Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-10-18
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 octobre 1913 18 octobre 1913
Description : 1913/10/18 (Numéro 13153). 1913/10/18 (Numéro 13153).
Description : Note : supplément littéraire pages 3 et 4. Note : supplément littéraire pages 3 et 4.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k535949p
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/04/2008
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TARIS ET DÉPARTEMENTS TUS CENTIMES
V
SAMEDI 18 OCTOBRE 1913
ARTHUR MEYER
Dirtcttur
RÉDACTION
SI QUJ.TRI DURES DU SOIR A UNS HSUKI DU 1UTIM
2, rue Drouot, 2
(la`11 du boulevard* Montmartre et du Itallou)
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LE LUS GRAND XÇimWAL, DIT MATIN
THUR JffliYER
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(Asti* d«* boulevard. Xontmartrt et des ItUi«aj)
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MM. ZiA.eRAJSTSXa, dBB.9*< Jk CT«
S, HJ.GB »1 LA. BOOMS, S
Xi r«rfminw
Les mtnuicrlti ai» sont pis reaâni
Aujourd'hui
le « Gaulois littéraire »
auX 3e ef 4e pages
« La Patrie guerrière
M. Louis Sonolet a cousu d'un fil pieux les
articles que Henry Houssaye a jetés dans le
vent de la presse. Et c'est une pensée heureuse
d'avoir réuni en un volume, dont le titre est
un drapeau, ces pages superbes, essaimées de
ee cœur de patriote et de soldat, afin qu'elles
puissent perpétuer l'émotion salutaire, faite
par l'aile trop rapide de leur première envolée.
M. Louis Sonolet a donné au livre une intro-
duction substantielle et colorée, où revit sous
les traits d'un pinceau respectueux la belle
figure de. soldat d'Henry Houssaye.
Oui, soldat Il semble que toute sa vie il ait
eu le regret de ne l'être pas resté.
Il ne l'a pas été, au sens rigoureux du mot,
par la servitude d'une carrière vécue sous'
l'épaulette. Il l'a été par son culte de l'armée,
hérité de son atavisme, par la passion de son
intelligence, tout éprise des choses de la
guerre, par l'étude approfondie des campa-
gnes dont il parle comme un grand chef, par
l'ardeur guerrière de son âme qui semblait
,vêtue d'un étendard tricolore.
Le chapitre « Napoléon homme de guerre »
présente, en un raccourci magnifique, toutes
les guerres de la glorieuse épopée, et aussi une
maîtresse analyse de l'art du grand capitaine.
Cette analyse semble pensée par le meilleur de
nos généraux. Et si elle avait évoqué la vision
de la Surprise, de l'idée souveraine, qui résu-
me non seulement tout Napoléon, mais toute la
guerre, elle serait un chef-d'œuvre définitif.
Mais ce sont surtout les deux derniers chapi-
tres du livre qui aujourd'hui ont particulière-
ment retenu mon attention, celui des « ques-
tions militaires » et celui de « l'armée et la
patrie ». Ils prennent sous la lumière tragique
qui éclaire les événements douloureux de
l'heure présente, un relief impressionnant
certaines phrases y vibrent avec l'accent d'une
prophétie, dont la réalité plus cruelle a dépassé
la vision
a En résumé, l'adoption du service de deux
ans aura comme effet probable le déficit de
l'effectif et comme conséquences certaines la
décadence de la cavalerie et de l'artillerie à
cheval, la diminution de la valeur de l'infante-
rie, l'abaissement de l'instruction technique,
l'affaiblissement de l'esprit militaire, et, en
raison des indemnités aux soutiens réels de
famille et des primes et des hautes payes de
rengagement, un excédent de dépenses annuel-
v les de 50 à 80 millions. »
Les dépenses ont été amplifiées de beaucoup,
moins encore peut-être que les lamentables,
résultats annoncés. Cette calamité, le geste du
général Hagron la voulait conjurer par un sa-
crifice, qui n'a pas suffi à arrêter la fureur des
antipatriotes du gouvernement.
Dans la page « contré l'antimilitarisme »,
Henry Houssaye cite les criminelles paroles,
prononcées à un congrès de la paix, à Lau-
sanne, par un ancien directeur au ministère de
l'instruction publique
« Il faut que la mère de famille inculque de
bonne heure à l'enfant cette idée qu'un sabre,
un fusil, un canon sont des instruments que
nous devons regarder du même œil que nous
considérons, au château de Chillon, les instru-
mentis de torture employés il y a quelques siè-
cles. Et quand on ne verra plus des milliers de
badauds assister aux revues militaires, quand,
au lieu de l'admiration du titre et de l'épau-
lette, vous aurez habitué l'enfant à se dire un
uniforme est une livrée et toute livrée est igno-
minieuse, celle du prêtre et celle du soldat,
elle du magistrat et celle du laquais, alors
vous aurez fait faire un pas à l'opinion. »
Comment s'étonner que les instituteurs de
nos écoles soient antimilitaristes, lorsque « le
point de direction » leur est donné par leur chef
suprême pour mener les enfants de la France
à l'assaut de tout ce qui est la patrie. Aussi long-
temps que l'esprit laïque, c'est-à-dire franc-ma-
çon, prévaudra contre le salut du pays, aucun
espoir ne nous sera permis de voir cesser l'abo-
minable éducation qui pourrit le cœur de nos
enfants et leur souffle la haine des grandeurs
morales et des respects, qui seuls peuvent faire
à la jeunesse une âme trempée de sacrifice et
un cœur résolu.
La récolte de mort est maintenant mûre. Les
manifestations antimilitaristes qui ont éclaté,
surtout en nos garnisons frontières, en sont les
fruits empoisonnés.
Vous avez voulu que l'armée fût militaire le
moins possible et le soldat un citoyen conscient.
Vous l'avez fait plus citoyen que soldat. Faut-il
vous étonner que, devant l'épreuve, il oublie
qu'il est soldat, pour se souvenir seulement
qu'il est citoyen ?.
Vous avez .voulu le tiromphe de l'esprit civil
sur l'armée. Votre œuvre est faite.
N'est-il pas plaisant que M. Clemenceau, ce-
lui-là même qui, aujourd'hui, fait passer sur
sa culotte le rouge de sa carmagnole, ait mar-
qué l'apogée de ce triomphe par une loi illégale,
contraire à la charte de l'armée, en faisant d'un
lieutenant-colonel réformé un général et de ce
général son ministre de la guerre.
Ces manifestations antimilitaristes ont été
moins des rébellions absolues que des manœu-
vres politiques inspirées par les criminels de
cet état-major de l'anarchie qui travaille pour
l'étranger contre la France, comme aux mau-
vais jours de l'affaire Dreyfus. N'y a-t-il donc
plus de lois chez nous, pour punir les crimes
contre la patrie, et n'en trouve-t-on que pour
persécuter les moines et les Sœurs de charité,
les êtres de dévouement et de prière ?
Que l'usine de l'antipatriotisme soit fermée
et ses chefs arrêtés et ce mouvement artificiel
de manifestations sacrilèges sera enrayé. Ce-
pendant, si criminellement machiné qu'il ait
été, il n'aurait pas pu se produire, si la disci-
pline n'avait pas été atteinte par le développe-
ment systématique du plan qui a voulu démili-
tariser l'armée, c'est-à-dire la détruire, plan
dont les moyens ont été la faveur politique, la
délation, l'oppression des caractères, et les ré-
suatats la peur de la responsabilité et la capi-
tulation devant l'autorité civile, souveraine.
On a voulu asservir l'armée, au lieu de la
laisser servir. Alors la confiance, du bas en haut
de la hiérarchie, a disparu en des chefs
humiliés et timorés, et, avec elle, s'est relâché
un des liens essentiels de la discipline.
La tristesse de ces réflexions inclinait déjà
mon esprit à vouloir relire Servitude et gran-
deur militaires, lorsque quelques citations
heureuses m'y ont amené. Je venais de les
trouver dans les jolies conversations de bivouac
recueillies Sur la Lande, par M. Ludovic-de
Guillebon, et à travers lesquelles vibre l'âme
de Vigny.
Servitude et grandeur mailitai.res Vigny a
écrit servitude d'abord, pour marquer que la
grandeur de l'âme est dans la servitude, dans
le service pour l'idée, idée de Dieu, ou idée de
la patrie, ou idée de l'honneur.
Admirable livre, d'où se dégage une force
d'expression saisissante, livre d'un poète, d'uw
penseur et d'un peintre aussi, qui s'étaient
trempés dans la grandeur de la servitude du
soldat, poète qui après quatorze ans d'attente
S'était évadé de son inaction de soldat pour
vivre sôn rêve de poète. Mais il est certaines
grandeurs morales qui ne peuvent s'écrire
qu'avec la pointe d'une épée. Et Vigny n'au-
rait pas pu trouver de pareils accents s'il ne les
avait cherchés dans un cœur de soldat. Il était
à 1 avant-garde des écrivains militaires et sous
la grandeur et la servitude il sentait frémir l'in-
quiétude de l'obéissance aveugle et passive.
N'est-elle pas prophétique aussi cette phrase
écrite après la lugubre histoire de Laurette,
après le geste d'obéissance inconsciente et aveu-
gle du commandant du Marat. Elle est le com-
mentaire plein de sagesse de cette obéis-
sance qui avait fait un bourreau d'un admira-
ble soldat, obéissance devant laquelle s'était
magnifiquement dressé contre son Roi l'hon-
neur du vicomte d'Orte, gouverneur de Dax
« Il est à souhaiter aussi que des limites im-
muables soient posées une fois pour toujours
à ces ordres absolus donnés aux armées par le
souverain Pouvoir, si souvent tombé en indignes
mains, en notre histoire. Qu'il ne soit jamais
possible à quelques aventuriers parvenus à la
dictature de transformer en assassins quatre
cent mille hommes d'honneur par une loi d'un
jour comme leur règne. »
Ces douloureuses anxiétés sur le devoir, nous
les avons vécues aux heures cruelles des inven-
taires. Et combien de carrières se sont brisées
pour à la fois ne pas violer la loi de Dieujt ne
point désobéir à la loi de César, du César ivre
de persécution.
Heureux le chef dont le cœur n'est point te-
naille entre cette opposition des devoirs, où celui
envers Dieu commande cependant tous les au-
tres, le chef qui n'a qu'à obéir à la voix impé-
rieuse de l'honneur.
Et c'est ainsi que le livre de Visrny me ramène
•a celui de Soldat. Il prend une saisissante
réalité à l'heure présente. D'ailleurs l'épisode
final'du livre ne vient-il pas de revivre, sous
la force des circonstances, dans le geste de ce
chef de bataillon qui, un fusil à la main, a
sauvé l'honneur de son régiment ? Je n'ai pas
oublié le. nom de ce chef de bataillon qui sur
1 heure aurait dû être nommé lieutenant-colo-
nel mais je veux l'honorer en le laissant
sous le voile d'un silence respectueux. Je sais
aussi très bien quel est l'officier supérieur de
cavalerie qui respire dans la poitrine du com-
mandant Defert, qui a incarné son personnage,
dont les idées parlent dans le livre, dont l'âme
de soldat écjate magnifiquement à travers
la tristesse d'une ambiance empoisonnée, et qui
a inspiré les pages finales, écrites sous son
snnfflp
Ces pages devraient être lues à l'heure pré-
sente par tous les officiers et entrer dans un
catéchisme de l'épaulette.
C'est dans une petite garnison du Nord, au
moment des grèves. Les deux escadrons du
commandant Defert s'y trouvent avec deux ré-
giments d'infanterie. L'un de ceux-ci, le 217e
est en rébellion il s'est enfermé dans sa ca-
serne, ses officiers chassés, ses sous-officiers
emprisonnés. Il veut sortir avec ses armes, pac-
tiser avec l'émeute et marcher sur Cambrai.
Un pont sur la Lys commande la route. de
Cambrai la garde en est confiée aux dragons
de Defert. Une sentinelle est à l'entrée du pont,
seule, en avant des dragons placés sur l'autre
rive, l'arme au pied.
Cette sentinelle, c'est Defert lui-même le
commandant.
Le moment tragique approche. Le 217l, com-
posé d'enfants du pays, est sorti de sa caserne
et roule vers le pont, poussé par les flots de
la. foule en délire, écumante. Un étonnement
arrête un instant cette multitude qui hurle et
sur laquelle t agite comme une torche » un
drapeau rouge.
Les paroles d'énergie de Defert ne réussis-
sent pas à refouler l'émeute. Il a beau crier
impérieusement son ordre la houle aveugle le
menace. Un soldat bouscule d'un coup de poing
le commandant qui chancelle.
Defert lève son revolver.
Le soldat, foudroyé, tombe à l'entrée du pont.
La stupeur saisit et arrête la colonne le silence
de la mort accable la foule.
Alors, la discipline, victorieuse, commande
par la bouche de Defert
« Garde à vous Les caporaux, reformez vos
escouades, ramenez vos hommes à la caserne. »
Et la discipline est obéie.
Voilà le geste de salut. Voici son commentaire
dans la bouche de Defert
Mon général, vous vous êtes mépris sur
mes intentions. Ce n'est pas à des promesses
que je comptais il allait, dire m'abaisser
que je comptais recourir. Faire des promesses
et les tenir, serait la mort de la discipline, ne
pas les tenir, serait infamant et ruinerait la con-
fiance, que nos hommes doivent avoir en nous.
» Alors ?
e L'état de siège est déclaré, mon géné-
ral. Ce n'est plus l'autorité civile qui est juge
de l'emploi de la force armée, mais vous. Or-
donnez-moi d'empêcher qu'on franchisse le
pont. Alcrs, ce pont sera un poste la sentinelle
qui en aura la garde recevra une consigne et
l'exécutera, ce que n'a pas fait la sentinelle qui
se trouvait à la porte de la poudrière du 217e.
En face de rebelles armés violant sa consigne,
elle devait tirer.
» Le général eut un geste évasif
» On n'exige pas des soldats l'impossible.
» Ce. qui est impossible pour des soldats,
ne l'est pas pour les chefs. Il y a des circonstan-
ces où la consigne est trop lourde pour les épau-
les d'un simple soldat, où le devoir dépasse sa
taille. C'est au chef à se substituer à l'homme. »
Oui, au chef.
Mais pour trouver des chefs, il faut en culti-
ver l'espèce il faut, par tous les moyens, en
grandir la responsabilité, en honorer la fonc-
tion, et ne pas permettre à la salive du moins
français des parlementaires d'humilier le plus
haut d'entre eux. Il y va de la discipline, de
1 honneur, du salut de l'armée, de celui du
pays.
Général Cherfils
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
LA GRANDE MUETTE
Au temps où le colonel Faurie dirigeait le
2° bureau d'état-major, sous les ordres du gé-
néral Percin, poste auquel l'avait appelé le gé-
néral André, huit jours après son entrée au
ministère, il était entendu que l'armée devait
être « la grande muette ». C'était le mot d'ordre
contre lequel nul ne protestait.
Ceci se passait de 1900 à 1903.
Cependant, le ministre de la guerre frappait
à tort et à travers les plus dignes et les mieux
notés le général Tournier, après l'affaire du
bottier de Clermont-Ferrand le général Geslin
de Bourgogne, les colonels Bougon et de
Saxcé le général Roget, qui dût quitter l'ar-
mée sans avoir obtenu les trois étoiles aux-
quelles il avait droit. Celui-ci, cependant, avait
montré, lors de l'affaire de Reuilly, une correc-
tion dont le général Faurie eût dû s'inspirer.
Ces officiers se sont inclinés sans se plaindre
devant les odieuses mesures dont ils étaient
victimes ils n'ont pas écrit au ministre des
lettres injurieuses, ont subi passivement, dans
l'intérêt de la discipline, le sort qui leur était
fait.
Le général André, ceux qui l'entouraient ou
le conseillaient ont pu triompher à leur aise,
sans qu'une voix autorisée se fît entendre pour
leur. reprocher un abus d'autorité dont. ils ti-
raient vanité.
Hissé au pouvoir par une eamarilla maifai-
santé, le général André a pu s'y maintenir
assez longtemps pour désorganiser l'armée' de
l'Est, que ses prédécesseurs avaient eu quelque
peine à constituer.
Simultanément, les généraux que l'on juge
actuellement incapables, tout au moins insuffi-
sants, obtenaient de très rapides on dit
même de trop rapides avancements.
Devaient-ils cette faveur singulière à leurs
mérites ou simplement à leurs opinions ?
C'est une question que notre incompétence
ne nous permet pas de trancher, et précisément
parce que nous sommes incompétents, nous
nous inclinons devant les décisions de ceux qui
ont la charge de diriger nos affaires militaires.
Nous n'avons pas à juger le général Faurie,
mais nous le plaignons d'avoir été défendu
par l'Humanité et aussi d'avoir rencontré un
avocat dans le général Percin, qui s'illustra
comme chacun sait, dans l'abominable campa-
gne des fiches maçonniques.
Nous voulons croire, pour l'honneur du gé-
néral Faurie, qu'il n'a pas sollicité ce patro-
nage et surtout qu'il ne l'a pas obtenu en s'as-
sociant à des actes qui méritèrent au général
Percin la faveur de son ministre et l'indigna-
tion des autres. L. DESMOULuNS.
ÉCHOS DE_PARTOUT
Fort suggestive et en même temps consolante
la lecture dU'dernier bulletin de la Société ceri-
.traie de sauvetage des naufragés dont la publi-
cation coïncide douloureusement avec la ca-
tastrophe du Volturno.
En le court espace de trois mois, les canots
de sauvetage de la Société, montés par des
marins braves et expérimentés, n'ont pas
sauvé moins de 58 existences humaines et se-
couru 112 navires en perdition. Ce n'est pas
tout. A l'aide des canons porte-amarre et au-
tres engins, les vaillants sauveteurs ont arra-
ché 152 personnes à la mort. Au total, 208 exis-
tences sauvées.
Si l'on fait la récapitulation des actes de
sauvetage accomplis par la Société depuis sa
fondation, c'est-à-dire depuis vingt-trois ans,
on arrive au chiffre de 16,401 personnes sau-
vées et 1,570 navires sauvés ou secourus.
Quel document plus éloquent que celui-là et
combien il en dit long sur l'héroïsme de nos
humbles marins de l'Océan et de la Méditer-
ranée
Au moment où le canal de Panama vient de
réunir deux océans, la pensée universelle est
allée en hommage à Ferdinand de Lesseps, l'ini-
tiateur de l'œuvre colossale.
Ce très beau sonnet de M. Stéphen Liégeard,
l'émineut poète, écrit le jour de la mort du
Grand Français, contenait une prophétie qui
s est réalisée
A FERDINAND DE LESSEPS
Sur ton front, ô Lesseps, où Dieu mit le génie,
La Mort vient, à son tour, poser son doigt glacé;
Elle descend du ciel, messagère bénie,
Pour te bercer, lutteur que la vie a lassé.
Dors donc ton long sommeil, car la tâche est finie;
Lœu^re. était d'un Titan et la foudre a passé!
Aigle meurtri, ton sang noiera la calomnie,
L immortel avenir vengera le passe..
Ils "ont écrit, honteux, leur arrêt sur le sable.
Toi, ta gloire au granit se grave, impérissable-
Le Sphinx à tous les temps redira ton succès,
Et Karnak aura vu crc.jcr ses hautes salles,
Quand par-dessus les tiots des deux mers, tes vassales,
Planera triomphant le nom du « Grand Français
Stéphen Liégeard. 1
Académie des inscriptions et belles-lettres. 1
Il résulte d'une lettre du commandant Tilho,
datée de Mao (Tchad), le 25 avril 1913, que cet
explorateur a pu visiter un certain nombre de
points intéressants qui jalonnent le sillon de
Bar-el-Ghazal, vers le Nord-Est.
Outre des levers topographiques, le comman-
dant a fait d'intéressantes découvertes une tête
d'éléphant enfouie dans le sable, avec ses dé-
fenses et un certain nombre de dents des po-
teries, des armes et des vestiges, en un mot,
qui prouvent que ces régions aujourd'hui en-
vahies par les sables ont été le centre d'une po-
pulation intense.
Qui donc prétendait que Tartarin était mort?
Mais il n'y a pas un déplacement de chasse où
nous ne voyons revivre cet hommme exquis
La chasse aux casquettes, dont les environs
de Tarascon offrent chaque semaine un spec-
tacle sensationnel, est-elle vraiment une prépa-
ration suffisante à la vraie chasse ?
Oui prétend-on à Marseille.
Non affirment les gens du Nord, ceux de
Nîmes, par exemple.
Le plus aimable des chasseurs de casquette!;
avait été convié à de belles chasses en Bour-
bonnais.
Les lièvres, comprenez-vous, moi je ne le,;
tire qu'à balles ne cessait-il de dire.
Nous allons voir cela, dit le chatelain.
Et on sortit.
Le chien tombe en arrêt devant un admi-
rable lièvre, immobile au milieu des feuilles
sèches. On était à trois mètres. L'intrépide
chasseur épaule, tire, et manque, ni plus ni
moins qu'un membre de la Société protectrice
des animaux.
Le lièvre éternue. et se retire avec dignité
Je vais vous dire, murmure notre ami, je
l'ai manqué parce qu'il était trop près.
On a lancé hier, à Portsmouth, un nouveau
cuirassé Queen-Elisabeth, de 27,200 tonnes.
La principale caractéristique de ce nouveau
type de bâtiment est qu'il brûlera exclusive-
ment du pétrole. C'est la première fois qu'en
Europe on adopte la chauffe au pétrole pour
les cuirassés. Cette combinaison, par suite de
l'économie de poids réalisée, a permis de don-
ner aux bâtiments de la classe Queen-Elisabeth
une vitesse de croiseurs de bataille tout en leur
laissant une cuirasse et des canons de cuiras-
sés. Mais si au point de vue théorique la
chauffe au pétrole a d'immenses avantages, au
point de vue pratique ces avantages sont plus
douteux, tant que la question de l'approvision-
nement ne sera pas définitivement réglée.
L'amirauté fait actuellement construire plu-
sieurs citernes à pétrole et elle prend dès main-
tenant ses dispositions pour exploiter des puits
et raffiner elle-même son pétrole. Mais avant
que cette nouvelle industrie soit complètement
organisée, il faudra sans doute attendre quel,
ques années. Aussi, malgré tous les avantages
du pétrole, a-t-on décidé de revenir pour les
bâtiments du programme 1913-1914 à la chauffe
au charbon ou plus exactement, comme pour
tous les cuirassés actuellement en service, à la
chauffe mixte.
Comme on le voit, cette question, qui est si
importante pour toutes les marines du monde,
n'est pas encore tranchée «
Proverbes espagnols.
L'Espagne est de toute actualité. Et puis-
que l'on prétend que les mœurs d'une nation se
traduisent souvent par ses proverbes et ses
axiomes populaires, glanons-en quelques-uns
dans la patrie du Cid
Les larmes des femmes valent beaucoup et ne
leur coûtent guère.
On ne peut dorer le soleil ni argenter la lune.
La vérité est comme l'huile, toujours elle monte
en haut.
Quand le malheur dort, crains de l'éveiller.
Si je te prends, je te jetterai si' hàut que tu
mourras avant de retomber.
Marie ton fils quand tu voudras et ta fille quand
tu pourras.
Fais pour le moment l'homme colère, et pour
toujours l'homme dissimulé..
L'homme est le feu, la femme l'étoupe et le" d'ia-
ble le vent qui souffle.
Garde-toi de l'ami réconcilié comme de l'air qui
vient d'un trou.
Qui veut être longtemps vieux doit l'être de.
bonne heure.
On a beau se lever matin, le jour n'en vient pas
plus tôt.
Le renard sait beaucoup, mais une femme amou-.
reuse en sait bien davantage.
Qui se fait du miel, les mouches le mangent.
Où est Madrid, le monde finit.
Arrêtons-nous.
Du Ruy Blas
« A la table de Guillaume II, les plats aiment
à être mangés tièdes. C'est que, pour parvenir
à destination, ils passent par plusieurs mains.
Le chef de cuisine les remet à un fonctionnaire
spécial, qui les passe à un collègue, lequel les
confie à un valet de pied çui les donne à un
page. Enfin, les plats sont en possession du sé-
néchal, qui a l'honneur de les placer sur la
table.
» Autre coutume les poches des pages doi-
vent être. doublées de fer. L'origine de cette
règle remonte à Frédéric III. Pendant le dîner,
ce souverain aimait à donner de bons mor-
ceaux à ses pages, qui devaient les empocher
pour les manger à la fin du service. Le monar-'
que s'amusait à des farces puériles et riait beau-
coup en forçant les pages à verser de la crème
dans leurs poches.
Avant que les agrandissements de la gare de
l'Est fassent mettre à néant quelques souvenirs
du passé, épinglons la glane de nos recherches
vers ce qui ne sera plus demain.
Marie de Médicis, en 1604, posa la première
pierre des Récollets, au coin du faubourg Saint-
Martien. Ils furent transformés en hônital pour
les incurables, puis, sous Napoléon III, ils de-
vinrent hôpital militaire.
Va être également démolie, la maison du
conventionnel Cavaignac, ainsi que la maison-
nette avec un jardinet où vécut et mourut Mon-
signy, le plus chantant de nos compositeurs.
Déjà le faubourg Saint-Martin avait perdu
ses trente colonnes et ses coquettes fontaines
de M. de Rambuteau. Pour rendre hommage
à ce bienfaisant préfet, on chantait, .sur
l'air Ah le bel oiseau, maman
Viv' le comt' de Rambuteau!
Pour les born's et les fontaines,
Viv' le comt' de Rambuteau!
Grâce à. lui, nous avons d' l'eau.
Nouveautés d'Hiver.
Après-demain lundi s'ouvre aux Grands
Magasins du « Printemps l'Exposition an-
nuelle des Nouveautés d'Hiver. Nos lectrices y
trouveront, à des prix d'un bon marché excep-
tionnel, les modèles les plus nouveaux en
robes, manteaux, fourrures, modes, etc.
Cette grande mise en vente des Nouveautés
d'Hiver, qui sera la véritable Exposition d'en-
trée de saison, se complétera d'incomparables
occasions en Tapis d'Orient, Gants, Bas de
soie, Parfumerie.
Avec la rentrée à Paris, se présente le pro-
blème de la réinstallation du « home » en vue
de la saison hivernale. C'est alors, plus qu'à
tout-autre moment, que s'impose une visite chez
Perret- Vibert, 33, rue du Quatre-Sepbmbre, où
se trouve réuni le plus grand choix de meubles
et objets d'art anciens et modernes de la Chine
et du Japon, tels que riches paravents et dessus
de piano brodés, porcelaines, bronzes, cloison-
nés, ivoires, etc. Grande succursale 170, bou-
levard Haùssmann.
-̃;> A TRA VERS LES REVUES
Au moment où le président de la république
va visiter le Collège d'athlètes, tout le monde
voudra lire l'article que les Leclures pour Tous
du 15 octobre consacrent à l'oeuvre du lieute-
nant Hébert. Dans ce numéro d'actualité,
« l'Interview du Roi de Grèce » commentée par
toute la presse « la Télégraphie sans fil », qui
vient de sauver 400 passagers du Volturno
« les Grandes routes aériennes l'Affaire du
Collier », tout ce qui se uasse et se dit. Au
même sommaire, Gyp, R. de Flers, Louis Ber-
trand, et ce régal pour les amateurs de théâtre
Madame Sans-Gêne racontée par Réjane.
NOUVELLES A LA MAIN
Nos marins.
Le navire roule affreusement. La mer est dé-
montée. tout espoir semble perdu.
Comment fait un passager à un vieux
matelot qui mange tranquillement un morceau
de pain.
Dame, répond le marin, il est toujours
bon de casser une croûte avant de boire un
coup.
Le Geste
du Kronprinz
C'est décidément une bien curieuse affaire
que cet incident qui vient d'éclater à la Cour
de Prusse à propos des droits du Prince Ernest-
Auguste sur la couronne de Hanovre. En réa-
lité si l'on en juge d'après les nouvelles in-
formations de Berlin la question du Hanovre
n'était pas en cause. En entrant dans la famille
de Hohenzollern et en acceptant un grade dans
l'armée prussienne, le prince de Cumberland,
duc de Brunswick, avait implicitement renoncé
à ses prétentions au trône hanovrien. Il eût été
»sans doute plus régulier que le Prince fît à ce
sujet une déclaration solennelle, mais il en eût
coûté à sa dignité. Aussi bien l'empereur Guil-
laume, qui, il est vrai, d'habitude ne transige
pas en ses matières et ne se soucie guère de
ménager les amours-propres individuels, a-t-il,
je m'imagine, consenti à fléchir sur ses prin-
cipes pour ne point troubler le bonheur de sa
fille chérie, la princesse Victoria-Louise, et la
sérénité de l'idylle qu'il avait favorisée.
Tout semblait donc arrangé pour le mieux
lorsque le Kronprinz s'avise de détruire d'un
geste brutal la solution très diplomatique que
la tendre ingéniosité de sa sœur, avec la com-
plicité de la bienveillance paternelle, avait si
habilement su trouver et imposer.
Prenant prétexte de ce que le prince Ernest-
Auguste est à la veille de s'installer officielle-
:'ment dans son duché de Brunswick, il déclare
à grande fracas que son beau-frère ne doit pas
être autorisé à régner sur le Brunswick, tant
qu'il n'aura pas « clairement et catégorique-
ment «renoncé à ses droits sur le Hanovre.
D'où vient cette sortie ? Faut-il l'attribuer à
des-rancunes personnelles ? Il est plus probable
qu'il convient d'en chercher la cause dans
l'empressement avec lequel le Kronprinz saisit
toutes les occasions de se poser en protecteur et
défenseur du nationalisme prussien, c'est-à-dire
de cet esprit étroit et sectaire, qui entend capo-
raliser l'Allemagne sous la domination prus-
sienne et soumettre l'Europe à l'hégémonie
allemande.
L'empereur Guillaume n'a point, on le sait,
échappé parfois à son influence néfaste; bien
qu'il ait l'intelligence trop ouverte pour n'y être
point personnellement hostile. Mais tant il est
vrai que les princes héritiers se mettent volon-
tiers en contradiction avec les souverains ré-
gnants, le Kronprinz a estimé qu'il n'était
point de meilleur terrain oup. ee)uj-ià. -pour r
Un Domino
jusque-là que dans les mess d'officiers et les
réunions d'étudiants.
Il n'est donc pas surprenant que dans l'af-
faire actuelle il ait pour l'approuver et le sou-
tenir la presse et l'opinion pangermanistes,
qui estiment qu'il faut à la Prusse hautaine et
triomphante la soumission éclatante de la
famille de Cumberland.
La situation faite, par l'incartade du Kron-
prinz, à l'Empereur est sans doute fort embar-
rassante officiellement il sera vraisemblable-
ment obligé de donner raison à son fils, afin de
ne point paraître moins Prussien que les.
Prussiens je m'imagine, néanmoins, qu'il ne
lui pardonnera pas facilement d'avoir assom-
bri la félicité conjugale de la princesse Victo-
ria-Louise, il ne lui pardonnera pas davantage
de dresser à tout propos sa personnalité inquié-
tante en face de l'autorité impériale.
René d'Aral
Bloc- Notes Parisien
Les Princes héritiers turbulents
Une vieille fradifion
qui ressuscife en Allemagne
On a vu par les dépêches d'hier que. pour la seconde
fois, le Kronprinz d'Allemagne s'est mêlé de faire de la
politique et de la faire bruyamment à l'encontre des in-
tentions de son père et du chancelier. S'il s'était borné
à écrire une lettre privée, on aurait pu l'excuser; cha-
cun est libre de ses sentiments, même un Prince héri-
tier. Le fait seul de la publicité de cette lettre constitue
une sorte de révolte contre l'autorité du père et du sou-
verain.
Et pourquoi cette révolte? Parce que le beau-frère du
Kronprinz, le fils du Duc de Cumberland, va recevoir
la couronne ducale du Brunswick, qui lui appartient légi-
timement, sans avoir au préalable formellement renoncé
au Hanovre, confisqué par la Prusse en 1866 en haine
des Guelfes, dont la gloire à travers l'histoire obscurcis-
sait celle plus récente des Hohenzollern.
Or, il est de toute évidence que les droits sur le Ha-
novre appartiennent au Duc de Cumberland, qui a juré
de ne jamais y renoncer, et non à son fils, qui ne pour-
rait y renoncer qu'éventuellement et qui a d'ailleurs so-
lennellement promis de ne jamais rien entreprendre con-
tre la Constitution allemande. Il peut même lui jurer
fidélité, comme Duc de Brunswick, puisque ce serment
avait été prêté par le dernier Duc mort en 1884, dernier
survivant mâle de la branche ainée des Guelfes.
La démarche du Kronprinz ne s'explique guère que
par un excès de chauvinisme, dont il a déjà donné des
preuves, et par le désir de se rendre populaire parmi les
pangermanistes, alors que son père, Guillaume II, semble
devoir vivre et régner encore plusieurs lustres.
Depuis longtemps on ignorait ce genre de Prince héri-
tier. Sans doute le Prince Victor-Napoléon eut quelques
dissentiments avec son père, mais loin du trône, en
pleine république. On a bien dit sous le règne de
Louis XVIII que ie Comte d'Artois était le chef du parti
des ultras et ne voyait pas d'un bon œil le libéralisme
du Roi, mais ce ne fut jamais une opposition bruyante.
Le Prince Napoléon frondait aussi sous le règne de Na-
.poléon III et se distinguait par ses amitiés anticléricales.
Une seule fois il fit à Ajaccio un discours qui marquait
une certaine opposition au gouvernement, et il s'attira
une vigoureuse réponse de l'Empereur. Le Prince Napo-
léon n'était pas héritier du trône, II ne l'a été qu'avant
la naissance du Prince impérial et après sa mort.
L'Archiduc Rodolphe, qui fut si turbulent et qui mou-
rut si malheureusement et si mystérieusement, fut tou.
jours un fils soumis et respectueux. Jamais il ne s'avisa
de toucher à la politique.
Pendant le long et glorieux règne de la Reine Victoria,
le Prince de Galles, depuis Edouard VII, fut, malgré ses
grandes facultés et son besoin de mouvement, le plus res-
pectueux des fils, et loin de contrecarrer la politique de
son gouvernement, il la servait très habilement, tout en
ayant l'air de ne songer qu'à ses amusements.
Guillaume II, avant la mort de Guillaume I8r, essaya,
dit-on, d'obtenir, à San-Remo, la renonciation ou l'abdi-
cation de son père qui fut Frédéric III, cet autre empe-
reur des cent jours, mais ce fut avec toutes les marques
du respect et de la soumission.
Que dire des Empereurs de Russie? A la mort
d'Alexandre Ier le Grand-Duc Constantin, qui avait fait
un mariage morganatique, renonça à ses droits en faveur
de son frère, Nicolas Il, et apaisa lui-même la révolte
qui se faisait en sa faveur. Alexandre II, Alexandre III,
Nicolas II ont été simplement, jusqu'à leur accession au
trône, les premiers et les plus fidèles sujets de l'Empe-
reur régnant.
Paul Ier lui-même, qui allait être fou, ne se révolta
jamais contre la grande Catherine, qu'il pouvait cepen-
dant accuser du meurtre de son père. Et s'il mourut lui
aussi assassiné, jamais on ne put accuser son fils de
complicité dans ce crime.
Pour trouver un Prince héritier révolté contre son
père il nous faut remonter au dix-huitième siècle, à Fer-
dinand VII d'Espagne, alors qu'il était Prince des Astu-
ries et que régnait Godoy, Prince de la Paix, beaucoup
plus que le Roi. Et c'est contre cette usurpation d'auto-
rité et non contre son père que le fils protestait avec cette
énergie. Nous avons beau chercher dans l'histoire des
Bourbons depuis Henri IV, tant en France qu'en Es-
pagne, à Naples et à Parme, nous ne trouvons pas la
moindre manifestation d'opposition de la part de l'héri-
tier du trône contre le souverain et sa politique.
Il nous faut en France arriver à Louis XI, qui fut le
plus désagréable des fils pour son père Charles VII, et
qui, par ses menées avec les grands feudataires, mérita,
lorsqu'il fut souverain, de voir la Ligue du Bien public
retournée contre lui. Il y a d'ailleurs, avec la différence
des temps et des moyens, une certaine similitude de ca-
ractère entre Louis XI et Ferdinand VII, qui était lui aussi
un vieux renard. Prisonnier à Valençay, il faisait tirer
des feux d'artifice en l'honneur de Napoléon Ier; Roi, il
organisait lui-même des pronunciamientos et laissait con-
damner ceux qui l'avaient servi, quand ils n'avaient pas
réussi.
Louis XII, étant Duc d'Orléans, eut quelque peine à
se soumettre à l'autorité de Louis XI, qui le contraignit à
épouser sa fille, la boiteuse et la sainte, mais il n'était
pas encore Prince héritier, et il fut loyalement attaché à
Charles VIII.
On connaît l'histoire de Philippe II, Roi d'Espagne, et
de son fils don Carlos, qui se révolta contre lui. On dit
qu'une femme en fut cause Anne-Marie d'Autriche,
fille de l'Empereur Maximilien II. Elle avait dix-neuf
ans en 1568 et don Carlos en avait vingt-trois; il l'ai-
mait ils étaient fiancés, quand Philippe II, déjà veuf de
trois femmes, la vit, en fut amoureux, bien qu'elle fût
sa nièce, et déclara à son fils qu'il la prendrait pour lui.
Philippe II, il est vrai, n'avait encore que quarante et
un ans, et de ses quatre femmes, la première, qu'il avait
épousée alors qu'il avait seize ans, n'avait vécu que deux
ans; la seconde, la Reine Marie d'Angleterre, n'avait ja-
mais vu son mari, et la troisième, Elisabeth de France,
fille de Henri II et sœur des derniers Valois, venait dé
mourir.
Don Carlos, arrêté, fut jeté dans une sombre prison,
d'où il ne sortit pas vivant. Le bruit courut qu'il était
mort de maladie, mais personne n'y crut, et Philippe V,
arrivant en Espagne et visitant l'Escurial, se fit ouvrir,
malgré la résistance des moines, gardiens fidèles des
tombes royales, le sarcophage de don Carlos, et, dit
Saint-Simon, il vit la tête placée entre les jambes, ainsi
que cela se fait pour ceux qui ont été décapités. Moins
de deux ans plus tard, Philippe II épousait l'Archidu-
chesse Anne-Marie, qui lui donna Philippe III, mourut
peu après, et Philippe II fut encore veuf pendant dix-huit
ans.
Plus loin dans l'histoire d'Espagne, nous voyons Henri
de Transtamare, fils naturel d'Alphonse XI, se révolter
contre son frère, Pierre le Cruel, le combattre avec
l'aide de Duguesclin et de ses bandes, et finalement le
tuer dans un duel sous la tente, avec Duguesclin comme
seul témoin. Pierre le Cruel n'avait que deux filles natu-
relles qui ne pouvaient pas hériter de la couronne, mais
la bâtardise n'empêcha pas Henri de Transtamare de ré-
gner après son frère.
Plus loin encore, en plein moyen âge, ces révoltes sont
nombreuses ici et là, mais un exemple récent est bon à
rappeler, et le Kronprinz ne l'a certainement pas ou-
blié c'est celui du Prince Georges de Serbie, qui, il
y a peu d'années, lors des difficultés avec l'Autriche,
crut pouvoir, malgré son père et le gouvernement serbe,
ameuter la foule à Belgrade et prononcer de violents dis-
cours contre l'Autriche. Lui aussi était un chauvin. Il
paya cette turbulence du prix de la couronne il fut
exclu de ses droits éventuels au trône et remplacé par
son frère cadet, le Prince Alexandre, comme héritier de
son père, le Roi Pierre 1èr. Cette exclusion, peu conforme
au droit monarchique, n'est pas cependant un cas unique
dans l'histoire et elle peut donner à réfléchir aux Princes
héritiérs qui veulent gouverner avant d'avoir la couronne,
alors que leur père se porte bien et n'est pas de ceux qui
se laissent àrracher le sceptre.
r Tout-Paris
Une Catastrophe
aérienne
sans précédent
Le plus grand dirigeable du monde, la
« Zeppelin L. 2 s'enflamme et
éclate dans les airs
SON ÉQUIPAGE TOUT ENTIER mEURt
(Par dépêche de notre correspondant particulier.)
Berlin, 17 octobre.
Le 10 septembre dernier, voici exactement
trente-sept jours, douze heures après que le
Zeppelun L. l s'était abîmé dans la mer, au
large d'Héligoland, avec seize hommes d'équi-
page, le Zeppelin L. 2, qu'on achevait à peine
de construire, quittait, sur l'ordre de l'empe-
reur d'Allemagne, son hangar de Friedrichsha-
fen, pour un essai de durée de cinquante heu-
res et ceci afin d'atténuer l'impression pro-
duite par l'anéantissement du L. 1 de redon-
ner confiance à ceux qui doutaient.
Ce L. 2 devenait du même coup l'orgueil de
la marine militaire allemande dont il restait
le seul dirigeable. Il était immense et semblait
formidable. Long de 160 mètres, large de 16
mètres, enflé de 27,000 mètres cubes de gaz
répartis entre dix-huit ballonnets, il portait
quatre nacelles, et quatre moteurs de 700 che-
vaux devaient lui assurer une vitesse d'environ
80 kilomètres à l'heure. C'était le plus grand
aéronat du monde.
11 a fallu trente secondes pour en faire un
amas de débris informes. Ce matin, à 10 heu-
res 1/4, comme il venait de s'élever de l'aéro-
drome de Johannisthal pour satisfaire à la su-
prême épreuve, de réception 'et qu'il commen-
çait de s'éloigner, à 150 mètres environ du sol,
avec ses vingt-quatre hommes d'équipage et les
quatre membres d'une commission militaire
il s'est enflammé tout à coup, puis a éclaté, re-
tombant à terre en une pluie de ferraille pul-
vérisée, de bois en feu, et de sang. De tous ceux
qui le montaient, on ne retrouva qu'un vivant,
et il agonise.
Une pareille catastrophe ne saurait être ma-
tière à littérature. Le mieux que l'on puisse
faire, c'est d'en relater brutalement les péripé,
ties dans toute leur saisissante précision.
De bonne heure, ce matin, en prévision de
l'essai définitif que le L. 2 allait accomplir, les
hommes étaient a leur poste. Ils y arrivèrent
avec une pleine confiance. Depuis quelques se-
maines sans doute pour qu'on songeât le
moins possible à la fin lamentable de l'autre
Zeppelin la presse allemande ne tarissait pas
d'éloges sur son successeur et, ce matin même,
un journal berlinois écrivait à propos de la der-
nière expérience qui assurerait sa réception,l'ex-
périence d'aujourd'hui « Simple formalité. Les
autorités navales ne pourront que féliciter la
Société Zeppelin du magnifique ballon qu'elle
livre à l'armée de mer. » Les membres de la
commission, enthousiastes à la pensée de la pro-
menade aérienne qui les attendait, apparurent
tôt sur le champ et embarquèrent.
Les minutes qui suivirent furent déjà moins
gaies. Les moteurs, essayés, fonctionnèrent mal.
Les mécaniciens procédèrent à leur réglage.
Cette mise au point demanda un peu de temps.
Enfin, les choses semblèrent tourner mieux, et
à dix heures et quart le Zeppelin commença de
prendre de la hauteur.
Il était commandé par le lieutenant Freye,
de la Société Zeppelin, et par le capitaine Glub,
ce même officier qui pilotait naguère le Zeppe-
lin-IV lors de son malencontreux atterrissage
à Lunéville, et qui eut une si étrange conduite
en déclarant, après son retour en Allemagne,
lé contraire de ce qu'il avait, en toute initiative
personnelle, affirmé aux autorités de Lunéville
sur la manière correcte dont on l'avait reçu.
La commission militaire, partie à bord, avait
à sa tête le commandant Benhische.
Dès qu'il eut atteint une centaine de mètres,
le L 2, fortement incliné, se dirigea vers l'ouest.
Il n'avait pas encore navigué pendant qua-
rante secondes que brusquement une fumée
sourdait entre les nacelles d'avant et d'arrière,
puis s'abattait, mêlée de longues et larges
flammes, sur la nacelle arrière. On vit trois
hommes jaillir des nuages rougeoyants. Ils
avaient sauté de la nacelle. Ils allèrent s'écraser
dans un champ. Et cependant qu'ils tombaient
encore, la nacelle elle-même se détachait, préci-
pitant à leur tour dans le vide les hommes
qu'elle contenait.
T'out cela s'accomplit en presque moins de
temps qu'il n'en faut pour l'imaginer. Dans la
même seconde, avec le bruit d'une poudrière
qui saute, l'énorme enveloppe du Zeppelin
éclatait. L'air en subit un tel ébranlement que,
à quelques centaines de mètres du théâtre de
l'explosion, l'aviateur Hirth, qui évoluait en
compagnie d'un passager, sentit son appareils
se cabrer sous le choc et reculer de cinquante
mètres. Dans un rayon de deux kilomètres, tour
tes les maisons eurent leurs vitres brisées.
Et là-bas, à cinq cents mètres de l'aérodrome
de Johannisthal, près du canal de Taltow, au
milieu de grandes flammes, ce qui restait du
Zeppelin dégringolait du ciel et s'écrasait au
bord de la route, couvrant la terre d'une nappe
de débris irinomables.
Les pilotes et les mécaniciens de l'aérodrome
sautèrent en automobile pour essayer de porter
secours aux quelques hommes qui survivaient
peut-être. Plus rapide qu'eux, Hirth piquait
droit sur le champ tragique et y atterrissait.
Ils ne purent approcher. Le Zeppelin n'était
plus qu'une fournaise d'où émergeaient çà et là
des broussailles de fer rougi par la chaleur. On
dut pendant près de vingt minutes noyer les
décombres..
Après quoi le spectacle qui s'offrit sembla
plus épouvantable, si possible, qu'au premier
instant. La carçasse d'aluminium, sectionnée de
toutes parts, enchevêtrée, dessinait un réseau à
peu près inextricable sur une longueur de cent
à cent cinquante mètres. Et, au milieu de ce
chaos, on ne' distinguait plus qu'un réservoir
éventré, quelques poutrelles tordues, une partie
du gouvernail de profondeur, des morceaux de
toile caoutchoutée grillés et racornis.
Cela n'était- rien encore. Lorsque la fumée se
dissipa, le plus atroce apparut des cadavres.
Presque tous étaient complètement carbonisés.
Qui pis est, quelques-uns avaient été déchi-
quetés, de sorte que des membres arrachés,
à demi-sanguinolents, gisaient et là.
Deux marins qui vivaient encore furent dé-
posés sur la prairie. Ils expiraient aussitôt.
Un autre fut découvert quelques instants plus
tard, on le dégagea, tandis qu'il hurlait de
douleur, et il mourut tout de suite. Un qua-
trième passager fut relevé vivant, le lieutenant
von Blouel. Il succomba dans la soirée.
Des vingt-huit hommes qui le montaient, au-
cun n'aura survécu à la catastrophe du plus
grand des Zeppelin.
Quand la terrible nouvelle parvint à Berlin,
elle y répandit une stupeur qu'aucun terme ne
peut traduire.
L'anéantissement du Zeppelin L. n'avait pas
tué complètement la confiance en ces monstres,
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Aujourd'hui
le « Gaulois littéraire »
auX 3e ef 4e pages
« La Patrie guerrière
M. Louis Sonolet a cousu d'un fil pieux les
articles que Henry Houssaye a jetés dans le
vent de la presse. Et c'est une pensée heureuse
d'avoir réuni en un volume, dont le titre est
un drapeau, ces pages superbes, essaimées de
ee cœur de patriote et de soldat, afin qu'elles
puissent perpétuer l'émotion salutaire, faite
par l'aile trop rapide de leur première envolée.
M. Louis Sonolet a donné au livre une intro-
duction substantielle et colorée, où revit sous
les traits d'un pinceau respectueux la belle
figure de. soldat d'Henry Houssaye.
Oui, soldat Il semble que toute sa vie il ait
eu le regret de ne l'être pas resté.
Il ne l'a pas été, au sens rigoureux du mot,
par la servitude d'une carrière vécue sous'
l'épaulette. Il l'a été par son culte de l'armée,
hérité de son atavisme, par la passion de son
intelligence, tout éprise des choses de la
guerre, par l'étude approfondie des campa-
gnes dont il parle comme un grand chef, par
l'ardeur guerrière de son âme qui semblait
,vêtue d'un étendard tricolore.
Le chapitre « Napoléon homme de guerre »
présente, en un raccourci magnifique, toutes
les guerres de la glorieuse épopée, et aussi une
maîtresse analyse de l'art du grand capitaine.
Cette analyse semble pensée par le meilleur de
nos généraux. Et si elle avait évoqué la vision
de la Surprise, de l'idée souveraine, qui résu-
me non seulement tout Napoléon, mais toute la
guerre, elle serait un chef-d'œuvre définitif.
Mais ce sont surtout les deux derniers chapi-
tres du livre qui aujourd'hui ont particulière-
ment retenu mon attention, celui des « ques-
tions militaires » et celui de « l'armée et la
patrie ». Ils prennent sous la lumière tragique
qui éclaire les événements douloureux de
l'heure présente, un relief impressionnant
certaines phrases y vibrent avec l'accent d'une
prophétie, dont la réalité plus cruelle a dépassé
la vision
a En résumé, l'adoption du service de deux
ans aura comme effet probable le déficit de
l'effectif et comme conséquences certaines la
décadence de la cavalerie et de l'artillerie à
cheval, la diminution de la valeur de l'infante-
rie, l'abaissement de l'instruction technique,
l'affaiblissement de l'esprit militaire, et, en
raison des indemnités aux soutiens réels de
famille et des primes et des hautes payes de
rengagement, un excédent de dépenses annuel-
v les de 50 à 80 millions. »
Les dépenses ont été amplifiées de beaucoup,
moins encore peut-être que les lamentables,
résultats annoncés. Cette calamité, le geste du
général Hagron la voulait conjurer par un sa-
crifice, qui n'a pas suffi à arrêter la fureur des
antipatriotes du gouvernement.
Dans la page « contré l'antimilitarisme »,
Henry Houssaye cite les criminelles paroles,
prononcées à un congrès de la paix, à Lau-
sanne, par un ancien directeur au ministère de
l'instruction publique
« Il faut que la mère de famille inculque de
bonne heure à l'enfant cette idée qu'un sabre,
un fusil, un canon sont des instruments que
nous devons regarder du même œil que nous
considérons, au château de Chillon, les instru-
mentis de torture employés il y a quelques siè-
cles. Et quand on ne verra plus des milliers de
badauds assister aux revues militaires, quand,
au lieu de l'admiration du titre et de l'épau-
lette, vous aurez habitué l'enfant à se dire un
uniforme est une livrée et toute livrée est igno-
minieuse, celle du prêtre et celle du soldat,
elle du magistrat et celle du laquais, alors
vous aurez fait faire un pas à l'opinion. »
Comment s'étonner que les instituteurs de
nos écoles soient antimilitaristes, lorsque « le
point de direction » leur est donné par leur chef
suprême pour mener les enfants de la France
à l'assaut de tout ce qui est la patrie. Aussi long-
temps que l'esprit laïque, c'est-à-dire franc-ma-
çon, prévaudra contre le salut du pays, aucun
espoir ne nous sera permis de voir cesser l'abo-
minable éducation qui pourrit le cœur de nos
enfants et leur souffle la haine des grandeurs
morales et des respects, qui seuls peuvent faire
à la jeunesse une âme trempée de sacrifice et
un cœur résolu.
La récolte de mort est maintenant mûre. Les
manifestations antimilitaristes qui ont éclaté,
surtout en nos garnisons frontières, en sont les
fruits empoisonnés.
Vous avez voulu que l'armée fût militaire le
moins possible et le soldat un citoyen conscient.
Vous l'avez fait plus citoyen que soldat. Faut-il
vous étonner que, devant l'épreuve, il oublie
qu'il est soldat, pour se souvenir seulement
qu'il est citoyen ?.
Vous avez .voulu le tiromphe de l'esprit civil
sur l'armée. Votre œuvre est faite.
N'est-il pas plaisant que M. Clemenceau, ce-
lui-là même qui, aujourd'hui, fait passer sur
sa culotte le rouge de sa carmagnole, ait mar-
qué l'apogée de ce triomphe par une loi illégale,
contraire à la charte de l'armée, en faisant d'un
lieutenant-colonel réformé un général et de ce
général son ministre de la guerre.
Ces manifestations antimilitaristes ont été
moins des rébellions absolues que des manœu-
vres politiques inspirées par les criminels de
cet état-major de l'anarchie qui travaille pour
l'étranger contre la France, comme aux mau-
vais jours de l'affaire Dreyfus. N'y a-t-il donc
plus de lois chez nous, pour punir les crimes
contre la patrie, et n'en trouve-t-on que pour
persécuter les moines et les Sœurs de charité,
les êtres de dévouement et de prière ?
Que l'usine de l'antipatriotisme soit fermée
et ses chefs arrêtés et ce mouvement artificiel
de manifestations sacrilèges sera enrayé. Ce-
pendant, si criminellement machiné qu'il ait
été, il n'aurait pas pu se produire, si la disci-
pline n'avait pas été atteinte par le développe-
ment systématique du plan qui a voulu démili-
tariser l'armée, c'est-à-dire la détruire, plan
dont les moyens ont été la faveur politique, la
délation, l'oppression des caractères, et les ré-
suatats la peur de la responsabilité et la capi-
tulation devant l'autorité civile, souveraine.
On a voulu asservir l'armée, au lieu de la
laisser servir. Alors la confiance, du bas en haut
de la hiérarchie, a disparu en des chefs
humiliés et timorés, et, avec elle, s'est relâché
un des liens essentiels de la discipline.
La tristesse de ces réflexions inclinait déjà
mon esprit à vouloir relire Servitude et gran-
deur militaires, lorsque quelques citations
heureuses m'y ont amené. Je venais de les
trouver dans les jolies conversations de bivouac
recueillies Sur la Lande, par M. Ludovic-de
Guillebon, et à travers lesquelles vibre l'âme
de Vigny.
Servitude et grandeur mailitai.res Vigny a
écrit servitude d'abord, pour marquer que la
grandeur de l'âme est dans la servitude, dans
le service pour l'idée, idée de Dieu, ou idée de
la patrie, ou idée de l'honneur.
Admirable livre, d'où se dégage une force
d'expression saisissante, livre d'un poète, d'uw
penseur et d'un peintre aussi, qui s'étaient
trempés dans la grandeur de la servitude du
soldat, poète qui après quatorze ans d'attente
S'était évadé de son inaction de soldat pour
vivre sôn rêve de poète. Mais il est certaines
grandeurs morales qui ne peuvent s'écrire
qu'avec la pointe d'une épée. Et Vigny n'au-
rait pas pu trouver de pareils accents s'il ne les
avait cherchés dans un cœur de soldat. Il était
à 1 avant-garde des écrivains militaires et sous
la grandeur et la servitude il sentait frémir l'in-
quiétude de l'obéissance aveugle et passive.
N'est-elle pas prophétique aussi cette phrase
écrite après la lugubre histoire de Laurette,
après le geste d'obéissance inconsciente et aveu-
gle du commandant du Marat. Elle est le com-
mentaire plein de sagesse de cette obéis-
sance qui avait fait un bourreau d'un admira-
ble soldat, obéissance devant laquelle s'était
magnifiquement dressé contre son Roi l'hon-
neur du vicomte d'Orte, gouverneur de Dax
« Il est à souhaiter aussi que des limites im-
muables soient posées une fois pour toujours
à ces ordres absolus donnés aux armées par le
souverain Pouvoir, si souvent tombé en indignes
mains, en notre histoire. Qu'il ne soit jamais
possible à quelques aventuriers parvenus à la
dictature de transformer en assassins quatre
cent mille hommes d'honneur par une loi d'un
jour comme leur règne. »
Ces douloureuses anxiétés sur le devoir, nous
les avons vécues aux heures cruelles des inven-
taires. Et combien de carrières se sont brisées
pour à la fois ne pas violer la loi de Dieujt ne
point désobéir à la loi de César, du César ivre
de persécution.
Heureux le chef dont le cœur n'est point te-
naille entre cette opposition des devoirs, où celui
envers Dieu commande cependant tous les au-
tres, le chef qui n'a qu'à obéir à la voix impé-
rieuse de l'honneur.
Et c'est ainsi que le livre de Visrny me ramène
•a celui de Soldat. Il prend une saisissante
réalité à l'heure présente. D'ailleurs l'épisode
final'du livre ne vient-il pas de revivre, sous
la force des circonstances, dans le geste de ce
chef de bataillon qui, un fusil à la main, a
sauvé l'honneur de son régiment ? Je n'ai pas
oublié le. nom de ce chef de bataillon qui sur
1 heure aurait dû être nommé lieutenant-colo-
nel mais je veux l'honorer en le laissant
sous le voile d'un silence respectueux. Je sais
aussi très bien quel est l'officier supérieur de
cavalerie qui respire dans la poitrine du com-
mandant Defert, qui a incarné son personnage,
dont les idées parlent dans le livre, dont l'âme
de soldat écjate magnifiquement à travers
la tristesse d'une ambiance empoisonnée, et qui
a inspiré les pages finales, écrites sous son
snnfflp
Ces pages devraient être lues à l'heure pré-
sente par tous les officiers et entrer dans un
catéchisme de l'épaulette.
C'est dans une petite garnison du Nord, au
moment des grèves. Les deux escadrons du
commandant Defert s'y trouvent avec deux ré-
giments d'infanterie. L'un de ceux-ci, le 217e
est en rébellion il s'est enfermé dans sa ca-
serne, ses officiers chassés, ses sous-officiers
emprisonnés. Il veut sortir avec ses armes, pac-
tiser avec l'émeute et marcher sur Cambrai.
Un pont sur la Lys commande la route. de
Cambrai la garde en est confiée aux dragons
de Defert. Une sentinelle est à l'entrée du pont,
seule, en avant des dragons placés sur l'autre
rive, l'arme au pied.
Cette sentinelle, c'est Defert lui-même le
commandant.
Le moment tragique approche. Le 217l, com-
posé d'enfants du pays, est sorti de sa caserne
et roule vers le pont, poussé par les flots de
la. foule en délire, écumante. Un étonnement
arrête un instant cette multitude qui hurle et
sur laquelle t agite comme une torche » un
drapeau rouge.
Les paroles d'énergie de Defert ne réussis-
sent pas à refouler l'émeute. Il a beau crier
impérieusement son ordre la houle aveugle le
menace. Un soldat bouscule d'un coup de poing
le commandant qui chancelle.
Defert lève son revolver.
Le soldat, foudroyé, tombe à l'entrée du pont.
La stupeur saisit et arrête la colonne le silence
de la mort accable la foule.
Alors, la discipline, victorieuse, commande
par la bouche de Defert
« Garde à vous Les caporaux, reformez vos
escouades, ramenez vos hommes à la caserne. »
Et la discipline est obéie.
Voilà le geste de salut. Voici son commentaire
dans la bouche de Defert
Mon général, vous vous êtes mépris sur
mes intentions. Ce n'est pas à des promesses
que je comptais il allait, dire m'abaisser
que je comptais recourir. Faire des promesses
et les tenir, serait la mort de la discipline, ne
pas les tenir, serait infamant et ruinerait la con-
fiance, que nos hommes doivent avoir en nous.
» Alors ?
e L'état de siège est déclaré, mon géné-
ral. Ce n'est plus l'autorité civile qui est juge
de l'emploi de la force armée, mais vous. Or-
donnez-moi d'empêcher qu'on franchisse le
pont. Alcrs, ce pont sera un poste la sentinelle
qui en aura la garde recevra une consigne et
l'exécutera, ce que n'a pas fait la sentinelle qui
se trouvait à la porte de la poudrière du 217e.
En face de rebelles armés violant sa consigne,
elle devait tirer.
» Le général eut un geste évasif
» On n'exige pas des soldats l'impossible.
» Ce. qui est impossible pour des soldats,
ne l'est pas pour les chefs. Il y a des circonstan-
ces où la consigne est trop lourde pour les épau-
les d'un simple soldat, où le devoir dépasse sa
taille. C'est au chef à se substituer à l'homme. »
Oui, au chef.
Mais pour trouver des chefs, il faut en culti-
ver l'espèce il faut, par tous les moyens, en
grandir la responsabilité, en honorer la fonc-
tion, et ne pas permettre à la salive du moins
français des parlementaires d'humilier le plus
haut d'entre eux. Il y va de la discipline, de
1 honneur, du salut de l'armée, de celui du
pays.
Général Cherfils
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
LA GRANDE MUETTE
Au temps où le colonel Faurie dirigeait le
2° bureau d'état-major, sous les ordres du gé-
néral Percin, poste auquel l'avait appelé le gé-
néral André, huit jours après son entrée au
ministère, il était entendu que l'armée devait
être « la grande muette ». C'était le mot d'ordre
contre lequel nul ne protestait.
Ceci se passait de 1900 à 1903.
Cependant, le ministre de la guerre frappait
à tort et à travers les plus dignes et les mieux
notés le général Tournier, après l'affaire du
bottier de Clermont-Ferrand le général Geslin
de Bourgogne, les colonels Bougon et de
Saxcé le général Roget, qui dût quitter l'ar-
mée sans avoir obtenu les trois étoiles aux-
quelles il avait droit. Celui-ci, cependant, avait
montré, lors de l'affaire de Reuilly, une correc-
tion dont le général Faurie eût dû s'inspirer.
Ces officiers se sont inclinés sans se plaindre
devant les odieuses mesures dont ils étaient
victimes ils n'ont pas écrit au ministre des
lettres injurieuses, ont subi passivement, dans
l'intérêt de la discipline, le sort qui leur était
fait.
Le général André, ceux qui l'entouraient ou
le conseillaient ont pu triompher à leur aise,
sans qu'une voix autorisée se fît entendre pour
leur. reprocher un abus d'autorité dont. ils ti-
raient vanité.
Hissé au pouvoir par une eamarilla maifai-
santé, le général André a pu s'y maintenir
assez longtemps pour désorganiser l'armée' de
l'Est, que ses prédécesseurs avaient eu quelque
peine à constituer.
Simultanément, les généraux que l'on juge
actuellement incapables, tout au moins insuffi-
sants, obtenaient de très rapides on dit
même de trop rapides avancements.
Devaient-ils cette faveur singulière à leurs
mérites ou simplement à leurs opinions ?
C'est une question que notre incompétence
ne nous permet pas de trancher, et précisément
parce que nous sommes incompétents, nous
nous inclinons devant les décisions de ceux qui
ont la charge de diriger nos affaires militaires.
Nous n'avons pas à juger le général Faurie,
mais nous le plaignons d'avoir été défendu
par l'Humanité et aussi d'avoir rencontré un
avocat dans le général Percin, qui s'illustra
comme chacun sait, dans l'abominable campa-
gne des fiches maçonniques.
Nous voulons croire, pour l'honneur du gé-
néral Faurie, qu'il n'a pas sollicité ce patro-
nage et surtout qu'il ne l'a pas obtenu en s'as-
sociant à des actes qui méritèrent au général
Percin la faveur de son ministre et l'indigna-
tion des autres. L. DESMOULuNS.
ÉCHOS DE_PARTOUT
Fort suggestive et en même temps consolante
la lecture dU'dernier bulletin de la Société ceri-
.traie de sauvetage des naufragés dont la publi-
cation coïncide douloureusement avec la ca-
tastrophe du Volturno.
En le court espace de trois mois, les canots
de sauvetage de la Société, montés par des
marins braves et expérimentés, n'ont pas
sauvé moins de 58 existences humaines et se-
couru 112 navires en perdition. Ce n'est pas
tout. A l'aide des canons porte-amarre et au-
tres engins, les vaillants sauveteurs ont arra-
ché 152 personnes à la mort. Au total, 208 exis-
tences sauvées.
Si l'on fait la récapitulation des actes de
sauvetage accomplis par la Société depuis sa
fondation, c'est-à-dire depuis vingt-trois ans,
on arrive au chiffre de 16,401 personnes sau-
vées et 1,570 navires sauvés ou secourus.
Quel document plus éloquent que celui-là et
combien il en dit long sur l'héroïsme de nos
humbles marins de l'Océan et de la Méditer-
ranée
Au moment où le canal de Panama vient de
réunir deux océans, la pensée universelle est
allée en hommage à Ferdinand de Lesseps, l'ini-
tiateur de l'œuvre colossale.
Ce très beau sonnet de M. Stéphen Liégeard,
l'émineut poète, écrit le jour de la mort du
Grand Français, contenait une prophétie qui
s est réalisée
A FERDINAND DE LESSEPS
Sur ton front, ô Lesseps, où Dieu mit le génie,
La Mort vient, à son tour, poser son doigt glacé;
Elle descend du ciel, messagère bénie,
Pour te bercer, lutteur que la vie a lassé.
Dors donc ton long sommeil, car la tâche est finie;
Lœu^re. était d'un Titan et la foudre a passé!
Aigle meurtri, ton sang noiera la calomnie,
L immortel avenir vengera le passe..
Ils "ont écrit, honteux, leur arrêt sur le sable.
Toi, ta gloire au granit se grave, impérissable-
Le Sphinx à tous les temps redira ton succès,
Et Karnak aura vu crc.jcr ses hautes salles,
Quand par-dessus les tiots des deux mers, tes vassales,
Planera triomphant le nom du « Grand Français
Stéphen Liégeard. 1
Académie des inscriptions et belles-lettres. 1
Il résulte d'une lettre du commandant Tilho,
datée de Mao (Tchad), le 25 avril 1913, que cet
explorateur a pu visiter un certain nombre de
points intéressants qui jalonnent le sillon de
Bar-el-Ghazal, vers le Nord-Est.
Outre des levers topographiques, le comman-
dant a fait d'intéressantes découvertes une tête
d'éléphant enfouie dans le sable, avec ses dé-
fenses et un certain nombre de dents des po-
teries, des armes et des vestiges, en un mot,
qui prouvent que ces régions aujourd'hui en-
vahies par les sables ont été le centre d'une po-
pulation intense.
Qui donc prétendait que Tartarin était mort?
Mais il n'y a pas un déplacement de chasse où
nous ne voyons revivre cet hommme exquis
La chasse aux casquettes, dont les environs
de Tarascon offrent chaque semaine un spec-
tacle sensationnel, est-elle vraiment une prépa-
ration suffisante à la vraie chasse ?
Oui prétend-on à Marseille.
Non affirment les gens du Nord, ceux de
Nîmes, par exemple.
Le plus aimable des chasseurs de casquette!;
avait été convié à de belles chasses en Bour-
bonnais.
Les lièvres, comprenez-vous, moi je ne le,;
tire qu'à balles ne cessait-il de dire.
Nous allons voir cela, dit le chatelain.
Et on sortit.
Le chien tombe en arrêt devant un admi-
rable lièvre, immobile au milieu des feuilles
sèches. On était à trois mètres. L'intrépide
chasseur épaule, tire, et manque, ni plus ni
moins qu'un membre de la Société protectrice
des animaux.
Le lièvre éternue. et se retire avec dignité
Je vais vous dire, murmure notre ami, je
l'ai manqué parce qu'il était trop près.
On a lancé hier, à Portsmouth, un nouveau
cuirassé Queen-Elisabeth, de 27,200 tonnes.
La principale caractéristique de ce nouveau
type de bâtiment est qu'il brûlera exclusive-
ment du pétrole. C'est la première fois qu'en
Europe on adopte la chauffe au pétrole pour
les cuirassés. Cette combinaison, par suite de
l'économie de poids réalisée, a permis de don-
ner aux bâtiments de la classe Queen-Elisabeth
une vitesse de croiseurs de bataille tout en leur
laissant une cuirasse et des canons de cuiras-
sés. Mais si au point de vue théorique la
chauffe au pétrole a d'immenses avantages, au
point de vue pratique ces avantages sont plus
douteux, tant que la question de l'approvision-
nement ne sera pas définitivement réglée.
L'amirauté fait actuellement construire plu-
sieurs citernes à pétrole et elle prend dès main-
tenant ses dispositions pour exploiter des puits
et raffiner elle-même son pétrole. Mais avant
que cette nouvelle industrie soit complètement
organisée, il faudra sans doute attendre quel,
ques années. Aussi, malgré tous les avantages
du pétrole, a-t-on décidé de revenir pour les
bâtiments du programme 1913-1914 à la chauffe
au charbon ou plus exactement, comme pour
tous les cuirassés actuellement en service, à la
chauffe mixte.
Comme on le voit, cette question, qui est si
importante pour toutes les marines du monde,
n'est pas encore tranchée «
Proverbes espagnols.
L'Espagne est de toute actualité. Et puis-
que l'on prétend que les mœurs d'une nation se
traduisent souvent par ses proverbes et ses
axiomes populaires, glanons-en quelques-uns
dans la patrie du Cid
Les larmes des femmes valent beaucoup et ne
leur coûtent guère.
On ne peut dorer le soleil ni argenter la lune.
La vérité est comme l'huile, toujours elle monte
en haut.
Quand le malheur dort, crains de l'éveiller.
Si je te prends, je te jetterai si' hàut que tu
mourras avant de retomber.
Marie ton fils quand tu voudras et ta fille quand
tu pourras.
Fais pour le moment l'homme colère, et pour
toujours l'homme dissimulé..
L'homme est le feu, la femme l'étoupe et le" d'ia-
ble le vent qui souffle.
Garde-toi de l'ami réconcilié comme de l'air qui
vient d'un trou.
Qui veut être longtemps vieux doit l'être de.
bonne heure.
On a beau se lever matin, le jour n'en vient pas
plus tôt.
Le renard sait beaucoup, mais une femme amou-.
reuse en sait bien davantage.
Qui se fait du miel, les mouches le mangent.
Où est Madrid, le monde finit.
Arrêtons-nous.
Du Ruy Blas
« A la table de Guillaume II, les plats aiment
à être mangés tièdes. C'est que, pour parvenir
à destination, ils passent par plusieurs mains.
Le chef de cuisine les remet à un fonctionnaire
spécial, qui les passe à un collègue, lequel les
confie à un valet de pied çui les donne à un
page. Enfin, les plats sont en possession du sé-
néchal, qui a l'honneur de les placer sur la
table.
» Autre coutume les poches des pages doi-
vent être. doublées de fer. L'origine de cette
règle remonte à Frédéric III. Pendant le dîner,
ce souverain aimait à donner de bons mor-
ceaux à ses pages, qui devaient les empocher
pour les manger à la fin du service. Le monar-'
que s'amusait à des farces puériles et riait beau-
coup en forçant les pages à verser de la crème
dans leurs poches.
Avant que les agrandissements de la gare de
l'Est fassent mettre à néant quelques souvenirs
du passé, épinglons la glane de nos recherches
vers ce qui ne sera plus demain.
Marie de Médicis, en 1604, posa la première
pierre des Récollets, au coin du faubourg Saint-
Martien. Ils furent transformés en hônital pour
les incurables, puis, sous Napoléon III, ils de-
vinrent hôpital militaire.
Va être également démolie, la maison du
conventionnel Cavaignac, ainsi que la maison-
nette avec un jardinet où vécut et mourut Mon-
signy, le plus chantant de nos compositeurs.
Déjà le faubourg Saint-Martin avait perdu
ses trente colonnes et ses coquettes fontaines
de M. de Rambuteau. Pour rendre hommage
à ce bienfaisant préfet, on chantait, .sur
l'air Ah le bel oiseau, maman
Viv' le comt' de Rambuteau!
Pour les born's et les fontaines,
Viv' le comt' de Rambuteau!
Grâce à. lui, nous avons d' l'eau.
Nouveautés d'Hiver.
Après-demain lundi s'ouvre aux Grands
Magasins du « Printemps l'Exposition an-
nuelle des Nouveautés d'Hiver. Nos lectrices y
trouveront, à des prix d'un bon marché excep-
tionnel, les modèles les plus nouveaux en
robes, manteaux, fourrures, modes, etc.
Cette grande mise en vente des Nouveautés
d'Hiver, qui sera la véritable Exposition d'en-
trée de saison, se complétera d'incomparables
occasions en Tapis d'Orient, Gants, Bas de
soie, Parfumerie.
Avec la rentrée à Paris, se présente le pro-
blème de la réinstallation du « home » en vue
de la saison hivernale. C'est alors, plus qu'à
tout-autre moment, que s'impose une visite chez
Perret- Vibert, 33, rue du Quatre-Sepbmbre, où
se trouve réuni le plus grand choix de meubles
et objets d'art anciens et modernes de la Chine
et du Japon, tels que riches paravents et dessus
de piano brodés, porcelaines, bronzes, cloison-
nés, ivoires, etc. Grande succursale 170, bou-
levard Haùssmann.
-̃;> A TRA VERS LES REVUES
Au moment où le président de la république
va visiter le Collège d'athlètes, tout le monde
voudra lire l'article que les Leclures pour Tous
du 15 octobre consacrent à l'oeuvre du lieute-
nant Hébert. Dans ce numéro d'actualité,
« l'Interview du Roi de Grèce » commentée par
toute la presse « la Télégraphie sans fil », qui
vient de sauver 400 passagers du Volturno
« les Grandes routes aériennes l'Affaire du
Collier », tout ce qui se uasse et se dit. Au
même sommaire, Gyp, R. de Flers, Louis Ber-
trand, et ce régal pour les amateurs de théâtre
Madame Sans-Gêne racontée par Réjane.
NOUVELLES A LA MAIN
Nos marins.
Le navire roule affreusement. La mer est dé-
montée. tout espoir semble perdu.
Comment fait un passager à un vieux
matelot qui mange tranquillement un morceau
de pain.
Dame, répond le marin, il est toujours
bon de casser une croûte avant de boire un
coup.
Le Geste
du Kronprinz
C'est décidément une bien curieuse affaire
que cet incident qui vient d'éclater à la Cour
de Prusse à propos des droits du Prince Ernest-
Auguste sur la couronne de Hanovre. En réa-
lité si l'on en juge d'après les nouvelles in-
formations de Berlin la question du Hanovre
n'était pas en cause. En entrant dans la famille
de Hohenzollern et en acceptant un grade dans
l'armée prussienne, le prince de Cumberland,
duc de Brunswick, avait implicitement renoncé
à ses prétentions au trône hanovrien. Il eût été
»sans doute plus régulier que le Prince fît à ce
sujet une déclaration solennelle, mais il en eût
coûté à sa dignité. Aussi bien l'empereur Guil-
laume, qui, il est vrai, d'habitude ne transige
pas en ses matières et ne se soucie guère de
ménager les amours-propres individuels, a-t-il,
je m'imagine, consenti à fléchir sur ses prin-
cipes pour ne point troubler le bonheur de sa
fille chérie, la princesse Victoria-Louise, et la
sérénité de l'idylle qu'il avait favorisée.
Tout semblait donc arrangé pour le mieux
lorsque le Kronprinz s'avise de détruire d'un
geste brutal la solution très diplomatique que
la tendre ingéniosité de sa sœur, avec la com-
plicité de la bienveillance paternelle, avait si
habilement su trouver et imposer.
Prenant prétexte de ce que le prince Ernest-
Auguste est à la veille de s'installer officielle-
:'ment dans son duché de Brunswick, il déclare
à grande fracas que son beau-frère ne doit pas
être autorisé à régner sur le Brunswick, tant
qu'il n'aura pas « clairement et catégorique-
ment «renoncé à ses droits sur le Hanovre.
D'où vient cette sortie ? Faut-il l'attribuer à
des-rancunes personnelles ? Il est plus probable
qu'il convient d'en chercher la cause dans
l'empressement avec lequel le Kronprinz saisit
toutes les occasions de se poser en protecteur et
défenseur du nationalisme prussien, c'est-à-dire
de cet esprit étroit et sectaire, qui entend capo-
raliser l'Allemagne sous la domination prus-
sienne et soumettre l'Europe à l'hégémonie
allemande.
L'empereur Guillaume n'a point, on le sait,
échappé parfois à son influence néfaste; bien
qu'il ait l'intelligence trop ouverte pour n'y être
point personnellement hostile. Mais tant il est
vrai que les princes héritiers se mettent volon-
tiers en contradiction avec les souverains ré-
gnants, le Kronprinz a estimé qu'il n'était
point de meilleur terrain oup. ee)uj-ià. -pour r
Un Domino
jusque-là que dans les mess d'officiers et les
réunions d'étudiants.
Il n'est donc pas surprenant que dans l'af-
faire actuelle il ait pour l'approuver et le sou-
tenir la presse et l'opinion pangermanistes,
qui estiment qu'il faut à la Prusse hautaine et
triomphante la soumission éclatante de la
famille de Cumberland.
La situation faite, par l'incartade du Kron-
prinz, à l'Empereur est sans doute fort embar-
rassante officiellement il sera vraisemblable-
ment obligé de donner raison à son fils, afin de
ne point paraître moins Prussien que les.
Prussiens je m'imagine, néanmoins, qu'il ne
lui pardonnera pas facilement d'avoir assom-
bri la félicité conjugale de la princesse Victo-
ria-Louise, il ne lui pardonnera pas davantage
de dresser à tout propos sa personnalité inquié-
tante en face de l'autorité impériale.
René d'Aral
Bloc- Notes Parisien
Les Princes héritiers turbulents
Une vieille fradifion
qui ressuscife en Allemagne
On a vu par les dépêches d'hier que. pour la seconde
fois, le Kronprinz d'Allemagne s'est mêlé de faire de la
politique et de la faire bruyamment à l'encontre des in-
tentions de son père et du chancelier. S'il s'était borné
à écrire une lettre privée, on aurait pu l'excuser; cha-
cun est libre de ses sentiments, même un Prince héri-
tier. Le fait seul de la publicité de cette lettre constitue
une sorte de révolte contre l'autorité du père et du sou-
verain.
Et pourquoi cette révolte? Parce que le beau-frère du
Kronprinz, le fils du Duc de Cumberland, va recevoir
la couronne ducale du Brunswick, qui lui appartient légi-
timement, sans avoir au préalable formellement renoncé
au Hanovre, confisqué par la Prusse en 1866 en haine
des Guelfes, dont la gloire à travers l'histoire obscurcis-
sait celle plus récente des Hohenzollern.
Or, il est de toute évidence que les droits sur le Ha-
novre appartiennent au Duc de Cumberland, qui a juré
de ne jamais y renoncer, et non à son fils, qui ne pour-
rait y renoncer qu'éventuellement et qui a d'ailleurs so-
lennellement promis de ne jamais rien entreprendre con-
tre la Constitution allemande. Il peut même lui jurer
fidélité, comme Duc de Brunswick, puisque ce serment
avait été prêté par le dernier Duc mort en 1884, dernier
survivant mâle de la branche ainée des Guelfes.
La démarche du Kronprinz ne s'explique guère que
par un excès de chauvinisme, dont il a déjà donné des
preuves, et par le désir de se rendre populaire parmi les
pangermanistes, alors que son père, Guillaume II, semble
devoir vivre et régner encore plusieurs lustres.
Depuis longtemps on ignorait ce genre de Prince héri-
tier. Sans doute le Prince Victor-Napoléon eut quelques
dissentiments avec son père, mais loin du trône, en
pleine république. On a bien dit sous le règne de
Louis XVIII que ie Comte d'Artois était le chef du parti
des ultras et ne voyait pas d'un bon œil le libéralisme
du Roi, mais ce ne fut jamais une opposition bruyante.
Le Prince Napoléon frondait aussi sous le règne de Na-
.poléon III et se distinguait par ses amitiés anticléricales.
Une seule fois il fit à Ajaccio un discours qui marquait
une certaine opposition au gouvernement, et il s'attira
une vigoureuse réponse de l'Empereur. Le Prince Napo-
léon n'était pas héritier du trône, II ne l'a été qu'avant
la naissance du Prince impérial et après sa mort.
L'Archiduc Rodolphe, qui fut si turbulent et qui mou-
rut si malheureusement et si mystérieusement, fut tou.
jours un fils soumis et respectueux. Jamais il ne s'avisa
de toucher à la politique.
Pendant le long et glorieux règne de la Reine Victoria,
le Prince de Galles, depuis Edouard VII, fut, malgré ses
grandes facultés et son besoin de mouvement, le plus res-
pectueux des fils, et loin de contrecarrer la politique de
son gouvernement, il la servait très habilement, tout en
ayant l'air de ne songer qu'à ses amusements.
Guillaume II, avant la mort de Guillaume I8r, essaya,
dit-on, d'obtenir, à San-Remo, la renonciation ou l'abdi-
cation de son père qui fut Frédéric III, cet autre empe-
reur des cent jours, mais ce fut avec toutes les marques
du respect et de la soumission.
Que dire des Empereurs de Russie? A la mort
d'Alexandre Ier le Grand-Duc Constantin, qui avait fait
un mariage morganatique, renonça à ses droits en faveur
de son frère, Nicolas Il, et apaisa lui-même la révolte
qui se faisait en sa faveur. Alexandre II, Alexandre III,
Nicolas II ont été simplement, jusqu'à leur accession au
trône, les premiers et les plus fidèles sujets de l'Empe-
reur régnant.
Paul Ier lui-même, qui allait être fou, ne se révolta
jamais contre la grande Catherine, qu'il pouvait cepen-
dant accuser du meurtre de son père. Et s'il mourut lui
aussi assassiné, jamais on ne put accuser son fils de
complicité dans ce crime.
Pour trouver un Prince héritier révolté contre son
père il nous faut remonter au dix-huitième siècle, à Fer-
dinand VII d'Espagne, alors qu'il était Prince des Astu-
ries et que régnait Godoy, Prince de la Paix, beaucoup
plus que le Roi. Et c'est contre cette usurpation d'auto-
rité et non contre son père que le fils protestait avec cette
énergie. Nous avons beau chercher dans l'histoire des
Bourbons depuis Henri IV, tant en France qu'en Es-
pagne, à Naples et à Parme, nous ne trouvons pas la
moindre manifestation d'opposition de la part de l'héri-
tier du trône contre le souverain et sa politique.
Il nous faut en France arriver à Louis XI, qui fut le
plus désagréable des fils pour son père Charles VII, et
qui, par ses menées avec les grands feudataires, mérita,
lorsqu'il fut souverain, de voir la Ligue du Bien public
retournée contre lui. Il y a d'ailleurs, avec la différence
des temps et des moyens, une certaine similitude de ca-
ractère entre Louis XI et Ferdinand VII, qui était lui aussi
un vieux renard. Prisonnier à Valençay, il faisait tirer
des feux d'artifice en l'honneur de Napoléon Ier; Roi, il
organisait lui-même des pronunciamientos et laissait con-
damner ceux qui l'avaient servi, quand ils n'avaient pas
réussi.
Louis XII, étant Duc d'Orléans, eut quelque peine à
se soumettre à l'autorité de Louis XI, qui le contraignit à
épouser sa fille, la boiteuse et la sainte, mais il n'était
pas encore Prince héritier, et il fut loyalement attaché à
Charles VIII.
On connaît l'histoire de Philippe II, Roi d'Espagne, et
de son fils don Carlos, qui se révolta contre lui. On dit
qu'une femme en fut cause Anne-Marie d'Autriche,
fille de l'Empereur Maximilien II. Elle avait dix-neuf
ans en 1568 et don Carlos en avait vingt-trois; il l'ai-
mait ils étaient fiancés, quand Philippe II, déjà veuf de
trois femmes, la vit, en fut amoureux, bien qu'elle fût
sa nièce, et déclara à son fils qu'il la prendrait pour lui.
Philippe II, il est vrai, n'avait encore que quarante et
un ans, et de ses quatre femmes, la première, qu'il avait
épousée alors qu'il avait seize ans, n'avait vécu que deux
ans; la seconde, la Reine Marie d'Angleterre, n'avait ja-
mais vu son mari, et la troisième, Elisabeth de France,
fille de Henri II et sœur des derniers Valois, venait dé
mourir.
Don Carlos, arrêté, fut jeté dans une sombre prison,
d'où il ne sortit pas vivant. Le bruit courut qu'il était
mort de maladie, mais personne n'y crut, et Philippe V,
arrivant en Espagne et visitant l'Escurial, se fit ouvrir,
malgré la résistance des moines, gardiens fidèles des
tombes royales, le sarcophage de don Carlos, et, dit
Saint-Simon, il vit la tête placée entre les jambes, ainsi
que cela se fait pour ceux qui ont été décapités. Moins
de deux ans plus tard, Philippe II épousait l'Archidu-
chesse Anne-Marie, qui lui donna Philippe III, mourut
peu après, et Philippe II fut encore veuf pendant dix-huit
ans.
Plus loin dans l'histoire d'Espagne, nous voyons Henri
de Transtamare, fils naturel d'Alphonse XI, se révolter
contre son frère, Pierre le Cruel, le combattre avec
l'aide de Duguesclin et de ses bandes, et finalement le
tuer dans un duel sous la tente, avec Duguesclin comme
seul témoin. Pierre le Cruel n'avait que deux filles natu-
relles qui ne pouvaient pas hériter de la couronne, mais
la bâtardise n'empêcha pas Henri de Transtamare de ré-
gner après son frère.
Plus loin encore, en plein moyen âge, ces révoltes sont
nombreuses ici et là, mais un exemple récent est bon à
rappeler, et le Kronprinz ne l'a certainement pas ou-
blié c'est celui du Prince Georges de Serbie, qui, il
y a peu d'années, lors des difficultés avec l'Autriche,
crut pouvoir, malgré son père et le gouvernement serbe,
ameuter la foule à Belgrade et prononcer de violents dis-
cours contre l'Autriche. Lui aussi était un chauvin. Il
paya cette turbulence du prix de la couronne il fut
exclu de ses droits éventuels au trône et remplacé par
son frère cadet, le Prince Alexandre, comme héritier de
son père, le Roi Pierre 1èr. Cette exclusion, peu conforme
au droit monarchique, n'est pas cependant un cas unique
dans l'histoire et elle peut donner à réfléchir aux Princes
héritiérs qui veulent gouverner avant d'avoir la couronne,
alors que leur père se porte bien et n'est pas de ceux qui
se laissent àrracher le sceptre.
r Tout-Paris
Une Catastrophe
aérienne
sans précédent
Le plus grand dirigeable du monde, la
« Zeppelin L. 2 s'enflamme et
éclate dans les airs
SON ÉQUIPAGE TOUT ENTIER mEURt
(Par dépêche de notre correspondant particulier.)
Berlin, 17 octobre.
Le 10 septembre dernier, voici exactement
trente-sept jours, douze heures après que le
Zeppelun L. l s'était abîmé dans la mer, au
large d'Héligoland, avec seize hommes d'équi-
page, le Zeppelin L. 2, qu'on achevait à peine
de construire, quittait, sur l'ordre de l'empe-
reur d'Allemagne, son hangar de Friedrichsha-
fen, pour un essai de durée de cinquante heu-
res et ceci afin d'atténuer l'impression pro-
duite par l'anéantissement du L. 1 de redon-
ner confiance à ceux qui doutaient.
Ce L. 2 devenait du même coup l'orgueil de
la marine militaire allemande dont il restait
le seul dirigeable. Il était immense et semblait
formidable. Long de 160 mètres, large de 16
mètres, enflé de 27,000 mètres cubes de gaz
répartis entre dix-huit ballonnets, il portait
quatre nacelles, et quatre moteurs de 700 che-
vaux devaient lui assurer une vitesse d'environ
80 kilomètres à l'heure. C'était le plus grand
aéronat du monde.
11 a fallu trente secondes pour en faire un
amas de débris informes. Ce matin, à 10 heu-
res 1/4, comme il venait de s'élever de l'aéro-
drome de Johannisthal pour satisfaire à la su-
prême épreuve, de réception 'et qu'il commen-
çait de s'éloigner, à 150 mètres environ du sol,
avec ses vingt-quatre hommes d'équipage et les
quatre membres d'une commission militaire
il s'est enflammé tout à coup, puis a éclaté, re-
tombant à terre en une pluie de ferraille pul-
vérisée, de bois en feu, et de sang. De tous ceux
qui le montaient, on ne retrouva qu'un vivant,
et il agonise.
Une pareille catastrophe ne saurait être ma-
tière à littérature. Le mieux que l'on puisse
faire, c'est d'en relater brutalement les péripé,
ties dans toute leur saisissante précision.
De bonne heure, ce matin, en prévision de
l'essai définitif que le L. 2 allait accomplir, les
hommes étaient a leur poste. Ils y arrivèrent
avec une pleine confiance. Depuis quelques se-
maines sans doute pour qu'on songeât le
moins possible à la fin lamentable de l'autre
Zeppelin la presse allemande ne tarissait pas
d'éloges sur son successeur et, ce matin même,
un journal berlinois écrivait à propos de la der-
nière expérience qui assurerait sa réception,l'ex-
périence d'aujourd'hui « Simple formalité. Les
autorités navales ne pourront que féliciter la
Société Zeppelin du magnifique ballon qu'elle
livre à l'armée de mer. » Les membres de la
commission, enthousiastes à la pensée de la pro-
menade aérienne qui les attendait, apparurent
tôt sur le champ et embarquèrent.
Les minutes qui suivirent furent déjà moins
gaies. Les moteurs, essayés, fonctionnèrent mal.
Les mécaniciens procédèrent à leur réglage.
Cette mise au point demanda un peu de temps.
Enfin, les choses semblèrent tourner mieux, et
à dix heures et quart le Zeppelin commença de
prendre de la hauteur.
Il était commandé par le lieutenant Freye,
de la Société Zeppelin, et par le capitaine Glub,
ce même officier qui pilotait naguère le Zeppe-
lin-IV lors de son malencontreux atterrissage
à Lunéville, et qui eut une si étrange conduite
en déclarant, après son retour en Allemagne,
lé contraire de ce qu'il avait, en toute initiative
personnelle, affirmé aux autorités de Lunéville
sur la manière correcte dont on l'avait reçu.
La commission militaire, partie à bord, avait
à sa tête le commandant Benhische.
Dès qu'il eut atteint une centaine de mètres,
le L 2, fortement incliné, se dirigea vers l'ouest.
Il n'avait pas encore navigué pendant qua-
rante secondes que brusquement une fumée
sourdait entre les nacelles d'avant et d'arrière,
puis s'abattait, mêlée de longues et larges
flammes, sur la nacelle arrière. On vit trois
hommes jaillir des nuages rougeoyants. Ils
avaient sauté de la nacelle. Ils allèrent s'écraser
dans un champ. Et cependant qu'ils tombaient
encore, la nacelle elle-même se détachait, préci-
pitant à leur tour dans le vide les hommes
qu'elle contenait.
T'out cela s'accomplit en presque moins de
temps qu'il n'en faut pour l'imaginer. Dans la
même seconde, avec le bruit d'une poudrière
qui saute, l'énorme enveloppe du Zeppelin
éclatait. L'air en subit un tel ébranlement que,
à quelques centaines de mètres du théâtre de
l'explosion, l'aviateur Hirth, qui évoluait en
compagnie d'un passager, sentit son appareils
se cabrer sous le choc et reculer de cinquante
mètres. Dans un rayon de deux kilomètres, tour
tes les maisons eurent leurs vitres brisées.
Et là-bas, à cinq cents mètres de l'aérodrome
de Johannisthal, près du canal de Taltow, au
milieu de grandes flammes, ce qui restait du
Zeppelin dégringolait du ciel et s'écrasait au
bord de la route, couvrant la terre d'une nappe
de débris irinomables.
Les pilotes et les mécaniciens de l'aérodrome
sautèrent en automobile pour essayer de porter
secours aux quelques hommes qui survivaient
peut-être. Plus rapide qu'eux, Hirth piquait
droit sur le champ tragique et y atterrissait.
Ils ne purent approcher. Le Zeppelin n'était
plus qu'une fournaise d'où émergeaient çà et là
des broussailles de fer rougi par la chaleur. On
dut pendant près de vingt minutes noyer les
décombres..
Après quoi le spectacle qui s'offrit sembla
plus épouvantable, si possible, qu'au premier
instant. La carçasse d'aluminium, sectionnée de
toutes parts, enchevêtrée, dessinait un réseau à
peu près inextricable sur une longueur de cent
à cent cinquante mètres. Et, au milieu de ce
chaos, on ne' distinguait plus qu'un réservoir
éventré, quelques poutrelles tordues, une partie
du gouvernail de profondeur, des morceaux de
toile caoutchoutée grillés et racornis.
Cela n'était- rien encore. Lorsque la fumée se
dissipa, le plus atroce apparut des cadavres.
Presque tous étaient complètement carbonisés.
Qui pis est, quelques-uns avaient été déchi-
quetés, de sorte que des membres arrachés,
à demi-sanguinolents, gisaient et là.
Deux marins qui vivaient encore furent dé-
posés sur la prairie. Ils expiraient aussitôt.
Un autre fut découvert quelques instants plus
tard, on le dégagea, tandis qu'il hurlait de
douleur, et il mourut tout de suite. Un qua-
trième passager fut relevé vivant, le lieutenant
von Blouel. Il succomba dans la soirée.
Des vingt-huit hommes qui le montaient, au-
cun n'aura survécu à la catastrophe du plus
grand des Zeppelin.
Quand la terrible nouvelle parvint à Berlin,
elle y répandit une stupeur qu'aucun terme ne
peut traduire.
L'anéantissement du Zeppelin L. n'avait pas
tué complètement la confiance en ces monstres,
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