Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1895-11-21
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 novembre 1895 21 novembre 1895
Description : 1895/11/21 (Numéro 5669). 1895/11/21 (Numéro 5669).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/03/2008
PARIS ET DÉPARTEMENTS i5 CENTIMES
JEUDI 21 NOVEMBRE Î895
S9*Ann~e. 3" Série. N< 5689
ARTHUR MEYER
D'fectettf
ADMINISTRATION
BENSEISNEMENTS
AB2, rue Drouot, 2
~~edMbex!ev*rds Montmartre et dM ntHeïUt
ANNONCES
MM. CH. IjA.GmAN&B, CERF & O*
6, PLACE DE LA BOURSE, 6
B< d !'
Les manuscrits ne sont pas tendm
ARTHUR MEYER
JMrec
RÉDACTION
S, rue Drouot
~B
ABONNEMENTS
Paris et dëpartomeBts
~amois. 6Ch
Trci~moia. 1360
Six mois. ZTfr.
Unan. 6Etrange]'
'~ois mois (UMOn postale). 16 ï~
Les manuscrits ne sont pas rondm
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
HISTOIRE
DES
PMNCESBE~ttË
P~RIN' l :DE -CO>,NDE
M. le duc d'Aumale publie le septième et der-
nier volume de son ZT~~Ot~e dM princes de Con-
d~. Il arrive ainsi au terme de cet important ou-
vrage, dont la composition a rempli plus de trente
années de sa vie On sait qu'héritier du dernier
des Condé, il se trouva de ce chef mis en posses-
sion de tous les papiers dé Chantilly. Ce sont ces
précieux papiers qui lui ont permis de rester
dans le champ de l'histoire, d'où la politique s'obs-
tinait à l'exclure ne pouvant plus servir son
pays avec l'épée, comme il l'avait fait en des
temps inoubliables, le noble prince l'a servi avec
la plume, en évoquant quelques-unes de ses gran-
des figures, quelques-uns de ses grands sou-
venirs.
Les hommes de guerre ont volontiers le sens
de l'histoire. Je n'ai pas besoin de rappeler ici la
liste de ceux qui, depuis César, se sont illustrés
dans ce genre qui leur appartient de droit..Ce
genre, avec eux, court cependant quelque dan-
ger il risque de tomber dans une certaine séche-
resse technique, de telle sorte qu'une place trop
large soit faite à là description des mouvements
des armées ou des batailles. Les guerres sont
certainement, si l'on peut dire, les sommets de
l'histoire elles ne sont pourtant pas toute l'his-
toire. Celle-ci se compose aussi de politique les
diplomates, les ministres ont leur place marquée
à côté des maréchaux, sur le même rang; Plus
loin, elle nous doit la vie, le caractère, l'âme des
hommes illustres et des nations.
M. le duc d'Aumale, bien que son attention fùt
naturellement attirée avant tout par les specta-
cles militaires, a dès l'abord compris cette haute
exigence du genre qu'il abordait. Ayant à suivre,
pendant une longue période, une famille dont les
chefs avaient pris part à des événements considé-
rables et joué un premier rôle dans l'existence
nationale, il ne s'est point limité au récit de leurs
batailles. Il les raconte, c'est vrai, avec une clarté
saisissante, en homme qui peut suivre en détail
les mouvements des corps, qui pénètre les raisons
secrètes des ordres au gré desquels, parfois, le
cow&a~c/M~e ct'awe, selon la belle expression
d'un poète; qui peut analyser les craintes, les hé-
sitations, les inspirations des commandants. Mais
il ne s'en tient point la il suit aussi, avec une
égale pénétration, l'écheveau compliqué d'intri-
gues inôniment multiples. Et quand il trouve
sur son chemin les éléments d'une histoire roma-
nesque -–Dieu sait s'ils abondent, au temps de la
Ligue et de la Fronde il ne dédaigne point de
s'y arrêter. Son œuvre est donc une œuvre bien
complète, tantôt ardue et tantôt attrayante, où il
y a des pages pour les gens de guerre et des pa-
*es pour les gens de lettres.
II faut dire aussi que la famille dont M. le
duc d'Aumale s'est fait l'historien, présente en
elle-même un attrait singulier. C'étaientde rudes
gens que ces «siresdcsueursdelysa qui frap-
pèrent de vigoureux coups pendant les guerres du
moyen-âge. Leur cri « Bourbon, Notre-Dame M
avait retenti dans tous les combats importants de
la guerre de Cent-Ans. L'un deux, Jacques, pre-
mier comte de la Marche et connétable de France,
sauva la vie du Roi à Crécy, fut pris, couvert de
blessures, à Poitiers, où l'un de ses parents fut
tué, et périt à la bataille de Brignais. Un autre
fut iait prisonnier à Azincourt. Un autre eut
rang parmi les plus brillants compagnons de Du
Guesclin. Un autre tut ce connétable Charles de
Bourbon dont on sait les qualités de général et
la coupable défaillance.que l'arquebuse deBenve-
nuto Cellini abattit au siège de Rome. Quarante-
deux membres de cette famille devaient tomber
les armes à la main. Aussi comprend-on ce joli
mot de Brantôme «De cette race de Bourbon,
ils sont tous braves et vaillants, et n'ont jamais
esté malades de la ûebvre poltronne."
Ils n'étaient pas seulement vaillants: Villon
déjà les appelait les « gracieux ducs de Bourbon a.
Ils avaient des qualités d'esprit, de ûnesse,
d'élégance qui s'affirment avec un attrait singu-
lier chez celui d'entre eux qui ouvrit la glorieuse
série des princes de Condé, chez ce Louis I", qui
fut un des héros des guerres de religion, et dont
l'histoire mouvementée remplit le premier vo-
lume de l'ouvrage de M. le duc d'Aumale. Il était
beau, brave, galant, habile et peu dévot. Il fut
populaire. On le chansonnait
Ce petit homme tant jotty
Qui tousjours cause et tousjouis ry, ·
e II n'avait rien de chétif, nous dit son bio-
graphe leste, vigoureux, il excellait à tous les
exercices du corps; nul, dans le jeu dé paume,
ne servait mieux la balle; nul ne maniait mieux
ses armes dans un carrousel et ne faisait parader
avec plus de grâce un cheval difficile. D'après des
.portraits authentiques, ses yeux étaient vifs et
perçants sa ngure, agréable sans être régulière,
s'encadra plus tard dans une de ces barbes fortes,
d'un blond ardent, que reproduisent si souvent
les maîtres du seizième siècle. Son esprit était
brillant et assez cultivé, sa parole facile, entraî-
nante, avec une pointe de raillerie que sa bonne
humeur faisait oublier; rien de puritain, assuré-
ment beaucoup de gaieté et d'ardeur, le désir et
le don de plaire, le caractère résolu, l'âme fière,
le cœur grand et généreux. a
C'est lui qui, à la bataille de Jarnac, chargea
a.vec une jambe cassée, et qui disait à ses gen-
tilshommes en leur montrant ses membres meur-
tris « Souvenez-vous en quel état Louis de
Bourbon entre au combat pour Christ et la pa-
trie 1 Ajoutez qu'il eut de galantes aventures,
toujours relevées par une pointe de tragédie, et
parut assez dédaigneux des bons avis moraux que
lui adressait Jean Calvin en personne.
Il semble que les traits saillants de Louis de
Bourbon aient persisté dans sa race les cir-
constances les atténuent ou les accentuent, mais,
en somme, on les retrouve presque toujours,
comme un air de famille. Son fils, Henri I" fut
plus austère, moins habile et moins heureux que
îui. Pourtant, les chroniqueurs louent sa bra-
voure, son opiniâtreté, son «cœur royal H. Comme
con père, il fut « libéral, gracieux, éloquent ».
Comme lui, il eut dans sa. vie de l'amour et de la
tragédie la femme dont le dévouement l'avait
sauvé en une heure tragique devait être accusée
de l'avoir empoisonné et subir un long emprison-
nement. Chez Henri H on retrouve l'adresse,
l'habileté, l'ardeur, le romanesque en revanche,
les talents de général ne sont pas au même degré:
< II manquait d'élan, il négligeait le combat, il ad-
ministrait la guerre. Avec beaucoup d'applica-
tion, un sens droit, le désir de bien faire, il ne
put mener à bonne fin aucune entreprise mili-
taire. Comme soldat, il fut en dehors des tradi-
tions de sa race. » Sa vie, très active, n'en pré-
sente pas moins un vif intérêt. Le roman y joue
son rôle, bien qu'avec moins d'agrément. Il
était très épris de sa femme, qui plaisait fort à
Henri IV. Il eut mille peines à la soustraire aux
poursuites du Roi. Et Malherbe chantait pour
elle
N'en doutez point, quoi qu'il advienne,
La belle Oranthe sera tienne
C'est chose qui ne peut faillir;
Le temps adoucira les choses,' ·
Et tous deux vous aurez dea roses
Plus que vous n'en saurez cueiUir.
Le bon poète ne fut pas devin le temps n'adou-
cit point « les choses »; il y eut, entre le prince et
le Roi, une longue lutte, où le Roi ne joua pas
le beau rôle et le couteau de Ravaillac brus-
qua le dénouement de l'aventure.
$
Si l'étoile des Condé semble pâlir un moment,
elle retrouve bientôt tout son éclat avec celui
qui porta au plus haut la gloire de la famille, et
Mt le Cr
.Un homme complet, celui-là, un vrai grand-
homme, « gracieux M comme ses ancêtres, brave
et vaillant comme eux, et, en plus, frappé d'un
coup de génie. Dès ses débuts, Richelieu le dis-
tingue, et le juge avec cette clairvoyance qu'il
possédait à un si haut degré: «Ha beaucoup
d'esprit, de discrétion et de jugement. Il est creu
de plus de deux doigts et croistra encores, autant
qu'on peut juger, de beaucoup.)) Lui-même en-
trait dans la vie en disant, avec une gaie bonhom-
mie « Je suis le plus heureux garçon du
monde. »
Fut-il heureux? La question peut paraître oi-
seuse, le bonheur n'étant ni le lot ni le but des
grands hommes. Elle se pose pourtant, au spac-
tacle de cette longue et belle carrière, si tumul-
tueuse et si noble, à laquelle M. le duc d'Aumale
a consacré presque quatre volumes. On retrouve
là, mais à un degré plus haut et comme sublimés,
les éléments d'intérêt historique, dramatique,
romanesque, que nous avait oNërts la vie du pre-
mier Louis de Bourbon. Il y a de tout, dans cette
existence, trop connue à la fois et trop riche pour
que nous essayions de la résumer en quelques
lignes il y a de belles batailles, de magnifiques
victoires qui ne sont plus des incidents, qui sont
des événements et qui sauvent la France il y a
des revers, comme il en faut pour donner à une
ngure historique son relief complet il y a des
intrigues, prodigieusement complexes, comme il
y en avait au temps de la Fronde, que compli-
quent à l'innni des questions de personnes, ouïes
plus graves intérêts du pays se mêlent bizarre-
ment à ceux de l'avancement de M. de Retz,
des amours de Mme de Longueville ou du
mariage do Mlle de Montpensier; il y a do là
galanterie, car à cette époque elle faisait partie
intégrante de l'histoire, et il y a même de
l'amour, qui, comme en tous les temps, était
plus rare on ne lira pas sans une certaine
émotion l'épisode de Marthe du Vigean, raconté,
ou plutôt esquissé avec une délicatesse qui lui
conserve tout son charme de tendresse, de tris-
tesse et de mystère. Et il y a encore de l'esprit
un esprit fougeux, à l'emporte-piëce, qui frappait
à l'occasion comme un coup d'escopette. Quelques-
unes des réparties du grand Condéont tout l'éclat
de ses victoires. Tel, son fameux .<4fMeM, M~r~/ 1
jeté à Mazarin, qui devait lui coûter bien
cher, mais qui valait son prix. Et il y a encore,
dans le rayonnement qui entoure la fin de cette
illustre existence, une conversion simple et pu-
blique, sans excès d'aucune sorte, dont les plus
sceptiques ne méconnaîtront pas la grandeur.
Bossuet, remarquant un jour dans son auditoire
le héros de tant de batailles qui, d'habitude, ne
fréquentait guère les églises, lui avait souhaité
de chercher auprès de Dieu « une gloire plus so-
lide que celle que les hommes admirent, une
grandeur plus assurée que celle qui dépond de la
fortune, une immortalité mieux établie que celle
que nous promet l'histoire, et enfin une espérance
mieux assurée que celle, dont le monde nous
flatte, qui est celle de la vie éternelle a. Vingt ans
s'écoulèrent sans que Condé se rendit à ce vœu.
H le remplit pourtant.
Sans chercher à le suivre pas à pas dans cette
transformation suprême, son historien a pour-
tant su nous montrer comment « Condé, sorti de
la ferveur chrétienne pour arriver à la négation
absolue, fut ramené au christianisme d'abord,
puis à l'Eglise catholique, par l'esprit et parle
cœur conversion sincère, graduelle, longuement
méditée, accomplie gravement, simplement, pu-
bliquement, sans calcul humain, sans ostenta-
tion et sans mystère )).
Avec le grand Condé se termine l'histoire de
la noble famille. Ses petits-fils se battent, à l'oc-
casion, en vaillants soldats. L'un d'entre eux
même, le prince Louis-Joseph, joue un moment,
vers 1760, un rôle important de général habile et
heureux. Le dernier, dont le profil d'aigle rappe-
lait celui de son plus illustre ancêtre, attend avec
un calme héroïque les balles du peloton d'exécu"
tion de Vincennes. « Singulière destinée de cette
illustre famille t s'écrie l'historien, que frappe ce
continuel mélange d'héroïsme militaire et de tra-
gédies politiques. Le chef de la race, le premier
des Condé, tombe déloyalement frappé, dans une
guerre civile, en combattant contre le Roi.
Et le dernier do ses descendants, après avoir,
lui aussi, servi sous un drapeau qui, malheureu-
sement, n'était pas celui de la France, devait
mourir dans les fossés deVinconnes, victime d'un
attentat que l'histoire a justement Sétri. » M. le
duc d'Aumale n'a cependant pas cru devoir in-
sister sur ces figures d'un~. moindre éclat. Il a
voulu qu'en fermant son ouvrage, l'esprit restât
fixé sur le souvenir du vainqueur de Rocroy.
« II n'y a qu'un grand Condé M, dit-il. C'est
une belle gloire que de s'en être fait l'historien si
renseigné, si ardent et si complet. f
Ce qui se passe
GAULOtS-GUtDE
Aujourd'hui
CoursesàA.uteuit.
LA POL!T!QÙE
PREVISION
La proposition de revision présentée par M.
Cunéo d'Ornano et que la Chambre doit discuter
aujourd'hui ou demain est trop raisonnable
pour avoir la moindre chance de succès.
Il n'est pas un homme de bonne foi qui puisse
soutenir que la Constitution actuelle réalise, non
pas l'idéal d'un gouvernement, mais même le mi-
nimum qu'on puisse requérir d'in~itutions mo-
dernes. Donc il n'est pas un homme de bonne
toi qui puisse nier la nécessité d'une revision.
Mais, d'une part, on ne pense pas actuellement
à la revision. On a d'autres chiens à fouetter. Et,
d'autre part, le ministère ne veut point risquer
la partie. C'est un sacrifice qu'il fait aux frac-
tions modérées de la république, car, en sa qua"
lité de radical, il ne peut pas ne pas être revi-
sionniste.
Voilà donc enco"e une fois les pauvres répu-
blicains de gouvernement empêchés de mani-
fester leur mauvaise humeur et forcés d'appuyer.
le ministère. Ils ont l'intention de le taquiner
tout en le soutenant et d'aller plus loin que lui en
proclamant qu'il n'y a pas lieu de reviser. Le mi-
nistère contestant l'opportunité de la revision,
ils en contestent la nécessité.
Quant aux radicaux et aux socialistes, ils con-
tinuent à être des ministériels enragés. Et ils
doivent immoler à leur amour pour le cabinet
leurs aspirations et leurs promesses revision-
nistes.
Il serait curieux vraiment qu'après avoir été
les seuls Français qui sachent faire de l'opposi-
tion, les radicaux devinssent les seuls Français
qui sachent faire de la politique gouvernemen-
tale. J.CORHÉLY.
ËCHQ~POUTIBUES
On racontait hier soir dans les cercles poli-
tiques que le ministre des finances, qui a fait
preuve, lorsque s'est manifestée pour la première
fois la crise financière, d'une énergie dont nous
l'avons félicité en dehors de tout esprit de parti,
s'est montré surpris et préoccupé de la tenue
inexplicable du marché d'hier et qu'il compte en-
tretenir aujourd'hui le conseil des ministres des
mesures a. prendre pour porter remède à une si-
tuation que rien ne paraît justiSer.
ËCHOS DE PARIS
Loigny s'apprête à célébrer avec la plus grande
solennité le vingt-cinquième anniversaire de la
bataille livrée dans ses plaines et dans ses rues
le 2 décembre 1870.
Un service funèbre sera. célèbre le lundi 2 dé-
cembre prochain dans l'église de cette paroisse, à
neuf heures et demie du matin, à la mémoire des
officiers et soldats tombés glorieusement pour la
Frarice en cette sanglante journée.
L'office, cette année, sera présidé et la grand'-
messe pontincalement célébrée parMgrFoucault,
évoque de Saint-Dié.
L'oraison funèbre sera prononcée par Mgr
Jourdan de La Passardière, évêquede Roséa.
Le général de Gharette et plusieurs de ses
zouaves ont l'intention de profiter de ce vingt-
cinquième anniversaire pour venir apporter sur
la tombe de leurs camarades et du général de
Sonis l'hommage respectueux de leur souvenir et
de leurs prières.
LE MONDE DES ARTS
On fait grand bruit en ce moment autour du
musée de Lille, dont les collections sont si juste- j
ment réputées.
Des œuvres de Mignard, de Watteau, la Médée
de Delacroix, le portrait de la DaM~e aux c~e~M,
par Carolus Durari le .SoMMMe~, de Puvis de
Chavannes le ~Msa~, de David, sont en dé-
crépitude. Les toiles de Goya. ae couvrent de
champignons t
Naturellement la direction des beaux-arts s'est
émue de ce fâcheux état de choses, et M. Henry
Roujon a envoyé a Lille un de ses collaborateurs,
M. Roger Marx, inspecteurprihcipal des musées,
lequel se livre à une enquête très minutieuse.
Dès son retour à Paris, M. Roujon prendra, telle
décision qu'il conviendra, dans l'intérêt dès œu-
vres que l'Etat confie, a titre de dépôt, au musée
de Lille.
D'ailleurs la présence à Lille de l'envoyé de
M. Henry Roujon a eu un premier résultat I&
musée vient, en eSét, d'être fermé, et la munici-
palité se dispose à exécuter des travaux impor-
tants. Il s'agit, avant tout, de garantir les ta-
bleaux contre l'humidité, ce qui sera assez diffi-
cile, le musée étant construit suï' un terrain ma-
récageux et, du reste, dans des conditions de con-
fort vraiment très mauvaises.
Si la ville de Lille consent à se prêter de bonne
grâce aux réparations qui lui sont indiquées par
la direction des beaux-arts, on peut espérer que
tout pourra encore s'arranger. Si, au contraire,
les intéressés se faisaient tirer l'oreille, il appar-
tiendrait a M. Roujon de prendre, en ce qui con-
cerne les chefs-d'œuvre, propriété de l'Etat, telles
mesuresconservatoires reconnues indispensables,
et nous savons que le directeur des'beaux-arts
n'y manquerait pas.
A TRA.VF.RS LA VILLE
Un chèque qui va faire pâlir Arton.
Nos lecteurs se souviennent de notre Bloc-
Notes sur le jubilé de la Banque d'Angleterre.
Or, voici un petit (?) événement qui pourra don-
ner une idée des affaires qui se traitent dans cet
important établissement financier.
Samedi dernier, à onze heures du matin, a eu
lieu à la Banque d'Angleterre, à Londres, la
transaction suivante: Le représentant de la
Chine a remis au représentant du Japon un chè-
que de la bagatelle de 4,900,000 livres sterling
(133,500,000 fr.)
La chose s'est passée le plus simplement du
monde. Le caissier principal de la Banque, M.
Bowen, avait à l'avance rédigé le chèque et le
tenait prêt sur son bureau:
Quand les représentants des deux puissances
asiatiques se furent réunis dans son cabinet, le
caissier remit le chèque entre les mains du re-
présentant chinois celui-ci le délivra, en se
courbant en une cérémonieuse révérence, ès
mains de l'envoyé japonais.
Ceci fait, le Japonais rendit le chèque. au cais-
sier principal, qui en ajouta le montant au compte
du gouvernement japonais.
Le'Japon, après la remise de cette indemnité,
se trouve être possesseur à la Banque d'Angle-
terre, qui en a le dépôt, de la bagatelle de 37 mil-
lions de livres (environ 935 millions de francs 1)
A propos de l'ineffaçable souvenir que George
Sand avait laissé dans le cœur de Jules Sandeau
et dont un articte du CcM~s parlait l'autre jour,
un de nos abonnés nous envoie cette charmante
anecdote, tout à fait caractéristique.
Jules Sandeau, après sa rupture avec celle dont
il avait guidé les premiers pas dans la carrière
littéraire, était parti pour l'Italie afin d'oublier.
A. peine arrivé a Turin, son premier soin fut
d'écrire à son amie. La lettre n était pas plutôt
tombée dans la boite postale que le jeune homme
regretta, sa missive. Ce regret s'accrut des diffi-
cultés qu'il rencontra auprès des agents de la
poste, qui refusèrent absolument de lui rendre
sa lettre. Enfin, Jules Sandeau va au ministère
des postes, obtient une audience de M. de Cavour
et lui expose sa réclamation.
Après l'avoir repoussée tout net, le ministre,
touché du dépit de ce jeune amoureux, promet de
lui rendre sa lettre, à condition qu'il en lira par
avance les premiers et les derniers mots tracés
de la main même du signataire.
Le réclamant se prête de bonne grâce à cette
formalité, prend la plume et écrit les premiers
mots en question, qui se trouvent être « Je vous
aime. w
Voyons les derniers mots, maintenant,' dit
M. de Cavour.
Voici, dit Jules Sandeau, encore plus con-
fus.
Et ces derniers mots étaient a Je vous aime. ))
Edou&rd Rod
Les incompatibilités parlementaires en 1849.
A la séance de l'Assemblée législative du 20 no-
vembre, M. Raspail fils demande que l'Assem-
blée déclare les banquiers incapables d'être mi-
nistres des nuances et, à propos de cette ques-
tion, il vient articuler an fait qu'on lui a dit être
calomnieux.
Sommé de nommer un ministre qui, d'après
son dire, a. lui M. Raspail, aurait amassé une
fortune de 1,500,000 francs pendant son passage
aux affaires, M. Raspail refusederépondre. Puis,
forcé dans sesderniersretranchements par la vio-
lence des réclamations de l'Assemblée et les in-
jonctions du président, il lui est impossible d'ar-
ticuler un nom, et, suivant sa propre expression,
il préfère se soumettre à plusieurs rappels à l'or-
dre plutôt que de préciser son accusation.
Décidément, toutes les républiques se ressem-
blent.
Les chansons d'actualité.
Les camelots vendent en ce moment la C/!OM-
son de ? ~~oyar~s, la Chanson de la Cloche et
la C/oc~e du tS'sere-Ca'Mr, trois chansons nou-
velles et actuelles.
Et ces chansons se vendent beaucoup plus que
la Co~pJa~e de Menaldo qui, paraît-il, trouve
difficilement des acquéreurs.
Les médecins et les administrateurs d'hôpi-
taux.
Les querelles entre médecins et administra-
teurs d'hôpitaux sont, parait-il, assez nombreu-
ses en Amérique mais, dans ce dernier pays,
les choses ne trament jamais en longueur comme
chez nous. Exemple
Dernièrement le corps des médecins de Port-
land (Orégon), pour soutenir un de leurs confrè-
res qui avait eu maille & partir avec l'adminis-
tration, donna en masse sa démission.
L'administration, de son côté, accepta immé-
diatement toutes ces démissions, et, sans plus
tarder, remplaça les médecins récalcitrants par
autant de médecins homéopathes.
Une des curiosités de l'Exposition universelle
de 1900 sera la carte magnétique du monde, dont
le gouvernement a confié l'exécution à une mis-
sion d'officiers de vaisseau.
Ces officiels se sont divisés en plusieurs.
groupes qui se sont partagé le travail d'obser-
vation dont ils ont été chargés. Ce travail est coa-
sidérable.Il s'agit de déterminer exactement le
p(Mût magnétique indiqué par l'aiguille aimantée
et de construire les tables des déclinaisons pour
les principales stations du monde.
L achèvement de ce travail permettra aux na-
vigateurs de posséder une carte magnétique
exacte, et d'éviter ainsi des erreurs journalières.
dans leurs calcula.
On signale en Indo-Chine l'arrivée de quatre
omciers chargés d'étudier la partie du globe qui
s'étend entre Aden et le nord de la Chine.
Dès que ces officiers auront terminé leurs ob-
servations en Indo-Chine, ils se dirigeront du
côté du Japon et de la Chine, et remonteront
ensuite les côtes de l'Amérique du Sud.
Un détail assez curieux et certainement ignoré
de la nombreuse clientèle du Pôle-Nord.
Une célébrité médicale a déclaré que non seu-
lement le patinage était un excellent sport au
point de vue hygiénique, mais que respirer l'air
contenu dans la coquette salle de la rue de Cli-
chy était la meilleure cure pour les personnes
faibles de la poitrine.
Nous sommes heureux, chaque fois que l'occa-
sion nous en est fournie, de pouvoir nous em-
ployer à détruire les légendes là où elles se trou-
vent. Il en est une qui court Paris et qui est abso-
lument fausse. « La Pensée ?, cette ancienna
maison dont nous esquissions l'historique ces
temps derniers, vend cher, a-t-on coutume de
dire. Ce n'est pas très exact. On y trouve des ar-
ticles de bonne qualité, d'un goût exquis et dont
le prix n'est jamais exagéré. Les vraies Parisien-
siennes et les étrangères expertes le savent, et
chacun peut s'en rendre compte en faisant una
simple visite dans les magasins du faubourg
ëaint-Honoré.
On s'entretient beaucoup, au boulevard, du
Charbonnier.
Duquel.? demanderont les amateurs de po-
tins.
Mais du cru Charbonnier, répondent les
gourmets, ce vin célèbre que MM. Saulnier et
Guichard, propriétaires du vignoble qui le pro-
duit, onrent à leur élégante clientèle du café-res-
taurant de Londres, à la Madeleine. Et le Char-
bonnier arrose délicieusement, on peut nous en
croire, les excellentes huîtres de la vieille maison
parisienne.
L'ESPRIT D'AUTREFOIS
Lorsque M. de Silhouet fut nommé contrôleur
général, la duchesse d'Orléans, si connue par son
esprit satirique, l'envoya complimenter le jour
même.
Mais comme on changeait très souvent de mi-
nistres
Monsieur, dit-elle au gentilhomme qu'elle
chargeait de son message, informez-vous cepen-
dant au suisse de l'hôtel si M. de Silhouet est
« encore w contrôleur général.
A travers les livres
Signalons, à propos de l'inauguration du mo-
nument d'Emile Augier, la nouvelle édition du
T/t~re co~~ du maître, en sept volumes,
que la librairie Catmann Lévy vient de faire pa-
raître.
KOUVELLES A LA MAtM
Entendu, hier soir, au café, entre deux ténors
Et tu crois, toi, que les œufs frais éclaircis-
sentlavoix? Y
Tiens, pardine ) regarde les poules, dès
qu'elles pondent, elles se mettent & chanter.
Un Domino
Mmeur le ~c A'Mm i
MT
M.PAUL DÉROULËDE
Nous avons dit, l'autre jour, que Monsieur le duc
d'Orléans, & son passage & Bruxelles, avait charge
M. le duc de Luynes de remettre à M. Paul Dérou-
lode une lettre de félicitations à l'occasion de son beau
drame de Afexsere DM GMMcMM. Nous sommes allô
chez M. le duc de Luynes, qui a bien voulu nous
communiquer la. lettre de Monsieur le duc d'Orléans,
ainsi que la réponse de M. Paul Deroulede. Voici d'a-
bord la lettre de Monsieur le duc d'Orléans
~0 novembre 1895.
Monsieur,
Je viens de lire votre beau drame et je tiens &
vous dire l'émotion profonde qu'il m'a causée.
Vous n'êtes pas royaliste, je le sais aussi
n'est-ce pas le prétendant qui vous félicite, c'est
un Français dont le cœur a battu aux sentiments
patriotiques et Sers que vous exprimez avec tant
de talent, avec tant de chaleur c'est un prince
que touche l'hommage rendu à ses aïeux, c'est
un soldat remerciant un soldat.
« La royauté n'est pas un parti dit votre Du
Gdesclin Henri IV, qui conquit un trôné moins
par son épée que par le plébiscite des cœurs;
avait la même pensée lorsqu'il se disait « de la
religion de tous ceux qui sont braves et bons ?.
De l'exiï, je vous envoie, monsieur, à vous qui
êtes « brave et bon )), merci, bravo et sympathie.
PHILIPPE.
j <:
Voici, maintenant, la réponse que M. Paul Dërou-
lède a adressée a. Monsieur le duc d'Orléans
11 novembre 1895.
Monseigneur,
M. le duc de Luynes m'a iait tenir la belle et
noble lettre où vous m'honorez de vos éloges de
Français et de soldat.
J'en ai été d'autant plus touché que vous vous
êtes placé, en l'écrivant, au-dessus des questions
de parti.
Je ne suis pas, en eSët, royaliste ma prédilec-
tion a toujours été et est encore pour la républi-
que autoritaire, basée sur le plébiscite. Mais je
n'exclus de ce plébiscite la candidature d'aucun
Français.
Ma passion pour la France me fait accepter par
avance, quel qu'il soit et quelle que soit son ori-
gine, le chef élu qui nous tirera de l'anarchie par-
lementaire où se désagrègent et disparaissent
une à une toutes les forces vives de la nation.
Ma loyauté devait cette déclaration à votre
franchise, elle la devait aussi aux. spectateurs de
Z)M Veuillez agréer. Monseigneur, avec un cordial
merci, l'assurance de mes sentiments très respec-
tueux.
Paul DEROULEDE.
La lettre de Monsieur le duc d'Orléans honore le
Prince qui l'a écrite, et la réponse de M. Paul Dérou-
lède honore aussi le bon Français qui l'a faite.
P. R.
~cc-M Pc~y
LE BAPTÊME DE LA «SAVOYARDE~
Hier, à deux heures et conformément au programme
que nous avons publié it y a quelques jours, a eu
heu, à l'église du Sacré-Cœur de Montmartre,
te baptême très sotennet de ta Saj'oyar~e. On peut cer-
tainement évaluer à ptus de cinquante mitte personnes
,te nombre des ndètes ou des curieux q~i remptissaient
.ta basilique, tes chantiers et toutes tes rues avoisinan-
tes au moment où ta cérémonie a commencé.
L~ctergé a fait son entrée aux accents d'un po&me
symphonique d'Alfred Josset, exécuté par l'harmonie
des Frères de Saint-Jean-de-Dieu.
S. Em. te cardinat Richard, qui présidait, était as-
sisté de Mgr Hautin, archevêque de Chambéry, parrain
dé ta nouvette cioche de Mgr Bécet, évoque de Van-
nes de Mgr Bonnefoy, évoque de ta Pochette de Mgr
Jourdan de La Passardière, évéque de Roséa, directeur
générât de la Société antiesctavagiste de France, et de
Mgr Esbérard, évéque de Rio Janeiro,
To.us ces prêtais se sont rendus .proc~ssionnettement
au banc-d'œuvre, pendant qu'un suisse conduisait,
d'autre part, la marraine de <: Marguerite-Françoise du
Sacré-Cœur~ à ta-place qu'elle devait occuper dans
l'avant-nef au milieu de ses invites et des représentants
des diocèses de ta Savoie.
Dn nombreux clergé, en habit de chœur, remptissatt
te centre de ta nef. Nous avons reconnu, notamment,
MgrPeri-Morosini,t'eminent secrétaire de ta noncia-.
ture apostolique; ta ptupart des membres du chapitre
métropolitain, tous les chapelains de la basilique M.
t'abbé Quignard, curé de Saint-Eustache, et un grand
nombre de religieux, des Dominicains surtout, avides
de prendre une belle leçon d'éloquence sacrée en écou-
tant l'un des plus illustres représentants de leur ordre,
le R. P. Monsabré.
Le célèbre conférencier de Notre-Dame avait pris
pour texte de son admirable discours ces paroles de
l'Ecriture « Ma voix se fait entendre aux fils des hom-
mes. Ecoutez-moi, car j'ai à vous dire de grandes cho-
ses. <
!1 a commencé par le développement auquel il a
su donner le tour le plus poétique d'une comparai-
son ehtre le corps humain et 1 église dans taquelle se
tient t'assemblée des fidèles, expliquant que la cloche
est aussi nécessaire à celle-ci, et pour tes mêmes rai-
sons, que ta parole à celui-là.
Ensuite il a exposé ces deux idées les cloches sont
la voix de Dieu; tes cloches sont la voix du peuple
chrétien.
Suspendues entre le ctet et ta *terre, comme Jésus-
Christ sur la croix, elles sont la voix ~de Dieu lors-
qu'elles appellent tour à tour, suivant l'heure ou te&
circonstances, chacun de leurs devoirs.
Elfes sont la voix du peuple chrétien, lorsque, tou-
chant et pieux symbole, elles font monter vers Dieu
l'obéissance ou le repentir de sa créature, ses supplica-
tions et ses appels à l'infinie miséricorde.
Le Père Monsabré indique, dans la dernière partie de
son discours, la magnifique signification des diverses
cérémonies qui Composent le baptême d'une cloche.
Le GaM/ofs a fait récemment cet exposé.. L'éminent re-
ligieux tui a donné tout le charme, tout le relief dont sa
parole puissante et toujours si claire conserve le secret.
ït n'a pas voulu descendre de chaire sans adresser un
compliment d'une exquise délicatesse à l'archevêque de
Chambéry, parrain de la « Savoyarde », « prince et
pasteur d'une Eglise qu'il édifie par ses vertus et qu'il
charme par les aimables qualités de son cœur et à la
marraine, Mme la comtesse de Boigne, guée d'une noble et bienfaisante famille, qui compte
dans sa parenté les époux vierges, Elzéar et Delphine,
que l'Eglise honore du culte des saints ?.
Enfin, dans une adjuration suprême, l'orateur invite
la nouvelle baptisée à sonner en /!onneur pour le Roi
des Rois, en nent et vénéré prélat qui va la bénir, pour le cardinal
Guibert, qui a posé. ta première pierre de la basilique,
pour celui qui l'a faite si belle et pour tout le peuple
de Savoie, dont elle est le magnifique cadeau.
« Sonne en appel, sonne en honneur, sonne en
merci. Sonne et redis à travers tes siècles, du haut de
la sainte colline, à la vitte, à la nation, au monde en-
tier: vive Jésus t
Mgr Richard répond au Père Monsabré. En quelques
mots infiniment aimables, il le félicite et le remercie du
superbe discours qu'il vient de prononcer.
L'immense nef se vide lentement, au chant des can-
tiques, et l'on va procéder, sur les chantiers, à ta béné-
diction de la cloche.
A côté du campanile qui soutient ta -Sa~'ar~e, en-
core revêtue de la robe de dentettes que tut a donnée
Mme la comtesse de Soigné, on a dressé une tente or-
née d'un 'vélum de velours rouge doublé d'hermine.
C'est là qu? prend place le haut clergé avec quelques
invités de marque, pour assister au baptême.
Cependant, .on chante tour à tour les longs psaumes
qui, suivant les prescriptions du rituel, doivent accom-
pagner la bénédiction du sel et de t'eau, t'abtution de
fa ctoche, les sept onctions qui lui sont faites à l'exté-
rieur avec l'huile des infirmes, les quatre onctions inté-
rieures pour lesquelles on se sert du saint-chrême, et
l'encensement.
Puis M. te chanoine Brettes monte sur une estrade
très élevée, du haut de laquelle il improvise, au milieu
d'un silence religieux, une très belle aliocution.
M. le chanoine Brettes a une voix de tonnerre. H réa-
lise ce tour de force de se faire entendre d'une foule
immense, en plein air, pendant trois bons quarts
d'heure, et d'intéresser l'auditoire qui vient d'écouter
le Père Monsabré. A maintes reprises, les applaudisse-
ments éclatent.
Enfin un son grave, prolongé, d'une extraordinaire
puissance, se mêle à la fanfare joyeuse des Frères de
Saint-Jea:i-de-Dici.t et domine l'immense acclamation
dont lepeupie, qui couvre la butte tout entière, salue
le premier verbe de cette qu'on v'.ent de baptiser.
Maintenant la .Sa~a~r~e chante sur la grande ville
qui, déjà, entre dans la nuit. tl est cinq heures. La cé-
rémonie est terminée. Au dehors, la foute va suivre dé
ses vivats la voiture de Mme la comtesse de Boigne.
& Vive la marraine 1 crient sur son passage les enfants.
Et tout ce monde est à la joie. Tant il est vrai que cer-
taines fêtes religieuses sont encore tes meilleures des
fêtes populaires.
L'AKRESm!~ B'Am
NOTRE E~ËTE A LONDRES
(~tf ~c~ec~s de Mo~"e co)')'eArtom me vemt pas être extradé
Londres, 20 novembre.
J'ai pu avoir aujourd'hui une interview avec
M. Arthur Newton, le so~c~o~ chargé de la dé-
fense d'Arton.
M. Newton n'a pu, naturellement, lire encore
tout le dossier de l'affaire, et il demandera de-
main à Bow-Street l'ajournement jusqu'à jeudi
prochain; je vous l'avais dit, et tout le monde
sait que cet ajournement sera accordé.
Mais je suis en mesure de vous transmettre une
information toute nouvelle d'une grande impor-
tance et qui contredit tout ce qui a été annoncé
depuis trois jours
C'est que, bien loin de n'opposer aucune diffi-
culté à son extradition, Arton .est décidé à tout
faire pour ne pas être extradé. Il mettra en œuvre
dans ce but tous les moyens possibles de procé-
dure et résistera jusqu'au bout.
M. Newton, qui a vu Arton aujourd'hui à Hol-
loway, m'a afnrmé que son client est plein d'es-
poir dans sa non-extradition.
Le dossier, arrivé aujourd'hui de Paris, a été
aussitôt transmis au Foreign-Ofûce. De là, il sera
adressé au home secretary, qui le fera parvenir
au juge de Bow-Street.
Ce n'est d'ailleurs, en quelque sorte, que le
commencement du dossier. Car il y a beaucoup
de lacunes qui seront comblées par M. Taillefer,
avocat de l'ambassade française, resté à Paris
dans ce but.
La comparution de demain n'offrira nul intérêt
et ne durera que cinq minutes, le juge devant
ordonner aussitôt la remise à huitaine.
L'extradition d'Arton est demandée pour faux,
usage de faux, banqueroute frauduleuse et escro-
queries. A,
ARTOM EM PR!SON
("0'M)t CO~e~pOMOKM~ OCC~O~Mg~
Londres, 30 novembre.
Dès son arrivée à la prison de HoMoway, Ar-
ton manifesta le désir de ne pas occuper la cel-
lule d'Oscar Wilde. II prononça ce nom avec un
geste de dégoût.
Rassurez-vous, lui dit le directeur, vous oc-
cuperez la cellule que d'autres Français ont occu-
pée avant vous, Meunier entre autres.
Ah très bien, très bien ) 1 Vous me traitez
comme un détenu politique. C'est cela, je ne suis
pas autre chose.
Arton ne reçut pas de réponse. Mais ses pro-
pres paroles le rendirent tout guilleret pendant
une heure ou deux Lorsqu'il voulut prendre
du repos, il seproduisit une violente réaction ner-
veuse et il se mit à pleurer, à sangloter.
Le lendemain dimanche, interrogé s'il voulait
voir un aumônier, il répondit d'abord affirmati-
vement. « Le chapelain cathoHque, dit-il. » Puis
iirepnt: & Non, je auia ai oeu catholique. D'ail-
Tout-Paris
leurs, & quoi bon ? Dieu m'a abandonné. Jusque
présent, je croyais vraiment qu'il existait et qu'il
me gardait contre ceux qui me traquaient. Maia
maintenant que me voila là, je doute de lui. e Oa
«n'insista pas.
II demanda à lire T~a~~o~, de Walter Scott, et
un livre de Dickens. Mais il lisait & peine. H
feuilletait Sévreusement les volumes, les fermait,
les rouvrait et se plongeait, la tête penchée, dans
des rénexions profondes.
Vers lesoir.il devintcommunicatif. ((Si la pas*
sion politique ne s'était mêlée aux poursuites
dont il est l'objet, il ne se serait pas dérobé uo
instant. Mais on examinerait moins les faitt
qu'on lui reproche que la légende qui s'est faite
autour de son nom et les récriminations tien-
draient lieu d'arguments. »
C'était un monologue. Le personnel de la pri-
son, qui le traite avec beaucoup d'humanité, ne
doit néanmoins se mêler en rien à ce qu'il dit. D
est écouté, mais il ne reçoit pas de réponse.
Il est étonné d'ailleurs que les gardiens soient
si peu au courant de « son histoire a. « EUe a ce"
pendant passionné le monde entier a.I! voit sur
la ngure de ceux a. qui il parle qu'ils sont presque
complètement étrangers à ce qui le préoccupe. eq
Aussi a-t-il, dès lundi matin, raconté ses péré.
grinations avec force détails dont il supprimait
cependant « ceux qui pouvaient froisser des
oreilles britanniques )). Il a été trahi par le sort
en réalité, peu d'hommes ont autant travaillé
que lui peu ont été aussi bienveillants que lui
envers les autres. Et cependant il n'a rien, et ses
ennemis sont nombreux et impitoyables.
Quand il a uni de raconter, se remémorant &
lui-même surtout les principales étapes de sa vie,
il écrit, il écrit, ce sont des pages entières qu'il
couvre et qu'il déchire, mâchant le papier pour
qu'il ne reste rien de lisible des morceaux dé-
chirés.
Il mange peu, très peu, et boit moins encore
«J'ai pourtant bien soif, disait-il. J'ai la gorge
desséchée. Mais cela ne descend pas w.
Lundi soir, il était particulièrement abattu. Il
avait vu un de.ses compatriotes, mais n'avait pas
vu une femme qui était venue la veille avec son
mari. « Cette dame est le seul être qui m'ait véri-
tablement aimé sur la terre. Vous ne savez' pas
qui est cette dame? C'est ma fille, ma fille à moi
qui viendrait-me voir si j'étais aux gémonies, qui
vient me voir ici parce qu'elle sait bien que je n~
suis pas l'homme qu'on prétend. »
» Que cette soirée est longue ') » ajouta-t-il.
Ces lamentations sont parfois traversées de
sourires malicieux, sardoniquos. « Ils ont peur
de moi, de mes listes. Quelles listes? Ah! oui t je
sais, les listes, les fameuses listes! "Et c'est moi
qui paie maintenant ces listes sans elles, on
m'aurait laissé tranquille. »
Lundi matin, il était plein de courage. « J'ai
dormi, je suis Ir.cn reposé. Toutes les folies qui
me torturaient depuis quarante-huit heures ont
disparu. Et puis j'ai fait de beaux rêves. Ma fille
viendra aujourd'hui et la journée sera bonne. a
il.a en effet bien mangé. Il a écrit ensuite des
lettres qu'il a données pour être expédiées. Puis,
i) a ouvert des feuilles de papier qu'il n'a pas dé-
chirées et qu'il a lues à sa ûMe et à son gendre
qui viennent de le voir. Après leur départ, il
pleure un moment mais se montre ensuite très
calme. Il lit et se promène de long en large dans
l'attitude d'un homme qui prépare dans son cer'
veau un discours.
II a eu aujourd'hui la visite d'un chapelain. H
lui a raconté, d'après ce qu'il dit, qu'il avait un
rabbin autrefois dans sa famille et qu'un autre
membre de sa famille, adjoint au maire d'un'ar-
rondissement de Paris, était un Israélite encore
très pratiquant, membre du conseil de la a syna-
gogue ». Le chapelain –qui voit dans les juifs,
comme tous les clergymen anglais, le peuple de
Dieu a paru très intéressé et il lui a fait. enten-
dre quelques paroles bienveillantes qui mi font
regretter de ne l'avoir pas vu plus tôt.
Il aimerait bien voir les journaux, surtout lëa
journaux français. Doivent-ils en dire sur son
compte le charger de tous les péchés, le rendre
responsable de la ruine de Panama, qui sa.it peut-
être aussi de la baisse des mines d'or Quand on
s'acharne après un homme, il n'y a plus délimite
ni de mesure et la justice n'est plus possible.
« Et pourtant, ajoute-t-il, j'ai conôance, plei-
nement confiance d'abord la magistrature an-
glaise ne m'extradera qu'avec l&s réserves for-
melles qu'elle apporte en pareil cas, et puis Iq
justice française, quand elle me verra devant
elle, s'apercevra que je ne suis pas l'homme
qu'on avait décrit.
» Je vais préparer ma défense. Je reviendrai
en Angleterre, j'en suis sûr. Cette fois, ce ne sera
plus pour gagner 12 shellings par jour, car de-
puis des mois je n'ai vécu qu'avec 12 shellings
par jour. Voilà l'homme fastueux que je suis. Il
est vrai que mes goûts ne sont pas toujours si
modestes.
~Jene suis pas un dévot. Mais je suis un
croyant, et je regarde l'avenir avec confiance.
» Que ferai-je, demain mercredi? Je ne sais en-
core. Jeudi, ce sera autre chose, »
Trilby
,LA.
Loi sur lesJ~atiuiMs
Par M. Georges Feydeau
La scène est & l'Elysée dans quelques mois. Le cabinet
de travail do M. le président de ia république.
SCÈKE ÏM
LE PRÉSIDENT, S6M~ NM~ ~!H MM /'C!M~eM:7, M-
sant rOfficiel
.Art. G. Sera puni dos peines prévues à l'article 175 da
Code pénal tout sénateur ou député qui sera reconnu avoir,
pendant ia durée do son mandat, soit ouvertement, soit par
personnes interposées, soit par acte simuté, pris ou reçu
quelque intérêt que ce soit dans un syndicat de garantie
constitue on vue de l'émission de valeur mobilière par un;
établissement ayant obtenu de l'autorité publique soit une
subvention, soit la concession d'un privilège ou d'un mouo'
pôle.
Art. 7. Tout sénateur ~'t député qui aura dans son en-
tour: ou re~.u quelque intérêt que ce soit dans un dos s'yndicats
susnommés attendu qu il n'ett pas prouvé que lesditea
personnes de son entourage ou de ses connaissances ne sont
pas des personnes interposées sera puni des memea
peines prévues à l'article 175 du Code pénal.
Art. 8. Tout sénateur ou député dont la femme aurait
apporté en mariage une dot constituée par un père exerçant
ou ayant exercé les fonctions de directeur ou administra-
teur d'un établissement financier ou industriel subven-
tionne par l'Etat, ou simplement lui ayant apporté une dot
quelconque comme on ne peut jamais savoir s'il n'y a a
pas eu des malpropretés dans l'origine de la fortune sera
tenu de divorcer dans les vingt-quatre heures.
Art. 9. Sera puni des peines énoncées dans l'article 6.
1° Tout sénateur ou député qui sera convaincu d'être ou avoir
été l'amant de coeur d'une femme ayant pour protecteur un
directeur ou administrateur d'un établissement financier ou
industriel subventionné par l'Etat;
3° Tout sonateur ou députe qui sera surpris recevant un
pot-de-vin, à plus forte raison une barrique, attendu qu'une
barrique est un récipient plus grand que les pots les plus
grands. Le cidre et la bière sont autorisés jusqu'à nouvel
ordre
3° Tout sanateur ou députe qui sera trouvé porteur d'au
portemonnaio contenant plus de 25 francs, qui est la somma
exacte constituant son traitement journalier.
Art. 10. La mendicité est interdite..
Art. 11. Sont formellement abrogées toutes les dispoai-t
tiens législatives contraires à la présente loi.
~a~s.~ Bravo voil~ un~ toi qui aura les suf-
fragea du pays On ne pourra plus dire que noat
honorables sont des concussionnaires et des ven-
dus.
SCÊME M
LE PRÉSIDENT, UN HUISSIER, ~M~! M. BRISSOK
L'HuissiER, <ïMMOMpaM~. Monsieur le prési-
dent de la Chambre.
Ls PRÉSIDE~. Lui faites entrer.
BaissoN, entrant et .M~MOM~. Monsieur tt
Président
JEUDI 21 NOVEMBRE Î895
S9*Ann~e. 3" Série. N< 5689
ARTHUR MEYER
D'fectettf
ADMINISTRATION
BENSEISNEMENTS
AB
~~edMbex!ev*rds Montmartre et dM ntHeïUt
ANNONCES
MM. CH. IjA.GmAN&B, CERF & O*
6, PLACE DE LA BOURSE, 6
B< d !'
Les manuscrits ne sont pas tendm
ARTHUR MEYER
JMrec
RÉDACTION
S, rue Drouot
~B
ABONNEMENTS
Paris et dëpartomeBts
~amois. 6Ch
Trci~moia. 1360
Six mois. ZTfr.
Unan. 6
'~ois mois (UMOn postale). 16 ï~
Les manuscrits ne sont pas rondm
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
HISTOIRE
DES
PMNCESBE~ttË
P~RIN' l :DE -CO>,NDE
M. le duc d'Aumale publie le septième et der-
nier volume de son ZT~~Ot~e dM princes de Con-
d~. Il arrive ainsi au terme de cet important ou-
vrage, dont la composition a rempli plus de trente
années de sa vie On sait qu'héritier du dernier
des Condé, il se trouva de ce chef mis en posses-
sion de tous les papiers dé Chantilly. Ce sont ces
précieux papiers qui lui ont permis de rester
dans le champ de l'histoire, d'où la politique s'obs-
tinait à l'exclure ne pouvant plus servir son
pays avec l'épée, comme il l'avait fait en des
temps inoubliables, le noble prince l'a servi avec
la plume, en évoquant quelques-unes de ses gran-
des figures, quelques-uns de ses grands sou-
venirs.
Les hommes de guerre ont volontiers le sens
de l'histoire. Je n'ai pas besoin de rappeler ici la
liste de ceux qui, depuis César, se sont illustrés
dans ce genre qui leur appartient de droit..Ce
genre, avec eux, court cependant quelque dan-
ger il risque de tomber dans une certaine séche-
resse technique, de telle sorte qu'une place trop
large soit faite à là description des mouvements
des armées ou des batailles. Les guerres sont
certainement, si l'on peut dire, les sommets de
l'histoire elles ne sont pourtant pas toute l'his-
toire. Celle-ci se compose aussi de politique les
diplomates, les ministres ont leur place marquée
à côté des maréchaux, sur le même rang; Plus
loin, elle nous doit la vie, le caractère, l'âme des
hommes illustres et des nations.
M. le duc d'Aumale, bien que son attention fùt
naturellement attirée avant tout par les specta-
cles militaires, a dès l'abord compris cette haute
exigence du genre qu'il abordait. Ayant à suivre,
pendant une longue période, une famille dont les
chefs avaient pris part à des événements considé-
rables et joué un premier rôle dans l'existence
nationale, il ne s'est point limité au récit de leurs
batailles. Il les raconte, c'est vrai, avec une clarté
saisissante, en homme qui peut suivre en détail
les mouvements des corps, qui pénètre les raisons
secrètes des ordres au gré desquels, parfois, le
cow&a~c/M~e ct'awe, selon la belle expression
d'un poète; qui peut analyser les craintes, les hé-
sitations, les inspirations des commandants. Mais
il ne s'en tient point la il suit aussi, avec une
égale pénétration, l'écheveau compliqué d'intri-
gues inôniment multiples. Et quand il trouve
sur son chemin les éléments d'une histoire roma-
nesque -–Dieu sait s'ils abondent, au temps de la
Ligue et de la Fronde il ne dédaigne point de
s'y arrêter. Son œuvre est donc une œuvre bien
complète, tantôt ardue et tantôt attrayante, où il
y a des pages pour les gens de guerre et des pa-
*es pour les gens de lettres.
II faut dire aussi que la famille dont M. le
duc d'Aumale s'est fait l'historien, présente en
elle-même un attrait singulier. C'étaientde rudes
gens que ces «siresdcsueursdelysa qui frap-
pèrent de vigoureux coups pendant les guerres du
moyen-âge. Leur cri « Bourbon, Notre-Dame M
avait retenti dans tous les combats importants de
la guerre de Cent-Ans. L'un deux, Jacques, pre-
mier comte de la Marche et connétable de France,
sauva la vie du Roi à Crécy, fut pris, couvert de
blessures, à Poitiers, où l'un de ses parents fut
tué, et périt à la bataille de Brignais. Un autre
fut iait prisonnier à Azincourt. Un autre eut
rang parmi les plus brillants compagnons de Du
Guesclin. Un autre tut ce connétable Charles de
Bourbon dont on sait les qualités de général et
la coupable défaillance.que l'arquebuse deBenve-
nuto Cellini abattit au siège de Rome. Quarante-
deux membres de cette famille devaient tomber
les armes à la main. Aussi comprend-on ce joli
mot de Brantôme «De cette race de Bourbon,
ils sont tous braves et vaillants, et n'ont jamais
esté malades de la ûebvre poltronne."
Ils n'étaient pas seulement vaillants: Villon
déjà les appelait les « gracieux ducs de Bourbon a.
Ils avaient des qualités d'esprit, de ûnesse,
d'élégance qui s'affirment avec un attrait singu-
lier chez celui d'entre eux qui ouvrit la glorieuse
série des princes de Condé, chez ce Louis I", qui
fut un des héros des guerres de religion, et dont
l'histoire mouvementée remplit le premier vo-
lume de l'ouvrage de M. le duc d'Aumale. Il était
beau, brave, galant, habile et peu dévot. Il fut
populaire. On le chansonnait
Ce petit homme tant jotty
Qui tousjours cause et tousjouis ry, ·
e II n'avait rien de chétif, nous dit son bio-
graphe leste, vigoureux, il excellait à tous les
exercices du corps; nul, dans le jeu dé paume,
ne servait mieux la balle; nul ne maniait mieux
ses armes dans un carrousel et ne faisait parader
avec plus de grâce un cheval difficile. D'après des
.portraits authentiques, ses yeux étaient vifs et
perçants sa ngure, agréable sans être régulière,
s'encadra plus tard dans une de ces barbes fortes,
d'un blond ardent, que reproduisent si souvent
les maîtres du seizième siècle. Son esprit était
brillant et assez cultivé, sa parole facile, entraî-
nante, avec une pointe de raillerie que sa bonne
humeur faisait oublier; rien de puritain, assuré-
ment beaucoup de gaieté et d'ardeur, le désir et
le don de plaire, le caractère résolu, l'âme fière,
le cœur grand et généreux. a
C'est lui qui, à la bataille de Jarnac, chargea
a.vec une jambe cassée, et qui disait à ses gen-
tilshommes en leur montrant ses membres meur-
tris « Souvenez-vous en quel état Louis de
Bourbon entre au combat pour Christ et la pa-
trie 1 Ajoutez qu'il eut de galantes aventures,
toujours relevées par une pointe de tragédie, et
parut assez dédaigneux des bons avis moraux que
lui adressait Jean Calvin en personne.
Il semble que les traits saillants de Louis de
Bourbon aient persisté dans sa race les cir-
constances les atténuent ou les accentuent, mais,
en somme, on les retrouve presque toujours,
comme un air de famille. Son fils, Henri I" fut
plus austère, moins habile et moins heureux que
îui. Pourtant, les chroniqueurs louent sa bra-
voure, son opiniâtreté, son «cœur royal H. Comme
con père, il fut « libéral, gracieux, éloquent ».
Comme lui, il eut dans sa. vie de l'amour et de la
tragédie la femme dont le dévouement l'avait
sauvé en une heure tragique devait être accusée
de l'avoir empoisonné et subir un long emprison-
nement. Chez Henri H on retrouve l'adresse,
l'habileté, l'ardeur, le romanesque en revanche,
les talents de général ne sont pas au même degré:
< II manquait d'élan, il négligeait le combat, il ad-
ministrait la guerre. Avec beaucoup d'applica-
tion, un sens droit, le désir de bien faire, il ne
put mener à bonne fin aucune entreprise mili-
taire. Comme soldat, il fut en dehors des tradi-
tions de sa race. » Sa vie, très active, n'en pré-
sente pas moins un vif intérêt. Le roman y joue
son rôle, bien qu'avec moins d'agrément. Il
était très épris de sa femme, qui plaisait fort à
Henri IV. Il eut mille peines à la soustraire aux
poursuites du Roi. Et Malherbe chantait pour
elle
N'en doutez point, quoi qu'il advienne,
La belle Oranthe sera tienne
C'est chose qui ne peut faillir;
Le temps adoucira les choses,' ·
Et tous deux vous aurez dea roses
Plus que vous n'en saurez cueiUir.
Le bon poète ne fut pas devin le temps n'adou-
cit point « les choses »; il y eut, entre le prince et
le Roi, une longue lutte, où le Roi ne joua pas
le beau rôle et le couteau de Ravaillac brus-
qua le dénouement de l'aventure.
$
Si l'étoile des Condé semble pâlir un moment,
elle retrouve bientôt tout son éclat avec celui
qui porta au plus haut la gloire de la famille, et
Mt le Cr
.Un homme complet, celui-là, un vrai grand-
homme, « gracieux M comme ses ancêtres, brave
et vaillant comme eux, et, en plus, frappé d'un
coup de génie. Dès ses débuts, Richelieu le dis-
tingue, et le juge avec cette clairvoyance qu'il
possédait à un si haut degré: «Ha beaucoup
d'esprit, de discrétion et de jugement. Il est creu
de plus de deux doigts et croistra encores, autant
qu'on peut juger, de beaucoup.)) Lui-même en-
trait dans la vie en disant, avec une gaie bonhom-
mie « Je suis le plus heureux garçon du
monde. »
Fut-il heureux? La question peut paraître oi-
seuse, le bonheur n'étant ni le lot ni le but des
grands hommes. Elle se pose pourtant, au spac-
tacle de cette longue et belle carrière, si tumul-
tueuse et si noble, à laquelle M. le duc d'Aumale
a consacré presque quatre volumes. On retrouve
là, mais à un degré plus haut et comme sublimés,
les éléments d'intérêt historique, dramatique,
romanesque, que nous avait oNërts la vie du pre-
mier Louis de Bourbon. Il y a de tout, dans cette
existence, trop connue à la fois et trop riche pour
que nous essayions de la résumer en quelques
lignes il y a de belles batailles, de magnifiques
victoires qui ne sont plus des incidents, qui sont
des événements et qui sauvent la France il y a
des revers, comme il en faut pour donner à une
ngure historique son relief complet il y a des
intrigues, prodigieusement complexes, comme il
y en avait au temps de la Fronde, que compli-
quent à l'innni des questions de personnes, ouïes
plus graves intérêts du pays se mêlent bizarre-
ment à ceux de l'avancement de M. de Retz,
des amours de Mme de Longueville ou du
mariage do Mlle de Montpensier; il y a do là
galanterie, car à cette époque elle faisait partie
intégrante de l'histoire, et il y a même de
l'amour, qui, comme en tous les temps, était
plus rare on ne lira pas sans une certaine
émotion l'épisode de Marthe du Vigean, raconté,
ou plutôt esquissé avec une délicatesse qui lui
conserve tout son charme de tendresse, de tris-
tesse et de mystère. Et il y a encore de l'esprit
un esprit fougeux, à l'emporte-piëce, qui frappait
à l'occasion comme un coup d'escopette. Quelques-
unes des réparties du grand Condéont tout l'éclat
de ses victoires. Tel, son fameux .<4fMeM, M~r~/ 1
jeté à Mazarin, qui devait lui coûter bien
cher, mais qui valait son prix. Et il y a encore,
dans le rayonnement qui entoure la fin de cette
illustre existence, une conversion simple et pu-
blique, sans excès d'aucune sorte, dont les plus
sceptiques ne méconnaîtront pas la grandeur.
Bossuet, remarquant un jour dans son auditoire
le héros de tant de batailles qui, d'habitude, ne
fréquentait guère les églises, lui avait souhaité
de chercher auprès de Dieu « une gloire plus so-
lide que celle que les hommes admirent, une
grandeur plus assurée que celle qui dépond de la
fortune, une immortalité mieux établie que celle
que nous promet l'histoire, et enfin une espérance
mieux assurée que celle, dont le monde nous
flatte, qui est celle de la vie éternelle a. Vingt ans
s'écoulèrent sans que Condé se rendit à ce vœu.
H le remplit pourtant.
Sans chercher à le suivre pas à pas dans cette
transformation suprême, son historien a pour-
tant su nous montrer comment « Condé, sorti de
la ferveur chrétienne pour arriver à la négation
absolue, fut ramené au christianisme d'abord,
puis à l'Eglise catholique, par l'esprit et parle
cœur conversion sincère, graduelle, longuement
méditée, accomplie gravement, simplement, pu-
bliquement, sans calcul humain, sans ostenta-
tion et sans mystère )).
Avec le grand Condé se termine l'histoire de
la noble famille. Ses petits-fils se battent, à l'oc-
casion, en vaillants soldats. L'un d'entre eux
même, le prince Louis-Joseph, joue un moment,
vers 1760, un rôle important de général habile et
heureux. Le dernier, dont le profil d'aigle rappe-
lait celui de son plus illustre ancêtre, attend avec
un calme héroïque les balles du peloton d'exécu"
tion de Vincennes. « Singulière destinée de cette
illustre famille t s'écrie l'historien, que frappe ce
continuel mélange d'héroïsme militaire et de tra-
gédies politiques. Le chef de la race, le premier
des Condé, tombe déloyalement frappé, dans une
guerre civile, en combattant contre le Roi.
Et le dernier do ses descendants, après avoir,
lui aussi, servi sous un drapeau qui, malheureu-
sement, n'était pas celui de la France, devait
mourir dans les fossés deVinconnes, victime d'un
attentat que l'histoire a justement Sétri. » M. le
duc d'Aumale n'a cependant pas cru devoir in-
sister sur ces figures d'un~. moindre éclat. Il a
voulu qu'en fermant son ouvrage, l'esprit restât
fixé sur le souvenir du vainqueur de Rocroy.
« II n'y a qu'un grand Condé M, dit-il. C'est
une belle gloire que de s'en être fait l'historien si
renseigné, si ardent et si complet. f
Ce qui se passe
GAULOtS-GUtDE
Aujourd'hui
CoursesàA.uteuit.
LA POL!T!QÙE
PREVISION
La proposition de revision présentée par M.
Cunéo d'Ornano et que la Chambre doit discuter
aujourd'hui ou demain est trop raisonnable
pour avoir la moindre chance de succès.
Il n'est pas un homme de bonne foi qui puisse
soutenir que la Constitution actuelle réalise, non
pas l'idéal d'un gouvernement, mais même le mi-
nimum qu'on puisse requérir d'in~itutions mo-
dernes. Donc il n'est pas un homme de bonne
toi qui puisse nier la nécessité d'une revision.
Mais, d'une part, on ne pense pas actuellement
à la revision. On a d'autres chiens à fouetter. Et,
d'autre part, le ministère ne veut point risquer
la partie. C'est un sacrifice qu'il fait aux frac-
tions modérées de la république, car, en sa qua"
lité de radical, il ne peut pas ne pas être revi-
sionniste.
Voilà donc enco"e une fois les pauvres répu-
blicains de gouvernement empêchés de mani-
fester leur mauvaise humeur et forcés d'appuyer.
le ministère. Ils ont l'intention de le taquiner
tout en le soutenant et d'aller plus loin que lui en
proclamant qu'il n'y a pas lieu de reviser. Le mi-
nistère contestant l'opportunité de la revision,
ils en contestent la nécessité.
Quant aux radicaux et aux socialistes, ils con-
tinuent à être des ministériels enragés. Et ils
doivent immoler à leur amour pour le cabinet
leurs aspirations et leurs promesses revision-
nistes.
Il serait curieux vraiment qu'après avoir été
les seuls Français qui sachent faire de l'opposi-
tion, les radicaux devinssent les seuls Français
qui sachent faire de la politique gouvernemen-
tale. J.CORHÉLY.
ËCHQ~POUTIBUES
On racontait hier soir dans les cercles poli-
tiques que le ministre des finances, qui a fait
preuve, lorsque s'est manifestée pour la première
fois la crise financière, d'une énergie dont nous
l'avons félicité en dehors de tout esprit de parti,
s'est montré surpris et préoccupé de la tenue
inexplicable du marché d'hier et qu'il compte en-
tretenir aujourd'hui le conseil des ministres des
mesures a. prendre pour porter remède à une si-
tuation que rien ne paraît justiSer.
ËCHOS DE PARIS
Loigny s'apprête à célébrer avec la plus grande
solennité le vingt-cinquième anniversaire de la
bataille livrée dans ses plaines et dans ses rues
le 2 décembre 1870.
Un service funèbre sera. célèbre le lundi 2 dé-
cembre prochain dans l'église de cette paroisse, à
neuf heures et demie du matin, à la mémoire des
officiers et soldats tombés glorieusement pour la
Frarice en cette sanglante journée.
L'office, cette année, sera présidé et la grand'-
messe pontincalement célébrée parMgrFoucault,
évoque de Saint-Dié.
L'oraison funèbre sera prononcée par Mgr
Jourdan de La Passardière, évêquede Roséa.
Le général de Gharette et plusieurs de ses
zouaves ont l'intention de profiter de ce vingt-
cinquième anniversaire pour venir apporter sur
la tombe de leurs camarades et du général de
Sonis l'hommage respectueux de leur souvenir et
de leurs prières.
LE MONDE DES ARTS
On fait grand bruit en ce moment autour du
musée de Lille, dont les collections sont si juste- j
ment réputées.
Des œuvres de Mignard, de Watteau, la Médée
de Delacroix, le portrait de la DaM~e aux c~e~M,
par Carolus Durari le .SoMMMe~, de Puvis de
Chavannes le ~Msa~, de David, sont en dé-
crépitude. Les toiles de Goya. ae couvrent de
champignons t
Naturellement la direction des beaux-arts s'est
émue de ce fâcheux état de choses, et M. Henry
Roujon a envoyé a Lille un de ses collaborateurs,
M. Roger Marx, inspecteurprihcipal des musées,
lequel se livre à une enquête très minutieuse.
Dès son retour à Paris, M. Roujon prendra, telle
décision qu'il conviendra, dans l'intérêt dès œu-
vres que l'Etat confie, a titre de dépôt, au musée
de Lille.
D'ailleurs la présence à Lille de l'envoyé de
M. Henry Roujon a eu un premier résultat I&
musée vient, en eSét, d'être fermé, et la munici-
palité se dispose à exécuter des travaux impor-
tants. Il s'agit, avant tout, de garantir les ta-
bleaux contre l'humidité, ce qui sera assez diffi-
cile, le musée étant construit suï' un terrain ma-
récageux et, du reste, dans des conditions de con-
fort vraiment très mauvaises.
Si la ville de Lille consent à se prêter de bonne
grâce aux réparations qui lui sont indiquées par
la direction des beaux-arts, on peut espérer que
tout pourra encore s'arranger. Si, au contraire,
les intéressés se faisaient tirer l'oreille, il appar-
tiendrait a M. Roujon de prendre, en ce qui con-
cerne les chefs-d'œuvre, propriété de l'Etat, telles
mesuresconservatoires reconnues indispensables,
et nous savons que le directeur des'beaux-arts
n'y manquerait pas.
A TRA.VF.RS LA VILLE
Un chèque qui va faire pâlir Arton.
Nos lecteurs se souviennent de notre Bloc-
Notes sur le jubilé de la Banque d'Angleterre.
Or, voici un petit (?) événement qui pourra don-
ner une idée des affaires qui se traitent dans cet
important établissement financier.
Samedi dernier, à onze heures du matin, a eu
lieu à la Banque d'Angleterre, à Londres, la
transaction suivante: Le représentant de la
Chine a remis au représentant du Japon un chè-
que de la bagatelle de 4,900,000 livres sterling
(133,500,000 fr.)
La chose s'est passée le plus simplement du
monde. Le caissier principal de la Banque, M.
Bowen, avait à l'avance rédigé le chèque et le
tenait prêt sur son bureau:
Quand les représentants des deux puissances
asiatiques se furent réunis dans son cabinet, le
caissier remit le chèque entre les mains du re-
présentant chinois celui-ci le délivra, en se
courbant en une cérémonieuse révérence, ès
mains de l'envoyé japonais.
Ceci fait, le Japonais rendit le chèque. au cais-
sier principal, qui en ajouta le montant au compte
du gouvernement japonais.
Le'Japon, après la remise de cette indemnité,
se trouve être possesseur à la Banque d'Angle-
terre, qui en a le dépôt, de la bagatelle de 37 mil-
lions de livres (environ 935 millions de francs 1)
A propos de l'ineffaçable souvenir que George
Sand avait laissé dans le cœur de Jules Sandeau
et dont un articte du CcM~s parlait l'autre jour,
un de nos abonnés nous envoie cette charmante
anecdote, tout à fait caractéristique.
Jules Sandeau, après sa rupture avec celle dont
il avait guidé les premiers pas dans la carrière
littéraire, était parti pour l'Italie afin d'oublier.
A. peine arrivé a Turin, son premier soin fut
d'écrire à son amie. La lettre n était pas plutôt
tombée dans la boite postale que le jeune homme
regretta, sa missive. Ce regret s'accrut des diffi-
cultés qu'il rencontra auprès des agents de la
poste, qui refusèrent absolument de lui rendre
sa lettre. Enfin, Jules Sandeau va au ministère
des postes, obtient une audience de M. de Cavour
et lui expose sa réclamation.
Après l'avoir repoussée tout net, le ministre,
touché du dépit de ce jeune amoureux, promet de
lui rendre sa lettre, à condition qu'il en lira par
avance les premiers et les derniers mots tracés
de la main même du signataire.
Le réclamant se prête de bonne grâce à cette
formalité, prend la plume et écrit les premiers
mots en question, qui se trouvent être « Je vous
aime. w
Voyons les derniers mots, maintenant,' dit
M. de Cavour.
Voici, dit Jules Sandeau, encore plus con-
fus.
Et ces derniers mots étaient a Je vous aime. ))
Edou&rd Rod
Les incompatibilités parlementaires en 1849.
A la séance de l'Assemblée législative du 20 no-
vembre, M. Raspail fils demande que l'Assem-
blée déclare les banquiers incapables d'être mi-
nistres des nuances et, à propos de cette ques-
tion, il vient articuler an fait qu'on lui a dit être
calomnieux.
Sommé de nommer un ministre qui, d'après
son dire, a. lui M. Raspail, aurait amassé une
fortune de 1,500,000 francs pendant son passage
aux affaires, M. Raspail refusederépondre. Puis,
forcé dans sesderniersretranchements par la vio-
lence des réclamations de l'Assemblée et les in-
jonctions du président, il lui est impossible d'ar-
ticuler un nom, et, suivant sa propre expression,
il préfère se soumettre à plusieurs rappels à l'or-
dre plutôt que de préciser son accusation.
Décidément, toutes les républiques se ressem-
blent.
Les chansons d'actualité.
Les camelots vendent en ce moment la C/!OM-
son de ? ~~oyar~s, la Chanson de la Cloche et
la C/oc~e du tS'sere-Ca'Mr, trois chansons nou-
velles et actuelles.
Et ces chansons se vendent beaucoup plus que
la Co~pJa~e de Menaldo qui, paraît-il, trouve
difficilement des acquéreurs.
Les médecins et les administrateurs d'hôpi-
taux.
Les querelles entre médecins et administra-
teurs d'hôpitaux sont, parait-il, assez nombreu-
ses en Amérique mais, dans ce dernier pays,
les choses ne trament jamais en longueur comme
chez nous. Exemple
Dernièrement le corps des médecins de Port-
land (Orégon), pour soutenir un de leurs confrè-
res qui avait eu maille & partir avec l'adminis-
tration, donna en masse sa démission.
L'administration, de son côté, accepta immé-
diatement toutes ces démissions, et, sans plus
tarder, remplaça les médecins récalcitrants par
autant de médecins homéopathes.
Une des curiosités de l'Exposition universelle
de 1900 sera la carte magnétique du monde, dont
le gouvernement a confié l'exécution à une mis-
sion d'officiers de vaisseau.
Ces officiels se sont divisés en plusieurs.
groupes qui se sont partagé le travail d'obser-
vation dont ils ont été chargés. Ce travail est coa-
sidérable.Il s'agit de déterminer exactement le
p(Mût magnétique indiqué par l'aiguille aimantée
et de construire les tables des déclinaisons pour
les principales stations du monde.
L achèvement de ce travail permettra aux na-
vigateurs de posséder une carte magnétique
exacte, et d'éviter ainsi des erreurs journalières.
dans leurs calcula.
On signale en Indo-Chine l'arrivée de quatre
omciers chargés d'étudier la partie du globe qui
s'étend entre Aden et le nord de la Chine.
Dès que ces officiers auront terminé leurs ob-
servations en Indo-Chine, ils se dirigeront du
côté du Japon et de la Chine, et remonteront
ensuite les côtes de l'Amérique du Sud.
Un détail assez curieux et certainement ignoré
de la nombreuse clientèle du Pôle-Nord.
Une célébrité médicale a déclaré que non seu-
lement le patinage était un excellent sport au
point de vue hygiénique, mais que respirer l'air
contenu dans la coquette salle de la rue de Cli-
chy était la meilleure cure pour les personnes
faibles de la poitrine.
Nous sommes heureux, chaque fois que l'occa-
sion nous en est fournie, de pouvoir nous em-
ployer à détruire les légendes là où elles se trou-
vent. Il en est une qui court Paris et qui est abso-
lument fausse. « La Pensée ?, cette ancienna
maison dont nous esquissions l'historique ces
temps derniers, vend cher, a-t-on coutume de
dire. Ce n'est pas très exact. On y trouve des ar-
ticles de bonne qualité, d'un goût exquis et dont
le prix n'est jamais exagéré. Les vraies Parisien-
siennes et les étrangères expertes le savent, et
chacun peut s'en rendre compte en faisant una
simple visite dans les magasins du faubourg
ëaint-Honoré.
On s'entretient beaucoup, au boulevard, du
Charbonnier.
Duquel.? demanderont les amateurs de po-
tins.
Mais du cru Charbonnier, répondent les
gourmets, ce vin célèbre que MM. Saulnier et
Guichard, propriétaires du vignoble qui le pro-
duit, onrent à leur élégante clientèle du café-res-
taurant de Londres, à la Madeleine. Et le Char-
bonnier arrose délicieusement, on peut nous en
croire, les excellentes huîtres de la vieille maison
parisienne.
L'ESPRIT D'AUTREFOIS
Lorsque M. de Silhouet fut nommé contrôleur
général, la duchesse d'Orléans, si connue par son
esprit satirique, l'envoya complimenter le jour
même.
Mais comme on changeait très souvent de mi-
nistres
Monsieur, dit-elle au gentilhomme qu'elle
chargeait de son message, informez-vous cepen-
dant au suisse de l'hôtel si M. de Silhouet est
« encore w contrôleur général.
A travers les livres
Signalons, à propos de l'inauguration du mo-
nument d'Emile Augier, la nouvelle édition du
T/t~re co~~ du maître, en sept volumes,
que la librairie Catmann Lévy vient de faire pa-
raître.
KOUVELLES A LA MAtM
Entendu, hier soir, au café, entre deux ténors
Et tu crois, toi, que les œufs frais éclaircis-
sentlavoix? Y
Tiens, pardine ) regarde les poules, dès
qu'elles pondent, elles se mettent & chanter.
Un Domino
Mmeur le ~c A'Mm i
MT
M.PAUL DÉROULËDE
Nous avons dit, l'autre jour, que Monsieur le duc
d'Orléans, & son passage & Bruxelles, avait charge
M. le duc de Luynes de remettre à M. Paul Dérou-
lode une lettre de félicitations à l'occasion de son beau
drame de Afexsere DM GMMcMM. Nous sommes allô
chez M. le duc de Luynes, qui a bien voulu nous
communiquer la. lettre de Monsieur le duc d'Orléans,
ainsi que la réponse de M. Paul Deroulede. Voici d'a-
bord la lettre de Monsieur le duc d'Orléans
~0 novembre 1895.
Monsieur,
Je viens de lire votre beau drame et je tiens &
vous dire l'émotion profonde qu'il m'a causée.
Vous n'êtes pas royaliste, je le sais aussi
n'est-ce pas le prétendant qui vous félicite, c'est
un Français dont le cœur a battu aux sentiments
patriotiques et Sers que vous exprimez avec tant
de talent, avec tant de chaleur c'est un prince
que touche l'hommage rendu à ses aïeux, c'est
un soldat remerciant un soldat.
« La royauté n'est pas un parti dit votre Du
Gdesclin Henri IV, qui conquit un trôné moins
par son épée que par le plébiscite des cœurs;
avait la même pensée lorsqu'il se disait « de la
religion de tous ceux qui sont braves et bons ?.
De l'exiï, je vous envoie, monsieur, à vous qui
êtes « brave et bon )), merci, bravo et sympathie.
PHILIPPE.
j <:
Voici, maintenant, la réponse que M. Paul Dërou-
lède a adressée a. Monsieur le duc d'Orléans
11 novembre 1895.
Monseigneur,
M. le duc de Luynes m'a iait tenir la belle et
noble lettre où vous m'honorez de vos éloges de
Français et de soldat.
J'en ai été d'autant plus touché que vous vous
êtes placé, en l'écrivant, au-dessus des questions
de parti.
Je ne suis pas, en eSët, royaliste ma prédilec-
tion a toujours été et est encore pour la républi-
que autoritaire, basée sur le plébiscite. Mais je
n'exclus de ce plébiscite la candidature d'aucun
Français.
Ma passion pour la France me fait accepter par
avance, quel qu'il soit et quelle que soit son ori-
gine, le chef élu qui nous tirera de l'anarchie par-
lementaire où se désagrègent et disparaissent
une à une toutes les forces vives de la nation.
Ma loyauté devait cette déclaration à votre
franchise, elle la devait aussi aux. spectateurs de
Z)M Veuillez agréer. Monseigneur, avec un cordial
merci, l'assurance de mes sentiments très respec-
tueux.
Paul DEROULEDE.
La lettre de Monsieur le duc d'Orléans honore le
Prince qui l'a écrite, et la réponse de M. Paul Dérou-
lède honore aussi le bon Français qui l'a faite.
P. R.
~cc-M Pc~y
LE BAPTÊME DE LA «SAVOYARDE~
Hier, à deux heures et conformément au programme
que nous avons publié it y a quelques jours, a eu
heu, à l'église du Sacré-Cœur de Montmartre,
te baptême très sotennet de ta Saj'oyar~e. On peut cer-
tainement évaluer à ptus de cinquante mitte personnes
,te nombre des ndètes ou des curieux q~i remptissaient
.ta basilique, tes chantiers et toutes tes rues avoisinan-
tes au moment où ta cérémonie a commencé.
L~ctergé a fait son entrée aux accents d'un po&me
symphonique d'Alfred Josset, exécuté par l'harmonie
des Frères de Saint-Jean-de-Dieu.
S. Em. te cardinat Richard, qui présidait, était as-
sisté de Mgr Hautin, archevêque de Chambéry, parrain
dé ta nouvette cioche de Mgr Bécet, évoque de Van-
nes de Mgr Bonnefoy, évoque de ta Pochette de Mgr
Jourdan de La Passardière, évéque de Roséa, directeur
générât de la Société antiesctavagiste de France, et de
Mgr Esbérard, évéque de Rio Janeiro,
To.us ces prêtais se sont rendus .proc~ssionnettement
au banc-d'œuvre, pendant qu'un suisse conduisait,
d'autre part, la marraine de <: Marguerite-Françoise du
Sacré-Cœur~ à ta-place qu'elle devait occuper dans
l'avant-nef au milieu de ses invites et des représentants
des diocèses de ta Savoie.
Dn nombreux clergé, en habit de chœur, remptissatt
te centre de ta nef. Nous avons reconnu, notamment,
MgrPeri-Morosini,t'eminent secrétaire de ta noncia-.
ture apostolique; ta ptupart des membres du chapitre
métropolitain, tous les chapelains de la basilique M.
t'abbé Quignard, curé de Saint-Eustache, et un grand
nombre de religieux, des Dominicains surtout, avides
de prendre une belle leçon d'éloquence sacrée en écou-
tant l'un des plus illustres représentants de leur ordre,
le R. P. Monsabré.
Le célèbre conférencier de Notre-Dame avait pris
pour texte de son admirable discours ces paroles de
l'Ecriture « Ma voix se fait entendre aux fils des hom-
mes. Ecoutez-moi, car j'ai à vous dire de grandes cho-
ses. <
!1 a commencé par le développement auquel il a
su donner le tour le plus poétique d'une comparai-
son ehtre le corps humain et 1 église dans taquelle se
tient t'assemblée des fidèles, expliquant que la cloche
est aussi nécessaire à celle-ci, et pour tes mêmes rai-
sons, que ta parole à celui-là.
Ensuite il a exposé ces deux idées les cloches sont
la voix de Dieu; tes cloches sont la voix du peuple
chrétien.
Suspendues entre le ctet et ta *terre, comme Jésus-
Christ sur la croix, elles sont la voix ~de Dieu lors-
qu'elles appellent tour à tour, suivant l'heure ou te&
circonstances, chacun de leurs devoirs.
Elfes sont la voix du peuple chrétien, lorsque, tou-
chant et pieux symbole, elles font monter vers Dieu
l'obéissance ou le repentir de sa créature, ses supplica-
tions et ses appels à l'infinie miséricorde.
Le Père Monsabré indique, dans la dernière partie de
son discours, la magnifique signification des diverses
cérémonies qui Composent le baptême d'une cloche.
Le GaM/ofs a fait récemment cet exposé.. L'éminent re-
ligieux tui a donné tout le charme, tout le relief dont sa
parole puissante et toujours si claire conserve le secret.
ït n'a pas voulu descendre de chaire sans adresser un
compliment d'une exquise délicatesse à l'archevêque de
Chambéry, parrain de la « Savoyarde », « prince et
pasteur d'une Eglise qu'il édifie par ses vertus et qu'il
charme par les aimables qualités de son cœur et à la
marraine, Mme la comtesse de Boigne,
dans sa parenté les époux vierges, Elzéar et Delphine,
que l'Eglise honore du culte des saints ?.
Enfin, dans une adjuration suprême, l'orateur invite
la nouvelle baptisée à sonner en /!onneur pour le Roi
des Rois, en
Guibert, qui a posé. ta première pierre de la basilique,
pour celui qui l'a faite si belle et pour tout le peuple
de Savoie, dont elle est le magnifique cadeau.
« Sonne en appel, sonne en honneur, sonne en
merci. Sonne et redis à travers tes siècles, du haut de
la sainte colline, à la vitte, à la nation, au monde en-
tier: vive Jésus t
Mgr Richard répond au Père Monsabré. En quelques
mots infiniment aimables, il le félicite et le remercie du
superbe discours qu'il vient de prononcer.
L'immense nef se vide lentement, au chant des can-
tiques, et l'on va procéder, sur les chantiers, à ta béné-
diction de la cloche.
A côté du campanile qui soutient ta -Sa~'ar~e, en-
core revêtue de la robe de dentettes que tut a donnée
Mme la comtesse de Soigné, on a dressé une tente or-
née d'un 'vélum de velours rouge doublé d'hermine.
C'est là qu? prend place le haut clergé avec quelques
invités de marque, pour assister au baptême.
Cependant, .on chante tour à tour les longs psaumes
qui, suivant les prescriptions du rituel, doivent accom-
pagner la bénédiction du sel et de t'eau, t'abtution de
fa ctoche, les sept onctions qui lui sont faites à l'exté-
rieur avec l'huile des infirmes, les quatre onctions inté-
rieures pour lesquelles on se sert du saint-chrême, et
l'encensement.
Puis M. te chanoine Brettes monte sur une estrade
très élevée, du haut de laquelle il improvise, au milieu
d'un silence religieux, une très belle aliocution.
M. le chanoine Brettes a une voix de tonnerre. H réa-
lise ce tour de force de se faire entendre d'une foule
immense, en plein air, pendant trois bons quarts
d'heure, et d'intéresser l'auditoire qui vient d'écouter
le Père Monsabré. A maintes reprises, les applaudisse-
ments éclatent.
Enfin un son grave, prolongé, d'une extraordinaire
puissance, se mêle à la fanfare joyeuse des Frères de
Saint-Jea:i-de-Dici.t et domine l'immense acclamation
dont lepeupie, qui couvre la butte tout entière, salue
le premier verbe de cette qu'on v'.ent de baptiser.
Maintenant la .Sa~a~r~e chante sur la grande ville
qui, déjà, entre dans la nuit. tl est cinq heures. La cé-
rémonie est terminée. Au dehors, la foute va suivre dé
ses vivats la voiture de Mme la comtesse de Boigne.
& Vive la marraine 1 crient sur son passage les enfants.
Et tout ce monde est à la joie. Tant il est vrai que cer-
taines fêtes religieuses sont encore tes meilleures des
fêtes populaires.
L'AKRESm!~ B'Am
NOTRE E~ËTE A LONDRES
(~tf ~c~ec~s de Mo~"e co)')'eArtom me vemt pas être extradé
Londres, 20 novembre.
J'ai pu avoir aujourd'hui une interview avec
M. Arthur Newton, le so~c~o~ chargé de la dé-
fense d'Arton.
M. Newton n'a pu, naturellement, lire encore
tout le dossier de l'affaire, et il demandera de-
main à Bow-Street l'ajournement jusqu'à jeudi
prochain; je vous l'avais dit, et tout le monde
sait que cet ajournement sera accordé.
Mais je suis en mesure de vous transmettre une
information toute nouvelle d'une grande impor-
tance et qui contredit tout ce qui a été annoncé
depuis trois jours
C'est que, bien loin de n'opposer aucune diffi-
culté à son extradition, Arton .est décidé à tout
faire pour ne pas être extradé. Il mettra en œuvre
dans ce but tous les moyens possibles de procé-
dure et résistera jusqu'au bout.
M. Newton, qui a vu Arton aujourd'hui à Hol-
loway, m'a afnrmé que son client est plein d'es-
poir dans sa non-extradition.
Le dossier, arrivé aujourd'hui de Paris, a été
aussitôt transmis au Foreign-Ofûce. De là, il sera
adressé au home secretary, qui le fera parvenir
au juge de Bow-Street.
Ce n'est d'ailleurs, en quelque sorte, que le
commencement du dossier. Car il y a beaucoup
de lacunes qui seront comblées par M. Taillefer,
avocat de l'ambassade française, resté à Paris
dans ce but.
La comparution de demain n'offrira nul intérêt
et ne durera que cinq minutes, le juge devant
ordonner aussitôt la remise à huitaine.
L'extradition d'Arton est demandée pour faux,
usage de faux, banqueroute frauduleuse et escro-
queries. A,
ARTOM EM PR!SON
("0'M)t CO~e~pOMOKM~ OCC~O~Mg~
Londres, 30 novembre.
Dès son arrivée à la prison de HoMoway, Ar-
ton manifesta le désir de ne pas occuper la cel-
lule d'Oscar Wilde. II prononça ce nom avec un
geste de dégoût.
Rassurez-vous, lui dit le directeur, vous oc-
cuperez la cellule que d'autres Français ont occu-
pée avant vous, Meunier entre autres.
Ah très bien, très bien ) 1 Vous me traitez
comme un détenu politique. C'est cela, je ne suis
pas autre chose.
Arton ne reçut pas de réponse. Mais ses pro-
pres paroles le rendirent tout guilleret pendant
une heure ou deux Lorsqu'il voulut prendre
du repos, il seproduisit une violente réaction ner-
veuse et il se mit à pleurer, à sangloter.
Le lendemain dimanche, interrogé s'il voulait
voir un aumônier, il répondit d'abord affirmati-
vement. « Le chapelain cathoHque, dit-il. » Puis
iirepnt: & Non, je auia ai oeu catholique. D'ail-
Tout-Paris
leurs, & quoi bon ? Dieu m'a abandonné. Jusque
présent, je croyais vraiment qu'il existait et qu'il
me gardait contre ceux qui me traquaient. Maia
maintenant que me voila là, je doute de lui. e Oa
«n'insista pas.
II demanda à lire T~a~~o~, de Walter Scott, et
un livre de Dickens. Mais il lisait & peine. H
feuilletait Sévreusement les volumes, les fermait,
les rouvrait et se plongeait, la tête penchée, dans
des rénexions profondes.
Vers lesoir.il devintcommunicatif. ((Si la pas*
sion politique ne s'était mêlée aux poursuites
dont il est l'objet, il ne se serait pas dérobé uo
instant. Mais on examinerait moins les faitt
qu'on lui reproche que la légende qui s'est faite
autour de son nom et les récriminations tien-
draient lieu d'arguments. »
C'était un monologue. Le personnel de la pri-
son, qui le traite avec beaucoup d'humanité, ne
doit néanmoins se mêler en rien à ce qu'il dit. D
est écouté, mais il ne reçoit pas de réponse.
Il est étonné d'ailleurs que les gardiens soient
si peu au courant de « son histoire a. « EUe a ce"
pendant passionné le monde entier a.I! voit sur
la ngure de ceux a. qui il parle qu'ils sont presque
complètement étrangers à ce qui le préoccupe. eq
Aussi a-t-il, dès lundi matin, raconté ses péré.
grinations avec force détails dont il supprimait
cependant « ceux qui pouvaient froisser des
oreilles britanniques )). Il a été trahi par le sort
en réalité, peu d'hommes ont autant travaillé
que lui peu ont été aussi bienveillants que lui
envers les autres. Et cependant il n'a rien, et ses
ennemis sont nombreux et impitoyables.
Quand il a uni de raconter, se remémorant &
lui-même surtout les principales étapes de sa vie,
il écrit, il écrit, ce sont des pages entières qu'il
couvre et qu'il déchire, mâchant le papier pour
qu'il ne reste rien de lisible des morceaux dé-
chirés.
Il mange peu, très peu, et boit moins encore
«J'ai pourtant bien soif, disait-il. J'ai la gorge
desséchée. Mais cela ne descend pas w.
Lundi soir, il était particulièrement abattu. Il
avait vu un de.ses compatriotes, mais n'avait pas
vu une femme qui était venue la veille avec son
mari. « Cette dame est le seul être qui m'ait véri-
tablement aimé sur la terre. Vous ne savez' pas
qui est cette dame? C'est ma fille, ma fille à moi
qui viendrait-me voir si j'étais aux gémonies, qui
vient me voir ici parce qu'elle sait bien que je n~
suis pas l'homme qu'on prétend. »
» Que cette soirée est longue ') » ajouta-t-il.
Ces lamentations sont parfois traversées de
sourires malicieux, sardoniquos. « Ils ont peur
de moi, de mes listes. Quelles listes? Ah! oui t je
sais, les listes, les fameuses listes! "Et c'est moi
qui paie maintenant ces listes sans elles, on
m'aurait laissé tranquille. »
Lundi matin, il était plein de courage. « J'ai
dormi, je suis Ir.cn reposé. Toutes les folies qui
me torturaient depuis quarante-huit heures ont
disparu. Et puis j'ai fait de beaux rêves. Ma fille
viendra aujourd'hui et la journée sera bonne. a
il.a en effet bien mangé. Il a écrit ensuite des
lettres qu'il a données pour être expédiées. Puis,
i) a ouvert des feuilles de papier qu'il n'a pas dé-
chirées et qu'il a lues à sa ûMe et à son gendre
qui viennent de le voir. Après leur départ, il
pleure un moment mais se montre ensuite très
calme. Il lit et se promène de long en large dans
l'attitude d'un homme qui prépare dans son cer'
veau un discours.
II a eu aujourd'hui la visite d'un chapelain. H
lui a raconté, d'après ce qu'il dit, qu'il avait un
rabbin autrefois dans sa famille et qu'un autre
membre de sa famille, adjoint au maire d'un'ar-
rondissement de Paris, était un Israélite encore
très pratiquant, membre du conseil de la a syna-
gogue ». Le chapelain –qui voit dans les juifs,
comme tous les clergymen anglais, le peuple de
Dieu a paru très intéressé et il lui a fait. enten-
dre quelques paroles bienveillantes qui mi font
regretter de ne l'avoir pas vu plus tôt.
Il aimerait bien voir les journaux, surtout lëa
journaux français. Doivent-ils en dire sur son
compte le charger de tous les péchés, le rendre
responsable de la ruine de Panama, qui sa.it peut-
être aussi de la baisse des mines d'or Quand on
s'acharne après un homme, il n'y a plus délimite
ni de mesure et la justice n'est plus possible.
« Et pourtant, ajoute-t-il, j'ai conôance, plei-
nement confiance d'abord la magistrature an-
glaise ne m'extradera qu'avec l&s réserves for-
melles qu'elle apporte en pareil cas, et puis Iq
justice française, quand elle me verra devant
elle, s'apercevra que je ne suis pas l'homme
qu'on avait décrit.
» Je vais préparer ma défense. Je reviendrai
en Angleterre, j'en suis sûr. Cette fois, ce ne sera
plus pour gagner 12 shellings par jour, car de-
puis des mois je n'ai vécu qu'avec 12 shellings
par jour. Voilà l'homme fastueux que je suis. Il
est vrai que mes goûts ne sont pas toujours si
modestes.
~Jene suis pas un dévot. Mais je suis un
croyant, et je regarde l'avenir avec confiance.
» Que ferai-je, demain mercredi? Je ne sais en-
core. Jeudi, ce sera autre chose, »
Trilby
,LA.
Loi sur lesJ~atiuiMs
Par M. Georges Feydeau
La scène est & l'Elysée dans quelques mois. Le cabinet
de travail do M. le président de ia république.
SCÈKE ÏM
LE PRÉSIDENT, S6M~ NM~ ~!H MM /'C!M~eM:7, M-
sant rOfficiel
.Art. G. Sera puni dos peines prévues à l'article 175 da
Code pénal tout sénateur ou député qui sera reconnu avoir,
pendant ia durée do son mandat, soit ouvertement, soit par
personnes interposées, soit par acte simuté, pris ou reçu
quelque intérêt que ce soit dans un syndicat de garantie
constitue on vue de l'émission de valeur mobilière par un;
établissement ayant obtenu de l'autorité publique soit une
subvention, soit la concession d'un privilège ou d'un mouo'
pôle.
Art. 7. Tout sénateur ~'t député qui aura dans son en-
tour:
susnommés attendu qu il n'ett pas prouvé que lesditea
personnes de son entourage ou de ses connaissances ne sont
pas des personnes interposées sera puni des memea
peines prévues à l'article 175 du Code pénal.
Art. 8. Tout sénateur ou député dont la femme aurait
apporté en mariage une dot constituée par un père exerçant
ou ayant exercé les fonctions de directeur ou administra-
teur d'un établissement financier ou industriel subven-
tionne par l'Etat, ou simplement lui ayant apporté une dot
quelconque comme on ne peut jamais savoir s'il n'y a a
pas eu des malpropretés dans l'origine de la fortune sera
tenu de divorcer dans les vingt-quatre heures.
Art. 9. Sera puni des peines énoncées dans l'article 6.
1° Tout sénateur ou député qui sera convaincu d'être ou avoir
été l'amant de coeur d'une femme ayant pour protecteur un
directeur ou administrateur d'un établissement financier ou
industriel subventionné par l'Etat;
3° Tout sonateur ou députe qui sera surpris recevant un
pot-de-vin, à plus forte raison une barrique, attendu qu'une
barrique est un récipient plus grand que les pots les plus
grands. Le cidre et la bière sont autorisés jusqu'à nouvel
ordre
3° Tout sanateur ou députe qui sera trouvé porteur d'au
portemonnaio contenant plus de 25 francs, qui est la somma
exacte constituant son traitement journalier.
Art. 10. La mendicité est interdite..
Art. 11. Sont formellement abrogées toutes les dispoai-t
tiens législatives contraires à la présente loi.
~a~s.~ Bravo voil~ un~ toi qui aura les suf-
fragea du pays On ne pourra plus dire que noat
honorables sont des concussionnaires et des ven-
dus.
SCÊME M
LE PRÉSIDENT, UN HUISSIER, ~M~! M. BRISSOK
L'HuissiER, <ïMMOMpaM~. Monsieur le prési-
dent de la Chambre.
Ls PRÉSIDE~. Lui faites entrer.
BaissoN, entrant et .M~MOM~. Monsieur tt
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