Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-04-16
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 avril 1911 16 avril 1911
Description : 1911/04/16 (Numéro 12237). 1911/04/16 (Numéro 12237).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/03/2008
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DIMANCHE 16 AVRIL 191
PARIS ET DÉPARTEMENTS dS CENTIMES
46* année. 3" série.– N"12237
ARTHUR M)E YER
Directeur
ADM!N)STRATtON
ABOKNBMENTS, PETITES ANNOyCES
2,meDronot,Z 2
(tnj;b dtt !)OBlefM~ Momoniu'Mt et de* HtUtm<)
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M~t. ~AGtRAJST&B!, CBRB' A C"
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Le* mannscritt ne tont pat rendnt
ARTHUR MEYER
DtfecteMr
HtÉOACTtO~
M QUATRE HEORES DO SOIR A UNE HEURH DU MATIN
2,rueDronot,2
(Angte dm boalefarda Montmartre et dt* ItàUtM)
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YJB PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
En raison des ~ëtes do Paoues, J~es Petites
annonces du ~nardt seront recues~e ntard< 8
et paraîtront /e Mercredi 9 avrn.
Mmanche
A
ttej'âtjues 1
2.8 Germinal X 18 avril i8o2<
Lorsque le Premier Consul résolut de réta-
blir en France la religion catholique, il se
heurta à tout ce qui, de la Convention, s'était
perpétué dans les grands corps de l'Etat. Ces
corps, tels qu'ils avaient été constitués par
Sieyès et Roger Ducos, lesquels y avaient le plus
inQué, avaient pour mission principale de
maintenir la Révolution, d'empêcher toute.
iréaction qui eût pu compromettre la sûreté ou
la fortune des hommes qui y avaient davantage
participé. Par suite, devaient-ils s'opposer avec
une énergie désespérée à toutes l'es mesures
ayant pour objet d~établir un état social qui,
sans retourner à l'ancien régime, prétendrait
imposer l'ordre dans l'administration, la régu-
larité dans les nuances, l'égalité dans la justice,
la liberté pour les consciences.
Ces corps constitués ne représentaient point la
'nation, n'avaient point été élus par elle. L'on
peut dire qu'il n'y eut point de 1792 à 1799 une
seule élection libre ce,fut sous le couteau que
fut élue la Convention nationale et, durant que
les citoyens étaient appelés à prononcer leur
suffrage, les massacreurs, aux portes des pri-
sons, leur apprenaient comme la faction punis-
sait ceux qui résistaient à ses ordres. Malgré
que la Convention fût complaisante, elle ne
l'était pas encore assez au gré des factieux et
on sut, en l'épurant au 31 mai, lui apprendre
combien était assurée l'indépendance de ses
délibérations. A l'attentat de la Commune in-
surrectionnelle de Paris contre ceux des repré-.
sentants qu'elle trouvait modérés, succédèrent
d'autres proscriptions dans des conditions mal
étudiées encore, parce qu'on a simplifié exagé-
rément les événements et les hommes, qu'on
a imaginé des partis cohérents où il n'y avait
que des groupements accidentels, qu'on a for-
mulé des doctrines au lieu de rechercher les
intérêts. Il put y avoir par exemple un état d'es-
prit dantoniste, mais il n'y eut point un parti
dantoniste. Les uns après les autres, les hom-
mes qui s'étaient le plus distingués par leur au-
dace ou leur sens de la tyrannie tombèrent, et
depuis le Neuf thermidor, un seul homme fut le
maître de Paris et de la France et ce fut
~e général Ba7'7'a& général ?Mo doute, mais à défaut de talents, il avait l'éner-
gie et la bravoure.
Barras seul avait abattu Robespierre Bar-
ras seul comprima les factieux et réprima, les
anarchistes en germinal et prairial an III
Barras seul écrasa en vendémiaire an IV les
sections parisiennes réclamant la liberté du vote
et la nn de la tyrannie conventionnelle il par-
vint et cela est d'une admirable audace
à imposer par la force à Paris .soulevé et à la
France frémissante la continuation de cette do-
mination détestée Barras seul, en fructidor
an V, annula les élections de soixante-dix-huit
départements, arrêta et déporta les ol'us in-
nuents des directeurs et des membres des Con-
seils, et depuis lors jusqu'au dix-huit brumaire
an VIII, il organisa, de concert avec ses compli-
ces, ce système de vérification des pouvoirs nar
lequel toute élection déplaisante se trouvait an-
nulée.
Sans doute, après ces six années de règne
qui n'avaient point été sans lui rapporter des
profits, M. de Barras avait été mis de côté
mais il n'avait point tenu à lui qu'il prît part à
la journée de Brumaire et c'étaient ses amis
des Anciens et des Cinq cents qui l'avaient
faite. Ce qui l'en avait écarté, ç'avait été l'hosti-
lité de Sieyès et de Roger Ducos seulement,
Sieyès et Roger Ducos, ex-directeurs et consuls
provisoires, perpétuaient l'esprit de Barras
avec eux et par eux tout ce qui du Conseil des
Anciens et du Conseil des Cinq cents était entré
au Sénat, au Conseil d'Etat, au Tribunat et au
Corps législatif et continuait à y toucher des
rentes pour le bonheur de la nation.
Le Premier Consul ne goûtait pas les joies
qu'eussent dû lui procurer, s'il avait eu une
âme de parlementaire, les discours des oppo-
sants, et même leurs votes. Moyennant un
effort de toute l'action gouvernementale,
moyennant son intervention personnelle, il
était parvenu à obtenir le vote du projet de loi
sur les tribunaux spéciaux, mais, au Tribunat,
à huit voix de majorité. Quant au projet de loi
sur le Concordat lequel ayant été négocié, si-
gné depuis six mois, n'attendait que le vote de
la loi par le Corps législatif il n'osait point
le présenter il ne le pouvait sous peine d'un
échec complet, absolu et déshonorant.
C'était contre la restauration du catholicis-
me romain, que s'étaient groupées toutes les
forces de la Révolution jansénistes, assermen-
tés, constitutionnels, protestants, spiritualistès,
matérialistes de toutes les écoles, depuis ceux
qui voulaient voir dans Jésus-Christ une per-
sonnification du Soleil et ceux qui se conten-
taient de nier son existence jusqu'à ceux qui
lui reconnaissaient une divinité relative, pour
arriver à ceux qui sauf le pouvoir du Pape
acceptaient résolument presque toute la doc-
trine. Cette armée coalisée comprenait d'abord
l'Institut, où Bernardin de Saint-Pierre était
menacé et conspué pour avoir prononcé le nom
de Dieu où Cabanis répétait comme en 1798
« Je jure qu'il n'y a pas de Dieu et je demande
que son nom ne soit jamais prononcé dans cette
enceinte, » Ensuite le Sénat et il venait de
manifester par un acte comment il pensait
trois sièges y vaquaient pour les remplir, le
Consul présenta trois généraux, vétérans illus-
tres, bons serviteurs de la nation, qu'il semblait
naturel qu'on récompensât au lendemain de la
paix générale. Le Corps législatif présenta Gré-
goire, l'évêque constitutionnel de Blois, le chef
reconnu de l'Eglise nationale, adversaire résolu
du Concordat et d'autant plus redoutable que sa
vie était plus pure, sa piété plus franche, sa
doctrine plus austère le Tribunat présenta
Daunou, devenu l'ennemi personnel du Consul,
après avoir été le principal législateur du Con-
sulat Daunou, ci-devant oratorien, depuis lors
une des colonnes de l'Eglise constitutionnelle,
colonne à la vérité brisée, car il avait renoncé
semble-t-il, à toute forme de culte. Le Sénat,
rejetant les candidats du Consul, nomma Gré-
goire et nul ne se gêna pour dire que l'élection
de Daunou était assurée.
Le Corps législatif a fait mieux encore il a
élu pour son président, Dupuis, l'ami de La-
lande, le plus connu des athées, le plus célèbre
des écrivains qui ont attaqué les origines de
la religion chrétienne avec des arguments qui
passaient alors presque pour scientifiques, l'au-
teur de r<3?'~Ke de tous les cultes.
Ainsi de tous côtés, les représentants de la
Révolution, qui prétendent représenter la na-
tion, sont groupés pour défendre les victoires
laïques, pour attaquer le Consul en qui ils
voient le restaurateur du culte et de la religion
e&thoUque. Peu s'.en. iau.t que des attentats Rré-
pares n'assurent leur triomphe, car non con-
tents des. moyens légaux, ils paraissent décidés
a employer les violences et à recourir au meur-
tre. Cette exaltation trouve des échos dans
une armée où ne manquent ni les ambi-
tieux exaltés, ni les mécontents, ni les risque-
tout. Si l'on regarde quelles sont les rivalités et
à quoi elles mènent dans une armée qui n'a a
point fait la guerre depuis quarante ans, qu'on
juge comme ces bas officiers, devenus en trois
ans, certains en six mois, généraux d'armée,
devaient supporter la supériorité d'un des leurs.
Jamais le péril n'avait été tel pour Bonaparte,
même avant Marengo, et mieux eût valu passer
au travers des décharges de la Machine infer-
nale. Il fallut de l'adresse et de la poigne une
dextérité parlementaire que Napoléon em-
prunta à Lucien. Il prit le Sénat, intimidé, re-
conquis (et de toutes façons) pour point d'appui.
La Constitution ordonnant les renouvellements
du premier cinquième du Corps législatif et du
Tribunat, il invita le Sénat à y procéder, mais
non point par voie de tirage au sort, par réélec-
tion de tous les membres, destinés à former les
nouvelles .assemblées, dont les anciennes four-
niraient les quatre cinquièmes. Cela était d'une
légalité assez douteuse, mais nul'des pouvoirs
constitués n'avait le droit de dissolution il était
donc impossible que la nation départageât le
pouvoir exécutif et le législatif en hostilité.
Il faut cela, il faut des mesures sévères contre
des généraux factieux il faut l'élimination de
vingt tribuns à 15,000 francs, de soixante légis-
lateurs à 10,000, et l'élection de quatre cents au-
tres quatre cents qui attendent, espèrent cette
manne, qui meurent d'envie d'avoir part au fes-
tin et qui, pour ne point retomber dans les ténè-
bres extérieures, jureront tout._oe qu'il faudra.,
voteront tout ce que voudra l'arbitre de leurs
destinées même le Concordat 1
Toutefois, pour qu'il soit adopté, il a fallu y
joindre les articles organiques qui en sont indi-
visibles et qui donnent aux gallicans des satis-
factions apparentes, qu'il n'eût tenu qu'aux gou-
vernements postérieurs de rendre efficaces.
Encore au Tribunat, y eut-il sept voix d'opposi-
tion, vingt et une au Corps législatif où cin-
quante et un courageux députés se réfugièrent
dans l'abstention. Mais à la fin le Concordat est
voté. Reste à promulguer solennellement la ré-
conciliation entre le peuple français et la reli-
gion catholique.
Le dimanche 28 germinal de l'an X, 18 avril
1802, Paris s'éveille au canon à dix heures,
soixante coups annoncent la promulgation de
la loi par le Premier Consul à partir de huit
heures, les préfets, .accompagnés des maires,
d'une escorte et d'un corps de musique, font la
proclamation sur les places. A dix heures et
demie, au Carrousel, le Consul assiste au dé-
filé de la parade et distribue des drapeaux à la
légion d'élite de la gendarmerie et 'à divers ba-
taillons. A onze heures et demie, le cortège part
des Tuileries pour Notre-Dame. En tête, régi-
ment de hussards, régiment de chasseurs, ré-
giment de dragons, puis l'infanterie légère de
la Garde, la légion d'élite à pied et à cheval, les
grenadiers à pied, les chasseurs à cheval de la
Garde, puis, cerclées par des piquets de cava-
lerie, de La ligne et de la Garde, les voitures à
quatre chevaux des conseillers d'Etat, des di-
plomates étrangers, des ministres français les
voitures à six chevaux des consuls Cambacérès
et Lebrun la voiture à huit chevaux du Pre-
mier Consul, qu'entourent les généraux com-
mandant la division, la Garde et la gendarme-
rie, et les généraux de la Garde que précèdent
six mamelucks en costume, tenant en main
des chevaux barbes que suivent les grenadiers
a cheval et soixante hommes de la gendarmerie
d'élite.
Lui, pourtant, est seul dans sa voiture, qu'es-
corte une armée. Il a l'habit de velours écar-
late, brodé de palmes en or sur toutes les cou-
tures un sabre d'Egypte pend à son côté par
un baudrier étroit et du plus beau travail cra-
vate noire, culotte noire, bas de soie blancs,
souliers à boucle, chapeau retapé à la française,
avec le grand panache tricolore. Sur les voi-
tures des conseillers d'Etat, des ministres
qu'on remarque qu'il n'assiste à la fête
ni sénateurs, ni législateurs des laquais
en livrée, verte pour le Premier Consul, bleue
et rouge pour les deux autres consuls, jaune
pour les ministres, et puis de toutes les cou-
leurs de l'arc-en-ciel pour les diplomates étran-
gers. Comme Mme Golovine, qui prétend avoir
osé la première montrer une livrée à elle dans
les rues du Paris révolutionniare, eût été cho-
quée de voir de tels laquais aux voitures de
ces espèces » Mais qu'eût dit M. de Mont-
morency qui, dix années plus tôt, avait, le
19 juin 1790, obtenu par décret l'abolition des
livrées pour rendre l'égalité « à la classe sacri-
fiée des officieux o ï
C'était bien qu'on fût splendide mais le
Consul aussi savait être prudent. Il impo-
sait aux factieux non seulement par cet
étonnant déploiement de troupes sur toute
l'étendue du cortège, mais par d'autres
et plus sérieux avertissements quatre ba-
taillons d'infanterie, fusils chargés, occu-
paient l'église un,- entré par la porte du fond,
tenait le chœur un, entré par la porte de l'ar-
chevêché et un, par la porte du cloître, étaient
dans les bas-côtés, et un, de grenadiers, formait
la haie depuis la grande entrée jusqu'au chœur.
Lorsque le Premier Consul arriva au Parvis,
il fut salué de soixante coups de canon et il se
dirigea aussitôt vers un fauteuil placé sous une
sorte de dais, à gauche de l'autel. Le légat, car-
dinal Caprara, officia pontificalement Mgr de
Boisgelin, archevêque démissionnaire d'Aix,
prononça un très notable discours il avait été
de l'Académie française et allait prochainemeht
rentrer à la deuxième classe de l'Institut. On
vit au Credo se lever quatre quêteuses charman-
tes à chacune desquelles donnait la main un
officier de la garde et que suivait « un des gens
du Premier Consul C'étaient Mme Louis
Bonaparte (Hortense de Beauharnais), Mme Sa-
vary née de Faudoas-Barbazan, Mlle Lebrun,
fille du troisième consul, et Mlle de Lucay, qui
sera tout à l'heure Mme Philippe de Ségur. Et
la quête produisit 700 louis, ce qui est un beau
chiffre même en prenant le louis à 20 francs et
non à 24. Et puis à l'élévation, les tambours
battirent 'aux champs et les soldats présentèrent
les armes oui, cela dans la métropole où Gobel
officiait, où trônait la Raison, où les théophilan-
thropes avaient dansé leu'rs sacrifices champê-
tres, la troupe républicaine présentait les ar-
mes au Dieu de CIdvis et de saint Louis.
Et les évêques nommés prêtèrent serment
aux mains du Consul, et Sarrette, de la musi-
que de la garde' nationale, avec Méhul, le musi-
cien de la Révolution, et le détestable Cheru-
bini, dirigèrent les élèves du Conservatoire
exécutant le Te DeM~ de Paësiello qu'avait en-
tonné le légat.
Deux tribunes avaient été érigées séparant le
chœur de la nef. L'une destinée aux ambassa-
drices, l'autre à la famille du Premier Consul.
Mme Bonaparte devait y prendre place, ayant à
sa droite Mme Bonaparte la mère <' qui, écrit le
JoMrMa~ des Débats, pouvait voir ses cinq fils
réunis dans la même solennité et se trouvait
comme placée entre eux et le ciel qui les lui a
donnés Mais, quand n~esdames Bonaparte ar-
rivèrent, leurs places étaient occupées. Malgré
la sentinelle à la porte, Mme Hulot, belle-mère
du général Moreau, était entrée dans la tri-
bune avec sa fille, avait pris d'autorité le siège
de la consulesse et s'y carrait. Bonaparte s'en
aperçut en entrant dans l'église, mais il ne put
que faire raconter une histoire par les journaux.
Ce fut là l'unique scandale, l'unique tentative
dirigée) contre les Bonaparte. On n'entendit
point parler du célèbre colonel qui devait mou-
cher le Consul au pistolet, ni des illustres géné-
raux déterminés à le ma.ssaer.er à coups de sa-
bre sur les marches de l'autel il y eut des mots
à la Delmas, mais les mots volent. Ce n'est pas
à dire qu'il n'y eut point des complots, non pas
un mais plusieurs. Mais dans l'exécution il û'y
eut que l'assaut du siège par Mme Hulot et
Mme Moreau. A la vérité cela ne fut point sans
conséquence, car depuis lors Bonaparte ne vit
plus Moreau et celui-ci, de plus en plus mécon-
tent, se donna comme de juste aux intrigants
qui le guettaient.
On tira donc encore soixante coups de canon
à blanc quand le Consul entra aux Tuileries en
grand cortège, et puis le corps diplomatique
s'en alla dîner, à Neuilly, chez M. de Talley-
rand les généraux furent reçus par le minis-
tre de la Guerre, les marins à la marine les
évêques chez Portails aux Cultes le Pre-
mier Consul eut le cardinal légat, les
deux consuls, ses trois frères, sa femme,
sa belle-nlle, les présidents du Sénat et
du Corps législatif. Après dîner, il tint cer-
cle une cinquantaine de femmes et deux fois
autant d'hommes. Mme Bonaparte et sa filla
firent chacune leur partie. Le reste ne joua pas.
Le Premier Consul s'amusant à causer avec le
corps diplomatique raconta beaucoup de choses
de son séjour en Egypte. « Vers une heure du
matin, Bonaparte et Madame, écrit le comte de
Cobenzl, se retirèrent et tout le monde se dis-
persa. »
Au moins en ces temps-là on s'entendait à
occuper son jour de Pâques 1
Frédéric Masson
de t'Académie française
t~M~MM~M~M~MM~M~M~
En /'a&sence de notre d/rec~eur, M. Arthur
Meyer, qui est a//é passer que/ques jours de
con~é à Fonfa/neb/eau, pr/ére d'adresser tout
ce qtn concerne /a rëdacf/on au secrëta/re
de /a rédaction.
~MMMMMMMMMMMMM~MMMMMM~M~~
Ce qui se passe
LA POL!T!QUE
INGÉRENCE ABUSIVE
L'air est pur, le soleil rechauffant, le ciel sans
nuage on a quelque peine à fixer son esprit
sur des scènes attristantes'et l'on voudrait lais-
ser le lecteur tout à la joie des fêtes de Pâques
malheureusement, d'autres sujets nous sollici-
tent et ceux-là, hélas ne sont pas pour nous
égayer.
L'ordre règne en Champagne, comme en
une ville célèbre, au temps où le maréchal
Sébastian! gouvernait la France, mais ce n'est
pas l'apaisement, c'est la trêve contrainte, la
trêve imposée. Le drapeau rouge flotte encore
dans l'Aube et dans la Marne, comme pour
attester la rancune persistante, la haine irré-
ductible des populations que le gouvernement
a exaspérées et qu'il n'a pLus le moyen de con-
tenter.
M. Monis et son compère M. Léon Bourgeois
croient se tirer d'affaire en attribuant A des
étrangers anonymes le grand déchirement
qu'ils ont eux-mêmes provoqué mais, à cet
égard, la protestation de M. le comte Bertrand
de Mun arrive à point pour faire justice de cette
ridicule afnrmation.
On dirait que les républicains, se jugeant
incapables de gouverner le pays dans le calme,
provoquent les incidents révolutionnaires pour
masquer leur impuissance et justifier leur. per-
pétuelle agitation.
La crise des chemins de fer est à peine termi-
née que M. Monis et le Parlement s'efforcent de
la faire renaître en évoquant, on ne sait pour-
quoi, la vieille querelle des compagnies et des
cheminots qui les ont abandonnées et trahies.
Parmi les cheminots actuellement sans em-
ploi, il se peut qu'il y en ait d'intéressants, mais
c'est à leurs anciens chefs, non aux ministres
ou aux députés, qu'il appartient d'apprécier
comment et dans quelle mesure on peut soula-
ger leur misère.
En pareille matière, le gouvernement man-
que d'autorité la façon dont il a dirigé jus-
qu'ici le chemin de fer de l'Ouest nous permet
d'émettre quelques doutes sur sa compétence.
Et d'ailleurs, quel titre pourrait-il invoquer
pour intervenir en faveur d'un personnel qu'il,
ignore et dont il ne peut contrôler les actes ?
Quand le matériel qu'il exploite directement
déraille, envoie de nombreux voyageurs dans
l'autre monde, le gouvernement se désintéresse
de catastrophes dont cependant il ne peut hon-
nêtement décliner la responsabilité mais les
Compagnies ne sont pas en aussi bonne pos-
ture et, comme elles paient, il est équitable
qu'elles commandent.
M. Jaurès et son satellite M. Monis veulent
augmenter leur responsabilité en supprimant,
tout au moins en amoindrissant, leur autorité
la Chambre les suivra, cela va sans dire, mais
où s'arrêtera-t-on dans la voie où l'on s'engage,
maintenant que M. Jaurès est le grand manitou,
l'empereur de la république ? 7
Après les Compagnies de chemins de fer, ce
seront les industries privées que les pouvoirs
publics placeront sous l'insupportable contrôle
du p-ouvernement les propriétaires d'usines,
les directeurs de fabriques ne seront plus maî-
tres chez eux on leur adjoindra des délégués
officiels qui leur feront la loi et les obligeront
à subir les exigences de leur personnel.
Ce sera la ruine pour eux, pour le pays lui-
même, dont la richesse, si importante qu'elle
soit, finirait par s'épuiser si le gouvernement
persistait dans les voies économiques où l'enga-
gent ses maîtres actuels. L. DESMOULINS.
ËCHOS DE PARTOUT
Le prince Joseph Lubomirski est mort subi-
tement, à Nice, où il avait fixé sa résidence
hivernale. C'était un. lettré, dont les lecteurs du
Gaulois ont pu, en d'autres temps, apprécier le
rare mérite. Il a écrit des livres qui ont eu beau-
coup de succès, entre autres Fonctionnaires et
Boya~, dont il tira, en collaboration avec
Sardou, un drame, Les Ea~< représenté à la
Porte-Saint-Ma'rtin T~M~a, Le~ .SoMMern?~
~'M~ Pape, Sc~K6x de la ~ze ~M~L'Echelle ae Jacob, La Nomade, Tsar e< AT'c/M-
duchesse, JerM~em Galilée, HM/ozye CoK-
temporaine, etc., etc.
II collabora longtemps à la Revue Con~~po-
yaz~e et, sous la présidence du maréchal de
Mac-Mahon, il fut décoré au titre littéraire.
Après la chute de l'Empire, le prince Joseph
Lubomirski avait été l'une des personnalités les
plus en vue de ce que l'on appelait alors le
Tout-Paris, mais depuis quelques années il
vivait dans une retraite à peu près absolue.
Il était âgé de soixante et onze ans.
Dès hier, des milliers de Parisiens ont mis
à profit les deux jours de Pâques pour aller
goûter la saine et reposante paix des champs.
Le ciel, d'une pureté africaine, incitait, d'ail-
leurs, aux joyeuses équipées agrestes. Sans
doute, la campagne et les bois n'offrent pas
encore toute la plénitude de leur séduction.
Mais si léger était l'air et si aimable le soleil
que, vraiment, ç'eût été dommage de ne pas
profiter de ces deux journées de fête. Aussi
est-on parti en masse, et avec quel délicieux
contentement
Dans les gares, c'était un pittoresque et amu-
sant tohu-bohu. Chargés de valises, se bouscu-
lant les uns ~e~ autres, les voyageurs montaient I
jj ailearement dans les trains en partance. A la.
gare de Lyon, à la gare du Nord et à celle de
l'Ouest, l'affluence était telle qu'il a fallu dé-
doubler certains trains.
La plupart des administrations de l'Etat et
des grands établissements de crédit avaient,
d'ailleurs, dès trois heures de l'après-micU,
donné « campo à leur personnel. Lycées et fa-
cultés sont en vacances pour quinze jours. Le
boulevard Saint-Michel, abandonné par son
peuple joyeux d'étudiants, a pris l'aspect d'une
paisible voie provinciale.
Tous les Parisiens n'ont pu, hélas prendre
le train. A ceux que retiennent des obligations
quelconques, Paris et ses environs offrent des
attraits qui ne sont pas à dédaigner..N'avons-
nous pas le Bois, déjà si pimpant avec ses ar-
bres oui se parent de vert et ses taillis aux ten-
dres frondaisons ?. Et le parc Monceau, et le
jardin du Luxembourg, et les Tuileries ?.
Paris possède de si ravissants coins de nature
qu'il n'est nas nécessaire, somme toute, de les
aller chercher ailleurs.
Le ministère des affaires étrangères vient de
demander au Parlement trois crédits supplé-
mentaires l'un de 180,000 francs pour les frais
de réception du roi de Serbie l'autre de 65,000
francs pour les frais de voyage en Belgique du
président de la république le troisième de
145,000 francs pour les frais de réception de
personnages étrangers et missions extraordinai-
res à 1'étr.anger.
Nous aurons, .en effet, au point de vue repré-
sentatif, une année particulièrement chargée.
C'est d'abord L'envoi d'une mission militaire à
Rome, sous la direction du généralissime Mi-
chel, à l'occasion des fêtes du Cinquantenaire
de l'unité italienne c'est ensuite celui d'une
ambassade extraordinaire à Londres, sous la
présidence du vice-amiral de La Jaille, pour
représenter la France aux fêtes du couronne-
ment du roi George V.
Pour la première de ces missions, le crédit
qui lui est alloué est de 15,000 francs pour la
seconde, il s'élève à 55,000 francs.
La république, comme on le voit, est tout à
l'économie lorsqu'il s'agit de notre représenta-
tion à l'étranger. Quelle figure veut-on que
fasse une ambassade, composée de cinq person-
nes, avec 15,000 francs, et quelle idée peut-elle
donner de la puissance et de l'éclat de la France
lorsqu'elle ne dispose dans un pays comme
l'Angleterre que d'un crédit de 55,000 francs,
alors que l'Allemagne, l'Autriche, la Russie et
l'Italie seront représentées par des Princes du
sang accompagnés d'une Cour brillante ? 2
Où est le temps où les ambassades du duc de
Bisaccia et du général Fleury éclipsaient par
leur faste toutes les autres missions extraordi-
naires ?
Un de nos lecteurs, à la suite de notre écho
sur les reliques de là Passion, nous fait obser-
ver que le Saint-Suaire n'est pas en Allemagne.
Il est à Cadouin (Dordogne). Il a été solennelle-
ment placé, en 1873, dans une châsse superbe,
au cours d'une cérémonie présidée par S. Em.
Mgr le cardinal Donn.et, archevêque de Bor-
deaux, cérémonie à laquelle assistaient NN. SS.
de Périgueux, Cahors et Limoges.
Le Saint-Suaire a été conservé pendant la du-
rée de la période révolutionnaire par M. Bu-
reau, qui était le grand-père de M. Bonnet-Du-
.verdier, qui fut député de Lyon et président du
conseil municipal de Paris.
On sait que la fête de Pâques évolue toujours
dans un cycle de trente-cinq jours, allant du
22 mars au 25 avril.
Une légende fait d'ailleurs allusion à ces da-
tes extrêmes, qui ne sont jamais dépassées.
Satan, chargé de fers après sa chute, de-
manda au Seigneur
Quand serai-je déchaîné ? 2
Le Seigneur répondit
Quand Pâques tombera en mai.
Cette formule impliquait l'éternité du châti-
ment de l'ange déchu.
Depuis l'année 1588, où fut établi le calen-
drier grégorien, la fête de Pâques est tombée
quatre fois le 22 mars, premier jour du cycle
en 1598, 1693, 1761 et 1818, et trois fois le 25
avril, date extrême en 1666, 1734 et 1886.
~is et French 1
Deux noms célèbres en Amérique, celui des
créateurs de cette hallucinante Vampire Da~ee
qu'on chercha si souvent et si vainement à
imiter et dont MM. de Cottens et Marinell!
nous annoncent les débuts sensationnels à
l'Olympia. Ces prodigieux artistes dont les
appointements aussi fantastiques que leurs
danses empêchèrent jusqu'ici l'engagement à
Paris paraîtront donc à l'Olympia aujour-
d'hui dimanche et demain lundi de Pâques,
en matinée et en soirée.
KOUVELLESA t.A MA!N)
Deux amis se rencontrent. `
Oui, dit l'un, je suis le roseau le plus fai-
ble de la nature.
Pourquoi, diable, me dis-tu ça ? 2
Aujourd'hui, jour de Pâques, c'est pour
dire quelque chose de Pascal.
Un Domino
NOTE5 SOCIALES
J'ai lu ces jours-ci, dans un excellent périodi-
que qui s'intitule L'Instituteur français, la
petite comédie en deux actes que voici, contée
par un témoin auriculaire.
Premier acte. Sur le quai de la gare de X.
Le préfet déambule avec l'inspecteur d'Aca-
démie, à qui il communique ses impressions
et comme il a le verbe haut, rien n'est perdu de
la conversation. « Ces gens-là, dit-il en parlant
des instituteurs, commencent à nous embêter.
On les a trop flattés, trop adulés. Ils~ont de-
venus encombrants, assommants, dangereux, à
tel point que si la république n'y prend pas
garde, elle succombera par l'école laïque, c'est-
à-dire par eux. » Le train arrive. Salamalecs.
Départ.
Deuxième acte. Devant le groupe scolaire.
Drapeaux, musique, Marseillaise. Le préfet, la
main dans son gilet, pérore « Oui, mesdames,
oui, messieurs, s'écrie-t-il, les instituteurs et les
institutrices sont les premiers ouvriers, que
dis-je ? les meilleurs ouvriers de notre démocra-
tie républicaine. Nous savons ce que nous leur
devons déjà, et oe que nous leur devrons après
les luttes futures N'ayez donc aucune
crainte, maîtres de la jeunesse Vous avez des
ennemis, mais vous avez encore plus d'amis, et
des amis sûrs. Reposez-vous sur eux 1 Comptez
sur leur dévou'ejnent Au nom du gouverne-
ment de la république, je vous dis Ayez con-
fiance i Le pays et la république ne vous ou-
blieront pas.
Comme c'est bien cela Et comme on com-
prend, par ce simple contraste, le progrès me-
naçant de l'anarchie scolaire, qu'un inspecteur
primaire résume d'autre part en ce tableau
persuasif Les instituteurs deviennent des
fonctionnaires inamovibles et infaillibles. Il
leur faudrait avoir tué père et mère (et encore !)
pour être censurés et déplacés. Devant eux,
nous sommes désarmés. Nous ne pouvons plus
songier à .récompenser les bons maîtres, ni à.
ameuor.er les médiocres, m à blâmer les mau-
vais. Avancements, promotions, déplacements
se font sans nous, en dehors de nous. ~ous ne
sommes plus que des zéros )' »
Oui, mais le préfet est là, qui veille à se don-
ner des agents pour les « luttes futures Il
n'est pas assez niais pour ignorer le mal. Seu-
lement, il ne peut ni le signaler, ni surtout le
guérir, et alors il dissimule sa déconvenue der-
rière une basse flagornerie qui n'est, au total,
qu'un aveu d'impuissance.
Un Désabusé
F/OC-~fM /M
Le Vernissage du Salon
de ia Société nationale
Le Salon de la Société Nationale a coutume de se pré-
senter au~public avec une élégance particulière. Il n'y a
pas manqué cette année, et la fouie lui en a su gré par
une afuuenoe telle qu'il fallait en suivre tes remous sans
espoir de les traverser.
Quelques absences regrettables, cette année, notam-
ment celles de M. Carotus Duran et de M. Lucien Simon.
Le Salon, cependant, se présente avec de superbes
toiies.
Nous prenons l'escalier de gauche, réservant la sculp-
ture pour tout à l'heure, et nous voici dans !a. grande
salle octogonale.
SALLE 1. M. de La Gandara attire aussitôt par trois
superbes portraits de femme, qui montrent non seule-
ment sa maîtrise, mais aussi son sens exact de la femme
du monde, de ce rien indéfinissable qui la fait ce qu'elle
est. Le, portrait de )a comtesse de P. et celui de Mme
A. M. en costume de chasse A courre, sont d'une tona-
lité et d'une vie qui rappellent par certains côtés les
Whistler. Le portrait de Mlle X. a un charme particulier
dans des tons plus clairs et plus chatoyants. On ne se
lasse pas d'admirer ces œuvres.
M. Roll domine toute la salle par son immense et impo-
sante toile La RëpuMt~ue française a la République
Argentine.
On admire aussi le portrait de Mme R. R. par M.
Abbett, qui a su donner de la vie à son modèle; les hé-
rons dans la prairie, de M. Régamey; le portrait de jeune
fille, de M. Lévy Strauss; l'amazone bien campée, de
M. Hubert de La Rochefoucauld le tigre, de Mlle Jeanne
Denise; les jardins de l'Alcazar, « délices'des rois
maures », comme on chante dans La Favorite, de M.
Rusinol, et le portrait du docteur Bordas à son cours, de
M. H. Bênard. Un nouveau venu, M. Hanicotte, nous
montre un cercueil porté à dos par des pêcheurs. C'est
bien, mais triste fuyons.
SALLE II. C'est la salle de M. Dagnan-Bouveret, qui
expose deux ravissants portraits de jeune HHe et une
délicieuse composition, Gt'Mys. M. Aman-Jean n'a pas
moins de succès avec ses portraits et son panneau déco-
ratif Le Saltimbanque attire tous les regards. On remar-
que les Mst'sons ronges du boulevard extérieur, de M.
JMarcei Clément; tes instruments de musique de M. Za-
charian, qui connaît l'art des reliefs dans les tons som-
bres La Marnée à Landevenec, de M. Ulmann, et les
portraits de M. Lavery.
SALLE 111. Les paysages de M. Gaston Guignard se
détachent dans cette salle par leur importance et un sens
afHnë de la nature. M. Le Goût-Gérard nous promène très
agréablement de Venise à Concarneau; M. Guirand de
Scevota nous donne la sensation de Versailles sous la
neige; M. David Nillet nous apitoie sur une vieille qui
fait de la couture dans sa pauvre chambre; rien de plus
vivant il nous charme encore avec son vitrail resplen-
dissant dans une chapelle de cathédrale. A noter aussi
La Mah'nëe c'octo&re à Fforerice, de M. B. Harrisson.
A
SALLE III M's. Un feu d'artifice de la couleur! Ce
sont les panneaux décoratifs de M. Gaston La Touche,
qui n'a jamais été mieux inspiré et qui nous ravit par cette
interprétation de L'Heure /!Cttreuse, de L'Bn/ant pro-
digue et d'Innocence. La FM a'un.re~e, de M. Albert Fou-
rié, est aussi d'une très heureuse composition. Autour de
la rêveuse qui s'éveille, les amours s'envolent. Revien-
dront-ils ? L'Bto~e aa so;r, de M. Rosset-Granger, est en-
core du rêve que corrige Le Carnafat, de M. Langweil,
réalité comique, et nous voici devant les paysages calmes
de M. Dauchez et Les Yeuses a'ancnoi's, de M. Barrau,
d'une vérité saisissante.
SALLE IV. M. Anquetin nous présente un carton de
tapisserie, La Bourgogne, inspiré par Rubens, et tout ru-
bicond des couleurs du Beaune et du Corton. Sa Lëaa est
d'une grande douceur. C'est ce qui l'a perdue. M. Marcel
Roll aime le genre macabre. !I y réussit fort bien d'ail-
leurs, et ici, comme aux aquarelles, il se plaît à montrer
des squelettes. On se repose d'une si sombre vision de
la mort parmi les fleurs, avec les beaux et souriants pay-
sages de M. A. Lepère, et ceux de M. Lebourg.
SALLE IV Ms. Nous voici devant les belles réalités
de M. Raffaëlli, qui, en Provence, comme à Paris, nous
montre la nature souriante jusque dans ses verrues. Nous
mentionnons ici un superbe portrait d'homme, de M. A.
Besnard, que nous allons retrouver tout à l'heure, et nous
signalons aux visiteurs les types algériens de M. Girar-
dot, les paysages décoratifs de M. de La Villeléon, la
Momë de M. Aublet, ie Londres gris de Mme Grix, les
physionomies si doucement estompées par M. Loup, les
types flamands si rudement taillés dans la couleur par
M. Bieler, et les solides paysages de M. Jeanniot.
SALLE V. Elle éclate, elle rayonne, elle s'impose
à tous, cette immense et superbe toile, destinée par M.
Albert Besnard au plafond de la Comédie-Française
Adam et Eve entre la comédie et la tragédie, n'est-ce pas
toute l'histoire de l'humanité? Nous sommes heureux de
trouver M. A. Wiilette en si bonne place. Sa Tentation
ae sat'nt Antoine est d'une belle peinture, mais peu con-
forme à la vertu légendaire de ce saint.
'A'
Arrêtons-nous pour déjeuner, à deux pas d'ici, dans
le pourtour du dôme. Déjà beaucoup de monde devant
ie buffet, et presque toutes les tables sont occupées par
la foule des visiteurs qui font honneur à la cuisine re-
nommée de la maison Brusehera.
SALLE V M's. Une jeune Hile, symbole d'innocence,
une jeune Italienne, un peu différente, et un jardin de
paysan, tel est le lot présenté par M. G. Courtois avec
son talent habituel. Des paysages bleu-vert, d'une grande
poésie nocturne, sont l'œuvre de M. Le Sidaner. On s'ar-
rête aussi devant Le FKrt et l'atelier, de M. R. Jourdain
La Mère et FEn/an~ dans une lumière tamisée, de M.
H. Morisset; La Leçon de géographie, de M. Prinet, et
les marines vaporeuses de M. Courant.
SALLE VI. M. Friant nous attire par sa nymphe, qui
semble bramer pour les biches qui l'accompagnent et
qui est en art une chose merveilleuse, par sa Lettre dif-
/:ctte et son portrait d'homme peint de main de maître.
M. Louis Picard, nous égaie par sa fête bretonne; il ap-
porte la vie, la couleur, tout l'art d'un maître; M. Wil-
laert nous attriste par la vérité de sa ville flamande, et
M. de Glehn nous intéresse par ses portraits.
SALLE VI Ms. Nous devons ici un salut sympathi-
que à M. A. Agache, le grand artiste et l'aimable et ha-
bile organisateur de ce Salon. Pour la première fois, il
nous montre un paysage, et c'est l'automne dans la brune
tristesse des grandes plaines qui frissonnent sous la bise;
paysage mélancolique et puissamment vrai. Son tableau
des Masques est tragique et superbe. Les portraits de
M. W&erts sont toujours un attrait et l'on se plaît ici
à reconnaître M. Laloux, M. Beilan et le docteur Graux.
Il faut signaler La TenMton, de M. Gsell, et les fleurs
de M. Lecreux. Mais le tableau principal de cette salle,
par ses dimensions et son sens décoratif, est celui de M.
René Ménard Le Labour. Moins virgilien que les pré-
cédents, il exprime à merveille l'effort humain.
SALLE VII. Très admirés les jardins de M. Abel
Truchet, comme La Vigne de M. Desvallières, et la jeune
fille triste, de Mlle Breslau. La Forge, de M. Firmin Gi-
rard un paysage de M. Delachaux et La Process:M de
M. Ibeis ont également du succès.
<*t
SALLE VU!. M. Eugène Burnand domine cette salle par
son. grand carton de vitraii Le Sermon sur œuvre magistrale qui dit toute la sublimité des paroles
que l'on connaît. Il nous surprend par ia gaieté et le brio
de ses admirables paysages. A côté de lui, ses HIs, ses
dignes élèves, exposent d'excellents portraits. Mention-
nons un paysage triste et sauvage de Mlle Dujardin-Beau-
metz un jardin fleuri de M. Claus, et le portrait très res-
semblant, dans le sentiment des primitifs, du comte
Charles de Lesseps, par son neveu, M. Ch.-V. de Les-
seps.
SALLE VIII Ms. C'est ici M. Maurice Denis qu'il
faut admirer. Son art décoratif ressort de~ trois grands ta-
bleaux d'une naïveté charmante. A noter aussi L'Entrée
ae ConcarneoM, de M. Paul Mathey; un panneau décora-
tif de M. Paul Aubin, des scènes algériennes de M. Dinet,
et Le Ba;n mattre, de M. Migonney.
SALLE IX. M. Lhermitte nous ravit par ses paysages
si vrais et si simplement poétiques. M. Maufra atteste son
talent par son port de Belle-IsIe M. Barau nous pénètre
du charme de ses paysages et nous admirons aussi les
marines de M. Meslé.
SALLE X. Une rétrospective des œuvres de M.
Gustave Colin a droit à l'attention de tous pour le talent
si sincère de cet artiste, qui a lutté jusqu'à quatre-vingts
ans passés et .qui mérite une beUe place parmi les pEin- J
tres modernes. M. Lévy Dhurmer nous montre un exqu&!
panneau décoratif, Les Neiges au maftn, belle rêverie
rendue avec une véritable maîtrise du pinceau. Nous n<
pouvons que rendre hommage au talent de la Prineessa
Lucien Murat, née Rohan, qui nous fait admirer un portrait
de jeune fille et le portrait du comte B. de Durfort. M.,
Carrier-Belleuse, qui expose au rez-de-chaussée de ravis-
sants pastels, nous donne ici Le Baiser de Pierrot, d'une
facture délicate et. cependant très ferme. On verra encore
L Us:ne, de M. Gillot La Mer, de M. Chabanian, qui sait
traduire avec beaucoup de talent toute la poésie de la
mer; celle de M. A. Harrisson, et surtout les tableaux
émouvants de M. Pierre Lagarde La DeMcte, L'En~
barquement en /orê<, et La Retrace.
SALLE XI. M. J. Blanche a des tons énergiques avec
subtilité dans sa Danseuse de Shéhérazade; il nous sé-
duit dans toutes ses œuvres. Des intérieurs de M. Waltet)
Gay, il n'y a plus rien à dire c'est la perfection. Le
portrait du Prince régent de Bavière, par M. Carl Stet.
ten est vivant; saluons M. Mistral, par M. Valdo-Barbey.
Nous allons de la mer blanchâtre, de M. Mesdag, à la
mer bleue, de M. H. Paillard nous frémissons devant la
hideur du Bossu, de Mme Mutermiich, et nous reprenons
toute notre gaieté devant les scènes si parisiennes et si
désopilantes de M. A. Guillaume.
SALLE XII. M. Gervex est ici le maître le baiser
du vieux Silène est peint de main de maître, et ses por-
traits ne sont pas moins admirables. Un portrait de jeune
homme, par M. I. Brissaud un loueur de M'eHe, par M.
Hoehard un paysage, de M. Durst; des Efuaes.de M. Ch.
Baudouin; un excellent portrait, Châtelain au Bourbon-
nais, de Mlle Desliens, et ceux de M. Biessy retiennent
notre attention.
SALLE XIII. M. Montenard éclaire la salle de sea
paysages méridionaux. Sa marchande de grenades suffi-
rait à sa gloire. M. Boldini attire toujours par ses por-
traits sinueux, serpentins même, où les mains ont une
flexibilité surprenante. M. Alaux a un beau portrait de
magistrat. Que dis-je! C'est le portrait d'un profess&ur,
le docteur Blanchard i De M. Madeline, d'exquis paysan
ges. F
SALLE XIV. Très amusant le tableau du Cercle, de
M. Jean Bé~aud, et très ressemblant le portrait du prince
Troubetzkoï. M. Eliot nous séduit toujours par sa facture
de couleurs composées, donnant si bien la réalité de la
chair et du relief. M. Iwil nous donne un Venise dans
la lumière chaude, M. Georges Bertrand expose un beau
portrait d'homme, et l'on s'attardera aux paysages et aux
vaches de M. J.-J. Rousseau, qui aime la nature comme
son homonyme d'autrefois. A noter une belle scène
.4 bord a'un entrasse, de M. Léon Couturier, peintre de
la marine.
SALLE XV. Un beau panneau décoratif de M. Rixens
Le Tnompne ce ~amcar; des Moat'stes, de Mlle Made-
leine Gervex, qui est à bonne école une Bretonne, de
M. L..Gros, et des Baigneuses, de M. Lerolle, qui nous
berce, en ton mineur, dans le rêve d'un doux paysage.
'<
SALLE XVI. M. Roi), président de ce Salon, a beau-
coup travaillé cette année. Outre son grand tableau du
général San Martin, dont nous avons parlé, voici L'Eté,
une femme nue inondée de lumière et dont lea
chairs sont vivantes. La A!or< sons les roses et Les Ar-
ceaux j~enns montrent la variété du vigoureux et lumi-
neux talent de ce grand artiste. Les portraits de M. Ron-
de) attirent aussi la foule par leur finesse et leur relief.
Il faut signaler un portrait de M. Paderewski, par M. Gi-
ron un beau décor de M. Havet, les paysages vigoureux
de M. A. Moullé et le portrait d'un Anglais, par M. Bo-
wie, également Anglais. Mais voici les toiles de M. F.
Auburtin, et tout le monde s'y attarde, séduit par une
facture impeccable dans des tons de fresque. Son Soir
anf~ue, où un centaure enlève une sirène, est de toute
beauté.
SALLE XVII. Le grand-père et sa fillette au piano, do
M. Muénier, est une des œuvres les plus délicieuses dcet admirabie artiste. II faut signaler deux têtes peinte!'
en vigueur par M. Charles Gounod, un portrait par M<
Armand Point, celui d'une jeune femme par Mme Du<
bufe-Wehrlé, un portrait de femme par M. Valdo-Barbey,
et les paysages de M. Damoyse.
SALLE XVIII. M. Caro-DelvailIe expose un grand et
beau panneau décoratif, à l'antique, « l'Offrande des
amants x. M. B. Boutet de Monvel peint, en manière de
fresque, des fillettes allant à l'école, et une grande route
dans la plaine, sans autre agrément que les arbres de la
route et un cacolet; et c'est charmant. De M. Davis, une
harde de biches dans les montagnes d'Ecosse, à la ma-
nière do 1830, et un curieux portrait de femme de M..
Desmoulins, qui n'est pas celui du GanMs.
Nous avons fait le tour des salons, mais il nous reste
à admirer, çà et là La Surprise, de Mlle Marie d'Epi-
nay, très vivante étude, d'une belle composition; La Mort
a'/soMe, de M. de Egusquiza, très belle œuvre dans la
série wagnérienne de cet artiste un beau portrait de M.
.Georges Goyau, par M. Henri de Nolhac; un immense
panneau décoratif de M. J.-J. Weerts, Concours a'eio-
~nence a Lyon, sous Cahgu~a, effort colossal d'un maître
qui a voulu donner la mesure de ce qu'il pouvait faire
dans l'art décoratif, et qui y a réussi les beaux cartons de
M. Paul Baudouin pour le Petit Palais, Une Matinée en
Manare, qui montre les plus belles qualités de lumière et
de vérité de M. G. Bernier, que nous révèle aujourd'hui
l'école belge; enHn un excellent portrait du général X.
par M. G. Eveillard, et de belles aquarelles de M. Lui-
gini, de Mme Lucien Simon, de Mtle Mathilde Sée et de
M. A. Aublet, qui aime Jérusalem et sait en rendre les
tons et l'inspiration.
W
A la sculpture, M. Rodin s'impose par une femme ailée,
l'inspiration peut-être, qui émerge d'un bloc de marbre,
par un buste suprenant de vérité du duc de Rohan, et un
buste dix-huitième siècle d'une facture si moelleuse.
De M. de Saint-Maroeaux, deux bustes de femme, Mme
A. M. et Mme A. B. où la main du maître a su don-
ner la vie. M. Injalbert présente une Cerês, qui rappelle
les vers du Dante La terra !:eta e molle. C'est la
déesse pitoyable et douce qui fait vivre l'humanité. M.
Voulot expose une superbe /ennesse, qui tient de la
Victoire de Samothrace et de Botticelli; de M. BourdeIIe,
une jeune Hlle tenant des pommes dans la main, tou-
jours la pomme fatale! bronze superbe dans le senti-
ment de la Grèce primitive. M. Lamourdedieu a fait une
belie fontaine: M. Vannier, Le Repos; M. Marcel-Jac-
ques, Amour et Servitude, groupe de pierre M. Dampt,
un petit Louis XIV à cheval M. Charpentier, une belle
maquette en bronze pour une frise, La Mus/gae, et l'on
ne peut qu'admirer plusieurs bustes celui de Carpeaux,
par M. Fagel; Me Barboux, Claude Monet, le docteur
Léon Labbé et M. Bénédite, par M. Paul Paulin; M.
Saint-Saëns, par M. Injalbert, et celui du regretté doc-
teur Duchastelet, tout à fait vivant, par M. de Monard,
qui a fait aussi une aimable statuette équestre d'Henri IV
à Ivry.
On sera content de ce Salon. Nous y reviendrons,
comme tout le monde.
Tout-Paris
La Jacquerie
en Champagne
GRAVES INCIDENTS A TRÉPAIL
Une conversation avec
le comte de MontebeHo
PAR DÉPÊCHE DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCÏAtt
M. Armand ViUette
Epernay, 15 avriL.
J'ai passé la matinée à Ay et à Mereuil. J'y aï
constaté le plus grand calme. Les troupes occu-
pent en nombre imposant ces deux pays, où
les révolutionnaires seraient vite repoussés s'ils
tentaient la moindre manifestation hostile.
Dans les vignes, les fantassins patrouillent
sans cesse et des sentinelles sont placées de cent
en cent mètres, la baïonnette au canon les dra-
gons, qui assurent le service des barrages, ont
le sabre au clair.
Les ordres reçus maintenant sont extrême-
ment rigoureux. En cas d'attaque personnelle
ou contre la propriété, les soldats ont le droit,
le devoir-même de faire usage de leurs armes.
Ces ordres manquaient, hélas mercredi, lors-
que les émeutiers, maîtres de tout un quartier
d'Ay, saccagèrent, pillèrent et incendièrent les
propriétés du boulevard du Nord et le château
de Mme Bissinger.
Les dragons sont cantonnés à Mareuil-sur-
Ay. Ils gardent le château du comte de Monte-
bello et les importants établissements contigus,
dont la cour principale est maintenant trans-
formée en un quartier de cavalerie, au milieu
duquel travaille le personnel de la maison. J'ai!
eu le jD~aisir de m'entretenir de la situation j~vec.
'7~-
DIMANCHE 16 AVRIL 191
PARIS ET DÉPARTEMENTS dS CENTIMES
46* année. 3" série.– N"12237
ARTHUR M)E YER
Directeur
ADM!N)STRATtON
ABOKNBMENTS, PETITES ANNOyCES
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(tnj;b dtt !)OBlefM~ Momoniu'Mt et de* HtUtm<)
ANNONCES
M~t. ~AGtRAJST&B!, CBRB' A C"
S, HACN Btt ~t BOUMB, N
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ARTHUR MEYER
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annonces du ~nardt seront recues~e ntard< 8
et paraîtront /e Mercredi 9 avrn.
Mmanche
A
ttej'âtjues 1
2.8 Germinal X 18 avril i8o2<
Lorsque le Premier Consul résolut de réta-
blir en France la religion catholique, il se
heurta à tout ce qui, de la Convention, s'était
perpétué dans les grands corps de l'Etat. Ces
corps, tels qu'ils avaient été constitués par
Sieyès et Roger Ducos, lesquels y avaient le plus
inQué, avaient pour mission principale de
maintenir la Révolution, d'empêcher toute.
iréaction qui eût pu compromettre la sûreté ou
la fortune des hommes qui y avaient davantage
participé. Par suite, devaient-ils s'opposer avec
une énergie désespérée à toutes l'es mesures
ayant pour objet d~établir un état social qui,
sans retourner à l'ancien régime, prétendrait
imposer l'ordre dans l'administration, la régu-
larité dans les nuances, l'égalité dans la justice,
la liberté pour les consciences.
Ces corps constitués ne représentaient point la
'nation, n'avaient point été élus par elle. L'on
peut dire qu'il n'y eut point de 1792 à 1799 une
seule élection libre ce,fut sous le couteau que
fut élue la Convention nationale et, durant que
les citoyens étaient appelés à prononcer leur
suffrage, les massacreurs, aux portes des pri-
sons, leur apprenaient comme la faction punis-
sait ceux qui résistaient à ses ordres. Malgré
que la Convention fût complaisante, elle ne
l'était pas encore assez au gré des factieux et
on sut, en l'épurant au 31 mai, lui apprendre
combien était assurée l'indépendance de ses
délibérations. A l'attentat de la Commune in-
surrectionnelle de Paris contre ceux des repré-.
sentants qu'elle trouvait modérés, succédèrent
d'autres proscriptions dans des conditions mal
étudiées encore, parce qu'on a simplifié exagé-
rément les événements et les hommes, qu'on
a imaginé des partis cohérents où il n'y avait
que des groupements accidentels, qu'on a for-
mulé des doctrines au lieu de rechercher les
intérêts. Il put y avoir par exemple un état d'es-
prit dantoniste, mais il n'y eut point un parti
dantoniste. Les uns après les autres, les hom-
mes qui s'étaient le plus distingués par leur au-
dace ou leur sens de la tyrannie tombèrent, et
depuis le Neuf thermidor, un seul homme fut le
maître de Paris et de la France et ce fut
~e général Ba7'7'a& général ?Mo
gie et la bravoure.
Barras seul avait abattu Robespierre Bar-
ras seul comprima les factieux et réprima, les
anarchistes en germinal et prairial an III
Barras seul écrasa en vendémiaire an IV les
sections parisiennes réclamant la liberté du vote
et la nn de la tyrannie conventionnelle il par-
vint et cela est d'une admirable audace
à imposer par la force à Paris .soulevé et à la
France frémissante la continuation de cette do-
mination détestée Barras seul, en fructidor
an V, annula les élections de soixante-dix-huit
départements, arrêta et déporta les ol'us in-
nuents des directeurs et des membres des Con-
seils, et depuis lors jusqu'au dix-huit brumaire
an VIII, il organisa, de concert avec ses compli-
ces, ce système de vérification des pouvoirs nar
lequel toute élection déplaisante se trouvait an-
nulée.
Sans doute, après ces six années de règne
qui n'avaient point été sans lui rapporter des
profits, M. de Barras avait été mis de côté
mais il n'avait point tenu à lui qu'il prît part à
la journée de Brumaire et c'étaient ses amis
des Anciens et des Cinq cents qui l'avaient
faite. Ce qui l'en avait écarté, ç'avait été l'hosti-
lité de Sieyès et de Roger Ducos seulement,
Sieyès et Roger Ducos, ex-directeurs et consuls
provisoires, perpétuaient l'esprit de Barras
avec eux et par eux tout ce qui du Conseil des
Anciens et du Conseil des Cinq cents était entré
au Sénat, au Conseil d'Etat, au Tribunat et au
Corps législatif et continuait à y toucher des
rentes pour le bonheur de la nation.
Le Premier Consul ne goûtait pas les joies
qu'eussent dû lui procurer, s'il avait eu une
âme de parlementaire, les discours des oppo-
sants, et même leurs votes. Moyennant un
effort de toute l'action gouvernementale,
moyennant son intervention personnelle, il
était parvenu à obtenir le vote du projet de loi
sur les tribunaux spéciaux, mais, au Tribunat,
à huit voix de majorité. Quant au projet de loi
sur le Concordat lequel ayant été négocié, si-
gné depuis six mois, n'attendait que le vote de
la loi par le Corps législatif il n'osait point
le présenter il ne le pouvait sous peine d'un
échec complet, absolu et déshonorant.
C'était contre la restauration du catholicis-
me romain, que s'étaient groupées toutes les
forces de la Révolution jansénistes, assermen-
tés, constitutionnels, protestants, spiritualistès,
matérialistes de toutes les écoles, depuis ceux
qui voulaient voir dans Jésus-Christ une per-
sonnification du Soleil et ceux qui se conten-
taient de nier son existence jusqu'à ceux qui
lui reconnaissaient une divinité relative, pour
arriver à ceux qui sauf le pouvoir du Pape
acceptaient résolument presque toute la doc-
trine. Cette armée coalisée comprenait d'abord
l'Institut, où Bernardin de Saint-Pierre était
menacé et conspué pour avoir prononcé le nom
de Dieu où Cabanis répétait comme en 1798
« Je jure qu'il n'y a pas de Dieu et je demande
que son nom ne soit jamais prononcé dans cette
enceinte, » Ensuite le Sénat et il venait de
manifester par un acte comment il pensait
trois sièges y vaquaient pour les remplir, le
Consul présenta trois généraux, vétérans illus-
tres, bons serviteurs de la nation, qu'il semblait
naturel qu'on récompensât au lendemain de la
paix générale. Le Corps législatif présenta Gré-
goire, l'évêque constitutionnel de Blois, le chef
reconnu de l'Eglise nationale, adversaire résolu
du Concordat et d'autant plus redoutable que sa
vie était plus pure, sa piété plus franche, sa
doctrine plus austère le Tribunat présenta
Daunou, devenu l'ennemi personnel du Consul,
après avoir été le principal législateur du Con-
sulat Daunou, ci-devant oratorien, depuis lors
une des colonnes de l'Eglise constitutionnelle,
colonne à la vérité brisée, car il avait renoncé
semble-t-il, à toute forme de culte. Le Sénat,
rejetant les candidats du Consul, nomma Gré-
goire et nul ne se gêna pour dire que l'élection
de Daunou était assurée.
Le Corps législatif a fait mieux encore il a
élu pour son président, Dupuis, l'ami de La-
lande, le plus connu des athées, le plus célèbre
des écrivains qui ont attaqué les origines de
la religion chrétienne avec des arguments qui
passaient alors presque pour scientifiques, l'au-
teur de r<3?'~Ke de tous les cultes.
Ainsi de tous côtés, les représentants de la
Révolution, qui prétendent représenter la na-
tion, sont groupés pour défendre les victoires
laïques, pour attaquer le Consul en qui ils
voient le restaurateur du culte et de la religion
e&thoUque. Peu s'.en. iau.t que des attentats Rré-
pares n'assurent leur triomphe, car non con-
tents des. moyens légaux, ils paraissent décidés
a employer les violences et à recourir au meur-
tre. Cette exaltation trouve des échos dans
une armée où ne manquent ni les ambi-
tieux exaltés, ni les mécontents, ni les risque-
tout. Si l'on regarde quelles sont les rivalités et
à quoi elles mènent dans une armée qui n'a a
point fait la guerre depuis quarante ans, qu'on
juge comme ces bas officiers, devenus en trois
ans, certains en six mois, généraux d'armée,
devaient supporter la supériorité d'un des leurs.
Jamais le péril n'avait été tel pour Bonaparte,
même avant Marengo, et mieux eût valu passer
au travers des décharges de la Machine infer-
nale. Il fallut de l'adresse et de la poigne une
dextérité parlementaire que Napoléon em-
prunta à Lucien. Il prit le Sénat, intimidé, re-
conquis (et de toutes façons) pour point d'appui.
La Constitution ordonnant les renouvellements
du premier cinquième du Corps législatif et du
Tribunat, il invita le Sénat à y procéder, mais
non point par voie de tirage au sort, par réélec-
tion de tous les membres, destinés à former les
nouvelles .assemblées, dont les anciennes four-
niraient les quatre cinquièmes. Cela était d'une
légalité assez douteuse, mais nul'des pouvoirs
constitués n'avait le droit de dissolution il était
donc impossible que la nation départageât le
pouvoir exécutif et le législatif en hostilité.
Il faut cela, il faut des mesures sévères contre
des généraux factieux il faut l'élimination de
vingt tribuns à 15,000 francs, de soixante légis-
lateurs à 10,000, et l'élection de quatre cents au-
tres quatre cents qui attendent, espèrent cette
manne, qui meurent d'envie d'avoir part au fes-
tin et qui, pour ne point retomber dans les ténè-
bres extérieures, jureront tout._oe qu'il faudra.,
voteront tout ce que voudra l'arbitre de leurs
destinées même le Concordat 1
Toutefois, pour qu'il soit adopté, il a fallu y
joindre les articles organiques qui en sont indi-
visibles et qui donnent aux gallicans des satis-
factions apparentes, qu'il n'eût tenu qu'aux gou-
vernements postérieurs de rendre efficaces.
Encore au Tribunat, y eut-il sept voix d'opposi-
tion, vingt et une au Corps législatif où cin-
quante et un courageux députés se réfugièrent
dans l'abstention. Mais à la fin le Concordat est
voté. Reste à promulguer solennellement la ré-
conciliation entre le peuple français et la reli-
gion catholique.
Le dimanche 28 germinal de l'an X, 18 avril
1802, Paris s'éveille au canon à dix heures,
soixante coups annoncent la promulgation de
la loi par le Premier Consul à partir de huit
heures, les préfets, .accompagnés des maires,
d'une escorte et d'un corps de musique, font la
proclamation sur les places. A dix heures et
demie, au Carrousel, le Consul assiste au dé-
filé de la parade et distribue des drapeaux à la
légion d'élite de la gendarmerie et 'à divers ba-
taillons. A onze heures et demie, le cortège part
des Tuileries pour Notre-Dame. En tête, régi-
ment de hussards, régiment de chasseurs, ré-
giment de dragons, puis l'infanterie légère de
la Garde, la légion d'élite à pied et à cheval, les
grenadiers à pied, les chasseurs à cheval de la
Garde, puis, cerclées par des piquets de cava-
lerie, de La ligne et de la Garde, les voitures à
quatre chevaux des conseillers d'Etat, des di-
plomates étrangers, des ministres français les
voitures à six chevaux des consuls Cambacérès
et Lebrun la voiture à huit chevaux du Pre-
mier Consul, qu'entourent les généraux com-
mandant la division, la Garde et la gendarme-
rie, et les généraux de la Garde que précèdent
six mamelucks en costume, tenant en main
des chevaux barbes que suivent les grenadiers
a cheval et soixante hommes de la gendarmerie
d'élite.
Lui, pourtant, est seul dans sa voiture, qu'es-
corte une armée. Il a l'habit de velours écar-
late, brodé de palmes en or sur toutes les cou-
tures un sabre d'Egypte pend à son côté par
un baudrier étroit et du plus beau travail cra-
vate noire, culotte noire, bas de soie blancs,
souliers à boucle, chapeau retapé à la française,
avec le grand panache tricolore. Sur les voi-
tures des conseillers d'Etat, des ministres
qu'on remarque qu'il n'assiste à la fête
ni sénateurs, ni législateurs des laquais
en livrée, verte pour le Premier Consul, bleue
et rouge pour les deux autres consuls, jaune
pour les ministres, et puis de toutes les cou-
leurs de l'arc-en-ciel pour les diplomates étran-
gers. Comme Mme Golovine, qui prétend avoir
osé la première montrer une livrée à elle dans
les rues du Paris révolutionniare, eût été cho-
quée de voir de tels laquais aux voitures de
ces espèces » Mais qu'eût dit M. de Mont-
morency qui, dix années plus tôt, avait, le
19 juin 1790, obtenu par décret l'abolition des
livrées pour rendre l'égalité « à la classe sacri-
fiée des officieux o ï
C'était bien qu'on fût splendide mais le
Consul aussi savait être prudent. Il impo-
sait aux factieux non seulement par cet
étonnant déploiement de troupes sur toute
l'étendue du cortège, mais par d'autres
et plus sérieux avertissements quatre ba-
taillons d'infanterie, fusils chargés, occu-
paient l'église un,- entré par la porte du fond,
tenait le chœur un, entré par la porte de l'ar-
chevêché et un, par la porte du cloître, étaient
dans les bas-côtés, et un, de grenadiers, formait
la haie depuis la grande entrée jusqu'au chœur.
Lorsque le Premier Consul arriva au Parvis,
il fut salué de soixante coups de canon et il se
dirigea aussitôt vers un fauteuil placé sous une
sorte de dais, à gauche de l'autel. Le légat, car-
dinal Caprara, officia pontificalement Mgr de
Boisgelin, archevêque démissionnaire d'Aix,
prononça un très notable discours il avait été
de l'Académie française et allait prochainemeht
rentrer à la deuxième classe de l'Institut. On
vit au Credo se lever quatre quêteuses charman-
tes à chacune desquelles donnait la main un
officier de la garde et que suivait « un des gens
du Premier Consul C'étaient Mme Louis
Bonaparte (Hortense de Beauharnais), Mme Sa-
vary née de Faudoas-Barbazan, Mlle Lebrun,
fille du troisième consul, et Mlle de Lucay, qui
sera tout à l'heure Mme Philippe de Ségur. Et
la quête produisit 700 louis, ce qui est un beau
chiffre même en prenant le louis à 20 francs et
non à 24. Et puis à l'élévation, les tambours
battirent 'aux champs et les soldats présentèrent
les armes oui, cela dans la métropole où Gobel
officiait, où trônait la Raison, où les théophilan-
thropes avaient dansé leu'rs sacrifices champê-
tres, la troupe républicaine présentait les ar-
mes au Dieu de CIdvis et de saint Louis.
Et les évêques nommés prêtèrent serment
aux mains du Consul, et Sarrette, de la musi-
que de la garde' nationale, avec Méhul, le musi-
cien de la Révolution, et le détestable Cheru-
bini, dirigèrent les élèves du Conservatoire
exécutant le Te DeM~ de Paësiello qu'avait en-
tonné le légat.
Deux tribunes avaient été érigées séparant le
chœur de la nef. L'une destinée aux ambassa-
drices, l'autre à la famille du Premier Consul.
Mme Bonaparte devait y prendre place, ayant à
sa droite Mme Bonaparte la mère <' qui, écrit le
JoMrMa~ des Débats, pouvait voir ses cinq fils
réunis dans la même solennité et se trouvait
comme placée entre eux et le ciel qui les lui a
donnés Mais, quand n~esdames Bonaparte ar-
rivèrent, leurs places étaient occupées. Malgré
la sentinelle à la porte, Mme Hulot, belle-mère
du général Moreau, était entrée dans la tri-
bune avec sa fille, avait pris d'autorité le siège
de la consulesse et s'y carrait. Bonaparte s'en
aperçut en entrant dans l'église, mais il ne put
que faire raconter une histoire par les journaux.
Ce fut là l'unique scandale, l'unique tentative
dirigée) contre les Bonaparte. On n'entendit
point parler du célèbre colonel qui devait mou-
cher le Consul au pistolet, ni des illustres géné-
raux déterminés à le ma.ssaer.er à coups de sa-
bre sur les marches de l'autel il y eut des mots
à la Delmas, mais les mots volent. Ce n'est pas
à dire qu'il n'y eut point des complots, non pas
un mais plusieurs. Mais dans l'exécution il û'y
eut que l'assaut du siège par Mme Hulot et
Mme Moreau. A la vérité cela ne fut point sans
conséquence, car depuis lors Bonaparte ne vit
plus Moreau et celui-ci, de plus en plus mécon-
tent, se donna comme de juste aux intrigants
qui le guettaient.
On tira donc encore soixante coups de canon
à blanc quand le Consul entra aux Tuileries en
grand cortège, et puis le corps diplomatique
s'en alla dîner, à Neuilly, chez M. de Talley-
rand les généraux furent reçus par le minis-
tre de la Guerre, les marins à la marine les
évêques chez Portails aux Cultes le Pre-
mier Consul eut le cardinal légat, les
deux consuls, ses trois frères, sa femme,
sa belle-nlle, les présidents du Sénat et
du Corps législatif. Après dîner, il tint cer-
cle une cinquantaine de femmes et deux fois
autant d'hommes. Mme Bonaparte et sa filla
firent chacune leur partie. Le reste ne joua pas.
Le Premier Consul s'amusant à causer avec le
corps diplomatique raconta beaucoup de choses
de son séjour en Egypte. « Vers une heure du
matin, Bonaparte et Madame, écrit le comte de
Cobenzl, se retirèrent et tout le monde se dis-
persa. »
Au moins en ces temps-là on s'entendait à
occuper son jour de Pâques 1
Frédéric Masson
de t'Académie française
t~M~MM~M~M~MM~M~M~
En /'a&sence de notre d/rec~eur, M. Arthur
Meyer, qui est a//é passer que/ques jours de
con~é à Fonfa/neb/eau, pr/ére d'adresser tout
ce qtn concerne /a rëdacf/on au secrëta/re
de /a rédaction.
~MMMMMMMMMMMMM~MMMMMM~M~~
Ce qui se passe
LA POL!T!QUE
INGÉRENCE ABUSIVE
L'air est pur, le soleil rechauffant, le ciel sans
nuage on a quelque peine à fixer son esprit
sur des scènes attristantes'et l'on voudrait lais-
ser le lecteur tout à la joie des fêtes de Pâques
malheureusement, d'autres sujets nous sollici-
tent et ceux-là, hélas ne sont pas pour nous
égayer.
L'ordre règne en Champagne, comme en
une ville célèbre, au temps où le maréchal
Sébastian! gouvernait la France, mais ce n'est
pas l'apaisement, c'est la trêve contrainte, la
trêve imposée. Le drapeau rouge flotte encore
dans l'Aube et dans la Marne, comme pour
attester la rancune persistante, la haine irré-
ductible des populations que le gouvernement
a exaspérées et qu'il n'a pLus le moyen de con-
tenter.
M. Monis et son compère M. Léon Bourgeois
croient se tirer d'affaire en attribuant A des
étrangers anonymes le grand déchirement
qu'ils ont eux-mêmes provoqué mais, à cet
égard, la protestation de M. le comte Bertrand
de Mun arrive à point pour faire justice de cette
ridicule afnrmation.
On dirait que les républicains, se jugeant
incapables de gouverner le pays dans le calme,
provoquent les incidents révolutionnaires pour
masquer leur impuissance et justifier leur. per-
pétuelle agitation.
La crise des chemins de fer est à peine termi-
née que M. Monis et le Parlement s'efforcent de
la faire renaître en évoquant, on ne sait pour-
quoi, la vieille querelle des compagnies et des
cheminots qui les ont abandonnées et trahies.
Parmi les cheminots actuellement sans em-
ploi, il se peut qu'il y en ait d'intéressants, mais
c'est à leurs anciens chefs, non aux ministres
ou aux députés, qu'il appartient d'apprécier
comment et dans quelle mesure on peut soula-
ger leur misère.
En pareille matière, le gouvernement man-
que d'autorité la façon dont il a dirigé jus-
qu'ici le chemin de fer de l'Ouest nous permet
d'émettre quelques doutes sur sa compétence.
Et d'ailleurs, quel titre pourrait-il invoquer
pour intervenir en faveur d'un personnel qu'il,
ignore et dont il ne peut contrôler les actes ?
Quand le matériel qu'il exploite directement
déraille, envoie de nombreux voyageurs dans
l'autre monde, le gouvernement se désintéresse
de catastrophes dont cependant il ne peut hon-
nêtement décliner la responsabilité mais les
Compagnies ne sont pas en aussi bonne pos-
ture et, comme elles paient, il est équitable
qu'elles commandent.
M. Jaurès et son satellite M. Monis veulent
augmenter leur responsabilité en supprimant,
tout au moins en amoindrissant, leur autorité
la Chambre les suivra, cela va sans dire, mais
où s'arrêtera-t-on dans la voie où l'on s'engage,
maintenant que M. Jaurès est le grand manitou,
l'empereur de la république ? 7
Après les Compagnies de chemins de fer, ce
seront les industries privées que les pouvoirs
publics placeront sous l'insupportable contrôle
du p-ouvernement les propriétaires d'usines,
les directeurs de fabriques ne seront plus maî-
tres chez eux on leur adjoindra des délégués
officiels qui leur feront la loi et les obligeront
à subir les exigences de leur personnel.
Ce sera la ruine pour eux, pour le pays lui-
même, dont la richesse, si importante qu'elle
soit, finirait par s'épuiser si le gouvernement
persistait dans les voies économiques où l'enga-
gent ses maîtres actuels. L. DESMOULINS.
ËCHOS DE PARTOUT
Le prince Joseph Lubomirski est mort subi-
tement, à Nice, où il avait fixé sa résidence
hivernale. C'était un. lettré, dont les lecteurs du
Gaulois ont pu, en d'autres temps, apprécier le
rare mérite. Il a écrit des livres qui ont eu beau-
coup de succès, entre autres Fonctionnaires et
Boya~, dont il tira, en collaboration avec
Sardou, un drame, Les Ea~< représenté à la
Porte-Saint-Ma'rtin T~M~a, Le~ .SoMMern?~
~'M~ Pape, Sc~K6x de la ~ze ~M~
duchesse, JerM~em Galilée, HM/ozye CoK-
temporaine, etc., etc.
II collabora longtemps à la Revue Con~~po-
yaz~e et, sous la présidence du maréchal de
Mac-Mahon, il fut décoré au titre littéraire.
Après la chute de l'Empire, le prince Joseph
Lubomirski avait été l'une des personnalités les
plus en vue de ce que l'on appelait alors le
Tout-Paris, mais depuis quelques années il
vivait dans une retraite à peu près absolue.
Il était âgé de soixante et onze ans.
Dès hier, des milliers de Parisiens ont mis
à profit les deux jours de Pâques pour aller
goûter la saine et reposante paix des champs.
Le ciel, d'une pureté africaine, incitait, d'ail-
leurs, aux joyeuses équipées agrestes. Sans
doute, la campagne et les bois n'offrent pas
encore toute la plénitude de leur séduction.
Mais si léger était l'air et si aimable le soleil
que, vraiment, ç'eût été dommage de ne pas
profiter de ces deux journées de fête. Aussi
est-on parti en masse, et avec quel délicieux
contentement
Dans les gares, c'était un pittoresque et amu-
sant tohu-bohu. Chargés de valises, se bouscu-
lant les uns ~e~ autres, les voyageurs montaient I
jj ailearement dans les trains en partance. A la.
gare de Lyon, à la gare du Nord et à celle de
l'Ouest, l'affluence était telle qu'il a fallu dé-
doubler certains trains.
La plupart des administrations de l'Etat et
des grands établissements de crédit avaient,
d'ailleurs, dès trois heures de l'après-micU,
donné « campo à leur personnel. Lycées et fa-
cultés sont en vacances pour quinze jours. Le
boulevard Saint-Michel, abandonné par son
peuple joyeux d'étudiants, a pris l'aspect d'une
paisible voie provinciale.
Tous les Parisiens n'ont pu, hélas prendre
le train. A ceux que retiennent des obligations
quelconques, Paris et ses environs offrent des
attraits qui ne sont pas à dédaigner..N'avons-
nous pas le Bois, déjà si pimpant avec ses ar-
bres oui se parent de vert et ses taillis aux ten-
dres frondaisons ?. Et le parc Monceau, et le
jardin du Luxembourg, et les Tuileries ?.
Paris possède de si ravissants coins de nature
qu'il n'est nas nécessaire, somme toute, de les
aller chercher ailleurs.
Le ministère des affaires étrangères vient de
demander au Parlement trois crédits supplé-
mentaires l'un de 180,000 francs pour les frais
de réception du roi de Serbie l'autre de 65,000
francs pour les frais de voyage en Belgique du
président de la république le troisième de
145,000 francs pour les frais de réception de
personnages étrangers et missions extraordinai-
res à 1'étr.anger.
Nous aurons, .en effet, au point de vue repré-
sentatif, une année particulièrement chargée.
C'est d'abord L'envoi d'une mission militaire à
Rome, sous la direction du généralissime Mi-
chel, à l'occasion des fêtes du Cinquantenaire
de l'unité italienne c'est ensuite celui d'une
ambassade extraordinaire à Londres, sous la
présidence du vice-amiral de La Jaille, pour
représenter la France aux fêtes du couronne-
ment du roi George V.
Pour la première de ces missions, le crédit
qui lui est alloué est de 15,000 francs pour la
seconde, il s'élève à 55,000 francs.
La république, comme on le voit, est tout à
l'économie lorsqu'il s'agit de notre représenta-
tion à l'étranger. Quelle figure veut-on que
fasse une ambassade, composée de cinq person-
nes, avec 15,000 francs, et quelle idée peut-elle
donner de la puissance et de l'éclat de la France
lorsqu'elle ne dispose dans un pays comme
l'Angleterre que d'un crédit de 55,000 francs,
alors que l'Allemagne, l'Autriche, la Russie et
l'Italie seront représentées par des Princes du
sang accompagnés d'une Cour brillante ? 2
Où est le temps où les ambassades du duc de
Bisaccia et du général Fleury éclipsaient par
leur faste toutes les autres missions extraordi-
naires ?
Un de nos lecteurs, à la suite de notre écho
sur les reliques de là Passion, nous fait obser-
ver que le Saint-Suaire n'est pas en Allemagne.
Il est à Cadouin (Dordogne). Il a été solennelle-
ment placé, en 1873, dans une châsse superbe,
au cours d'une cérémonie présidée par S. Em.
Mgr le cardinal Donn.et, archevêque de Bor-
deaux, cérémonie à laquelle assistaient NN. SS.
de Périgueux, Cahors et Limoges.
Le Saint-Suaire a été conservé pendant la du-
rée de la période révolutionnaire par M. Bu-
reau, qui était le grand-père de M. Bonnet-Du-
.verdier, qui fut député de Lyon et président du
conseil municipal de Paris.
On sait que la fête de Pâques évolue toujours
dans un cycle de trente-cinq jours, allant du
22 mars au 25 avril.
Une légende fait d'ailleurs allusion à ces da-
tes extrêmes, qui ne sont jamais dépassées.
Satan, chargé de fers après sa chute, de-
manda au Seigneur
Quand serai-je déchaîné ? 2
Le Seigneur répondit
Quand Pâques tombera en mai.
Cette formule impliquait l'éternité du châti-
ment de l'ange déchu.
Depuis l'année 1588, où fut établi le calen-
drier grégorien, la fête de Pâques est tombée
quatre fois le 22 mars, premier jour du cycle
en 1598, 1693, 1761 et 1818, et trois fois le 25
avril, date extrême en 1666, 1734 et 1886.
~is et French 1
Deux noms célèbres en Amérique, celui des
créateurs de cette hallucinante Vampire Da~ee
qu'on chercha si souvent et si vainement à
imiter et dont MM. de Cottens et Marinell!
nous annoncent les débuts sensationnels à
l'Olympia. Ces prodigieux artistes dont les
appointements aussi fantastiques que leurs
danses empêchèrent jusqu'ici l'engagement à
Paris paraîtront donc à l'Olympia aujour-
d'hui dimanche et demain lundi de Pâques,
en matinée et en soirée.
KOUVELLESA t.A MA!N)
Deux amis se rencontrent. `
Oui, dit l'un, je suis le roseau le plus fai-
ble de la nature.
Pourquoi, diable, me dis-tu ça ? 2
Aujourd'hui, jour de Pâques, c'est pour
dire quelque chose de Pascal.
Un Domino
NOTE5 SOCIALES
J'ai lu ces jours-ci, dans un excellent périodi-
que qui s'intitule L'Instituteur français, la
petite comédie en deux actes que voici, contée
par un témoin auriculaire.
Premier acte. Sur le quai de la gare de X.
Le préfet déambule avec l'inspecteur d'Aca-
démie, à qui il communique ses impressions
et comme il a le verbe haut, rien n'est perdu de
la conversation. « Ces gens-là, dit-il en parlant
des instituteurs, commencent à nous embêter.
On les a trop flattés, trop adulés. Ils~ont de-
venus encombrants, assommants, dangereux, à
tel point que si la république n'y prend pas
garde, elle succombera par l'école laïque, c'est-
à-dire par eux. » Le train arrive. Salamalecs.
Départ.
Deuxième acte. Devant le groupe scolaire.
Drapeaux, musique, Marseillaise. Le préfet, la
main dans son gilet, pérore « Oui, mesdames,
oui, messieurs, s'écrie-t-il, les instituteurs et les
institutrices sont les premiers ouvriers, que
dis-je ? les meilleurs ouvriers de notre démocra-
tie républicaine. Nous savons ce que nous leur
devons déjà, et oe que nous leur devrons après
les luttes futures N'ayez donc aucune
crainte, maîtres de la jeunesse Vous avez des
ennemis, mais vous avez encore plus d'amis, et
des amis sûrs. Reposez-vous sur eux 1 Comptez
sur leur dévou'ejnent Au nom du gouverne-
ment de la république, je vous dis Ayez con-
fiance i Le pays et la république ne vous ou-
blieront pas.
Comme c'est bien cela Et comme on com-
prend, par ce simple contraste, le progrès me-
naçant de l'anarchie scolaire, qu'un inspecteur
primaire résume d'autre part en ce tableau
persuasif Les instituteurs deviennent des
fonctionnaires inamovibles et infaillibles. Il
leur faudrait avoir tué père et mère (et encore !)
pour être censurés et déplacés. Devant eux,
nous sommes désarmés. Nous ne pouvons plus
songier à .récompenser les bons maîtres, ni à.
ameuor.er les médiocres, m à blâmer les mau-
vais. Avancements, promotions, déplacements
se font sans nous, en dehors de nous. ~ous ne
sommes plus que des zéros )' »
Oui, mais le préfet est là, qui veille à se don-
ner des agents pour les « luttes futures Il
n'est pas assez niais pour ignorer le mal. Seu-
lement, il ne peut ni le signaler, ni surtout le
guérir, et alors il dissimule sa déconvenue der-
rière une basse flagornerie qui n'est, au total,
qu'un aveu d'impuissance.
Un Désabusé
F/OC-~fM /M
Le Vernissage du Salon
de ia Société nationale
Le Salon de la Société Nationale a coutume de se pré-
senter au~public avec une élégance particulière. Il n'y a
pas manqué cette année, et la fouie lui en a su gré par
une afuuenoe telle qu'il fallait en suivre tes remous sans
espoir de les traverser.
Quelques absences regrettables, cette année, notam-
ment celles de M. Carotus Duran et de M. Lucien Simon.
Le Salon, cependant, se présente avec de superbes
toiies.
Nous prenons l'escalier de gauche, réservant la sculp-
ture pour tout à l'heure, et nous voici dans !a. grande
salle octogonale.
SALLE 1. M. de La Gandara attire aussitôt par trois
superbes portraits de femme, qui montrent non seule-
ment sa maîtrise, mais aussi son sens exact de la femme
du monde, de ce rien indéfinissable qui la fait ce qu'elle
est. Le, portrait de )a comtesse de P. et celui de Mme
A. M. en costume de chasse A courre, sont d'une tona-
lité et d'une vie qui rappellent par certains côtés les
Whistler. Le portrait de Mlle X. a un charme particulier
dans des tons plus clairs et plus chatoyants. On ne se
lasse pas d'admirer ces œuvres.
M. Roll domine toute la salle par son immense et impo-
sante toile La RëpuMt~ue française a la République
Argentine.
On admire aussi le portrait de Mme R. R. par M.
Abbett, qui a su donner de la vie à son modèle; les hé-
rons dans la prairie, de M. Régamey; le portrait de jeune
fille, de M. Lévy Strauss; l'amazone bien campée, de
M. Hubert de La Rochefoucauld le tigre, de Mlle Jeanne
Denise; les jardins de l'Alcazar, « délices'des rois
maures », comme on chante dans La Favorite, de M.
Rusinol, et le portrait du docteur Bordas à son cours, de
M. H. Bênard. Un nouveau venu, M. Hanicotte, nous
montre un cercueil porté à dos par des pêcheurs. C'est
bien, mais triste fuyons.
SALLE II. C'est la salle de M. Dagnan-Bouveret, qui
expose deux ravissants portraits de jeune HHe et une
délicieuse composition, Gt'Mys. M. Aman-Jean n'a pas
moins de succès avec ses portraits et son panneau déco-
ratif Le Saltimbanque attire tous les regards. On remar-
que les Mst'sons ronges du boulevard extérieur, de M.
JMarcei Clément; tes instruments de musique de M. Za-
charian, qui connaît l'art des reliefs dans les tons som-
bres La Marnée à Landevenec, de M. Ulmann, et les
portraits de M. Lavery.
SALLE 111. Les paysages de M. Gaston Guignard se
détachent dans cette salle par leur importance et un sens
afHnë de la nature. M. Le Goût-Gérard nous promène très
agréablement de Venise à Concarneau; M. Guirand de
Scevota nous donne la sensation de Versailles sous la
neige; M. David Nillet nous apitoie sur une vieille qui
fait de la couture dans sa pauvre chambre; rien de plus
vivant il nous charme encore avec son vitrail resplen-
dissant dans une chapelle de cathédrale. A noter aussi
La Mah'nëe c'octo&re à Fforerice, de M. B. Harrisson.
A
SALLE III M's. Un feu d'artifice de la couleur! Ce
sont les panneaux décoratifs de M. Gaston La Touche,
qui n'a jamais été mieux inspiré et qui nous ravit par cette
interprétation de L'Heure /!Cttreuse, de L'Bn/ant pro-
digue et d'Innocence. La FM a'un.re~e, de M. Albert Fou-
rié, est aussi d'une très heureuse composition. Autour de
la rêveuse qui s'éveille, les amours s'envolent. Revien-
dront-ils ? L'Bto~e aa so;r, de M. Rosset-Granger, est en-
core du rêve que corrige Le Carnafat, de M. Langweil,
réalité comique, et nous voici devant les paysages calmes
de M. Dauchez et Les Yeuses a'ancnoi's, de M. Barrau,
d'une vérité saisissante.
SALLE IV. M. Anquetin nous présente un carton de
tapisserie, La Bourgogne, inspiré par Rubens, et tout ru-
bicond des couleurs du Beaune et du Corton. Sa Lëaa est
d'une grande douceur. C'est ce qui l'a perdue. M. Marcel
Roll aime le genre macabre. !I y réussit fort bien d'ail-
leurs, et ici, comme aux aquarelles, il se plaît à montrer
des squelettes. On se repose d'une si sombre vision de
la mort parmi les fleurs, avec les beaux et souriants pay-
sages de M. A. Lepère, et ceux de M. Lebourg.
SALLE IV Ms. Nous voici devant les belles réalités
de M. Raffaëlli, qui, en Provence, comme à Paris, nous
montre la nature souriante jusque dans ses verrues. Nous
mentionnons ici un superbe portrait d'homme, de M. A.
Besnard, que nous allons retrouver tout à l'heure, et nous
signalons aux visiteurs les types algériens de M. Girar-
dot, les paysages décoratifs de M. de La Villeléon, la
Momë de M. Aublet, ie Londres gris de Mme Grix, les
physionomies si doucement estompées par M. Loup, les
types flamands si rudement taillés dans la couleur par
M. Bieler, et les solides paysages de M. Jeanniot.
SALLE V. Elle éclate, elle rayonne, elle s'impose
à tous, cette immense et superbe toile, destinée par M.
Albert Besnard au plafond de la Comédie-Française
Adam et Eve entre la comédie et la tragédie, n'est-ce pas
toute l'histoire de l'humanité? Nous sommes heureux de
trouver M. A. Wiilette en si bonne place. Sa Tentation
ae sat'nt Antoine est d'une belle peinture, mais peu con-
forme à la vertu légendaire de ce saint.
'A'
Arrêtons-nous pour déjeuner, à deux pas d'ici, dans
le pourtour du dôme. Déjà beaucoup de monde devant
ie buffet, et presque toutes les tables sont occupées par
la foule des visiteurs qui font honneur à la cuisine re-
nommée de la maison Brusehera.
SALLE V M's. Une jeune Hile, symbole d'innocence,
une jeune Italienne, un peu différente, et un jardin de
paysan, tel est le lot présenté par M. G. Courtois avec
son talent habituel. Des paysages bleu-vert, d'une grande
poésie nocturne, sont l'œuvre de M. Le Sidaner. On s'ar-
rête aussi devant Le FKrt et l'atelier, de M. R. Jourdain
La Mère et FEn/an~ dans une lumière tamisée, de M.
H. Morisset; La Leçon de géographie, de M. Prinet, et
les marines vaporeuses de M. Courant.
SALLE VI. M. Friant nous attire par sa nymphe, qui
semble bramer pour les biches qui l'accompagnent et
qui est en art une chose merveilleuse, par sa Lettre dif-
/:ctte et son portrait d'homme peint de main de maître.
M. Louis Picard, nous égaie par sa fête bretonne; il ap-
porte la vie, la couleur, tout l'art d'un maître; M. Wil-
laert nous attriste par la vérité de sa ville flamande, et
M. de Glehn nous intéresse par ses portraits.
SALLE VI Ms. Nous devons ici un salut sympathi-
que à M. A. Agache, le grand artiste et l'aimable et ha-
bile organisateur de ce Salon. Pour la première fois, il
nous montre un paysage, et c'est l'automne dans la brune
tristesse des grandes plaines qui frissonnent sous la bise;
paysage mélancolique et puissamment vrai. Son tableau
des Masques est tragique et superbe. Les portraits de
M. W&erts sont toujours un attrait et l'on se plaît ici
à reconnaître M. Laloux, M. Beilan et le docteur Graux.
Il faut signaler La TenMton, de M. Gsell, et les fleurs
de M. Lecreux. Mais le tableau principal de cette salle,
par ses dimensions et son sens décoratif, est celui de M.
René Ménard Le Labour. Moins virgilien que les pré-
cédents, il exprime à merveille l'effort humain.
SALLE VII. Très admirés les jardins de M. Abel
Truchet, comme La Vigne de M. Desvallières, et la jeune
fille triste, de Mlle Breslau. La Forge, de M. Firmin Gi-
rard un paysage de M. Delachaux et La Process:M de
M. Ibeis ont également du succès.
<*t
SALLE VU!. M. Eugène Burnand domine cette salle par
son. grand carton de vitraii Le Sermon sur œuvre magistrale qui dit toute la sublimité des paroles
que l'on connaît. Il nous surprend par ia gaieté et le brio
de ses admirables paysages. A côté de lui, ses HIs, ses
dignes élèves, exposent d'excellents portraits. Mention-
nons un paysage triste et sauvage de Mlle Dujardin-Beau-
metz un jardin fleuri de M. Claus, et le portrait très res-
semblant, dans le sentiment des primitifs, du comte
Charles de Lesseps, par son neveu, M. Ch.-V. de Les-
seps.
SALLE VIII Ms. C'est ici M. Maurice Denis qu'il
faut admirer. Son art décoratif ressort de~ trois grands ta-
bleaux d'une naïveté charmante. A noter aussi L'Entrée
ae ConcarneoM, de M. Paul Mathey; un panneau décora-
tif de M. Paul Aubin, des scènes algériennes de M. Dinet,
et Le Ba;n mattre, de M. Migonney.
SALLE IX. M. Lhermitte nous ravit par ses paysages
si vrais et si simplement poétiques. M. Maufra atteste son
talent par son port de Belle-IsIe M. Barau nous pénètre
du charme de ses paysages et nous admirons aussi les
marines de M. Meslé.
SALLE X. Une rétrospective des œuvres de M.
Gustave Colin a droit à l'attention de tous pour le talent
si sincère de cet artiste, qui a lutté jusqu'à quatre-vingts
ans passés et .qui mérite une beUe place parmi les pEin- J
tres modernes. M. Lévy Dhurmer nous montre un exqu&!
panneau décoratif, Les Neiges au maftn, belle rêverie
rendue avec une véritable maîtrise du pinceau. Nous n<
pouvons que rendre hommage au talent de la Prineessa
Lucien Murat, née Rohan, qui nous fait admirer un portrait
de jeune fille et le portrait du comte B. de Durfort. M.,
Carrier-Belleuse, qui expose au rez-de-chaussée de ravis-
sants pastels, nous donne ici Le Baiser de Pierrot, d'une
facture délicate et. cependant très ferme. On verra encore
L Us:ne, de M. Gillot La Mer, de M. Chabanian, qui sait
traduire avec beaucoup de talent toute la poésie de la
mer; celle de M. A. Harrisson, et surtout les tableaux
émouvants de M. Pierre Lagarde La DeMcte, L'En~
barquement en /orê<, et La Retrace.
SALLE XI. M. J. Blanche a des tons énergiques avec
subtilité dans sa Danseuse de Shéhérazade; il nous sé-
duit dans toutes ses œuvres. Des intérieurs de M. Waltet)
Gay, il n'y a plus rien à dire c'est la perfection. Le
portrait du Prince régent de Bavière, par M. Carl Stet.
ten est vivant; saluons M. Mistral, par M. Valdo-Barbey.
Nous allons de la mer blanchâtre, de M. Mesdag, à la
mer bleue, de M. H. Paillard nous frémissons devant la
hideur du Bossu, de Mme Mutermiich, et nous reprenons
toute notre gaieté devant les scènes si parisiennes et si
désopilantes de M. A. Guillaume.
SALLE XII. M. Gervex est ici le maître le baiser
du vieux Silène est peint de main de maître, et ses por-
traits ne sont pas moins admirables. Un portrait de jeune
homme, par M. I. Brissaud un loueur de M'eHe, par M.
Hoehard un paysage, de M. Durst; des Efuaes.de M. Ch.
Baudouin; un excellent portrait, Châtelain au Bourbon-
nais, de Mlle Desliens, et ceux de M. Biessy retiennent
notre attention.
SALLE XIII. M. Montenard éclaire la salle de sea
paysages méridionaux. Sa marchande de grenades suffi-
rait à sa gloire. M. Boldini attire toujours par ses por-
traits sinueux, serpentins même, où les mains ont une
flexibilité surprenante. M. Alaux a un beau portrait de
magistrat. Que dis-je! C'est le portrait d'un profess&ur,
le docteur Blanchard i De M. Madeline, d'exquis paysan
ges. F
SALLE XIV. Très amusant le tableau du Cercle, de
M. Jean Bé~aud, et très ressemblant le portrait du prince
Troubetzkoï. M. Eliot nous séduit toujours par sa facture
de couleurs composées, donnant si bien la réalité de la
chair et du relief. M. Iwil nous donne un Venise dans
la lumière chaude, M. Georges Bertrand expose un beau
portrait d'homme, et l'on s'attardera aux paysages et aux
vaches de M. J.-J. Rousseau, qui aime la nature comme
son homonyme d'autrefois. A noter une belle scène
.4 bord a'un entrasse, de M. Léon Couturier, peintre de
la marine.
SALLE XV. Un beau panneau décoratif de M. Rixens
Le Tnompne ce ~amcar; des Moat'stes, de Mlle Made-
leine Gervex, qui est à bonne école une Bretonne, de
M. L..Gros, et des Baigneuses, de M. Lerolle, qui nous
berce, en ton mineur, dans le rêve d'un doux paysage.
'<
SALLE XVI. M. Roi), président de ce Salon, a beau-
coup travaillé cette année. Outre son grand tableau du
général San Martin, dont nous avons parlé, voici L'Eté,
une femme nue inondée de lumière et dont lea
chairs sont vivantes. La A!or< sons les roses et Les Ar-
ceaux j~enns montrent la variété du vigoureux et lumi-
neux talent de ce grand artiste. Les portraits de M. Ron-
de) attirent aussi la foule par leur finesse et leur relief.
Il faut signaler un portrait de M. Paderewski, par M. Gi-
ron un beau décor de M. Havet, les paysages vigoureux
de M. A. Moullé et le portrait d'un Anglais, par M. Bo-
wie, également Anglais. Mais voici les toiles de M. F.
Auburtin, et tout le monde s'y attarde, séduit par une
facture impeccable dans des tons de fresque. Son Soir
anf~ue, où un centaure enlève une sirène, est de toute
beauté.
SALLE XVII. Le grand-père et sa fillette au piano, do
M. Muénier, est une des œuvres les plus délicieuses dcet admirabie artiste. II faut signaler deux têtes peinte!'
en vigueur par M. Charles Gounod, un portrait par M<
Armand Point, celui d'une jeune femme par Mme Du<
bufe-Wehrlé, un portrait de femme par M. Valdo-Barbey,
et les paysages de M. Damoyse.
SALLE XVIII. M. Caro-DelvailIe expose un grand et
beau panneau décoratif, à l'antique, « l'Offrande des
amants x. M. B. Boutet de Monvel peint, en manière de
fresque, des fillettes allant à l'école, et une grande route
dans la plaine, sans autre agrément que les arbres de la
route et un cacolet; et c'est charmant. De M. Davis, une
harde de biches dans les montagnes d'Ecosse, à la ma-
nière do 1830, et un curieux portrait de femme de M..
Desmoulins, qui n'est pas celui du GanMs.
Nous avons fait le tour des salons, mais il nous reste
à admirer, çà et là La Surprise, de Mlle Marie d'Epi-
nay, très vivante étude, d'une belle composition; La Mort
a'/soMe, de M. de Egusquiza, très belle œuvre dans la
série wagnérienne de cet artiste un beau portrait de M.
.Georges Goyau, par M. Henri de Nolhac; un immense
panneau décoratif de M. J.-J. Weerts, Concours a'eio-
~nence a Lyon, sous Cahgu~a, effort colossal d'un maître
qui a voulu donner la mesure de ce qu'il pouvait faire
dans l'art décoratif, et qui y a réussi les beaux cartons de
M. Paul Baudouin pour le Petit Palais, Une Matinée en
Manare, qui montre les plus belles qualités de lumière et
de vérité de M. G. Bernier, que nous révèle aujourd'hui
l'école belge; enHn un excellent portrait du général X.
par M. G. Eveillard, et de belles aquarelles de M. Lui-
gini, de Mme Lucien Simon, de Mtle Mathilde Sée et de
M. A. Aublet, qui aime Jérusalem et sait en rendre les
tons et l'inspiration.
W
A la sculpture, M. Rodin s'impose par une femme ailée,
l'inspiration peut-être, qui émerge d'un bloc de marbre,
par un buste suprenant de vérité du duc de Rohan, et un
buste dix-huitième siècle d'une facture si moelleuse.
De M. de Saint-Maroeaux, deux bustes de femme, Mme
A. M. et Mme A. B. où la main du maître a su don-
ner la vie. M. Injalbert présente une Cerês, qui rappelle
les vers du Dante La terra !:eta e molle. C'est la
déesse pitoyable et douce qui fait vivre l'humanité. M.
Voulot expose une superbe /ennesse, qui tient de la
Victoire de Samothrace et de Botticelli; de M. BourdeIIe,
une jeune Hlle tenant des pommes dans la main, tou-
jours la pomme fatale! bronze superbe dans le senti-
ment de la Grèce primitive. M. Lamourdedieu a fait une
belie fontaine: M. Vannier, Le Repos; M. Marcel-Jac-
ques, Amour et Servitude, groupe de pierre M. Dampt,
un petit Louis XIV à cheval M. Charpentier, une belle
maquette en bronze pour une frise, La Mus/gae, et l'on
ne peut qu'admirer plusieurs bustes celui de Carpeaux,
par M. Fagel; Me Barboux, Claude Monet, le docteur
Léon Labbé et M. Bénédite, par M. Paul Paulin; M.
Saint-Saëns, par M. Injalbert, et celui du regretté doc-
teur Duchastelet, tout à fait vivant, par M. de Monard,
qui a fait aussi une aimable statuette équestre d'Henri IV
à Ivry.
On sera content de ce Salon. Nous y reviendrons,
comme tout le monde.
Tout-Paris
La Jacquerie
en Champagne
GRAVES INCIDENTS A TRÉPAIL
Une conversation avec
le comte de MontebeHo
PAR DÉPÊCHE DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCÏAtt
M. Armand ViUette
Epernay, 15 avriL.
J'ai passé la matinée à Ay et à Mereuil. J'y aï
constaté le plus grand calme. Les troupes occu-
pent en nombre imposant ces deux pays, où
les révolutionnaires seraient vite repoussés s'ils
tentaient la moindre manifestation hostile.
Dans les vignes, les fantassins patrouillent
sans cesse et des sentinelles sont placées de cent
en cent mètres, la baïonnette au canon les dra-
gons, qui assurent le service des barrages, ont
le sabre au clair.
Les ordres reçus maintenant sont extrême-
ment rigoureux. En cas d'attaque personnelle
ou contre la propriété, les soldats ont le droit,
le devoir-même de faire usage de leurs armes.
Ces ordres manquaient, hélas mercredi, lors-
que les émeutiers, maîtres de tout un quartier
d'Ay, saccagèrent, pillèrent et incendièrent les
propriétés du boulevard du Nord et le château
de Mme Bissinger.
Les dragons sont cantonnés à Mareuil-sur-
Ay. Ils gardent le château du comte de Monte-
bello et les importants établissements contigus,
dont la cour principale est maintenant trans-
formée en un quartier de cavalerie, au milieu
duquel travaille le personnel de la maison. J'ai!
eu le jD~aisir de m'entretenir de la situation j~vec.
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