Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-08-10
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 août 1913 10 août 1913
Description : 1913/08/10 (Numéro 13084). 1913/08/10 (Numéro 13084).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k535880b
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/04/2008
48e année. 3" série. N"13084
PARIS ET DÉPARTEMENTS s5 CENTIMES
DIMANCHE 10 AOÛT 1913
ARTHUR MEYER
Directeur
RÉDACTION
M QUATTUt HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIH
2, rue Drouot, 2
(Angle dn boolavardi Montmartre et du Italiuu)
ABONNEMENTS
Parle et départements
Un mois 5 fr. 1 Six mois 28 fr.
Trois mois 14 fr. Un au 58 fr.
Etranger
Trois mois (Union postale). 18 fr.
TÉLÉPHOME. Trois U^sTl0O7-209.00-312.ai
ARTHUR MEYER
Directeur
ADMINISTRATION
ABONNEMENTS, PETITES ANNONCES
2, nie Drouot, 2
(AS|U du boulevard! Montmartre et du IUlluu)
ANNONCES
MM. r,AGRAJSIGBl, CERF Cf.
8, HAÇ» DE LA BOUSIX, S
JK à Vadminùtration 4u Journal
Les manuscrits &• sont pas rendus
kGollifle
i
LÉOPOLD BAILLIARD
Nulle époque de l'histoire de France n'a été
plus fertile en mystiques que la période qui
s'étend de 1830 à 1848. Les classes dirigeantes
paraissent alors tourner toutes leurs préoccupa-
tions et tous leurs efforts vers la satisfaction des
besoins matériels; leur politiqueconsiste,selonle
mot que, bien à tort, on a reproché à M. Guizot,
s'enrichir. Un immense besoin de spiritualité
agite to,utes les autres un besoin de croire, un
besoin de se dévouer, un besoin d'aimer et de
se sacrifier. Cet esprit souffle aussi bien sur les
républicains qui rêvent, sous le drapeau rouge,
au bonheur de l'Humanité, que sur les royalis-
tes vendéens qui se font tuer pour le drapeau
blanc, en criant Vive le Roi » » Il possède,
comme les Phalanstériens, les Icariens, les dis-
ciples des diverses écoles communistes qui
toutes en réalité, si elles proclament l'autorité
despotique du fondateur, attestent la religieuse
abnégation des disciples.
Religieuse, oui tout cela étant spiritualité,
est religion, mais ce courant là est détourné de la
Révélation, tandis que, par centaines, éclosent
des sectes se recommandant d'un prophète en-
voyé,soit pour accomplir les promesses des saints
livres, soit pour en expliquer et commenter les
textes, soit pour apporter des vérités nouvelles
et confirmatives. Souvent le réformateur se
mue en voyant, en envoyé de Dieu, en fonda-
teur d'une religion nouvelle, qui sait, parfois
en Dieu Prenez Enfantin et Auguste Comte,
combien d'autres Parfois, le révélateur, le
commentateur des livres, partant de la reli-
gion catholique, croit avoir, a sans doute des
visions et des apparitions qui, au lieu de de-
meurer orthodoxes et louables, et telles qu'el-
les soient approuvées par les pasteurs légitimes,
tournent à l'hérésie et tombent dans le sacri-
loge. Parfois, au moment d'arriver à la révolte,
et de rompre avec l'Eglise, le thaumaturge se
repent, il se reconnaît coupable et rentre au
giroi le plus souvent, l'orgueil l'emporte
et, n'admettant ni réprimande, ni conseil,
il persévère diaboliquement. Certains se cram-
ponnent à l'Eglise même dont ils violent
r les disciplines, dont ils dénient la hiérarchie et
dont ils offensent les règles contre le Pape,
contre les évêques, contre tous les autres prê-
tres, eux seuls ont raison, et les autres sont im-
béciles, simoniaques, prévaricateurs et le reste.
Et alors intervient comme de juste l'appel au
futur concile procédure connue. Le concile
assemblé, la condamnation prononcée par lui,
croyez-vous qu'ils se soumettent? Fi donc ils
fondent une autre Eglise, voilà tout.
Ge monde, presque sans exception, obéit à
des considérations purement spirituelles cer-
tes, il peut s'y glisser des simulateurs qui, des
visions qu'ils racontent, de la religion qu'ils
imaginent, du schisme qu'ils prêchent, atten-
dent la satisfaction de leurs vices ou la justifi-
cation de leurs passions combien de moines
depuis Luther attirés à l'hérésie par un joli
visage L'éternel féminin perpétue ainsi à tra-
vers les âges sa lutte contre l'éternel mascu-
lin la Tentation demeurée pareille depuis le
Péché provoque toujours aux mêmes faibles-
ses, mais, dans l'étonnante histoire du Mystique
durant les années 1830 à 1850, semble-t-elle, au
moins, jouer le moindre rôle. Un souffle a
passé sur la France qui fait rêver à chacun
d'une croyance rajeunie, d'une foi qui remplace
l'ancienne qu'on prétend désuète et qu'on as-
sure abolie, et Musset, au milieu des négations
anti-chrétiennes de4'Enfant du Siècle, lance un
cri d'espoir et de défi, un cri de foi tout de
même et de spiritualité
Qui de nous, qui de nous va devenir un Dieu 1
Combien crurent qu'ils le devenaient 1
Entre les prophètes qui se sont signalés
alors, il en est un qui demeure mystérieux et
dont le nom, récemment évoqué par Mau-
rice Barrès dans son livre La Colline inspirée
et par là rappelé à la mémoire des hommes, a
provoqué chez bien des lecteurs une sorte d'é-
tonnement. Qu'est-ce que ce Vintras ? se de-
mandèrent-ils. Est-il possible qu'il ait existé,
qu'il ait fait des prosélytes, qu'il ait réuni au-
tour de lui des disciples et des croyants ?
Certes, Vintras a existé, et tout ce qu'en a dit
Maurice Barrès est rigoureusement exact. Vintras
n'a point été directement l'objet de cette étude
si profonde, si constamment supérieure par la
pensée et par la forme dont la pensée est revê-
tue si émouvante par la concordance des pay-
sages et des êtres, que le drame des consciences
s'accroît, s'élargit, se symbolise par le drame
de la nature, que les personnages et le décor
se rendent inséparables et que l'émotion du
lecteur ne saurait pas plus les disjoindre que
ne les disjoint son souvenir.
Mais c'est à un plan lointain et voilé de va-
peurs opportunes que Maurice Barrès a placé
1 homme qui a été la cause occasionnelle de
l'aventure de Bailliard. Et celle-ci, avec les dé-
veloppements psychologiques qu'elle comporte,
demeure le livre même.
Si, entraîné par l'orgueil d'avoir produit
une oeuvre telle que Notre-Dame de Sion,
Léopold Bailliard, puni par son évêque et re-
belle à la discipline, prêt à la révolte et n'at-
tendant qu un accident pour secouer le joug,
n avait pas ouï parler de Vintras comme d'un
visionnaire, il aurait ouï parler de tel autre il
n'en manquait pas mais nul ne pouvait lui
plaire au degré de Vintras, parce que Vintras
prétendait à ce moment demeurer chrétien et
catholique, malgré son évêque, malgré les évê-
ques, malgré le Pape, malgré tout le monde,
et tel est bien aussi le cas de Léopold. Il a af-
faire à son évêque et c'est là le point essen-
tiel mais il prétend, malgré l'évêque, être un
catholique, plus catholique que l'évêque mê-
me Vmtras sortira de l'Eglise Léopold quoi
qu ii fasse, quoi qu'il s'efforce a dire je ne
dis pas à croire demeurera lié Sacerdos in
selernum.
Pour rompre la chaîne qui l'attache à la
religion qu'il a professée, qu'il a enseignée,
qu il a administrée pour abolir en lui le sens
de la hiérarchie, pour renier ce qui fut toute
son espérance et sa foi, il faut au prêtre un
bien autre effort, un entraînement bien plus
vît, qu'au laïque, si pieux soit-il et si con-
vaincu.
Par là, assurément, ne parlé-je que du prê-
tre qui croit, qui est certain de la divinité de
son institution et de sa mission non du prêtre
qui a embrassé cette carrière comme il eût fait
d'une autre et qui ne l'a préférée que sur ce
qu'elle lui semblait plus douce, moins fati-
gante et moins sujette aux hasards. Ce prêtre-
là, qu'on vienne lui offrir, de quelque part que
ce soit, une place mieux rétribuée et moins fa-
tigante encore, il s'empresse à l'accepter, dût-
il, pour la remplir ait gré de ses nouveaux maî-
tres, blasphémer une heure par semaine les
dieux qu'il a adorés. Celui-là qui n'éprouva
jamais que des préoccupations matérielles
verse tout naturellement dans le matérialisme,
et sa courte science n'est prisée si haut par les
athées que parce qu'elle est professée par un.
Renégat.
Mais, chez le prêtre qui, a cru< qui
croit encore, qui s'attache aux divines pro-
messes, il faut pour déclancher l'esprit de ré-
bellion autre chose tout de même que les vai-
nes assurances d'un tentateur au rabais.
Il faut qu'il trouve une émotion mystique,
une foi nouvelle à laquelle il accroche, sans se
l'avouer peut-être, ses rancunes personnelles et
son esprit de révolte. La discipline lui pèse,
certes la subordination supplicie son orgueil,
mais oserait-il enfreindre l'une et rejeter l'au-
tre, s'il ne rencontrait un prétexte mystique,
une raison qu'il se donne à lui-même, non pour
ne plus croire, mais pour croire autrement ?
II ira donc à un visionnaire, qui lui apportera
une sorte de révélation.. Il ira d'autant plus
volontiers si, autour de ce prophète prétendu,
s'est groupée une cour de prêtres, dont
le prophète est l'instrument et le porte-
paroles plutôt que l'inspirateur alors, tout
se réunira pour l'entraîner il croira obéir
à des voix surnaturelles, il acceptera sans
les contrôler les plus étonnantes révélations
il ne doutera pas des miracles dont le
charlatanisme eût mis en garde un en-
fant de quinze ans il est conquis, il est perdu.
Il entre en lutte avec la puissance dogmatique
et disciplinaire de l'Eglise il est rejeté dans
les ténèbres où il s'agite désespérément il est
le lépreux autour duquel se dressent les infran-
chissables et muettes murailles que cimente
une autorité vieille de dix-huit siècles. Il faut
qu'il meure, et si, à l'instant suprême, l'Eglise
daigne jeter sur le moribond un regard de pi-
tié, c'est en échange de la solennelle abjuration
et d'un total renoncement.
Le prêtre qui a renie le sacerdoce pourra de-
venir un écrivain hors ligne, un grand savant,
un romancier de talent il pourra même se
croire un époux aimant et un père de famille
dont la postérité est bénie mais vienne l'heure
suprême et qu'il voie, dans le cadre de la porte,
paraître un prêtre, un homme tel qu'il fut au-
trefois, tenant de sa main levée au-dessus du
ciboire l'hostie consacrée, tout aussitôt sera ou-
bli4, épouse, famille, travaux, science, fortune,
et avec quelle supplication d'amour et de désir,
avec quelle sincérité de repentir, il s'élancera
vers son Dieu
L'émotion qu'éprouve et que communique
M. Maurice Barrès, en racontant la décadence
de ce Léopold Bailliard, que sa puissance de
conception, son génie de création, sa haute fa-
culté d'organisation grandissent jusqu'à en faire
une sorte de héros lorrain, rend plus significatif
encore ce tableau où, avec une vigueur incom-
parable, une pénétration aiguë et une connais-
sance approfondie des drames psychologiques,
il peint l'abîme de désespoir où a roulé l'ange
déchu. L'orgueil le soutient seul, mais non pas,
en vérité, la foi aux visions, aux révélations,
aux apports de Vintras. Léopold Bailliard,
homme intelligent, pondéré, parfaitement cal-
culateur, a-t-il pu avoir foi en Vintras ? A-t-il
pu, sans révolte, accepter, à mesure qu'elles se
rendaient de plus en plus extraordinaires, les
pratiques du voyant de Tilly-sur-Seulles ? Y
a-t-il cherché un instrument de règne ou bien,
devenu en quelque sorte le forçat du bagne
Vintras, lié à ce prophète de malheur par la
chaîne que lui-même avait rivée, est-il contraint
de le suivre où qu'il aille, à travers les fondriè-
res et les buissons, d'épines, laissant à chacun
un lambeau de sa raison? ̃•̃̃̃̃
Voilà la question qui se pose à ceux qui,
ayant pu se procurer quelques-uns des écrits
d'Eugène Vintras, prophète, fondateur de l'Œu-
vre de la Miséricorde et la chose n'est point
aisée les ont lus avec assez d'attention pour
extraire de cet étonnant fatras quelques affir-
mations et quelques faits précis.
Frédéric Masson
de l'Académie française
Ce ui se passe
ÉCH OS DE_PARTOUT
Le général Charles Mangin, le vainqueur de
Marakech, qui vient de recevoir les deux étoi-
les, appartient à une vieille famille de la Lor-
raine annexée, qui a fourni à la France nombre
de valeureux soldats.
Son oncle, le général Eugène Mangin, un en-
fant de Metz, avait fait brillamment les cam-
pagnes d'Algérie sous le duc d'Aumale et fut
blessé sous Sébastopol pendant la campagne
d'Italie, en 1859, entendant le canon de Mon-
tebello, où la division Forey était aux prises
avec un corps d'armée autrichien, il n'hésita
pas à accourir avec toutes les troupes dont il
disposait, tomba à l'improviste sur les derriè-
res de l'ennemi et, changea en victoire cette pre-
mière affaire de la campagne, qui semblait de-
voir être un sérieux échec.
Un autre oncle du générale Charles Mangin,
le commandant Henri Mangin, fut blessé plu-
sieurs fois sous Sébastopol et mourut des fati-
gues de la campagne de Chine. Enfin, le nou-
veau général avait deux frères, tous deux, com-
me lui, officiers d'infanterie de marine. Ils sont
morts, l'un et l'autre, à l'ennemi, pour la
France l'aîné fut tué comme lieutenant, au
Tonkin, en 1885 l'autre était capitaine lors-
qu'il fut tué, il y a cinq ans, dans un combat en
Mauritanie.
Voilà, certes, une belle famille de soldats, qui
fait honneur à sa grande et à sa petite patrie,
la France et l'Alsace-Lorraine.
Dans son voyage en Limousin, M. Poincaré
constatera que les sites pittoresques qu'il doit
inaugurer ont bien quelque. influence et une
influence des plus heureuses- sur la santé des
habitants, puisque quatre centenaires lui se-
ront présentés à Limoges.
Ce sont une hospitalisée de l'asile Chas-
taing, âgée de cent sept ans une autre cente-
naire (cent deux ans), domiciliée dans le centre
de la ville de Limoges, et que sa famille a fêtée
tout récemment un buraliste de Vaulry, bura-
liste depuis soixante-sept ans, que sa commune
a fêté en juin dernier, et enfin Mme veuve Ma-
réchal, née Sévère Gabiat, pour qui la com-
mune de Saint-Sulpice-les-Feuilles organisa, le
ler juillet dernier, une fête qui fut particulière-
ment réussie. Mme Maréchal, qui est âgée de
cent trois ans, jouit de toute sa lucidité d'esprit
et occupe ses loisirs à tricoter des bas pour les
pauvres de sa localité.
Outre ces quatre centenaires, le Limousin
compte encore dix vieillards ayant dépassé la
quatre-vingt-dix-neuvième année. Quant aux
simples nonagénaires, les statistiques en accu-
sent près de quarante.
Changement de temps Il a plu à verse hier,
Immédiatement, sans hésiter, nous prenons un
taxi, et, en route pour la tour Saint-Jacques.
Le portier n'est pas là, nous dit le gardien,
vous le trouverez chez le marchand de vins du
boulevard Sébastopol.
Entrer chez l'honorable débitant fut l'affaire
d'un instant. Notre, brave portier faisait une
manille. Quand il nous vit, il nous fit signe
d'attendre, et nous dit « Encore une minute »
Puis, tout à son jeu a le manillon, la manille
et le roi. j'ai gagné »
Alors il se leva et vint à nous.
Ah oui, vous venez pour la pluie. c'était
prévu Et pourtant, vous n'avez pas à vous
plaindre. La dernière fois que vous êtes venu,
je vous ai annoncé quelques beaux jours d'été.
Vous les avez eus.
Et à présent, que pensent vos savants ?
Du mauvais temps jusqu'au 13, et après
du beau soleil jusau'au 31. Ne dites pas aue
c'est moi qui vous l'ai dit. je retourne à ma
manille. au plaisir de vous revoir!
La dernière innovation du service de la voi-
rie ne laisse pas d'être assez importante.
Elle porte sur l'une de nos artères les plus en-
combrées, les Champs-Elysées. Avant-hier, dans
la matinée, un certain nombre de cantonniers
municipaux en opt pris, en effet, possession et
s'y sont installés en maîtres. Les terre-pleins,
bordés dé trottoirs, qui défendaient le pied des
lampadaires du centre, ayant été entourés de
barrières, on se mettait en devoir de supprimer
ces fameux bancs en pierre qui décoraient na-
guère la partie médiane de l'aristocratique ave-
nue.
Ces bancs seront définitivement abolis, cha-
que terre-plein sera allongé environ du double
et comportera dorénavant deux becs électri-
ques, situés à chacune de ses extrémités. De
plus, ces luminaires seront reculés d'un mètre,
en se rapprochant des trottoirs latéraux, de fa-
çon à élargir, au centre, le passage réservé aux
autos. Les voies montante et descendante, où
roulent les autres voitures et les bicyclettes, se-
ront donc légèrement rétrécies. Tout fait sup-
poser que l'espace qui leur sera départi sera
désormais suffisant, étant donné le nombre de
plus en plus minime des véhicules hippomo-
biles.
Le problème de la circulation est-il enfin à
la veille d'être solutionné sur cette belle ave-
nue ?
VISION BREVE
IL Y A CACHETS ET CACHETS.
Hier, cinq heures du soir, dans.l'un des bureaux du
centré de Paris, devant les deux guichets réservés aux
« chargements » et qui sont fort achalandés. Une femme
en deuil tend à l'un des préposés un minuscule colis soi-
gneusement entouré de « faveurs » roses, L'employé le
retourne en tous sens et le considère sous toutes ses faces,
puis déclare:
Je regrette, madame, mais je ne puis accepter ce
paquet.
Je l'ai pourtant fait avec soin, observe-t-elle timide-
ment.
Oh! je ne dis pas! Mais l'empreinte de votre ca-
chet sur la cire est informe. et puis la cire est craque-
lée.
C'est que je suis maladroite, coniesse-t-elle
soudain très rouge sous ses voiles noirs.
Faites-vous aider, madame, mais il faut refaire les
cachets.
Elle, confuse, se retire sans protester. Mais au
guichet voisin, un nouvel incident attire l'attention des
« clients » qui s'y pressent. Un vieux monsieur tente en
vain de faire « charger » la vaste enveloppe qu'il proposé
à un employé.
Mais, déclare-t-il assez haut, on a mis dessus le
nombre de cachets obligatoires.
Parfaitement, monsieur, riposte l'autre, mais l'en-
veloppe est de papier glacé et dès lors les cachets ne
tiendront pas. Voyez, ils s'écaillent déjà!
Le vieux monsieur insiste: « Voilà trente-cinq ans que
je me sers des mêmes enveloppes. Et on ne m'en avait
pas refusé une jusqu'à ce jour! » Pour appuyer sa dé-
monstration, d'un frôlement léger du pouce l'employé
fait sauter un cachet. Le propriétaire de l'enveloppe s'in-
digne et parle de déposer une plainte. Mais déjà un au-
tre a pris sa place. Celui-là a la longue blouse
blanche des ouvriers bijoutiers, et c'est une, petite boite
en bois parfaitement cubique, où de beaux cachets rouges
sont apposés sur des bar-le-duc bleus impeccables.
Je ne puis accepter ce paquet, déclare l'employé,
courtois mais impassible.
'Hein ? ̃
Voyez. là. ce cachet, le troisième. il est dou-
ble. il a été recommencé.
Mais en vain l'employé explique. Ses quelques mots
ont mis en fureur l'ouvrier bijoutier qui proteste, profère
des menaces, mène un tel vacarme que tout le bureau
de poste est ému. Le receveur arrive. Il approuve la
décision de son commis. On entend quelques bribes de
phrases qu'il dit, encore que sa voix soit couverte par celle
du mécontent: « .Nouvelles instructions. très sévè-
res. sommes obligés. »
Ben quoi, ben quoi, dit l'homme à la boîte cubique,
ça vous fera-t-i retrouver le collier ?
Mais il n'a pas la galerie pour lui et ceux qui lui suc-
cèdent aux guichets approuvent courageusement une me-
sure qui les force presque tous à refaire leur petit pa-
quet. C'est qu'en tout citoyen, maintenant, on trouve
un émule de Bertillon et un aspirant Sherlock Hojmès,
et tous comprennent qu'il y a cachets et cachets.
Nous avons eu le plaisir d'interviewer hier
M. Pol, le charmeur d'oiseaux des Tuileries,
qui, ainsi que nous l'avons dit, a reçu de Mme
la comtesse de Bois-Landry et de M. Méline
une médaille d'honneur au nom de la Société
d'aviculture.
Comment vous est venue cette vocation
bizarre ? lui avons-nous demandé.
Oh c'est très simple. Je suis entré à vingt
ans aux télégraphes. En me rendant à mon bu-
reau, je m'asseyais sur un banc pour lire mon
journal. Je le tirais d'une poche où j'avais mis
le pain de mon déjeuner, et quelques miettes
tombaient sur le gravier. Les oiseaux vin-
rent, familiers. C'est ainsi que nous avons fait
connaissance. On s'est compris. On s'étonne que
je puisse les distinguer mais il n'y a pas un
moineau qui ressemble à un autre. Ma pre-
mière amie fut Jeannette qui, perchée sur mon
poing, picorait ma bouche ou se présentait à
la pitance aussitôt que je l'appelais. Pendant
la guerre du Transvaal, j'avais un convive, le
« Petit Boër », qui ne comprenait que l'anglais
Come here, Unie bird Plus tard, je lui ai
aonne un autre nom.
Et il venait tout de même ?
M. Pol riposte en souriant
Tout ceci, c'est de la mise en scène. Au
fond, les oiseaux ne comprennent pas plus l'an-
glais que le français. Les noms, ils ne les en-
tendent pas, au sens que nous donnons à l'ex-
pression « entendre », mais l'attraction que
j'exerce est bien un charme. Avec un peu d'ap-
plication, vous en feriez autant que moi. Ils
m'aiment, parce qu'ils ont confiance. Plaire,
c'est se faire supporter. L'art de charmer les
oiseaux, c'est d'être bien avec eux. Ce sont de
bons petits serviteurs de l'agriculture et, sans
eux; le plus beau paysage serait d'une lourde
tristesse.
Allô allô c'est toi, Odette ?
Parfaitement, monsieur mon mari.
Dis-moi, j'ai oublié de te rappeler de ne
pas manquer de joindre à nos bagages quel-
ques bouteilles de Dubonnet. Je crains de n'en
pas trouver dans le charmant petit trou où
nous allons et tu sais que je ne saurais m'en
passer, pas plus pour mon apéritif que pour
me rafraîchir.
Mais c'est la première chose à laquelle j'ai
pensé, mon chéri.
On vient de célébrer en Amérique un glo-
rieux anniversaire, celui du cocktail. Tout le
monde connaît cette boisson bizarre dont on
peut dire, comme de M. Mears, qu'elle a fait
le tour du monde.
C'est en 1836, dans un petit restaurant d'un
faubourg de Washington, que ce breuvage, uni-
versellement connu et, hélas! trop apprécié, a
vu.le jour. Voici dans quelles circonstances
Le duel était, à cette époque, d'un usage très
répandu aux, Etats-Unis. A propos d'un rien,
les revolvers sortaient de leur étui et, pan.
pan. la vie d'un homme était l'enjeu, et sou-
vent les deux restaient sur le carreau. Or, en
au mois de février, un gentleman du Sud,
M. John Hopkins, était venu à Washington
pour régler une affaire de duel. On se rendit
sur le terrain, et il fut blessé d'un coup de feu
à l'épaule. Perdant beaucoup de sang, on le
transporta dans le petit restaurant du fau-
bourg, et le patron, pour ranimer le blessé, eut
l'idée de préparer une boisson dans laquelle il
fit entrer tout ce qui lui tomba sous la main
de la glace pilée, du whisky, du gin, du citron,
un jaune d'œuf, du sucre, et la lui fit avaler
l'effet fut merveilleux, le cocktail était né 1
Des clients, voyant l'effet, demandèrent à
goûter, et en très peu de temps le marchand
-de vins faisait fortune et le> cocktail sa répan-
dait à travers le monde.
NOUVELLES A LA MAIN
Après la loi militaire à-la Chambre.
M. Jaurès, qui était partisan de l'impôt
sur les jeux, va probablement, pendant ses va-
cances, élaborer un nouveau projet de loi.
Sur quoi ?
Mais un impôt sur. les échecs
Un Domino
NOTES SOCIALES
Cela devait certainement arriver et, s'il ne se
fût pas produit, j'aurais été étonné, ou bien,
plutôt, je me serais dit que la chose s'était pro-
duite, mais qu'elle n'était pas parvenue à ma
connaissance, comme aussi bien très peu de
choses y parviennent dans le nombre, très con-
sidérable, des choses.
Quelle est la cause première, la cause effi-
ciente, la cause totale, ou au moins la cause es-
sentielle des malversations des accusés du fa-
meux procès Krupp ? La cause première, la
cause efficiente, la cause totale ou au moins la
cause essentielle des malversations des accusés
du procès Krupp, ce sont les Jésuites. Ce ne
pouvait être autre chose et ne pouvait être au-
tres gens que les Jésuites. Comme tout aurait dû
le. --faire prévoir, le président du conseil de
guerre a reçu, d'un citoyen de Cologne, une
lettre très circonstanciée où il était dit que les
accusés du fameux procès ont obéi aux sugges-
tions sournoises et astucieuses des Jésuites, qui
télégraphiaient avec eux par la télégraphie sans
fil, et que ce sont encore une fois les hommes
neirs qui sont cause de tout le mal.
Vous n'êtes pas embarrassés de le croire ?
Ni moi comme dit La Fontaine. Mais j'ai un
ami qui croit, lui, que pas un de ceux qui accu-
sent les Jésuites de tous les sinistres qui se pro-
duisent ici-bas et ailleurs, ne croit un mot de
ce qu'il dit.
Cette « tarte à la crème », dit-il, est assez
vaste pour donner à manger à toute la terre
mais elle est trop épaisse pour que ceux qui la
fabriquent y mordent eux-mêmes. Ils y font
croire, mais ils n'y croient pas du tout. C'est
propos d'habitude, comme « Après vous, s'il
vous plaît. » C'est réflexe, comme certains tics
c'est automatisme. Ils disent « C'est la faute
aux Jésuites », comme quand je vous dis J'ai
la migraine », vous répondez « C'est le temps. »
Savez-vous seulement le temps qu'il fait ?
Je sais du moins qu'il y en a un.
Vous touchez le fond de la question, avec
votre profondeur ordinaire. Il y a un temps il
y a un temps tous les jours. Mais des Jésuites,
il n'y en a iamais eu.,
Vous croyez ?
C'est la seule chose dont je suis sûr. Pour
que tant de gens attribuent aux Jésuites tout ce
qui arrive de fâcheux sur cette terre, il faut
qu'il n'y ait jamais eu un Jésuite. Les choses
réelles se succèdent si rapidement et s'enchevê-
trent de façon si confuse que l'on ne peut être
obsédé perpétuellement que par quelque chose
qui n'existe pas. Les Jésuites ont été inventés,
il y a deux siècles et demi, par les Jansénistes,
qui étaient des journalistes à court de copie.
C'est une pure fantasmagorie. Je m'étonne
qu'un homme aussi pénétrant.
Il m'a semblé qu'à son tour il exagérait. Mais
qu'on puisse être aussi ingénu que le bourgeois
de Cologne et que les bourgeois d'autres lieux,
sans le faire exprès, cela aussi est invraisem-
blable.
Un Désabusé
Les Retraites
militaires
PROCÉDÉS DE VANDALES
Rue Royale, les antimilitaristes brisent des
vitrines pour protester contre
les retraites
Les retraites militaires ont été, hier soir, le
prétexte d'actes de vandalisme qui suffiront à
mettre le comble à l'indignation que tous les
honnêtes gens éprouvent à l'égard des antimi-
litaristes, anarchistes et syndicalistes. Ce qui
s'est passé est incroyable, autant que révol-
tant.
La préfecture de police était avisée, dans la
journée, que les manifestants ordinaires du sa-
medi soir avaient résolu d'adopter une méthode
nouvelle pour obtenir la suppression des retrai-
tes militaires. Las, sans doute, d'être régulière-
ment rossés par les patriotes et comprenant
peut-être 1 mutilité de leurs odieuses manifes-
tations, ils avaient décidé de briser désormais
les vitrines des magasins sur le passage des re-
traites militaires, afin que les commerçants de-
mandassent eux-mêmes l'annulation de l'ordon-
nance de M. Millerand rétablissant les retraites
du samedi.
Ceci parut tout d'abord invraisemblable. Il
semblait, en effet, que seuls dns sauvages fus-
sent capables de concevoir et d'exécuter une ac-
tion aussi abominable. Des précautions policiè-
res extraordinaires furent prises. Si elles ont
empêché les antimilitaristes de commettre une
véritable dévastation dans les plus beaux quar-
tiers de Paris, elles n'ont pu cependant les em-
pêcher complètement d'exécuter leur mons-
trueux projet. Trois magasins ont vu leurs gla-
ces brisées rue Royale.
La musique du 50 de ligne avait quitté la ca-
̃ serne de la rue de Penthièvré à huit heures et
demie, pour parcourir les quartiers des Champs-
Elysées, du Trocadéro, de l'Etoile et du Fau-
bourg-Saint-Honoré, suivie par la Société des
amis des retraites militaires et d'innombrables
patriotes.
M. Hennion, préfet de police, dirigeait le ser-
vice d'ordre avec MM. Laurent, secrétaire gé-
néral de la préfecture de police Bouvier, sous-
directeur de la police municipale, et Chanot,
commissaire divisionnaire.
Sur tout le parcours, le public ne cessa d'ac-
clamer les soldats et, sauf deux petites échauf-
fourées place de l'Alma et à l'angle du Fau-
bourg-Saint-Honoré et du boulevard Hauss-
mann, aucun trouble vraiment sérieux ne se
produisit sur le parcours. Les patriotes corri-
gèrent quelques braillards isolés et la masse
imposante des agents des brigades de réserves
inspira le respect de l'armée aux autres syndi-
calistes.
Le méfait prémédité était réservé pour la rue
Royale, dont les magasins symbolisent la ri-
chesse commerciale.
La musique du 5e de ligne était rentrée à la
caserne. Les amis des retraites prirent le che-
min de la place Ce là Concorde, où ils ont cou-
tume d'aller saluer la statue de Strasbourg
après chaque retraite. Ils arrivèrent rue Royale
à 9 h. 35. A peine s'y étaient-ils engagés qu'ils
se heurtèrent à un fort groupe de manifestants.
La bagarre était inévitable'.
Elle fut violente, acharnée de part et d'au-
tre. Coups de cannes, coups de poings furent
appliqués. Il y eut même quelques blessés. C'est
alors qu'on vit des antimilitaristes, non plus
s'en prendre aux amis des retraites, mais frap-
per à grands coups de matraques dans les gran-
des glaces de plusieurs magasins. Elles volè-
rent en éclats, et c'est miracle que certains ma-
nifestants n'aient pas fait main basse sur les
écrins qui se trouvaient en vitrine.
Car qui dira pourquoi les antimilitaris-
tes n'ont brisé que des vitrines de bijoutiers
au numéro 6, chez M. Fouquet au numéro 16,
chez M. Robert au numéro 24, chez M. Mau-
rice. Et toute cette dévastation s'est faite aux
cris de a A bas l'armée A bas les trois ans
Vive l'anarchie »
Les agents arrivèrent à propos, dispersèrent
les manifestants à coups de bottes et arrêtèrent
tous ceux qu'ils purent. Vingt-cinq furent
conduits au poste trois seulement furent
envoyés au Dépôt Aristide Crochant, maçon,
qui fut arrêté au moment où il s'acharnait sur
la vitrine du numéro 24 Henri Simon, cimen-
tier, et Raoul Donjo.
Ils seront poursuivis pour bris de clôture,
voies de faits et injures à l'armée et aux agents.
Et qu'ils ne viennent pas dire que les glaces
ont été brisées dans la bagarre, par hasard. Ce
serait de leur part une lâcheté supplémentaire.
La préméditation sera établie. Et cette prémé-
ditation n'est pas ce qu'il y a de moins odieux
dans leur odieuse besogne.
Georges Drouilly
Lire à la deuxième page:
La Clôture de la Conférence de Bucarest
où la Paix, sera définitivement
signée ce matin, à neuf heures
Bloc-Notes Parisien
LA SEMAINE ANGLAISE
On va donc faire un essai de la semaine anglaise chez
nous. La semaine anglaise est ainsi appelée parce que,
pratiquée chez nos voisins, elle commence le lundi matin
pour s'arrêter tout court le samedi à midi, à midi tapant.
Nous avons pris aux Anglais le tennis, le golf, le foot-
ball, le bridge, le poker, le rallye-paper, le roastbeef, le
bar, le whisky and soda, le pardessus mastic, une cer-
taine façon de blanchir nos cols et nos manchettes et
d'avoir le bas du pantalon relevé même quand il fait
sec. Quoi encore? J'en passe et des plus « selects ».
Nous allons leur prendre le week-endf Hip! hip
hurrah! Once more for the week-end et vive l'Entente
cordiale! Cela ne nous empêchera pas, d'ailleurs, de res-
ter passionnément Français.
La semaine anglaise, pratiquée à Paris, donnera-t-elle
à la Ville-Lumière une physionomie nouvelle? Paris sera-
t-il plus gai le samedi après-midi ou le sera-t-il moins?
Cela dépendra, bien entendu, des saisons. L'été, la ca-
pitale se videra vraisemblablement un peu plus tôt. Mais
l'hiver, les boulevards prendront sans doute un aspect
encore plus animé; l'employé parisien, aux heures dé
liberté, aimant assez flâner avant de rentrer chez lui.
Les devantures de nos magasins sont si tentantes et le
mouvant spectacle de nos rues toujours imprévu
A Londres, hiver comme été, les grandes artères com-
mencent à se vider le samedi dès midi aussitôt la ferme-
ture des administrations et des magasins, l'exode com-
mence.
Rien de plus particulier et de plus curieux que l'aspect
de Londres le samedi matin. Il semble que le pouls de
la grande ville bat plus vite. Les hommes d'affaires vont
à leurs bureaux d'un pas plus hâtif, car ils n'ont devant
eux que quelques heures pour répondre au courrier, sa-
tisfaire aux rendez-vous, préparer le travail du lundi.
Même hâte chez ceux qui ont à s'approvisionner dans les
magasins ou à passer aux guichets dans les banques.
Beaucoup, il est vrai, ont pris leurs précautions la veille.
Mais il y a des retardataires! Et il s'en trouve partout,
même en Angleterre. Aussi bien la règle est formelle.
Le vendeur d'un grand magasin n'est pas moins impi-
toyable qu'un caissier dans une banque. A midi tapant,
guichets et comptoirs sont clos. Vous n'achèterez pas
plus une cravate que vous ne vous ferez payer un shil-
ling. On ferme! on ferme! on a fermé! Portes, fenêtres,
devantures, tout est clos de haut en bas. Et c'est bientôt,
le long des rues, l'exode, vif et preste, des employés et
celui des patrons. A midi et demi, c'est le silence, le vide.
Des quartiers qui étaient tout à l'heure pleins de vie
semblent mornes et déserts, comme si quelque deuil y
avait subitement passé.
Le coin de Londres le plus curieux, le plus saisissant
à ce moment précis, c'est la Cité, l'immense centre d'af-
faires, qui, avec ses innombrables banques, ses bureaux,
ses restaurants fermés, ses rues sans âme, se dresse
tout à coup dans une solitude singulièrement impression-
nante, comme une ville morte dans une ville plus grande
qui va, elle aussi, être gagnée par le vide et le silence.
Où sont allés tous ceux qui emplissaient de vie, il y
a une demi-heure à peine, ces édifices, ces places, ces
rues, ces ruelles? Chez eux, dans leur « home ». La
plupart dans la banlieue, car l'Anglais habite volontiers
loin de son travail. Les moyens de communication sont
si nombreux et si commodes! Mais beaucoup habitent
Londres même. Et, rentrés chez eux, ils ne sortent guère.
Car où aller? Pendant la belle saison, il y a la campa-
gne, attrayante avec ses vastes et fraîches pelouses et ses
sports en plein air. Mais l'hiver? L'Anglais ne connaît
guère la vie de café, si séduisante pour le continental. Il
reste donc chez lui, dans son « home », qu'il a su rendre
confortable, parmi les siens, au coin du feu. Aucun peu-
ple, d'ailleurs, ne pratique plus volontiers la vie fami-
liale. D'aucuns sortent de nouveau le soir pour aller au
spectacle, un spectacle qui prendra fin avant minuit,
heure extrême où les seuls débitants dont l'échoppe est
encore ouverte les débitants de liqueurs et les mar-
chands de tabac mettent le verrou à leurs portes. Et
le repos dominical, commencé depuis midi et à peine in-
terrompu, va se poursuivre, absolu, jusqu'au lundi matin.
Tout le monde sait ce qu'est un dimanche en Angleterre.
Le week-end n'existe pas seulement pour les patrons
et les employés. Il est mis en pratique dans le Royaume-
Uni par toutes les classes de la société. C'est une cou-
tume nationale. Le Roi profite du week-end comme le
plus humble de ses sujets. Père de son peuple, n'est-il
pas le premier serviteur de son pays? C'est dire que,
dans la politique comme dans les affaires, la semaine an-
glaise se termine le samedi, à midi.
La famille royale, lorsqu'elle séjourne à Londres, au
palais de Buckingham, se déplace généralement, se ren-
dant soit à Windsor, soit à Sandringham, séjour favori
d'Edouard VII, dans le comté de Norfolk, et qui est de-
venu celui de son fils le roi George. Ce déplacement a
lieu le plus souvent dès le vendredi. Il arrive parfois que
le Roi, accompagné de la Reine, va passer le week-end
chez un de ses sujets, grand seigneur qui a mis son châ-
teau ou sa villa à la disposition du souverain. C'est celui-
ci qui s'est invité, nul n'ayant le droit d'inviter le Roi.
Et le monarque dresse lui-même la liste de ceux dans
la compagnie desquels il désire se trouver. L'amphitryon
s'empresse de les prier au week-end.
La haute société anglaise, comme la bourgeoisie riche,
observe cette coutume pendant l'hiver comme au cours de
la belle saison, sauf en août et septembre cependant, où
elle est hors de Londres. Mais la coutume mise en vi-
gueur l'hiver, au moment même des plus grands froids,
où il est de bon ton de s'absenter de la capitale du ven-
dredi au lundi, est continuée jusqu'au mois de juillet,
époque à laquelle la « season » prend fin.
Ce sont les week-end parties les parties'de fin de
semaine où les maîtresses de maison s'ingénient à
réunir et à entraîner des groupes sympathiques, groupes
qui se renouvellent sans cesse, se retrouvant chez les
uns et chez les autres aux environs de Londres, ou même
dans les comtés lointains. Le pays anglais est ainsi sil-
lonné, du vendredi au lundi, par les autos, les trains,
emportant toute une société charmante désireuse d'ou-
blier dans le calme des champs la vie fiévreuse de la
grande ville. Mais c'est surtout aux environs de Londres
qu'elle vient s'ébattre le plus-volontiers, à travers cette
campagne riante des bords de la Tamise, d'une grâce si
profonde et si enveloppante. Jeux de plein air, canotage,
danses, charades, comédies de paravent, longues prome-
nades, le week-end est d'une grande douceur pour nos
voisins. Puisque nous allons avoir la semaine anglaise,
espérons que nous en connaîtrons tous les bienfaits.
Tout-Paris
ba France
et l'Espagne
̃A.XJ MABOO
Conversation avec M. de Villanueva
président des Cortès
PAR M. LOUIS DE MEURVILLE
Cauterets, 8 août..
Le hasard d'une villégiature dans les Pyré-
nées m'a fait rencontrer hier, à Cauterets, M.
de Villanueva, venu ici pour respirer l'air pur
des montagnes. Ancien ministre, ayant fait
partie de trois cabinets, actuellement président
des Cortès (Chambre des députés); M. de Villa-
nueva, qui fut un ami de M. Canalejas, et reste
partisan du ministère actuel, est peut-être
l'homme politique d'Espagne qui connaît le
mieux la question marocaine, comme aussi lea
sentiments des partis et du peuple espagnol.
Un ami commun m'a présenté à M. de Villa-
nueva il m'a semblé intéressant d'aborder,
avec lui la question des relations franco-êspa-*
gnoles à propos du Maroc il y a consenti avec
une parfaite bonne grâce et une franchise qui
témoignait de ses réelles sympathies pour la
France, sympathies qui, me dit-il, lui avaient
valu une fois aux Coriès d'être appelé par la
traduction en français de son nom « Monsieur
de Villeneuve n. Il a bien voulu m'autoriser à
reproduire ses déclarations dans le Gauloi,s,
dont il connait la sympathie pour l'Espagne et
la respectueuse admiration pour le roi Al-
pbonse XIII.
Permettez-moi, lui dis-je, monsieur le pré-
sident, de vous interroger sur un point des
plus délicats. Il y a eu entre vous et nous, au
sujet du Maroc, quelques difficultés en ces der^
nières années. Vous comprenez certainement,
comme nous l'avons compris, que ces surprises
de l'occupation étaient « inséparables d'un pre-
mier début », presque inévitables dans une zone
encore mal connue et mal définie, et dans des
circonstances où chacun croyait avoir le bon
droit pour soi. Il y a eu des froissements de
part et d'autre, des colères même, et l'on a
pu craindre, non pas des conséquences graves,
mais une certaine rancune dans le sentiment
public des deux nations. Notre dernier accord
a mis fin à ces difficultés, du moins en principe.
Chez nous, tout esprit de récrimination a cessé
en est-il de même en Espagne ?
Vous avez parfaitement raison de m'inter-
roger à ce sujet, car j'ai parcouru dernièrement
une grande partie de la zone espagnole, au
Maroc. J'ai causé avec les généraux, les offii
ciers j'ai vu nos soldats dans les postes fron-
tière de la zone française, et je puis vous affir-
mer tout d'abord que dans notre corps d'occu-
pation, il ne reste pas le moindre ressentiment
contre la France. On ne songe de ce côté qu'à
s'entendre avec le corps d'occupation français,;
et le seul regret que j'aie vu se manifester, a
été celui d'une situation insuffisamment ami-
cale avec vos troupes.
» Comprenez-moi bien les sentiments sont
parfaitement amicaux c'est la coopération des
deux armées qui est encore insuffisante. Notre
dernier accord au sujet du Maroc a été, lui
aussi, une entente cordiale il reste à faire en-
trer cette entente cordiale dans la pratique des
choses.
Il est regrettable, en effet, que les tribus
révoltées qui combattent contre nos troupes
trouvent un refuge dans la zone française, et
réciproquement que les tribus ou les groupes
combattant contre les troupes françaises, trou-
vent un asile dans notre zone.
» Lorsqu'on a discuté le dernier accord, il a
ét3 question d'y insérer la clause du « droit de
suite », qui était l'autorisation pour les troupes
de l'une et de l'autre nation de poursuivre l'en-
nemi, même en territoire étranger. On a reculé
devant les éventualités d'une telle mesure, et
aujourd'hui on voit les Marocains battus d'un
cot.é, se réfugier de l'autre, y soigner leurs
blessés et se réorganiser, prêts à recommencer.
Ils se moquent ainsi de vous et de nous, nous
détestant également et profitant de la frontière
pour nous combattre à tour de rôle, si bon leur
semble, et s'assurer une. retraite après le com-
bat.
Il n'est personne, monsieur le président,
qui. connaissant ces faits, n'y cherche un re-
mède. Faut-il dans la pratique exercer le droit
de suite, après entente verbale entre les chefs
de l'occupation militaire ?
C'est une convention fort délicate, même
entre troupes qui coopèrent au même résultat,
contre un ennemi commun. On pourrait cepen-
dant convenir de repousser les Marocains qui
se réfugient d'une zone à l'autre, s'il se trouve
un poste à proximité, ou tout au moins de les
désarmer. On pourrait aussi, s'il ne se trouve
pas de poste de l'autre nation à proximité,
être indulgent pour la poursuite continuée en
territoire de l'autre nation, à la condition que
les poursuivants se retirent dès que les troupes
de l'autre nation seront à même de continuer
l'opération ou de désarmer les Marocains.
» Cette entente des deux corps d'occupation
et des deux gouvernements est d'autant plus
désirable que les Marocains la croient impossi-
ble, s'en réjouissent et profitent de la situation.
Soyez sûr, monsieur le président, que ces
paroles trouveront en France une approbation
unanime et contribueront, je l'espère, à une
entente désormais indispensable. Je vais me
permettre cependant de vous demander si, dans
l'esprit public, en Espagne, peut-être même
parmi les hommes politiques, il ne reste pas
une certaine désaffection à l'égard de la France,
at une tendance à un rapprochement avec l'Alü
lemagne ?
Je puis vous affirmer le contraire. Cette
tendance a pu exister lors du traité d'Algésiras,
peut-être à-d'autres moments. On en retrouve
quelques traces encore çà et là, mais bien peu.
Je puis affirmer que dans aucun parti de goui
vernement, ni même dans le parti républicain^,
il n'existe d'autre désir que celui de relations
aussi amicales que possible avec la France. Ce
sonh les sentiments du gouvernement actuel,
comme ceux du ministère Canalejas, dont je
faisais partie, et ces sentiments, je les ai clak
rement manifestés devant la Chambre.
» Quant au Roi, vous pouvez être certain qua
cette entente'a été sa constante préoccupation,
et que, sans jamais sortir de son rôle constitu-
tionnel, if a manifesté son plaisir, au conseil!
des ministres, chaque fois que l'on a pu faire:
un pas vers ce rapprochement.
» Rien d'ailleurs n'est plus naturel. L'Aile-*
magne est trop loin de nous elle ne peut rien!
pour nous. Nos intérêts sont avec l'Angleterre,
par le commerce, par les affaires, par sa puis*
sance maritime, et votre entente cordiale avec
elle nous obligerait à suivre la même politique*
alors même que nous n'aurions pas, comme!
nous l'avons, ce vif désir d'une amitié sincères
avec la France.
On n'en saurait douter, monsieur le pré^
sident. Tout ce que vous voulez bien me dire
ne peut être que l'expression de la vérité. Voici
cependant un fait que signalait un journal, cea
jours derniers, et qui paraît contredire les bon-
nes dispositions du gouvernement espagnol. On!
affirmait que les dépêches télégraphiques en.
Noyées de Casablanca ou de Rabat en France
PARIS ET DÉPARTEMENTS s5 CENTIMES
DIMANCHE 10 AOÛT 1913
ARTHUR MEYER
Directeur
RÉDACTION
M QUATTUt HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIH
2, rue Drouot, 2
(Angle dn boolavardi Montmartre et du Italiuu)
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Parle et départements
Un mois 5 fr. 1 Six mois 28 fr.
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Trois mois (Union postale). 18 fr.
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ARTHUR MEYER
Directeur
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2, nie Drouot, 2
(AS|U du boulevard! Montmartre et du IUlluu)
ANNONCES
MM. r,AGRAJSIGBl, CERF Cf.
8, HAÇ» DE LA BOUSIX, S
JK à Vadminùtration 4u Journal
Les manuscrits &• sont pas rendus
kGollifle
i
LÉOPOLD BAILLIARD
Nulle époque de l'histoire de France n'a été
plus fertile en mystiques que la période qui
s'étend de 1830 à 1848. Les classes dirigeantes
paraissent alors tourner toutes leurs préoccupa-
tions et tous leurs efforts vers la satisfaction des
besoins matériels; leur politiqueconsiste,selonle
mot que, bien à tort, on a reproché à M. Guizot,
s'enrichir. Un immense besoin de spiritualité
agite to,utes les autres un besoin de croire, un
besoin de se dévouer, un besoin d'aimer et de
se sacrifier. Cet esprit souffle aussi bien sur les
républicains qui rêvent, sous le drapeau rouge,
au bonheur de l'Humanité, que sur les royalis-
tes vendéens qui se font tuer pour le drapeau
blanc, en criant Vive le Roi » » Il possède,
comme les Phalanstériens, les Icariens, les dis-
ciples des diverses écoles communistes qui
toutes en réalité, si elles proclament l'autorité
despotique du fondateur, attestent la religieuse
abnégation des disciples.
Religieuse, oui tout cela étant spiritualité,
est religion, mais ce courant là est détourné de la
Révélation, tandis que, par centaines, éclosent
des sectes se recommandant d'un prophète en-
voyé,soit pour accomplir les promesses des saints
livres, soit pour en expliquer et commenter les
textes, soit pour apporter des vérités nouvelles
et confirmatives. Souvent le réformateur se
mue en voyant, en envoyé de Dieu, en fonda-
teur d'une religion nouvelle, qui sait, parfois
en Dieu Prenez Enfantin et Auguste Comte,
combien d'autres Parfois, le révélateur, le
commentateur des livres, partant de la reli-
gion catholique, croit avoir, a sans doute des
visions et des apparitions qui, au lieu de de-
meurer orthodoxes et louables, et telles qu'el-
les soient approuvées par les pasteurs légitimes,
tournent à l'hérésie et tombent dans le sacri-
loge. Parfois, au moment d'arriver à la révolte,
et de rompre avec l'Eglise, le thaumaturge se
repent, il se reconnaît coupable et rentre au
giroi le plus souvent, l'orgueil l'emporte
et, n'admettant ni réprimande, ni conseil,
il persévère diaboliquement. Certains se cram-
ponnent à l'Eglise même dont ils violent
r les disciplines, dont ils dénient la hiérarchie et
dont ils offensent les règles contre le Pape,
contre les évêques, contre tous les autres prê-
tres, eux seuls ont raison, et les autres sont im-
béciles, simoniaques, prévaricateurs et le reste.
Et alors intervient comme de juste l'appel au
futur concile procédure connue. Le concile
assemblé, la condamnation prononcée par lui,
croyez-vous qu'ils se soumettent? Fi donc ils
fondent une autre Eglise, voilà tout.
Ge monde, presque sans exception, obéit à
des considérations purement spirituelles cer-
tes, il peut s'y glisser des simulateurs qui, des
visions qu'ils racontent, de la religion qu'ils
imaginent, du schisme qu'ils prêchent, atten-
dent la satisfaction de leurs vices ou la justifi-
cation de leurs passions combien de moines
depuis Luther attirés à l'hérésie par un joli
visage L'éternel féminin perpétue ainsi à tra-
vers les âges sa lutte contre l'éternel mascu-
lin la Tentation demeurée pareille depuis le
Péché provoque toujours aux mêmes faibles-
ses, mais, dans l'étonnante histoire du Mystique
durant les années 1830 à 1850, semble-t-elle, au
moins, jouer le moindre rôle. Un souffle a
passé sur la France qui fait rêver à chacun
d'une croyance rajeunie, d'une foi qui remplace
l'ancienne qu'on prétend désuète et qu'on as-
sure abolie, et Musset, au milieu des négations
anti-chrétiennes de4'Enfant du Siècle, lance un
cri d'espoir et de défi, un cri de foi tout de
même et de spiritualité
Qui de nous, qui de nous va devenir un Dieu 1
Combien crurent qu'ils le devenaient 1
Entre les prophètes qui se sont signalés
alors, il en est un qui demeure mystérieux et
dont le nom, récemment évoqué par Mau-
rice Barrès dans son livre La Colline inspirée
et par là rappelé à la mémoire des hommes, a
provoqué chez bien des lecteurs une sorte d'é-
tonnement. Qu'est-ce que ce Vintras ? se de-
mandèrent-ils. Est-il possible qu'il ait existé,
qu'il ait fait des prosélytes, qu'il ait réuni au-
tour de lui des disciples et des croyants ?
Certes, Vintras a existé, et tout ce qu'en a dit
Maurice Barrès est rigoureusement exact. Vintras
n'a point été directement l'objet de cette étude
si profonde, si constamment supérieure par la
pensée et par la forme dont la pensée est revê-
tue si émouvante par la concordance des pay-
sages et des êtres, que le drame des consciences
s'accroît, s'élargit, se symbolise par le drame
de la nature, que les personnages et le décor
se rendent inséparables et que l'émotion du
lecteur ne saurait pas plus les disjoindre que
ne les disjoint son souvenir.
Mais c'est à un plan lointain et voilé de va-
peurs opportunes que Maurice Barrès a placé
1 homme qui a été la cause occasionnelle de
l'aventure de Bailliard. Et celle-ci, avec les dé-
veloppements psychologiques qu'elle comporte,
demeure le livre même.
Si, entraîné par l'orgueil d'avoir produit
une oeuvre telle que Notre-Dame de Sion,
Léopold Bailliard, puni par son évêque et re-
belle à la discipline, prêt à la révolte et n'at-
tendant qu un accident pour secouer le joug,
n avait pas ouï parler de Vintras comme d'un
visionnaire, il aurait ouï parler de tel autre il
n'en manquait pas mais nul ne pouvait lui
plaire au degré de Vintras, parce que Vintras
prétendait à ce moment demeurer chrétien et
catholique, malgré son évêque, malgré les évê-
ques, malgré le Pape, malgré tout le monde,
et tel est bien aussi le cas de Léopold. Il a af-
faire à son évêque et c'est là le point essen-
tiel mais il prétend, malgré l'évêque, être un
catholique, plus catholique que l'évêque mê-
me Vmtras sortira de l'Eglise Léopold quoi
qu ii fasse, quoi qu'il s'efforce a dire je ne
dis pas à croire demeurera lié Sacerdos in
selernum.
Pour rompre la chaîne qui l'attache à la
religion qu'il a professée, qu'il a enseignée,
qu il a administrée pour abolir en lui le sens
de la hiérarchie, pour renier ce qui fut toute
son espérance et sa foi, il faut au prêtre un
bien autre effort, un entraînement bien plus
vît, qu'au laïque, si pieux soit-il et si con-
vaincu.
Par là, assurément, ne parlé-je que du prê-
tre qui croit, qui est certain de la divinité de
son institution et de sa mission non du prêtre
qui a embrassé cette carrière comme il eût fait
d'une autre et qui ne l'a préférée que sur ce
qu'elle lui semblait plus douce, moins fati-
gante et moins sujette aux hasards. Ce prêtre-
là, qu'on vienne lui offrir, de quelque part que
ce soit, une place mieux rétribuée et moins fa-
tigante encore, il s'empresse à l'accepter, dût-
il, pour la remplir ait gré de ses nouveaux maî-
tres, blasphémer une heure par semaine les
dieux qu'il a adorés. Celui-là qui n'éprouva
jamais que des préoccupations matérielles
verse tout naturellement dans le matérialisme,
et sa courte science n'est prisée si haut par les
athées que parce qu'elle est professée par un.
Renégat.
Mais, chez le prêtre qui, a cru< qui
croit encore, qui s'attache aux divines pro-
messes, il faut pour déclancher l'esprit de ré-
bellion autre chose tout de même que les vai-
nes assurances d'un tentateur au rabais.
Il faut qu'il trouve une émotion mystique,
une foi nouvelle à laquelle il accroche, sans se
l'avouer peut-être, ses rancunes personnelles et
son esprit de révolte. La discipline lui pèse,
certes la subordination supplicie son orgueil,
mais oserait-il enfreindre l'une et rejeter l'au-
tre, s'il ne rencontrait un prétexte mystique,
une raison qu'il se donne à lui-même, non pour
ne plus croire, mais pour croire autrement ?
II ira donc à un visionnaire, qui lui apportera
une sorte de révélation.. Il ira d'autant plus
volontiers si, autour de ce prophète prétendu,
s'est groupée une cour de prêtres, dont
le prophète est l'instrument et le porte-
paroles plutôt que l'inspirateur alors, tout
se réunira pour l'entraîner il croira obéir
à des voix surnaturelles, il acceptera sans
les contrôler les plus étonnantes révélations
il ne doutera pas des miracles dont le
charlatanisme eût mis en garde un en-
fant de quinze ans il est conquis, il est perdu.
Il entre en lutte avec la puissance dogmatique
et disciplinaire de l'Eglise il est rejeté dans
les ténèbres où il s'agite désespérément il est
le lépreux autour duquel se dressent les infran-
chissables et muettes murailles que cimente
une autorité vieille de dix-huit siècles. Il faut
qu'il meure, et si, à l'instant suprême, l'Eglise
daigne jeter sur le moribond un regard de pi-
tié, c'est en échange de la solennelle abjuration
et d'un total renoncement.
Le prêtre qui a renie le sacerdoce pourra de-
venir un écrivain hors ligne, un grand savant,
un romancier de talent il pourra même se
croire un époux aimant et un père de famille
dont la postérité est bénie mais vienne l'heure
suprême et qu'il voie, dans le cadre de la porte,
paraître un prêtre, un homme tel qu'il fut au-
trefois, tenant de sa main levée au-dessus du
ciboire l'hostie consacrée, tout aussitôt sera ou-
bli4, épouse, famille, travaux, science, fortune,
et avec quelle supplication d'amour et de désir,
avec quelle sincérité de repentir, il s'élancera
vers son Dieu
L'émotion qu'éprouve et que communique
M. Maurice Barrès, en racontant la décadence
de ce Léopold Bailliard, que sa puissance de
conception, son génie de création, sa haute fa-
culté d'organisation grandissent jusqu'à en faire
une sorte de héros lorrain, rend plus significatif
encore ce tableau où, avec une vigueur incom-
parable, une pénétration aiguë et une connais-
sance approfondie des drames psychologiques,
il peint l'abîme de désespoir où a roulé l'ange
déchu. L'orgueil le soutient seul, mais non pas,
en vérité, la foi aux visions, aux révélations,
aux apports de Vintras. Léopold Bailliard,
homme intelligent, pondéré, parfaitement cal-
culateur, a-t-il pu avoir foi en Vintras ? A-t-il
pu, sans révolte, accepter, à mesure qu'elles se
rendaient de plus en plus extraordinaires, les
pratiques du voyant de Tilly-sur-Seulles ? Y
a-t-il cherché un instrument de règne ou bien,
devenu en quelque sorte le forçat du bagne
Vintras, lié à ce prophète de malheur par la
chaîne que lui-même avait rivée, est-il contraint
de le suivre où qu'il aille, à travers les fondriè-
res et les buissons, d'épines, laissant à chacun
un lambeau de sa raison? ̃•̃̃̃̃
Voilà la question qui se pose à ceux qui,
ayant pu se procurer quelques-uns des écrits
d'Eugène Vintras, prophète, fondateur de l'Œu-
vre de la Miséricorde et la chose n'est point
aisée les ont lus avec assez d'attention pour
extraire de cet étonnant fatras quelques affir-
mations et quelques faits précis.
Frédéric Masson
de l'Académie française
Ce ui se passe
ÉCH OS DE_PARTOUT
Le général Charles Mangin, le vainqueur de
Marakech, qui vient de recevoir les deux étoi-
les, appartient à une vieille famille de la Lor-
raine annexée, qui a fourni à la France nombre
de valeureux soldats.
Son oncle, le général Eugène Mangin, un en-
fant de Metz, avait fait brillamment les cam-
pagnes d'Algérie sous le duc d'Aumale et fut
blessé sous Sébastopol pendant la campagne
d'Italie, en 1859, entendant le canon de Mon-
tebello, où la division Forey était aux prises
avec un corps d'armée autrichien, il n'hésita
pas à accourir avec toutes les troupes dont il
disposait, tomba à l'improviste sur les derriè-
res de l'ennemi et, changea en victoire cette pre-
mière affaire de la campagne, qui semblait de-
voir être un sérieux échec.
Un autre oncle du générale Charles Mangin,
le commandant Henri Mangin, fut blessé plu-
sieurs fois sous Sébastopol et mourut des fati-
gues de la campagne de Chine. Enfin, le nou-
veau général avait deux frères, tous deux, com-
me lui, officiers d'infanterie de marine. Ils sont
morts, l'un et l'autre, à l'ennemi, pour la
France l'aîné fut tué comme lieutenant, au
Tonkin, en 1885 l'autre était capitaine lors-
qu'il fut tué, il y a cinq ans, dans un combat en
Mauritanie.
Voilà, certes, une belle famille de soldats, qui
fait honneur à sa grande et à sa petite patrie,
la France et l'Alsace-Lorraine.
Dans son voyage en Limousin, M. Poincaré
constatera que les sites pittoresques qu'il doit
inaugurer ont bien quelque. influence et une
influence des plus heureuses- sur la santé des
habitants, puisque quatre centenaires lui se-
ront présentés à Limoges.
Ce sont une hospitalisée de l'asile Chas-
taing, âgée de cent sept ans une autre cente-
naire (cent deux ans), domiciliée dans le centre
de la ville de Limoges, et que sa famille a fêtée
tout récemment un buraliste de Vaulry, bura-
liste depuis soixante-sept ans, que sa commune
a fêté en juin dernier, et enfin Mme veuve Ma-
réchal, née Sévère Gabiat, pour qui la com-
mune de Saint-Sulpice-les-Feuilles organisa, le
ler juillet dernier, une fête qui fut particulière-
ment réussie. Mme Maréchal, qui est âgée de
cent trois ans, jouit de toute sa lucidité d'esprit
et occupe ses loisirs à tricoter des bas pour les
pauvres de sa localité.
Outre ces quatre centenaires, le Limousin
compte encore dix vieillards ayant dépassé la
quatre-vingt-dix-neuvième année. Quant aux
simples nonagénaires, les statistiques en accu-
sent près de quarante.
Changement de temps Il a plu à verse hier,
Immédiatement, sans hésiter, nous prenons un
taxi, et, en route pour la tour Saint-Jacques.
Le portier n'est pas là, nous dit le gardien,
vous le trouverez chez le marchand de vins du
boulevard Sébastopol.
Entrer chez l'honorable débitant fut l'affaire
d'un instant. Notre, brave portier faisait une
manille. Quand il nous vit, il nous fit signe
d'attendre, et nous dit « Encore une minute »
Puis, tout à son jeu a le manillon, la manille
et le roi. j'ai gagné »
Alors il se leva et vint à nous.
Ah oui, vous venez pour la pluie. c'était
prévu Et pourtant, vous n'avez pas à vous
plaindre. La dernière fois que vous êtes venu,
je vous ai annoncé quelques beaux jours d'été.
Vous les avez eus.
Et à présent, que pensent vos savants ?
Du mauvais temps jusqu'au 13, et après
du beau soleil jusau'au 31. Ne dites pas aue
c'est moi qui vous l'ai dit. je retourne à ma
manille. au plaisir de vous revoir!
La dernière innovation du service de la voi-
rie ne laisse pas d'être assez importante.
Elle porte sur l'une de nos artères les plus en-
combrées, les Champs-Elysées. Avant-hier, dans
la matinée, un certain nombre de cantonniers
municipaux en opt pris, en effet, possession et
s'y sont installés en maîtres. Les terre-pleins,
bordés dé trottoirs, qui défendaient le pied des
lampadaires du centre, ayant été entourés de
barrières, on se mettait en devoir de supprimer
ces fameux bancs en pierre qui décoraient na-
guère la partie médiane de l'aristocratique ave-
nue.
Ces bancs seront définitivement abolis, cha-
que terre-plein sera allongé environ du double
et comportera dorénavant deux becs électri-
ques, situés à chacune de ses extrémités. De
plus, ces luminaires seront reculés d'un mètre,
en se rapprochant des trottoirs latéraux, de fa-
çon à élargir, au centre, le passage réservé aux
autos. Les voies montante et descendante, où
roulent les autres voitures et les bicyclettes, se-
ront donc légèrement rétrécies. Tout fait sup-
poser que l'espace qui leur sera départi sera
désormais suffisant, étant donné le nombre de
plus en plus minime des véhicules hippomo-
biles.
Le problème de la circulation est-il enfin à
la veille d'être solutionné sur cette belle ave-
nue ?
VISION BREVE
IL Y A CACHETS ET CACHETS.
Hier, cinq heures du soir, dans.l'un des bureaux du
centré de Paris, devant les deux guichets réservés aux
« chargements » et qui sont fort achalandés. Une femme
en deuil tend à l'un des préposés un minuscule colis soi-
gneusement entouré de « faveurs » roses, L'employé le
retourne en tous sens et le considère sous toutes ses faces,
puis déclare:
Je regrette, madame, mais je ne puis accepter ce
paquet.
Je l'ai pourtant fait avec soin, observe-t-elle timide-
ment.
Oh! je ne dis pas! Mais l'empreinte de votre ca-
chet sur la cire est informe. et puis la cire est craque-
lée.
C'est que je suis maladroite, coniesse-t-elle
soudain très rouge sous ses voiles noirs.
Faites-vous aider, madame, mais il faut refaire les
cachets.
Elle, confuse, se retire sans protester. Mais au
guichet voisin, un nouvel incident attire l'attention des
« clients » qui s'y pressent. Un vieux monsieur tente en
vain de faire « charger » la vaste enveloppe qu'il proposé
à un employé.
Mais, déclare-t-il assez haut, on a mis dessus le
nombre de cachets obligatoires.
Parfaitement, monsieur, riposte l'autre, mais l'en-
veloppe est de papier glacé et dès lors les cachets ne
tiendront pas. Voyez, ils s'écaillent déjà!
Le vieux monsieur insiste: « Voilà trente-cinq ans que
je me sers des mêmes enveloppes. Et on ne m'en avait
pas refusé une jusqu'à ce jour! » Pour appuyer sa dé-
monstration, d'un frôlement léger du pouce l'employé
fait sauter un cachet. Le propriétaire de l'enveloppe s'in-
digne et parle de déposer une plainte. Mais déjà un au-
tre a pris sa place. Celui-là a la longue blouse
blanche des ouvriers bijoutiers, et c'est une, petite boite
en bois parfaitement cubique, où de beaux cachets rouges
sont apposés sur des bar-le-duc bleus impeccables.
Je ne puis accepter ce paquet, déclare l'employé,
courtois mais impassible.
'Hein ? ̃
Voyez. là. ce cachet, le troisième. il est dou-
ble. il a été recommencé.
Mais en vain l'employé explique. Ses quelques mots
ont mis en fureur l'ouvrier bijoutier qui proteste, profère
des menaces, mène un tel vacarme que tout le bureau
de poste est ému. Le receveur arrive. Il approuve la
décision de son commis. On entend quelques bribes de
phrases qu'il dit, encore que sa voix soit couverte par celle
du mécontent: « .Nouvelles instructions. très sévè-
res. sommes obligés. »
Ben quoi, ben quoi, dit l'homme à la boîte cubique,
ça vous fera-t-i retrouver le collier ?
Mais il n'a pas la galerie pour lui et ceux qui lui suc-
cèdent aux guichets approuvent courageusement une me-
sure qui les force presque tous à refaire leur petit pa-
quet. C'est qu'en tout citoyen, maintenant, on trouve
un émule de Bertillon et un aspirant Sherlock Hojmès,
et tous comprennent qu'il y a cachets et cachets.
Nous avons eu le plaisir d'interviewer hier
M. Pol, le charmeur d'oiseaux des Tuileries,
qui, ainsi que nous l'avons dit, a reçu de Mme
la comtesse de Bois-Landry et de M. Méline
une médaille d'honneur au nom de la Société
d'aviculture.
Comment vous est venue cette vocation
bizarre ? lui avons-nous demandé.
Oh c'est très simple. Je suis entré à vingt
ans aux télégraphes. En me rendant à mon bu-
reau, je m'asseyais sur un banc pour lire mon
journal. Je le tirais d'une poche où j'avais mis
le pain de mon déjeuner, et quelques miettes
tombaient sur le gravier. Les oiseaux vin-
rent, familiers. C'est ainsi que nous avons fait
connaissance. On s'est compris. On s'étonne que
je puisse les distinguer mais il n'y a pas un
moineau qui ressemble à un autre. Ma pre-
mière amie fut Jeannette qui, perchée sur mon
poing, picorait ma bouche ou se présentait à
la pitance aussitôt que je l'appelais. Pendant
la guerre du Transvaal, j'avais un convive, le
« Petit Boër », qui ne comprenait que l'anglais
Come here, Unie bird Plus tard, je lui ai
aonne un autre nom.
Et il venait tout de même ?
M. Pol riposte en souriant
Tout ceci, c'est de la mise en scène. Au
fond, les oiseaux ne comprennent pas plus l'an-
glais que le français. Les noms, ils ne les en-
tendent pas, au sens que nous donnons à l'ex-
pression « entendre », mais l'attraction que
j'exerce est bien un charme. Avec un peu d'ap-
plication, vous en feriez autant que moi. Ils
m'aiment, parce qu'ils ont confiance. Plaire,
c'est se faire supporter. L'art de charmer les
oiseaux, c'est d'être bien avec eux. Ce sont de
bons petits serviteurs de l'agriculture et, sans
eux; le plus beau paysage serait d'une lourde
tristesse.
Allô allô c'est toi, Odette ?
Parfaitement, monsieur mon mari.
Dis-moi, j'ai oublié de te rappeler de ne
pas manquer de joindre à nos bagages quel-
ques bouteilles de Dubonnet. Je crains de n'en
pas trouver dans le charmant petit trou où
nous allons et tu sais que je ne saurais m'en
passer, pas plus pour mon apéritif que pour
me rafraîchir.
Mais c'est la première chose à laquelle j'ai
pensé, mon chéri.
On vient de célébrer en Amérique un glo-
rieux anniversaire, celui du cocktail. Tout le
monde connaît cette boisson bizarre dont on
peut dire, comme de M. Mears, qu'elle a fait
le tour du monde.
C'est en 1836, dans un petit restaurant d'un
faubourg de Washington, que ce breuvage, uni-
versellement connu et, hélas! trop apprécié, a
vu.le jour. Voici dans quelles circonstances
Le duel était, à cette époque, d'un usage très
répandu aux, Etats-Unis. A propos d'un rien,
les revolvers sortaient de leur étui et, pan.
pan. la vie d'un homme était l'enjeu, et sou-
vent les deux restaient sur le carreau. Or, en
au mois de février, un gentleman du Sud,
M. John Hopkins, était venu à Washington
pour régler une affaire de duel. On se rendit
sur le terrain, et il fut blessé d'un coup de feu
à l'épaule. Perdant beaucoup de sang, on le
transporta dans le petit restaurant du fau-
bourg, et le patron, pour ranimer le blessé, eut
l'idée de préparer une boisson dans laquelle il
fit entrer tout ce qui lui tomba sous la main
de la glace pilée, du whisky, du gin, du citron,
un jaune d'œuf, du sucre, et la lui fit avaler
l'effet fut merveilleux, le cocktail était né 1
Des clients, voyant l'effet, demandèrent à
goûter, et en très peu de temps le marchand
-de vins faisait fortune et le> cocktail sa répan-
dait à travers le monde.
NOUVELLES A LA MAIN
Après la loi militaire à-la Chambre.
M. Jaurès, qui était partisan de l'impôt
sur les jeux, va probablement, pendant ses va-
cances, élaborer un nouveau projet de loi.
Sur quoi ?
Mais un impôt sur. les échecs
Un Domino
NOTES SOCIALES
Cela devait certainement arriver et, s'il ne se
fût pas produit, j'aurais été étonné, ou bien,
plutôt, je me serais dit que la chose s'était pro-
duite, mais qu'elle n'était pas parvenue à ma
connaissance, comme aussi bien très peu de
choses y parviennent dans le nombre, très con-
sidérable, des choses.
Quelle est la cause première, la cause effi-
ciente, la cause totale, ou au moins la cause es-
sentielle des malversations des accusés du fa-
meux procès Krupp ? La cause première, la
cause efficiente, la cause totale ou au moins la
cause essentielle des malversations des accusés
du procès Krupp, ce sont les Jésuites. Ce ne
pouvait être autre chose et ne pouvait être au-
tres gens que les Jésuites. Comme tout aurait dû
le. --faire prévoir, le président du conseil de
guerre a reçu, d'un citoyen de Cologne, une
lettre très circonstanciée où il était dit que les
accusés du fameux procès ont obéi aux sugges-
tions sournoises et astucieuses des Jésuites, qui
télégraphiaient avec eux par la télégraphie sans
fil, et que ce sont encore une fois les hommes
neirs qui sont cause de tout le mal.
Vous n'êtes pas embarrassés de le croire ?
Ni moi comme dit La Fontaine. Mais j'ai un
ami qui croit, lui, que pas un de ceux qui accu-
sent les Jésuites de tous les sinistres qui se pro-
duisent ici-bas et ailleurs, ne croit un mot de
ce qu'il dit.
Cette « tarte à la crème », dit-il, est assez
vaste pour donner à manger à toute la terre
mais elle est trop épaisse pour que ceux qui la
fabriquent y mordent eux-mêmes. Ils y font
croire, mais ils n'y croient pas du tout. C'est
propos d'habitude, comme « Après vous, s'il
vous plaît. » C'est réflexe, comme certains tics
c'est automatisme. Ils disent « C'est la faute
aux Jésuites », comme quand je vous dis J'ai
la migraine », vous répondez « C'est le temps. »
Savez-vous seulement le temps qu'il fait ?
Je sais du moins qu'il y en a un.
Vous touchez le fond de la question, avec
votre profondeur ordinaire. Il y a un temps il
y a un temps tous les jours. Mais des Jésuites,
il n'y en a iamais eu.,
Vous croyez ?
C'est la seule chose dont je suis sûr. Pour
que tant de gens attribuent aux Jésuites tout ce
qui arrive de fâcheux sur cette terre, il faut
qu'il n'y ait jamais eu un Jésuite. Les choses
réelles se succèdent si rapidement et s'enchevê-
trent de façon si confuse que l'on ne peut être
obsédé perpétuellement que par quelque chose
qui n'existe pas. Les Jésuites ont été inventés,
il y a deux siècles et demi, par les Jansénistes,
qui étaient des journalistes à court de copie.
C'est une pure fantasmagorie. Je m'étonne
qu'un homme aussi pénétrant.
Il m'a semblé qu'à son tour il exagérait. Mais
qu'on puisse être aussi ingénu que le bourgeois
de Cologne et que les bourgeois d'autres lieux,
sans le faire exprès, cela aussi est invraisem-
blable.
Un Désabusé
Les Retraites
militaires
PROCÉDÉS DE VANDALES
Rue Royale, les antimilitaristes brisent des
vitrines pour protester contre
les retraites
Les retraites militaires ont été, hier soir, le
prétexte d'actes de vandalisme qui suffiront à
mettre le comble à l'indignation que tous les
honnêtes gens éprouvent à l'égard des antimi-
litaristes, anarchistes et syndicalistes. Ce qui
s'est passé est incroyable, autant que révol-
tant.
La préfecture de police était avisée, dans la
journée, que les manifestants ordinaires du sa-
medi soir avaient résolu d'adopter une méthode
nouvelle pour obtenir la suppression des retrai-
tes militaires. Las, sans doute, d'être régulière-
ment rossés par les patriotes et comprenant
peut-être 1 mutilité de leurs odieuses manifes-
tations, ils avaient décidé de briser désormais
les vitrines des magasins sur le passage des re-
traites militaires, afin que les commerçants de-
mandassent eux-mêmes l'annulation de l'ordon-
nance de M. Millerand rétablissant les retraites
du samedi.
Ceci parut tout d'abord invraisemblable. Il
semblait, en effet, que seuls dns sauvages fus-
sent capables de concevoir et d'exécuter une ac-
tion aussi abominable. Des précautions policiè-
res extraordinaires furent prises. Si elles ont
empêché les antimilitaristes de commettre une
véritable dévastation dans les plus beaux quar-
tiers de Paris, elles n'ont pu cependant les em-
pêcher complètement d'exécuter leur mons-
trueux projet. Trois magasins ont vu leurs gla-
ces brisées rue Royale.
La musique du 50 de ligne avait quitté la ca-
̃ serne de la rue de Penthièvré à huit heures et
demie, pour parcourir les quartiers des Champs-
Elysées, du Trocadéro, de l'Etoile et du Fau-
bourg-Saint-Honoré, suivie par la Société des
amis des retraites militaires et d'innombrables
patriotes.
M. Hennion, préfet de police, dirigeait le ser-
vice d'ordre avec MM. Laurent, secrétaire gé-
néral de la préfecture de police Bouvier, sous-
directeur de la police municipale, et Chanot,
commissaire divisionnaire.
Sur tout le parcours, le public ne cessa d'ac-
clamer les soldats et, sauf deux petites échauf-
fourées place de l'Alma et à l'angle du Fau-
bourg-Saint-Honoré et du boulevard Hauss-
mann, aucun trouble vraiment sérieux ne se
produisit sur le parcours. Les patriotes corri-
gèrent quelques braillards isolés et la masse
imposante des agents des brigades de réserves
inspira le respect de l'armée aux autres syndi-
calistes.
Le méfait prémédité était réservé pour la rue
Royale, dont les magasins symbolisent la ri-
chesse commerciale.
La musique du 5e de ligne était rentrée à la
caserne. Les amis des retraites prirent le che-
min de la place Ce là Concorde, où ils ont cou-
tume d'aller saluer la statue de Strasbourg
après chaque retraite. Ils arrivèrent rue Royale
à 9 h. 35. A peine s'y étaient-ils engagés qu'ils
se heurtèrent à un fort groupe de manifestants.
La bagarre était inévitable'.
Elle fut violente, acharnée de part et d'au-
tre. Coups de cannes, coups de poings furent
appliqués. Il y eut même quelques blessés. C'est
alors qu'on vit des antimilitaristes, non plus
s'en prendre aux amis des retraites, mais frap-
per à grands coups de matraques dans les gran-
des glaces de plusieurs magasins. Elles volè-
rent en éclats, et c'est miracle que certains ma-
nifestants n'aient pas fait main basse sur les
écrins qui se trouvaient en vitrine.
Car qui dira pourquoi les antimilitaris-
tes n'ont brisé que des vitrines de bijoutiers
au numéro 6, chez M. Fouquet au numéro 16,
chez M. Robert au numéro 24, chez M. Mau-
rice. Et toute cette dévastation s'est faite aux
cris de a A bas l'armée A bas les trois ans
Vive l'anarchie »
Les agents arrivèrent à propos, dispersèrent
les manifestants à coups de bottes et arrêtèrent
tous ceux qu'ils purent. Vingt-cinq furent
conduits au poste trois seulement furent
envoyés au Dépôt Aristide Crochant, maçon,
qui fut arrêté au moment où il s'acharnait sur
la vitrine du numéro 24 Henri Simon, cimen-
tier, et Raoul Donjo.
Ils seront poursuivis pour bris de clôture,
voies de faits et injures à l'armée et aux agents.
Et qu'ils ne viennent pas dire que les glaces
ont été brisées dans la bagarre, par hasard. Ce
serait de leur part une lâcheté supplémentaire.
La préméditation sera établie. Et cette prémé-
ditation n'est pas ce qu'il y a de moins odieux
dans leur odieuse besogne.
Georges Drouilly
Lire à la deuxième page:
La Clôture de la Conférence de Bucarest
où la Paix, sera définitivement
signée ce matin, à neuf heures
Bloc-Notes Parisien
LA SEMAINE ANGLAISE
On va donc faire un essai de la semaine anglaise chez
nous. La semaine anglaise est ainsi appelée parce que,
pratiquée chez nos voisins, elle commence le lundi matin
pour s'arrêter tout court le samedi à midi, à midi tapant.
Nous avons pris aux Anglais le tennis, le golf, le foot-
ball, le bridge, le poker, le rallye-paper, le roastbeef, le
bar, le whisky and soda, le pardessus mastic, une cer-
taine façon de blanchir nos cols et nos manchettes et
d'avoir le bas du pantalon relevé même quand il fait
sec. Quoi encore? J'en passe et des plus « selects ».
Nous allons leur prendre le week-endf Hip! hip
hurrah! Once more for the week-end et vive l'Entente
cordiale! Cela ne nous empêchera pas, d'ailleurs, de res-
ter passionnément Français.
La semaine anglaise, pratiquée à Paris, donnera-t-elle
à la Ville-Lumière une physionomie nouvelle? Paris sera-
t-il plus gai le samedi après-midi ou le sera-t-il moins?
Cela dépendra, bien entendu, des saisons. L'été, la ca-
pitale se videra vraisemblablement un peu plus tôt. Mais
l'hiver, les boulevards prendront sans doute un aspect
encore plus animé; l'employé parisien, aux heures dé
liberté, aimant assez flâner avant de rentrer chez lui.
Les devantures de nos magasins sont si tentantes et le
mouvant spectacle de nos rues toujours imprévu
A Londres, hiver comme été, les grandes artères com-
mencent à se vider le samedi dès midi aussitôt la ferme-
ture des administrations et des magasins, l'exode com-
mence.
Rien de plus particulier et de plus curieux que l'aspect
de Londres le samedi matin. Il semble que le pouls de
la grande ville bat plus vite. Les hommes d'affaires vont
à leurs bureaux d'un pas plus hâtif, car ils n'ont devant
eux que quelques heures pour répondre au courrier, sa-
tisfaire aux rendez-vous, préparer le travail du lundi.
Même hâte chez ceux qui ont à s'approvisionner dans les
magasins ou à passer aux guichets dans les banques.
Beaucoup, il est vrai, ont pris leurs précautions la veille.
Mais il y a des retardataires! Et il s'en trouve partout,
même en Angleterre. Aussi bien la règle est formelle.
Le vendeur d'un grand magasin n'est pas moins impi-
toyable qu'un caissier dans une banque. A midi tapant,
guichets et comptoirs sont clos. Vous n'achèterez pas
plus une cravate que vous ne vous ferez payer un shil-
ling. On ferme! on ferme! on a fermé! Portes, fenêtres,
devantures, tout est clos de haut en bas. Et c'est bientôt,
le long des rues, l'exode, vif et preste, des employés et
celui des patrons. A midi et demi, c'est le silence, le vide.
Des quartiers qui étaient tout à l'heure pleins de vie
semblent mornes et déserts, comme si quelque deuil y
avait subitement passé.
Le coin de Londres le plus curieux, le plus saisissant
à ce moment précis, c'est la Cité, l'immense centre d'af-
faires, qui, avec ses innombrables banques, ses bureaux,
ses restaurants fermés, ses rues sans âme, se dresse
tout à coup dans une solitude singulièrement impression-
nante, comme une ville morte dans une ville plus grande
qui va, elle aussi, être gagnée par le vide et le silence.
Où sont allés tous ceux qui emplissaient de vie, il y
a une demi-heure à peine, ces édifices, ces places, ces
rues, ces ruelles? Chez eux, dans leur « home ». La
plupart dans la banlieue, car l'Anglais habite volontiers
loin de son travail. Les moyens de communication sont
si nombreux et si commodes! Mais beaucoup habitent
Londres même. Et, rentrés chez eux, ils ne sortent guère.
Car où aller? Pendant la belle saison, il y a la campa-
gne, attrayante avec ses vastes et fraîches pelouses et ses
sports en plein air. Mais l'hiver? L'Anglais ne connaît
guère la vie de café, si séduisante pour le continental. Il
reste donc chez lui, dans son « home », qu'il a su rendre
confortable, parmi les siens, au coin du feu. Aucun peu-
ple, d'ailleurs, ne pratique plus volontiers la vie fami-
liale. D'aucuns sortent de nouveau le soir pour aller au
spectacle, un spectacle qui prendra fin avant minuit,
heure extrême où les seuls débitants dont l'échoppe est
encore ouverte les débitants de liqueurs et les mar-
chands de tabac mettent le verrou à leurs portes. Et
le repos dominical, commencé depuis midi et à peine in-
terrompu, va se poursuivre, absolu, jusqu'au lundi matin.
Tout le monde sait ce qu'est un dimanche en Angleterre.
Le week-end n'existe pas seulement pour les patrons
et les employés. Il est mis en pratique dans le Royaume-
Uni par toutes les classes de la société. C'est une cou-
tume nationale. Le Roi profite du week-end comme le
plus humble de ses sujets. Père de son peuple, n'est-il
pas le premier serviteur de son pays? C'est dire que,
dans la politique comme dans les affaires, la semaine an-
glaise se termine le samedi, à midi.
La famille royale, lorsqu'elle séjourne à Londres, au
palais de Buckingham, se déplace généralement, se ren-
dant soit à Windsor, soit à Sandringham, séjour favori
d'Edouard VII, dans le comté de Norfolk, et qui est de-
venu celui de son fils le roi George. Ce déplacement a
lieu le plus souvent dès le vendredi. Il arrive parfois que
le Roi, accompagné de la Reine, va passer le week-end
chez un de ses sujets, grand seigneur qui a mis son châ-
teau ou sa villa à la disposition du souverain. C'est celui-
ci qui s'est invité, nul n'ayant le droit d'inviter le Roi.
Et le monarque dresse lui-même la liste de ceux dans
la compagnie desquels il désire se trouver. L'amphitryon
s'empresse de les prier au week-end.
La haute société anglaise, comme la bourgeoisie riche,
observe cette coutume pendant l'hiver comme au cours de
la belle saison, sauf en août et septembre cependant, où
elle est hors de Londres. Mais la coutume mise en vi-
gueur l'hiver, au moment même des plus grands froids,
où il est de bon ton de s'absenter de la capitale du ven-
dredi au lundi, est continuée jusqu'au mois de juillet,
époque à laquelle la « season » prend fin.
Ce sont les week-end parties les parties'de fin de
semaine où les maîtresses de maison s'ingénient à
réunir et à entraîner des groupes sympathiques, groupes
qui se renouvellent sans cesse, se retrouvant chez les
uns et chez les autres aux environs de Londres, ou même
dans les comtés lointains. Le pays anglais est ainsi sil-
lonné, du vendredi au lundi, par les autos, les trains,
emportant toute une société charmante désireuse d'ou-
blier dans le calme des champs la vie fiévreuse de la
grande ville. Mais c'est surtout aux environs de Londres
qu'elle vient s'ébattre le plus-volontiers, à travers cette
campagne riante des bords de la Tamise, d'une grâce si
profonde et si enveloppante. Jeux de plein air, canotage,
danses, charades, comédies de paravent, longues prome-
nades, le week-end est d'une grande douceur pour nos
voisins. Puisque nous allons avoir la semaine anglaise,
espérons que nous en connaîtrons tous les bienfaits.
Tout-Paris
ba France
et l'Espagne
̃A.XJ MABOO
Conversation avec M. de Villanueva
président des Cortès
PAR M. LOUIS DE MEURVILLE
Cauterets, 8 août..
Le hasard d'une villégiature dans les Pyré-
nées m'a fait rencontrer hier, à Cauterets, M.
de Villanueva, venu ici pour respirer l'air pur
des montagnes. Ancien ministre, ayant fait
partie de trois cabinets, actuellement président
des Cortès (Chambre des députés); M. de Villa-
nueva, qui fut un ami de M. Canalejas, et reste
partisan du ministère actuel, est peut-être
l'homme politique d'Espagne qui connaît le
mieux la question marocaine, comme aussi lea
sentiments des partis et du peuple espagnol.
Un ami commun m'a présenté à M. de Villa-
nueva il m'a semblé intéressant d'aborder,
avec lui la question des relations franco-êspa-*
gnoles à propos du Maroc il y a consenti avec
une parfaite bonne grâce et une franchise qui
témoignait de ses réelles sympathies pour la
France, sympathies qui, me dit-il, lui avaient
valu une fois aux Coriès d'être appelé par la
traduction en français de son nom « Monsieur
de Villeneuve n. Il a bien voulu m'autoriser à
reproduire ses déclarations dans le Gauloi,s,
dont il connait la sympathie pour l'Espagne et
la respectueuse admiration pour le roi Al-
pbonse XIII.
Permettez-moi, lui dis-je, monsieur le pré-
sident, de vous interroger sur un point des
plus délicats. Il y a eu entre vous et nous, au
sujet du Maroc, quelques difficultés en ces der^
nières années. Vous comprenez certainement,
comme nous l'avons compris, que ces surprises
de l'occupation étaient « inséparables d'un pre-
mier début », presque inévitables dans une zone
encore mal connue et mal définie, et dans des
circonstances où chacun croyait avoir le bon
droit pour soi. Il y a eu des froissements de
part et d'autre, des colères même, et l'on a
pu craindre, non pas des conséquences graves,
mais une certaine rancune dans le sentiment
public des deux nations. Notre dernier accord
a mis fin à ces difficultés, du moins en principe.
Chez nous, tout esprit de récrimination a cessé
en est-il de même en Espagne ?
Vous avez parfaitement raison de m'inter-
roger à ce sujet, car j'ai parcouru dernièrement
une grande partie de la zone espagnole, au
Maroc. J'ai causé avec les généraux, les offii
ciers j'ai vu nos soldats dans les postes fron-
tière de la zone française, et je puis vous affir-
mer tout d'abord que dans notre corps d'occu-
pation, il ne reste pas le moindre ressentiment
contre la France. On ne songe de ce côté qu'à
s'entendre avec le corps d'occupation français,;
et le seul regret que j'aie vu se manifester, a
été celui d'une situation insuffisamment ami-
cale avec vos troupes.
» Comprenez-moi bien les sentiments sont
parfaitement amicaux c'est la coopération des
deux armées qui est encore insuffisante. Notre
dernier accord au sujet du Maroc a été, lui
aussi, une entente cordiale il reste à faire en-
trer cette entente cordiale dans la pratique des
choses.
Il est regrettable, en effet, que les tribus
révoltées qui combattent contre nos troupes
trouvent un refuge dans la zone française, et
réciproquement que les tribus ou les groupes
combattant contre les troupes françaises, trou-
vent un asile dans notre zone.
» Lorsqu'on a discuté le dernier accord, il a
ét3 question d'y insérer la clause du « droit de
suite », qui était l'autorisation pour les troupes
de l'une et de l'autre nation de poursuivre l'en-
nemi, même en territoire étranger. On a reculé
devant les éventualités d'une telle mesure, et
aujourd'hui on voit les Marocains battus d'un
cot.é, se réfugier de l'autre, y soigner leurs
blessés et se réorganiser, prêts à recommencer.
Ils se moquent ainsi de vous et de nous, nous
détestant également et profitant de la frontière
pour nous combattre à tour de rôle, si bon leur
semble, et s'assurer une. retraite après le com-
bat.
Il n'est personne, monsieur le président,
qui. connaissant ces faits, n'y cherche un re-
mède. Faut-il dans la pratique exercer le droit
de suite, après entente verbale entre les chefs
de l'occupation militaire ?
C'est une convention fort délicate, même
entre troupes qui coopèrent au même résultat,
contre un ennemi commun. On pourrait cepen-
dant convenir de repousser les Marocains qui
se réfugient d'une zone à l'autre, s'il se trouve
un poste à proximité, ou tout au moins de les
désarmer. On pourrait aussi, s'il ne se trouve
pas de poste de l'autre nation à proximité,
être indulgent pour la poursuite continuée en
territoire de l'autre nation, à la condition que
les poursuivants se retirent dès que les troupes
de l'autre nation seront à même de continuer
l'opération ou de désarmer les Marocains.
» Cette entente des deux corps d'occupation
et des deux gouvernements est d'autant plus
désirable que les Marocains la croient impossi-
ble, s'en réjouissent et profitent de la situation.
Soyez sûr, monsieur le président, que ces
paroles trouveront en France une approbation
unanime et contribueront, je l'espère, à une
entente désormais indispensable. Je vais me
permettre cependant de vous demander si, dans
l'esprit public, en Espagne, peut-être même
parmi les hommes politiques, il ne reste pas
une certaine désaffection à l'égard de la France,
at une tendance à un rapprochement avec l'Alü
lemagne ?
Je puis vous affirmer le contraire. Cette
tendance a pu exister lors du traité d'Algésiras,
peut-être à-d'autres moments. On en retrouve
quelques traces encore çà et là, mais bien peu.
Je puis affirmer que dans aucun parti de goui
vernement, ni même dans le parti républicain^,
il n'existe d'autre désir que celui de relations
aussi amicales que possible avec la France. Ce
sonh les sentiments du gouvernement actuel,
comme ceux du ministère Canalejas, dont je
faisais partie, et ces sentiments, je les ai clak
rement manifestés devant la Chambre.
» Quant au Roi, vous pouvez être certain qua
cette entente'a été sa constante préoccupation,
et que, sans jamais sortir de son rôle constitu-
tionnel, if a manifesté son plaisir, au conseil!
des ministres, chaque fois que l'on a pu faire:
un pas vers ce rapprochement.
» Rien d'ailleurs n'est plus naturel. L'Aile-*
magne est trop loin de nous elle ne peut rien!
pour nous. Nos intérêts sont avec l'Angleterre,
par le commerce, par les affaires, par sa puis*
sance maritime, et votre entente cordiale avec
elle nous obligerait à suivre la même politique*
alors même que nous n'aurions pas, comme!
nous l'avons, ce vif désir d'une amitié sincères
avec la France.
On n'en saurait douter, monsieur le pré^
sident. Tout ce que vous voulez bien me dire
ne peut être que l'expression de la vérité. Voici
cependant un fait que signalait un journal, cea
jours derniers, et qui paraît contredire les bon-
nes dispositions du gouvernement espagnol. On!
affirmait que les dépêches télégraphiques en.
Noyées de Casablanca ou de Rabat en France
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