoir et danser. La mer est agitée comme
par la tempête est l'air empli de détonations
ininterrompues. Les navires français et anglais
tirent en moyenne cinquante à soixante mille
coups, presque tous avec des pièces de gras
calibre.
Les Turcs envoient des renforts
Il est maintenant certain que les pertes des
Turcs pendant les dernières opérations contre
les Dardanelles sont effroyables. On évalue à
20,000 environ le nombre des tués seulement.
Les hôpitaux de Constantinople sont bondés
de blessés. La plupart des grandes maisons pri-
vées ont été réquisitionnées et transformées en
hôpitaux.
Enver pacha épuise tous les moyens possi-
bles en vue de parvenir à constituer des nou-
velles troupes pour renforcer les unités opé-
rant dans la presqu'île de Gallipoli. Une grande
partie de la garnison de Constantinople v"ent
d'être envoyée aux Dardanelles, à bord de
transports. La garnison d'Andrinople a été
transférée en grande partie à Kechan, où elle
se fortifie pour s'opposer à une avance des al-
liés dans la Thrace du sud.
Contre les colonies allemandes
Les opérations contre le Sud-Ouest africain
allemand. Les résultats de l'expédition
Nous avons annoncé, il y a quelques jours,
la prise, par les troupes du général Botha, de
Windhoek, la capitale du sud-ouest africain al-
lemand. L'opération a été menée avec une rapi-
dité et un ensemble qui font le plus grand hon-
neur aux forces de l'Union sud-africaine.
L'occupation de Windhoek a une importance
particulière en raison du fait que les Allemands
y avaient installé une station de télégraphie
sans fil extrêmement puissante, capable dans
certaines conditions de communiquer avec Ber-
lin et qui pendant longtemps servit d'intermé-
diaire entre l'amirauté allemande et les croi-
seurs corsaires allemands en action dans
l'Atlantique et l'océan Indien.
Mais l'intérêt de cette campagne réside prin-
cipalement dans la preuve indubitable qu'elle
fournit au monde de la loyauté de l'Afrique du
sud. Parmi les colonies anglaises, s'il en était
une dont la révolte était considérée comme iné-
vitable par tout le monde officiel allemand,
c'était bien l'Afrique du sud et effectivement,
grâce à une invraisemblable campagne de
fausses nouvelles, les agents allemands réus-
sirent au début de la guerre à provoquer un
commencement de rébellion mais dès que les
calmes populations boers virent de quoi il s'a-
gissait, elles retournèrent à leurs troupeaux et
à leurs charrues sans plus s'occuper des agita-
teurs.
La campagne contre le sud-ouest africain al-
lemand, entreprise par l'Union sud-africaine,
uniquement conduite avec ses milices, sans au-
cune coopération des troupes impériales, doit
certainement être, parmi les désillusions du
monde officiel allemand, une des plus désa-
gréables et des plus amères.
Comme on a pu le voir d'après le communi-
qué officiel, les Allemands ont prononcé, l'a-
vant-dernière nuit, plusieurs contre-attaques
contre les troupes alliées aux environs de
Steenstraete. La dernière, particulièrement vio-
lente, a eu pour résultat de grosses pertes pour
les assaillants. Ceux-ci, d'ailleurs, ne semblent
plus s'illusionner sur l'efficacité de leurs ef-
forts. Ce sont des tentatives désespérées visant
surtout à remonter le moral en Allemagne et à
impressionner les neutres. Le principal centre
d'attaque auprès d'Ypres consiste encore dans
l'étroit saillant qui est à l'est de cette ville et
dans la région autour du lac de Zillebeke.
Les Anglais ont eu à réajuster leurs lignes à
plusieurs endroits, mais à leur avantage, car
les changements sont des améliorations qui
augmentent leurs forces.
Grâce, dit le iYlorning Post, à un admirable
tir d'artillerie à longue distance, nous avons
fait éprouver des dégâts considérables aux li-
gnes de chemins de fer qui sont à l'arrière de
la ligne allemande, spécialement dans le voisi-
nage de Roulers.
Parmi le matériel qui est tombé aux mains de
nos alliés durant ces engagements, se trouvent
dès-sections de voies ferrées toutes prêtes à être
posées au. moment voulu. L'envoyé spécial du
Times, passant en revue les différentes phases
de l'offensive allemande autour d'Ypres, écrit
que les Allemands ayant échoué vendredi dans
leurs tentatives de s'emparer de la colline 60,
ils attaquèrent samedi toute la ligne autour
d'Ypres. Ils n'ont pu réussir à briser cette li-
gne. L'ennemi a alors recommencé ses attai.
ques contre le sud de la position. De nouveau,
ils ont échoué.
Depuis samedi dernier, les attaques ont été inces.
santes elles se sont suivies avec une violence
allant toujours croissant. Un terrible bombarde-
ment les précédait régulièrement, mais chaque
assaut- fut un désastre pour l'ennemi. Le feu da
nos mitrailleuses et de nos fuslls anéantit les mas-
ses serrées d'infanterie qui montaient à l'attaque
de nos tranchées.
Les correspondants hollandais disent que les
Allemands continuent à envoyer des renforts à
Dixmude. De jeunes recrues, venant de Colo-
gne et d'Aix-la-Chapelle, passent tous les jours
a Liège. Elles sont dirigées vers l'ouest pour
renforcer les garnisons de la Belgique du sud
affaiblies par les envois de troupes au front.
Les Allemands s'accrochent désespérément à
leurs dernières positions. Le moment est pro-i
che où ils en seront chassés définitivement.
LA GUERRE DANS LES AIRS
Avion allemand sur Ecouen
Un avion allemand du genre Aviatik est ve-
nu samedi jusqu'au dessus d'Ecouen. Il a été
chassé par les avions du camp retranché de
Des bombes à Châlons
Dans la matinée de samedi un avion ennemi
a survolé la partie nord de Châlons-sur-Marna
et a lancé cinq bombes, qui sont toutes tombées
dans des terrains inhabités. Quelques vitres
brisées à l'asile d'aliénés, par suite du déplace-
ment d'air produit par une explosion, et c'est
tout.
Paris a fêté, cette année, Jeanne d'Arc avec!
tout autant de ferveur, mais avec moins d'éclat
extérieur que les années précédentes il conve-
nait, en effet, de l'avis même du cardinal arche-
vêque de Paris, de se garder de toute manifes-
tation joyeuse en cette période de lutte et de
souffrance, et de .réserver pavoisement et illu-
minations pour la victoire prochaine et aussi
pour les fêtes de l'an qui vient, qui seront les
fêtes du triomphe.
Paris, qui n'a pu arborer des drapeaux peur
Jeanne d'Arc, s'est dédommagé en lui appor-
tant une innombrable moisson de fleurs.
Les manifestations qui ont eu lieu aux sta-
tues de la bonne Lorraine en particulier
celle de la colonie anglaise et les cérémonies
de Notre-Dame n'en ont pas moins été fort
belles et ont continué dignement la tradition
du culte des Français et des autres peuples
pour Jeanne d'Arc.
Place des Pyramides
C'est la statue de la place des Pyramides qui
a été, cette année, le but principal des homma-
ges à l'héroïne. Les manifestations de la Li-
gue des Patriotes et de la colonie anglaise, sur-
tout, étaient attendues avec la plus sympathi-
que curiosité. Dès neuf heures, la foule afflue,
sur la petite place et dans les rues avoisinan-
tes. Il faut organiser bientôt un service d'ordre
important que dirige le préfet de police lui-mê-
me, M. Laurent. Des membres de la Ligue
d'Action française ont placé artistement tout
autour du monument des drapeaux tricolores
et déposé tout le long de la grille des traverses
destinées à recevoir les bouquest et les couron-
nes.
Gerbes et couronnes affluent bientôt. ,Ce sont,
successivement, une couronne et une gerbe
d'oeil.lets et de lilas blancs, cravatés d'un ruban
sur lequel on lit A Jeanne d'Arc, hommage
de Reims, ville martyre » puis de superbes
couronnes offertes par l'Action française, le
groupe de l'Action franco-belge, l'Institut catho-
lique, etc. Parmi la moisson fleurie qui s'en-
tasse aux pieds de la bonne Lorraine, notons
la gerbe apportée par un groupe de jeunes sol-
dats « à la mémoire des soldats morts pour la
patrie » celle déposée par une délégation de
jeunes filles, élèves de l'Ecole des beaux-arts
les fleurs apportées par le collège Stanislas,
l'école Fontanes, les employés de la Samari-
taine, etc.
HOMMAGE DE LA COLONIE BRITANNIQUE
A dix heures, arrive la délégation impatiem-
ment attendue de la colonie britannique de
Paris. La foule qui s'écrase aux alentours ac-
clame longuement nos alliés qui viennent mon-
trer, en s'inclinant aussi aux pieds de l'héroïne
lorraine, la fraternité complète qui règne main-
tenant entre les deux grands peuples jadis ri-
vaux.
Un ambulancier, en uniforme kaki, porte
une grande croix de Lorraine en fleurs blan-
ches, décorée de petits drapeaux anglais et d'uh
large ruban blanc et bleu, avec cette inscrip-
tion a A Jeanne d'Arc, quelques membres de
la colonie britannique, en témoignage d'affec-
tueuse amitié.
De nombreux membres de la colonie suivent,
parmi lesquels le Révérend A. S. V. Blunt,
pasteur de l'église anglaise de la rue d'Agues-
seau, président du comité de la colonie britan- >
nique de Paris NI. Hanning, ancien président
de la chambre britannique l'honorable M.
Philipp Roy, commissaire général du Canada
en France M. P G. Dastons, vice-président de
la chambre de commerce britannique, section
canadienne le docteur Robinson,' directeur de
la Croix-Rouge britannique, etc.
M. Pilter dépose, aux applaudissements de
la foule, la couronne aux pieds de la statue,
puis le Révérend Blunt prononce l'allocution
suivante
Nous venons comme membres de la colonie bri-
tannique de Paris déposer quelques fleurs au pied
de la statue de Jeanne d'Arc, la courageuse guer-
rière do France.
Nous reconnaissons que son esprit de sacrifice,
de patriotisme, de bravoure et de sublime dévoue-
ment anime l'armée française d'aujourd'hui, et
nous sommes convaincus que cet esprit la con-
duira à la victoire.
C'est avec un sentiment de joie profonde que
nous contemplons la Franche et l'Angleterre, nos
deux chers pays, unis étroitement pour la défense
sa.crée de la liberté et de la justice. C'est ce
qu'éprouvent tous les sujets britanniques, c'est ce
que nous éprouvons, nous qui jouissons de l'hos*
pitalité de cette magnifique ville de Paris.
Nous sommes fiers de déposer aujourd'hui, de-
vant cette statue, une croix de Lorraine, patrie de
Jeanne d'Arc, de cette Lorraine qui redeviendra
bientôt de la France une partie intégrale.
Vive la Franche Vivent les alliés Et que Dieu
nous donne la victoire
La foule répond à ce cri par une longue ova-i
tion et les cris de « Vive l'Angleterre 1 »
Ajoutons qu'à l'issue de la manifestations, la
PARIS ET DÉPARTEMENTS 10 CENTIMES
LUNDI 17 MAI 1915
'ARTHUR -MEYER •
Directeur
RÉDACTION
DE QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIN
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens)
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Paris et départements
Un mois 3fr. 50 Six mois 18 fr.
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ARTHUR MEY ER
.<, Directeur
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ANNONCES
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DES ANNONCES
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Et l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rendus
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE GAULOIS, PARIS
Lire à la troisième page
BÊPÊGHES DE LA DERNIÈRE HEUiT
Le Pape
'Jamais on ne prononça, autant son nom. Ce
ne sont pas seulement ceux qui se glorifient
d'appartenir à la société spirituelle dont il est
le chef infaillible qui se tournent vers lui
mais les chrétiens séparés de l'Eglise catholi-
que et les incroyants et les hostiles s'inquiètent
de ce qu'il pense, de ce qu'il dit. C'est que,
selon la parole de Pascal « Quel autre est
connu de tous, quel autre est reconnu de tous,
ayant le pouvoir d'influer sur tout le corps,
parce qu'il tient la maîtresse branche qui in-
flue partout ? »
II n'a cependant ni armée ni soldats. Et cette
Importance qu'il prend au milieu d'une tour-
a mente sans précédent dans l'histoire de l'hu-
manité est la protestation universelle contre le
principe sauvage de l'Allemagne La force
prime le droit Le Pape, c'est le droit s-ins
a force du moins sans la force matérielle qui
ruine et dévaste, mais àvec la force morale qui
subjugue et protège.
Que pense le Pape des horreurs dont le
monde est le témoin. épouvanté ? Vers qui vont
ses sympathies ? Ces questions se renouvellent
et se répètent. Il me semble cependant que les
actes de Benoît XV y ont déjà répondu.
Oui, en planant au-dessus de toutes les na-
tions, il a déjà posé avec énergie et clarté des
principes qui, à eux seuls, sont la condamna-
tion décisive de nos ennemis. Il a dit
(c Pour être supportable, la guerre doit être
juste et nécessaire jamais le belligérant ne
combattants
» Il doit surtout respecter les femmes, les en-
fants, les vieillards
» Il ne doit pas s'attaquer aux monuments
vénérables qui, détenus par certains peuples,
appartiennent en réalité à l'humanité. »
En lisant cette doctrine de Benoit XV qui
ne se reporte invinciblement
.Vers la déclaration injuste de la guerre par
l'Autriche et l'Allemagne ?
Vers les hommes fusillés, les femmes violen-
tées, les enfants mutilés, les villes incendiées
et pillées sur l'ordre de chefs des armées aus.
tro-allemandes ?
Vers Louvain et Malines, Soissons et Reims ?
Mais mon patriotiste veut aller plus loin et
SI aime à trouver dans les actes personnels de
Renoit XV la preuve que tout en gardant une
neutralité que son titre de chef de l'Eglise uni-
Fverselle lui impose, toutes ses bienveillances,
toutes ses sympathies vont vers nous. Certes,
\j'aurai soin ni d'interroger ceux qui ont eu
1. honneur d'être reçus par lui, ni d'interpréter
les paroles qu'il a prononcées qu'il me suf-
îflse d'invoquer dans le passé et dans le présent
iae.Ja vie du Pape actuel des faits précis qui en
disent long.
Mgr della Chiesa, le futur Benoit XV, a été
televé à l'école du cardinal Rampolla. Les sen-
timents de celui-ci pour notre pays étaient no-
toires. Il le voulait glorieux et prospère il ai-
mait à dire que des nations privilégiées ont une
mission dans le monde que celle de la France
était aussi visible que le soleil. Ne sait-on pas
que lorsqu'il s'agit de nommer un successeur
à Léon XIII les cardinaux français furent in-
vités discrètement par le gouvernement à vo-
ter pour le cardinal Rampolla ? Et celui-ci ne
fut écarté de la charge suprême que par le
-veto, pour la dernière fois subi, prononcé par
notre ennemie l'Autriche, associée à l'Allema-
1 Ce fut dans ce milieu de particulière bien-
veillance pour la France et sous la direction
d'un tel maître que grandit et se forma Mgr
délia Chiesa, et il est permis de dire que ce fut
peut-être parce que le successeur du cardinal
(Rampolla ne partageait pas les sentiments de
son prédécesseur à notre égard que le futur Be-
noit XV se trouva éloigné de Rome et nommé à
l'archevêché de Bologne, que lui méritaient ses
,vertus et les services déjà rendus par lui à
Voilà pour le passé.
( Voici le présent A peine monté sur le siège
'de saint Pierre, Benoît XV a rétabli l'ancienne
tradition de sympathie pour la France. Il y eut
même un certain mérite. Depuis des années,
l'Autriche, la Prusse, la Bavière avaient à Rome
des ambassadeurs ne négligeant rien, absolu-
ment rien, pour y gagner des sympathies, éten-
dre leur influence et la France restait muette.
Pie X avait accepté comme secrétaire d'Etat
le cardinal Merry del Val, que des circonstan-
ces exceptionnelles avaient mis en relief Be-
noît XV choisit entre tous le cardinal Ferrata.
Le cardinal Ferrata, ancien nonce à Paris, se
glorifiait d'être, lui aussi, un grand ami Ide la
France et il apparut à tous que ce choix indi-
quait les préférences du Pontife nouveau. Mais
le cardinal Ferrata ne fit que passer il mou-
rut peu de temps après sa nomination. Par qui
Benoît XV allait-il le remlpacer ? Son choix se
porta sans hésitation sur le cardinal Gasparri,
presque un Français, puisqu'il a été pendant
dix-neuf ans professeur à l'Institut catholique
de Paris. C'est là que le nouveau secrétaire
d'Etat se fit comme une mentalité française.
C'est là, en tout cas, qu'il comprit la valeur de
J'âme de la France, et à tel point qu'il n'hésita
pas à s'en montrer, dans des circonstances gra-
ves et douloureuses, le défenseur ardent et
convaincu.
N'apparaît-il pas, dès lors, que dans ses lon-
gues méditations Benoît XV n'oublie rien des
leçons et des conseils de son premier maître
Rampolla, non plus que dans ses conférences
avec son conseiller de tous les jours, le cardinal
Gasparri ?
Toutes les occasions sont saisies par lui pour
témoigner de sa bienveillance particulière
pour notre pays. Il a créé au Vatican un orga-
nisme qui renseigne les parents français sur le
sort de leurs enfants prisonniers en Allema-
gne et, détails intéressants, c'est à un grand'
jpeintre français, M. Besnard, directeur de
motre Ecole de Rome, qu'il a commandé son
portrait c'est un grand sculpteur français,
M. Rodin, qui fait son buste. L'un et l'autre
sont aussi ses familiers.
Tout cela est tellement significatif que le
'journal le Matin en a rendu un solennel témoi-
gnage. Son correspondant et envoyé a eu
l'honneur d'être reçu par Benoit XV et voici
«en quels termes il résume ses impressions dans
,le numéro du 26 avril « La prudence des
expressions ne se détend vraiment que lorsqu'il
s'agit d'exprimer des sympathies pour la
France. La porte de bronze est largement ou-
verte à tous ceux qui viendront de la France. »
Enfin, hier, le Pape n'hésitait pas à donner
de cette sympathie pour notre pays un nou-
veau et personnel témoignage, en faisant écrire
au cardinal-archevêque de Paris « que la sol-
licitude du Père commun des fidèles se tourne
ide préférence vers ceux de ses fils qui témoi-
gnent plus vivement leur respect et leur affec-
tion à son égard, et que parmi eux méritent
tune mention particulière ses fils de France, les
enfants de cette nation qui, à juste titre, a été
appelée la Fille aînée de l'Eglise », et en adres-
1 sanl au Uomîtê national, une somme de SO.OOO
francs.
"Voilà ce dont il faut bie.n se pénétrer oui,
il se trouve là-bas, au Vatican, un grand ami
de la France, dont le concours nous est assuré
et nous sera grandement utile dans un avenir
que je veux prochain.
Tous les bons Français ne peuvent que s'en
réjouir.
Ii. Zénouvrler
sénateur
La Semaine
militaire
Elle sera celle'de la victoire d'Arras. Car c'est
bien une victoire que viennent de remporter
nos vaillantes troupes en bousculant si bril-
lamment la ligne allemande, depuis les abords
de Loos jusqu'à la transversale Mont-Saint-
Moi-Neuville-Saint-Vaast. Je ne reviendrai
pas sur les détails de cette affaire, que tout le
monde maintenant connaît, et qui ont rempli
nos âmes d'une sainte allégresse. Mais je vou-
drais montrer' combien, dans sa préparation et
son exécution, l'opération a été remarquable et
par quoi elle mérite notre attention admirative,
après les longues attentes de ce pénible hiver.
Et d'abord, quelles ont été les causes de son
succès Le communiqué les résume en quel-
ques mots que voici « Une parfaite liaison
des armes, une préparation d'artillerie supé-
rieurement efficace, enfin et surtout un élan
incomparable de l'infanterie. »
Ce sont là, en effet, les trois conditions es-
sentielles de toute victoire. Quand on arrive à
les réaliser pleinement, on est sûr de prendre
finalement l'ennemi à la gorge et de le terras-
ser.
Qu'on suive pas à pas nos attaques à travers
cette plaine ravinée par des tranchées enche-
vêtrées et toute hérissée de défenses, dont le
tracé, formé alternativement d'angles saillants
et rentrants, dessinait comme un réseau d'obs-
tacles aux mailles infiniment compliquées on
verra alors avec quelle adresse fut d'abord con-
duit le bombardement préparatoire qui, négli-
geant les points secondaires, s'obstinait surtout
contre les arêtes de flanquement. Et l'on jugera
également qu'il était particulièrement heureux
le dispositif d'ensemble qui, pour faire tomber
l'importante position de Notre-Dame-de-Lo-
rette, la menaça tout à coup sur ses deux
flancs à la fois.
Voilà pour le commandement. Quant la
troupe, elle a déployé pendant cinq journées de
lutte une vigueur, un entrain, un courage, un
mépris de la mort qui la mettent au niveau de
nos vieilles légions d'autrefois. On pourrait
presque lui reprocher un peu trop de fougue et
d'ardeur.
Vous avez lu, je suppose, le récit de la prise
des ouvrages blancs. Vous avez vu nos soldats
enjambant les tranchées, lardant à la baïonnet-
te tout ce qui se montrait, et murant les Alle-
mands dans leurs tanières, avant de pousser
plus loin. Ils avaient, dans leur élan, dépas-
sI?. les ouvrages sans même se donner la pei-
né de les conquérir, et, derrière eux, l'ennemi
déconcerté, ahuri, se rendait en implorant mer.
ci.
Je ne sais si l'on trouverait dans le Bulletin
de la Grande Armée quelque chose de plus
émouvant que ce récit épique. Territoriaux fris-
sonnants, aguerris par huit mois de tranchée,
zouaves, fantassins, chasseurs, jeunes gens de
la dernière classe qui faisaient là leurs premiè-
res armes, tous se sont, d'un coup, haussés à la
hauteur des grognards Leurs officiers leur ont
donné le plus magnifique exemple. Ce fut un
concours d'héroïsme où chacun voulut disputer
le premier rang.
Saluons tous ces braves. Adressons- leur le
tribut de notre admiration et de notre recon-
naissance. Ils ont ressuscité nos vieilles gloires
françaises, cachées dans les plis du drapeau. Ils
ont gonflé nos cœurs d'espérance. Avec des
chefs de cette trempe et des soldats de cette
frappe, la France immortelle peut être tran-
quille. Les destinées s'accompliront.
Et maintenant, où en sont nos alliés russes ?
Ah I je dois avouer qu'ils traversent en ce mo-
ment une crise assez rude, qui dure depuis
quinze jours déjà. Mais elle n'est pas la pre-
mière, et de même qu'ils ont triomphé de tou-
tes les autres, ils sortiront sans doute encore
sans trop de dommage de celle-là.
Un peu trop préoccupés, peut-être, des mena-
ces très ostensibles qui s'accusaient sur leurs
deux ailes extrêmes la Courlande et la Buko-
vine, ils n'ont pas fait suffisamment attention
que, devant leur centre, un formidable orage
était près d'éclater. Une armée allemande,
nombreuse et très richement dotée de gros ca-
nons, -venait de se rassembler tout à coup à
l'est de Cracovie, sous le commandement du
general-oberst von Mackensen, et, dès le i"
mai, elle commençait à écraser de projectiles
nos alliés, qui ne s'attendaient guère à cette
avalanche de fer.
Attaqués de front par cette armée et de flanc
par les Autrichiens de l'archiduc Ferdinand,
postés devant la Dunajec, les Russes se voyaient
obligés de reculer successivement sur la Wislo-
ka, affluent de la Vistule, sur la Wislok, af-
fluent du San, et enfin sur le San lui-même,
abandonnant, après une belle défense, Gorlice
et Tarnow. Leurs positions, si chèrement ac-
quises, des cols de Dukla et de Lupkow, celles
plus avancées encore de Bartfeld et de Niezo-
Liborey étaient tournées. Seules leur restaient
celles qui dominent le col d'Usjok, encore aux
mains des Austro-Allemands.
Il fallut tout quitter. Mais on le fit avec or-
dre et méthode. L'armée russe des Carpathes
opéra un changement de front oblique sur
l'aile gauche, et, par la droite, rejoignit celle
qui reculait vers le San. Il y eut bien quelques
moments difficiles, pendant lesquels des divi-
sions entières pensèrent être complètement en-
veloppées. Mais, finalement, la manœuvre
s'exécuta sans trop d'encombre, et maintenant
nos alliés occupent une ligne brisée qui, em-
pruntant le cours du San, vient, presque à an-
gle droit, se relier aux Carpathes, dans les
abords du col d'Uszjok.
Le recul est important, sans doute, et regret-
table, parc*qu'il a défait en quelques jours
l'œuvre accomplie, au prix de grands efforts
et de lourds sacrifices, au cours de ce pénible
hiver, La griffe qui s'abattait sur la Hongrie
a dû se largement desserrer, et nos alliés doi-
vent maintenant songer à couvrir Przemysl,
que les Allemands du moins ils le disent
menacent par Jaroslaw.
Mais le fond du caractère moscovite est la
ténacité et la fermeté dans les épreuves. Tan-
dis que ses armées abandonnaient par force la
Galicie orientale, le grand-duc Nicolas profi-
tait de ce que les Autrichiens de Bukovine
étaient livrés à eux-mêmes par le départ, vers
le nord, des éléments allemands qui les
avaient renforcés jusque-là. Il fonçait sur eux,
les refoulait du Dniester sur le Pruth, et fai-
sait charger par ses cosaques leur troupe dé-
sorganisée. Dans le moment où nous sommes,
quand certaines interventions annoncées peu-
vent n'être plus qu'une question d'heures, cette
poussée vers la frontière roumaine constitue
une manœuvre non seulement militaire, mais
par quelque côté diplomatique, et qui pour-
rait fort bien agir par cïïoc en retour sur le
champ de bataillé du San.
d'est cette opiniâtreté dans l'action qu'il faut
avant tout admirer chez les Russes. On dirait
que chaque revers les anime et les galvanise,
que chaque péril nouveau retrempe le ressort
de leur activité, et aiguise une volonté
qui demeure inflexible. Repoussés d'un côté,
ils foncent de l'autre, comme pour narguer
l'adversaire qui un moment a réussi à pren-
dre le dessus. Leur front immense et toujours
mobile présente des parties inertes, d'autres
qui se dérobent, d'autres qui s'ébranlent et
poussent de l'avant.
Il faudra attendre quelque temps encore
avant de pouvoir établir la balance entre ces
mouvements contrariés en apparence, mais tous
commandés par ce principe formel de la
guerre entraver l'ennemi en usant de tous les
moyens, directs ou indirects.
Lieutenant-colonel Rousset
1 ♦
Les résultats de la crise ministérielle
et des intrigues du prince de BUlow
Un de nos amis a reçu la dépêcfie suivante,
qu'il a bien voulu nous communiquer
Rome, 16 mai, 11 heures.
Iln détachement autrichien a franchi la fron-
tière du Trentin et a été, aussitôt écrasé Tar les
trouves italiennes.,
Aléa jacta est comme l'a Hit le poète (l'An-
nunzio si cette dépêche est confirmée, le sort
en est jeté si elle n'était pas officiellement dé-
clarée hier, la guerre éclatera certainement au-
jourd'hui, comme une mine dont la mèche,
allongée plusieurs fois, finit par mettre le feu
aux poudres.
Ce qui aurait provoqué cette attaque subite,
c'est indubitablement le fait que toutes les intri-
gues du prince de Bülow avaientdéfinitivement
échoué, le roi d'Italie ayant fait savoir, hier,
qu'il refusait la démission du ministère Salan-
dra. Le Roi n'a pas pris cette décision sans con-
naissance de cause, et il savait certainement
que l'Italie était prête, tout entière, armée et
population, unie de coeur et d'âme à son sou-
verain.
Maintenir le ministère Salandra, c'était fran-
chir le Rubicon le pas est fait, et le Roi l'a
fait avec un patriotisme et une hauteur d'esprit
qui seront l'éternel honneur de Victor-Emma-
nuel III.
Avant ou'on ne sût la violation du territoire,
on apprenait à Rome la décision du Roi, et *a
nouvelle, aussitôt propagée, provoquait dans la
ville une explosion d'enthousiasme indicible.
Les drapeaux apparaissaient à toutes les fenê-
tres et la foule parcourait les rues en acclamant
le- Hoi, M-. Salandra et la guerre.
On peut dire que l'Italie s'est ressaisie et
qu'il y a maintenant une Italie italienne, com-
me le disait le Times.
Il faut même reconnaître que cette crise mi-
nistérielle, qu'on pouvait juger si dangereuse
au premier abord, a eu les résultats les plus
heureux. Elle a permis à l'opinion publique de
se manifester clairement, non sans quelque vio-
lence, en faveur de la politique de M. Salandra
contre M. Giolitti, qu'on pouvait croire jus-
que-là soutenu par une notable portion des élec-
tueurs. Il semblait avoir la majorité au Parle-
ment l'avait-il dans le pays ? Là était la ques-
tion, et maintenant il est prouvé que cette
Chambre n'était plus d'accord avec ceux qui
l'avaient élue. Le vent avait tourné et le Parle-
ment ne s'en apercevait pas il continuait ses
discussions et ses combinaisons terre à terre,
alors que l'âme de l'Italie avait pris soa vol
vers.la frontière. La leçon a été rude, car M.
Giolitti et ses amis ont eu besoin de la protec-
tion déjà police contre lef fureurs du peuple.
Il leur faudra ou se rallier au ministère pour
former enfin l'union sacrée », ou compro-
mettre à tout jamais leur carrière politique. Ce
ne sera pas la première fois qu'un Parlement
sera obligé de faire volte-face devant l'opinion
publique, qui voit souvent plus loin et plus
juste que les politiciens.
Le ministère Salandra est maintenant un mi-
nistère national. Il est fait de la force que lui
donnent le Roi et la nation.
Cette crise aura montré aussi que la diplo-
matie du prince de Bûlow, que l'on croyait si
habile, n'a servi qu'à humilier l'Autriche et à
révéler à l'Italie cette sorte de tyrannie que
l'Allemagne exerçait sur elle. Peut-être, ne se
faisant aucune illusion sur les décisions fata-
les qui .devaient intervenir, l'ex-chancelier de
1 Empire n'a-t-il voulu que retarder l'entrée en
jeu de l'Italie, pour donner le temps aux ar-
mées allemandes de refouler les Russes et de
venir ensuite se jeter sur la Lombardie et la
Vénétie. C'était, en tout cas, un calcul aventu-
reux, puisque déjà l'armée russe reprend l'ol-
fensive.
En fait, la politique allemande a infligé à
1 Autriche une dernière humiliation la dénon-
ciation de la Triple-Alliance, le 4 mai dernier,
impliquait, comme réponse, la guerre immé-
diate de la part de l'Autriche le gouverne-
ment italien s'y attendait et voilà qu'au lieu
de prendre les armes, l'Autriche, poussée par
1 Allemagne, faisait de nouvelles concessions et
des concessions inutiles Comment ne pas vo'r
dans cet abaissement la cause d'une révolte de
la dignité nationale en Autriche et d'un nou-
veau grief contre l'alliée impérative, l'Allema-
gne ?
Le second résultat des intrigues du prince de
Bulow a été de montrer clairement aux Ita-
liens le pouvoir occulte et cependant évident
qu'il exerçait chez eux. Il a démasqué l'in-
fluence de l'Allemagne dans les affaires inté-
rieures du pays, en faisant agir un parti con,-
tre l'autre. Rien ne pouvait froisser davantage
le sentiment italien rien ne pouvait l'irriter
plus justement.
Mais en même temps l'Allemagne, par
l'anxiété dont témoignaient ses intrigues â
montré quel prix elle attachait à la neutralité
de l'Italie, quelle crainte elle pouvait avoir de
son intervention. Rien ne pouvait flatter et
exciter plus sûrement l'amour-propre de
l'Italie.
Par là, on peut voir que la lourde diploma-
tie allemande, bottée et épreonnée, n'a pas été
plus adroite en Italie qu'aux Etats-Unis.
Nous sommes heureux, faut-il le dire, de ce
qui se passe en Italie, moins pour nous que
pour l'Italie elle-même, parce que ces déci-
sions grandissent notre sœur latine et lui don-
nent l'élan qui doit la conduire vers ses plus
grandes destinées. Certes, nous sommes respec-
tueux de l'indépendance et de la neutralité de
l'Espagne elle nous permettra du moins d'ex-
primer le regret de son isolement dans cette
union latine si désirable. Quel avenir n'eût pas
été celui d'une Confédération des races la-
tines
Mais il n'est plus temps de penser à ce qui
aurait pu être. Ce qui est suffit, et ce qui
est élève nos cœurs vers le triomphe défiinitif
de la civilisation et de la paix européenne.
Intérim
COMMUNIQUÉS OFFICIELS
Communiqué du 16 mai, 15 heures
En Belgique, l'ennemi a prononcé cette nuit
trois contre-attaques contre Steenstraete et ses
environs.
La troisième, qui s'est produite au lever du
jour, a été particulièrement violente.
Les assaillants ont été repoussés et ont subi
de grosses pertes.
Nous avons pris hier six mitrailleuses et un
lance-bombes.
Au nord de La Bassée, entre Richebourg, La-
voné et Quinquerue, les troupes britanniques
ont enlevé cette nuit plusieurs tranchées alle-
mandes.
Au nord d'Arras, on s'est battu toute la nuit
avec acharnement.
Sur les pentes est et sud de Lorette, un dur
combat à coups de grenades nous a permis
quelques progrès.
A Neuville, l'ennemi a cnerché en vain à nous
reprendre les maisons dont nous nous étions
emparés dans la journée.
Il n'a pas pu reconquérir non plus les tran-
chées que nous lui avions enlevées à l'extérieur
du village.
Sur le reste du front, rien à signaler.
Communiqué du 16 mai, 23 heure
Dans l'après-midi d'aujourd'hui, nous avons
repoussé, à Steenstraete, avec un plein succès,
une quatrième contre-attaque al lemande noua
avons conservé toutes les positions conquises
hier et consolidé notre gain, dont le violent ef-
fort de l'ennemi souligne l'importance.
Plus au sud, les troupes britanniques ont in.
fligé aux Allemands un sérieux échec elles ont
enlevé, au sud-ouest de Richebourg-Lavoué,
un kilomètre de tranchées en même temps,
au nord-est de Festubert, elles se sont emparées
de quinze cents mètres de tranchées. Cette se-
conde attaque a ensuite progressé dans la di-
rection de la Quinque-Rue et, sur un front de
six cents mètres, a gagné quinze cents mètres
en profondeur. Les pertes allemandes sont très
élevées. Le progrès des troupes britanniques
continue.
Dans le secteur au nord d'Arras nous avons
poursuivi les diverses actions destinées à con-
solider notre nouveau front en chassant l'en-
nemi des quelques points où il est resté accro-
ché. Nos troupes font preuve, dans cette lutte
pied à pied, d'une énergie tenace.
Nous avons gagné deux cents mètres sur l'é-
peron qui descend du plateau de Lorette vers 1
la sucrerie de Souchez.
Nous avons enlevé de nouvelles maisons dans
la partie nord de Neuville, fait exploser un bal-
lon captif allemand à l'est de Vimy et fait bom-
barder par nos avions la gare de Somain.
En Champagne, au nord-ouest de Ville-sur-
Tourbe, une action toute locale nous a valu un
très brillant succès.
Dans la nuit de samedi à dimanche, l'ennemi
a fait exploser une mine en arrière de notre
première ligne. Huit compagnies allemandes se
sont aussitôt précipitées sur nos positions et y
ont pris pied dans un saillant nous avons im-
médiatement contre-attaque et reconquis une
partie du terrain perdu en faisant soixante-dix-
sept prisonniers, dont trois officiers. Dans la
journée, nous avons prononcé une seconde con-
tre-attaque. Cette contre-attaque, menée avec
beaucoup d'élan à la baïonnette et à coups de
grenades, nous a rendu la totalité de la posi-
tion.
L'ennemi a subi des pertes énormes consta-
tées par nous avec certitude dans les tran-
chées et sur les parapets, nous avons, en effet,
trouvé plus de mille cadavres allemands nous
avons fait, d'autre part, trois cents prisonniers,
dont neuf officiers, et pris six mitrailleuses
c'est donc la presque totalité de l'effectif d'at-
taque qui est restée entre nos mains ou sur le
terrain.
Le repli russe sur le San. Les Au-
trichiens reculent en Bukovine et
les Allemands en Courlande
On télégraphie de Pétro:rade, en date d'hier,
que, si les Russes se sont repliés un peu plus
à l'ouest du San, ce ne fut pas sous la poussée
de l'ennemi, mais pour organiser une nouvelle
disposition de leurs forces qui aura l'avantage
de comprendre dans sa ligne la place forte de
Przemysl où, depuis deux mois qu'elle est en
leur possession, les Russes, comme on s'en dou-
te, ne sont pas restés inactifs.
Sur le front de Bukovine, nos alliés conti-
nuent à progresser sur un front de plus de 60
kilomètres. Les Russes ont, sur ce point, des
forces considérables qui ne cessent de chasser
devant elles l'armée austro-hongroise en pleine
retraite, sans que celle-ci puisse s'accrocher à
une ligne de défenses naturelles pour essayer
d'arrêter la marche de son adversaire.
Sur le front nord du front oriental, les Alle-
mands ont subi, samedi, un double échec. Au
prix de grosses pertes, l'ennemi a tenté sans
succès de,reprendre, par des attaques noctur-
nes et, au matin, par une colonne d'enveloppe-
ment, la position de Chavli, base de son occu-
pation momentanée de la ligne Libau-Vilna.
Cet échec se doublait par la perte d'une autre
base plus au sud, le village d'Eyragola, centre
des troupes de couverture allemandes dispo-
sées à Rossienne, et le long de la Doubissa, afin
d'assurer éventuellement la retraite.
LA CAVALERIE ALLEMANDE
On sait que presque la totalité de la cavalerie
allemande se trouve sur le front oriental, où
elle est plus utile que dans la guerre de tran-
chées du front occidental. D'après une intéres-
sante dépêche du correspondant particulier du
Temps, les prisonniers faits ces derniers jours
près de Chavli racontent que toute la cavalerie
opérant dans les provinces baltiques est nou-
vellement arrivée du front belge et qu'en gé-
néral l'Allemagne manque de chevaux.
A ce sujet, les milieux militaires rappellent
que lors de l'incursion russe dans la Prusse
orientale, au commencement des hostilités, nos
alliés emmenèrent avec eux tous les chevaux
du pays avant que l'état-major allemand ait
eu le temps d'opérer des réquisitions, et l'on
̃ sait que la Prusse orientale fournit des che-
vaux dans le rapport de douze par kilomèJtje
carré, alors que sur le reste du territoire on ne
trouve que sept chevaux par kilomètre. D'après
les chiffres allemands, la randonnée russe sur
Kœnigsberg priva nos ennemis de soixante
mille chevaux..
LE KAISER FELICITE
SON CHEF D'ETAT-MAJOR
L'empereur Guillaume II a adressé au chef
du grand état-major de l'armée allemande, le
général d'infanterie von Falkenhayn, le télé-
gramme suivant
D'un coup d'oeil prompt et clair, avec une juste
appréciation de la situation, vous aviez rewnnu
le point vulnérable du front russe et vous 'n'avez
fait des propositions qui devaient aboutir d un
grand succès. La 7magnifique vietoire qui vient
d'être remportée me fournit de nouveau l'occasion
de vous exprimer mes remerciements et ceux de
la patrie totet entières pour le travait dévoué que
vous accomplissez silencieusement à mon service
et au service du pays.
Parmi ceux qui ont permis à Varm'ée allemande
'de faire front à un monde d'ennemis et de rem-
porter sur eux de grands succès, vous vous trouvez
au premier rang cornrrae chef de l'état-major géné-
ral de l'armée de campagne. En signe de reconnais-
sance, je vous confère mon ordre de l'Aigle-Noir.
La Guerre
avec la Turquie
Dans les Dardanelles. Une leçon qui profite
L'envoyé spécial du Messager d'Athènes à
Mytilène télégraphie que les troupes austra-
liennes déploient dans les combats un héroïs-
me unique dans l'histoire des guerres moder-
nes. Il ajoute que l'élan des alliés est irrésisti-
ble. S'il faut en croire un prisonnier, les muni-
tions commenceraient à faire défaut aux trou-
pes ottomanes.
Nous avons fait connaître les réponses adres-
sées par les ministres des affaires étrangères
d'Angleterre et de France aux menaces turques
de transporter des Français et des Anglais dans
les villes susceptibles d'être survolées par les
avions des alliés. Il y avait eu commencement
d'exécution à Gallipoli.
On apprend que les Anglais et Français ont
été depuis conduits de Gallipoli à Brousse. Les
gouvernements turcs ont compris la leçon qui
leur était donnée et la responsabilité qui leur
incombait.
Impressions d'un témoin
La Gazelle de Francfort publie le récit d'un
témoin oculaire qui déclare que les combats
qui durent depuis trois semaines aux Dardanel-
les sont sans précédent dans l'histoire.
Depuis seize jours, la flotte anglaise bom-
barde les détroits nuit et jour d'une façon inin-
terrompue. Grâce à l'excellent fonctionnement
des ballons captifs et de puissants réflecteurs
qui éclairent la nuit le terrain, la canonnade
est incessante et impose des sacrifices énormes
aux troupes turques.
La péninsule de Gallipoli est transformée en
un véritable enfer. Les montagnes semblent se
mouvoir et danser. La mer est agitée comme
par la tempête est l'air empli de détonations
ininterrompues. Les navires français et anglais
tirent en moyenne cinquante à soixante mille
coups, presque tous avec des pièces de gras
calibre.
Les Turcs envoient des renforts
Il est maintenant certain que les pertes des
Turcs pendant les dernières opérations contre
les Dardanelles sont effroyables. On évalue à
20,000 environ le nombre des tués seulement.
Les hôpitaux de Constantinople sont bondés
de blessés. La plupart des grandes maisons pri-
vées ont été réquisitionnées et transformées en
hôpitaux.
Enver pacha épuise tous les moyens possi-
bles en vue de parvenir à constituer des nou-
velles troupes pour renforcer les unités opé-
rant dans la presqu'île de Gallipoli. Une grande
partie de la garnison de Constantinople v"ent
d'être envoyée aux Dardanelles, à bord de
transports. La garnison d'Andrinople a été
transférée en grande partie à Kechan, où elle
se fortifie pour s'opposer à une avance des al-
liés dans la Thrace du sud.
Contre les colonies allemandes
Les opérations contre le Sud-Ouest africain
allemand. Les résultats de l'expédition
Nous avons annoncé, il y a quelques jours,
la prise, par les troupes du général Botha, de
Windhoek, la capitale du sud-ouest africain al-
lemand. L'opération a été menée avec une rapi-
dité et un ensemble qui font le plus grand hon-
neur aux forces de l'Union sud-africaine.
L'occupation de Windhoek a une importance
particulière en raison du fait que les Allemands
y avaient installé une station de télégraphie
sans fil extrêmement puissante, capable dans
certaines conditions de communiquer avec Ber-
lin et qui pendant longtemps servit d'intermé-
diaire entre l'amirauté allemande et les croi-
seurs corsaires allemands en action dans
l'Atlantique et l'océan Indien.
Mais l'intérêt de cette campagne réside prin-
cipalement dans la preuve indubitable qu'elle
fournit au monde de la loyauté de l'Afrique du
sud. Parmi les colonies anglaises, s'il en était
une dont la révolte était considérée comme iné-
vitable par tout le monde officiel allemand,
c'était bien l'Afrique du sud et effectivement,
grâce à une invraisemblable campagne de
fausses nouvelles, les agents allemands réus-
sirent au début de la guerre à provoquer un
commencement de rébellion mais dès que les
calmes populations boers virent de quoi il s'a-
gissait, elles retournèrent à leurs troupeaux et
à leurs charrues sans plus s'occuper des agita-
teurs.
La campagne contre le sud-ouest africain al-
lemand, entreprise par l'Union sud-africaine,
uniquement conduite avec ses milices, sans au-
cune coopération des troupes impériales, doit
certainement être, parmi les désillusions du
monde officiel allemand, une des plus désa-
gréables et des plus amères.
Comme on a pu le voir d'après le communi-
qué officiel, les Allemands ont prononcé, l'a-
vant-dernière nuit, plusieurs contre-attaques
contre les troupes alliées aux environs de
Steenstraete. La dernière, particulièrement vio-
lente, a eu pour résultat de grosses pertes pour
les assaillants. Ceux-ci, d'ailleurs, ne semblent
plus s'illusionner sur l'efficacité de leurs ef-
forts. Ce sont des tentatives désespérées visant
surtout à remonter le moral en Allemagne et à
impressionner les neutres. Le principal centre
d'attaque auprès d'Ypres consiste encore dans
l'étroit saillant qui est à l'est de cette ville et
dans la région autour du lac de Zillebeke.
Les Anglais ont eu à réajuster leurs lignes à
plusieurs endroits, mais à leur avantage, car
les changements sont des améliorations qui
augmentent leurs forces.
Grâce, dit le iYlorning Post, à un admirable
tir d'artillerie à longue distance, nous avons
fait éprouver des dégâts considérables aux li-
gnes de chemins de fer qui sont à l'arrière de
la ligne allemande, spécialement dans le voisi-
nage de Roulers.
Parmi le matériel qui est tombé aux mains de
nos alliés durant ces engagements, se trouvent
dès-sections de voies ferrées toutes prêtes à être
posées au. moment voulu. L'envoyé spécial du
Times, passant en revue les différentes phases
de l'offensive allemande autour d'Ypres, écrit
que les Allemands ayant échoué vendredi dans
leurs tentatives de s'emparer de la colline 60,
ils attaquèrent samedi toute la ligne autour
d'Ypres. Ils n'ont pu réussir à briser cette li-
gne. L'ennemi a alors recommencé ses attai.
ques contre le sud de la position. De nouveau,
ils ont échoué.
Depuis samedi dernier, les attaques ont été inces.
santes elles se sont suivies avec une violence
allant toujours croissant. Un terrible bombarde-
ment les précédait régulièrement, mais chaque
assaut- fut un désastre pour l'ennemi. Le feu da
nos mitrailleuses et de nos fuslls anéantit les mas-
ses serrées d'infanterie qui montaient à l'attaque
de nos tranchées.
Les correspondants hollandais disent que les
Allemands continuent à envoyer des renforts à
Dixmude. De jeunes recrues, venant de Colo-
gne et d'Aix-la-Chapelle, passent tous les jours
a Liège. Elles sont dirigées vers l'ouest pour
renforcer les garnisons de la Belgique du sud
affaiblies par les envois de troupes au front.
Les Allemands s'accrochent désespérément à
leurs dernières positions. Le moment est pro-i
che où ils en seront chassés définitivement.
LA GUERRE DANS LES AIRS
Avion allemand sur Ecouen
Un avion allemand du genre Aviatik est ve-
nu samedi jusqu'au dessus d'Ecouen. Il a été
chassé par les avions du camp retranché de
Des bombes à Châlons
Dans la matinée de samedi un avion ennemi
a survolé la partie nord de Châlons-sur-Marna
et a lancé cinq bombes, qui sont toutes tombées
dans des terrains inhabités. Quelques vitres
brisées à l'asile d'aliénés, par suite du déplace-
ment d'air produit par une explosion, et c'est
tout.
Paris a fêté, cette année, Jeanne d'Arc avec!
tout autant de ferveur, mais avec moins d'éclat
extérieur que les années précédentes il conve-
nait, en effet, de l'avis même du cardinal arche-
vêque de Paris, de se garder de toute manifes-
tation joyeuse en cette période de lutte et de
souffrance, et de .réserver pavoisement et illu-
minations pour la victoire prochaine et aussi
pour les fêtes de l'an qui vient, qui seront les
fêtes du triomphe.
Paris, qui n'a pu arborer des drapeaux peur
Jeanne d'Arc, s'est dédommagé en lui appor-
tant une innombrable moisson de fleurs.
Les manifestations qui ont eu lieu aux sta-
tues de la bonne Lorraine en particulier
celle de la colonie anglaise et les cérémonies
de Notre-Dame n'en ont pas moins été fort
belles et ont continué dignement la tradition
du culte des Français et des autres peuples
pour Jeanne d'Arc.
Place des Pyramides
C'est la statue de la place des Pyramides qui
a été, cette année, le but principal des homma-
ges à l'héroïne. Les manifestations de la Li-
gue des Patriotes et de la colonie anglaise, sur-
tout, étaient attendues avec la plus sympathi-
que curiosité. Dès neuf heures, la foule afflue,
sur la petite place et dans les rues avoisinan-
tes. Il faut organiser bientôt un service d'ordre
important que dirige le préfet de police lui-mê-
me, M. Laurent. Des membres de la Ligue
d'Action française ont placé artistement tout
autour du monument des drapeaux tricolores
et déposé tout le long de la grille des traverses
destinées à recevoir les bouquest et les couron-
nes.
Gerbes et couronnes affluent bientôt. ,Ce sont,
successivement, une couronne et une gerbe
d'oeil.lets et de lilas blancs, cravatés d'un ruban
sur lequel on lit A Jeanne d'Arc, hommage
de Reims, ville martyre » puis de superbes
couronnes offertes par l'Action française, le
groupe de l'Action franco-belge, l'Institut catho-
lique, etc. Parmi la moisson fleurie qui s'en-
tasse aux pieds de la bonne Lorraine, notons
la gerbe apportée par un groupe de jeunes sol-
dats « à la mémoire des soldats morts pour la
patrie » celle déposée par une délégation de
jeunes filles, élèves de l'Ecole des beaux-arts
les fleurs apportées par le collège Stanislas,
l'école Fontanes, les employés de la Samari-
taine, etc.
HOMMAGE DE LA COLONIE BRITANNIQUE
A dix heures, arrive la délégation impatiem-
ment attendue de la colonie britannique de
Paris. La foule qui s'écrase aux alentours ac-
clame longuement nos alliés qui viennent mon-
trer, en s'inclinant aussi aux pieds de l'héroïne
lorraine, la fraternité complète qui règne main-
tenant entre les deux grands peuples jadis ri-
vaux.
Un ambulancier, en uniforme kaki, porte
une grande croix de Lorraine en fleurs blan-
ches, décorée de petits drapeaux anglais et d'uh
large ruban blanc et bleu, avec cette inscrip-
tion a A Jeanne d'Arc, quelques membres de
la colonie britannique, en témoignage d'affec-
tueuse amitié.
De nombreux membres de la colonie suivent,
parmi lesquels le Révérend A. S. V. Blunt,
pasteur de l'église anglaise de la rue d'Agues-
seau, président du comité de la colonie britan- >
nique de Paris NI. Hanning, ancien président
de la chambre britannique l'honorable M.
Philipp Roy, commissaire général du Canada
en France M. P G. Dastons, vice-président de
la chambre de commerce britannique, section
canadienne le docteur Robinson,' directeur de
la Croix-Rouge britannique, etc.
M. Pilter dépose, aux applaudissements de
la foule, la couronne aux pieds de la statue,
puis le Révérend Blunt prononce l'allocution
suivante
Nous venons comme membres de la colonie bri-
tannique de Paris déposer quelques fleurs au pied
de la statue de Jeanne d'Arc, la courageuse guer-
rière do France.
Nous reconnaissons que son esprit de sacrifice,
de patriotisme, de bravoure et de sublime dévoue-
ment anime l'armée française d'aujourd'hui, et
nous sommes convaincus que cet esprit la con-
duira à la victoire.
C'est avec un sentiment de joie profonde que
nous contemplons la Franche et l'Angleterre, nos
deux chers pays, unis étroitement pour la défense
sa.crée de la liberté et de la justice. C'est ce
qu'éprouvent tous les sujets britanniques, c'est ce
que nous éprouvons, nous qui jouissons de l'hos*
pitalité de cette magnifique ville de Paris.
Nous sommes fiers de déposer aujourd'hui, de-
vant cette statue, une croix de Lorraine, patrie de
Jeanne d'Arc, de cette Lorraine qui redeviendra
bientôt de la France une partie intégrale.
Vive la Franche Vivent les alliés Et que Dieu
nous donne la victoire
La foule répond à ce cri par une longue ova-i
tion et les cris de « Vive l'Angleterre 1 »
Ajoutons qu'à l'issue de la manifestations, la
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