Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-12-29
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 décembre 1907 29 décembre 1907
Description : 1907/12/29 (Numéro 11033). 1907/12/29 (Numéro 11033).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/04/2008
4» année. -V série. NM1033 PARIS ET DÉPARTEMENTS 15 ŒITiggg_ # DIMANCHE 29 j DEGE^^J^
ARTHUR MEYER
R É D A C T I ON
DE QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIlf
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Momrr.onr» et des Italiens)
ABONNEMENTS
Paris rst départements
Va mois; <* fr. Six moins 27 fr.
Trois mois 4.3 50 Un an. 54 fr.
Etranger
Trois mois (Union postale) 16 fie.
Los manuscrits ne sont pas rendus
LE-PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
ARTHUR MEYER
Directeur
ADMINISTRATION
ABONNEMENTS, PETITES A.NK0NCE8 f j 44y£&gBBR
2, rue Drouot, 2
(angle des boulavsrds Montmurtre et des [Cotisas) 4
ANNONCES
8, Vhk.an DE LA. BOURSE, 8
Et & l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rondos
nous commençons notre nouveau roman
M. Î^SICOQ
Politique extérieure
DEVANT LE SÉNAT
Le budget des affaires étrangères a été, de-
vant le Sénat, l'objet d'une intéressante et sub-
stantielle discussion. Un nouveau sénateur de
la droite, M. Jenouvrier, y fait un début
éclatant dans la défense des écoles congréga-
nistes d'Orient. C'est une tâche qu'il faut re-
commencer tous les ans, parce que, chaque an-
née, les sectaires de la maçonnerie demandent
qu'on supprime les subventions données aux
écoles religieuses pour les reporter sur les éco-
les laïques. Cette proposition est antinationale
au premier chef, puisque son effet immédiat,
si elle était adoptée, serait d'anéantir toute
l'influence française en Orient. Là-bas, la na-
tionalité, c'est .la religion. Etre Français, c'est
être catholique. La Convention, qui n'était pas
cléricale, donnait ce mot d'ordre à son ambas-
sadeur à Gonstantinople « Le catholicisme, au
dehors, c'est la nation. » C'est la vérité que
Gambetta traduisait, sous'une autre forme.
lorsqu'il disait « L'anticléricalisme n'est pas
un article d'exportation.
La maçonnerie de notre temps s abreuve a
d'autres sources. Elle est sectaire avant d'être
patriote, et peu lui chaut que l'intérêt national
succombe, si son esprit prévaut. Or, l'esprit qui
l'anime est une haine exterminatrice du catho-
licisme. Pour la satisfaire, elle livrerait à nos
concurrents et à nos rivaux, italiens ou alle-
mands, tout ce qui est catholique en Orient,
autant dire tout ce qui est français influence,
langue, commerce, crédit, prestige, renom,
sans souci comme sans remords, pourvu que
toutes les oeuvres catholiques, églises, orphe-
linats, hôpitaux; écoles qui reçoivent, héber-
gent, éduquent, francisent par centaines de
mille des enfants et des malades de toutes les
nationalités et de toutes les communions,
soient rasées et leur œuvre religieuse ensevelie
dans la poussière des ruines.
Ce phénomène d'impiété brutale et stupide
qui s'attaque non seulement à la religion ca-
tholique, mais à la patrie, se renouvelle cha-
que année dans les deux Chambres et, cha-
que année, nous répondons aux délégués des
loges maçonniques en opposant à leurs requê-
tes abolitionnistes les témoignages les plus
convaincants et les moins suspects. Car il n'y
a pas un ambassadeur, pas un consul, pas un
voyageur qui n'atteste que l'influence, le cré-
dit, le commerce de la France en Orient re-
posent uniquement sur les œuvres catholiques
françaises. Mais cela leur est tout à fait égal
Jusqu'ici les ministres des affaires étrangères
ont résisté de leur mieux à ces sommations
imbéciles. Mais ils fléchissent visiblement, et
les temps sont proches où la direction de no-
tre politique tombera aux mains d'un délégué
du Grand Orient. Quelque chose de très grand
et de très beau croulera ce jour-là ce ne sera
qu'une ruine de plus surajoutée à une honte.
Avant les œuvres catholiques d'Orient, le
Maroc avait donné lieu à un très intéressant
débat. Il ne faut ni s'en étonner, ni s'en plain-
dre. La contradiction n'est pas sans fruit. Elle
fait peu à peu pénétrer dans la conscience pu-
blique des vérités nécessaires. La question n'est
pas obscure elle procède d'intérêts certains
qui nous font des devoirs très clairs. Mais
elle a contre elle de très fortes préventions
qu'il est nécessaire de dissiper. En matière de
politique extérieure, il n'est pire infirmité que
la diversité des opinions. C'est une cause d'in-
cohérence et de faiblesse dans l'action. Les
Anglais nous donnent, à ce point de vue, des
leçons qui nous seraient grandement profita-
bles, si nous savions nous les assimiler. -Que
le ministère soit whig ou tory, unioniste ou li-
béral, il n'y a plus ni opposition, ni parti, dès
qu'il s'agit des intérêts extérieurs de l'Angle-
terre. Ils sont unanimes dans leurs vues, una-
nimes dans l'action. Nous n'avons, nous, que
des opinions décousues et des vues divergen-
tes./parce que nous trouvons dans la politique
extérieure les mauvais conseils de nos haines
et de nos divisions.
Notre ami M. deLamarzelle a eu raison de
critiquer l'imprévoyance de notre tactique sur
la frontière algérienne et l'insuffisance de no-
tre action à Casablanca. Il est certain que le
gouverneur général de l'Algérie avait averti le
gouvernement de l'effervescence qui se ma-
nifestait dans les tribus des Beni-Snassen,
et qu'il lui avait indiqué les moyens d'en
prévenir l'explosion. Il n'est pas moins cer-
tain que l'attitude observée par le corps
expéditionnaire autour de Casablanca est plu-
tôt faite pour jeter le ridicule sur les armes
françaises que pour en inspirer le respect.
S'il est vrai, comme l'a déclaré M. Clemen-
ceau, que le général Drude ait toujours eu ses
coudées franches, il est inexcusable. Mais le
gouvernement ne l'est pas moins que lui. Car
il savait ou devait savoir que, seules, les mani-
festations de la force réussissent sur les popu-
lations marocaines et que, par conséquent, le
seul moyen qu'eût la France de les pacifier
pour longtemps, c'était de leur inspirer la ter-
reur de ses armes et le respect de son nom.
Mais il faut prendre garde de confondre l'ac-
tion avec les modes de l'action. Notre action au
Maroc est la plus impérieuse et la plus claire
des obligations. Le Maroc est cent fois plus in-
téressant pour nous que l'Egypte que nous avons
;si sottement perdue. Il est le prolongement .na-j
turel et nécessaire de l'Algérie, et. cette situation
justifiait notre intervention diplomatique, il y a
trois ans, comme elle justifie notre interven-
tion militaire aujourd'hui. Il nous faut paci-
fier le Maroc, rien seulement parce que la paci-
ftcation doit ouvrir des voies faciles et fécondes
a. notre industrie et à notre commerce, mais
encore et surtout pour empêcher que d'autres,
qui guettent depuis longtemps l'occasion, n'u-
surpent ce rôle et n'en fassent l'amorce d'une
installation définitive. Il est bon de savoir en
France .que le Maroc est une proie ardemment
convoitée et que l'état d'anarchie chronique où
il est plongé est un appel pressant à l'interven-
tion des autres. Si nous n'avions pris les de-
vants, le Maroc serait aujourd'hui l'embryon
d'une colonie allemande.
H ne m'arrive pas fréquemment de rendre
hommage aux ministres du Bloc. Ce n'est pas
que y répugne par esprit de parti c'est seule-
ment qu'ils ne nous fournissent jamais l'occa-
sion. Mais je me plais à reconnaître qu'en la
circonstance, le ministre des affaires étrangè-
res, M. Pichon, a dit du Maroc ce qu'il fallait
dire, avec le ton qu'il fallait y mettre. Et ce
qu'il a dit, tout Français devrait le penser au-
jourd'hui. Si ancré que je sois dans mon oppo-
sition au régime présent, c'est en toute sécu-
rité que je rends cette justice à son discours.
-Que les lecteurs de' ce journal me passent cette
nouveauté nous n'aurons que trop d'occasions
de prendre notre revanche ensemble
>iAvant la question du Maroc. M. Charles Du-
u avait glorifié la Conférence de La Haye et
célébré l'arbitrage obligatoire. Si c'était M,
geois qui se fût chargé de cette besogne, je ne
prendrais pas la peine d'en parler. Mais M.
Charles Dùpùy avait montré dans son passage
au pouvoir quelques qualités d'homme d'Etat,
et ce n'est jamais sans déplaisir qu'on voit un
esprit solide et sain sacrifier à la chimère. Il
est vrai que l'orateur avait pris la peine de pré-
venir ses auditeurs qu'il parlait Il en vieux pro-
fesseur de philosophie n. Cela s'entend, de res-
te. Il est licite aux philosophes et aux idéolo-
gues de proclamer la souveraineté du droit et le
principe de la solidarité universelle. Mais il
n'est pas permis aux politiques d'y croire.
M. Léon Bourgeois, par exemple, s'est écrié,
au sortir de la Conférence de La Haye « En
1907, l'empire du droit s'est étendu sur le
monde n C'est une optique vraiment singu-
lière que révèle une pareille affirmation. La vé-
rité est toute contraire. Il n'y a présentement
dans le monde que des concurrences, des riva-
lités, des antagonismes, des machinations som-
bres, qui ne songent qu'à mettre le droit en
pièces, et il en sera de même dans l'éternité des
temps, parce que les peuples ne sont pas soli-
daires.
Ils sont rivaux, concurrents, ennemis, parce
que leurs ambitions se contredisent, que leurs
appétits s'excluent, et qu'aucun d'eux ne les
peut satisfaire qu'en immolant les autres à son
égoïsme. On supprimerait les patries, selon
le vœu des internationalistes, que la paix inter-
nationale n'y gagnerait rien. C'est que la na-
ture a fait les races inégales, et ces inégalités
originelles portent en elles l'inéluctable fatalité
du conflit..
II n'y pas d'arbitrage, fût-il Obligatoire, 'qui
les puisse supprimer. Et c'est pour cela que les
conférences de La 'Haye ne seront jamais que
de solennelles parades. Seulement, les niaise-
ries qu'on érige en principes ne sont pas sans
danger. Elles risquent de désarmer les peuples
qui s'y adonnent. Les Ligues de la paix ne sont
pas innocentes. Elles sont une école de faiblesse
et d'abdication. Elles colorent de raisons huma-
nitaires les plus vils conseils de l'égoïsme indi-
viduel. Elles désarment les cœurs, avant de
désarmer les mains, condamnent le peuple qui
se sera laissé conquérir par leurs déprimantes
doctrines à devenir la proie du voisin assez pré-
voyant et assez viril pour avoir conservé ses
institutions militaires et sa vertu martiale.
Et puis, fussent-elles devenues la loi de
tous les peuples, ce serait encore une ques-
tion de savoir si l'hygiène, du monde y trou-
verait son compte- Les pacifistes affirment que
la paix est le souverain bien. Ce n'est vrai
que si l'on n'oppose l'état de paix à l'état de
guerre mais il n'est pas certain que la paix
perpétuelle soit un perpétuel bienfait. Ce n'est
qu'une jouissance, c'est-à-dire le contraire
d'une vertu et toute jouissance un peu prolon-
gée est une cause de désordres inévitables.
L'hygiène des nations est rigoureusement
identique à celle des individus elle participe
des mêmes lois et conduit aux mêmes effets.
L'accoutumance à la jouissance, au bien-être,
à la sécurité, les déshabitue des soucis vivi-
fiants et des luttes régénératrices. Ils s'âtre-
phient et se pervertissent par l'immobilité.
C'est pour la même raison que l'eau croupis-
sante des mares est fétide, tandis que celle
des cetaractes est limpide et pure. J
Jules Delafossa
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
LE CAS LEROY-BEAULIEU ET L'AFFAIRE ARCHIMBAUD
La Chambre n'a pu se résigner à valider
l'élection de M. Leroy-Beaulieu fils.
Vainement le rapporteur il n'est cepen-
dant pas de ses amis affirmait qu'aucune
protestation figurant à son dossier ne méritait
qu'on s'y arrêtât, la majorité ne voulait rien
entendre.
Le grand grief articulé contre M. Leroy-Beau-
lieu, c'était la tentative d'assassinat dont il
avait failli être victime.
Il Assassinat simulé, déclaraient les partisans
de son concurrent, et la meilleure preuve que
nous en pouvons donner, c'est que l'on n'a pas
trouvé les assassins.
Est-il bien certain qu'on les ait sérieusement
recherchés ?
Le lendemain même de l'attentat, le chef du
parquet affectait-de n'y pas croire, et l'enquête
à laquelle on procéda fut conduite de telle fa-
çon qu'à moins de se dénoncer eux-mêmes, les
coupables étaient assurés d'une complète impu-
nité.
Quoi qu'il en soit, on ne peut invoquer contre
M. Leroy-Beaulieu la négligence ou la mau-
vaise volonté des magistrats de Montpellier.
On n'a pas prétendu que le préfet Barème
s'était tué lui-même, parce que le parquet a
toujours ignoré ou peut-être n'a jamais voulu
connaître son meurtrier.
On a donc renvoyé au bureau le dossier de
M. Leroy-Beaulieu.
La Chambre s'est montrée plus équitable en
invalidant par acclamation les pouvoirs de M.'
Archimbaud.
M. Archimbaud, c'est le candidat chauve-
souris,'qui était tour à tour pasteur protestant
et philosophe athée, selon qu'il voulait tromper
l'autorité militaire ou piper les électeurs.
On a cassé son élection, je crois même qu'on
l'a disqualifié, tout au moins pour un temps, et
c'était justice.
Cependant, on peut se demander comment
M. Archimbaud a pu soutenir si longtemps son
double rôle sans éveiller l'attention de la jus-
tice.
Je sais bien qu'il était protégé par les loges
de son pays, ce qui explique la tolérance dont il
a bénéficié mais aujourd'hui les faits délic-
tueux commis par ses protecteurs et par lui-
même ont été publiquement, officiellement ré-
vélés.
On a «rédigé en sa faveur de faux certificats,
on lui a libéralement accordé de mensongères
attestations pour le soustraire aux charges mili-
taires qui pèsent ou devraient peser sur tous les
citoyens.
Aux termes de la loi, M. Archimbaud est
donc un réfractaire, avec cette circonstance
aggravante qu'il s'est servi de pièces forgées,
pour échappera l'obligation la plus sacrée.
Un -conscrit' qui se mutile volontairement ou
simule une infirmité pour échapper au service
militaire, est sévèrement puni.
Pourquoi M. Archimbaud et ses complices
ne subiraient-ils pas la loi que l'on applique si
durement et j'ajouterai si justement à de
pauvres diables que nui ne protège et qui ne
disposent d'aucune recommandation ? L.
DESMOULINS.
ÉCHOS DE PARTOUT
La clôture générale de la chasse à tir a été
fixée aux dates suivantes pour la saison de
chasse 1907-1908.
Au dimanche 29 décembre 1907 dans deux
départements Hautes-Alpes, Haute-Savoie.
Au dimanche 5 janvier 1908 dans quatre dé-
partements Ain, Isère, Jura, Savoie.
Au dimanche 12 janvier 1908 dans dix-huit
départements Allier, Aube, Côte-d'Or, Doubs,
Loire, Loiret, Marne,. Haute-Marne, Meurthe-
et-Moselle, Meuse, Nièvre, Puy-de-Dôme,
Rhône, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Vosges,
Yonne, territoire de Belfort.
Au dimanche 26 janvier 1908 dans les
soixante-trois autres départements.
Les clôtures spéciales de la chasse de la per-»
drix, du lièvre et du chevreuil ont eu lieu ou
auront lieu aux dates suivantes
Pour la perdrix seule le 1er décembre 1907
dans l'Ain, le Doubs. la Meuse et le territoire
de Belfort le 8 décembre 1907 dans les Vosges
le 15 décembre 1907 dans la Haute-Marna le
22 décembre 1907 dans lès Xôtes-du-Nqrd le
ler-janvier 1908 dans le Rhône; le 5 janvier.
1908 dans la Manche.
Pour la perdrix et le lièvre le 5 janvier 1908
en Eure-et-Loir et dans l'Oise, le 12 lanviec
1908 dans les Ardennes.
Pour la perdrix et le chevreuil le 5 janvier
1908 dans la Seine-Inférieure.
Pour la perdrix, le lièvre et le chevreuil le
5 janvier 1908 dans l'Aisne, le Finistère, la
Seine, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise le 12 jan-
vier 1908 dans la Drôme, l'Eure, la Loire-Infé-
rieure, la Mayenne, le Morbihan, le Nord, le
Pas-de-Calais et la Vendée..
Combien amusants et très d'actualité les cou-
plets suivants, d'origine inconnue, qui, en
1862, circulèrent, manuscrits et sous le man-
teau, au moment où M. Fould fut rappelé par
Napoléon III au ministère des finances cette
chanson passe en revue les ,divers points du
programme financier dont M. Fould tenta alors
la réalisation en voici quelques strophes
air Les Deux Gendarmes (Nadaud)
Deux gens d'Etat, un beau dimanche,
Pataugeaient le long du budget.
L'un muet, le poing sur la hanche,
L'autre dégoisant son projet.
Président, la vide sonore
Résonne dans notre caisson.
Mon cher Fould, murmura Pandore,
Il faut redorer l'écusson I
x– La crise sévit, tout s'embrouille,
Comment museler les braillards?'
Nous avons mangé la grenouille,
Nous devons bien dix-huit milliards t
Notre grand-livre nous dévore
Et l'emprunt n'est plus de saison.
Mon cher Fould, hasarda Pandore,
Essayons d'un autre hameçon.
Bientôt renaît la confiance,
Le découvert s'en arrondit
Les impôts pleuvent sur la France,
Et la France entière applaudit.
Les moutons devancent l'aurore
Pour hypothéquer leur toison
Mon cher Fould,fredonna Pandore,
Mon cher Fould, vous avez raison
En changeant le nom du ministre, ces cou-
plets s'adaptent singulièrement mieux à l'épo-
que actuelle.
La neige a fait sa première apparition cette
nuit, à une heure. La journée d'hier a d'ail-
leurs été exécrable. Rien n'y a manqué, ni la
piuie, ni la boue.
Péris faisait vraiment pitié à voir, vers cinq
heures du soir des méli-mélos de voitures
inouïs à tous les carrefours, un service d'ordre
impuissant à rétablir la- circulation des cen-
taines d'autos, de fiacres, de tramways, de voi-
tures de livraison rendaient la traversée du
boulevard Haussmann, principalement au
coin de la rue Tronchet, impraticable. Nous
sommes restés dix-sept minutes en voiture sans
pouvoir avancer.
Sur les grands boulevards, de cinq à sept
heures, ce n'est plus de l'encombrement, c'est
un enchevêtrement insensé, que Pénélope elle-
même n'aurait pu arriver à débrouiller.
On a vu le terrible accident arrivé à bord du
submersible Ventôse, l'explosion des accumu-
lateurs. Fort heureusement, il n'y a pas eu de
victimes, et cela nous permet de plaisanter le
nom de Ventôse donné à un submersible.
Encore que le nom soit ridicule par lui-
même, on pourrait tout au plus l'appliquer à
un voilier. Il ne manquerait plus que de don-
ner le nom de Pluviôse à un sous-marin, et ce
serait Gribouille se jetant à l'eau pour ne pas
recevoir la pluie.
VISION BREVE
SOUS LA PLUIE
Quand, sous les averses, les Parisiennes esquivent,
avec des grâces d'oiselles, les flaques noirâtres des chaus-
sées, cependant que d'un geste large sinon auguste
le balayeur municipal envoie à l'égout le flot inin-
terrompu des bords du trottoir, l'œil attentif, scrutant
les interstices du ruisseau que le balai dégage, des mi-
séreux surtout aux abords des grands magasins
suivent le mouvement rythmé du balayeur et, de temps
à autre, se précipitent et ramassent. quoi?. un sou,
fréquemment. une pièce blanche, quelquefois. un
louis, bien rarement, espèces tombées des mains gan-
tées de visiteuses descendues de voiture et demeurées
dans ce fossé, Pactole d'occasion qui charrie, aux jours
de pluie, des pépites. monnayées, afin de créer, sur le
pavé de Paris, un nouveau « petit métier Il ignoré de la
plupart des Parisiens, voire des Privât d'Anglemont ac-
tuels, historiographes'attentifs des mille et un petits mé-
tiers du Paris pittoresque.
Dans presque toutes les maisons;.le facteur a
« présenté ses vœux et le nouveau calendrier
des postes recouvre celui de l'an 1907, dont il ne
reste plus que quelques mauvais jours d'hiver
à égrener..Combien déjà se sont inquiétés de
savoir si Pâques sera tôt ou tard ? En l'an 1908,
Pâques ne viendra qu'au 19 avril, ce qui met
le mardi gras au 3 mars une bonne date, assu-
rent ceux que cela intéresse. Le 14 juillet tombe
un mardi ce sera le premier pont de l'année.
Le 15 août, qui sera un samedi, assure encore
deux jours consécutifs de repos mais, en re-
vanche, le 1er novembre arrivant un dimanche
supprime un jour férié. Heureusement que
Noël, un vendredi, offrira un nouveau pont et
que, huit jours après, le l*r janvier. Mais ce
troisième « pont » ouvrira l'an 1909
POINTES SECHES
NOS MAITRES
Petits ou grands méfaits leur sont indifférents.
Que le cas d'Archlmluud serve aux autres d'exemple
Raillez les lois, bafouez Dieu, vendez le temple.
Mais ne touchez jamais aux « quinze mille francs Il
Plutôt brutale la etite affiche accrochée
dans les chambres d'un des grands hôtels de
Dawson City, au Klondyke, et qu'un de nos-
amis a rapportée de son voyage dans ces ré-
dons froides.
Le propriétaire'de l'hôtel informe MM. les voya-
geursqu'il ne saurait être tenu à aucune responsa-,
bilité quant iL leur sécurité personnelle, existence
ou valeurs.
MM. les voyageurs sont priés de prendre certai-
nes précautions chaque fois qu'ils croiront devoir
échanger des coups de revolver dans la salle iL;
manger, une balle égarée pouvant af teindre inuti-j
lement un domestique ou une personne étrangère M
leur discussion.
Les frais de funérailles se payent à part et sont
également personnels.
Les voyageurs peuvent, s'ils le désiren.t, contrac-
ter une assurance sur la vie pour la durée de leur
séjour dans l'établissement.
L'administration ne tiendra aucun compte des
plaintes relatives au service. Tous nos domesti-
ques sont armés et MM. les voyageurs pourront
s'expliquer directement avec eux.
Notre hôtel étant une maison de premier ordre,
réservée à la clientèle élégante, MM. les voyageurs
sont priés de s'v conduire en parfaits gentlemen.
Le propriétaire tient essentiellement à cette condi-
tion et se réserve d'appuyer au besoin ses exigen-
ces par des coups de fusil.
Un bal est donné dans l'hôtel tous les samedis.
On n'y est pas admis nu-pieds.
Bien entendu l'hôtel Dawson City ne désem-
plit pas 1
Après la Noël, la Saint-Sylvestre. Après
avoir joyeusement fêté l'an en soupant à l'Ely-
sée-Palace, on célèbre de la même manière
l'an qui vient autour dés tables fleuries de gui,
de houx et de rosés. v
Et ce sera une fois de; plus ^animation, la
gaieté de bon aloi, toute la nuit, dans le superbe
iiall où se succèdent les attractions et lès danses.'
L'imagination fertile de Paillard abonde en
Ingéniosités infiniment parisiennes. La foule élé-
gante qui fréquente assidûment le fastueux res-
taurant de Ja Chaussée-d'Antin éprouve conti-
nuellement des surprises qui font sa joie. Voici
celle du souper du dernier jour de l'année, de
là Saint-Sylvestre ̃: une gracieuse tombola pour
les soupeurs et les jolies femmes. Comme lots
fleurs, parfums et bibelots,, le gros lot (excu-
sez du peu, eût dit Rossini), un délicieux bijou
de l'un de nos grands joailliers de la rue de la
Paix. Vous pensez si l'on s'empresse de retenir
les tables, chez Paillard 1
A cette époque de l'année, il n'est $as une
maîtresse de maison qui ne fasse ses prépara-
tifs en vue des réunions obligatoires ou non.
En première ligne, nos mondaines avisées font
provision des friandises indispensables au buf-
fet. Il n'en manque certes pas, mais de préfé-
rence elles choisissent le Thé Kiayun, le roi des
thés de Chine, le triomphateur des five o'clocks.
Le Thé Kiayun, dont deux grands prix, l'un à
Liège en 1905, l'autre à Milan en 1906, ont con-
sacré la supériorité, est en vente, à partir de
cinq francs le demi-kilo, dans ses merveilleux
salons du boulevard des Italiens, qui sont, on le
sait, de quatre heures à sept heures, le rendez-
vous attitré de la haute société parisienne.
Rien n'est plus difficile que le choix d'un
objet assuré d'être agréable au destinataire.
Les cadeaux les plus jolis, les plus pratiques,
très agréables à recevoir pour tous, sont les pe-
tits meubles, les sièges, les tables à thé, les por-
celaines, les bronzes, les broderies, les -para-
vents et les mille curiositésréunies à la Maison
des Bambous, 33, rue du 4-Septembre. Ils font
l'Gjrçnement des salons et, par leur distinction
et leur originalité, donnent au « home Il l'as-
pect le plus gracieux.
A l'occasion des fêtes du Nouvel An, l'ad-
ministration du Palais de Glace, toujours sou-
cieuse d'être agréable à son aristocratique
clientèle, chaque jour plus nombreuse, a dé-
cidé d'organiser, le lundi 30, le mardi 31 dé-
cembre et le jeudi 2 janvier, des séances de
patinage avec orchestre, qui auront lieu le
matin, _de 9 heures à midi, sans préjudice,
bien entendu, des séances régulières de l'a-
près-midi et du soir, qui sont de plus en plus
suivies. La superbe salle des Champs-Ely-
sées va certainement paraître bien petite, ces
jours-là, à la foule de ses fidèles et de ses ad-
mirateurs 1
De Monte-Carlo
M. Louis Ganne vient de reprendre la série
de ses concerts quotidiens, à l'International
Sporting-Club. A la tête d'un merveilleux
orchestre, exclusivement composé de premier
prix du Conservatoire, le brillant et célèbre
compositeur a retrouvé son fidèle public d'ad
mirateurs et d'admiratrices.
Le nombre, chaque jour plus considérable.
des étrangers qui arrivent à Monte-Carlo pro-
met à ces concerts l'affluerice et le succès triom-
phal qui, l'an passé, les mirent à la mode et en
firent une des plus, délicates attractions de la
saison.
NOUVELLES A LA MAIN
Au Palais, On cause des scandales d'outre-
Rhin.
Il est question, dit un avocat, de former
un tribunal exceptionnel pour juger ces graves
affaires de mœurs.
Un stagiaire qui adore l'a-peu-près, risque
celui-ci
Que l'on établisse une chambre Har-
den.te
Un Domino
Saint Mandrin
Saint Mandrin 1. M. Funck-Brentano m'en
voudra-t-il de ce titre, évidemment ironique?
Je me figure qu'il en sourira de bon cœur, et
que, malgré sa récente et brillante apologie du
fameux bandit, il ne doit pas avoir encore
songé à la canonisation. Elle est bien curieuse,
d'ailleurs, et par bien des côtés, cette apolo-
gie de l'« illustre Il contrebandier 1 Curieuse,
d'abord, par le talent et l'érudition de l'apolo-
giste, cela va sans dire. Curieuse aussi par sa
bonne foi d'historien, car il ne cache pas du
tout les péchés de son saint et ils sont gros
comme il ne se fait pas faute non plus de
louer ses vertus qui paraissent plutôt rela-
tives Curieuse, enfin, par le jour qu'elle pro-
jettesur les raisons honnêtes qu'ont pu avoir,
depuis une cinquantaine d'années, les écri-
vains et les artistes, de s'intéresser au sort de
certains héros ou de certaines Héroïnes, et d'en-
treprendre la réhabilitation de leur métier ou
de leur personne 1
J'ai connu un policier émérite, qui s'enten-,
dait comme pas un à découvrir les criminels,
et à les arrêter. Mais on n'a pas idée de la ten-
dresse qu'il éprouvait en même temps pour
eux. Aussitôt un assassinat ou un vol signalé
à son attention, dès qu'il avait reçu l'ordre
d'en rechercher l'auteur, il commençait d'a-
bord par le dénicher et par lui mettre la main
dessus avec une perspicacité et une décision
remarquables. Puis, une fois l'assassin ou le
voleur sous les verrous, il se rappelait par le
menu tout ce qu'il avait nécessairement ap-
ris sur lui pendant le cours de son enquête,
e milieu où le misérable était né, l'éducation
au'il avait reçue, et toutes les fatalités qui l'a-
vaient poussé au crime. Alors, il se prenait
pour lui d'une sorte d'amour, secourait dis-
crètement la femme et les enfants qu'il pou-
vait avoir laissés, lui procurait à lui-même
tous les adoucissements possibles, ne vous
parlait plus de lui qu'avec une affection émue,
et ne l'entendait jamais condamner, soit aux
travaux forcés, soit à mort, sans essuyer une
petite larme.
M. Funck-Brenta,no semble avoir quelque
chose; comme historien, de cet admirable po-:
licier. C'est la même sûreté et la même vi-
gueur d'enquête, le même.art dans la mise à
nu des vices, des crimes ou des tares du sujet,
puis, une fois le sujet découvert, mensure et
condamné, la même sympathie attendrie et
presque enthousiaste pour son malheur, le
même besoin de reconnaissance pour les joies
professionnelles que le scélérat lui a données.^
Cette tendance d'auteur perçait déjà un peu
dans le. Cagliostro de l'Affaire du Collier.
Dans Mandrin, elle s'affirme magistralement.
A
L' K illustre Mandrin en somme, dans les
faits mêmes cités par M. Funck-Brentano, a
tous Jes antécédents et tous les instincts d'un
brigand, en commet tous les actes, montre seu-
lement dans sa nature quelques-unes de ces an-
tithèses morales communes à beaucoup d'autres
coquins, dirige son brigandage contre l'admi-
nistration des Fermiers-Généraux, et finit par
le payer excessivement cher.
Tout jeune, il était déjà un exécrable voisin,
querelleur, violent et malhonnête. De même, il
était un dépositaire infidèle, et au détriment
d'un pauvre diable qui pensait pouvoir se fier
à lui. Sans aucun droit, par une idée absolu-
ment folle de ce qu'il prétendait être son dû,
compliquée de méchanceté et d'irascibilité, il
s'appropriait ou détruisait tout ce que le mal-
heureux lui avait confié. Au surplus, il avait un
frère cadet qui volait le contenu des troncs des
églises au moyen de glu et de ficelles la police
au temps arrêtait ce Mandrin jeune, et Man-
drin aîné: à partir de ce jour-là, n8 pardonnait
plus à la société de n'avoir pas laissé son frère
prendre les pièces de 'monnaie à la Scelle. Plus
tard, il rencontre dans la campagne l'un des
agents qui avaient aidé à l'arrestation, et lui
met son pistolet sur la gorge. Le malheureux
8!gent, qui était sans armes, et qui avait avec
lui un de ses enfants, .un pauvre bébé de deux
ans, demande grâce à Mandrin en lui montrant
son enfant. Mais Mandrin n'entend rien, et tue
à da fois le père et le bébé I
Maintenant, avec tout cela, notre bandit était
fort jovial, beau buveur, beau parleur, et le
plus galant des malfaiteurs. Le portrait qu'en
trace M. Funck-Brentano est vraiment fort joli,
tout en traits comme pris sur le vif, et nous
donnerait l'idée d'un scélérat charmant, un peu
cabotin, mais exquis tout de même, si le souve-
nir du héros qui tue les enfants de dewtt ans,
pour apprendre à leurs pères à ne plus arrêter
les voleurs d'églises, ne nous dérangeait pas
dans notre bonne impression
Au fond, d'ailleurs, rien n'est en général pit-
toresque comme un coquin, et, je dois l'avouer
à M. Funck-Brentano, son fameux Mandrin me
rappelle un peu le non moins fameux Prado,
l'assassin de la rue Caumartin. Prado excitait
une curiosité prodigieuse, et son procès avait
attiré une foule énorme. Pendant une suspen-
sion d'audience, un auditeur, plus frénétique-
ment curieux encore que les autres, pénètre par
le couloir jusque dans la salle où les gendarmes
gardaient l'accusé, se trouve brusquement en
face de lui, et lui dit, en le regardant bien
Monsieur Prado, enchanté de vous voir
Alors, Prado, inclinant la tête, avec une poli-
tesse raffinée
Monsieur, l'honneur est pour moi.
C'était tout ce qu'il y avait de plus Mandrin
Comment une réhabilitation comme celle de
Mandrin a-t-elle pu être tentée, et tentée avec
éclat, par un historien de haute valeur, au
point qu'il vous semble lire, en la lisant, l'his-
toire d'un demi-héros? Et comment l'histo-
rien, dans cette réhabilitation, peut-il s'ap-
puyer sur toute une bibliographie considéra-
ble, sur des biographies et des témoignages
antérieurs ou anciens signés de témoins dont
beaucoup sont des plus sérieux, ou paraissent
des plus sérieux, en un mot, sur toute une vé-
ritable documentation? Comment tous ces
témoins et tous ces biographes eux-mêmes
ont-ils pu élever ce monument à la mémoire
d'un voleur de grand chemin ? Il y a tout de
même là un problème qu'il serait intéressant
de résoudre ou de creuser, faute de le résou-
Malgré toutes les-séductions de récit et de
mise en scène déployées par M. Funck-Bren-
tano, et en raison même de ce qu'il rapporte,
je ne vois vraiment rien qui puisse motiver
l'admiration dans la physionomie de Man-
drin. C'est purement et simplement un co-
quin, avec tout le déséquilibrement, toute la
frénésie, toutes les audaces, toutes les lâche-
tés et tous les cabotinages ordinaires aux co-
quins. Si Mandrin a laissé une autre légende
que celle-là, est-ce donc parce que les hasards
du temps, ou, selon la pensée de M. Funck-
Brentano, les fatalités sociales de l'époque,
ont fait de ce brigand l'ennemi d'une admi-
nistration financière ~où les abus étaient en
effet. considérables, et qui était odieuse aux
populations Ici, la légende commence à s'ex-
pliquer, et nous pouvons comprendre des ad-
ministrés se vengeant d'une administration
oppressive ou tracassière en faisant une popu-
larité au personnage, même indigne, qui ar-
rive à la tenir en échec; ou à la tracasser à
son tour. C'est là un sentiment tout à fait hu-
main. On pardonne déjà beaucoup à qui vous
amuse. On pardonne encore bien davantage à
qui vous représente une revanche.
Mais là n'est pas, je le crois, la seule expli-
cation de toute cette poésie répandue sur un
vengeur fort peu poétique en soi, et ce qut
surtout le poétise, ce qui lui met une auréole,
c'est la terrible dureté de son châtiment. Les
expiations de l'ancien temps, même justes,
étaient atroces, et faisaient naître une pitié
qui s'étendait jusqu'aux monstres. La douceur
chrétienne avait beau n'opérer que très len-
tement, et disparaître, le plus souvent, sous
tout ce qui survivait de la barbarie et de Fin-
sensibilité antiques, elle n'en opérait pas
moins, les âmes s'attendrissaient et s api-
toyaient d'autant plus que le spectacle des
peines était plus affreux. Mais de pareils élé-
ments de sympathie étaient absolument étran-
gers aux héros eux-mêmes I Le moindre in-
firme ou le premier vieillard venu que nous
voyons grelotter au coin d'un pont ou_sQua_le
porche d'une église, nous touche toujours un
peu. Si, cependant, nous les connaissions, et
si nous pouvions les voir sous un autre jour
que celui de leur misère, ils nous feraient
peut-être quelquefois horreur.
II en est un peu ainsi de Mandrin, et de tous
les Mandrins. L'instant où nous les voyons sur
la roue nous fait oublier ce qui les y a conduits,
et le malheureux nous masque en eux le misé-
rable, mais le misérable n'en est pas moins là.
Aucun nimbe, seulement, depuis dix-huit
cents ans, dans nos civilisations occidentales,
n'a jamais valu celui de la souffrance, et il ne
faut pas chercher ailleurs le secret de certaines
réhabilitations, même des moins soutenables.
Ajoutez-y, comme pour Mandrin, quelques cir-
constances surérogatoires, imaginez un histo-
rien-artiste, que sa qualité même d'artiste pré-
destine aux enchantements des documentations
pittoresques, et la canonisation historique ne
se fait plus attendre. Vous voyez surgir saint
Mandrin.
Saint Mandrin, seulement, entre nous, me
fait un peu l'effet d'être du même calendrier
que saint Ravachol. Mais qui sait?. Nous
avons déjà eu le Calendrier Républicain. Nous
sommes peut-être guettés par le Calendrier
Chanteclait
Bloc-Notei Parisien
Sourires d'Etrenaes
Voici, selon la coutume ancestrale, que l'époque des:
étrennes a sonné voici que la trêve des confiseurs sus-
pend pendant quelques jours nos labeurs et nos luttes
voici qu'un grand désir, banal ou très tendre, de faire
plaisir aux autres envahit les cœurs ou hante les esprits.
Souhaiter la bonne année à ceux qu'on aime, ou sim-
plement à ceux qu'on fréquente, devient, suivant les cas,
une émotion, une joie, un besoin de sociabilité.
A travers l'angoisse latente ,que cause à chacun de
nous l'incertitude du lendemain.'dans le trouble émoussé
par l'habitude où nous met le perpétuel effroi des dan-
gers qui nous menacent, les douze coups de la mi-nuit
du 31 décembre font vibrer dans nos âmes une double
pensée la satisfaction d'avoir tant bien que mal lou-
voyé à travers les écueils de l'année qui finit, avec l'ar-
dent espoir que les tempêtes de l'année qui commence
ménageront l'esquif qui porte nos projets, nos désirs et
nos rêves!
C'est la conscience de notre solidarité dans l'idée com-
mune qui nous pousse à des vœux réciproques, où vrai-
ment devient très grande la part de la sincérité.
Et comme c'est un joli sentiment qui nous guide, c'est
aussi de jolies fioritures que nous voulons en enguirlan-
der l'expression.
Pas un des innombrables achats auquels donnent Heu
les innombrables étrennes échangées ne s'effectue sans
un souci de plaire, sans une recherche d'amabilité, sans
une intention affable.
Chacun, selon ses ressources, accompagne ses sou-
haits du bibelot cher, du cornet de bonbons acheté chez
l'épicier, ou du modeste bouquet de violettes cueilli dans
la petite voiture ambulante; mais l'intention reste la
même, et ce jour-là du moins, ce jour-là, unique dans
l'année, l'égoïsme humain peut, lui, pour ses étrennes,
se payer une balade de vingt-quatre heures dans quelque
autre planète.
Aussi* dans toutes les classes sociales, du haut en bas
de 1 escalier des dezneures, comme du bas en haut de'
l'échelle des âges, les étrennes sont-elles, l'heure ac-
tuelle, la préoccupation dominante, qu'il s'agisse de tes
recevoir ou qu'on se prépare à les offrir.
Au fond des. yeux d'insouciance avec lesquels tes
babies rosés regardent d'ordinaire passer la vie, s'allur
ment les premières lueurs de convoitise et d'ambition!
Soit qu'à l'avance, pour les faire tenir sages, on leur
ait promis le jouet désire, soit qu'au travers de bouts, de
phrases échangées devant eux ils aient cru deviner la
surprise qu'on leur ménage, soudain graves, ils pensent
et supputent leurs chances en comptant les heures.-
Puis, dès l'aube de ce nouvel an tant attendu, rouges
de bonheur, chiffonnés de caresses, bourrés de choco-
lats, les petits garçons, installés au milieu de leur fiet,
bâtissent sur la mousse du tapis leurs châteaux-forts,
passent sur l'esplanade de la table la revue de leurs sol-
dats de plomb, et dans l'océan de la cuvette lancent leurs
cuirassés de fer blanc; tandis que les fillettes, futures
coquettes qui se ruineront à acheter des robes, ou fu-
tures commerçantes qui s'enrichiront à en vendre, ha-
billent, déshabillent, coiffent, chapeautent leurs pou-
pées, variant déjà les parures et combinant les effets
avec leur goût inné de petites Parisiennes.
Et l'onde de joie montant toujours, voici les jeunes
épousées qui s'extasient sur le bijou offert par leur com-
pagnon de route; les voici qui, avec lui, devant t'âtre
du petit salon Louis XVI, furètent parmi les corbeilles,
parmi les sacs de fondants, parmi les bibelots arrivés
à leur adresse, pour y trouver sur les cartes des dona-
teurs souhaits et souvenirs!"
Voici les grandes comédiennes, qui reçoivent ave&
quelque objet précieux les vœux de succès des grands
auteurs, vœux se bornant bien entendu à leurs succès,
dans les pièces desdits auteurs, et voici des auteurs, qui
reçoivent, avec quelque menu souvenir, les vœux de
succès des grandes comédiennes, limités, cela va sans
dire, aux pièces desdits auteurs dont elles créeront les
rôles.
Voici que, par le courrier d'Afrique, arrive au logis
familial la lettre dU;gràrtd" fils faisant campagne là-bas"tïtt
Maroc, qui a pensé aux siens et envoie à chacun, réunis
dans le colis postai, qu'on ouvre fébrilement, quelques
colifichets arabes.
Dans une unanimité de bienveillance mutuelle, cha-
cun songe à son voisin, partage ses ambitions et tient
à lui en témoigner une manifestation flagrante.
Ceux auxquels leur fortune permet de donner sans
compter s'ingénient à aller au-devant des goûts de leurs
proches, à deviner l'objet envié par leurs amis, à com-
bler leurs serviteurs et à soulager les malheureux.
Ceux auxquels certaines apparences de luxe imposent
des obligations excessives pour leurs ressources réelles
font des miracles d'habileté pour transformer, sans dé-
faire le pli des papiers d'enveloppe, les cadeaux reçus
en cadeaux envoyés.
Les humbles, dont le cœur déborde d'intentions tou-
chantes, mais dont, hélas! la bourse est plate, trouvent
la fleur de deux sous, la carte postale illustrée, le nœud
de ruban qui procurera une minute d'attendrissement
joyeux aux parents qui sont loin, ou à la fiancée toute.
voisine.
Les hommes politiques au pouvoir se souhaitent mu-
tuellement de conserver leur portefeuille, tout en regar-
dant d'un œil moins farouche ceux qui aspirent il les
renverser, lesquels, à leur tour, consentent tacitement
quelques heures d'armistice.
Enfin, tout au sommet des âges, les deux vénérables
aïeux, auxquels trois générations comblées par eux de.
tout ce dont ils ont pu disposer sont pieusement venus
apporter leurs tributs de respects, murmurent en un
muet cantique montant vers le ciel
Seigneur, soyez béni, pour nous avoir cette année
encore donné la joie suprême d'embrasser nos petits-en-
fants 1
Tout-Paris
• -̃- --̃̃̃̃̃̃
Carmen
PAR M. STANISLAS RZEWUSKI
Le public parisien peut s'attendre à une
agréable surprise, en applaudissant ce soir
Carmen à l'Opéra, dans un cadre nouveau, pour
lequel les auteurs ne la destinaient pas à l'ori-
gine, mais dont les vastes proportions et les
perspectives grandioses prêteront un relief inat-
tendu aux multiples beautés musicales et dra-
matiques d'un ouvrage désormais classique.
Certes, la tentative est intéressante, mais elle
n'a rien qui doive nous surprendre, car de
nombreux essais analogues et, en somme, toute
la glorieuse et mondiale carrière de Carmen,
les succès universels obtenus par cette partition
essentiellement française justifient d'avance
l'innovation de ce soir. Ce ne sera d'ailleurs une
innovation que pour notre cher Paris.
En effet, et depuis l'époque même de la créa-
tion, Carmen se joue, dans le monde entier, sur
des scènes d'opéra aussi vastes que celle de
notre Académie nationale de musique Car-
menr demeure au répertoire, non pas de théâ-
tres consacrés à la comédie musicale, mais à
celui des plus grands théâtres du monde où le
drame lyrique trouve le cadre et l'espace qui
lui conviennent. Les juges les plus compétente
en matière d'art dramatique dans l'Europe en-
tière estiment avec raison, selon nous, que
l'ouvre de Meilhac, Halévy et Georges Bizét
n'est nullement un opéra-comique. Rien de plus
admissible qu'une telle opinion. Par la tristesse
et l'âpreté, tragique de la donnée initiale ùn
grand amour pour une créature infidèle et in-
digne, une invincible et néfaste tendresse qui
s'achève dans le désespoir et le meurtre par la
force et Ja violence des situations par la som-
bre violence des péripéties et le pittoresque du
cadre où évolue l'action du drame par le déve-
loppement intense de mise en scène qu'il exige
et le mouvement des foules qu'il comporte
tous les points de vue, Carmen, dans sa beauté
étrange, peut et doit revendiquer les traits
essentiels qui caractérisent, non pas la comédie
musicale, mais le drame lyrique.
Et" c'est, en effet, une superbe et pathétique
tragédie d'amour et de vengeance. Il lui faut
de l'espace, de vastes horizons, l'éclat et l'ani-
mation d'une foule prenant part à (l'action,
d'une figuration nombreuse, d'une chorégra-
phie étincelante.
C'est" ainsi que les' gens de théâtre les plus
éminents ont jugé et compris à l'étranger l'œu-
vre inspirée de Georges Bizet, et l'événement
leur a donné raison.
xi
il est à peine besoin de dire qu'en Allemagne
Carmen brille au répertoire de tous les grands
théâtres lyriques. On raffole de cette belle par-
tition au pays de Richard Wagner, de Beetho-
ven, de Schumann, de tant d'autres musiciens
de génie. L'Opéra de Dresde aussi bien que ce-
lui de Berlin, l'admirable Opernhaus de Mu-
nich, cette institution artistique sans rivale,
aussi bien que le théâtre Royal de Wiesbaden
ou de Cologne représentent Carmen depuis des
années et toujours dans la tonalité et selon
l'esthétique théâtrale que j'ai essayé d'indiquer
au début de cet article.
On pourra nous objecter toutefois que, mal-
gré les progrès extraordinaires réalisés par
l'art dramatique en Allemagne progrès qu'il
serait puéril de nier, et que M. Albert Carré,
directeur de l'Opéra-Comique, où Carmen est
jouée et montée dans la perfection, connaît.
mieux que personne, car cet éminent homme de
théâtre est également un critique de talent et
un écrivain du plus rare mérite, et il a consa-
cré à l'art dramatique aux pays d'outre-Rhin,
une série d'articles absolument remarquables–
on pourra opposer à notre thèse la constatation
d'un fait exact. La plupart des grandes villes
germaniques se contentent d'un seul théâtre
lyrique, et il faut bien y représenter les œuvre?
musicales appartenant aux genres les plus dif-
férents et aux esthétiques les plus diverses.
Leipzig ou Berlin sont des exceptions. Soit.
Mais en Halle, en Autriche, en Russie,
des métropoles qui peuvent s'enorgueillir
avec raison de posséder non pas' une, mais
plusieurs scènes lyriques, le cas n'est pas
le même, et Vienne et à Saint-Péters-
bour g ou à Milan.- Carmen fut classée d'èfflb^
ARTHUR MEYER
R É D A C T I ON
DE QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIlf
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Momrr.onr» et des Italiens)
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LE-PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
ARTHUR MEYER
Directeur
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ANNONCES
8, Vhk.an DE LA. BOURSE, 8
Et & l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rondos
nous commençons notre nouveau roman
M. Î^SICOQ
Politique extérieure
DEVANT LE SÉNAT
Le budget des affaires étrangères a été, de-
vant le Sénat, l'objet d'une intéressante et sub-
stantielle discussion. Un nouveau sénateur de
la droite, M. Jenouvrier, y fait un début
éclatant dans la défense des écoles congréga-
nistes d'Orient. C'est une tâche qu'il faut re-
commencer tous les ans, parce que, chaque an-
née, les sectaires de la maçonnerie demandent
qu'on supprime les subventions données aux
écoles religieuses pour les reporter sur les éco-
les laïques. Cette proposition est antinationale
au premier chef, puisque son effet immédiat,
si elle était adoptée, serait d'anéantir toute
l'influence française en Orient. Là-bas, la na-
tionalité, c'est .la religion. Etre Français, c'est
être catholique. La Convention, qui n'était pas
cléricale, donnait ce mot d'ordre à son ambas-
sadeur à Gonstantinople « Le catholicisme, au
dehors, c'est la nation. » C'est la vérité que
Gambetta traduisait, sous'une autre forme.
lorsqu'il disait « L'anticléricalisme n'est pas
un article d'exportation.
La maçonnerie de notre temps s abreuve a
d'autres sources. Elle est sectaire avant d'être
patriote, et peu lui chaut que l'intérêt national
succombe, si son esprit prévaut. Or, l'esprit qui
l'anime est une haine exterminatrice du catho-
licisme. Pour la satisfaire, elle livrerait à nos
concurrents et à nos rivaux, italiens ou alle-
mands, tout ce qui est catholique en Orient,
autant dire tout ce qui est français influence,
langue, commerce, crédit, prestige, renom,
sans souci comme sans remords, pourvu que
toutes les oeuvres catholiques, églises, orphe-
linats, hôpitaux; écoles qui reçoivent, héber-
gent, éduquent, francisent par centaines de
mille des enfants et des malades de toutes les
nationalités et de toutes les communions,
soient rasées et leur œuvre religieuse ensevelie
dans la poussière des ruines.
Ce phénomène d'impiété brutale et stupide
qui s'attaque non seulement à la religion ca-
tholique, mais à la patrie, se renouvelle cha-
que année dans les deux Chambres et, cha-
que année, nous répondons aux délégués des
loges maçonniques en opposant à leurs requê-
tes abolitionnistes les témoignages les plus
convaincants et les moins suspects. Car il n'y
a pas un ambassadeur, pas un consul, pas un
voyageur qui n'atteste que l'influence, le cré-
dit, le commerce de la France en Orient re-
posent uniquement sur les œuvres catholiques
françaises. Mais cela leur est tout à fait égal
Jusqu'ici les ministres des affaires étrangères
ont résisté de leur mieux à ces sommations
imbéciles. Mais ils fléchissent visiblement, et
les temps sont proches où la direction de no-
tre politique tombera aux mains d'un délégué
du Grand Orient. Quelque chose de très grand
et de très beau croulera ce jour-là ce ne sera
qu'une ruine de plus surajoutée à une honte.
Avant les œuvres catholiques d'Orient, le
Maroc avait donné lieu à un très intéressant
débat. Il ne faut ni s'en étonner, ni s'en plain-
dre. La contradiction n'est pas sans fruit. Elle
fait peu à peu pénétrer dans la conscience pu-
blique des vérités nécessaires. La question n'est
pas obscure elle procède d'intérêts certains
qui nous font des devoirs très clairs. Mais
elle a contre elle de très fortes préventions
qu'il est nécessaire de dissiper. En matière de
politique extérieure, il n'est pire infirmité que
la diversité des opinions. C'est une cause d'in-
cohérence et de faiblesse dans l'action. Les
Anglais nous donnent, à ce point de vue, des
leçons qui nous seraient grandement profita-
bles, si nous savions nous les assimiler. -Que
le ministère soit whig ou tory, unioniste ou li-
béral, il n'y a plus ni opposition, ni parti, dès
qu'il s'agit des intérêts extérieurs de l'Angle-
terre. Ils sont unanimes dans leurs vues, una-
nimes dans l'action. Nous n'avons, nous, que
des opinions décousues et des vues divergen-
tes./parce que nous trouvons dans la politique
extérieure les mauvais conseils de nos haines
et de nos divisions.
Notre ami M. deLamarzelle a eu raison de
critiquer l'imprévoyance de notre tactique sur
la frontière algérienne et l'insuffisance de no-
tre action à Casablanca. Il est certain que le
gouverneur général de l'Algérie avait averti le
gouvernement de l'effervescence qui se ma-
nifestait dans les tribus des Beni-Snassen,
et qu'il lui avait indiqué les moyens d'en
prévenir l'explosion. Il n'est pas moins cer-
tain que l'attitude observée par le corps
expéditionnaire autour de Casablanca est plu-
tôt faite pour jeter le ridicule sur les armes
françaises que pour en inspirer le respect.
S'il est vrai, comme l'a déclaré M. Clemen-
ceau, que le général Drude ait toujours eu ses
coudées franches, il est inexcusable. Mais le
gouvernement ne l'est pas moins que lui. Car
il savait ou devait savoir que, seules, les mani-
festations de la force réussissent sur les popu-
lations marocaines et que, par conséquent, le
seul moyen qu'eût la France de les pacifier
pour longtemps, c'était de leur inspirer la ter-
reur de ses armes et le respect de son nom.
Mais il faut prendre garde de confondre l'ac-
tion avec les modes de l'action. Notre action au
Maroc est la plus impérieuse et la plus claire
des obligations. Le Maroc est cent fois plus in-
téressant pour nous que l'Egypte que nous avons
;si sottement perdue. Il est le prolongement .na-j
turel et nécessaire de l'Algérie, et. cette situation
justifiait notre intervention diplomatique, il y a
trois ans, comme elle justifie notre interven-
tion militaire aujourd'hui. Il nous faut paci-
fier le Maroc, rien seulement parce que la paci-
ftcation doit ouvrir des voies faciles et fécondes
a. notre industrie et à notre commerce, mais
encore et surtout pour empêcher que d'autres,
qui guettent depuis longtemps l'occasion, n'u-
surpent ce rôle et n'en fassent l'amorce d'une
installation définitive. Il est bon de savoir en
France .que le Maroc est une proie ardemment
convoitée et que l'état d'anarchie chronique où
il est plongé est un appel pressant à l'interven-
tion des autres. Si nous n'avions pris les de-
vants, le Maroc serait aujourd'hui l'embryon
d'une colonie allemande.
H ne m'arrive pas fréquemment de rendre
hommage aux ministres du Bloc. Ce n'est pas
que y répugne par esprit de parti c'est seule-
ment qu'ils ne nous fournissent jamais l'occa-
sion. Mais je me plais à reconnaître qu'en la
circonstance, le ministre des affaires étrangè-
res, M. Pichon, a dit du Maroc ce qu'il fallait
dire, avec le ton qu'il fallait y mettre. Et ce
qu'il a dit, tout Français devrait le penser au-
jourd'hui. Si ancré que je sois dans mon oppo-
sition au régime présent, c'est en toute sécu-
rité que je rends cette justice à son discours.
-Que les lecteurs de' ce journal me passent cette
nouveauté nous n'aurons que trop d'occasions
de prendre notre revanche ensemble
>iAvant la question du Maroc. M. Charles Du-
u avait glorifié la Conférence de La Haye et
célébré l'arbitrage obligatoire. Si c'était M,
geois qui se fût chargé de cette besogne, je ne
prendrais pas la peine d'en parler. Mais M.
Charles Dùpùy avait montré dans son passage
au pouvoir quelques qualités d'homme d'Etat,
et ce n'est jamais sans déplaisir qu'on voit un
esprit solide et sain sacrifier à la chimère. Il
est vrai que l'orateur avait pris la peine de pré-
venir ses auditeurs qu'il parlait Il en vieux pro-
fesseur de philosophie n. Cela s'entend, de res-
te. Il est licite aux philosophes et aux idéolo-
gues de proclamer la souveraineté du droit et le
principe de la solidarité universelle. Mais il
n'est pas permis aux politiques d'y croire.
M. Léon Bourgeois, par exemple, s'est écrié,
au sortir de la Conférence de La Haye « En
1907, l'empire du droit s'est étendu sur le
monde n C'est une optique vraiment singu-
lière que révèle une pareille affirmation. La vé-
rité est toute contraire. Il n'y a présentement
dans le monde que des concurrences, des riva-
lités, des antagonismes, des machinations som-
bres, qui ne songent qu'à mettre le droit en
pièces, et il en sera de même dans l'éternité des
temps, parce que les peuples ne sont pas soli-
daires.
Ils sont rivaux, concurrents, ennemis, parce
que leurs ambitions se contredisent, que leurs
appétits s'excluent, et qu'aucun d'eux ne les
peut satisfaire qu'en immolant les autres à son
égoïsme. On supprimerait les patries, selon
le vœu des internationalistes, que la paix inter-
nationale n'y gagnerait rien. C'est que la na-
ture a fait les races inégales, et ces inégalités
originelles portent en elles l'inéluctable fatalité
du conflit..
II n'y pas d'arbitrage, fût-il Obligatoire, 'qui
les puisse supprimer. Et c'est pour cela que les
conférences de La 'Haye ne seront jamais que
de solennelles parades. Seulement, les niaise-
ries qu'on érige en principes ne sont pas sans
danger. Elles risquent de désarmer les peuples
qui s'y adonnent. Les Ligues de la paix ne sont
pas innocentes. Elles sont une école de faiblesse
et d'abdication. Elles colorent de raisons huma-
nitaires les plus vils conseils de l'égoïsme indi-
viduel. Elles désarment les cœurs, avant de
désarmer les mains, condamnent le peuple qui
se sera laissé conquérir par leurs déprimantes
doctrines à devenir la proie du voisin assez pré-
voyant et assez viril pour avoir conservé ses
institutions militaires et sa vertu martiale.
Et puis, fussent-elles devenues la loi de
tous les peuples, ce serait encore une ques-
tion de savoir si l'hygiène, du monde y trou-
verait son compte- Les pacifistes affirment que
la paix est le souverain bien. Ce n'est vrai
que si l'on n'oppose l'état de paix à l'état de
guerre mais il n'est pas certain que la paix
perpétuelle soit un perpétuel bienfait. Ce n'est
qu'une jouissance, c'est-à-dire le contraire
d'une vertu et toute jouissance un peu prolon-
gée est une cause de désordres inévitables.
L'hygiène des nations est rigoureusement
identique à celle des individus elle participe
des mêmes lois et conduit aux mêmes effets.
L'accoutumance à la jouissance, au bien-être,
à la sécurité, les déshabitue des soucis vivi-
fiants et des luttes régénératrices. Ils s'âtre-
phient et se pervertissent par l'immobilité.
C'est pour la même raison que l'eau croupis-
sante des mares est fétide, tandis que celle
des cetaractes est limpide et pure. J
Jules Delafossa
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
LE CAS LEROY-BEAULIEU ET L'AFFAIRE ARCHIMBAUD
La Chambre n'a pu se résigner à valider
l'élection de M. Leroy-Beaulieu fils.
Vainement le rapporteur il n'est cepen-
dant pas de ses amis affirmait qu'aucune
protestation figurant à son dossier ne méritait
qu'on s'y arrêtât, la majorité ne voulait rien
entendre.
Le grand grief articulé contre M. Leroy-Beau-
lieu, c'était la tentative d'assassinat dont il
avait failli être victime.
Il Assassinat simulé, déclaraient les partisans
de son concurrent, et la meilleure preuve que
nous en pouvons donner, c'est que l'on n'a pas
trouvé les assassins.
Est-il bien certain qu'on les ait sérieusement
recherchés ?
Le lendemain même de l'attentat, le chef du
parquet affectait-de n'y pas croire, et l'enquête
à laquelle on procéda fut conduite de telle fa-
çon qu'à moins de se dénoncer eux-mêmes, les
coupables étaient assurés d'une complète impu-
nité.
Quoi qu'il en soit, on ne peut invoquer contre
M. Leroy-Beaulieu la négligence ou la mau-
vaise volonté des magistrats de Montpellier.
On n'a pas prétendu que le préfet Barème
s'était tué lui-même, parce que le parquet a
toujours ignoré ou peut-être n'a jamais voulu
connaître son meurtrier.
On a donc renvoyé au bureau le dossier de
M. Leroy-Beaulieu.
La Chambre s'est montrée plus équitable en
invalidant par acclamation les pouvoirs de M.'
Archimbaud.
M. Archimbaud, c'est le candidat chauve-
souris,'qui était tour à tour pasteur protestant
et philosophe athée, selon qu'il voulait tromper
l'autorité militaire ou piper les électeurs.
On a cassé son élection, je crois même qu'on
l'a disqualifié, tout au moins pour un temps, et
c'était justice.
Cependant, on peut se demander comment
M. Archimbaud a pu soutenir si longtemps son
double rôle sans éveiller l'attention de la jus-
tice.
Je sais bien qu'il était protégé par les loges
de son pays, ce qui explique la tolérance dont il
a bénéficié mais aujourd'hui les faits délic-
tueux commis par ses protecteurs et par lui-
même ont été publiquement, officiellement ré-
vélés.
On a «rédigé en sa faveur de faux certificats,
on lui a libéralement accordé de mensongères
attestations pour le soustraire aux charges mili-
taires qui pèsent ou devraient peser sur tous les
citoyens.
Aux termes de la loi, M. Archimbaud est
donc un réfractaire, avec cette circonstance
aggravante qu'il s'est servi de pièces forgées,
pour échappera l'obligation la plus sacrée.
Un -conscrit' qui se mutile volontairement ou
simule une infirmité pour échapper au service
militaire, est sévèrement puni.
Pourquoi M. Archimbaud et ses complices
ne subiraient-ils pas la loi que l'on applique si
durement et j'ajouterai si justement à de
pauvres diables que nui ne protège et qui ne
disposent d'aucune recommandation ? L.
DESMOULINS.
ÉCHOS DE PARTOUT
La clôture générale de la chasse à tir a été
fixée aux dates suivantes pour la saison de
chasse 1907-1908.
Au dimanche 29 décembre 1907 dans deux
départements Hautes-Alpes, Haute-Savoie.
Au dimanche 5 janvier 1908 dans quatre dé-
partements Ain, Isère, Jura, Savoie.
Au dimanche 12 janvier 1908 dans dix-huit
départements Allier, Aube, Côte-d'Or, Doubs,
Loire, Loiret, Marne,. Haute-Marne, Meurthe-
et-Moselle, Meuse, Nièvre, Puy-de-Dôme,
Rhône, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Vosges,
Yonne, territoire de Belfort.
Au dimanche 26 janvier 1908 dans les
soixante-trois autres départements.
Les clôtures spéciales de la chasse de la per-»
drix, du lièvre et du chevreuil ont eu lieu ou
auront lieu aux dates suivantes
Pour la perdrix seule le 1er décembre 1907
dans l'Ain, le Doubs. la Meuse et le territoire
de Belfort le 8 décembre 1907 dans les Vosges
le 15 décembre 1907 dans la Haute-Marna le
22 décembre 1907 dans lès Xôtes-du-Nqrd le
ler-janvier 1908 dans le Rhône; le 5 janvier.
1908 dans la Manche.
Pour la perdrix et le lièvre le 5 janvier 1908
en Eure-et-Loir et dans l'Oise, le 12 lanviec
1908 dans les Ardennes.
Pour la perdrix et le chevreuil le 5 janvier
1908 dans la Seine-Inférieure.
Pour la perdrix, le lièvre et le chevreuil le
5 janvier 1908 dans l'Aisne, le Finistère, la
Seine, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise le 12 jan-
vier 1908 dans la Drôme, l'Eure, la Loire-Infé-
rieure, la Mayenne, le Morbihan, le Nord, le
Pas-de-Calais et la Vendée..
Combien amusants et très d'actualité les cou-
plets suivants, d'origine inconnue, qui, en
1862, circulèrent, manuscrits et sous le man-
teau, au moment où M. Fould fut rappelé par
Napoléon III au ministère des finances cette
chanson passe en revue les ,divers points du
programme financier dont M. Fould tenta alors
la réalisation en voici quelques strophes
air Les Deux Gendarmes (Nadaud)
Deux gens d'Etat, un beau dimanche,
Pataugeaient le long du budget.
L'un muet, le poing sur la hanche,
L'autre dégoisant son projet.
Président, la vide sonore
Résonne dans notre caisson.
Mon cher Fould, murmura Pandore,
Il faut redorer l'écusson I
x– La crise sévit, tout s'embrouille,
Comment museler les braillards?'
Nous avons mangé la grenouille,
Nous devons bien dix-huit milliards t
Notre grand-livre nous dévore
Et l'emprunt n'est plus de saison.
Mon cher Fould, hasarda Pandore,
Essayons d'un autre hameçon.
Bientôt renaît la confiance,
Le découvert s'en arrondit
Les impôts pleuvent sur la France,
Et la France entière applaudit.
Les moutons devancent l'aurore
Pour hypothéquer leur toison
Mon cher Fould,fredonna Pandore,
Mon cher Fould, vous avez raison
En changeant le nom du ministre, ces cou-
plets s'adaptent singulièrement mieux à l'épo-
que actuelle.
La neige a fait sa première apparition cette
nuit, à une heure. La journée d'hier a d'ail-
leurs été exécrable. Rien n'y a manqué, ni la
piuie, ni la boue.
Péris faisait vraiment pitié à voir, vers cinq
heures du soir des méli-mélos de voitures
inouïs à tous les carrefours, un service d'ordre
impuissant à rétablir la- circulation des cen-
taines d'autos, de fiacres, de tramways, de voi-
tures de livraison rendaient la traversée du
boulevard Haussmann, principalement au
coin de la rue Tronchet, impraticable. Nous
sommes restés dix-sept minutes en voiture sans
pouvoir avancer.
Sur les grands boulevards, de cinq à sept
heures, ce n'est plus de l'encombrement, c'est
un enchevêtrement insensé, que Pénélope elle-
même n'aurait pu arriver à débrouiller.
On a vu le terrible accident arrivé à bord du
submersible Ventôse, l'explosion des accumu-
lateurs. Fort heureusement, il n'y a pas eu de
victimes, et cela nous permet de plaisanter le
nom de Ventôse donné à un submersible.
Encore que le nom soit ridicule par lui-
même, on pourrait tout au plus l'appliquer à
un voilier. Il ne manquerait plus que de don-
ner le nom de Pluviôse à un sous-marin, et ce
serait Gribouille se jetant à l'eau pour ne pas
recevoir la pluie.
VISION BREVE
SOUS LA PLUIE
Quand, sous les averses, les Parisiennes esquivent,
avec des grâces d'oiselles, les flaques noirâtres des chaus-
sées, cependant que d'un geste large sinon auguste
le balayeur municipal envoie à l'égout le flot inin-
terrompu des bords du trottoir, l'œil attentif, scrutant
les interstices du ruisseau que le balai dégage, des mi-
séreux surtout aux abords des grands magasins
suivent le mouvement rythmé du balayeur et, de temps
à autre, se précipitent et ramassent. quoi?. un sou,
fréquemment. une pièce blanche, quelquefois. un
louis, bien rarement, espèces tombées des mains gan-
tées de visiteuses descendues de voiture et demeurées
dans ce fossé, Pactole d'occasion qui charrie, aux jours
de pluie, des pépites. monnayées, afin de créer, sur le
pavé de Paris, un nouveau « petit métier Il ignoré de la
plupart des Parisiens, voire des Privât d'Anglemont ac-
tuels, historiographes'attentifs des mille et un petits mé-
tiers du Paris pittoresque.
Dans presque toutes les maisons;.le facteur a
« présenté ses vœux et le nouveau calendrier
des postes recouvre celui de l'an 1907, dont il ne
reste plus que quelques mauvais jours d'hiver
à égrener..Combien déjà se sont inquiétés de
savoir si Pâques sera tôt ou tard ? En l'an 1908,
Pâques ne viendra qu'au 19 avril, ce qui met
le mardi gras au 3 mars une bonne date, assu-
rent ceux que cela intéresse. Le 14 juillet tombe
un mardi ce sera le premier pont de l'année.
Le 15 août, qui sera un samedi, assure encore
deux jours consécutifs de repos mais, en re-
vanche, le 1er novembre arrivant un dimanche
supprime un jour férié. Heureusement que
Noël, un vendredi, offrira un nouveau pont et
que, huit jours après, le l*r janvier. Mais ce
troisième « pont » ouvrira l'an 1909
POINTES SECHES
NOS MAITRES
Petits ou grands méfaits leur sont indifférents.
Que le cas d'Archlmluud serve aux autres d'exemple
Raillez les lois, bafouez Dieu, vendez le temple.
Mais ne touchez jamais aux « quinze mille francs Il
Plutôt brutale la etite affiche accrochée
dans les chambres d'un des grands hôtels de
Dawson City, au Klondyke, et qu'un de nos-
amis a rapportée de son voyage dans ces ré-
dons froides.
Le propriétaire'de l'hôtel informe MM. les voya-
geursqu'il ne saurait être tenu à aucune responsa-,
bilité quant iL leur sécurité personnelle, existence
ou valeurs.
MM. les voyageurs sont priés de prendre certai-
nes précautions chaque fois qu'ils croiront devoir
échanger des coups de revolver dans la salle iL;
manger, une balle égarée pouvant af teindre inuti-j
lement un domestique ou une personne étrangère M
leur discussion.
Les frais de funérailles se payent à part et sont
également personnels.
Les voyageurs peuvent, s'ils le désiren.t, contrac-
ter une assurance sur la vie pour la durée de leur
séjour dans l'établissement.
L'administration ne tiendra aucun compte des
plaintes relatives au service. Tous nos domesti-
ques sont armés et MM. les voyageurs pourront
s'expliquer directement avec eux.
Notre hôtel étant une maison de premier ordre,
réservée à la clientèle élégante, MM. les voyageurs
sont priés de s'v conduire en parfaits gentlemen.
Le propriétaire tient essentiellement à cette condi-
tion et se réserve d'appuyer au besoin ses exigen-
ces par des coups de fusil.
Un bal est donné dans l'hôtel tous les samedis.
On n'y est pas admis nu-pieds.
Bien entendu l'hôtel Dawson City ne désem-
plit pas 1
Après la Noël, la Saint-Sylvestre. Après
avoir joyeusement fêté l'an en soupant à l'Ely-
sée-Palace, on célèbre de la même manière
l'an qui vient autour dés tables fleuries de gui,
de houx et de rosés. v
Et ce sera une fois de; plus ^animation, la
gaieté de bon aloi, toute la nuit, dans le superbe
iiall où se succèdent les attractions et lès danses.'
L'imagination fertile de Paillard abonde en
Ingéniosités infiniment parisiennes. La foule élé-
gante qui fréquente assidûment le fastueux res-
taurant de Ja Chaussée-d'Antin éprouve conti-
nuellement des surprises qui font sa joie. Voici
celle du souper du dernier jour de l'année, de
là Saint-Sylvestre ̃: une gracieuse tombola pour
les soupeurs et les jolies femmes. Comme lots
fleurs, parfums et bibelots,, le gros lot (excu-
sez du peu, eût dit Rossini), un délicieux bijou
de l'un de nos grands joailliers de la rue de la
Paix. Vous pensez si l'on s'empresse de retenir
les tables, chez Paillard 1
A cette époque de l'année, il n'est $as une
maîtresse de maison qui ne fasse ses prépara-
tifs en vue des réunions obligatoires ou non.
En première ligne, nos mondaines avisées font
provision des friandises indispensables au buf-
fet. Il n'en manque certes pas, mais de préfé-
rence elles choisissent le Thé Kiayun, le roi des
thés de Chine, le triomphateur des five o'clocks.
Le Thé Kiayun, dont deux grands prix, l'un à
Liège en 1905, l'autre à Milan en 1906, ont con-
sacré la supériorité, est en vente, à partir de
cinq francs le demi-kilo, dans ses merveilleux
salons du boulevard des Italiens, qui sont, on le
sait, de quatre heures à sept heures, le rendez-
vous attitré de la haute société parisienne.
Rien n'est plus difficile que le choix d'un
objet assuré d'être agréable au destinataire.
Les cadeaux les plus jolis, les plus pratiques,
très agréables à recevoir pour tous, sont les pe-
tits meubles, les sièges, les tables à thé, les por-
celaines, les bronzes, les broderies, les -para-
vents et les mille curiositésréunies à la Maison
des Bambous, 33, rue du 4-Septembre. Ils font
l'Gjrçnement des salons et, par leur distinction
et leur originalité, donnent au « home Il l'as-
pect le plus gracieux.
A l'occasion des fêtes du Nouvel An, l'ad-
ministration du Palais de Glace, toujours sou-
cieuse d'être agréable à son aristocratique
clientèle, chaque jour plus nombreuse, a dé-
cidé d'organiser, le lundi 30, le mardi 31 dé-
cembre et le jeudi 2 janvier, des séances de
patinage avec orchestre, qui auront lieu le
matin, _de 9 heures à midi, sans préjudice,
bien entendu, des séances régulières de l'a-
près-midi et du soir, qui sont de plus en plus
suivies. La superbe salle des Champs-Ely-
sées va certainement paraître bien petite, ces
jours-là, à la foule de ses fidèles et de ses ad-
mirateurs 1
De Monte-Carlo
M. Louis Ganne vient de reprendre la série
de ses concerts quotidiens, à l'International
Sporting-Club. A la tête d'un merveilleux
orchestre, exclusivement composé de premier
prix du Conservatoire, le brillant et célèbre
compositeur a retrouvé son fidèle public d'ad
mirateurs et d'admiratrices.
Le nombre, chaque jour plus considérable.
des étrangers qui arrivent à Monte-Carlo pro-
met à ces concerts l'affluerice et le succès triom-
phal qui, l'an passé, les mirent à la mode et en
firent une des plus, délicates attractions de la
saison.
NOUVELLES A LA MAIN
Au Palais, On cause des scandales d'outre-
Rhin.
Il est question, dit un avocat, de former
un tribunal exceptionnel pour juger ces graves
affaires de mœurs.
Un stagiaire qui adore l'a-peu-près, risque
celui-ci
Que l'on établisse une chambre Har-
den.te
Un Domino
Saint Mandrin
Saint Mandrin 1. M. Funck-Brentano m'en
voudra-t-il de ce titre, évidemment ironique?
Je me figure qu'il en sourira de bon cœur, et
que, malgré sa récente et brillante apologie du
fameux bandit, il ne doit pas avoir encore
songé à la canonisation. Elle est bien curieuse,
d'ailleurs, et par bien des côtés, cette apolo-
gie de l'« illustre Il contrebandier 1 Curieuse,
d'abord, par le talent et l'érudition de l'apolo-
giste, cela va sans dire. Curieuse aussi par sa
bonne foi d'historien, car il ne cache pas du
tout les péchés de son saint et ils sont gros
comme il ne se fait pas faute non plus de
louer ses vertus qui paraissent plutôt rela-
tives Curieuse, enfin, par le jour qu'elle pro-
jettesur les raisons honnêtes qu'ont pu avoir,
depuis une cinquantaine d'années, les écri-
vains et les artistes, de s'intéresser au sort de
certains héros ou de certaines Héroïnes, et d'en-
treprendre la réhabilitation de leur métier ou
de leur personne 1
J'ai connu un policier émérite, qui s'enten-,
dait comme pas un à découvrir les criminels,
et à les arrêter. Mais on n'a pas idée de la ten-
dresse qu'il éprouvait en même temps pour
eux. Aussitôt un assassinat ou un vol signalé
à son attention, dès qu'il avait reçu l'ordre
d'en rechercher l'auteur, il commençait d'a-
bord par le dénicher et par lui mettre la main
dessus avec une perspicacité et une décision
remarquables. Puis, une fois l'assassin ou le
voleur sous les verrous, il se rappelait par le
menu tout ce qu'il avait nécessairement ap-
ris sur lui pendant le cours de son enquête,
e milieu où le misérable était né, l'éducation
au'il avait reçue, et toutes les fatalités qui l'a-
vaient poussé au crime. Alors, il se prenait
pour lui d'une sorte d'amour, secourait dis-
crètement la femme et les enfants qu'il pou-
vait avoir laissés, lui procurait à lui-même
tous les adoucissements possibles, ne vous
parlait plus de lui qu'avec une affection émue,
et ne l'entendait jamais condamner, soit aux
travaux forcés, soit à mort, sans essuyer une
petite larme.
M. Funck-Brenta,no semble avoir quelque
chose; comme historien, de cet admirable po-:
licier. C'est la même sûreté et la même vi-
gueur d'enquête, le même.art dans la mise à
nu des vices, des crimes ou des tares du sujet,
puis, une fois le sujet découvert, mensure et
condamné, la même sympathie attendrie et
presque enthousiaste pour son malheur, le
même besoin de reconnaissance pour les joies
professionnelles que le scélérat lui a données.^
Cette tendance d'auteur perçait déjà un peu
dans le. Cagliostro de l'Affaire du Collier.
Dans Mandrin, elle s'affirme magistralement.
A
L' K illustre Mandrin en somme, dans les
faits mêmes cités par M. Funck-Brentano, a
tous Jes antécédents et tous les instincts d'un
brigand, en commet tous les actes, montre seu-
lement dans sa nature quelques-unes de ces an-
tithèses morales communes à beaucoup d'autres
coquins, dirige son brigandage contre l'admi-
nistration des Fermiers-Généraux, et finit par
le payer excessivement cher.
Tout jeune, il était déjà un exécrable voisin,
querelleur, violent et malhonnête. De même, il
était un dépositaire infidèle, et au détriment
d'un pauvre diable qui pensait pouvoir se fier
à lui. Sans aucun droit, par une idée absolu-
ment folle de ce qu'il prétendait être son dû,
compliquée de méchanceté et d'irascibilité, il
s'appropriait ou détruisait tout ce que le mal-
heureux lui avait confié. Au surplus, il avait un
frère cadet qui volait le contenu des troncs des
églises au moyen de glu et de ficelles la police
au temps arrêtait ce Mandrin jeune, et Man-
drin aîné: à partir de ce jour-là, n8 pardonnait
plus à la société de n'avoir pas laissé son frère
prendre les pièces de 'monnaie à la Scelle. Plus
tard, il rencontre dans la campagne l'un des
agents qui avaient aidé à l'arrestation, et lui
met son pistolet sur la gorge. Le malheureux
8!gent, qui était sans armes, et qui avait avec
lui un de ses enfants, .un pauvre bébé de deux
ans, demande grâce à Mandrin en lui montrant
son enfant. Mais Mandrin n'entend rien, et tue
à da fois le père et le bébé I
Maintenant, avec tout cela, notre bandit était
fort jovial, beau buveur, beau parleur, et le
plus galant des malfaiteurs. Le portrait qu'en
trace M. Funck-Brentano est vraiment fort joli,
tout en traits comme pris sur le vif, et nous
donnerait l'idée d'un scélérat charmant, un peu
cabotin, mais exquis tout de même, si le souve-
nir du héros qui tue les enfants de dewtt ans,
pour apprendre à leurs pères à ne plus arrêter
les voleurs d'églises, ne nous dérangeait pas
dans notre bonne impression
Au fond, d'ailleurs, rien n'est en général pit-
toresque comme un coquin, et, je dois l'avouer
à M. Funck-Brentano, son fameux Mandrin me
rappelle un peu le non moins fameux Prado,
l'assassin de la rue Caumartin. Prado excitait
une curiosité prodigieuse, et son procès avait
attiré une foule énorme. Pendant une suspen-
sion d'audience, un auditeur, plus frénétique-
ment curieux encore que les autres, pénètre par
le couloir jusque dans la salle où les gendarmes
gardaient l'accusé, se trouve brusquement en
face de lui, et lui dit, en le regardant bien
Monsieur Prado, enchanté de vous voir
Alors, Prado, inclinant la tête, avec une poli-
tesse raffinée
Monsieur, l'honneur est pour moi.
C'était tout ce qu'il y avait de plus Mandrin
Comment une réhabilitation comme celle de
Mandrin a-t-elle pu être tentée, et tentée avec
éclat, par un historien de haute valeur, au
point qu'il vous semble lire, en la lisant, l'his-
toire d'un demi-héros? Et comment l'histo-
rien, dans cette réhabilitation, peut-il s'ap-
puyer sur toute une bibliographie considéra-
ble, sur des biographies et des témoignages
antérieurs ou anciens signés de témoins dont
beaucoup sont des plus sérieux, ou paraissent
des plus sérieux, en un mot, sur toute une vé-
ritable documentation? Comment tous ces
témoins et tous ces biographes eux-mêmes
ont-ils pu élever ce monument à la mémoire
d'un voleur de grand chemin ? Il y a tout de
même là un problème qu'il serait intéressant
de résoudre ou de creuser, faute de le résou-
Malgré toutes les-séductions de récit et de
mise en scène déployées par M. Funck-Bren-
tano, et en raison même de ce qu'il rapporte,
je ne vois vraiment rien qui puisse motiver
l'admiration dans la physionomie de Man-
drin. C'est purement et simplement un co-
quin, avec tout le déséquilibrement, toute la
frénésie, toutes les audaces, toutes les lâche-
tés et tous les cabotinages ordinaires aux co-
quins. Si Mandrin a laissé une autre légende
que celle-là, est-ce donc parce que les hasards
du temps, ou, selon la pensée de M. Funck-
Brentano, les fatalités sociales de l'époque,
ont fait de ce brigand l'ennemi d'une admi-
nistration financière ~où les abus étaient en
effet. considérables, et qui était odieuse aux
populations Ici, la légende commence à s'ex-
pliquer, et nous pouvons comprendre des ad-
ministrés se vengeant d'une administration
oppressive ou tracassière en faisant une popu-
larité au personnage, même indigne, qui ar-
rive à la tenir en échec; ou à la tracasser à
son tour. C'est là un sentiment tout à fait hu-
main. On pardonne déjà beaucoup à qui vous
amuse. On pardonne encore bien davantage à
qui vous représente une revanche.
Mais là n'est pas, je le crois, la seule expli-
cation de toute cette poésie répandue sur un
vengeur fort peu poétique en soi, et ce qut
surtout le poétise, ce qui lui met une auréole,
c'est la terrible dureté de son châtiment. Les
expiations de l'ancien temps, même justes,
étaient atroces, et faisaient naître une pitié
qui s'étendait jusqu'aux monstres. La douceur
chrétienne avait beau n'opérer que très len-
tement, et disparaître, le plus souvent, sous
tout ce qui survivait de la barbarie et de Fin-
sensibilité antiques, elle n'en opérait pas
moins, les âmes s'attendrissaient et s api-
toyaient d'autant plus que le spectacle des
peines était plus affreux. Mais de pareils élé-
ments de sympathie étaient absolument étran-
gers aux héros eux-mêmes I Le moindre in-
firme ou le premier vieillard venu que nous
voyons grelotter au coin d'un pont ou_sQua_le
porche d'une église, nous touche toujours un
peu. Si, cependant, nous les connaissions, et
si nous pouvions les voir sous un autre jour
que celui de leur misère, ils nous feraient
peut-être quelquefois horreur.
II en est un peu ainsi de Mandrin, et de tous
les Mandrins. L'instant où nous les voyons sur
la roue nous fait oublier ce qui les y a conduits,
et le malheureux nous masque en eux le misé-
rable, mais le misérable n'en est pas moins là.
Aucun nimbe, seulement, depuis dix-huit
cents ans, dans nos civilisations occidentales,
n'a jamais valu celui de la souffrance, et il ne
faut pas chercher ailleurs le secret de certaines
réhabilitations, même des moins soutenables.
Ajoutez-y, comme pour Mandrin, quelques cir-
constances surérogatoires, imaginez un histo-
rien-artiste, que sa qualité même d'artiste pré-
destine aux enchantements des documentations
pittoresques, et la canonisation historique ne
se fait plus attendre. Vous voyez surgir saint
Mandrin.
Saint Mandrin, seulement, entre nous, me
fait un peu l'effet d'être du même calendrier
que saint Ravachol. Mais qui sait?. Nous
avons déjà eu le Calendrier Républicain. Nous
sommes peut-être guettés par le Calendrier
Chanteclait
Bloc-Notei Parisien
Sourires d'Etrenaes
Voici, selon la coutume ancestrale, que l'époque des:
étrennes a sonné voici que la trêve des confiseurs sus-
pend pendant quelques jours nos labeurs et nos luttes
voici qu'un grand désir, banal ou très tendre, de faire
plaisir aux autres envahit les cœurs ou hante les esprits.
Souhaiter la bonne année à ceux qu'on aime, ou sim-
plement à ceux qu'on fréquente, devient, suivant les cas,
une émotion, une joie, un besoin de sociabilité.
A travers l'angoisse latente ,que cause à chacun de
nous l'incertitude du lendemain.'dans le trouble émoussé
par l'habitude où nous met le perpétuel effroi des dan-
gers qui nous menacent, les douze coups de la mi-nuit
du 31 décembre font vibrer dans nos âmes une double
pensée la satisfaction d'avoir tant bien que mal lou-
voyé à travers les écueils de l'année qui finit, avec l'ar-
dent espoir que les tempêtes de l'année qui commence
ménageront l'esquif qui porte nos projets, nos désirs et
nos rêves!
C'est la conscience de notre solidarité dans l'idée com-
mune qui nous pousse à des vœux réciproques, où vrai-
ment devient très grande la part de la sincérité.
Et comme c'est un joli sentiment qui nous guide, c'est
aussi de jolies fioritures que nous voulons en enguirlan-
der l'expression.
Pas un des innombrables achats auquels donnent Heu
les innombrables étrennes échangées ne s'effectue sans
un souci de plaire, sans une recherche d'amabilité, sans
une intention affable.
Chacun, selon ses ressources, accompagne ses sou-
haits du bibelot cher, du cornet de bonbons acheté chez
l'épicier, ou du modeste bouquet de violettes cueilli dans
la petite voiture ambulante; mais l'intention reste la
même, et ce jour-là du moins, ce jour-là, unique dans
l'année, l'égoïsme humain peut, lui, pour ses étrennes,
se payer une balade de vingt-quatre heures dans quelque
autre planète.
Aussi* dans toutes les classes sociales, du haut en bas
de 1 escalier des dezneures, comme du bas en haut de'
l'échelle des âges, les étrennes sont-elles, l'heure ac-
tuelle, la préoccupation dominante, qu'il s'agisse de tes
recevoir ou qu'on se prépare à les offrir.
Au fond des. yeux d'insouciance avec lesquels tes
babies rosés regardent d'ordinaire passer la vie, s'allur
ment les premières lueurs de convoitise et d'ambition!
Soit qu'à l'avance, pour les faire tenir sages, on leur
ait promis le jouet désire, soit qu'au travers de bouts, de
phrases échangées devant eux ils aient cru deviner la
surprise qu'on leur ménage, soudain graves, ils pensent
et supputent leurs chances en comptant les heures.-
Puis, dès l'aube de ce nouvel an tant attendu, rouges
de bonheur, chiffonnés de caresses, bourrés de choco-
lats, les petits garçons, installés au milieu de leur fiet,
bâtissent sur la mousse du tapis leurs châteaux-forts,
passent sur l'esplanade de la table la revue de leurs sol-
dats de plomb, et dans l'océan de la cuvette lancent leurs
cuirassés de fer blanc; tandis que les fillettes, futures
coquettes qui se ruineront à acheter des robes, ou fu-
tures commerçantes qui s'enrichiront à en vendre, ha-
billent, déshabillent, coiffent, chapeautent leurs pou-
pées, variant déjà les parures et combinant les effets
avec leur goût inné de petites Parisiennes.
Et l'onde de joie montant toujours, voici les jeunes
épousées qui s'extasient sur le bijou offert par leur com-
pagnon de route; les voici qui, avec lui, devant t'âtre
du petit salon Louis XVI, furètent parmi les corbeilles,
parmi les sacs de fondants, parmi les bibelots arrivés
à leur adresse, pour y trouver sur les cartes des dona-
teurs souhaits et souvenirs!"
Voici les grandes comédiennes, qui reçoivent ave&
quelque objet précieux les vœux de succès des grands
auteurs, vœux se bornant bien entendu à leurs succès,
dans les pièces desdits auteurs, et voici des auteurs, qui
reçoivent, avec quelque menu souvenir, les vœux de
succès des grandes comédiennes, limités, cela va sans
dire, aux pièces desdits auteurs dont elles créeront les
rôles.
Voici que, par le courrier d'Afrique, arrive au logis
familial la lettre dU;gràrtd" fils faisant campagne là-bas"tïtt
Maroc, qui a pensé aux siens et envoie à chacun, réunis
dans le colis postai, qu'on ouvre fébrilement, quelques
colifichets arabes.
Dans une unanimité de bienveillance mutuelle, cha-
cun songe à son voisin, partage ses ambitions et tient
à lui en témoigner une manifestation flagrante.
Ceux auxquels leur fortune permet de donner sans
compter s'ingénient à aller au-devant des goûts de leurs
proches, à deviner l'objet envié par leurs amis, à com-
bler leurs serviteurs et à soulager les malheureux.
Ceux auxquels certaines apparences de luxe imposent
des obligations excessives pour leurs ressources réelles
font des miracles d'habileté pour transformer, sans dé-
faire le pli des papiers d'enveloppe, les cadeaux reçus
en cadeaux envoyés.
Les humbles, dont le cœur déborde d'intentions tou-
chantes, mais dont, hélas! la bourse est plate, trouvent
la fleur de deux sous, la carte postale illustrée, le nœud
de ruban qui procurera une minute d'attendrissement
joyeux aux parents qui sont loin, ou à la fiancée toute.
voisine.
Les hommes politiques au pouvoir se souhaitent mu-
tuellement de conserver leur portefeuille, tout en regar-
dant d'un œil moins farouche ceux qui aspirent il les
renverser, lesquels, à leur tour, consentent tacitement
quelques heures d'armistice.
Enfin, tout au sommet des âges, les deux vénérables
aïeux, auxquels trois générations comblées par eux de.
tout ce dont ils ont pu disposer sont pieusement venus
apporter leurs tributs de respects, murmurent en un
muet cantique montant vers le ciel
Seigneur, soyez béni, pour nous avoir cette année
encore donné la joie suprême d'embrasser nos petits-en-
fants 1
Tout-Paris
• -̃- --̃̃̃̃̃̃
Carmen
PAR M. STANISLAS RZEWUSKI
Le public parisien peut s'attendre à une
agréable surprise, en applaudissant ce soir
Carmen à l'Opéra, dans un cadre nouveau, pour
lequel les auteurs ne la destinaient pas à l'ori-
gine, mais dont les vastes proportions et les
perspectives grandioses prêteront un relief inat-
tendu aux multiples beautés musicales et dra-
matiques d'un ouvrage désormais classique.
Certes, la tentative est intéressante, mais elle
n'a rien qui doive nous surprendre, car de
nombreux essais analogues et, en somme, toute
la glorieuse et mondiale carrière de Carmen,
les succès universels obtenus par cette partition
essentiellement française justifient d'avance
l'innovation de ce soir. Ce ne sera d'ailleurs une
innovation que pour notre cher Paris.
En effet, et depuis l'époque même de la créa-
tion, Carmen se joue, dans le monde entier, sur
des scènes d'opéra aussi vastes que celle de
notre Académie nationale de musique Car-
menr demeure au répertoire, non pas de théâ-
tres consacrés à la comédie musicale, mais à
celui des plus grands théâtres du monde où le
drame lyrique trouve le cadre et l'espace qui
lui conviennent. Les juges les plus compétente
en matière d'art dramatique dans l'Europe en-
tière estiment avec raison, selon nous, que
l'ouvre de Meilhac, Halévy et Georges Bizét
n'est nullement un opéra-comique. Rien de plus
admissible qu'une telle opinion. Par la tristesse
et l'âpreté, tragique de la donnée initiale ùn
grand amour pour une créature infidèle et in-
digne, une invincible et néfaste tendresse qui
s'achève dans le désespoir et le meurtre par la
force et Ja violence des situations par la som-
bre violence des péripéties et le pittoresque du
cadre où évolue l'action du drame par le déve-
loppement intense de mise en scène qu'il exige
et le mouvement des foules qu'il comporte
tous les points de vue, Carmen, dans sa beauté
étrange, peut et doit revendiquer les traits
essentiels qui caractérisent, non pas la comédie
musicale, mais le drame lyrique.
Et" c'est, en effet, une superbe et pathétique
tragédie d'amour et de vengeance. Il lui faut
de l'espace, de vastes horizons, l'éclat et l'ani-
mation d'une foule prenant part à (l'action,
d'une figuration nombreuse, d'une chorégra-
phie étincelante.
C'est" ainsi que les' gens de théâtre les plus
éminents ont jugé et compris à l'étranger l'œu-
vre inspirée de Georges Bizet, et l'événement
leur a donné raison.
xi
il est à peine besoin de dire qu'en Allemagne
Carmen brille au répertoire de tous les grands
théâtres lyriques. On raffole de cette belle par-
tition au pays de Richard Wagner, de Beetho-
ven, de Schumann, de tant d'autres musiciens
de génie. L'Opéra de Dresde aussi bien que ce-
lui de Berlin, l'admirable Opernhaus de Mu-
nich, cette institution artistique sans rivale,
aussi bien que le théâtre Royal de Wiesbaden
ou de Cologne représentent Carmen depuis des
années et toujours dans la tonalité et selon
l'esthétique théâtrale que j'ai essayé d'indiquer
au début de cet article.
On pourra nous objecter toutefois que, mal-
gré les progrès extraordinaires réalisés par
l'art dramatique en Allemagne progrès qu'il
serait puéril de nier, et que M. Albert Carré,
directeur de l'Opéra-Comique, où Carmen est
jouée et montée dans la perfection, connaît.
mieux que personne, car cet éminent homme de
théâtre est également un critique de talent et
un écrivain du plus rare mérite, et il a consa-
cré à l'art dramatique aux pays d'outre-Rhin,
une série d'articles absolument remarquables–
on pourra opposer à notre thèse la constatation
d'un fait exact. La plupart des grandes villes
germaniques se contentent d'un seul théâtre
lyrique, et il faut bien y représenter les œuvre?
musicales appartenant aux genres les plus dif-
férents et aux esthétiques les plus diverses.
Leipzig ou Berlin sont des exceptions. Soit.
Mais en Halle, en Autriche, en Russie,
des métropoles qui peuvent s'enorgueillir
avec raison de posséder non pas' une, mais
plusieurs scènes lyriques, le cas n'est pas
le même, et Vienne et à Saint-Péters-
bour g ou à Milan.- Carmen fut classée d'èfflb^
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