Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-07-25
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 juillet 1913 25 juillet 1913
Description : 1913/07/25 (Numéro 13068). 1913/07/25 (Numéro 13068).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/04/2008
48e année. 30 série. N° 18068
PARIS ET DEPARTEMENTS î 15 CENTIMES
VEMÏÏBEBI 25 JUILLET 1913
ARTHUR IVIËYER
Directeur
RÉDACTION
DX QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU JUTIN
2, rue Drouot, 2
(Angl* dts boulevards Montmartre et des Italien*)
ABONNEMENTS
Paria et département*
Etranger
Trois mois (Union postale) 18 fr.
TlLÉPHOBE. Troii uinwrÏ02^37-209.00-3l2.2l
••̃̃̃̃>- LE PLUS GRAND JOURSTAÎ, BIT MATIN
̃ ARTHUR MEYER
Directeur
ADMINISTRATION
ABONNEMENTS, PETITES A.NNONCBI
2, rue Drouot, 2
(Anal. du boulevard. Montmartre et des IUIInu)
ANNONCES
MM. laqbangi:, CERF a»
8, rUCl DE LA B0T3RIE, 8
St d l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont psa readm
Pour la Défense
du
Roman français
On annonce la publication prochaine, en un vo-
lume luxueusement, imprimé et illustré, des sou-
venirs de la mission Champlain, qui parcourut,
l'an dernier, quelques parties des Etats-Unis et du
Canada. C'était une mission bien disante elle tâ-
chait, le long de la route, de détruire des préjugés
et d'augmenter nos amitiés. On en aura de nom-
breuses preuves. En voici une que nous sommes
heureux de publier. Ce sont les belles paroles pro-
noncées par M. René Bazin, de l'Académie fran-
çaise, pour la défense du roman français, dans la
grande salle de l'Université de Laval, à Québec,
te 6 mai 1912.
• Je me souviens d'un Anglais qui s'était assis
în face de moi, dans une voiture de grand ra-
pide, et qui lisait très attentivement un livre
à reliure souple, assez semblable pour le format
au guide Bœdecker. A un moment où il relevait
un peu son livre, je lus le titre en lettres d'or
Mœurs des Français à la ville et à la campagne.
Je dois dire que ce voyageur était un homme
appliqué. Il ne cessa point, depuis les Pyrénées
jusqu'à Paris, d'étudier les mœurs des Fran-
çais. Mais je doute bien qu'en arrivant à la
gare du quai d'Orsay il les ait connues mieux
qu'auparavant. C'est là une science extrême-
ment difficile à acquérir, non pas seulement
parce que son domaine est vaste, mais parce
que beaucoup de causes se réumssent pour
tromper l'étranger, fût-il exact, patient et de la
plus belle volonté.
Même nos frères de race peuvent s'y laisser
prendre. Tous, et bien des fois, vous avez en-
tendu juger la famille française, la moralité
française, d'après notre littérature ou, plus jus-
tement, d'après une certaine partie de notre lit-
térature. C'est une chose indéniable cependant,
et reçue entre nous, que ni le roman en général,
ni le théâtre en général, ne représentent exacte-
ment la société et les mœurs françaises. Où en
serions-nous, grand Dieu, si la famille ressem-
blait aux familles que l'on voit évoluer trop
souvent, et, l'on peut dire, chaque soir, sur les
planches de nos scènes arisiennes ? Une nation
composée de pareils éléments serait morte de-
puis longtemps. Un critique dramatique com-
mençait tout récemment son feuilleton par ces
mots' « En ce moment, on n'est pas beaucoup,
au théâtre, le fils de son père. » Le sujet ne
varie guère, en effet toujours ou presque tou-
jours la scène se passe dans un monde soi-di-
sant parisien, où les hommes sont inoccupés et
où les femmes n'ont guère d'occupation que de
faire le malheur de leur mari. C'est toujours le
trio classique, à moins que ce ne soit le-quatuor
ou le quintette, qui évolue sous nos yeux c'est
toujours la même doctrine, vieille comme le
monde, de l'amour fatal, de la liberté de l'a-
mour, la même aisance à nommer ce qui gêne
un préjugé et ce qui nous plaît un droit humain
et sacré.
Ainsi nous nous ^calomnions nous-mêmes,
tandis que la vie laborieuse, qui est celle de
tant de Français, la vie si dramatique de l'offi-
cier colonial, la vie intense des milieux popu-
laires, et tant et tant d'autres domaines, n'ont
pas tous les historiens, les philosophes, les nar-
rateurs, qui étaient nés pour les raconter et
pour les glorifier.
Cependant, nous avons toujours eu, parmi
nous, des esprits qui ont mis dans les œuvres
romanesques cette part de nos préoccupations
présentes, des problèmes éternels ou passagers,
qui fait que nous connaissons mieux, en lisant
1'oeuvre, le monde où nous vivons, et qu'il nous
reste de la lecture autre chose qu'une émotion
une idée. Pas de thèse, mais des idées, car la
vie en est pleine, et elle est enseignante pas
de thèse, mais des fenêtres ouvertes sur le vaste
monde et sur le ciel pas de thèse, mais, à côté
de l'amour, ou dans l'amour même, un idéal
supérieur à la passion, une loi qui rehausse,
une direction, une vue générale qui relie un
drame particulier à l'humanité même, et qui
ne supprime pas l'émotion,, loin de là, mais qui
l'élève jusqu'à une leçon qui de nous n'a cher-
ché cela, avidement, subtilement, dans l'oeuvre
de l'écrivain ? Il a le droit de faire des œuvres
moralement indifférentes mais notre admira-
tion lui sera plus reconnaissante s'il a laissé à
ses semblables une espérance, une force, une
croyance. Alexandre Dumas fils disait ce mot
qui a été rapporté par Sardou « Toute œuvre
littéraire qui n'a pas en vue l'idéal et l'utile est
malsaine et lettre morte. » Et le romancier
russe Tolstoï, dont l'œuvre a des parties de
christianisme et des parties de nihilisme, a dit,
mieux encore, dans un de ses bons jours
« L'art est un moyen, entre les hommes, de se
communiquer leurs plus nobles pensées. »
Eh bien non seulement, à toute époque, à
côté des amuseurs nous avons eu de ces artistes
bienfaisants, mais je dis que l'œuvre présente
est bonne à ce point de vue que depuis long-
temps nous n'avons pu montrer un ensemble
d'oeuvres littéraires d'une aussi haute tenue,
d'une signification aussi heureuse.
Je suis obligé de prendre une période d'une
douzaine d'années, pour que ma preuve soit
mieux établie. Laissez-moi d'abord vous dire
quelques mots de trois écrivains dont le pre-
mier vient de disparaître, le vicomte de Vogüé,
dont les deux autres, Paul Bourget et Maurice
Barrès, sont dans la vigueur du talent.
De ces trois hommes, le vicomte de Vogué
'était le seul qui appartînt à l'aristocratie mili-
taire de l'ancienne France, et cependant, s'il y
avait chez lui un fond de tradition, le plus cu-
rieux de son talent était peut-être l'immédiat
essor de son esprit vers tous les problèmes nou-
veaux, sa curiosité en tous sens et cet impérieux
besoin de deviner l'avenir en observant les agi-
tations confuses du présent. Esprit frémissait,
qui n'a pas traité un sujet ou conté une histoire
sans lui communiquer quelque chose de la per-
pétuelle vibration, de l'élan, de la noblesse, de
l'inquiétude qui étaient en lui. Pour le peindre,
on devra toujours parler de ce rare caractère
d'élargissement, de vol au-dessus des choses,
qui marque toute son œuvre. Ne peut-on pas
dire crue ce sont deux romans d'une vraie gran-
deur. ce Maître de la mer, où il exaltait l'idée
chevaleresque, et ces Morts qui parlent, où il
montrait l'influence en nous, secrète, puissante
et souvent heureuse, des générations dispa-
rues ?
Quelle œuvre impressionnante aussi que celle
de Paul Bourget
Il a écrit déjà près de quarante volumes. Es-
prit philosophique, il a marqué de ce caractère
de construction, de dialectique, d'analyse scien-
tifique, aussi bien ses romans, ses nouvelles,
que ses études de critique littéraire. C'est un
homme qui connaît merveilleusement tout le
monde des lettres, du journalisme, de la politi-
que, et qui, en même temps, n'est étranger à
aucune question de morale ou de psychologie.
La médecine le passionne et, sans doute, on
rencontre parfois cette sorte d'universelle cu-
riosité chez des hommes de lettres, des voya-
geurs, des liseurs. Mais, ce qui est très caracté-
ristiaue cheg Bourget, c'est l'harmonie de cette
vaste encyclopédie. Toute la politique théori-
que dans le sens le plus étendu du mot organi-
sation de l'Etat, lois sociales, conditions de la
famille, de la propriété, principes d'édtication,
tout cela est classé, combiné et clair dans l'es-
prit de ce puissant constructeur. Il y a des hom-
mes qui habitent un palais intellectuel qu'ils
se sont fait, un palais dont on voit quelques por-
tiques et quelques sculptures quand on reçoit
leurs confidences. Il est de ceux-là. Devant lui,
on se sent en présence d'une puissance de pen-
sée très rare parce qu'elle est très complète.
Bourget, comme vous le savez, ayant appro-
fondi toute la philosophie contemporaine, a
conclu au catholicisme. Il est religieux simple-
ment, sans aucune ostentation et sans aucune
fausse honte.
Tel est le penseur, qui, ayant longtemps étu-
dié un certain nombre de -maladies morales
dans des romans de passion, où l'audace dans
l'analyse ressemble à celle du chirurgien, s'est
mis à écrire une série d'œuvres, romans ou
pièces de théâtre, où les conditions de la santé
sociale se trouvent indiquées et sont comme
contenues dans des faits. Je ne cite que des
titres, ne pouvant analyser L'Etape, Un Di-
vorce, L'Emigré, La Barricade, Le Tribun. Et
demain, nous aurons une nouvelle œuvre en-
core. Et comme les autres, dans l'esprit des
contemporains, elle ne se résumera point en
images, mais en idées.
Voyez encore Barrès. Ce qui m'a souvent
frappé,' chez Barrès, outre la très rare valeur
de l'artiste littéraire, c'est une des plus heureu-
ses qualités qui font l'homme politique, je veux
dire le choix des occasions où il manifeste son
sentiment. Barrès est député. Je l'ai vu monter
à la tribune dans un certain nombre d'occa-
sions et y prononcer des discours brefs, dont
les phrases étaient comme disposées en cou-
ronne autour de trois ou quatre phrases reines,
éclatantes, d'une eau pure comme celle des
belles pierres précieuses. Et à chaque fois, je
remarquai qu'il avait été conduit à parler par
une disposition d'esprit que j'appellerai la ten-
dresse patriotique. Et à chaque fois aussi il a
éveillé,, parmi les milieux politiques, une
grande sensation littéraire.
Maurice Barrès est un Lorrain, tout au
moins par sa mère, et la plainte des deux pro-
vinces arrachées à la France en 1871 continue
de s'exprimer par sa parole et par sa plume.
Son livre Au service de l'Allemagne, et sa Co-
lette Baudoche, chef-d'œuvre qui restera classi-
que, ont pris place dans ce vaste ensemble de
livres qu'on peut appeler le cycle littéraire
créé par la douleur, le cycle d'Alsace-Lorraine.
Son beau style, qui a commencé par être com-
pliqué, arrive à la simplicité à force d'art, et
redevient somptueux dès qu'il est négligé,
parce que l'auteur a en lui ce goût de la dé-
coration somptueuse, qu'il combat constam-
ment. Laissez-moi vous citer quelques lignes
de Au service de l'Allemagne, qui décrivent le
paysage lorrain « Ce qui frappe d'abord, sur
notré plateau de Lorraine, ce sont les plisse-
ments du terrain ils se développent sans
heurts et s'étendent largement. De grands es-
paces agricoles, presque toujours des herba-
ges, ondulent sans un arbre. Puis, çà et là,
sur le renflement d'une douce courbe, surgit un
petit carré de chênes ou quelque mince bou-
quet de bouleaux. Dans les dépressions, l'herbe
partout scintille, à cause de l'eau secrète, et
l'on voit des groupes de saules argentés. Nulle
abondance, mais quel goût » Voilà un art
d'assembler les mots, de les peser, de les. comp-
ter et de résumer dans un trait de vastes éten-
dues, et d'exprimér d'un mot leur âme tout en-
tière, qui est tout à fait de l'art français le plus
raffiné. Goûtez les phrases, ces phrases lisses,
pleines et transparentes comme du raisin mûr,
et dites si ce n'est pas là un grand écrivain et
pour le pays un titre de grand honneur ?
Combien d'autres exemples je pourrais trou-
ver, dans la littérature contemporaine des dix
ou douze dernières années, de ces livres, ro-
mans, nouvelles, vers, essais, drames publiés
sans avoir été joués, et qui laissent le souvenir
d'un bel abri, durable ou passager Je ne dé-
nombre pas ici toutes les gloires françaises,
tous nos grands poètes en prose je ne donne
que des exemples précis pour réfuter une ac-
cusation précise. On accuse nos écrivains d'ê-
tre des destructeurs je nomme quelques-uns
de ceux qui rebâtissent la cité. Je ne puis les
citer tous, mais je veux vous rappeler, tout au
moins, plusieurs des jeunes hommes dont les
livres sont en contradiction manifeste avec la
réputation qu'on a voulu faire au livre fran-
çais. Parmi eux, il est remarquable que la plu-
part sont de mentalité catholique, en tout cas
d'un esprit respectueux. Le mouvemeent s'é-
largira. Demain sera meilleur qu'aujourd'hui,
soyez en sûrs. Rappelez-vous les noms de Hen-
ry Bordeaux, dont l'œuvre est déjà considéra-
ble de Louis Bertrand, qui a écrit de si belles
études sur les pays d'Orient et sur Marseille
de Charles Péguy, l'auteur du Mystère de la
charité de Jeanne d'Arc de Paul Claudel,
dont les drames, l'Otage et l'Annonce faite à
Marie, dont le chant de Noël, dont les odes
sont pleins d'éclats de génie rappelez-vous
les derniers volumes de Francis Jammes, les
derniers romans de Paul Acker, les vers de
Louis Mercier, les vers ou les premiers ro-
mans de ces jeunes hommes des Amitiés fran-
çaises qui se nomment Robert Vallery-Radot,
André Lafon, François Mauriac, et ce récent
volume de Georges Ducrocq, la Blessure mal
fernaée, autre livre admirable du cycle d'Al-
sace-Lorraine
Non, non, cherchez dans cette littérature
française, vous y trouverez, nombreux, de plus
en plus, des livres qui ne détruisent pas, mais
qui rebâtissent pour la société de demain.
Pour moi, si j'ai un vœu à formuler, c'est
que ces hommes qui font honneur à la France,
que les plus jeunes surtout viennent étudier,
en même temps que les questions que je viens
d'énumérer, ce peuple des travailleurs de la
terre et des travailleurs de l'usine auxquels j'ai
donné tout mon cœur et la plus large part de
mon temps. C'est un monde immense par le
nombre, par la puissance, par la souffrance.
Pour être compris, il faut d'abord qu'il soit
aimé. Ceux qui en ont parlé, n'ont pas dit tout
le mal qu'il faut en dire, car ils n'ont pas parlé
de l'orgueil qui s'y cache le plus souvent sous
la forme de l'irrespect chez l'enfant et de l'en-
vie chez l'homme. Ils n'ont pas dit surtout le
bien qu'il fallait en dire. Je ne traverse jamais
un faubourg de grande ville sans trouver ses
maisons émouvantes, pour des raisons humai-
nes et des raisons divines. Quartiers abandon-
nés, comme les jachères de la campagne. Quar-
tiers où habitent, à côté de tant de vices et de
tant d'ignorance, tant de secrète soumission à
la vie, et de vertu survivant à ses causes, et par
cela même plus merveilleuse. Quartiers que là
charité connaît encore mieux que les politiciens
ne les connaissent où elle rend des services et
échange des mots de tendresse fraternelle qui
sont la rançon des fortunes gaspillées et des
mensonges du monde quartiers où tant de
bonté s'est dépensée, sans que l'apparence en
soit modifiée, comme un souffle frais qui ra-
nime les vieilles herbes, mais qui ne change
pas à lui seul la terre lourde et fermée. Le
peuple qui est là est digne d'une commiséra-
tion infinie, parce qu'il est peu aimé, parce
qu'on ne le recherche guère que pour son suf-
frage, comme les renards pour leur fourrure
parce qu'il souffre plus encore qu'on ne le dit
de souffrances physiques et morales. Il a be-
soin que les plus hauts esprits d'une nation
s'intéressent à lui et le connaissent, et que les
meilleurs dévouements le secourent, à cause de
la pauvreté de sa condition, mais plus encore à
cause de son idéal abaissé. On lui a persuadé,
pas seulement chez nous, un peu partout dans
l'univers, que le plus grand objet de l'ambi-
tion humaine est l'argent on le décourage et
on l'aigrit, puur né lui laisser d'autre idéal que
la journée de huit heures, de six heures ou de
quatre heures, une rente pour sa vieillesse, une
indemnité en cas d'accident. C'est à cela qu'on
prétend réduire l'espérance d'une âme faite à
l'image de Dieu
Voilà pourquoi l'effort des écrivains doit ten-
dre à éclairer et à soutenir l'effort des hommes
d'Etat et celui de la charité pour le relèvement
des pauvres. Quelques-uns des romanciers que
j'ai nommés y sont venus, d'autres y viendront
sans doute. La générosité de leur œuvre déjà
faite m'en est un sûr garant. Et il sera dit, et
vous répéterez, qu'en ce commencement du
vingtième siècle, la haute littérature française
a produit tout un ensemble d'œuvres où la
beauté s'est alliée à ces puissances bienfaisantes,
qui s'appellent le respect de la tradition, le
goût de l'ordre, le souci d'une humanité meil-
leure dans un idéal agrandi.
Et maintenant je veux vous dire mon bonjour
et mon au revoir.
Je suis venu vous apporter des nouvelles du
vieux pays, des nouvelles de vos gens de là-
bas ». Depuis bien des années je désirais le
faire. Mon désir de rendre visite aux frères
canadiens a commencé lorsque j'avais la pre-
mière jeunesse et que je lisais les belles histoi-
res de Champlain, de Montcalm et de Dollard
des Ormeaux assiégé dans le fort du Long-
Saut et je remplis mon vœu ayant les cheveux
gris. Qu'importe l'âge, si je vous dis que je
suis bien heureux de vous voir, d'apercevoir
dans vos visages la ligne, la grâce, l'humeur
françaises, de surprendre, dans vos yeux, la
petite étincelle qui fait rire aussi le vin de nos
coteaux si je vous. dis que je suis heureux
d'entendre dans vos rues les mots de iotre
langue, et de trouver surtout dans vos cœurs
la foi catholique, la mienne, et de penser que
vos pères l'avaient apportée de France. Quelle
fort-! fraternité entre nous, et comme je suis
déjà sûr, à écouter l'émotion qui grandit en
moi, que je ferais bientôt comme un chasseur
de mes amis Il voulait chasser les vanneaux
dans les prés de Normandie. Et il rencontra,-sur
un chemin, la fermière « J'irai chez vous
chasser le vanneau, maîtresse Madelon. Tant
mieux, monsieur, on ne vous voit guère.
J'irai et je reviendrai chez moi trois jours après.
Cela n'est pas sûr Pourquoi Madelon ?
Parce que, monsieur, ceux qui passent chez
nous plus d'un jour ne peuvent plus s'en aller. »
Je suis venu vous apporter des nouvelles du
vieux pays. La terre de France était déjà parée
par le printemps lorsque je l'ai quittée. Il fai-
sait délicieux parmi nos poiriers en fleurs. Les
enfants faisaient des balles et des guirlandes
de coucous. Il y avait des jours lumineux
parmi les giboulées d'avril. Elle n'a rien perdu
de ce charme célébré à travers les âges et qui
l'a fait considérer comme un 'séjour de joie.
Evidemment, les hommes dont l'instinct fut
toujours de piller ou de peu considérer les
biens communs ne se gênent guère pour éta-
blir une usine dans une vallée, jusque-là par-
faite de lignes et de silence, pour abattre une
falaise ou une futaie si ancienne que tous les
arbres avaient de la barbe Cependant, la
terre dé chez nous reste une des plus belles du
monde, elle a cette vertu générale d'aménité
par quoi elle séduit. Tout récemment, un des
écrivains qui connaissent le mieux les ques-
tions anglaises, M. Jacques Bardoux, interro-
geait, sur la grève des houilleurs, un vieux
mineur du Somerset, qui lui répondait, exal-
tant la France inconnue et lointaine, comme
nous exaltons les îles des Antilles ou de l'ar-
chipel Indien, et il disait « Dans votre pays,
il y a moins de riches, plus de soleil et de blé
que dans le nôtre. » Il exprimait ainsi une ten-
dresse ingénue, dont ne peuvent se défendre
ceux qui ont parcouru la France, ni ceux
mêmes qui pensent à elle.
C'est cette tendresse pour la terre de France
et cette affection pour ses paysans qui m'ont
surtout amené vers vous. J'ai voulu voir vos
villes, sans doute, mais voir aussi les descen-
dants des hommes qui vinrent des provinces
familières, de Normandie, Maine, Bretagne,
Poitou, Champagne, Touraine, et qui peuplè-
rent les forêts et semèrent les premières poi-
gnées du froment de France entre les racines
des troncs d'érables et de sapins. Laissez-moi
saluer le fermier canadien, l'habitant, le solide
soutien de votre Etat, le père de la famille
nombreuse, l'homme qui a gardé l'honneur,
la forte espérance, la langue, la foi de son
ancien pays, tout le trésor, toute la France
essentielle.
Aucune autre beauté n'est, plus que celle-là,
sûre de nous émouvoir. Il personnifie votre
avenir comme il rappelle vos origines. Si on
l'interroge, si on-lui demande « De qui tenez-
vous votre cœur si français ? » il répondu
« De mon père qui s'appelait Jean, et de ma
mère qui s'appelait Marie. Et votre père
Jean, et votre mère Marie, de qui tenaient-ils
leur cœur tout plein de l'image de la patrie
ancienne ? » Et on arrive ainsi jusqu'aux an-
cêtres qui vinrent, il y a trois siècles peut-être,
laboureurs ou soldats, chercher fortune dans
la Nouvelle-France, qu'avait nommée ainsi le
bon roi Henri IV. Ils ont cherché fortune et
ils ont accompli leur rêve, puisqu'ils ont fondé
un grand peuple.
0 vieil habitant des terres canadiennes,
fidèle en toute chose, c'est vous d'abord que je
suis venu voir, et je suis sûr qu'au premier
mot, au premier geste, au premier coup d'oeil,,
sans hésiter, ni vous, ni moi, nous nous recon-
naîtrons
René Bazin
de l'Académie française
Nous publierons demain un article de notre
éminent collaborateur M. G. de Lamarzelle,
sénateurs
« Le Duc d'Enghien », de M. Henri Welschinger
Ce qui se passe
ÉCH OS DE PARTOUT
LES SOUVERAINS ESPAGNOLS A PARIS
LL. MM. le roi Alphonse XIII et la reine Vic-
toria, voyageant incognito, ont quitté hier soir
Saint-Sébastien pour se rendre en Angleterre,
où ils assisteront aux régates de Cowes. Leurs
Majestés arriveront ce matin à Paris, gare
d'Orsay, à 8 heures 15.
Le Roi et la Reine, après avoir assisté à l'Ely-
sée à un déjeuner donné en leur honneur par
le président de la république, repartiront le
soir pour Calais et Londres.
La suite de Leurs Majestés est composée du
marquis de La Torrecilla, grand-maître de la
cour de la duchesse de San Carlos, dame d'hon-
neur du marquis de Viana, grand écuyer du
duc de Santd-Mauro, grand-maître de la cour
de la Reine, et de M. Quinones de Leon, cham-
.bellan de Sa Majesté.
A la gare d'Hendaye, un grand nombre de
personnages de la Cour et tout un essaim de
femmes élégantes s'étaient donné rendez-vous
pour offrir leurs hommages et leurs souhaits de
bon voyage au roi et à la reine d'Espagne.
L'intention de Leurs Majestés est de revenir
le 1er août à Saint-Sébastien, d'où Elles s'em-
barqueront, dans la nuit du 3 au 4 août, à bord
du yacht Giraldo., pour se rendre à Santander,
et, après avoir passé une semaine à Bilbao,
Leurs Majestés reviendront à Saint-Sébastien.
Académie française. -̃•
Les Immortels se sont réunis hier, à l'Institut,
pour tenir leur séance hebdomadaire. M. René
Doumic, directeur, présidait, assisté de M.
Henri de Régnier, chancelier.
Mgr Duchesne, MM. Jules Claretie, Lavisse et
Henry Roujon ont eu la joie de voir parmi eux
M. Alfred Mézières, qu'ils ont félicité vivement
pour son brillant état de santé.
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas.
Hier, il a fait presque chaud, bien que le soleil
se soit montré chiche de ses rayons, Serait-ce
le retour du beau temps? Hélas les douleurs
rhumatismales dont on entend les gens se plain-
dre, où que vous alliez, sont un signe infaillible
que la période des changements de température
n'est pas terminée
Ce baromètre trompe peu il semble que le
corps humain est un parfait enregistreur des
manifestations atmosphériques les basses et
les hautes pressions, les dépressions, comme
disent les savants, ont certainement une in-
fluence sur notre économie, et, quoi que nous
fassions, nous ne pouvons échapper aux effluves
'atmosphériques. C'est d'ailleurs, jusqu'ici, le
meilleur de tous les baromètres.
Si donc, nos douleurs nous quittent, réjouis-
sons-nous, c'est le beau temps en perspective,
c'est l'ombrelle-succédant au hideux parapluie,
c'est le chapeau de^paille reprenant enfin ses
droits au soleil.
Nous recevons la lettre suivante que nous
nous empressons de publier
Paris, le 24 juillet 1913.
Mon cher Directeur,
En parlant de la mort de la Princesse Murât,
opérée, je crois, parle docteur Morestein, on disait
ce matin, dans, votre journal, qu'elle avait, été
opérée, deux fois, par le docteur Gosset.
Vous feriez plaisir à mon maître et ami si vous
faisiez rectifier cette erreur involontaire. Moi je
vous en serais très reconnaissant.
Votre tout dévoué.
J. DE SARD.
Il y a quatre-vingts ans, Lamartine était élu
député de Bergues et les électeurs de l'arron-
dissement ouvraient ainsi par leur vote l'en-
trée de la vie publique au maître incomparable
de la langue, de la pensée, de l'idéal français.
Justement fière de ce souvenir, qui est une
gloire nationale, la ville de Bergues a résolu
de le commémorer solennellement par des fêtes
qui auront lieu en septembre prochain. Un mo-
nument à Alphonse de Lamartine sera alors
inauguré, le 14 septembre, placé sur la façade
de l'hôtel de Ville, et une plaque de marbre sera
posée sur l'ancien hôtel de la Tête d'Or, où le
poète a improvisé les sublimes stances de La
Réponse à Némésis.
Un comité d'honneur a été formé où figu-
rent les sénateurs, les députés du départe-
ment, les conseillers généraux" d'arrondisse-
ment, les maires des cinq chefs-lieux de canton
qu'a représentés Lamartine, les descendants de
la famille, ainsi que les présidents des socié-
tés savantes et le président des Lamartin'iens.
L'Académie française sera représentée aux
fêtes prochaines.
Tous ceux qui voudront rendre honneur à
Lamartine enverront leur souscription au
comité. Parmi les membres du comité d'hon-
neur, citons M. P. Deschanel, de l'Académie
française, président de la Chambre des dépu-
tés M. Dupont, préfet du Nord M. Denys
Cochin, député de Paris, délégué par l'Acadé-
mie française, et parmi les membres du comité
d'action le maire de Bergues, président MM.
Henry Cochin, député Léon Claeys, conseiller
général, etc.
Les souscriptions peuvent être adressées à
M. Emile Lefebvre, rue Nationale, à Bergues.
Le 22 juillet dernier avait lieu, dans un des
plus beaux sites des environs de Marseille, une
cérémonie à la fois imposante et touchante.
Une foule énorme s'était rendue au pèlerinage
annuel de la grotte de la Sainte-Baume, à l'oc-
casion de la fête de la patronne de la Provence,
sainte Marie-Madeleine.
C'est là, dans un paysage grandiose, à mille
.mètres d'altitude, dans le massif de montagnes
qui dominent la vieille cité phocéenne, que la
sainte est venue faire pénitence, entourée des
saints Maximin et Lazare et des saintes Maries!
Le couvent, dont les Pères dominicains avaient
la garde avant les décrets, a été racheté par un
ancien lieutenant de vaisseau, M. Pedone, dont
le dévouement est au-dessus de tout éloge, et
qui a maintenu dans le couvent les traditions
de piété et d'hospitalité.
M. Montenard, l'éminent peintre provençal,
a exécuté, avec un grand talent, dans la cha-
pelle, une suite de peintures représentant les
principaux épisodes de la vie de sainte Marie-
Madeleine. Mgr Guillibert, évêque de Fréjus,
entouré d'un nombreux clergé, prononça une
allocution magnifique et tira des merveilleux
sujets exécutés par M. Montenard des enseigne-
ments qui ont provoqué une émotion qui res-
tera durable dans tous les cœurs des Proven-
çaux qui assistaient à cette belle cérémonie de
la glorification de la grande sainte.
Ce monument bizarre, élégant, élevé, et dont
le manque d'aplomb fait l'admiration du
monde la tour de Pise est, paraît-il, en
fâcheuse posture. Son inclinaison s'accentue et
si cela continue, on craint pour sa solidité.
Ne vient-on pas, d'ailleurs, de s'aviser que
des infiltrations de l'Arno se sont subreptice-
ment introduites dans la tour. Il a donc fallu
aviser, mais c'est un travail fort difficile on
va tout d'abord établir des drainages souter-
rains et peut-être fera-t-on des injections de
ciment sous les fondations. Les savants qui
s'occupent de la question hochent la tête et
semblent croire qu'avant peu cette merveille
s'écroulera. Il nous paraîtrait juste, si pareil
malheur arrivait, qu'on reconstruisît cette tour
ivec son degré d'inclinaison primitive, comme
on a fait pour le campanile de Venise. Reste à
savoir si l'habileté des architectes modernes
pourrait réédifier un monument avec un porte-
à-faux aussi considérable et qui semble un défi
à la logique.
Cruelle déception.
La dixième chambre jugeait dernièrement un
voleur à l'étalage et, à la demande du président:
« Pourquoi, après avoir soustrait une bouteille,
l'avez-vous, d'un geste furieux, rejetée dans l'é-
talage ? », le prévenu répondit « Via, mon
président. Pendant les chaleurs, j'suis comme
beaucoup pour conserver mon appétit, y
m'faut boire du Dubonnet. Alors, je lève c'te
bouteille qu'avait juste la teinte malheur
y avait que de l'eau colorée d'dans Ça m'a mis
en colère, alors. »
A TRAVERS LES REVUES
Succès prévu. Avec l'émouvant « Journal de
route du capitaine Scott au pôle Sud que seu-
les de toutes les revues françaises elles ont ac-
quis le droit de publier, et le « Salut aux trou-
pes noires » du colonel Marchand, les Lectures
pour tous du 15 juillet, qui groupent les signa-
tures de MM. Henry Roujon, marquis de Sé-
gur, Henry Bordeaux, Jean Rameau, André
Tardieu, Adrien Vély, passionnent toutes les
catégories de public. Sous sa forme nouvelle,
la célèbre revue illustrée, devenue bi-men-
suelle, est la lecture favorite de tous ceux qui
partent en villégiature.
NOUVELLES A LA MAIN
Vraiment, votre mari fait de l'aviation ?
Il a toujours rêvé une situation élevée, et
comme l'administration ne la lui faisait guère
espérer, il s'élève de lui-même.
Un BomiM
LA CRISE BALKANIQUE
PLUS D'ARMISTICE.
L'Europe et l'Offensive turque
Les phases de ce drame angoissant se suc-
cèdent de la façon la plus déconcertante. Tan-
tôt on croit en entrevoir le dénouement proche,
tantôt on désespère de l'atteindre.
Il semblait hier que les belligérants étaient
arrivés à se mettre d'accord sur la procédure
des préliminaires de paix aujourd'hui, la Ser-
bie, suivant l'exemple de la Grèce, refuse d'ac-
corder un armistice tant que le traité définitif
qui doit se discuter à Bucarest ne sera pas
conclu.
Par conséquent, la réunion de Nisch devient
sans objet les troupes grecques et serbes accen-
tueront leur offensive jusqu'à ce que la confé-
rence de Bucarest soit parvenue à une solution
qui satisfasse les vainqueurs.
Pourquoi cette obstination à poursuivre une
campagne militaire contre une nation qui est
désormais aux abois et qui ne peut même plus
se défendre? Le spectateur impartial se l'ex-
plique difficilement, d'autant que si la Bulgarie
était capable d'un retour offensif, c'est vrai-
semblablement contre les Turcs qu'elle porte-
rait désormais son effort.
Mais elle est, visiblement, à bout de sguffle.
Pressée de toutes parts, elle en est réduite à
faire appel aux puissances les pressants télé-
grammes du roi Ferdinand au Tsar, à l'empe.-
reur d'Autriche, au roi Carol, voire aux sou-
verains des Etats qui l'enserrent de leur ter-
rible étreinte, attestent que la cause des Bulga-
res est désespérée je ne connais point de situa-
tion plus tragique et plus émouvante
Le refus des coalisés de consentir à une sus-
pension des hostilités est, au reste, désapprouvé
par les Roumains qui conseillaient vivement
cette mesure d'humanité. Iront-ils jusqu'à l'im-
poser ? C'est peut-être beaucoup leur demander.
Pourtant il' faut en finir. Les Balkaniques ont
mieux à faire qu'à s'entretuer. Ils ont à envisa-
ger aujourd'hui un péril commun. Tandis
qu'ils éternisent une lutte fratricide, le crois-
sant turc revient triomphant sur les territoires
d'où la croix l'avait chassé. La puissance mu-
sulmane, tranquillement, se réinstalle dans les
Balkans et reconquiert son empire.
Voici, en effet, le plus extraordinaire, le plus
stupéfiant de tous les spectacles que nous a mé-
nagés depuis dix mois la tragédie des Balkans
une armée que l'on croyait à jamais paralysée,
une armée fantôme qui, dit-on, ne possède ni
équipements, ni munitions, s'avance à travers
les régions silencieuses et désolées de la Thrace
que les troupes bulgares ont dû déserter pour
les frontières serbes et grecques-; elle reprend
une à une les villes et les bourgades d'où
fuient les populations chrétiennes. Hier, elle
occupait Andrinople, puis Mustapha encou-
ragée par l'absence de toute résistance, elle
s'est aventurée maintenant sur l'ancien terri-
toire du royaume bulgare, elle marche sur
Philippoli. Qui sait si elle ne s'avancera pas
jusqu'à Sofia ?
L'Europe pourtant s'est émue, elle reconnaît
la nécessité d'arrêter cette invasion inquié-'
tante, elle menace, elle gronde, elle s'irrite.
Mais les Turcs se souviennent du proverbe
arahe « Le soleil luit, les chiens aboient, la
caravane passe. » Ils font comme la caravane.
Au cours de leur réunion d'hier, les ambas-
sadeurs à Londres ont décidé qu'il importait de
« faire quelque chose ». Ils ont en conséquence
proposé à l'Europe une série de mesures sur le
choix desquelles bien entendu on garde
jusqu'à nouvel ordre un silence profond. A
vrai dire, je ne vois guère qu'un seul moyen
d'arrêter l'élan turc il consisterait à autoriser
la Russie à occuper provisoirement l'Arménie.
L'Europe s'y. résignera-t-elle ? Il est permis
d'en douter.
Pourtant, il faut qu'on se pénètre de cette
réalité une démonstration navale collective est
condamnée d'avance à un lamentable fiasco,
puisque l'on ne pourra ni bombarder Constanti-
nople, en raison des intérêts européens qui en
souffriraient infiniment plus que les maisons
turques, ni débarquer sur la côte syrienne, sans
risquer de soulever la question d'Asie-Mineure.
Si, par conséquent, on ne se résout pas à
agir du côté de l'Arménie, il faudra se décider
à laisser Andrinople à ses nouveaux occupants
et à négocier leur retrait de certaines régions
de la Thrace qui touchent aux frontières bul-
gares.
Je ne serais pas éloigné de croire que l'on y
songe déjà dans certains milieux diplomatiques.
René d'Ara)
Bloc-Notes Parisien
LA MALIBRAN
A propos des lettres qu'on vient de retrou-
ver de la célèbre artiste
« Il n'est pas trop tard pour parler encore d'elle », a
dit le poète. On vient de découvrir une série de lettres de
la Malibran et de réunir des souvenirs qui vont enrichir la
bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles. Voilà qui va
piquer la curiosité du public; car si la grande cantatrice
immortalisée par Alfred de Musset fut une des plus belles
voix qu'on ait jamais entendues sur un théâtre, si la cruelle
mort inopinée de l'artiste en plein triomphe a frappé les
imaginations, ceux qui ont pu jeter un coup d'œil sur les
lettres que la Malibran a écrites savent quel style déli-
cieux, quel entrain parfois et aussi quelle éloquente
désespérance marquèrent ces feuillets noircis au jour le
jour, adressés à ses amis ou même à des indifférents. Ce
n'est pas seulement une femme qui revit dans ces lettres,
c'est toute une époque romanesque à la fois et roman-
tique, où les mêmes faits de la vie prennent des aspects
de légendes par le grossissement habituel de ce temps-là
et par le recul des ans, où les gestes les plus simples
semblent appartenir à des personnages de drame de cape
et d'épée.
La Malibran a tenu une place considérable dans l'his-
toire du chant de 1828 à 1838. Les quatre vers de Lamar-
tine qui sont gravés sur son monument en forme de cha-
pelle, au cimetière de Laeken, près de Bruxelles, disent
quelle fut sa gloire:
Beauté, génie, amour, furent son nom de femme,
Ecrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix
Sous trois formes au ciel appartenait cette âme.
Pleurez, terre 1 et vous, cieux, accueillez-la trois fois
Il y a peut-être 'eu des cantatrices aussi célèbres, telles
que Sophie Arnould, Saint-Huberty, Pasta, Sontay,
Schrœder-Devrient, Grisi, Stolz, Falcon. Il n'en est point
qui ait eu une destinée plus brillante et plus brève; il
n'en est point qui ait trouvé une pareille unanimité, non
seulement de louanges, 'mais d'admiration parmi la litté-
rature et la poésie. Elle a inspiré en effet Musset, La-
martine, Théophile Gautier, elle a eu l'honneur d'avoir
des compositeurs tels que Rossini et Bellini, qui lui
consacrèrent des rôles et même des oeuvres. Elle fut
plus qu'une tragédienne lyrique nui attirait le suffrage
des foules et des artistes. Elle fut quelqu'un, car elle
dessinait aussi bien qu'elle chantait, elle peignait avec
autant d'art qu'elle dessinait, elle écrivit de la musique
presque sans avoir appris les règles de l'harmonie; elle
fit des vers en français, en anglais, en italien et en alle-
mand, alors qu'elle était née en Espagne; de plus, les
mémoires du temps vantent son talent à broder, à ima-
giner ces mille petits ouvrages de femme qui décèlent
l'ingéniosité de l'esprit. Elle fut, enfin, la première
femme de sport de notre temps, si femme de sport, si
amazone, qu'elle mourut d'un-de ces accidents qu'on ne
peut pas prévoir et qui peuvent arriver aux meilleurs ca-
valiers, une chute de cheval. Tout cela, on le comprend
facilement, a créé autour de la Malibran une vraie lé-
gende, non pas que des fictions se soient mêlées à sa
vie, mais simplement parce qu'elle fut un être extraordi-
naire et que nous ne sommes habitués à côtoyer que des
gens moyens. Le merveilleux n'est souvent qu'une des
facettes de la supériorité vue 'par les autres. Et la vie
de l'artiste ne fut-elle, pas elle-même une 'fiàçon de
mythe? La Malibran, en effet, était la fille d'un père
°spagnol, elle vit le jour en France, elle se maria à New-
York, mourut à Manchester et fut enterrée à Bruxelles.
Il y avait là vraiment matière à déformer tous les évé-
nements d'une existence qui eut pour cadre des pays si
différents.
Si la Malibran eut une voix admirable, elle dut à son
père, le ténor Garcia, l'occasion de développer les prodi-
gieux dons qu'elle devait à la nature. Ce père n'em-
ployait pas toujours la persuasion pour apprendre le
chant soutenu ou la vocalise à sa fille- et l'histoire ra-
conte que souvent on entendait des cris déchirants qui
partaient du logis du ténor « Ce n'est rien, disait-on;
c'est le père Garcia qui donne une leçon de chant à
Maria. » Cette leçon s'accompagnait de coups, de gifles,
qui étaient des moyens pédagogiques un peu sommaires
et un peu excessifs à la fois. Mais Maria était pour
ainsi dire suggestionnée par son père. Un soir, elle
avait à étudier un duo avec lui; survient un passage
difficile, un de ces trilles qui sont l'effroi des canta-
trices. La jeune fille s'arrête tout net devant l'obstacle
et dit à son père: « Il n'y a pas moyen! » Garcia de,
répliquer: « Tu as dit?. » avec des yeux qui n'admet-
taient pas de réplique. La jeune fille reprit pour ainsi
dire courage et exécuta le trille comme si c'eût été
une chose élémentaire.
Ce caractère sombre et le tempérament admirable de
l'artiste ont fourni à Legouvé une des pages les plus
• charmantes de ses Souvenirs. En 1832, Legouvé était
allé faire un voyage à Rome; il fréquentait la villa Mé-
dicis, dirigée par Horace Vernet. La Malibran était reçue
chez le grand peintre, qui lui avait offert l'hospitalité
au milieu des siens. Il arriva que pendant quatre jours
la cantatrice eut une véritable crise de silence. Les
invités de M. et Mme Vernet, qui espéraient chaque
soir avoir le régal d'une séance de musique, étaient dé-
çus. Le cinquième soir, on se promenait dans les jardins;
la Malibran, sans mot dire, avise une source, met sa tête
sous l'eau qui jaillissait, gravit un escalier de marbre
et, à la clarté de la lune, entonna le grand air de la
Norma, dont les paroles italiennes sont; Casta diva. Les
assistants de cette scène eurent une inoubliable im-
pression de beauté, la Malibran leur apparut comme un
être descendu du ciel, « et les premières paroles que
nous lui avons adressées, dit Legouvé, furent comme
empreintes d'un esprit religieux n.
Quelle fut la carrière d'une cantatrice de cette enver-
gure ? On le comprend aisément: la Malibran fut l'étoile
de toute la musique de 1830; le Barbier, Otello, la Cene-
renfola (Cendrillon), la Gazza Ladra, Roméo et Juliette,
de Zingarelli, et aussi celui de Vaccaj; 7aricre.de, la
Somnambule, l'Elisire d'Amore et la Norma, de Doni-
zetti le répertoire de Mozart, le Fidelio de Beethoven,
elle chanta tout avec un égal succès, avec un égal triom-
phe dans tous les pays qu'elle traversa. Mais c'était à
la France et à Paris qu'allaient toujours et partout ses
préférences. Voici un extrait d'une lettre qu'elle écrivait
d'Angleterre à un de ses amis, au moment de la Révo-
lution de Juillet:
« .Je vous assure qu'en pensant à Paris je sens mon
âme s'élever! On me dit que tout n'est pas encore
tranquille en France. Ecrivez-le-moi; j'irai. Je veux par-
tager le sort de mes frères. La charité bien ordonnée,
dit-on, commence par soi-même. Eh bien, les autres sont
mon soi-même. Vive la France! » On voit par là rue
cette artiste était à la fois une patriote dévouée à toutes
les idées chevaleresques et nobles. Et sa charité était
non seulement inépuisable, mais avait un à-propos qui
avait presque du panache. Un soir, à Londres, au milieu
d'une soirée de triomphe, un bouquet tombe aux pieds
de la Malibran, et de ce bouquet s'échappe un papier.
Le ténor ramasse le tout et le remet à sa partenaire. Un
loustic demande la lecture du billet, qui avait l'appa-
rence d'un chèque. La Malibran s'avance devant le trou
du souffleur et lit le chèque en ces termes: « Bon pour
la somme de mille livres sterling à payer aux pauvres
de la métropole. » Elle avait ainsi transformé magique-
ment un hommage d'un spectateur qui avait eu l'enthou-
siasme un peu lourd. De ces histoires-là, il y en a des
milliers sur la Malibran. Il est aisé de conclure que la
correspondance de la grande artiste doit refléter un carac-
tère de cette trempe-là.
Tout-Paris
AU PALAIS-BOURBON
La Couverture financière
M. CaiHauK
contre
M. Barîhou
LE BUDGET DE 1914 COMPRENDRA:
L'Impôt sur le Revenu
et un Impôt sur de Capital
PAR M. GEORGES FOUCHER
La bataille annoncée a eu lieu elle s'est ter-
minée, ainsi qu'il était aisé de le prévoir, par
la victoire du gouvernement, mais elle fut loin
d'être aussi chaude qu'on l'avait pu croire,
l'agresseur ayant battu en retraite plutôt que
d'affronter le scrutin. C'est que la situation, de-
puis la veille au soir, s'était modifiée de telle
sorte qu'avant même d'engager le eu, on ne
pouvait avoir, dans les deux camps, aucun
doute sur l'issue de la rencontre. Suivant la for-
mule en usage dans le ring, « c'était couru ».
Le président, en effet, dès l'ouverture de la
séance et avant de donner la parole à M. Cail-
laux. avait communiqué à la Chambre le projet
de résolution suivant, que venait de déposer en-
tre ses mains M. Landry
La Chambre, considérant qu'il est du devoir des
classes aisées et riches de prendre à leur compte
les charges fiscales qui seront la conséquence de
l'ceuvre commune de défense nationale, résolue à
faire face à ces charges par des taxes sur la for-
tune, notamment par un impôt progressif et global
sur le revenu et le capital, et repoussant toute ad-
dition, invite, le gouvernement à lui soumettre, dès
la rentrée, les dispositions législatives nécessaires.
Pour qui connaît tant soit peu le,terrain des
manœuvres parlementaires, il était clair que
cette motion devait réunir, avec l'agrément du
gouvernement, un minimum de 375 voix.
La question se trouvait donc réglée avant tout
débat nous n'avons pu, toutefois, éviter les
discours.
J'ai dit hier comment M. Caillaux avait ma-
nifesté, au cours de la discussion d'un amen-
dement de MM. Javal et Jacquier, son intention
d'examiner la politique financière du gouverne-
ment. Evidemihent, il eût été pénible, pour M.
Caillaux, de renoncer à une intervention annon-
cée non sans quelque fracas.
Et, comme "M. Caillaux, sans qu'il soit per-
mis de voir en lui l'homme d'Etat qu'il croit
être, ne saurait, cependant, être placé sur le
même plan que M. Charles Dumont comme il
se meut à travers les chiffres avec toute l'aisance
d'un professionnel comme, d'autre part, ;1
s'offre visiblement à reprendre demain, en qua-
lité de président du conseil, son ancien poste
de « fourrier du collectivisme », son discours,
pour toutes ces raisons, ne peut être passé sous
silence.
Après avoir posé, en principe, qu'on ne sau-
rait songer à revenir sur la politique « sociale »
faite depuis quinze ans par le parti radical au
pouvoir, M. Caillaux présente un exposé très
rapide du budget de 1913
Nous nous trouvons dit-il en présen-
ce, sans compter les dépenses militaires extraor-
dinaires, d'un déficit de 100 ou 150 millions, qui
d'ailleurs peut être réduit en fin d'exercice.
Si cette situation n'a rien d'inquiétant, il faut
comprendre, cependant, que ce sont les diffi-<
cultes qui commencent. Sans les dépenses min
litaires, la situation du budget de i913 serait al*
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VEMÏÏBEBI 25 JUILLET 1913
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8, rUCl DE LA B0T3RIE, 8
St d l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont psa readm
Pour la Défense
du
Roman français
On annonce la publication prochaine, en un vo-
lume luxueusement, imprimé et illustré, des sou-
venirs de la mission Champlain, qui parcourut,
l'an dernier, quelques parties des Etats-Unis et du
Canada. C'était une mission bien disante elle tâ-
chait, le long de la route, de détruire des préjugés
et d'augmenter nos amitiés. On en aura de nom-
breuses preuves. En voici une que nous sommes
heureux de publier. Ce sont les belles paroles pro-
noncées par M. René Bazin, de l'Académie fran-
çaise, pour la défense du roman français, dans la
grande salle de l'Université de Laval, à Québec,
te 6 mai 1912.
• Je me souviens d'un Anglais qui s'était assis
în face de moi, dans une voiture de grand ra-
pide, et qui lisait très attentivement un livre
à reliure souple, assez semblable pour le format
au guide Bœdecker. A un moment où il relevait
un peu son livre, je lus le titre en lettres d'or
Mœurs des Français à la ville et à la campagne.
Je dois dire que ce voyageur était un homme
appliqué. Il ne cessa point, depuis les Pyrénées
jusqu'à Paris, d'étudier les mœurs des Fran-
çais. Mais je doute bien qu'en arrivant à la
gare du quai d'Orsay il les ait connues mieux
qu'auparavant. C'est là une science extrême-
ment difficile à acquérir, non pas seulement
parce que son domaine est vaste, mais parce
que beaucoup de causes se réumssent pour
tromper l'étranger, fût-il exact, patient et de la
plus belle volonté.
Même nos frères de race peuvent s'y laisser
prendre. Tous, et bien des fois, vous avez en-
tendu juger la famille française, la moralité
française, d'après notre littérature ou, plus jus-
tement, d'après une certaine partie de notre lit-
térature. C'est une chose indéniable cependant,
et reçue entre nous, que ni le roman en général,
ni le théâtre en général, ne représentent exacte-
ment la société et les mœurs françaises. Où en
serions-nous, grand Dieu, si la famille ressem-
blait aux familles que l'on voit évoluer trop
souvent, et, l'on peut dire, chaque soir, sur les
planches de nos scènes arisiennes ? Une nation
composée de pareils éléments serait morte de-
puis longtemps. Un critique dramatique com-
mençait tout récemment son feuilleton par ces
mots' « En ce moment, on n'est pas beaucoup,
au théâtre, le fils de son père. » Le sujet ne
varie guère, en effet toujours ou presque tou-
jours la scène se passe dans un monde soi-di-
sant parisien, où les hommes sont inoccupés et
où les femmes n'ont guère d'occupation que de
faire le malheur de leur mari. C'est toujours le
trio classique, à moins que ce ne soit le-quatuor
ou le quintette, qui évolue sous nos yeux c'est
toujours la même doctrine, vieille comme le
monde, de l'amour fatal, de la liberté de l'a-
mour, la même aisance à nommer ce qui gêne
un préjugé et ce qui nous plaît un droit humain
et sacré.
Ainsi nous nous ^calomnions nous-mêmes,
tandis que la vie laborieuse, qui est celle de
tant de Français, la vie si dramatique de l'offi-
cier colonial, la vie intense des milieux popu-
laires, et tant et tant d'autres domaines, n'ont
pas tous les historiens, les philosophes, les nar-
rateurs, qui étaient nés pour les raconter et
pour les glorifier.
Cependant, nous avons toujours eu, parmi
nous, des esprits qui ont mis dans les œuvres
romanesques cette part de nos préoccupations
présentes, des problèmes éternels ou passagers,
qui fait que nous connaissons mieux, en lisant
1'oeuvre, le monde où nous vivons, et qu'il nous
reste de la lecture autre chose qu'une émotion
une idée. Pas de thèse, mais des idées, car la
vie en est pleine, et elle est enseignante pas
de thèse, mais des fenêtres ouvertes sur le vaste
monde et sur le ciel pas de thèse, mais, à côté
de l'amour, ou dans l'amour même, un idéal
supérieur à la passion, une loi qui rehausse,
une direction, une vue générale qui relie un
drame particulier à l'humanité même, et qui
ne supprime pas l'émotion,, loin de là, mais qui
l'élève jusqu'à une leçon qui de nous n'a cher-
ché cela, avidement, subtilement, dans l'oeuvre
de l'écrivain ? Il a le droit de faire des œuvres
moralement indifférentes mais notre admira-
tion lui sera plus reconnaissante s'il a laissé à
ses semblables une espérance, une force, une
croyance. Alexandre Dumas fils disait ce mot
qui a été rapporté par Sardou « Toute œuvre
littéraire qui n'a pas en vue l'idéal et l'utile est
malsaine et lettre morte. » Et le romancier
russe Tolstoï, dont l'œuvre a des parties de
christianisme et des parties de nihilisme, a dit,
mieux encore, dans un de ses bons jours
« L'art est un moyen, entre les hommes, de se
communiquer leurs plus nobles pensées. »
Eh bien non seulement, à toute époque, à
côté des amuseurs nous avons eu de ces artistes
bienfaisants, mais je dis que l'œuvre présente
est bonne à ce point de vue que depuis long-
temps nous n'avons pu montrer un ensemble
d'oeuvres littéraires d'une aussi haute tenue,
d'une signification aussi heureuse.
Je suis obligé de prendre une période d'une
douzaine d'années, pour que ma preuve soit
mieux établie. Laissez-moi d'abord vous dire
quelques mots de trois écrivains dont le pre-
mier vient de disparaître, le vicomte de Vogüé,
dont les deux autres, Paul Bourget et Maurice
Barrès, sont dans la vigueur du talent.
De ces trois hommes, le vicomte de Vogué
'était le seul qui appartînt à l'aristocratie mili-
taire de l'ancienne France, et cependant, s'il y
avait chez lui un fond de tradition, le plus cu-
rieux de son talent était peut-être l'immédiat
essor de son esprit vers tous les problèmes nou-
veaux, sa curiosité en tous sens et cet impérieux
besoin de deviner l'avenir en observant les agi-
tations confuses du présent. Esprit frémissait,
qui n'a pas traité un sujet ou conté une histoire
sans lui communiquer quelque chose de la per-
pétuelle vibration, de l'élan, de la noblesse, de
l'inquiétude qui étaient en lui. Pour le peindre,
on devra toujours parler de ce rare caractère
d'élargissement, de vol au-dessus des choses,
qui marque toute son œuvre. Ne peut-on pas
dire crue ce sont deux romans d'une vraie gran-
deur. ce Maître de la mer, où il exaltait l'idée
chevaleresque, et ces Morts qui parlent, où il
montrait l'influence en nous, secrète, puissante
et souvent heureuse, des générations dispa-
rues ?
Quelle œuvre impressionnante aussi que celle
de Paul Bourget
Il a écrit déjà près de quarante volumes. Es-
prit philosophique, il a marqué de ce caractère
de construction, de dialectique, d'analyse scien-
tifique, aussi bien ses romans, ses nouvelles,
que ses études de critique littéraire. C'est un
homme qui connaît merveilleusement tout le
monde des lettres, du journalisme, de la politi-
que, et qui, en même temps, n'est étranger à
aucune question de morale ou de psychologie.
La médecine le passionne et, sans doute, on
rencontre parfois cette sorte d'universelle cu-
riosité chez des hommes de lettres, des voya-
geurs, des liseurs. Mais, ce qui est très caracté-
ristiaue cheg Bourget, c'est l'harmonie de cette
vaste encyclopédie. Toute la politique théori-
que dans le sens le plus étendu du mot organi-
sation de l'Etat, lois sociales, conditions de la
famille, de la propriété, principes d'édtication,
tout cela est classé, combiné et clair dans l'es-
prit de ce puissant constructeur. Il y a des hom-
mes qui habitent un palais intellectuel qu'ils
se sont fait, un palais dont on voit quelques por-
tiques et quelques sculptures quand on reçoit
leurs confidences. Il est de ceux-là. Devant lui,
on se sent en présence d'une puissance de pen-
sée très rare parce qu'elle est très complète.
Bourget, comme vous le savez, ayant appro-
fondi toute la philosophie contemporaine, a
conclu au catholicisme. Il est religieux simple-
ment, sans aucune ostentation et sans aucune
fausse honte.
Tel est le penseur, qui, ayant longtemps étu-
dié un certain nombre de -maladies morales
dans des romans de passion, où l'audace dans
l'analyse ressemble à celle du chirurgien, s'est
mis à écrire une série d'œuvres, romans ou
pièces de théâtre, où les conditions de la santé
sociale se trouvent indiquées et sont comme
contenues dans des faits. Je ne cite que des
titres, ne pouvant analyser L'Etape, Un Di-
vorce, L'Emigré, La Barricade, Le Tribun. Et
demain, nous aurons une nouvelle œuvre en-
core. Et comme les autres, dans l'esprit des
contemporains, elle ne se résumera point en
images, mais en idées.
Voyez encore Barrès. Ce qui m'a souvent
frappé,' chez Barrès, outre la très rare valeur
de l'artiste littéraire, c'est une des plus heureu-
ses qualités qui font l'homme politique, je veux
dire le choix des occasions où il manifeste son
sentiment. Barrès est député. Je l'ai vu monter
à la tribune dans un certain nombre d'occa-
sions et y prononcer des discours brefs, dont
les phrases étaient comme disposées en cou-
ronne autour de trois ou quatre phrases reines,
éclatantes, d'une eau pure comme celle des
belles pierres précieuses. Et à chaque fois, je
remarquai qu'il avait été conduit à parler par
une disposition d'esprit que j'appellerai la ten-
dresse patriotique. Et à chaque fois aussi il a
éveillé,, parmi les milieux politiques, une
grande sensation littéraire.
Maurice Barrès est un Lorrain, tout au
moins par sa mère, et la plainte des deux pro-
vinces arrachées à la France en 1871 continue
de s'exprimer par sa parole et par sa plume.
Son livre Au service de l'Allemagne, et sa Co-
lette Baudoche, chef-d'œuvre qui restera classi-
que, ont pris place dans ce vaste ensemble de
livres qu'on peut appeler le cycle littéraire
créé par la douleur, le cycle d'Alsace-Lorraine.
Son beau style, qui a commencé par être com-
pliqué, arrive à la simplicité à force d'art, et
redevient somptueux dès qu'il est négligé,
parce que l'auteur a en lui ce goût de la dé-
coration somptueuse, qu'il combat constam-
ment. Laissez-moi vous citer quelques lignes
de Au service de l'Allemagne, qui décrivent le
paysage lorrain « Ce qui frappe d'abord, sur
notré plateau de Lorraine, ce sont les plisse-
ments du terrain ils se développent sans
heurts et s'étendent largement. De grands es-
paces agricoles, presque toujours des herba-
ges, ondulent sans un arbre. Puis, çà et là,
sur le renflement d'une douce courbe, surgit un
petit carré de chênes ou quelque mince bou-
quet de bouleaux. Dans les dépressions, l'herbe
partout scintille, à cause de l'eau secrète, et
l'on voit des groupes de saules argentés. Nulle
abondance, mais quel goût » Voilà un art
d'assembler les mots, de les peser, de les. comp-
ter et de résumer dans un trait de vastes éten-
dues, et d'exprimér d'un mot leur âme tout en-
tière, qui est tout à fait de l'art français le plus
raffiné. Goûtez les phrases, ces phrases lisses,
pleines et transparentes comme du raisin mûr,
et dites si ce n'est pas là un grand écrivain et
pour le pays un titre de grand honneur ?
Combien d'autres exemples je pourrais trou-
ver, dans la littérature contemporaine des dix
ou douze dernières années, de ces livres, ro-
mans, nouvelles, vers, essais, drames publiés
sans avoir été joués, et qui laissent le souvenir
d'un bel abri, durable ou passager Je ne dé-
nombre pas ici toutes les gloires françaises,
tous nos grands poètes en prose je ne donne
que des exemples précis pour réfuter une ac-
cusation précise. On accuse nos écrivains d'ê-
tre des destructeurs je nomme quelques-uns
de ceux qui rebâtissent la cité. Je ne puis les
citer tous, mais je veux vous rappeler, tout au
moins, plusieurs des jeunes hommes dont les
livres sont en contradiction manifeste avec la
réputation qu'on a voulu faire au livre fran-
çais. Parmi eux, il est remarquable que la plu-
part sont de mentalité catholique, en tout cas
d'un esprit respectueux. Le mouvemeent s'é-
largira. Demain sera meilleur qu'aujourd'hui,
soyez en sûrs. Rappelez-vous les noms de Hen-
ry Bordeaux, dont l'œuvre est déjà considéra-
ble de Louis Bertrand, qui a écrit de si belles
études sur les pays d'Orient et sur Marseille
de Charles Péguy, l'auteur du Mystère de la
charité de Jeanne d'Arc de Paul Claudel,
dont les drames, l'Otage et l'Annonce faite à
Marie, dont le chant de Noël, dont les odes
sont pleins d'éclats de génie rappelez-vous
les derniers volumes de Francis Jammes, les
derniers romans de Paul Acker, les vers de
Louis Mercier, les vers ou les premiers ro-
mans de ces jeunes hommes des Amitiés fran-
çaises qui se nomment Robert Vallery-Radot,
André Lafon, François Mauriac, et ce récent
volume de Georges Ducrocq, la Blessure mal
fernaée, autre livre admirable du cycle d'Al-
sace-Lorraine
Non, non, cherchez dans cette littérature
française, vous y trouverez, nombreux, de plus
en plus, des livres qui ne détruisent pas, mais
qui rebâtissent pour la société de demain.
Pour moi, si j'ai un vœu à formuler, c'est
que ces hommes qui font honneur à la France,
que les plus jeunes surtout viennent étudier,
en même temps que les questions que je viens
d'énumérer, ce peuple des travailleurs de la
terre et des travailleurs de l'usine auxquels j'ai
donné tout mon cœur et la plus large part de
mon temps. C'est un monde immense par le
nombre, par la puissance, par la souffrance.
Pour être compris, il faut d'abord qu'il soit
aimé. Ceux qui en ont parlé, n'ont pas dit tout
le mal qu'il faut en dire, car ils n'ont pas parlé
de l'orgueil qui s'y cache le plus souvent sous
la forme de l'irrespect chez l'enfant et de l'en-
vie chez l'homme. Ils n'ont pas dit surtout le
bien qu'il fallait en dire. Je ne traverse jamais
un faubourg de grande ville sans trouver ses
maisons émouvantes, pour des raisons humai-
nes et des raisons divines. Quartiers abandon-
nés, comme les jachères de la campagne. Quar-
tiers où habitent, à côté de tant de vices et de
tant d'ignorance, tant de secrète soumission à
la vie, et de vertu survivant à ses causes, et par
cela même plus merveilleuse. Quartiers que là
charité connaît encore mieux que les politiciens
ne les connaissent où elle rend des services et
échange des mots de tendresse fraternelle qui
sont la rançon des fortunes gaspillées et des
mensonges du monde quartiers où tant de
bonté s'est dépensée, sans que l'apparence en
soit modifiée, comme un souffle frais qui ra-
nime les vieilles herbes, mais qui ne change
pas à lui seul la terre lourde et fermée. Le
peuple qui est là est digne d'une commiséra-
tion infinie, parce qu'il est peu aimé, parce
qu'on ne le recherche guère que pour son suf-
frage, comme les renards pour leur fourrure
parce qu'il souffre plus encore qu'on ne le dit
de souffrances physiques et morales. Il a be-
soin que les plus hauts esprits d'une nation
s'intéressent à lui et le connaissent, et que les
meilleurs dévouements le secourent, à cause de
la pauvreté de sa condition, mais plus encore à
cause de son idéal abaissé. On lui a persuadé,
pas seulement chez nous, un peu partout dans
l'univers, que le plus grand objet de l'ambi-
tion humaine est l'argent on le décourage et
on l'aigrit, puur né lui laisser d'autre idéal que
la journée de huit heures, de six heures ou de
quatre heures, une rente pour sa vieillesse, une
indemnité en cas d'accident. C'est à cela qu'on
prétend réduire l'espérance d'une âme faite à
l'image de Dieu
Voilà pourquoi l'effort des écrivains doit ten-
dre à éclairer et à soutenir l'effort des hommes
d'Etat et celui de la charité pour le relèvement
des pauvres. Quelques-uns des romanciers que
j'ai nommés y sont venus, d'autres y viendront
sans doute. La générosité de leur œuvre déjà
faite m'en est un sûr garant. Et il sera dit, et
vous répéterez, qu'en ce commencement du
vingtième siècle, la haute littérature française
a produit tout un ensemble d'œuvres où la
beauté s'est alliée à ces puissances bienfaisantes,
qui s'appellent le respect de la tradition, le
goût de l'ordre, le souci d'une humanité meil-
leure dans un idéal agrandi.
Et maintenant je veux vous dire mon bonjour
et mon au revoir.
Je suis venu vous apporter des nouvelles du
vieux pays, des nouvelles de vos gens de là-
bas ». Depuis bien des années je désirais le
faire. Mon désir de rendre visite aux frères
canadiens a commencé lorsque j'avais la pre-
mière jeunesse et que je lisais les belles histoi-
res de Champlain, de Montcalm et de Dollard
des Ormeaux assiégé dans le fort du Long-
Saut et je remplis mon vœu ayant les cheveux
gris. Qu'importe l'âge, si je vous dis que je
suis bien heureux de vous voir, d'apercevoir
dans vos visages la ligne, la grâce, l'humeur
françaises, de surprendre, dans vos yeux, la
petite étincelle qui fait rire aussi le vin de nos
coteaux si je vous. dis que je suis heureux
d'entendre dans vos rues les mots de iotre
langue, et de trouver surtout dans vos cœurs
la foi catholique, la mienne, et de penser que
vos pères l'avaient apportée de France. Quelle
fort-! fraternité entre nous, et comme je suis
déjà sûr, à écouter l'émotion qui grandit en
moi, que je ferais bientôt comme un chasseur
de mes amis Il voulait chasser les vanneaux
dans les prés de Normandie. Et il rencontra,-sur
un chemin, la fermière « J'irai chez vous
chasser le vanneau, maîtresse Madelon. Tant
mieux, monsieur, on ne vous voit guère.
J'irai et je reviendrai chez moi trois jours après.
Cela n'est pas sûr Pourquoi Madelon ?
Parce que, monsieur, ceux qui passent chez
nous plus d'un jour ne peuvent plus s'en aller. »
Je suis venu vous apporter des nouvelles du
vieux pays. La terre de France était déjà parée
par le printemps lorsque je l'ai quittée. Il fai-
sait délicieux parmi nos poiriers en fleurs. Les
enfants faisaient des balles et des guirlandes
de coucous. Il y avait des jours lumineux
parmi les giboulées d'avril. Elle n'a rien perdu
de ce charme célébré à travers les âges et qui
l'a fait considérer comme un 'séjour de joie.
Evidemment, les hommes dont l'instinct fut
toujours de piller ou de peu considérer les
biens communs ne se gênent guère pour éta-
blir une usine dans une vallée, jusque-là par-
faite de lignes et de silence, pour abattre une
falaise ou une futaie si ancienne que tous les
arbres avaient de la barbe Cependant, la
terre dé chez nous reste une des plus belles du
monde, elle a cette vertu générale d'aménité
par quoi elle séduit. Tout récemment, un des
écrivains qui connaissent le mieux les ques-
tions anglaises, M. Jacques Bardoux, interro-
geait, sur la grève des houilleurs, un vieux
mineur du Somerset, qui lui répondait, exal-
tant la France inconnue et lointaine, comme
nous exaltons les îles des Antilles ou de l'ar-
chipel Indien, et il disait « Dans votre pays,
il y a moins de riches, plus de soleil et de blé
que dans le nôtre. » Il exprimait ainsi une ten-
dresse ingénue, dont ne peuvent se défendre
ceux qui ont parcouru la France, ni ceux
mêmes qui pensent à elle.
C'est cette tendresse pour la terre de France
et cette affection pour ses paysans qui m'ont
surtout amené vers vous. J'ai voulu voir vos
villes, sans doute, mais voir aussi les descen-
dants des hommes qui vinrent des provinces
familières, de Normandie, Maine, Bretagne,
Poitou, Champagne, Touraine, et qui peuplè-
rent les forêts et semèrent les premières poi-
gnées du froment de France entre les racines
des troncs d'érables et de sapins. Laissez-moi
saluer le fermier canadien, l'habitant, le solide
soutien de votre Etat, le père de la famille
nombreuse, l'homme qui a gardé l'honneur,
la forte espérance, la langue, la foi de son
ancien pays, tout le trésor, toute la France
essentielle.
Aucune autre beauté n'est, plus que celle-là,
sûre de nous émouvoir. Il personnifie votre
avenir comme il rappelle vos origines. Si on
l'interroge, si on-lui demande « De qui tenez-
vous votre cœur si français ? » il répondu
« De mon père qui s'appelait Jean, et de ma
mère qui s'appelait Marie. Et votre père
Jean, et votre mère Marie, de qui tenaient-ils
leur cœur tout plein de l'image de la patrie
ancienne ? » Et on arrive ainsi jusqu'aux an-
cêtres qui vinrent, il y a trois siècles peut-être,
laboureurs ou soldats, chercher fortune dans
la Nouvelle-France, qu'avait nommée ainsi le
bon roi Henri IV. Ils ont cherché fortune et
ils ont accompli leur rêve, puisqu'ils ont fondé
un grand peuple.
0 vieil habitant des terres canadiennes,
fidèle en toute chose, c'est vous d'abord que je
suis venu voir, et je suis sûr qu'au premier
mot, au premier geste, au premier coup d'oeil,,
sans hésiter, ni vous, ni moi, nous nous recon-
naîtrons
René Bazin
de l'Académie française
Nous publierons demain un article de notre
éminent collaborateur M. G. de Lamarzelle,
sénateurs
« Le Duc d'Enghien », de M. Henri Welschinger
Ce qui se passe
ÉCH OS DE PARTOUT
LES SOUVERAINS ESPAGNOLS A PARIS
LL. MM. le roi Alphonse XIII et la reine Vic-
toria, voyageant incognito, ont quitté hier soir
Saint-Sébastien pour se rendre en Angleterre,
où ils assisteront aux régates de Cowes. Leurs
Majestés arriveront ce matin à Paris, gare
d'Orsay, à 8 heures 15.
Le Roi et la Reine, après avoir assisté à l'Ely-
sée à un déjeuner donné en leur honneur par
le président de la république, repartiront le
soir pour Calais et Londres.
La suite de Leurs Majestés est composée du
marquis de La Torrecilla, grand-maître de la
cour de la duchesse de San Carlos, dame d'hon-
neur du marquis de Viana, grand écuyer du
duc de Santd-Mauro, grand-maître de la cour
de la Reine, et de M. Quinones de Leon, cham-
.bellan de Sa Majesté.
A la gare d'Hendaye, un grand nombre de
personnages de la Cour et tout un essaim de
femmes élégantes s'étaient donné rendez-vous
pour offrir leurs hommages et leurs souhaits de
bon voyage au roi et à la reine d'Espagne.
L'intention de Leurs Majestés est de revenir
le 1er août à Saint-Sébastien, d'où Elles s'em-
barqueront, dans la nuit du 3 au 4 août, à bord
du yacht Giraldo., pour se rendre à Santander,
et, après avoir passé une semaine à Bilbao,
Leurs Majestés reviendront à Saint-Sébastien.
Académie française. -̃•
Les Immortels se sont réunis hier, à l'Institut,
pour tenir leur séance hebdomadaire. M. René
Doumic, directeur, présidait, assisté de M.
Henri de Régnier, chancelier.
Mgr Duchesne, MM. Jules Claretie, Lavisse et
Henry Roujon ont eu la joie de voir parmi eux
M. Alfred Mézières, qu'ils ont félicité vivement
pour son brillant état de santé.
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas.
Hier, il a fait presque chaud, bien que le soleil
se soit montré chiche de ses rayons, Serait-ce
le retour du beau temps? Hélas les douleurs
rhumatismales dont on entend les gens se plain-
dre, où que vous alliez, sont un signe infaillible
que la période des changements de température
n'est pas terminée
Ce baromètre trompe peu il semble que le
corps humain est un parfait enregistreur des
manifestations atmosphériques les basses et
les hautes pressions, les dépressions, comme
disent les savants, ont certainement une in-
fluence sur notre économie, et, quoi que nous
fassions, nous ne pouvons échapper aux effluves
'atmosphériques. C'est d'ailleurs, jusqu'ici, le
meilleur de tous les baromètres.
Si donc, nos douleurs nous quittent, réjouis-
sons-nous, c'est le beau temps en perspective,
c'est l'ombrelle-succédant au hideux parapluie,
c'est le chapeau de^paille reprenant enfin ses
droits au soleil.
Nous recevons la lettre suivante que nous
nous empressons de publier
Paris, le 24 juillet 1913.
Mon cher Directeur,
En parlant de la mort de la Princesse Murât,
opérée, je crois, parle docteur Morestein, on disait
ce matin, dans, votre journal, qu'elle avait, été
opérée, deux fois, par le docteur Gosset.
Vous feriez plaisir à mon maître et ami si vous
faisiez rectifier cette erreur involontaire. Moi je
vous en serais très reconnaissant.
Votre tout dévoué.
J. DE SARD.
Il y a quatre-vingts ans, Lamartine était élu
député de Bergues et les électeurs de l'arron-
dissement ouvraient ainsi par leur vote l'en-
trée de la vie publique au maître incomparable
de la langue, de la pensée, de l'idéal français.
Justement fière de ce souvenir, qui est une
gloire nationale, la ville de Bergues a résolu
de le commémorer solennellement par des fêtes
qui auront lieu en septembre prochain. Un mo-
nument à Alphonse de Lamartine sera alors
inauguré, le 14 septembre, placé sur la façade
de l'hôtel de Ville, et une plaque de marbre sera
posée sur l'ancien hôtel de la Tête d'Or, où le
poète a improvisé les sublimes stances de La
Réponse à Némésis.
Un comité d'honneur a été formé où figu-
rent les sénateurs, les députés du départe-
ment, les conseillers généraux" d'arrondisse-
ment, les maires des cinq chefs-lieux de canton
qu'a représentés Lamartine, les descendants de
la famille, ainsi que les présidents des socié-
tés savantes et le président des Lamartin'iens.
L'Académie française sera représentée aux
fêtes prochaines.
Tous ceux qui voudront rendre honneur à
Lamartine enverront leur souscription au
comité. Parmi les membres du comité d'hon-
neur, citons M. P. Deschanel, de l'Académie
française, président de la Chambre des dépu-
tés M. Dupont, préfet du Nord M. Denys
Cochin, député de Paris, délégué par l'Acadé-
mie française, et parmi les membres du comité
d'action le maire de Bergues, président MM.
Henry Cochin, député Léon Claeys, conseiller
général, etc.
Les souscriptions peuvent être adressées à
M. Emile Lefebvre, rue Nationale, à Bergues.
Le 22 juillet dernier avait lieu, dans un des
plus beaux sites des environs de Marseille, une
cérémonie à la fois imposante et touchante.
Une foule énorme s'était rendue au pèlerinage
annuel de la grotte de la Sainte-Baume, à l'oc-
casion de la fête de la patronne de la Provence,
sainte Marie-Madeleine.
C'est là, dans un paysage grandiose, à mille
.mètres d'altitude, dans le massif de montagnes
qui dominent la vieille cité phocéenne, que la
sainte est venue faire pénitence, entourée des
saints Maximin et Lazare et des saintes Maries!
Le couvent, dont les Pères dominicains avaient
la garde avant les décrets, a été racheté par un
ancien lieutenant de vaisseau, M. Pedone, dont
le dévouement est au-dessus de tout éloge, et
qui a maintenu dans le couvent les traditions
de piété et d'hospitalité.
M. Montenard, l'éminent peintre provençal,
a exécuté, avec un grand talent, dans la cha-
pelle, une suite de peintures représentant les
principaux épisodes de la vie de sainte Marie-
Madeleine. Mgr Guillibert, évêque de Fréjus,
entouré d'un nombreux clergé, prononça une
allocution magnifique et tira des merveilleux
sujets exécutés par M. Montenard des enseigne-
ments qui ont provoqué une émotion qui res-
tera durable dans tous les cœurs des Proven-
çaux qui assistaient à cette belle cérémonie de
la glorification de la grande sainte.
Ce monument bizarre, élégant, élevé, et dont
le manque d'aplomb fait l'admiration du
monde la tour de Pise est, paraît-il, en
fâcheuse posture. Son inclinaison s'accentue et
si cela continue, on craint pour sa solidité.
Ne vient-on pas, d'ailleurs, de s'aviser que
des infiltrations de l'Arno se sont subreptice-
ment introduites dans la tour. Il a donc fallu
aviser, mais c'est un travail fort difficile on
va tout d'abord établir des drainages souter-
rains et peut-être fera-t-on des injections de
ciment sous les fondations. Les savants qui
s'occupent de la question hochent la tête et
semblent croire qu'avant peu cette merveille
s'écroulera. Il nous paraîtrait juste, si pareil
malheur arrivait, qu'on reconstruisît cette tour
ivec son degré d'inclinaison primitive, comme
on a fait pour le campanile de Venise. Reste à
savoir si l'habileté des architectes modernes
pourrait réédifier un monument avec un porte-
à-faux aussi considérable et qui semble un défi
à la logique.
Cruelle déception.
La dixième chambre jugeait dernièrement un
voleur à l'étalage et, à la demande du président:
« Pourquoi, après avoir soustrait une bouteille,
l'avez-vous, d'un geste furieux, rejetée dans l'é-
talage ? », le prévenu répondit « Via, mon
président. Pendant les chaleurs, j'suis comme
beaucoup pour conserver mon appétit, y
m'faut boire du Dubonnet. Alors, je lève c'te
bouteille qu'avait juste la teinte malheur
y avait que de l'eau colorée d'dans Ça m'a mis
en colère, alors. »
A TRAVERS LES REVUES
Succès prévu. Avec l'émouvant « Journal de
route du capitaine Scott au pôle Sud que seu-
les de toutes les revues françaises elles ont ac-
quis le droit de publier, et le « Salut aux trou-
pes noires » du colonel Marchand, les Lectures
pour tous du 15 juillet, qui groupent les signa-
tures de MM. Henry Roujon, marquis de Sé-
gur, Henry Bordeaux, Jean Rameau, André
Tardieu, Adrien Vély, passionnent toutes les
catégories de public. Sous sa forme nouvelle,
la célèbre revue illustrée, devenue bi-men-
suelle, est la lecture favorite de tous ceux qui
partent en villégiature.
NOUVELLES A LA MAIN
Vraiment, votre mari fait de l'aviation ?
Il a toujours rêvé une situation élevée, et
comme l'administration ne la lui faisait guère
espérer, il s'élève de lui-même.
Un BomiM
LA CRISE BALKANIQUE
PLUS D'ARMISTICE.
L'Europe et l'Offensive turque
Les phases de ce drame angoissant se suc-
cèdent de la façon la plus déconcertante. Tan-
tôt on croit en entrevoir le dénouement proche,
tantôt on désespère de l'atteindre.
Il semblait hier que les belligérants étaient
arrivés à se mettre d'accord sur la procédure
des préliminaires de paix aujourd'hui, la Ser-
bie, suivant l'exemple de la Grèce, refuse d'ac-
corder un armistice tant que le traité définitif
qui doit se discuter à Bucarest ne sera pas
conclu.
Par conséquent, la réunion de Nisch devient
sans objet les troupes grecques et serbes accen-
tueront leur offensive jusqu'à ce que la confé-
rence de Bucarest soit parvenue à une solution
qui satisfasse les vainqueurs.
Pourquoi cette obstination à poursuivre une
campagne militaire contre une nation qui est
désormais aux abois et qui ne peut même plus
se défendre? Le spectateur impartial se l'ex-
plique difficilement, d'autant que si la Bulgarie
était capable d'un retour offensif, c'est vrai-
semblablement contre les Turcs qu'elle porte-
rait désormais son effort.
Mais elle est, visiblement, à bout de sguffle.
Pressée de toutes parts, elle en est réduite à
faire appel aux puissances les pressants télé-
grammes du roi Ferdinand au Tsar, à l'empe.-
reur d'Autriche, au roi Carol, voire aux sou-
verains des Etats qui l'enserrent de leur ter-
rible étreinte, attestent que la cause des Bulga-
res est désespérée je ne connais point de situa-
tion plus tragique et plus émouvante
Le refus des coalisés de consentir à une sus-
pension des hostilités est, au reste, désapprouvé
par les Roumains qui conseillaient vivement
cette mesure d'humanité. Iront-ils jusqu'à l'im-
poser ? C'est peut-être beaucoup leur demander.
Pourtant il' faut en finir. Les Balkaniques ont
mieux à faire qu'à s'entretuer. Ils ont à envisa-
ger aujourd'hui un péril commun. Tandis
qu'ils éternisent une lutte fratricide, le crois-
sant turc revient triomphant sur les territoires
d'où la croix l'avait chassé. La puissance mu-
sulmane, tranquillement, se réinstalle dans les
Balkans et reconquiert son empire.
Voici, en effet, le plus extraordinaire, le plus
stupéfiant de tous les spectacles que nous a mé-
nagés depuis dix mois la tragédie des Balkans
une armée que l'on croyait à jamais paralysée,
une armée fantôme qui, dit-on, ne possède ni
équipements, ni munitions, s'avance à travers
les régions silencieuses et désolées de la Thrace
que les troupes bulgares ont dû déserter pour
les frontières serbes et grecques-; elle reprend
une à une les villes et les bourgades d'où
fuient les populations chrétiennes. Hier, elle
occupait Andrinople, puis Mustapha encou-
ragée par l'absence de toute résistance, elle
s'est aventurée maintenant sur l'ancien terri-
toire du royaume bulgare, elle marche sur
Philippoli. Qui sait si elle ne s'avancera pas
jusqu'à Sofia ?
L'Europe pourtant s'est émue, elle reconnaît
la nécessité d'arrêter cette invasion inquié-'
tante, elle menace, elle gronde, elle s'irrite.
Mais les Turcs se souviennent du proverbe
arahe « Le soleil luit, les chiens aboient, la
caravane passe. » Ils font comme la caravane.
Au cours de leur réunion d'hier, les ambas-
sadeurs à Londres ont décidé qu'il importait de
« faire quelque chose ». Ils ont en conséquence
proposé à l'Europe une série de mesures sur le
choix desquelles bien entendu on garde
jusqu'à nouvel ordre un silence profond. A
vrai dire, je ne vois guère qu'un seul moyen
d'arrêter l'élan turc il consisterait à autoriser
la Russie à occuper provisoirement l'Arménie.
L'Europe s'y. résignera-t-elle ? Il est permis
d'en douter.
Pourtant, il faut qu'on se pénètre de cette
réalité une démonstration navale collective est
condamnée d'avance à un lamentable fiasco,
puisque l'on ne pourra ni bombarder Constanti-
nople, en raison des intérêts européens qui en
souffriraient infiniment plus que les maisons
turques, ni débarquer sur la côte syrienne, sans
risquer de soulever la question d'Asie-Mineure.
Si, par conséquent, on ne se résout pas à
agir du côté de l'Arménie, il faudra se décider
à laisser Andrinople à ses nouveaux occupants
et à négocier leur retrait de certaines régions
de la Thrace qui touchent aux frontières bul-
gares.
Je ne serais pas éloigné de croire que l'on y
songe déjà dans certains milieux diplomatiques.
René d'Ara)
Bloc-Notes Parisien
LA MALIBRAN
A propos des lettres qu'on vient de retrou-
ver de la célèbre artiste
« Il n'est pas trop tard pour parler encore d'elle », a
dit le poète. On vient de découvrir une série de lettres de
la Malibran et de réunir des souvenirs qui vont enrichir la
bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles. Voilà qui va
piquer la curiosité du public; car si la grande cantatrice
immortalisée par Alfred de Musset fut une des plus belles
voix qu'on ait jamais entendues sur un théâtre, si la cruelle
mort inopinée de l'artiste en plein triomphe a frappé les
imaginations, ceux qui ont pu jeter un coup d'œil sur les
lettres que la Malibran a écrites savent quel style déli-
cieux, quel entrain parfois et aussi quelle éloquente
désespérance marquèrent ces feuillets noircis au jour le
jour, adressés à ses amis ou même à des indifférents. Ce
n'est pas seulement une femme qui revit dans ces lettres,
c'est toute une époque romanesque à la fois et roman-
tique, où les mêmes faits de la vie prennent des aspects
de légendes par le grossissement habituel de ce temps-là
et par le recul des ans, où les gestes les plus simples
semblent appartenir à des personnages de drame de cape
et d'épée.
La Malibran a tenu une place considérable dans l'his-
toire du chant de 1828 à 1838. Les quatre vers de Lamar-
tine qui sont gravés sur son monument en forme de cha-
pelle, au cimetière de Laeken, près de Bruxelles, disent
quelle fut sa gloire:
Beauté, génie, amour, furent son nom de femme,
Ecrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix
Sous trois formes au ciel appartenait cette âme.
Pleurez, terre 1 et vous, cieux, accueillez-la trois fois
Il y a peut-être 'eu des cantatrices aussi célèbres, telles
que Sophie Arnould, Saint-Huberty, Pasta, Sontay,
Schrœder-Devrient, Grisi, Stolz, Falcon. Il n'en est point
qui ait eu une destinée plus brillante et plus brève; il
n'en est point qui ait trouvé une pareille unanimité, non
seulement de louanges, 'mais d'admiration parmi la litté-
rature et la poésie. Elle a inspiré en effet Musset, La-
martine, Théophile Gautier, elle a eu l'honneur d'avoir
des compositeurs tels que Rossini et Bellini, qui lui
consacrèrent des rôles et même des oeuvres. Elle fut
plus qu'une tragédienne lyrique nui attirait le suffrage
des foules et des artistes. Elle fut quelqu'un, car elle
dessinait aussi bien qu'elle chantait, elle peignait avec
autant d'art qu'elle dessinait, elle écrivit de la musique
presque sans avoir appris les règles de l'harmonie; elle
fit des vers en français, en anglais, en italien et en alle-
mand, alors qu'elle était née en Espagne; de plus, les
mémoires du temps vantent son talent à broder, à ima-
giner ces mille petits ouvrages de femme qui décèlent
l'ingéniosité de l'esprit. Elle fut, enfin, la première
femme de sport de notre temps, si femme de sport, si
amazone, qu'elle mourut d'un-de ces accidents qu'on ne
peut pas prévoir et qui peuvent arriver aux meilleurs ca-
valiers, une chute de cheval. Tout cela, on le comprend
facilement, a créé autour de la Malibran une vraie lé-
gende, non pas que des fictions se soient mêlées à sa
vie, mais simplement parce qu'elle fut un être extraordi-
naire et que nous ne sommes habitués à côtoyer que des
gens moyens. Le merveilleux n'est souvent qu'une des
facettes de la supériorité vue 'par les autres. Et la vie
de l'artiste ne fut-elle, pas elle-même une 'fiàçon de
mythe? La Malibran, en effet, était la fille d'un père
°spagnol, elle vit le jour en France, elle se maria à New-
York, mourut à Manchester et fut enterrée à Bruxelles.
Il y avait là vraiment matière à déformer tous les évé-
nements d'une existence qui eut pour cadre des pays si
différents.
Si la Malibran eut une voix admirable, elle dut à son
père, le ténor Garcia, l'occasion de développer les prodi-
gieux dons qu'elle devait à la nature. Ce père n'em-
ployait pas toujours la persuasion pour apprendre le
chant soutenu ou la vocalise à sa fille- et l'histoire ra-
conte que souvent on entendait des cris déchirants qui
partaient du logis du ténor « Ce n'est rien, disait-on;
c'est le père Garcia qui donne une leçon de chant à
Maria. » Cette leçon s'accompagnait de coups, de gifles,
qui étaient des moyens pédagogiques un peu sommaires
et un peu excessifs à la fois. Mais Maria était pour
ainsi dire suggestionnée par son père. Un soir, elle
avait à étudier un duo avec lui; survient un passage
difficile, un de ces trilles qui sont l'effroi des canta-
trices. La jeune fille s'arrête tout net devant l'obstacle
et dit à son père: « Il n'y a pas moyen! » Garcia de,
répliquer: « Tu as dit?. » avec des yeux qui n'admet-
taient pas de réplique. La jeune fille reprit pour ainsi
dire courage et exécuta le trille comme si c'eût été
une chose élémentaire.
Ce caractère sombre et le tempérament admirable de
l'artiste ont fourni à Legouvé une des pages les plus
• charmantes de ses Souvenirs. En 1832, Legouvé était
allé faire un voyage à Rome; il fréquentait la villa Mé-
dicis, dirigée par Horace Vernet. La Malibran était reçue
chez le grand peintre, qui lui avait offert l'hospitalité
au milieu des siens. Il arriva que pendant quatre jours
la cantatrice eut une véritable crise de silence. Les
invités de M. et Mme Vernet, qui espéraient chaque
soir avoir le régal d'une séance de musique, étaient dé-
çus. Le cinquième soir, on se promenait dans les jardins;
la Malibran, sans mot dire, avise une source, met sa tête
sous l'eau qui jaillissait, gravit un escalier de marbre
et, à la clarté de la lune, entonna le grand air de la
Norma, dont les paroles italiennes sont; Casta diva. Les
assistants de cette scène eurent une inoubliable im-
pression de beauté, la Malibran leur apparut comme un
être descendu du ciel, « et les premières paroles que
nous lui avons adressées, dit Legouvé, furent comme
empreintes d'un esprit religieux n.
Quelle fut la carrière d'une cantatrice de cette enver-
gure ? On le comprend aisément: la Malibran fut l'étoile
de toute la musique de 1830; le Barbier, Otello, la Cene-
renfola (Cendrillon), la Gazza Ladra, Roméo et Juliette,
de Zingarelli, et aussi celui de Vaccaj; 7aricre.de, la
Somnambule, l'Elisire d'Amore et la Norma, de Doni-
zetti le répertoire de Mozart, le Fidelio de Beethoven,
elle chanta tout avec un égal succès, avec un égal triom-
phe dans tous les pays qu'elle traversa. Mais c'était à
la France et à Paris qu'allaient toujours et partout ses
préférences. Voici un extrait d'une lettre qu'elle écrivait
d'Angleterre à un de ses amis, au moment de la Révo-
lution de Juillet:
« .Je vous assure qu'en pensant à Paris je sens mon
âme s'élever! On me dit que tout n'est pas encore
tranquille en France. Ecrivez-le-moi; j'irai. Je veux par-
tager le sort de mes frères. La charité bien ordonnée,
dit-on, commence par soi-même. Eh bien, les autres sont
mon soi-même. Vive la France! » On voit par là rue
cette artiste était à la fois une patriote dévouée à toutes
les idées chevaleresques et nobles. Et sa charité était
non seulement inépuisable, mais avait un à-propos qui
avait presque du panache. Un soir, à Londres, au milieu
d'une soirée de triomphe, un bouquet tombe aux pieds
de la Malibran, et de ce bouquet s'échappe un papier.
Le ténor ramasse le tout et le remet à sa partenaire. Un
loustic demande la lecture du billet, qui avait l'appa-
rence d'un chèque. La Malibran s'avance devant le trou
du souffleur et lit le chèque en ces termes: « Bon pour
la somme de mille livres sterling à payer aux pauvres
de la métropole. » Elle avait ainsi transformé magique-
ment un hommage d'un spectateur qui avait eu l'enthou-
siasme un peu lourd. De ces histoires-là, il y en a des
milliers sur la Malibran. Il est aisé de conclure que la
correspondance de la grande artiste doit refléter un carac-
tère de cette trempe-là.
Tout-Paris
AU PALAIS-BOURBON
La Couverture financière
M. CaiHauK
contre
M. Barîhou
LE BUDGET DE 1914 COMPRENDRA:
L'Impôt sur le Revenu
et un Impôt sur de Capital
PAR M. GEORGES FOUCHER
La bataille annoncée a eu lieu elle s'est ter-
minée, ainsi qu'il était aisé de le prévoir, par
la victoire du gouvernement, mais elle fut loin
d'être aussi chaude qu'on l'avait pu croire,
l'agresseur ayant battu en retraite plutôt que
d'affronter le scrutin. C'est que la situation, de-
puis la veille au soir, s'était modifiée de telle
sorte qu'avant même d'engager le eu, on ne
pouvait avoir, dans les deux camps, aucun
doute sur l'issue de la rencontre. Suivant la for-
mule en usage dans le ring, « c'était couru ».
Le président, en effet, dès l'ouverture de la
séance et avant de donner la parole à M. Cail-
laux. avait communiqué à la Chambre le projet
de résolution suivant, que venait de déposer en-
tre ses mains M. Landry
La Chambre, considérant qu'il est du devoir des
classes aisées et riches de prendre à leur compte
les charges fiscales qui seront la conséquence de
l'ceuvre commune de défense nationale, résolue à
faire face à ces charges par des taxes sur la for-
tune, notamment par un impôt progressif et global
sur le revenu et le capital, et repoussant toute ad-
dition, invite, le gouvernement à lui soumettre, dès
la rentrée, les dispositions législatives nécessaires.
Pour qui connaît tant soit peu le,terrain des
manœuvres parlementaires, il était clair que
cette motion devait réunir, avec l'agrément du
gouvernement, un minimum de 375 voix.
La question se trouvait donc réglée avant tout
débat nous n'avons pu, toutefois, éviter les
discours.
J'ai dit hier comment M. Caillaux avait ma-
nifesté, au cours de la discussion d'un amen-
dement de MM. Javal et Jacquier, son intention
d'examiner la politique financière du gouverne-
ment. Evidemihent, il eût été pénible, pour M.
Caillaux, de renoncer à une intervention annon-
cée non sans quelque fracas.
Et, comme "M. Caillaux, sans qu'il soit per-
mis de voir en lui l'homme d'Etat qu'il croit
être, ne saurait, cependant, être placé sur le
même plan que M. Charles Dumont comme il
se meut à travers les chiffres avec toute l'aisance
d'un professionnel comme, d'autre part, ;1
s'offre visiblement à reprendre demain, en qua-
lité de président du conseil, son ancien poste
de « fourrier du collectivisme », son discours,
pour toutes ces raisons, ne peut être passé sous
silence.
Après avoir posé, en principe, qu'on ne sau-
rait songer à revenir sur la politique « sociale »
faite depuis quinze ans par le parti radical au
pouvoir, M. Caillaux présente un exposé très
rapide du budget de 1913
Nous nous trouvons dit-il en présen-
ce, sans compter les dépenses militaires extraor-
dinaires, d'un déficit de 100 ou 150 millions, qui
d'ailleurs peut être réduit en fin d'exercice.
Si cette situation n'a rien d'inquiétant, il faut
comprendre, cependant, que ce sont les diffi-<
cultes qui commencent. Sans les dépenses min
litaires, la situation du budget de i913 serait al*
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