Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-09-07
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 94503 Nombre total de vues : 94503
Description : 07 septembre 1896 07 septembre 1896
Description : 1896/09/07 (Numéro 5419). 1896/09/07 (Numéro 5419).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k529625d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/03/2008
PARIS Ef DÊîyLRfpSENf S 1B ÉMÎMES
80» Année. 3* Série. N° 5419
LUNDI 7 SEPTEMBRE 1898
ARTHUR MEYER
Directeur
RÉDACTION
I>S QTJATRK HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATM
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens
ABONNEMENTS
Paris et départements
Un mois 5 fr. [ Six mois 27 fr.
Trois mois. 13 50 | Un an 54 fr.
Etranger
Trois mois (Union postale) 16 fr.
Les manuscrits ne sont pas rendus
ARTHUR ffflEYER
Directeur
ADMINISTRATION
RENSEIGNEMENTS
ABONNEMENTS, PETITES ANNONCES
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italien»)
• ANNONCES
MM. CH. LAGRANGE, CERF & O
6, PLACE DE LA BOURSE, 6
Et à l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rendus
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
SOMMAIRE
Mondanités.
L'expulsion des socialistes allemands Bebel et
Bueb.
La fin du monde.
Seconde journée du Tsar à Breslau.
Les manœuvres d'armée du Sud-Ouest.
Election sénatoriale du Gers.
A l'extérieur: En Efepagne.
Dans le Médoc.
Feuilleton: « Joies d'amour », par Gyp.
SUR LA ROUTE
Les cyclistes se plaignent amèrement de l'état
des routes, et de tous les côtés ils pétitionnent.
° ïls ont raison. Tout le monde devrait se plaindre
avec eux et pétitionner sans relâche, bien que les
pétitions soient des moyens notoirement platoni-
ques et qu'elles n'aient jamais servi à autre chose
qu'à grossir les dossiers et accumuler les pape-
tasses dans les tiroirs de l'Etat.
Des tiroirs profonds comme des tombeaux.
Pour obtenir de l'Etat quoi que ce soit, ce n'est
bas du papier, même noirci de dolentes signatu-
res et de protestations pleurardes, qu'il faudrait
envoyer. Il faut quelque chose de plus violent, à
quoi dans ce journal, si plein des traditions con-
servatrices, je ne voudrais encourager personne,
bien qu'il soit depuis longtemps constaté et
combien douloureusement que l'Etat ne cède
jamais aux prières et qu'il n'obéit qu'aux mena-
ces. Mais n& philosophons pas et revenons à nés
̃ toutes, qui sont actuellement l'objet de tant de
récriminations.
Elles justifient tout le mal que l'on dit d'elles,
et même elles le dépassent. On ne les avait ja-
jmais vues dans un si honteux abandon.
Je ne veux parler ici que de notre département
de Seine-et-Oise, lequel est, à ce que l'on pré-
tend, le mieux pourvu de belles vicinalités. On
.peut alors se demander ce que doivent être les
autres, et quel effrayant problème va se dresser
devant nous et se joindre à ceux qui nous an-
goissent déjà le problème de la circulation.
A part une ou deux routes qui conduisent à
t'opulente demeure de quelque important person-
nage de notre république, les autres, dans le beau
département de Seine-et-Oise, si habité, si visité,
sont devenues à peu près impraticables, même
pux piétons. Ce sont, partout, d'affreuses fon-
drières où l'eau stagne, des abîmes qui se creu-
sent, de plus en plus, ou bien des pierres qui hé-'
rissent au-dessus du sol leurs pointes mortelles.
Les voitures, les braves et imprudentes voitures
qui osent s'y aventurer, n'en peuvent plus sortir
les ressorts se cassent, les essieux se rompent,
les jantes des roues sautent, les chevaux s'y bri-
sent les genoux et les gens la tête. Je sais des
paysannes qui ont dû renoncer à porter leurs
ceufs au marché, parce que, grâce aux ressauts
et cahots, ils arrivaient toujours à l'état d'ome-
lette prématurée. Les bicyclettes, moins lourdes
que les voitures, mais plus fragiles, s'y dislo-
quent, y dérapent à chaque instant, et ce sport
charmant y devient une fatigue pénible, autant
«u'un danger. .̃̃>•.̃
Notez qu'en bien des endroits, et sur la lon-
gueur de plusieurs lieues, les routes sont encore
pavées de ces pavés infâmes et barbares aux-
quels, par un respect historique vraiment exa-
géré et qu'on ne lui demandait pas, l'administra-
tion républicaine n'a pas voulu toucher depuis
jLouis XIV. Pourquoi ne les classe-t-on pas tout
de suite parmi les monuments historiques ? Il y
ja des inspecteurs des beaux-arts qui ne savent
quoi inspecter et pour qui une inspection men-
suelle si dérisoire qu'elle soit des routes
historiques, serait au moins, je ne dis pas la jus-
tification, mais une sorte d'excuse de leur émar-
gement budgétaire.
Pour comble de malechance, c'est toujours aux
'̃•̃+ époques où les routes sont le plus fréquentées,
au moment des vacances, par exemple, ou à celui
des récoltes que, par une incomparable stupidité,
l'administration se décide enfin à d'illusoires ré-
fections. Voici comment elle procède elle em-
pêchetout à fait la circulation sur des parcours
de plusieurs kilomètres, en couvrant la route de
cailloux qui, pendant quinze jours, attendent
l'écraseuse. Alors ce qui n'était, qu'un embarras
pénible, sans doute, mais non invincible, devient,
de ce fait, un infranchissable obstacle. Au lieu
a'empierrer la chaussée au fur et à mesure des
besoins, on préfère bloquer les villages, les fer-
mes, les propriétés, obliger les voyageurs à faire
des détours, souvent onéreux/toujours tyranni-
ques et gênants, en empierrant d'un coup ce que
l'on pourrait empierrer partiellement. Nul souci
du contribuable, de ses intérêts, de ses affaires,
tle son repos. Avec un peu de bonne volonté, une
répartition judicieuse dans le travail, il serait fa-
cile d'éviter ces incommodités, ces tracasseries.
On les accumule comme à plaisir. Non seule-
ment il faut que le contribuable paie de son ar-
gent les bêtises de l'administration, mais il faut
̃ qu'il soit, par surcroît, « embêté » de toutes les
façons.
Cependant l'écraseuse arrive, car tout arrive,
et elle se prépare à écraser avec une sage et mé-
thodique lenteur. Enfin, elle écrase Mais elle
n'écrase que sur des longueurs de cent mètres à
la fois. Souvent l'eau manque, faute d'une équipe
suffisante, et faute aussi de matériel. Mille inci-
dents, nés de l'imprévoyance, conspirent pour
retarder l'opération, qui s'éternise, avec les bruits
énervants et tous les inconvénients qu'elle com-
porte.
Si encore on les réparait, les routes Ah I bien
oui Ce qu'on a fait, c'est de déplacer les fon-
drières anciennes et d'en préparer de nouvelles.
Là où il fallait cent mètres de cailloux, on en a
mis dix, par exemple; c'est-à-dire que les chaus-
sées sont un peu plus plates, au milieu l'eau
des pluies, au lieu de s'égoutter, y demeure,-
creuse de plus profondes ornières. Huit jours
après tout ce fracas, les routes sont un peu plus
mauvaises qu'avant, et tout recommence (voir
plus haut). -̃•.̃••.
Je connais un petit pays où sont d'importantes
plâtrières. Ce pays est spécialement favorisé, au
point qu'il est devenu inabordable. Les routes qui 1
le traversent ressemblent à des travaux de dé-
fense nationale. Pourvu que cela dure encore quel- (
que temps, le facteur lui-même ne pourra plus t
pénétrer dans ce malheureux village, car le blo- j
eus sera complet et définitif. (
Qu'est-ce que vous voulez ? explique l'agent
voyer. C'est la faute au plâtre. j
C'est que, en effet, il ne suffit pas de fabriquer
le plâtre, il faut le transporter, car le plâtre se
yend comme toutes choses et ne se consomme pas
sur place. De plus, il est fort lourd et il exige de
bonnes routes. r
Depuis quatre ans, les habitants de cette com- x
mune adressent pétition sur pétition, demandant
qu'on refasse les routes, trop défoncées pour de
tels et continuels charrois. Nulle réponse. Le J
préfet n'est jamais là. L'hiver il est à Paris; l'été ̃*
à la mer ou dans la montagne. Et les bureaux d
sommeillent. Quant à l'administration des ponts e
et chaussées, elle est occupée à se battre avec g
une autre administration de l'Etat, sur le dos d
du bon contribuable. Elle ne saurait se déran- r
ger.
Enfin, un jour, le maire est mandé à la pré- t
lecture. Par extraordinaire, et pour cette fois 'A
seulement, le préfet a bien voulu consentir, étant 1
de passage chez lui, à s'occuper des affaires de n
son département, entre deux trains. n
Je n'ai jamais vu des habitants aussi en- n
nuyeux que les vôtres, monsieur le maire, dit ce o
fonctionnaire enragé de tourisme parisien et de o
Villégiatures lointaines. que veulent-ils encore ? 9 ti
̃ Ils veulent des routes, répond le maire. e:
Nous sommes bloqués. On ne peut plus arriver
chez nous.
Mais, est-ce qu'il n'y a pas des plâtrières,
chez voua ?
Sans doute Et voilà le grand malheur!
Le mauvais état des routes cause des préjudices
coGsidérable&tà cette industrie,, dpnt le pays vit.
Vous vivez du plâtre, monsieur le maire f
ricane spirituellement le préfet. C'est très mau-
vais pour la goutte Vous devriez essayer d'un
autre régime. Quant à vos routes, je n'y-peux
rien. Vos charrois les défoncent, et, en bonne
administration, on ne peut passer son temps à
les refaire.
Et il le congédie.
$
C'est une abominable incurie qui rend de plus
en plus difficiles les relations sociales. Nous
payons cependant assez d'impôts pour exiger que
nos routes favorisent, étendent et développent la
circulation de nos personnes et de nos denrées,
au lieu de l'empêcher. Les routes sont pour un
pays ce que le système vasculaire est pour le
corps humain la source de toute vie. Si la vas-
cularité est troublée, le corps dépérit; si les rou-
tes sont mal entretenues, le pays souffre. Que
diriez-vous d'un médecin qui, pour faire circuler
le sang d'un malade, accumulerait un poids de
cent kilos sur ses artères et sur ses veines ?. Eh
bien I c'est ce que fait le gouvernement pour nos
routes, qui sont les veines et les artères du corps
social.
Depuis quinze ans, les routes de France sont
à peu près délaissées. On ne les entretient plus,
ou à peine. Les budgets, d'ailleurs insuffisants,
qui leur étaient attribués ont été chaque année
diminués. Et encore n'emploie-t-on pas toujours
à la création et à la réfection des routes le déri-
soire argent qu'on a bien voulu leur laisser et
qui, par de subtils et coupables virements, va se
perdre dans l'immense gouffre des administra-
tions concurrentes., k>
On m'a dit que, sous l'Empire, les routes
étaient admirables, et que c'était grande joie et
grand profit de circuler. Puisque le gouverne-
ment tient tant à ressembler à l'Empire, il devrait
aussi lui ressembler en ce qu'il avait de bon,
quelquefois.
Octave Mirbeau
4».
Ce qui se passe
GAULOIS-GUIDE
Aujourd'hui
Courses à Vincennes.
LA POLITIQUE
LA. SURENCHÈRE
Après M. Trarieux, M. Darlan constate, non
sans mélancolie, les divisions profondes qui sé-
parent en groupes ennemis les uns des autres ce
que fut autrefois le grand parti républicain.
Le mal qui nous ronge, le mal qui nous détruit,
c'est « la surenchère, cette tactique trop souvent
adoptée, qui, pour donner à quelques-uns la vaine
satisfaction d'être considérés comme plus avan-
cés que les autres, stérilise les efforts de tous. »
M. Darlan étant ministre estime que tout est
au mieux, et naturellement il ne peut compren-
dre que ses collègues du Parlement ne se tiennent
pas pas pour aussi satisfait qu'il l'est lui-
même.
Malheureusement, le régime parlementaire tel
qu'on le pratique aujourd'hui, ne peut être qu'une
course aux portefeuilles les gagnants ont beau
crier sur tous les toits que l'épreuve est terminée,
et surtout qu'ils n'entendent pas lâcher le record,
les « inscrits » lont la sourde oreille.
Le pouvoir qui plaît à M. Darlan les tente éga-
lement, et la concentration qui fixe le gouverne-
ment entre les mains de quelques individualités
en quelque sorte inamovibles, n'est point pour
les séduire.
Ils veulent à leur tour aborder à la terre pro-
mise, et quelque joie qu'ils éprouvent à contem-
pler M. Darlan sous la simarre de d'Aguesseau,
ils surenchériront jusqu'à ce qu'ils aient rem-
placé ses collègues et lui-même.
Ce jour-là, ils feront appel à l'union de tous les
républicains, prêcheront l'apaisement, recom-
manderont la concorde, et nous verrons M. Dar-
lan placer à son tour discrètement de menus bâ-
tons dans les roues du char de l'Etat. L. Des-
moulins.
ÉCHOS DE PARIS
Les ministres se réuniront demain, au grand
complet, à l'Elysée, pour arrêter les dispositions
définitives que comporte la réception de l'empe-
reur et de l'impératrice de Russie. La plus
grande partie de la séance sera consacrée à cet
objet. S'il leur reste un peu de temps, nos gou-
vernants causeront politique.
Un manuscrit impérial.
Demain 8 septembre aura lieu l'anniversaire
de la prise de Sébastopol. Ce souvenir peut être
évoqué aussi bien à l'honneur des armes russes
que des armes françaises. On sait quelle vail-
lance fut déployée des deux côtés pendant ce
siège mémorable, et le général Saussier a pu
prononcer, à la Madeleine, cette parole exacte
« A Sébastopol, il n'y a eu ni vainqueurs ni
vaincus ».
Les Russes pensent ainsi, car on célèbre en
Russie l'anniversaire de Sébastopol comme celui
d'un jour glorieux malgré la défaite. Au musée
historique de cette ville, c'est avec orgueil, d'ail-
leurs légitime, que l'on entasse des souvenirs
nombreux sur le siège fameux.
L'une des pièces les plus curieuses de la col-
lection est un volumineux manuscrit de la main
même du tsar Alexandre III,et qui est le recueil,
sous ce titre Souvenirs de Sébastopol, de tous
les récits ou légendes, émanant des personnalités
les plus diverses, que le Tsar a pu réunir sur les
incidents du siège.
Alors qu'il était encore grand-duc, Alexan-
dre III fit demander par la voie de la presse, à
tous ceux qui avaient assisté au siège, et qui pou-
vaient en conter quelque épisode, de lui adresser
leurs notes. Il les dépouilla, rédigea lui-même
les récits, et le manuscrit qui les contient fut
offert par lui en hommage au musée de Sébas-
topol.
Il y a là non seulement des narrations d'offi-
ciers, mais encore de simples soldats, de chirur-
giens, de sœurs de charité, de simples particu-
liers, et l'ensemble est d'un réel intérêt histori-
que et psychologique.
Ce manuscrit impérial n'a jamais été publié en
Russie. Mais, par autorisation spéciale du Tsar,
il a été traduit et publié en français.
PARADOXES ET VÉRITÉS
Les lois ressemblent aux toiles d'araignées qui n'ar-
rêtent que les mouches.
Solon
Que ce ne soit pas un verre de sang qu'ait bu
Mlle de Sombreuil, en septembre 1792, pour sau-
ver les jours de son père,- que l'échafaud atten-
dait, en même temps que son fils aîné; Stanislas,
en 1794, le fait paraît très vraisemblable. Il s'a-
gissait, comme nous l'avons dit hier, d'un verre
de vin souillé par les mains sanglantes des bour-
reaux.-
L'impression n'en était pas moins demeurée
très vive chez la fille du marquis de Sombreuil.
Après son père et son frère aîné, privée encore, en
1795, de son second frère, Charles, fusillé à Van-
nes par les ordres de Tallien, et mariée, en Alle-
magne, à M. de Villelume, ex-capitaine au régi-
ment de Flandre, elle rentra en France, en 1814,
où elle résida d'abord à Limoges, puis à Avignon,
où son mari avait été nommé, par la Restaura-
tion, gouverneur des Invalides et où elle mourut
en 1823, à l'âge de quarante-neuf ans.
C'est là que le comte Armand de Pontmartin,
encore enfant, qui la connut et fut mené plusieurs
fois chez elle par sa mère, la comtesse de Pont-
martin, née de Cambis d'Orsan, nota un trait cu-
rieux qu'il nous a souvent raconté. A la table de
l'héroïne du 3 septembre 1792, on ne servait ja-
mais d'autre vin que du vin blanc.
Nous avons dit que Delacroix avait peint au
plafond de la galerie d'Apollon, au Louvre, une
femme dont les traits étaient ceux de Mme Ma-
jesté, célèbre alors par sa beauté.
Le fait est exact, mais Mme Majesté n'était pas
la fille du père Porcher, chef de claque à l'Opéra.
Elle était la troisième fille du docteur Vignar-
donne, qui avait été le médecin de Louis Bona-
parte, roi de Hollande, et habitait rue de la Chai-
se, où il recevait nombre de célébrités. Il était
l'ami de Gros, de Pradier et du docteur Double,
qui appréciaient son esprit fin et éclairé.
L'aînée de ses filles épousa le docteur Caron,
la seconde M. Martin, et la troisième M. Majesté,
qui fut le coifleur de Napoléon III et dont le sa-
lon d« coiffure, au palais Royal, était fréquenté
par les personnalités les plus importantes de tous
les partis. On rencontrait chez lui le prince Na-
poléon lui-même, le duc de Persigny, le duc de
Bassano, le maréchal Canrobert, avec ses che-
veux bouclés, M. Haussmann, M. Grévy, M.
Fould, Alexandre Dumas, Anatole de La Forge,
Sainte-Beuve, etc.
Gros aussi a peint Mme Majesté, alors qu'elle
n'avait que dix-sept ans, dans son tableau de
la Grèce implorant la France. Pradier a pris
sa sœur, Mme Martin, fort belle aussi, pour mo-
dèle de sa statue de Strasbourg, place de la Con-
corde. '̃"̃-
Mme Martin ne s'attendait certainement pas à
tant d'hommages 1
Mme Majesté est morte en 1894, à l'âge de
soixante-quinze ans, laissant un fils qui a été un
brillant officier.
La rue des Belles-Feuilles et l'avenue Bu-
geaud.
Le quartier de la Pompe, à Passy, où se trou-
vaient autrefois de profondes carrières de sable
et de pierres, et qui faisait partie du bois de Bou-
logne, se transforme de jour en jour.
Au numéro 79 de la rua des Belles-Feuilles
était il y a peu de temps la maison italienne de
la marquise de Tamisier, morte il y a deux ans.
Cette villa, où, selon la mode italienne, il n'y
avait pas de cheminées, toutes les conduites de
chaleur venant aboutir dans une chambre dite
« chambre à fumée », située au haut de la mai-
son, vient d'être démolie.
Le domaine, d'une superficie d'environ 20,000
mètres, a été divisé en deux lots le premier a
été acquis par M. Menier, le grand industriel, qui
se propose, dit-on, d'y faire édifier des maisons
de rapport, et le second par M. Lesueur, l'archi-
tecte bien connu, qui construit en ce moment un
fort joli pavillon rue des Belles-Feuilles, près du
rond-point Bugeaud, pour le marquis de Tami-
sier, fils de la défunte marquise.
A la place où est aujourd'hui la rue des Belles-
Feuilles, on voyait encore en 1870 de vastes
champs d'avoine.
"La plus grande partie de ces terrains, où plu-
sieurs rues ont été percées, appartenaient à Mlle
Dosne, belle-sœur de M. Thiers.
A l'origine, ils furent vendus un franc le mè-
tre. MM. Menïer et Lesueur s'en sont rendus ac-
quéreurs au prix de deux cent cinquante francs
le mètre..
̃- ̃
On parle également du prolongement de la rue
Spontini à travers ces terrains.
On fait de grands travaux de réfection dans les
appartements du directeur de la « Fondation
Thiers », située à l'encoignure de la rue des Bel-
les-Feuilles, rond-point Bugeaud. M. Girard,
membre de l'Institut, qui vient d'être nommé di-
recteur de cet établissement, en remplacement de
M. Hauréau, récemment décédé, s'y installera le
15 de ce mois.
Mlle Dosne qui possède encore l'immense parc
contigu à la « Fondation Thiers » et dont les jar-
dins ne sont séparés que par un treillage, fait
construire un magnifique hôtel et de grandes écu-
curies, car Mlle Dosne est grand amateur de
beaux chevaux.
Elle rend de fréquentes visites à la « Fondation
Thiers », et comme son hôtel de la place Saint-
Georges est trop éloigné du rond-point Bugeaud,
elle s'occupe de s'en rapprocher.
On sait que la « Fondation Thiers», entretenue
par un legs de l'ancien président de la républi-
que, compte quinze élèves étudiant l'économie
politique. A la mort de Mlle Dosne, aujourd'hui
âgée de soixante-douze ans, cette fondation fera
retour à l'Etat.
Bushey-House, la résidence historique et
seigneuriale de feu le duc de Nemours, en An-
gleterre, est devenue depuis la semaine der-
nière, la propriété d'un personnage également
illustre, le duc d'York, futur souverain de la
Grande-Bretagne. Le château, situé dans la ra-
vissante vallée de la Tamise, à quelques kilo-
mètres seulement de Windsor, fut habité succes-
sivement par le roi Guillaume IV, alors qu'il
n'était que duc de Clarence, par son frère le
duc de Sussex, par la reine Amélie et enfin par
le duc de Nemours, dont la femme était, comme
on sait, cousine du Prince-Consort.
Les relations du duc de Nemours et de la sou-
veraine de la Grande-Bretagne, furent toujours
des plus cordiales, comme le témoignèrent dans
la suite, les fréquentes visites du prince et de la
princesse Blanche d'Orléans, à Windsor.
M. Chaplain, désigné pour exécuter le modèle
de la médaille qu'on frappera en l'honneur de Ni-
colas II, est, parait-il, fort embarrassé. Il doit, en
effet, dessiner de profil Nicolas II et l'impératrice
Alexandra, et il n'existe pas de portrait des sou-
verains dans cette attitude.
L'artiste n'a à sa disposition qu'une pièce de
monnaie russe, d'ailleurs frappée à Paris, et on
lui a dit que Nicolas II n'était pas ressemblant.
Que M. Chaplain se rassure le profil de l'Empe-
reur est bien celui de la pièce de monnaie, peut-
être un peu épais, mais la ressemblance est frap-
pante.
Si l'artiste attend des photographies russes des
souverains, il risque fort d'attendre longtemps
les seuls portraits qui existent ont été presque
tous faits v en reproduction », et ils sont très
mauvais. Dans tous les cas, il n'en existe pas où
Nicolas II et l'impératrice Alexandra soient re-
présentés de profil.
Quant à poser devant l'objectif, l'Empereur ne.
s'y prête guère. Espérons, cependant, qu'il fera
une exception en faveur de la France, qui désire
lui offrir une médaille vraiment digne de lui.
L'industrie du billard a pris dans ces dernières
années une très grande extension, il faut bien le
dire, grâce aux multiples perfectionnements qu'y
a apportés la Société Saint-Martin-Palisson.
Cette Société, d*ont il convient de louer l'intel-
ligente initiative, vient d'ailleurs d'installer ses
magasins, éclairés à l'électricité et agencés avec
un goût exquis, au n° 66 de la rue de Bondy.
Voilà une adresse que tous les amateurs de bil-
lard ne tarderont pas à connaître.
NOUVELLES A LA MAIN
Un jeune médecin, tout récemment installé
dans une petite ville de province, reçoit la visite
d'un monsieur très correctement vêtu
Docteur, fait ce dernier, vous serait-il
agréable de renouveler le traité que votre prédé-
cesseur avait passé avec moi ?. Je lui donnais
une commission fixe par client qu'il m'envoyait.
Ah vous êtes le pharmacien ? R
Non! L'administrateur des Pompes fu-
nèbres 1
Un Domino
LA PAIX
Enfin, la paix est signée
Les hautes parties contractantes, après s'être
menacées de la voix et du geste, étaient au point
d'en venir aux mains quand une sage inspiration
les conduisit à solliciter l'arbitrage dé* S. Exc.
M. Rambaud, ministre de l'instruction publique
de la république française.
Aujourd'hui, grâce à cet arbitrage, la paix est
signée. C'est un grand succès pour notre diplo-
matie.
Voici la copie du traité intervenu entre les
hautes parties contractantes
Entre les hautes parties contractantes
S. M. Coquelin-Constant, empereur de toutes les
portes Saint-Martin
Et S. Exe. M. Jules Claretie, stathouder des Comé-
diens-Français réunis,
II aëtë convenu et arrêté ce qui suit
Article premier. L'état de paix et de bonne ami-
tié succède à l'état de guerre entre les hautes parties
contractantes.
Art. II. S. M. l'Empereur et S. Exe. le stathouder
s'engagent à ramener leurs troupes en deçàet au delà
de la rue Richelieu, qui sera convertie en territoire
neutre.
Art. III. Le territoire de la Porte-Saint-Martin
proprement dite, ainsi que ses dépendances, est dé-
claré terre de l'empire et servirade résidence à S. M.
l'Empereur.
Art. IV. S. M. l'Empereur de toutes les portes
Saint-Martin s'engage à verser entre les mains de
S. Exc. lo stathouder des Comédiens-Français réunis
une contribution de guerre de 100,000 francs (cent
mille francs), moyennant laquelle S. Exe. le stathou-
der s'engage à faire tous les ans une reprise de Char-
les VII chez ses grands vassaux. S. M. l'Empereur
s'engage, de son côté, à. faire représenter, chaque hi-
ver, sur le théâtre de la Cour, un mélodrame de
d'Ennery.
Art. V. Au bout de trois années, S. M. l'Empe-
reur rentrera en possession du montant de cette in-
demnité, et il ira tenir garnison sur le théâtre même
de la lutte, en plein foyer de résistance et des artis-
tes.
Art. VI. S. Exc. le stathouder s'engage à faire
bon accueil â S. A. I. l'archiduc Jean, fils de S. M.
l'Empereur et prince héritier.
Art. VII. Tous les sujets de Sa Majesté impé-
riale, habitant sur le territoire da la Porte-Saint-Mar-
tin ou sur ses dépendances, auront la vie sauve.
Leurs biens et leurs rôles seront respectés.
Art. VIII. S. M. l'Empereur confère à S. Exe.
le slathoudeiv le grand cordon de l'Ordre ministériel,
et le nomme colonel honoraire du régiment des hus-
sards menton-bleu..
Art. IX. S. Exe. le Stathouder confère à S. M.
l'Empereur le grand cordon de Saint-Frusquin, et le
nomme colonel honoraire du régiment des chasseurs
Part-Entière.
Art. X. S. Exc. le Stathouder deyient le « bon
cousin » de S. M. l'Empereur, et S. M. l'Emperenr de-
vient le « bon frère et ami » do S. Exc. le Stathou-
der.
Fait à Paris, le 4 septembre 1856.
COQTJKr.tK-CONSTA.NT, JULES CLARKTIE,
Empereur. Stathouder.
Ramjbaud, Le secrétaire du protocole
Arbitre-Expert. Brioché.
TÉLÉPATHIE
On causait de périsprit, de corps astral,
d'extériorisation de la force motrice, de télépa-
thie et autres questions similaires, fort à la mode
dans ces derniers temps.
Voici l'histoire que raconta le jeune peintre
Raoul Dambreuse, nature impressive et ner-
veuse, peut-être quelque peu déséquilibrée
mais fort honnête homme et incapable d'une in-
vention mensongère.
̃̃' ••
C'était en 1878, l'année de l'Exposition,
j'avais alors vingt-deux ans, et j'étais fort amou-
reux en tout bien, tout honneur de Mlle
Augusta X. fille d'un ténor célèbre et elle-
même cantatrice d'avenir.
En ce moment, elle se trouvait à Vienne, où un
riche financier. M. H. O. donnait l'hospitalité
à elle et à sa famille.
Un soir, à dîner, chez le comte de R. rue de
Varenne, j'entendis parler d'elle d'une façon qui
m'impressionna péniblement; non point qu'on
tint sur son compte des propos diftamatoires ou
même désobligeants; il m'eût été difficile de pré-
ciser en quoi ce qu'on disait d'elle me déplaisait:
les amoureux ont d'étranges susceptibilités, d'in-
croyables délicatesses, une sorte d'hyperesthésie
morale qui les met parfois dans un état d'âme as-
similable à la manie ou à la démence. Ce. fut un
soulagement pour moi lorsqu'on cessa de s'occu-
per d'Augusta pour parler d'autre chose mais
à partir du moment où son nom avait été pro-
noncé, son image s'était gravée dans mon esprit
avec une telle intensité que, littéralement, je ne
voyais plus rien de ce qui m'entourait.
Je restai toute la soirée sans dire un mot et
vers minuit, après avoir pris congé de mes hôtes,
je me disposai à regagner mon logis, situé à Pas-
sy près du bois de Boulogne.
:1<
J'étais alors grand marcheur et ne connaissais
rien de mieux pour me distraire d'une préoccu-
pation, ou pour chasser une idée triste, qu'une
longue et rapide promenade. Je me mis donc à
marcher un peu au hasard et ne tardai pas à m'é-
garer dans l'enchevêtrement des rues de Grenelle.
A un moment donné j'avais perdu toute idée d'o-
rientation et je me trouvais dans une ruelle
étroite absolument déserte que je conjecturai être
voisine de l'usine Cail. Tout à coup un soldat à
cheval passa près de moi à ma grande stupéfac-
tion, il portait un costume de hussard hongrois
doknan bleu de ciel à brandebourgs jaunes, demi-
bottes et shako vert.
Que diable ce militaire au service de l'empe-
reur d'Autriche venait-il faire à Grenelle?. Je
me dis qu'il avait dû accompagner quelque per-
sonnage exotique à l'Exposition universelle de
Paris et je me moquai moi-même de ma facilité à
m'émouvoir.
Mais voilà qu'autour de moi tout changeait
d'aspect la ruelle obscure et déserte devenait
une grande promenade splendidement éclairée au
gaz et entourée de palais somptueux. Avais-je
donc passé les ponts sans m'en apercevoir et me
trouvais-je dans les Champs-Elysées? Mais non,
ce n'était pas les Champs-Elysées. Une foule de
gens grouillaient autour de moi,parlant gaiement
une langue étrangère que je reconnus bientôt être
de l'allemand.
Poussé par une force mystérieuse et invincible,
je glissais, plutôt que je ne marchais, et après
avoir gravi les marches du perron d'un riche hô-
tel, je me trouvai dans un vast.3 salon rempli de
monde où je vis un homme en habit noir et une
jeune femme en toilette blanche s'approcher d'un
piano. L'homme m'était inconnu, mais la jeune
femme n'était autre qu'Augusta. Elle me parut
fort pâle et il me sembla que ses yeux brillaient
d'un éclat anormal et inquiétant.
.Quelques accords sur le piano. et Augusta
commença d'une voix très douce, mais un peu
faible, l'air des Nozzc di Figaro
Voï che sapete
Che cosa e amor
Donne vedele
Se lo nel cuor
Tout à coup, de pâle qu'elle était, elle devint
verdâtre, son corps fut secoué par une convulsion,
elle jeta un cri navrant et tomba raide à la ren-
verse.
Un grand brouhaha. Tout le monde s'élançait
vers elle Ce fut un indicible désordre
Moi aussi j'avais voulu courir au secours de
ma bien-aimée, mais je me sentais comme para-
lysé. Puis sans transition une profonde obscurité
se fit autour de moi et je restai dans un vague
étrange, n'ayant plus le sentiment de mon iden-
tité, perdant toute notion, de temps et de lieu.
Parfois, au réveil, après une nuit de sommeil
profond, j'éprouve quelque chose d'analogue.
Peu à peu je redevenais moi-même. J'éprouvais
quelque chose d'indéfinissable qui n'était ni une
douleur ni une jouissance mais qui tenait des
deux. C'était une sorte de picotement aux extré-
mités et, en même temps, une sensation de douce
chaleur dans tout mon être. Enfin j'ouvris les
yeux et me retrouvai accoté à un mur, dans une
ruelle déserte de Grenelle.
Avais-je rêvé ?.En ce cas c'était un rêve d'une
nature bien particulière. Non, décidément, je ne
pouvais croire à un "simple songe et, d'ailleurs,
dès le surlendemain, je fus fixé à cet égard.
Tous les jours, de cinq à sept heures, j'avais
coutume d'aller lire les journaux à mon cercle.
Or, voici ce que je lus dans la première gazette
qui me tomba sous la main
« Vienne. Un singulier et pénible accident
«vient d'arriver à Mlle Augusta X. la char-
» mante cantatrice, actuellement en visite chez
» M. H. 0. Elle chantait, hier soir, dans un
» concert, chez S. Exc. le prince K. lorsque
» tout à coup elle pâlit,chancela,poussa un grand
» cri et tomba à la renverse en proie à une syn-
» cope dont on fut plus d'une heure à la faire
» revenir. Grâce à Dieu, l'aimable jeune artiste
» est en ce moment hors de danger, et les méde-
» cins qui l'entourent ne regardent son évanouis-
» sement que comme un accident nerveux qui
» n'aura aucune suite fâcheuse. »
Je lus et relus cette dépêche. Je l'appris par
cœur. Je m'en pénétrai. Je n'avais donc point
rêvé t. J'avais donc été transporté de Grenelle
à Vienne par une main mystérieuse, par un pou-
voir magique qui en même temps m'avait rendu
impalpable et invincible ?. Je n'étais donc pas
le jouet d'une simple hallucination, j'étais bel et
bien le héros d'une histoire fantastique. Il y
avait des êtres extra ou supra-humains à mon
service. à moins cependant que je ne fusse leur
I victime
Ces choses-là causent un plaisir qui ne va pas
sans trouble. Je me rendis immédiatement chez
mon ami le docteur Frick, savant honorable, au-
jourd hui décédé, qui passait alors pour un des
premiers physiologistes de Paris, et je lui contai
mon histoire, avec document à l'appui. Il m'é-
couta, lut la dépêche du journal, et me dit avec
un sérieux qui m'étonna
Il n'y a pas la moindre doute, mon cher
Dambreuse, c'est une sortie du corps astral.
Hein, vous dites ?.
Ah oui vous ne savez pas ce que c'est
que le corps astral. Avez-vous entendu parler
du pérsiprit ?
Très vaguement. par des disciples du spi-
rite Allan Kardec.
Eh bien le corps astral et le périsprit c'est
la même chose.
Mais encore.
Diantrb, mon bon ami, pour vous mettre au
courant de la question- il faudrait vous faire une
conférence ou plutôt une série de leçons ration-
nellement graduées. jevais pourtant essayer un
commencement. oh un tout petit commence-
ment d'initiation d'après certains savants ou
certains illuminés, nousaurions, outrenotrecorps
moléculaire, un corps matériel aussi, mais composé
d'une manière subtile, celle qui constitue la lu-
mière des astres.
Ce corps donne la forme à l'autre en le péné-
trant, c'est lui qui anime nos organes visibles et
tangibles, et c'est lui le véritable siège des sensa-
tions. 11 est l'enveloppe immédiate de l'âme. Les
spirites le nomment le périsprit, les théologiens
le corps glorieux c'est sans doute lui que les
philosophes grecs désignaient sous le nom d'âme
sensitive, par opposition à l'âme intellectuelle.
Ce corps astral peut, sous certaine influence, de-
venir visible et lumineux, il peut aussi abandon-
ner momentanément le corps moléculaire, qui
alors devient insensible ou tombe en catalepsie.
Le périsprit, impalpable, ordinairement invi-
sible, fluide, d'une subtilité inouïe, traverse l'es-
pace avec la rapidité de la foudre et peut pénétrer
les corps solides. Il voit, il sent, il éprouve du
plaisir ou de la douleur. Que de traditions, que de
légendes il peut rendre explicables 1 Je ne vous en
dis pas plus long aujourd'hui, mais soyez per-
suadé que le corps astral, dont la science d'au-
jourd'hui affecte de rire, fora beaucoup, beaucoup,
beaucoup parler de lui dans quelques années!
Les phénomènes de télépathie –on appelle télépa-
thie, la perception douloureuse d'un malheur qui
nous intéresse, mais se passe loin de nous ces
phénomènes, dis-je, seront, n'en doutez pas, l'ob-
jet d'expériences et d'études qui transformeront
notre pensée, nos mœurs et nos lois 1
:1:
Les circonstances firent que je ne revis Au-
gusta X. que dix ans après ce que je viens de
raconter. Elle avait épousé, dans l'intervalle, un
pianiste viennois et j'en avais éprouvé nn long et
cruel chagrin.
Tous les chagrins s'atténuent, avec le temps,
et ce fut sans un trouble trop pénible que je re-
vis Augusta dans le monde, il y a quelques an-
nées. Je lui rappelai son accident de Vienne. Elle
tressaillit vivement et me regarda d'un air qui
me fit passer un frisson dans les veines.
Qu'avez-vous donc? lui demandai -je.
Vous me rappelez quelque chose d'étrange,
répondit-elle. Lorsque j'eus cet évanouissement,
advenu après une indisposition nerveuse de quel-
ques jours, je crus vous voir vous avancer vers
moi et me tendre les bras. Je le crus même tel-
lement qu'après avoir repris mes sens je deman-
dai de vos nouvelles et fus toute surprise d'ap-
prendre que vous n'aviez pas quitté Paris.
Simon Boubée
«sg>
s e
Bloc-Notes ~l~
AU CHATEAU DE RAMBOUILLET
M. Félix Faure dédaignant le faste de Fontainebleau
et ses carpes légendaires, va s'installer à Rambouillet
où la chasse plaisir de roi est abondante et su-
perbe.
M. Thiers, qui n'avait pas ces goûts cynégétiques,
avait aussi choisi Rambouillet, en 1872, pour s'y repo-
ser des fatigues d'un gouvernement où il était tout
chef de l'Etat, président du conseil des ministres et
ministre de la guerre, des affaires étrangères et de l'in-
térieur, tant il mettait ses lunettes dans toutes les af-
faires. On le plaisanta un peu de ce choix d'une rési-
dence royale, mais Rambouillet est la plus modeste de
ces résidences, et personne ne reprocha au petit hom-
me nerveux d'y chercher l'air calme et sain de la fo-
rêt.
Le château est un assemblage bizarre de bâtiments
de toutes les époques, vieux donjon, bâtisses sans
style, le tout a l'air d'un vieux château transformé en
ferme. Le château est vide de meubles, vide comme
une grange avant la moisson, et c'est à peine s'il y
reste quelques banquettes, une table et des chaises.
Le garde-meuble aura donc fort à faire pour installer
M. Félix Faure avec le confort et le luxe qu'exigent le
séjour du chef de l'Etat et la visite probable de l'em-
pereur de Russie ou des grands-ducs, pour une journée
de chasse.
Mais s'il n'y avait pas de meubles dans le château,
on pouvait encore y passer des heures à étudier les
admirables boiseries des salons, en bois naturel ou do-
rées sur blanc. Le musée des arts décoratifs en a pris
la copie, car c'est une des merveilles de l'art.
L'histoire de Rambouillet est des plus curieuses, et,
s'il faut le dire, cette maison ne semble pas porter bon-
heur c'est là qu'est mort François Ier dans une cham-
bre mansardée, à l'écart, comme un pestiféré, refusant
tous autres soins que ceux de son valet de chambre et
de son hôte, Charles d'Angennes. C'est de là que le duc
de Penthièvre a emmené à Dreux huit cercueils renfer-
mant les restes de ses enfants, dont un seul survivait,
la duchesse d'Orléans. Après Waterloo, c'est à Ram-
bouillet que Napoléon 1er fait sa première étape sur la
route de l'exil, et c'est aussi pour Charles X la pre-
mière étape de l'exil.
La famille d'Angennes a possédé Rambouillet depuis
le règne de Charles VI jusqu'à celui de Louis XIV. Re-
gnault d'Angennes, qui acheta le domaine et I'agran-
dit, était écuyer de C.ia.-ies VI et l'un de ses plus fidè-
les serviteurs. Tout autre fut son fils, Jean d'Angennes,
qui, étant gouverneur de Cherbourg et assiégé par les
Anglais, leur vendit la place moyennant une somme
considérable et un sauf-conduit temporaire pour vivre
parmi eux. A l'expiration du temps fixé par le sauf-
conduit, fut arrêté et décapité.
La trahison était justement punie, dira-t-on.
Ce serait mal connaître les Anglais. Il s'agissait sim-
plement de reprendre l'argent I
Le fils du traître racheta les fautes du père en com-
battant vaillamment à côté de ChaVles VII et de Jeanne
d'Arc.
Plus tard nous trouvons Charles d'Angennes, dit !e
cardinal de Rambouillet, évêque du Mans, une des lu-
mières du concile de Trente,et que Sixte-Quint nomma
gouverneur de Corneto, avec mission de réformer de
criants abus. Le Français intrépide réforma si bien qu'il
mourut empoisonné.
Nous avons dit comment François 1er mourut à
Rambouillet, mais parmi les fastes tristes de la maison,
nous avons oublié Catherine de Médicis venant atten-
dre avec Charles IX, à Rambouillet, en i562, le résul-
tat de la bataille de Dreux, et, en i588, Henri III ve-
nant s'y réfugier après la journée des Barricades. « II y
coucha tout botté », dit le Journal de l'Estoile. En
quittant Paris, son dernier mot avait été
Ville ingrate je t'ai plus aimé que ma femme 1
Mais nous voici au règne de Louis XIII. Charles
d'Angennes, marquis de Rambouillet, "est le dernier de
son nom. Il a perdu ses trois fils, et il lui reste quatre
filles dont deux ont pris le voile. Julie, l'aînée, est la
célèbre et belle fiancée du duc de Montausier, à qui
fut dédiée la Guirlande de Julie, ouvrage unique, ma-
nuscrit sans égal où chaque pièce de vers dédiée à la
gloire de Julie, et signée d'un des poètes du temps, est
enguirlandée de fleurs. Ce livre appartient aujourd'hui
à la duchesse d'Uzès, par le fait du mariage de la fille
unique du duc de Montàusieravec le comte de Crussol,
fils du duc d'Uzès. Rambouillet passait peu à près dans 51
la maison d'Uzès.
Julie d'Angennes n'épousa le duc de Montausier
qu'après quatorze années de fiançailles et de marivau.
dage galant. Encore fallut-il l'intervention de la Reine
pour faire cesser ce jeu. Julie avait trente-huit ans t
elle céda.
Son autre sœur fit moins de bruit: elle épousa le
comte de Grignan, mourut en 1664, et fut remplacés
par la fille de la marquise de Sévigné.
Mais n'oublions pas la mère de Julie, Catherine
de Vivonne, la belle et précieuse marquise de Ram.
bouillet, qui fit de ce château la Cour des muses
et l'Académie du beau langage. La critique des Pré-
cieuses ridicules a fait disparaître ce qu'il y avait d'af-
féterie dans ce langage, mais la chambre bleue de Ram-
bouillet, où passèrent Voiture, Ménage, Vaugelas, Ra-
can, Malherbe, Chapelain, Balzac, Benserade, Corneille,
La Fontaine, Fléchier, Bossuet, et aussi un petit poète,
Armand Duplessis, qui plus tard devint le cardinal de
Richelieu, exerça une grande influence sur notre lan-
gue et jusque sur l'orthographe.
Si nous ne disons plus « l'aimable éclairant » pour
« le soleil », et « l'affronteur des temps » pour désigner
un chapeau, ou « les commodités de la conversation »
pour « un fauteuil », en revanche nous disons encore:
« Les bras m'en tombent » comme les Précieuses, el
nous écrivons « le roi », et non «1ère». Corneille t
écrit
Moi, dis-je, et c'est assez!
Et non
Mé, dis-je, et c'est assez
Nous écrivons enfin comme les Précieuses, tête,
prône et auteur, au lieu de teste, prosne et autheur.
Voiture était le grand-maître de cette académie, et
c'est lui qui dirigeait les séances du jardin où l'on
jouait aux nymphes ou aux muses du Parnasse, ave:
des costumes de circonstance.
La marquise de Rambouillet mourut oubliée,en i665,
à l'âge de quatre-vingt-deux ans, et cette femme, qu'on
avait cru si heureuse, fit elle-même son épitaphe, dont
voici les derniers vers
Et si tu veux, passant, compter tous ses malheurs,
Ta n'auras qu'à compter les moments de sa vie.
Rambouillet, acheté en 1699, au duc d'Uzès, par M,
d'Armenonville, directeur général des finances, est
vendu de nouveau, en 1706, au comte de Toulouse,
fils légitimé de Louis XIV; le comte de Toulouse
laisse le domaine à son fils, le duc de Penthièvre, et
celui-ci le cède à Louis XVI, en 1783, au prix de seize
millions.
Le long séjour du duc de Penthièvre à Rambouillet
se signala par des libéralités sans nombre. Il n'y avait
plus de pauvre dans la région le duc donnait large-
ment avec une discrétion telle que même sa maison
l'ignorait, et avec tant de plaisir qu'il disait merci à
ceux qui acceptaient. Nulle âme ne fut plus tendre,
plus souriante à tous, ni plus empreinte de délicatesse
et de modestie. Florian était son secrétaire et c'était à
qui découvrirait et secourrait le premier une infortune
inconnue. Parfois, cherchant à se devancer, ils se ren-
contraient au chevet d'un malade un sourire était tout
le triomphe du premier arrivé et toute l'amertume du
second, et c'était double bénéfice pour le malheureux.
Une nuit, Louis XV, surpris par l'obscurité à la
chasse et sentant la faim, alla frapper à la porte de
Rambouillet, escorté de nombreux gentilshommes,
mais n'osant pas amener Mme Dubarry, qu'on laissa
sans souper au château de Saint-Hubert. Le duc appa-
rut à ses visiteurs en costume de cuisinier. Il s'excusa;
il surveillait lui-même la cuisine de ses pauvres
soupe et ragoût de mouton.
Parbleu, dit Louis XV, nous nous invitons, mon
cousin, à la table de vos pauvres.
Ils soupèrent ainsi, et l'histoire ne dit pas de quoi
soupa Mme Dubarry, à qui l'on avait promis de rap-
porter une pièce froide.
:IF
Louis XVI installa à Rambouillet la laiterie de la
Reine, mais déjà voici les jours sombres. La Conven-
tion confisque Rambouillet et, quelques années plus
tard, Napoléon I«r rend au château son ancienne splen-
deur. Il y donne des fêtes, et l'on y fait venir, un jour,
les artistes de l'Opéra.
Il faut les récompenser de leur dérangement, dit
l'Empereur au ministre de l'intérieur.
A quelque temps de là, voulant donner la même fête
à Fontainebleau, il demanda à son ministre:
A propos, qu'avez-vous envoyé aux artistes d«
l'Opéra, pour la fête de Rambouillet?
Des livres, sire.
Des livres! dit l'Empereur, vous voulez dire des
livres tournois
Non, sire, de beaux livres reliés et dorés sur
tranche, des ouvrages de littérature.
Eh bien, monsieur le ministre, une autre fois,
vous les paierez en francs et non en livres!
Napoléon III ne venait guère à Rambouillet quepour
les chasses, et la chasse était pour lui,comme pour son
oncle, un devoir professionnel plutôt qu'un plaisir.
Cela faisait partie de l'étiquette en quelque sorte, et il
fallait subir cet entraînement. en pensant à autre
chose.
Napoléon Ier; lui, ne se gênait pas pour dépister la
chasse, s'en aller tout seul d'un autre côté et obliger
ainsi ses veneurs à des tours de force pour ramener la
chasse de son côté.
Depuis la république, Rambouillet n'est plus qu'un
pavillon de chasse pour nos présidents. Le maréchal
adorait la chas.se, M. Grévy l'aimait en tireur à gibe-
cière et en guêtres, M. Carnot ne l'aimait pas et tirait
dans les jambes du général Brugère en visant un lièvre,
M. Casimir-Perier n'a pas eu le temps de beaucoup
chasser, et M. FéMx Faure va nous montrer comment
il entend faire figure à Rambouillet.
« Faire figure », encore une expression des Précieu-
ses. C'est l'endroit qui le veut.
Espérons que « l'aimable éclairant » ne lui fera pas
défaut en cette saison pluvieuse, et qu'il n'en sera pas
réduit aux « commodités de la conversation » I
Tout-Paris
LES
Concessions t Madagascar
Par M. Charles Dutreil
On fait grand bruit autour des concessions ac-
cordées à Madagascar par notre résident général,
et on a pu lire ici même des détails circonstan-
ciés à ce sujet. Une question se pose tout natu<
Tellement A qui appartient le droit souverain
de disposer des concessions dans la grande île
malgache ? Est-ce à la reine Ranavalo ? Est-ce au
gouvernement français ? `?
Jusqu'au mois d'août dernier, époque à la-
quelle a été promulguée la loi votée en juin par
le Parlement, les concessions étaient délivrées
par la Reine, et simplement soumises au visa du
résident général. Mais le Parlement français
ayant déclaré l'île de Madagascar française, au
gouvernement de la Reine se trouve tout naturel*
80» Année. 3* Série. N° 5419
LUNDI 7 SEPTEMBRE 1898
ARTHUR MEYER
Directeur
RÉDACTION
I>S QTJATRK HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATM
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens
ABONNEMENTS
Paris et départements
Un mois 5 fr. [ Six mois 27 fr.
Trois mois. 13 50 | Un an 54 fr.
Etranger
Trois mois (Union postale) 16 fr.
Les manuscrits ne sont pas rendus
ARTHUR ffflEYER
Directeur
ADMINISTRATION
RENSEIGNEMENTS
ABONNEMENTS, PETITES ANNONCES
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italien»)
• ANNONCES
MM. CH. LAGRANGE, CERF & O
6, PLACE DE LA BOURSE, 6
Et à l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rendus
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
SOMMAIRE
Mondanités.
L'expulsion des socialistes allemands Bebel et
Bueb.
La fin du monde.
Seconde journée du Tsar à Breslau.
Les manœuvres d'armée du Sud-Ouest.
Election sénatoriale du Gers.
A l'extérieur: En Efepagne.
Dans le Médoc.
Feuilleton: « Joies d'amour », par Gyp.
SUR LA ROUTE
Les cyclistes se plaignent amèrement de l'état
des routes, et de tous les côtés ils pétitionnent.
° ïls ont raison. Tout le monde devrait se plaindre
avec eux et pétitionner sans relâche, bien que les
pétitions soient des moyens notoirement platoni-
ques et qu'elles n'aient jamais servi à autre chose
qu'à grossir les dossiers et accumuler les pape-
tasses dans les tiroirs de l'Etat.
Des tiroirs profonds comme des tombeaux.
Pour obtenir de l'Etat quoi que ce soit, ce n'est
bas du papier, même noirci de dolentes signatu-
res et de protestations pleurardes, qu'il faudrait
envoyer. Il faut quelque chose de plus violent, à
quoi dans ce journal, si plein des traditions con-
servatrices, je ne voudrais encourager personne,
bien qu'il soit depuis longtemps constaté et
combien douloureusement que l'Etat ne cède
jamais aux prières et qu'il n'obéit qu'aux mena-
ces. Mais n& philosophons pas et revenons à nés
̃ toutes, qui sont actuellement l'objet de tant de
récriminations.
Elles justifient tout le mal que l'on dit d'elles,
et même elles le dépassent. On ne les avait ja-
jmais vues dans un si honteux abandon.
Je ne veux parler ici que de notre département
de Seine-et-Oise, lequel est, à ce que l'on pré-
tend, le mieux pourvu de belles vicinalités. On
.peut alors se demander ce que doivent être les
autres, et quel effrayant problème va se dresser
devant nous et se joindre à ceux qui nous an-
goissent déjà le problème de la circulation.
A part une ou deux routes qui conduisent à
t'opulente demeure de quelque important person-
nage de notre république, les autres, dans le beau
département de Seine-et-Oise, si habité, si visité,
sont devenues à peu près impraticables, même
pux piétons. Ce sont, partout, d'affreuses fon-
drières où l'eau stagne, des abîmes qui se creu-
sent, de plus en plus, ou bien des pierres qui hé-'
rissent au-dessus du sol leurs pointes mortelles.
Les voitures, les braves et imprudentes voitures
qui osent s'y aventurer, n'en peuvent plus sortir
les ressorts se cassent, les essieux se rompent,
les jantes des roues sautent, les chevaux s'y bri-
sent les genoux et les gens la tête. Je sais des
paysannes qui ont dû renoncer à porter leurs
ceufs au marché, parce que, grâce aux ressauts
et cahots, ils arrivaient toujours à l'état d'ome-
lette prématurée. Les bicyclettes, moins lourdes
que les voitures, mais plus fragiles, s'y dislo-
quent, y dérapent à chaque instant, et ce sport
charmant y devient une fatigue pénible, autant
«u'un danger. .̃̃>•.̃
Notez qu'en bien des endroits, et sur la lon-
gueur de plusieurs lieues, les routes sont encore
pavées de ces pavés infâmes et barbares aux-
quels, par un respect historique vraiment exa-
géré et qu'on ne lui demandait pas, l'administra-
tion républicaine n'a pas voulu toucher depuis
jLouis XIV. Pourquoi ne les classe-t-on pas tout
de suite parmi les monuments historiques ? Il y
ja des inspecteurs des beaux-arts qui ne savent
quoi inspecter et pour qui une inspection men-
suelle si dérisoire qu'elle soit des routes
historiques, serait au moins, je ne dis pas la jus-
tification, mais une sorte d'excuse de leur émar-
gement budgétaire.
Pour comble de malechance, c'est toujours aux
'̃•̃+ époques où les routes sont le plus fréquentées,
au moment des vacances, par exemple, ou à celui
des récoltes que, par une incomparable stupidité,
l'administration se décide enfin à d'illusoires ré-
fections. Voici comment elle procède elle em-
pêchetout à fait la circulation sur des parcours
de plusieurs kilomètres, en couvrant la route de
cailloux qui, pendant quinze jours, attendent
l'écraseuse. Alors ce qui n'était, qu'un embarras
pénible, sans doute, mais non invincible, devient,
de ce fait, un infranchissable obstacle. Au lieu
a'empierrer la chaussée au fur et à mesure des
besoins, on préfère bloquer les villages, les fer-
mes, les propriétés, obliger les voyageurs à faire
des détours, souvent onéreux/toujours tyranni-
ques et gênants, en empierrant d'un coup ce que
l'on pourrait empierrer partiellement. Nul souci
du contribuable, de ses intérêts, de ses affaires,
tle son repos. Avec un peu de bonne volonté, une
répartition judicieuse dans le travail, il serait fa-
cile d'éviter ces incommodités, ces tracasseries.
On les accumule comme à plaisir. Non seule-
ment il faut que le contribuable paie de son ar-
gent les bêtises de l'administration, mais il faut
̃ qu'il soit, par surcroît, « embêté » de toutes les
façons.
Cependant l'écraseuse arrive, car tout arrive,
et elle se prépare à écraser avec une sage et mé-
thodique lenteur. Enfin, elle écrase Mais elle
n'écrase que sur des longueurs de cent mètres à
la fois. Souvent l'eau manque, faute d'une équipe
suffisante, et faute aussi de matériel. Mille inci-
dents, nés de l'imprévoyance, conspirent pour
retarder l'opération, qui s'éternise, avec les bruits
énervants et tous les inconvénients qu'elle com-
porte.
Si encore on les réparait, les routes Ah I bien
oui Ce qu'on a fait, c'est de déplacer les fon-
drières anciennes et d'en préparer de nouvelles.
Là où il fallait cent mètres de cailloux, on en a
mis dix, par exemple; c'est-à-dire que les chaus-
sées sont un peu plus plates, au milieu l'eau
des pluies, au lieu de s'égoutter, y demeure,-
creuse de plus profondes ornières. Huit jours
après tout ce fracas, les routes sont un peu plus
mauvaises qu'avant, et tout recommence (voir
plus haut). -̃•.̃••.
Je connais un petit pays où sont d'importantes
plâtrières. Ce pays est spécialement favorisé, au
point qu'il est devenu inabordable. Les routes qui 1
le traversent ressemblent à des travaux de dé-
fense nationale. Pourvu que cela dure encore quel- (
que temps, le facteur lui-même ne pourra plus t
pénétrer dans ce malheureux village, car le blo- j
eus sera complet et définitif. (
Qu'est-ce que vous voulez ? explique l'agent
voyer. C'est la faute au plâtre. j
C'est que, en effet, il ne suffit pas de fabriquer
le plâtre, il faut le transporter, car le plâtre se
yend comme toutes choses et ne se consomme pas
sur place. De plus, il est fort lourd et il exige de
bonnes routes. r
Depuis quatre ans, les habitants de cette com- x
mune adressent pétition sur pétition, demandant
qu'on refasse les routes, trop défoncées pour de
tels et continuels charrois. Nulle réponse. Le J
préfet n'est jamais là. L'hiver il est à Paris; l'été ̃*
à la mer ou dans la montagne. Et les bureaux d
sommeillent. Quant à l'administration des ponts e
et chaussées, elle est occupée à se battre avec g
une autre administration de l'Etat, sur le dos d
du bon contribuable. Elle ne saurait se déran- r
ger.
Enfin, un jour, le maire est mandé à la pré- t
lecture. Par extraordinaire, et pour cette fois 'A
seulement, le préfet a bien voulu consentir, étant 1
de passage chez lui, à s'occuper des affaires de n
son département, entre deux trains. n
Je n'ai jamais vu des habitants aussi en- n
nuyeux que les vôtres, monsieur le maire, dit ce o
fonctionnaire enragé de tourisme parisien et de o
Villégiatures lointaines. que veulent-ils encore ? 9 ti
̃ Ils veulent des routes, répond le maire. e:
Nous sommes bloqués. On ne peut plus arriver
chez nous.
Mais, est-ce qu'il n'y a pas des plâtrières,
chez voua ?
Sans doute Et voilà le grand malheur!
Le mauvais état des routes cause des préjudices
coGsidérable&tà cette industrie,, dpnt le pays vit.
Vous vivez du plâtre, monsieur le maire f
ricane spirituellement le préfet. C'est très mau-
vais pour la goutte Vous devriez essayer d'un
autre régime. Quant à vos routes, je n'y-peux
rien. Vos charrois les défoncent, et, en bonne
administration, on ne peut passer son temps à
les refaire.
Et il le congédie.
$
C'est une abominable incurie qui rend de plus
en plus difficiles les relations sociales. Nous
payons cependant assez d'impôts pour exiger que
nos routes favorisent, étendent et développent la
circulation de nos personnes et de nos denrées,
au lieu de l'empêcher. Les routes sont pour un
pays ce que le système vasculaire est pour le
corps humain la source de toute vie. Si la vas-
cularité est troublée, le corps dépérit; si les rou-
tes sont mal entretenues, le pays souffre. Que
diriez-vous d'un médecin qui, pour faire circuler
le sang d'un malade, accumulerait un poids de
cent kilos sur ses artères et sur ses veines ?. Eh
bien I c'est ce que fait le gouvernement pour nos
routes, qui sont les veines et les artères du corps
social.
Depuis quinze ans, les routes de France sont
à peu près délaissées. On ne les entretient plus,
ou à peine. Les budgets, d'ailleurs insuffisants,
qui leur étaient attribués ont été chaque année
diminués. Et encore n'emploie-t-on pas toujours
à la création et à la réfection des routes le déri-
soire argent qu'on a bien voulu leur laisser et
qui, par de subtils et coupables virements, va se
perdre dans l'immense gouffre des administra-
tions concurrentes., k>
On m'a dit que, sous l'Empire, les routes
étaient admirables, et que c'était grande joie et
grand profit de circuler. Puisque le gouverne-
ment tient tant à ressembler à l'Empire, il devrait
aussi lui ressembler en ce qu'il avait de bon,
quelquefois.
Octave Mirbeau
4».
Ce qui se passe
GAULOIS-GUIDE
Aujourd'hui
Courses à Vincennes.
LA POLITIQUE
LA. SURENCHÈRE
Après M. Trarieux, M. Darlan constate, non
sans mélancolie, les divisions profondes qui sé-
parent en groupes ennemis les uns des autres ce
que fut autrefois le grand parti républicain.
Le mal qui nous ronge, le mal qui nous détruit,
c'est « la surenchère, cette tactique trop souvent
adoptée, qui, pour donner à quelques-uns la vaine
satisfaction d'être considérés comme plus avan-
cés que les autres, stérilise les efforts de tous. »
M. Darlan étant ministre estime que tout est
au mieux, et naturellement il ne peut compren-
dre que ses collègues du Parlement ne se tiennent
pas pas pour aussi satisfait qu'il l'est lui-
même.
Malheureusement, le régime parlementaire tel
qu'on le pratique aujourd'hui, ne peut être qu'une
course aux portefeuilles les gagnants ont beau
crier sur tous les toits que l'épreuve est terminée,
et surtout qu'ils n'entendent pas lâcher le record,
les « inscrits » lont la sourde oreille.
Le pouvoir qui plaît à M. Darlan les tente éga-
lement, et la concentration qui fixe le gouverne-
ment entre les mains de quelques individualités
en quelque sorte inamovibles, n'est point pour
les séduire.
Ils veulent à leur tour aborder à la terre pro-
mise, et quelque joie qu'ils éprouvent à contem-
pler M. Darlan sous la simarre de d'Aguesseau,
ils surenchériront jusqu'à ce qu'ils aient rem-
placé ses collègues et lui-même.
Ce jour-là, ils feront appel à l'union de tous les
républicains, prêcheront l'apaisement, recom-
manderont la concorde, et nous verrons M. Dar-
lan placer à son tour discrètement de menus bâ-
tons dans les roues du char de l'Etat. L. Des-
moulins.
ÉCHOS DE PARIS
Les ministres se réuniront demain, au grand
complet, à l'Elysée, pour arrêter les dispositions
définitives que comporte la réception de l'empe-
reur et de l'impératrice de Russie. La plus
grande partie de la séance sera consacrée à cet
objet. S'il leur reste un peu de temps, nos gou-
vernants causeront politique.
Un manuscrit impérial.
Demain 8 septembre aura lieu l'anniversaire
de la prise de Sébastopol. Ce souvenir peut être
évoqué aussi bien à l'honneur des armes russes
que des armes françaises. On sait quelle vail-
lance fut déployée des deux côtés pendant ce
siège mémorable, et le général Saussier a pu
prononcer, à la Madeleine, cette parole exacte
« A Sébastopol, il n'y a eu ni vainqueurs ni
vaincus ».
Les Russes pensent ainsi, car on célèbre en
Russie l'anniversaire de Sébastopol comme celui
d'un jour glorieux malgré la défaite. Au musée
historique de cette ville, c'est avec orgueil, d'ail-
leurs légitime, que l'on entasse des souvenirs
nombreux sur le siège fameux.
L'une des pièces les plus curieuses de la col-
lection est un volumineux manuscrit de la main
même du tsar Alexandre III,et qui est le recueil,
sous ce titre Souvenirs de Sébastopol, de tous
les récits ou légendes, émanant des personnalités
les plus diverses, que le Tsar a pu réunir sur les
incidents du siège.
Alors qu'il était encore grand-duc, Alexan-
dre III fit demander par la voie de la presse, à
tous ceux qui avaient assisté au siège, et qui pou-
vaient en conter quelque épisode, de lui adresser
leurs notes. Il les dépouilla, rédigea lui-même
les récits, et le manuscrit qui les contient fut
offert par lui en hommage au musée de Sébas-
topol.
Il y a là non seulement des narrations d'offi-
ciers, mais encore de simples soldats, de chirur-
giens, de sœurs de charité, de simples particu-
liers, et l'ensemble est d'un réel intérêt histori-
que et psychologique.
Ce manuscrit impérial n'a jamais été publié en
Russie. Mais, par autorisation spéciale du Tsar,
il a été traduit et publié en français.
PARADOXES ET VÉRITÉS
Les lois ressemblent aux toiles d'araignées qui n'ar-
rêtent que les mouches.
Solon
Que ce ne soit pas un verre de sang qu'ait bu
Mlle de Sombreuil, en septembre 1792, pour sau-
ver les jours de son père,- que l'échafaud atten-
dait, en même temps que son fils aîné; Stanislas,
en 1794, le fait paraît très vraisemblable. Il s'a-
gissait, comme nous l'avons dit hier, d'un verre
de vin souillé par les mains sanglantes des bour-
reaux.-
L'impression n'en était pas moins demeurée
très vive chez la fille du marquis de Sombreuil.
Après son père et son frère aîné, privée encore, en
1795, de son second frère, Charles, fusillé à Van-
nes par les ordres de Tallien, et mariée, en Alle-
magne, à M. de Villelume, ex-capitaine au régi-
ment de Flandre, elle rentra en France, en 1814,
où elle résida d'abord à Limoges, puis à Avignon,
où son mari avait été nommé, par la Restaura-
tion, gouverneur des Invalides et où elle mourut
en 1823, à l'âge de quarante-neuf ans.
C'est là que le comte Armand de Pontmartin,
encore enfant, qui la connut et fut mené plusieurs
fois chez elle par sa mère, la comtesse de Pont-
martin, née de Cambis d'Orsan, nota un trait cu-
rieux qu'il nous a souvent raconté. A la table de
l'héroïne du 3 septembre 1792, on ne servait ja-
mais d'autre vin que du vin blanc.
Nous avons dit que Delacroix avait peint au
plafond de la galerie d'Apollon, au Louvre, une
femme dont les traits étaient ceux de Mme Ma-
jesté, célèbre alors par sa beauté.
Le fait est exact, mais Mme Majesté n'était pas
la fille du père Porcher, chef de claque à l'Opéra.
Elle était la troisième fille du docteur Vignar-
donne, qui avait été le médecin de Louis Bona-
parte, roi de Hollande, et habitait rue de la Chai-
se, où il recevait nombre de célébrités. Il était
l'ami de Gros, de Pradier et du docteur Double,
qui appréciaient son esprit fin et éclairé.
L'aînée de ses filles épousa le docteur Caron,
la seconde M. Martin, et la troisième M. Majesté,
qui fut le coifleur de Napoléon III et dont le sa-
lon d« coiffure, au palais Royal, était fréquenté
par les personnalités les plus importantes de tous
les partis. On rencontrait chez lui le prince Na-
poléon lui-même, le duc de Persigny, le duc de
Bassano, le maréchal Canrobert, avec ses che-
veux bouclés, M. Haussmann, M. Grévy, M.
Fould, Alexandre Dumas, Anatole de La Forge,
Sainte-Beuve, etc.
Gros aussi a peint Mme Majesté, alors qu'elle
n'avait que dix-sept ans, dans son tableau de
la Grèce implorant la France. Pradier a pris
sa sœur, Mme Martin, fort belle aussi, pour mo-
dèle de sa statue de Strasbourg, place de la Con-
corde. '̃"̃-
Mme Martin ne s'attendait certainement pas à
tant d'hommages 1
Mme Majesté est morte en 1894, à l'âge de
soixante-quinze ans, laissant un fils qui a été un
brillant officier.
La rue des Belles-Feuilles et l'avenue Bu-
geaud.
Le quartier de la Pompe, à Passy, où se trou-
vaient autrefois de profondes carrières de sable
et de pierres, et qui faisait partie du bois de Bou-
logne, se transforme de jour en jour.
Au numéro 79 de la rua des Belles-Feuilles
était il y a peu de temps la maison italienne de
la marquise de Tamisier, morte il y a deux ans.
Cette villa, où, selon la mode italienne, il n'y
avait pas de cheminées, toutes les conduites de
chaleur venant aboutir dans une chambre dite
« chambre à fumée », située au haut de la mai-
son, vient d'être démolie.
Le domaine, d'une superficie d'environ 20,000
mètres, a été divisé en deux lots le premier a
été acquis par M. Menier, le grand industriel, qui
se propose, dit-on, d'y faire édifier des maisons
de rapport, et le second par M. Lesueur, l'archi-
tecte bien connu, qui construit en ce moment un
fort joli pavillon rue des Belles-Feuilles, près du
rond-point Bugeaud, pour le marquis de Tami-
sier, fils de la défunte marquise.
A la place où est aujourd'hui la rue des Belles-
Feuilles, on voyait encore en 1870 de vastes
champs d'avoine.
"La plus grande partie de ces terrains, où plu-
sieurs rues ont été percées, appartenaient à Mlle
Dosne, belle-sœur de M. Thiers.
A l'origine, ils furent vendus un franc le mè-
tre. MM. Menïer et Lesueur s'en sont rendus ac-
quéreurs au prix de deux cent cinquante francs
le mètre..
̃- ̃
On parle également du prolongement de la rue
Spontini à travers ces terrains.
On fait de grands travaux de réfection dans les
appartements du directeur de la « Fondation
Thiers », située à l'encoignure de la rue des Bel-
les-Feuilles, rond-point Bugeaud. M. Girard,
membre de l'Institut, qui vient d'être nommé di-
recteur de cet établissement, en remplacement de
M. Hauréau, récemment décédé, s'y installera le
15 de ce mois.
Mlle Dosne qui possède encore l'immense parc
contigu à la « Fondation Thiers » et dont les jar-
dins ne sont séparés que par un treillage, fait
construire un magnifique hôtel et de grandes écu-
curies, car Mlle Dosne est grand amateur de
beaux chevaux.
Elle rend de fréquentes visites à la « Fondation
Thiers », et comme son hôtel de la place Saint-
Georges est trop éloigné du rond-point Bugeaud,
elle s'occupe de s'en rapprocher.
On sait que la « Fondation Thiers», entretenue
par un legs de l'ancien président de la républi-
que, compte quinze élèves étudiant l'économie
politique. A la mort de Mlle Dosne, aujourd'hui
âgée de soixante-douze ans, cette fondation fera
retour à l'Etat.
Bushey-House, la résidence historique et
seigneuriale de feu le duc de Nemours, en An-
gleterre, est devenue depuis la semaine der-
nière, la propriété d'un personnage également
illustre, le duc d'York, futur souverain de la
Grande-Bretagne. Le château, situé dans la ra-
vissante vallée de la Tamise, à quelques kilo-
mètres seulement de Windsor, fut habité succes-
sivement par le roi Guillaume IV, alors qu'il
n'était que duc de Clarence, par son frère le
duc de Sussex, par la reine Amélie et enfin par
le duc de Nemours, dont la femme était, comme
on sait, cousine du Prince-Consort.
Les relations du duc de Nemours et de la sou-
veraine de la Grande-Bretagne, furent toujours
des plus cordiales, comme le témoignèrent dans
la suite, les fréquentes visites du prince et de la
princesse Blanche d'Orléans, à Windsor.
M. Chaplain, désigné pour exécuter le modèle
de la médaille qu'on frappera en l'honneur de Ni-
colas II, est, parait-il, fort embarrassé. Il doit, en
effet, dessiner de profil Nicolas II et l'impératrice
Alexandra, et il n'existe pas de portrait des sou-
verains dans cette attitude.
L'artiste n'a à sa disposition qu'une pièce de
monnaie russe, d'ailleurs frappée à Paris, et on
lui a dit que Nicolas II n'était pas ressemblant.
Que M. Chaplain se rassure le profil de l'Empe-
reur est bien celui de la pièce de monnaie, peut-
être un peu épais, mais la ressemblance est frap-
pante.
Si l'artiste attend des photographies russes des
souverains, il risque fort d'attendre longtemps
les seuls portraits qui existent ont été presque
tous faits v en reproduction », et ils sont très
mauvais. Dans tous les cas, il n'en existe pas où
Nicolas II et l'impératrice Alexandra soient re-
présentés de profil.
Quant à poser devant l'objectif, l'Empereur ne.
s'y prête guère. Espérons, cependant, qu'il fera
une exception en faveur de la France, qui désire
lui offrir une médaille vraiment digne de lui.
L'industrie du billard a pris dans ces dernières
années une très grande extension, il faut bien le
dire, grâce aux multiples perfectionnements qu'y
a apportés la Société Saint-Martin-Palisson.
Cette Société, d*ont il convient de louer l'intel-
ligente initiative, vient d'ailleurs d'installer ses
magasins, éclairés à l'électricité et agencés avec
un goût exquis, au n° 66 de la rue de Bondy.
Voilà une adresse que tous les amateurs de bil-
lard ne tarderont pas à connaître.
NOUVELLES A LA MAIN
Un jeune médecin, tout récemment installé
dans une petite ville de province, reçoit la visite
d'un monsieur très correctement vêtu
Docteur, fait ce dernier, vous serait-il
agréable de renouveler le traité que votre prédé-
cesseur avait passé avec moi ?. Je lui donnais
une commission fixe par client qu'il m'envoyait.
Ah vous êtes le pharmacien ? R
Non! L'administrateur des Pompes fu-
nèbres 1
Un Domino
LA PAIX
Enfin, la paix est signée
Les hautes parties contractantes, après s'être
menacées de la voix et du geste, étaient au point
d'en venir aux mains quand une sage inspiration
les conduisit à solliciter l'arbitrage dé* S. Exc.
M. Rambaud, ministre de l'instruction publique
de la république française.
Aujourd'hui, grâce à cet arbitrage, la paix est
signée. C'est un grand succès pour notre diplo-
matie.
Voici la copie du traité intervenu entre les
hautes parties contractantes
Entre les hautes parties contractantes
S. M. Coquelin-Constant, empereur de toutes les
portes Saint-Martin
Et S. Exe. M. Jules Claretie, stathouder des Comé-
diens-Français réunis,
II aëtë convenu et arrêté ce qui suit
Article premier. L'état de paix et de bonne ami-
tié succède à l'état de guerre entre les hautes parties
contractantes.
Art. II. S. M. l'Empereur et S. Exe. le stathouder
s'engagent à ramener leurs troupes en deçàet au delà
de la rue Richelieu, qui sera convertie en territoire
neutre.
Art. III. Le territoire de la Porte-Saint-Martin
proprement dite, ainsi que ses dépendances, est dé-
claré terre de l'empire et servirade résidence à S. M.
l'Empereur.
Art. IV. S. M. l'Empereur de toutes les portes
Saint-Martin s'engage à verser entre les mains de
S. Exc. lo stathouder des Comédiens-Français réunis
une contribution de guerre de 100,000 francs (cent
mille francs), moyennant laquelle S. Exe. le stathou-
der s'engage à faire tous les ans une reprise de Char-
les VII chez ses grands vassaux. S. M. l'Empereur
s'engage, de son côté, à. faire représenter, chaque hi-
ver, sur le théâtre de la Cour, un mélodrame de
d'Ennery.
Art. V. Au bout de trois années, S. M. l'Empe-
reur rentrera en possession du montant de cette in-
demnité, et il ira tenir garnison sur le théâtre même
de la lutte, en plein foyer de résistance et des artis-
tes.
Art. VI. S. Exc. le stathouder s'engage à faire
bon accueil â S. A. I. l'archiduc Jean, fils de S. M.
l'Empereur et prince héritier.
Art. VII. Tous les sujets de Sa Majesté impé-
riale, habitant sur le territoire da la Porte-Saint-Mar-
tin ou sur ses dépendances, auront la vie sauve.
Leurs biens et leurs rôles seront respectés.
Art. VIII. S. M. l'Empereur confère à S. Exe.
le slathoudeiv le grand cordon de l'Ordre ministériel,
et le nomme colonel honoraire du régiment des hus-
sards menton-bleu..
Art. IX. S. Exe. le Stathouder confère à S. M.
l'Empereur le grand cordon de Saint-Frusquin, et le
nomme colonel honoraire du régiment des chasseurs
Part-Entière.
Art. X. S. Exc. le Stathouder deyient le « bon
cousin » de S. M. l'Empereur, et S. M. l'Emperenr de-
vient le « bon frère et ami » do S. Exc. le Stathou-
der.
Fait à Paris, le 4 septembre 1856.
COQTJKr.tK-CONSTA.NT, JULES CLARKTIE,
Empereur. Stathouder.
Ramjbaud, Le secrétaire du protocole
Arbitre-Expert. Brioché.
TÉLÉPATHIE
On causait de périsprit, de corps astral,
d'extériorisation de la force motrice, de télépa-
thie et autres questions similaires, fort à la mode
dans ces derniers temps.
Voici l'histoire que raconta le jeune peintre
Raoul Dambreuse, nature impressive et ner-
veuse, peut-être quelque peu déséquilibrée
mais fort honnête homme et incapable d'une in-
vention mensongère.
̃̃' ••
C'était en 1878, l'année de l'Exposition,
j'avais alors vingt-deux ans, et j'étais fort amou-
reux en tout bien, tout honneur de Mlle
Augusta X. fille d'un ténor célèbre et elle-
même cantatrice d'avenir.
En ce moment, elle se trouvait à Vienne, où un
riche financier. M. H. O. donnait l'hospitalité
à elle et à sa famille.
Un soir, à dîner, chez le comte de R. rue de
Varenne, j'entendis parler d'elle d'une façon qui
m'impressionna péniblement; non point qu'on
tint sur son compte des propos diftamatoires ou
même désobligeants; il m'eût été difficile de pré-
ciser en quoi ce qu'on disait d'elle me déplaisait:
les amoureux ont d'étranges susceptibilités, d'in-
croyables délicatesses, une sorte d'hyperesthésie
morale qui les met parfois dans un état d'âme as-
similable à la manie ou à la démence. Ce. fut un
soulagement pour moi lorsqu'on cessa de s'occu-
per d'Augusta pour parler d'autre chose mais
à partir du moment où son nom avait été pro-
noncé, son image s'était gravée dans mon esprit
avec une telle intensité que, littéralement, je ne
voyais plus rien de ce qui m'entourait.
Je restai toute la soirée sans dire un mot et
vers minuit, après avoir pris congé de mes hôtes,
je me disposai à regagner mon logis, situé à Pas-
sy près du bois de Boulogne.
:1<
J'étais alors grand marcheur et ne connaissais
rien de mieux pour me distraire d'une préoccu-
pation, ou pour chasser une idée triste, qu'une
longue et rapide promenade. Je me mis donc à
marcher un peu au hasard et ne tardai pas à m'é-
garer dans l'enchevêtrement des rues de Grenelle.
A un moment donné j'avais perdu toute idée d'o-
rientation et je me trouvais dans une ruelle
étroite absolument déserte que je conjecturai être
voisine de l'usine Cail. Tout à coup un soldat à
cheval passa près de moi à ma grande stupéfac-
tion, il portait un costume de hussard hongrois
doknan bleu de ciel à brandebourgs jaunes, demi-
bottes et shako vert.
Que diable ce militaire au service de l'empe-
reur d'Autriche venait-il faire à Grenelle?. Je
me dis qu'il avait dû accompagner quelque per-
sonnage exotique à l'Exposition universelle de
Paris et je me moquai moi-même de ma facilité à
m'émouvoir.
Mais voilà qu'autour de moi tout changeait
d'aspect la ruelle obscure et déserte devenait
une grande promenade splendidement éclairée au
gaz et entourée de palais somptueux. Avais-je
donc passé les ponts sans m'en apercevoir et me
trouvais-je dans les Champs-Elysées? Mais non,
ce n'était pas les Champs-Elysées. Une foule de
gens grouillaient autour de moi,parlant gaiement
une langue étrangère que je reconnus bientôt être
de l'allemand.
Poussé par une force mystérieuse et invincible,
je glissais, plutôt que je ne marchais, et après
avoir gravi les marches du perron d'un riche hô-
tel, je me trouvai dans un vast.3 salon rempli de
monde où je vis un homme en habit noir et une
jeune femme en toilette blanche s'approcher d'un
piano. L'homme m'était inconnu, mais la jeune
femme n'était autre qu'Augusta. Elle me parut
fort pâle et il me sembla que ses yeux brillaient
d'un éclat anormal et inquiétant.
.Quelques accords sur le piano. et Augusta
commença d'une voix très douce, mais un peu
faible, l'air des Nozzc di Figaro
Voï che sapete
Che cosa e amor
Donne vedele
Se lo nel cuor
Tout à coup, de pâle qu'elle était, elle devint
verdâtre, son corps fut secoué par une convulsion,
elle jeta un cri navrant et tomba raide à la ren-
verse.
Un grand brouhaha. Tout le monde s'élançait
vers elle Ce fut un indicible désordre
Moi aussi j'avais voulu courir au secours de
ma bien-aimée, mais je me sentais comme para-
lysé. Puis sans transition une profonde obscurité
se fit autour de moi et je restai dans un vague
étrange, n'ayant plus le sentiment de mon iden-
tité, perdant toute notion, de temps et de lieu.
Parfois, au réveil, après une nuit de sommeil
profond, j'éprouve quelque chose d'analogue.
Peu à peu je redevenais moi-même. J'éprouvais
quelque chose d'indéfinissable qui n'était ni une
douleur ni une jouissance mais qui tenait des
deux. C'était une sorte de picotement aux extré-
mités et, en même temps, une sensation de douce
chaleur dans tout mon être. Enfin j'ouvris les
yeux et me retrouvai accoté à un mur, dans une
ruelle déserte de Grenelle.
Avais-je rêvé ?.En ce cas c'était un rêve d'une
nature bien particulière. Non, décidément, je ne
pouvais croire à un "simple songe et, d'ailleurs,
dès le surlendemain, je fus fixé à cet égard.
Tous les jours, de cinq à sept heures, j'avais
coutume d'aller lire les journaux à mon cercle.
Or, voici ce que je lus dans la première gazette
qui me tomba sous la main
« Vienne. Un singulier et pénible accident
«vient d'arriver à Mlle Augusta X. la char-
» mante cantatrice, actuellement en visite chez
» M. H. 0. Elle chantait, hier soir, dans un
» concert, chez S. Exc. le prince K. lorsque
» tout à coup elle pâlit,chancela,poussa un grand
» cri et tomba à la renverse en proie à une syn-
» cope dont on fut plus d'une heure à la faire
» revenir. Grâce à Dieu, l'aimable jeune artiste
» est en ce moment hors de danger, et les méde-
» cins qui l'entourent ne regardent son évanouis-
» sement que comme un accident nerveux qui
» n'aura aucune suite fâcheuse. »
Je lus et relus cette dépêche. Je l'appris par
cœur. Je m'en pénétrai. Je n'avais donc point
rêvé t. J'avais donc été transporté de Grenelle
à Vienne par une main mystérieuse, par un pou-
voir magique qui en même temps m'avait rendu
impalpable et invincible ?. Je n'étais donc pas
le jouet d'une simple hallucination, j'étais bel et
bien le héros d'une histoire fantastique. Il y
avait des êtres extra ou supra-humains à mon
service. à moins cependant que je ne fusse leur
I victime
Ces choses-là causent un plaisir qui ne va pas
sans trouble. Je me rendis immédiatement chez
mon ami le docteur Frick, savant honorable, au-
jourd hui décédé, qui passait alors pour un des
premiers physiologistes de Paris, et je lui contai
mon histoire, avec document à l'appui. Il m'é-
couta, lut la dépêche du journal, et me dit avec
un sérieux qui m'étonna
Il n'y a pas la moindre doute, mon cher
Dambreuse, c'est une sortie du corps astral.
Hein, vous dites ?.
Ah oui vous ne savez pas ce que c'est
que le corps astral. Avez-vous entendu parler
du pérsiprit ?
Très vaguement. par des disciples du spi-
rite Allan Kardec.
Eh bien le corps astral et le périsprit c'est
la même chose.
Mais encore.
Diantrb, mon bon ami, pour vous mettre au
courant de la question- il faudrait vous faire une
conférence ou plutôt une série de leçons ration-
nellement graduées. jevais pourtant essayer un
commencement. oh un tout petit commence-
ment d'initiation d'après certains savants ou
certains illuminés, nousaurions, outrenotrecorps
moléculaire, un corps matériel aussi, mais composé
d'une manière subtile, celle qui constitue la lu-
mière des astres.
Ce corps donne la forme à l'autre en le péné-
trant, c'est lui qui anime nos organes visibles et
tangibles, et c'est lui le véritable siège des sensa-
tions. 11 est l'enveloppe immédiate de l'âme. Les
spirites le nomment le périsprit, les théologiens
le corps glorieux c'est sans doute lui que les
philosophes grecs désignaient sous le nom d'âme
sensitive, par opposition à l'âme intellectuelle.
Ce corps astral peut, sous certaine influence, de-
venir visible et lumineux, il peut aussi abandon-
ner momentanément le corps moléculaire, qui
alors devient insensible ou tombe en catalepsie.
Le périsprit, impalpable, ordinairement invi-
sible, fluide, d'une subtilité inouïe, traverse l'es-
pace avec la rapidité de la foudre et peut pénétrer
les corps solides. Il voit, il sent, il éprouve du
plaisir ou de la douleur. Que de traditions, que de
légendes il peut rendre explicables 1 Je ne vous en
dis pas plus long aujourd'hui, mais soyez per-
suadé que le corps astral, dont la science d'au-
jourd'hui affecte de rire, fora beaucoup, beaucoup,
beaucoup parler de lui dans quelques années!
Les phénomènes de télépathie –on appelle télépa-
thie, la perception douloureuse d'un malheur qui
nous intéresse, mais se passe loin de nous ces
phénomènes, dis-je, seront, n'en doutez pas, l'ob-
jet d'expériences et d'études qui transformeront
notre pensée, nos mœurs et nos lois 1
:1:
Les circonstances firent que je ne revis Au-
gusta X. que dix ans après ce que je viens de
raconter. Elle avait épousé, dans l'intervalle, un
pianiste viennois et j'en avais éprouvé nn long et
cruel chagrin.
Tous les chagrins s'atténuent, avec le temps,
et ce fut sans un trouble trop pénible que je re-
vis Augusta dans le monde, il y a quelques an-
nées. Je lui rappelai son accident de Vienne. Elle
tressaillit vivement et me regarda d'un air qui
me fit passer un frisson dans les veines.
Qu'avez-vous donc? lui demandai -je.
Vous me rappelez quelque chose d'étrange,
répondit-elle. Lorsque j'eus cet évanouissement,
advenu après une indisposition nerveuse de quel-
ques jours, je crus vous voir vous avancer vers
moi et me tendre les bras. Je le crus même tel-
lement qu'après avoir repris mes sens je deman-
dai de vos nouvelles et fus toute surprise d'ap-
prendre que vous n'aviez pas quitté Paris.
Simon Boubée
«sg>
s e
Bloc-Notes ~l~
AU CHATEAU DE RAMBOUILLET
M. Félix Faure dédaignant le faste de Fontainebleau
et ses carpes légendaires, va s'installer à Rambouillet
où la chasse plaisir de roi est abondante et su-
perbe.
M. Thiers, qui n'avait pas ces goûts cynégétiques,
avait aussi choisi Rambouillet, en 1872, pour s'y repo-
ser des fatigues d'un gouvernement où il était tout
chef de l'Etat, président du conseil des ministres et
ministre de la guerre, des affaires étrangères et de l'in-
térieur, tant il mettait ses lunettes dans toutes les af-
faires. On le plaisanta un peu de ce choix d'une rési-
dence royale, mais Rambouillet est la plus modeste de
ces résidences, et personne ne reprocha au petit hom-
me nerveux d'y chercher l'air calme et sain de la fo-
rêt.
Le château est un assemblage bizarre de bâtiments
de toutes les époques, vieux donjon, bâtisses sans
style, le tout a l'air d'un vieux château transformé en
ferme. Le château est vide de meubles, vide comme
une grange avant la moisson, et c'est à peine s'il y
reste quelques banquettes, une table et des chaises.
Le garde-meuble aura donc fort à faire pour installer
M. Félix Faure avec le confort et le luxe qu'exigent le
séjour du chef de l'Etat et la visite probable de l'em-
pereur de Russie ou des grands-ducs, pour une journée
de chasse.
Mais s'il n'y avait pas de meubles dans le château,
on pouvait encore y passer des heures à étudier les
admirables boiseries des salons, en bois naturel ou do-
rées sur blanc. Le musée des arts décoratifs en a pris
la copie, car c'est une des merveilles de l'art.
L'histoire de Rambouillet est des plus curieuses, et,
s'il faut le dire, cette maison ne semble pas porter bon-
heur c'est là qu'est mort François Ier dans une cham-
bre mansardée, à l'écart, comme un pestiféré, refusant
tous autres soins que ceux de son valet de chambre et
de son hôte, Charles d'Angennes. C'est de là que le duc
de Penthièvre a emmené à Dreux huit cercueils renfer-
mant les restes de ses enfants, dont un seul survivait,
la duchesse d'Orléans. Après Waterloo, c'est à Ram-
bouillet que Napoléon 1er fait sa première étape sur la
route de l'exil, et c'est aussi pour Charles X la pre-
mière étape de l'exil.
La famille d'Angennes a possédé Rambouillet depuis
le règne de Charles VI jusqu'à celui de Louis XIV. Re-
gnault d'Angennes, qui acheta le domaine et I'agran-
dit, était écuyer de C.ia.-ies VI et l'un de ses plus fidè-
les serviteurs. Tout autre fut son fils, Jean d'Angennes,
qui, étant gouverneur de Cherbourg et assiégé par les
Anglais, leur vendit la place moyennant une somme
considérable et un sauf-conduit temporaire pour vivre
parmi eux. A l'expiration du temps fixé par le sauf-
conduit, fut arrêté et décapité.
La trahison était justement punie, dira-t-on.
Ce serait mal connaître les Anglais. Il s'agissait sim-
plement de reprendre l'argent I
Le fils du traître racheta les fautes du père en com-
battant vaillamment à côté de ChaVles VII et de Jeanne
d'Arc.
Plus tard nous trouvons Charles d'Angennes, dit !e
cardinal de Rambouillet, évêque du Mans, une des lu-
mières du concile de Trente,et que Sixte-Quint nomma
gouverneur de Corneto, avec mission de réformer de
criants abus. Le Français intrépide réforma si bien qu'il
mourut empoisonné.
Nous avons dit comment François 1er mourut à
Rambouillet, mais parmi les fastes tristes de la maison,
nous avons oublié Catherine de Médicis venant atten-
dre avec Charles IX, à Rambouillet, en i562, le résul-
tat de la bataille de Dreux, et, en i588, Henri III ve-
nant s'y réfugier après la journée des Barricades. « II y
coucha tout botté », dit le Journal de l'Estoile. En
quittant Paris, son dernier mot avait été
Ville ingrate je t'ai plus aimé que ma femme 1
Mais nous voici au règne de Louis XIII. Charles
d'Angennes, marquis de Rambouillet, "est le dernier de
son nom. Il a perdu ses trois fils, et il lui reste quatre
filles dont deux ont pris le voile. Julie, l'aînée, est la
célèbre et belle fiancée du duc de Montausier, à qui
fut dédiée la Guirlande de Julie, ouvrage unique, ma-
nuscrit sans égal où chaque pièce de vers dédiée à la
gloire de Julie, et signée d'un des poètes du temps, est
enguirlandée de fleurs. Ce livre appartient aujourd'hui
à la duchesse d'Uzès, par le fait du mariage de la fille
unique du duc de Montàusieravec le comte de Crussol,
fils du duc d'Uzès. Rambouillet passait peu à près dans 51
la maison d'Uzès.
Julie d'Angennes n'épousa le duc de Montausier
qu'après quatorze années de fiançailles et de marivau.
dage galant. Encore fallut-il l'intervention de la Reine
pour faire cesser ce jeu. Julie avait trente-huit ans t
elle céda.
Son autre sœur fit moins de bruit: elle épousa le
comte de Grignan, mourut en 1664, et fut remplacés
par la fille de la marquise de Sévigné.
Mais n'oublions pas la mère de Julie, Catherine
de Vivonne, la belle et précieuse marquise de Ram.
bouillet, qui fit de ce château la Cour des muses
et l'Académie du beau langage. La critique des Pré-
cieuses ridicules a fait disparaître ce qu'il y avait d'af-
féterie dans ce langage, mais la chambre bleue de Ram-
bouillet, où passèrent Voiture, Ménage, Vaugelas, Ra-
can, Malherbe, Chapelain, Balzac, Benserade, Corneille,
La Fontaine, Fléchier, Bossuet, et aussi un petit poète,
Armand Duplessis, qui plus tard devint le cardinal de
Richelieu, exerça une grande influence sur notre lan-
gue et jusque sur l'orthographe.
Si nous ne disons plus « l'aimable éclairant » pour
« le soleil », et « l'affronteur des temps » pour désigner
un chapeau, ou « les commodités de la conversation »
pour « un fauteuil », en revanche nous disons encore:
« Les bras m'en tombent » comme les Précieuses, el
nous écrivons « le roi », et non «1ère». Corneille t
écrit
Moi, dis-je, et c'est assez!
Et non
Mé, dis-je, et c'est assez
Nous écrivons enfin comme les Précieuses, tête,
prône et auteur, au lieu de teste, prosne et autheur.
Voiture était le grand-maître de cette académie, et
c'est lui qui dirigeait les séances du jardin où l'on
jouait aux nymphes ou aux muses du Parnasse, ave:
des costumes de circonstance.
La marquise de Rambouillet mourut oubliée,en i665,
à l'âge de quatre-vingt-deux ans, et cette femme, qu'on
avait cru si heureuse, fit elle-même son épitaphe, dont
voici les derniers vers
Et si tu veux, passant, compter tous ses malheurs,
Ta n'auras qu'à compter les moments de sa vie.
Rambouillet, acheté en 1699, au duc d'Uzès, par M,
d'Armenonville, directeur général des finances, est
vendu de nouveau, en 1706, au comte de Toulouse,
fils légitimé de Louis XIV; le comte de Toulouse
laisse le domaine à son fils, le duc de Penthièvre, et
celui-ci le cède à Louis XVI, en 1783, au prix de seize
millions.
Le long séjour du duc de Penthièvre à Rambouillet
se signala par des libéralités sans nombre. Il n'y avait
plus de pauvre dans la région le duc donnait large-
ment avec une discrétion telle que même sa maison
l'ignorait, et avec tant de plaisir qu'il disait merci à
ceux qui acceptaient. Nulle âme ne fut plus tendre,
plus souriante à tous, ni plus empreinte de délicatesse
et de modestie. Florian était son secrétaire et c'était à
qui découvrirait et secourrait le premier une infortune
inconnue. Parfois, cherchant à se devancer, ils se ren-
contraient au chevet d'un malade un sourire était tout
le triomphe du premier arrivé et toute l'amertume du
second, et c'était double bénéfice pour le malheureux.
Une nuit, Louis XV, surpris par l'obscurité à la
chasse et sentant la faim, alla frapper à la porte de
Rambouillet, escorté de nombreux gentilshommes,
mais n'osant pas amener Mme Dubarry, qu'on laissa
sans souper au château de Saint-Hubert. Le duc appa-
rut à ses visiteurs en costume de cuisinier. Il s'excusa;
il surveillait lui-même la cuisine de ses pauvres
soupe et ragoût de mouton.
Parbleu, dit Louis XV, nous nous invitons, mon
cousin, à la table de vos pauvres.
Ils soupèrent ainsi, et l'histoire ne dit pas de quoi
soupa Mme Dubarry, à qui l'on avait promis de rap-
porter une pièce froide.
:IF
Louis XVI installa à Rambouillet la laiterie de la
Reine, mais déjà voici les jours sombres. La Conven-
tion confisque Rambouillet et, quelques années plus
tard, Napoléon I«r rend au château son ancienne splen-
deur. Il y donne des fêtes, et l'on y fait venir, un jour,
les artistes de l'Opéra.
Il faut les récompenser de leur dérangement, dit
l'Empereur au ministre de l'intérieur.
A quelque temps de là, voulant donner la même fête
à Fontainebleau, il demanda à son ministre:
A propos, qu'avez-vous envoyé aux artistes d«
l'Opéra, pour la fête de Rambouillet?
Des livres, sire.
Des livres! dit l'Empereur, vous voulez dire des
livres tournois
Non, sire, de beaux livres reliés et dorés sur
tranche, des ouvrages de littérature.
Eh bien, monsieur le ministre, une autre fois,
vous les paierez en francs et non en livres!
Napoléon III ne venait guère à Rambouillet quepour
les chasses, et la chasse était pour lui,comme pour son
oncle, un devoir professionnel plutôt qu'un plaisir.
Cela faisait partie de l'étiquette en quelque sorte, et il
fallait subir cet entraînement. en pensant à autre
chose.
Napoléon Ier; lui, ne se gênait pas pour dépister la
chasse, s'en aller tout seul d'un autre côté et obliger
ainsi ses veneurs à des tours de force pour ramener la
chasse de son côté.
Depuis la république, Rambouillet n'est plus qu'un
pavillon de chasse pour nos présidents. Le maréchal
adorait la chas.se, M. Grévy l'aimait en tireur à gibe-
cière et en guêtres, M. Carnot ne l'aimait pas et tirait
dans les jambes du général Brugère en visant un lièvre,
M. Casimir-Perier n'a pas eu le temps de beaucoup
chasser, et M. FéMx Faure va nous montrer comment
il entend faire figure à Rambouillet.
« Faire figure », encore une expression des Précieu-
ses. C'est l'endroit qui le veut.
Espérons que « l'aimable éclairant » ne lui fera pas
défaut en cette saison pluvieuse, et qu'il n'en sera pas
réduit aux « commodités de la conversation » I
Tout-Paris
LES
Concessions t Madagascar
Par M. Charles Dutreil
On fait grand bruit autour des concessions ac-
cordées à Madagascar par notre résident général,
et on a pu lire ici même des détails circonstan-
ciés à ce sujet. Une question se pose tout natu<
Tellement A qui appartient le droit souverain
de disposer des concessions dans la grande île
malgache ? Est-ce à la reine Ranavalo ? Est-ce au
gouvernement français ? `?
Jusqu'au mois d'août dernier, époque à la-
quelle a été promulguée la loi votée en juin par
le Parlement, les concessions étaient délivrées
par la Reine, et simplement soumises au visa du
résident général. Mais le Parlement français
ayant déclaré l'île de Madagascar française, au
gouvernement de la Reine se trouve tout naturel*
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.86%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.86%.
- Collections numériques similaires Bibliothèques d'Orient Bibliothèques d'Orient /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BbLevt0"Collections de l’École nationale des ponts et chaussées Collections de l’École nationale des ponts et chaussées /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPC000"
- Auteurs similaires Bibliothèques d'Orient Bibliothèques d'Orient /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BbLevt0"Collections de l’École nationale des ponts et chaussées Collections de l’École nationale des ponts et chaussées /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPC000"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k529625d/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k529625d/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k529625d/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k529625d/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k529625d
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k529625d
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k529625d/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest