Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1894-06-28
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34419111x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 126844 Nombre total de vues : 126844
Description : 28 juin 1894 28 juin 1894
Description : 1894/06/28 (Numéro 6453). 1894/06/28 (Numéro 6453).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG15 Collection numérique : BIPFPIG15
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG35 Collection numérique : BIPFPIG35
Description : Collection numérique : BIPFPIG37 Collection numérique : BIPFPIG37
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k517133n
Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/04/2011
"ÎHX-KBDVI2MB ANNÉE, N«
Le numéro s
JEUDI n JUIN UN
ABONNEMENTS
PARIS et DÉPARTEMENTS Trois mois, 6 fr. Six mois, • k. Un tn, 1§ fr.
Ou M-mboma» sans frato dom tom les Bnrmmx de p–U
Direction.: 18, Rue d'EBnglilexi. PA.FIXS
TOUS LES JEUDIS
Supplément Littéraire Illustré (Huit Pages) Centimes.
ANNONCES
S'adresser chez UU. L. AUDBOURG et C" Place de U Bonne, TARIS
et la Salle des Dépêches* du Petit Pmrisim, to, boutev Montmartre.
ÉLECTION DU NOUVEAU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
PREMIER TOUR RÉSULTATS DÉFINITIFS
Suffrages exprimés: Majorité absolue: 423
M. Jean Casimir-Perier. 451 voix
M. Henri Brisson 195
M. Charles Dupuy. • • •
Général Février 53
M. Emmanuel Arago. 22
pivers 22
M. JEAN CASIMIR-PERIER EST ÉLU
LE NOUVEAU PRESIDENT
M. Casimir-Perier est Président de la
République. La mort tragique de M. Car-
pot l'a porté brusquement à la première
magistrature de l'Etal, où il arrive escorté
par des espérances, qu'il saura justifier s'il
se pénùtre des conditions dans lesquelles
s'est faite son élection, et des vœux du
pays.
Nous avions prévu son élévation au poste
de chef du pouvoir exécuif, lorsque nous
nous exprimions dans 1 s fermes suivants, le
jour récent où il était renommé président
de la Cbambre
« La France a reconnu en lui un servi-
teur des idéas qui lui sont chères, et elle
» le juge digne des plus hauts destinées.
» Cette nomination n'e.-t pas le dernier
échelon d'une fortune politique qui suit
» depuis longtemps une marche ascendante.
» C'eit l'étape pré.-ediint inxnédixtement
Il l'honneur suprême qui, dans un régime
m électif, peut être déce né à un citoyen par
» la conllanoede sa patrie. »
À ce moment dé"a, nous avions constaté
ses efforts pour rassurer la démocrat e
contre des inquiétudes que sou n >m pou-
vait lui inspirer.
Notre approbation ne lui avait pas fait
défaut, alors que, premier Ministre, il se
plaçait résolument sur le terrain des ré-
formes populaires et mon rait un vif souci
des améliorations morales et matérielles
que la République doit aux classes labo-
rieuses.
Maintenant que M. dasimir-Perier est la
lus haute personnilication du régime répu-
blicain, il doit à ceux qui Ion, élu de,justi-
fier leur confiance, en faisant tombeur les
Inévitables préventions nées de son origine,
de son milieu, de la trace laissée dans l'his-
toire par son aïeul.
Co nme Présic'eat du Conseil, il avait
nettement planté son drapeau dans le camp
'de la démocratie. Ses déclarations au Pa-
lais-Bourbon, a. l'Exposition de Lyon, au
banquet du personnel des Chemins de fer,
respiraient la foi ddmocratique Uaas ces
circonstances diverses, il avait porté témoi-
gnage devant la France de son dévouement
aux id 'es de progrès et de liberté.
Chef do l'Etat, il va immédiate rent orien-
ter sa politique et donner la m su;e e de son
gouvernement par le choix de son premier
Minist-'fe.
De sa désignation dépend peut-'tre l'ave-
nir de notre pays, qui lui demande de pren-
dre s m Cabinet en dehors des craintifs du
Ce lire Qauohe ou des exagérés de l'E.t-
Icème-Cîauohe, ma;s parmi ces républicains
unis entre eux pour marcher en avant sans
précipitation comme s»n> 'aiblesse.
C'est là qu'est la ma'orité dans le Parle-
ment et dans le pays; et c est là que M. Ca-
«imir-1'erier trouvera la force pour gouver-
ter et travailler à la grandeur de la France.
JEAN CASIMIR-PERIER_
Jeea-Paut-Pierre Casimir-Perier, né à Paris
jo 8 novembre i8n, est le petit-fils de Caei-
httr Perier, ruinistre de la monarchie de Juil-
Îet, et le fils aîné du ministre de M. Thiers.
Un. décret du Président de la République,
tendu en avril t8i4, l'autorisa à joindre le
pronom de Casimir au nom patronymique,
Srorigina uormande, de Perier.
M. Jean Casimir-Perier fit au lycée Bona-
Sarte de sérieuses études classiques lauréat
du Concours général, licencié ès lettres, il
suivit le» cours de La Farulté de droit. Cani-
Jtaiue de l*i garde mobile de l'Aube, qui fut
appelée a Paris pendant le siège,il se condui-
alt ave.- hravoure, prit part au combat de
baveux (t3 octobre 1870), mérita d'être cité
e, l'ordre du jour et fut décoré de la Légion-
d'Honneur.
Du mois d'octobre 1871 au mois de février
il remplit auprès de son père, alors
Nlnittltr de 1 Intérieur, les fonctions de chef
de Cabinet.
C'est en juillet qu'il débuta dans la
carrière politique et fut élu, sous le patro-
nage de ssn père, membre du Conseil général
le l'Aube.
H se présenta ensuit» aux élections législa-
jBves du 20 février 1S76 dans l'arrondiesement
de Nogçut-ïur-Selne, fut élu sans concurrent
par 6,9s"1 voix sur 8.033 votants et prit place
parmi les républicains modérés.
fut des 383 et obtint u réélection, comme
tel le t 1 octobre 1877,par voix sur 9,913
votants.
M. Joan Casimir-Perier fut appel6 au poste
d'Etat au département de
lInitru
il le conserva jusqu'à la retraite du Cabinet
Dufaure (31 janvier 1879).
U eut alors l'occasion d'aborder plusieurs
fois la tribune pour parier au nom du gou-
vernement.
Il vota pour l'article 7 et les diverses lois
sur l'enseignement. Rapporteur, ea de
la proposition Louis Blanc sur l'amnistie plé-
nière, il conclut au rejet.
il fut réélu le août 1881 par 6,756 voix
sur 9,126 votants.
Le l" février 1883, il donna sa démission
de député pour ne pas s'associer à la mesure
qui dépossédait de leurs fonctions militaires
les membres des familles ayant régné en
France, les circonstances, écrivait-il à ses
électeurs, ne me permettant pas de concilier
mes devoirs de famille avec la conduite que
me dictait ma conscience et mes convictions
républicaines
M. Jean Casimir-Perier se fit réélire un mois
après, le 18 mars 1883.
Il fut sous-secrétaire d'Etat à la guerre lors
de l'entrée du général Campenon au minis-
tère.
Aux élections du 4 octobre 1885, il passa le
premier de la liste républicaine de l'Aube et
fut nommé l'un des vice-présidents de la
Chambre.
Au cours de cette législature, il vota pour
l'ajournement indéfini de la revision de la
Constitution, pour la loi restrictive de la li-
berté de la presse et pour les poursuites con-
tre le général Boulanger.
A l'ouverture de la session de il fut
élu Président de la Chambre.
Le 4 décembre 1893, il céda le fauteuil prA-
sidentiel à M. Charles Dupuy pour devenir
Président du Conseil des Ministre», fonctions
qu'il conserva jusqu'au 22 mai 18!>-<
Après la constitution du nouveau Cabinet
Dupuy, M. Casimir-Perier fut nommé de noir-
veau Président de la Chambre, le 2 juin der-
nier.
Au physique, M. Jean Casimir-Perier, dont
la gravure a popularisé les traits depuis long-
temps, a l'air d'un officier, il porte les mous-
taches relevées et a le reste de la figure rasé.
L'ivil est enfoncé et le regard assuré sous des
arcades sourcilières très prononcées.
Ajoutons enîin que le nouveau Président
de la République est à la tête d'une grande
fortune et propriétaire entre autres du châ-
teau' historique de Vieille, on. Dauphiné, où
se réunirent les Etats-Généraux.
En débarquant à !a ga re de Versailles on
constate une animation inusitée.
La présence sur les quais de la gare de sol-
dats du génie, baïonnette au fusil et jugulaire
au menton, indique que les circonstances
sont exceptionnelles.
Le temps est absolument merveilleux et il
semble que les VersailUis aient la coquette-
rie de bien établir que le soleil s'est mis de la
partie. A la gare, au moment où nous som-
mes arrivés, un des contrôleurs s'est écrié
en prenant un paquet de billets des mains
des journalistes « Cette fois au moins, Il fait
beau ̃>
L'AHIMATIOM DE LA RUE
Dans les rues, l'animation est surtout très
vive devant les cafés qui font leur toilette,
devant les restaurants dont les tables sont
déjà prêtes à recevoir la nombreuse clientèle
attendue.
Tout le long des rues qui conduisent au
château, ce n'est qu'un va-et-vient de curieux
ou de gens que leurs occupations appellent
au Palais. Cinquante garçons de la Chambre
et une trentaine du Sénat, venus à Versailles
pour faire le service des couloirs de l'Assem-
blée nationale, sont arrivés ensemble par un
des premiers trains. Ils avaient tous à la main
un paquet volumineux qui dissimulait l'uni-
forme brodé des huissiers et le traditionael
gilet, rouge pour les garçons de la Chambre,
grenat pour les garçons du Sénat.
Dans les grands restaurants et les grands
hôtels, toutes les tables sont retenues depuis
la veille ou depuis le matin.
A l'hôtel des Réservoirs, un membre de la
Droi te, M. de Ramel, a fait retenir pour ses amis
un petit salon qui contient une cinquantaine
de couverts.
M. le comte de Munster, ambassadeur d'Al-
lemagne, a même fait retenir une chambre.
L'ARRIVÉE DES TRAIM8 PARLEMENTAIRE
Vers dix heures, les trains qui arrivent de
Paris apportent de très nombreux voyageurs.
L'animation devient de plus en plus grande
dans la cour de la gare. Une foule déjà com-
pacte attend l'arrivée des trains parlemen-
taires, qui doivent se succéder à cinq minutes
d'intervalle à partir de onze heures et demie.
Les trains parlementaires sont arrivés bon-
dés. Sénateurs, députés et journalistes se sont
répandus aussitôt dans les rues de Versailles,
qui présentaient à ce moment une physiono-
mie toute particulière.
Quelques députés sont venus, par ce temps
splendide, en landaus, calèches ou voitures.
M. Michou, député de l'Aube, est venu jus-
qu'à Versailles en bicyclette, suivi en ce genre
de sport par plusieurs de nos confrères.
LES MESURES 0' ORDRE
A midi, toutes les rues qui conduisent au
Palais sont barrées. Des mesures exception-
nelle ont été prises et nul ne peut pénétrer
dans l'enceinte du Palais s'U ne montre patte
plus défectueuses. Des plaintes s'élèvent de
toutes parts public, huissiers, journalistes et
questeurs, tout le monde est sur les dents.
On a poussé les exigences de la consigne
jusqu'à interdire aux journalistes ce qui
n'avait jamais été fait jusqu'à ce jour la
galerie des Tombeaux.Cette mesure a soulevé
des protestations Indignées et a causé dans
le Palais un très vif émoi.
D'ailleurs, à tous les étages, à toutes les
portes, on est arrêté par des huissiers des
deux Assemblées auxquels il faut montrer un
laissez-passer.
De nombreux agents de la Sûreté empê-
chent les curieux de stationner au dehors.
Vers midi et demi, sénateurs et députés
arrivent très nombreux au Palais.
Beaucoup de dames en toilettes printanlè-
res se pressent dans les couloirs donnant ac-
cès aux tribunes. Au dehors la fouie est
énorme
AVANT LA SÉANCE
Tous les membres du Parlement qui assis-
taient au dernier Congrès, celui du 4 décem-
bre 1887, étaient hier unanimes à constater
que le Congrès du 27 juin 1894 avait été pré-
paré dans des conditions absolument nou-
velles.
Outre le temps, qui était maussade en 1887,
et qui hier était splendide, les préparatifs
même de la réunion du nouveau Congrès ont
absolument différé de ceux du Congrès qui
avait élu Il. Carnot.
En 1887, toute la matinée avait été prise à
Versailles par des réunions diverses qui
avaient précédé une grande réunion plénière
au cours de laquelle tous les républicains
avaient voté sur les candidatures posées.
Hier, au contraire, le parti républicain avait
renoncé à tenir une réunion pféuièr9.
Les incidents tumultueux qui s'étaient pro-
duits mardi, au Luxembourg, dans la réu-
nion que les groupes républicains de la
Chambre avaient tenue avec la Gauche démo-
cratique du Sénat, avaient eu pour effet de
créer entre les groupes une division momen-
tanée.
Le groupe des Républicains de gouverne-
ment et celui de l'Union progressiste, d'accord
avec trois groupes républicains du Sénat,
ceux du Centre-Gauche, de la Gauche républi-
caine et de l'Union républicaine, étaient déci-
dés en arrivant à Versailles à ne tenir aucune
réunion générale et à persister dans la réso-
lution prise par eux de voter au premier tour
de scrutin pour M. Casimir-Perier, sauf à se
concerter avant le deuxième tour, si la néces-
sité apparaissait de faire l'union du parti ré-
publicain sur une seule candidature.
Seuls, les groupes radicaux et la groupe
socialiste étaient convoqués pour une réu-
nit>n géaéralfrqui ̃» été tanue vers dix heure»
à Versailles, au théâtre des Variétés.
LES RÉUNIONS Da LA MATINÉE
La Gauche démocratique du Sénat et un
grand nombre de radicaux et de socialistes
s'étaient réunis dane la matinée au théâtre
des Variétés et avaient adopté à l'unanimité,
au cours de cette réunion, la candidature
Brisson.
En même temps que cette réunion finissait
les droites du Sénat et de la Chambre pre-
naient une résolution à l'Hôtel des Réservoirs
au sujet d'uue candidature tenue scrupuleu-
sement secrète et présentée par six délégués
du parti réactionnaire.
A l'issue de la réunion des Droites. le bruit
courait avec persistance que le parti réaction-
naire ne se préoccupant que des éventualités
du second tour de scrutin n'avait discuté, en
vue de ce second tour, que deux candida-
tures, celle de M. Casimir-Perier et celle de
M. Charles Dupuy.
Vers onze heures, toutes les réunions
finies, la vie politique s'est concentrée dans
les restaurants et dans les hôtels jusqu'à
l'ouverture du Congrès, fixée à une heure de
l'après-midi.
De midi à une heure, c'est surtout à l'Hôtel
des Réservoirs, autour des tables, qu'il était
intéressant de recueillir des impressions,
Les membres de la Droite, très réservésj
prétendaient qu'ils ignoraient eux-mêmes le
nom du candidat de leur parti, et que leurs
délégués, munis de pleins pouvoirs, devaient
leur remettre avant le premier tour de scrutin
et dans la salle même des séancee des bulle-
tins pliés au nom du candidat mystérieux.
A L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Dans les couloirs du Congrès, l'animation
était véritablement extraordinaire à partir de
midi et demi. De toutes les impressions re-
cueillies à ce moment, il ne se dégageait avec
un peu de netteté que celle du succès pro-
bable de la candidature de M. Casimir-Perier.
Dans la salle des Pas-Perdus, plus connue
sous le nom de Galerie des Tombeaux, c'était,
quelques minutes avant la séance, une agita-
tion indescriptible.
Tous les Mmistres sont arrivés en bloc, à
l'exception de M. Charles Dupuy, qui était ce-
pendant venu de Paris avec ses collègues,
mais qui, par discrétion, n'a pas séjourné
dans les couloirs. Au passage, le Président du
Conseil a reçu de nombreuses poignées de
main.
Le Président de la Chambre, M. Casimir
Perier, n'étaitpas encore arrivé à une heure.
Ses amis assuraient que, sll venait à Ver-
sailles, il n'y viendrait qu'assez tard. Les
membres de la Droite, toujours mystérieux,
semblaient indiquer qu'ils avalent pour le
premier tour un candidat spécial qu'on
n'avait pas consulté.
UN INCIDENT
Un incident très amusant s'est produit au
moment même où M. Challomel-Lacour allait
ouvrir la séance.
Plusieurs sénateurs et députés se trouvaient
à ce moment devant la porte d'entrée de la
saHe du Jeu-de-Paume, ordinairement ou-
verte au public et fermée hier sur les ins-
tructions du Président de l'Assemblée natio-
nale. Les huissiers ayant voulu défendre l'an-
trée de la salle, le général lung leur a dit
plaisamment
« Allez dire a votre maître que nous sommes
ici par la volonté du peuple et que nous ne
sortirons que par la force des baïonnettes
Devant cette injonction, renouvelée de Mira-
beau, les huissiers ont ouvert la porte inter-
dite.
C'est à ce moment précis que M. Challemel-
Lacour a traversé avec les membres du bu-
reau la gaierte de» Tombeaux pour se rendre
laséance.
et demie, la galerie des Tombeaux a repris
un aspect très animé.
Dans les groupes, on exprimait l'avis que
si M. Casimir-Perier ne passait pas au pre-
mier tour, il aurait beaucoup de peine i pas-
ser au second; ses amis, prévenus des dispo-
sitions à peu près irréductibles du parti ra-
dical, faisaient une vive propagande dans les
couloirs pour assurer au premier tour le suc-
cès de leur candidat.
Assemblée Nationale
Longtemps avant l'ouverture de la séance,
fixée a une heure, la foule envahissait les
ahords du Palais de l'Assemblée les tribunes
publiques, les tribunes de la preste étaient
rapidement occupées dès midi, pas une
place n'était vide, les membres de l'Assem-
lée, à qui aucune place n'avait été spéciale-
ment réservée dans la salle des séances, se
groupaient selon les affinités de c'iacun en
très peu de temps la Droite, le Centre, la Gau-
elle, étaient constitués seion l'usage admis à
la Chambre et au Sénat.
A une heure dix minutes, M. Challemel-
Lacour,président du Sénat, président de
l'Assemblée nationale, en vertu des lois cons-
titutioanelles, moate au fauteuil l'Assemblée
tout entière est debout, attendant la déclara-
tion de son Président.
M. le Président déclare la séance ouverte,
il prononce l'allocution suivante
Messieurs les membres de l'Assemblée
nationale,
Vous connaissez tous l'événement douloureux
qui a provoqué la réunion de ce Congrès, événe-
ment qui plonge la France dans le deuil et qui
émeut sans exception tous les gouvernements
étrangers, le décès de M. Carnot, president de la
République française.
Vu l'article 7 de la loi constitutionnelle du !5
février 1875 ainsi conçu: « En cas de vacance
par décès ou par toate autre cause, les deux
Chambres réun,es procèdent immédiatement a
îviection d'un nouveau président; dans l'inter-
valle, le Conseil des Ministres est investi du
pouvoir exécutif
Vu l'article 2 de la même loi ainsi conçu Le
Président de la République est <^lu à la majorité
absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre
des di-putés réunis en Assemblée nationale; il
est nommé pour sept ans; il est réélijjibie
Vu le S de l'art. ü de la loi constitutionnelle
du 2 Chambres se réunissent en Assemblée, leur bu-
reau se compose des président, vice-présidents
et secrétaires du S<;nat •
4* 44»lare l'Asscoibl6e nationale constituée
pour l'élection du président de la République.
Le scrutin aura lieu à la tribune par appel no-
minai; il va être océdé au tirage au sort de
trente-six scrutateurs, plus douze scrutateurs
suppléants.
Incidents
M. Défaut* demanda la partie pour ré-
clamer la suppression de la Présidence de la
M. Michelin réclame également ls parois.
M. Chaliemel Lacour eane avoir l'air
j d'entendre cette double dit qu'il
va être procédé au tirage au sort des scruta-
teurs.
M. Michelin proteste et s'écrie a A bas la
dictaturel
(Applaudissements d gauche. Exclamations
ati contre.)
Au milieu du bruit, il est procédé au tirage
au sort des trente-six scrutateurs.
M. de Baudry-d'Asson monte alors au
bureau et s'entreticnt quelques instants avec
le Président.
M. le vicomte d'Hugues lui succède: mais
M. Challemel-Lacour, très courtois, niais
très énergique, leur oppose des fins de non-
recevoir.
Le Vote
Le vote commence immédiatement par
appel nominal, en partant de la lettre L,
désignée par le sort. Chaque représentant,
à l'appel de son nom, monte à la tribune;
deux urnes y sont déposées: dans l'une, le
votant dépose le bulletin portant le nom du
candidat de son choix dans l'autre, il dépose
une boule à son nom, constatant qu'il a voté.
Peu d'incideuts pendant le vote cependant,
quand M. Thivrier, revêtu de sa blouse,
monte à la tribune, un certain mouvement se
produit il s'apaise vite; la blouse de M.Tbi-
vrierc'est le sayon de nos pères Gaulois elle
indique le mouvement égalitaire qui s'est
opéré depuis le Grand-Roi.
M. Pierre Vaux, en déposant son vote
dans l'urne, pousae le cri de Vive la Répu-
M. Fabérot, à l'appel de son nom, déclare
qu'il ne votera pas, parce que, dit-il, la Pré-
sidence tuera la République.
L'appel est terminé à trois heures dix mt-
nutes.
Il est procédé immédiatement au contre-
appel.
A ce second appel ne répondent pas MM. Al-
bert de la Berge, Henri de Lacretelle, Laver-
tujon, Legoux-Longpré, Lelièvre, comte d'Os-
moy, Pédebidou, Aristide Rey, Screpel, Sé-
bline, "Irannoy, de la Villegontier, de Voi-
sins-Lavernière, Bascou, Brunel, Casablanca,
Cordier, Couturier, Debray, Dietz-Monin,
Faberot, Gerville-Raaehe, de Kergariou.
Le scrutin est clos à trois heures vingt; il
est procédé au dépouillement.
En très peu de temps le résultat apparaît,
certain. M. Caaimir-Perier a la majorit.6
absolue au premier tour.
Vers quatre heures, tous les députés re-
prennent leurs sièges. Des conversations
bruyante» s'engagent sur toutes les ban-
quettes.
A quatre heures vingt minutes, M. Chal-
lemel-Lacour proclame le résultat définitif.
Sur 853 votants, M. Oaslmir-Perier est
élu par 451 voix.
Un tonnerre d'applaudissements a éclaté
sur tous les bancs de la majorité républicaine;
les députés socialistes protestent par de vio-
tentes clameurs; MM. 8hauvière, Thivrier,
Caraaud. Clovis Hugues, debout, les bras
tendus vers la centre, prononcent des paroles
qui se perdent dans le bruit.
La Proclamation
M. le Président, Impassible, et semblant
ne pas entendre les appels désespérés de cette
minuscule portion de l'Extrème-Gauche, dé-
clare solennellement que M. Caaimir-P*ri«r
ayant obtenu la majorité absolue des «ufflra-
ge», il la proclame Président de la Républi-
que français* pour sept aané*
M. Rouanet s'écrie A balla réaction!
répétés, la protestation du député socialiste.
Le calme se rétablit, et M. le Président
déclare que, en vertu de l'article 7 de la loi
constitutionnelle du 25 février 1875, lA Con-
seil des Ministres fera part à M. Casimir-
Parier de la décision de l'Assemblée natio-
nale.
Tout est termtné; mais, à propos du procès-
verbal, il faut encore entendre les protesta-
tions de MM. Avez, Michelin, Dejeante et
d'Hugues, qui se plaignent qu'on ait violé
la Constitution en les empécl:xnt de dévelop-
per. au début de la séance, leurs propositions
tendant à la revision de la Constitution; per-
sonne ne les écoute, et la séance est levée à
quatre heure» et demie, aux cris de Vive la
République I
APRÈS LA SÉANCE
A l'issue de la séance et pendant près d'une
demi-heure, la Galerie des Tombeaux a été
extrêmement animée. Au passage, chaque
député exprimait, suivant le vote émis par
lui, son sentiment sur le résultat du scrutin.
Sauf les députés socialistes et un certain
nombre de députés radicaux, presque tous
les membres de l'Assemblée nationale recon-
naissaient que, s'il avait été nécessaire de
procéder à un seconl tour de scrutin, M. Ca-
simir-Perier n'aurait pas réuni moins de 650
voix.
La Remise des Pouvoirs
La séance du Congrès lovée, le Président de
l'Assemblée nationale, M. Challemel-Lacour,
a remis au Président du Conseil, qui, depuis
la mort de M. Carnot est chargé du pouvoir
exécutif, le procès-verbal de la séance et s'est
rendu avec lui auprès de M. Casimtr-Perier,
qui déjà était entouré de tous les membres
du Cabinet dans le salon réservé au Président
de la Chambre.
M. Charles Dupuy a donné lecture au Prési-
dent de la République du procès-verbal de la
séance et de la proclamation qui avait suivi
le scrutin, en ajoutant qu'il lui transmettait
le pouvoi- exécutif. Puis M. Challemel-La-
cour, prenant la parole, a prononcé, avec une
très vive émotion, une allocution qui se ter-
minait ainsi
« Monsieur le Président de la République,
la joie du citoyen égale chez moi la joie de
l'ami, et je ne puis rien dire de plus fort. •
Sur ces mots, M. Casimir-Perier, les larmes
aux yeux, a longuement sei-A la main au
président de t'Assemblée nationale et lui a
répondu en ces termes
Je ne puis maîtriser l'émotion que j'éprouve.
L'Assemblée nationale me décerne le plus
grand bnnaeur qu'un citoyen puisse recevoir.
e,!e m'impose les plus lourdes responsabilités
morales qu'un homme puisse porter. Je donnerai
St mon pays tout ce qu'il y a en mol d'énergie et
de patriotisme, j> dnnnerajà la lu publique toute
l'ardeur de convictions qui n'ont jamais v-rié je
donnerai la démocratie tout mon dévouement
et tuUl u»0"i cœur.
Comme celui ;'il; n'est plus et que bous pleu-
rons respectueuaetneut. il' chercherai faire
mon daeoir, tout mon deVou.
Puis !e Président de la Hépuhliqiie a serré
successivement la m«mau Président du Con-
seil et à chacun des Ministre* présents.
A ce moment, on a remarqué que ses yeux
étaient remplis de larmes et que pendant
quelques secondes, il lui a été Impossible de
parier.
Les Réceptions
Le Président de la Répuhlique, prévenu que
de nombreux députés demandaient à lui pré-
senter leurs félicitations, a fait ouvrir la
porte qui sépare de la salle d'attente le salon
du Présidant de la Chambre.
Il est allé au-devant des députés qui se
présentaient. On peut dire que les trois quarts
des membres de l'Assemblée nationale ont
détilé devant le Président de la République
dont tout le monde a remarqué l'émotion et
la pâleur.
Dans les quelques paroles qu'il a pronon-
cées pour remercier ceux qui le félicitaient,
il a plusieurs fois prononcé le nom de M. Car-
not pour rendre hommage à la mémoire du
grand citoyen
Le Président de la République, toujours en-
touré des Ministres ainsi que des secrétaires
généraux du Sénat et de la Chambre, a en-
suite reçu les membres de la presse.
Après avoir serré la main & chacun d'eux,
il leur a dit textuellement
« Messieurs, je vous appartiens. Discutez-
moi, mais n'oubliez jamais la France ni la
République l »
Le Départ du Président
Ces réceptions terminées, des ordres ont
été donnla pour le départ du Président de la
République. A six heures moins un quart,
M. Casimir-Perier, précédé des huissiers de
l'Assemblée nationale et accompagné de tous
lea Ministres, a traversé la longue Galerie des
Tombeaux entre deux haies de soldats du gé-
nie pour se rendre à la voiture qui l'attendait
dans la cour d'honneur du Palais.
La voiture, attelée à la daumont et conduite
par deux artilleurs, a traversé ta cour d'hon-
neur escortée de dragons armés de la lance à
flamme.
Au moment où le Président de la RépubU-
que est monté dans sa voiture, les clairons et
les trompettes ont sonné aux champs, pen-
dant que les troupes présentaient les armes.
Le canon tonnait. Le public, respectueuse-
ment découvert, a longuement acclamé M.
Casimir-Perier en criant: Vive la République
Vive Perier!
Le Président du Conseil était assis à gauche,
du Président de la République; en face d'eux,
avaient pris place les deux colonels, comman-
dants militaires du Sénat et de la Chambre.
Dans la seconde voiture, se trouvaient cinq
Ministres, MM. Guérin, garde des sceaux; Poin-
caré, ministre des Finances; Félix Faure, mi-
nistre de la Marine Leygue», ministre de
l'Instruction publique et Barthoa, ministre
des Travaux pub!ics. Dans une troisième voi-
ture avaient Pris, M. Lourtles, ministre
du Commerce Deteust, ministre des Colo-
nies, et Viger mloistc» de l'Agriculture.
MM. HanotHUX, ministre de» AJTaire» étran-
gère», et le général Mercier, ministre de la
Guerre, qui à appartiennent ni l'un ni L'autre
au Parlement, étaient restés à Pari» pour re-
Un Pétard
massée contre les grilles, a acclamé le cob
Le portail franchi, une légère détonation
se fait entend, e et produit une certaine émo-
tion dana le public. Renseignements pris, It
s'agissait d'un simple pétard oublié uiinaa-
che pendant le feu d'artifice à l'occasion dea
fêtes de Hoche et qui avait éclaté sous lea
roues de la dernière voiture.
Le cortège, sur des instructions donnéet aa
dernier moment, a suivi un itinéraire autre
que celui qui avait été d'abord fixé.
ARRIVÉE Du PRÉSIDENT DE Li l&mniff
A PARIS
Tandis qu'une foule énorme attendait dans
la cour du Havre, à la gare Saint-Lazare,
l'arrivée de M Casimir-Perier, on apprenait,
vers six heures, que des ordres nouveaux
avaient été donnés et que le parcours était
changé.
Tout d'abord, le cortège du nouveau Pré-
sidont devait suivre la rue Tronchet, la rue
Royale, traverser la place de la Concorde el
passer devant le Palais-Bourbon pour se ren-
dre au quai d'Orsay.
Vers six heures, le bruit se répandit parmi
les curieux formant 1% haie que NI. Casimir*
l'erior était arrivé de Versailles, sans escorte,
dans sa propre voiture.
Puis, en annonça officiellement que le lan-
deau amenant le Président do la République
devait s'a.Tcter un instant »u Pont-de-Sèvres.
LA. une escorte de cuirassiers attendaient le
nouvel élu.
La voiture présidentielle, suivie de dit
autres laudaus, et escortée par troll cents cul-
rasssters, traversa le Hols de Boulogne, suivit
l'avenue du Bois et les Champs-Klyïées.
A sept heures un quart, le cortège arrivait
sur la place de la Concorde.
Sur la parcours, quelques gardiens de la
paix etaient espacé», et les curieux se trou,
vaient peu nombreux.
Des vivats furent poussés partout où est
passé le landau présidentiel et chacun s'est
découvert respectueusement.
A la Présidence de la Chambre
Mme Casimir-Perier qui était restée à l'Ho-
tel de la Présidence de la Chambre, située 1
côté de la Chambre des députés, a appris, vert
quatre heures et demie, par téléphone, le ré-
sultat du vote qui appelait son mari à la Pré-
flUianca de la République.
Quelques instants après, des personnes ve-
naient s'inscrire sur les registres disposé.
dans le vestibule de l'hôtel.
Nous avons relevé, entre autre», les noms
du baron et de la baronne Edmond de Roth-
schild et de M. Mascart, de l'institut.
En sortant, nous rencontrons sur le quai,
la fille du nouveau Président, Mllj Germaine
Casimir-Porier, une charmante fillette de
quatorze an», vêtue d'une robe rose.
Elle eat ac<:orrp:i^née de sa gouvernante et
*Il promeue tranquillement dans la foute vou-
lant être la première saluer la rotour de sor
père
Avec une grâce et une affabilité charmant»
elle répond aux compliments et aux I^lieita- ^j
lions que lui adressant des «mi» de sa famille
Ajoutons quiî .M. Casimir-Perier a un autre
enfant, un garçon, âgé de quinze ana.
Au Ministère
des Affaires étrangères
Le corps de M. Carnot se trouvant à l'Elysée,
c'est au Ministère des Affaires étrangères qu'a
eu lieu la réception ofdcielle du nouveau
Président de la Bépublîque.
Lorsque nous arrivons vers cinq heuret
moins le quart, quelques instants après la
proclamation du vote du Congrès, au quai
d'Orsay, les employés du garde-meuble aont
occupées à aménager hâtivement le silon du
rez-de-chausaée situé dans l'aile gauche du
bâtiment et qui jusqu'à nouvel ordre doit
servir de demeure au Président de la Hépu»
blique.
Un service d'ordre est organisé sous la di.
rection de M. Gavrelle, commissaire dé polie6
de la Madeleine.
Dans la cour intérieure se tient, les fais»
ceaux formés, un bataillon du 24* de ligne.
commandé par le colonel et accompagné dit
drapeau et de la musique.
Il est à remarquer que pour recevoir le nou-
veau Président, les officiers ont enlevé la
crêpe qui était à la garde de leur épée et qu'o£
a ôté au drapeau sa gaine de deuil.
La cérémonie terminée, les disposition^
prescrites selon les règlements seront nou«
veau reprises.
Vers six heures, on reçoit un télégramme
annonçant que M. Casimir-Perier n'arrivera
que dans une heure.
Les soldats en profitent pour rompre let
rangs et se rendre dans la cour des commune
où les voitures régimentaires leur ont api»orté
des subsistances.
Sur le quai, la foule commence à grossir,
et M. Lépine, retour de Versailles, donne ses
ordres pour dégager la chaussée.
A ce moment débouche du pont de la Con*
corde un escadron de gardes républicains
cheval qui attendait à Ta gare Saint-Lazare e4
qu'un nouvel ordre vient de renvoyer Ici.
fis sa rangent sur une ligne face au Minis-
Lère.
Au fur et mesure que l'heure avance, les
curieux deviennent de plus en plus nom.
breux.
Des gens sont montés sur les parapets du
quai et sur les jilateaux formés par les pillera
du pont de la Concorde. ]
On n'entend pas un mot, pas un Ci'. i
L'heure avançant, tes esprits s'inquiètent
et les suppositions vont leur train.
Le changement d'itinéraire, décidé la
dernière minute, joint au retard qui corne
mence à devenir anormal, presque inquié-
tant, est l'objet des conversations.
Enfin, à sept heure» vine. on aperçoit, sof
le pont de la Concorde, qu il traverse au g**
lop, uagarde municipal à cheval.
11 annonce la venue du Président.
La dernière voituee qu'on avait laissé s'a*»
gager sur le pont s'est à peine éloignée qu'agi
paraissent les casques brillants des premlMI
cuirassier» qui forment l'escorte. i
Aussitôt let fanfares et clairons retaa-
tt»»eot, les cavalieri mettent sabre au ci&%
seitlctite. 1
Ba moin» de Umps rail ae faut
iJfitif&JtMrttii *rM4sm«r« tr»ac^H
Le numéro s
JEUDI n JUIN UN
ABONNEMENTS
PARIS et DÉPARTEMENTS Trois mois, 6 fr. Six mois, • k. Un tn, 1§ fr.
Ou M-mboma» sans frato dom tom les Bnrmmx de p–U
Direction.: 18, Rue d'EBnglilexi. PA.FIXS
TOUS LES JEUDIS
Supplément Littéraire Illustré (Huit Pages) Centimes.
ANNONCES
S'adresser chez UU. L. AUDBOURG et C" Place de U Bonne, TARIS
et la Salle des Dépêches* du Petit Pmrisim, to, boutev Montmartre.
ÉLECTION DU NOUVEAU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
PREMIER TOUR RÉSULTATS DÉFINITIFS
Suffrages exprimés: Majorité absolue: 423
M. Jean Casimir-Perier. 451 voix
M. Henri Brisson 195
M. Charles Dupuy. • • •
Général Février 53
M. Emmanuel Arago. 22
pivers 22
M. JEAN CASIMIR-PERIER EST ÉLU
LE NOUVEAU PRESIDENT
M. Casimir-Perier est Président de la
République. La mort tragique de M. Car-
pot l'a porté brusquement à la première
magistrature de l'Etal, où il arrive escorté
par des espérances, qu'il saura justifier s'il
se pénùtre des conditions dans lesquelles
s'est faite son élection, et des vœux du
pays.
Nous avions prévu son élévation au poste
de chef du pouvoir exécuif, lorsque nous
nous exprimions dans 1 s fermes suivants, le
jour récent où il était renommé président
de la Cbambre
« La France a reconnu en lui un servi-
teur des idéas qui lui sont chères, et elle
» le juge digne des plus hauts destinées.
» Cette nomination n'e.-t pas le dernier
échelon d'une fortune politique qui suit
» depuis longtemps une marche ascendante.
» C'eit l'étape pré.-ediint inxnédixtement
Il l'honneur suprême qui, dans un régime
m électif, peut être déce né à un citoyen par
» la conllanoede sa patrie. »
À ce moment dé"a, nous avions constaté
ses efforts pour rassurer la démocrat e
contre des inquiétudes que sou n >m pou-
vait lui inspirer.
Notre approbation ne lui avait pas fait
défaut, alors que, premier Ministre, il se
plaçait résolument sur le terrain des ré-
formes populaires et mon rait un vif souci
des améliorations morales et matérielles
que la République doit aux classes labo-
rieuses.
Maintenant que M. dasimir-Perier est la
lus haute personnilication du régime répu-
blicain, il doit à ceux qui Ion, élu de,justi-
fier leur confiance, en faisant tombeur les
Inévitables préventions nées de son origine,
de son milieu, de la trace laissée dans l'his-
toire par son aïeul.
Co nme Présic'eat du Conseil, il avait
nettement planté son drapeau dans le camp
'de la démocratie. Ses déclarations au Pa-
lais-Bourbon, a. l'Exposition de Lyon, au
banquet du personnel des Chemins de fer,
respiraient la foi ddmocratique Uaas ces
circonstances diverses, il avait porté témoi-
gnage devant la France de son dévouement
aux id 'es de progrès et de liberté.
Chef do l'Etat, il va immédiate rent orien-
ter sa politique et donner la m su;e e de son
gouvernement par le choix de son premier
Minist-'fe.
De sa désignation dépend peut-'tre l'ave-
nir de notre pays, qui lui demande de pren-
dre s m Cabinet en dehors des craintifs du
Ce lire Qauohe ou des exagérés de l'E.t-
Icème-Cîauohe, ma;s parmi ces républicains
unis entre eux pour marcher en avant sans
précipitation comme s»n> 'aiblesse.
C'est là qu'est la ma'orité dans le Parle-
ment et dans le pays; et c est là que M. Ca-
«imir-1'erier trouvera la force pour gouver-
ter et travailler à la grandeur de la France.
JEAN CASIMIR-PERIER_
Jeea-Paut-Pierre Casimir-Perier, né à Paris
jo 8 novembre i8n, est le petit-fils de Caei-
httr Perier, ruinistre de la monarchie de Juil-
Îet, et le fils aîné du ministre de M. Thiers.
Un. décret du Président de la République,
tendu en avril t8i4, l'autorisa à joindre le
pronom de Casimir au nom patronymique,
Srorigina uormande, de Perier.
M. Jean Casimir-Perier fit au lycée Bona-
Sarte de sérieuses études classiques lauréat
du Concours général, licencié ès lettres, il
suivit le» cours de La Farulté de droit. Cani-
Jtaiue de l*i garde mobile de l'Aube, qui fut
appelée a Paris pendant le siège,il se condui-
alt ave.- hravoure, prit part au combat de
baveux (t3 octobre 1870), mérita d'être cité
e, l'ordre du jour et fut décoré de la Légion-
d'Honneur.
Du mois d'octobre 1871 au mois de février
il remplit auprès de son père, alors
Nlnittltr de 1 Intérieur, les fonctions de chef
de Cabinet.
C'est en juillet qu'il débuta dans la
carrière politique et fut élu, sous le patro-
nage de ssn père, membre du Conseil général
le l'Aube.
H se présenta ensuit» aux élections législa-
jBves du 20 février 1S76 dans l'arrondiesement
de Nogçut-ïur-Selne, fut élu sans concurrent
par 6,9s"1 voix sur 8.033 votants et prit place
parmi les républicains modérés.
fut des 383 et obtint u réélection, comme
tel le t 1 octobre 1877,par voix sur 9,913
votants.
M. Joan Casimir-Perier fut appel6 au poste
d'Etat au département de
lInitru
il le conserva jusqu'à la retraite du Cabinet
Dufaure (31 janvier 1879).
U eut alors l'occasion d'aborder plusieurs
fois la tribune pour parier au nom du gou-
vernement.
Il vota pour l'article 7 et les diverses lois
sur l'enseignement. Rapporteur, ea de
la proposition Louis Blanc sur l'amnistie plé-
nière, il conclut au rejet.
il fut réélu le août 1881 par 6,756 voix
sur 9,126 votants.
Le l" février 1883, il donna sa démission
de député pour ne pas s'associer à la mesure
qui dépossédait de leurs fonctions militaires
les membres des familles ayant régné en
France, les circonstances, écrivait-il à ses
électeurs, ne me permettant pas de concilier
mes devoirs de famille avec la conduite que
me dictait ma conscience et mes convictions
républicaines
M. Jean Casimir-Perier se fit réélire un mois
après, le 18 mars 1883.
Il fut sous-secrétaire d'Etat à la guerre lors
de l'entrée du général Campenon au minis-
tère.
Aux élections du 4 octobre 1885, il passa le
premier de la liste républicaine de l'Aube et
fut nommé l'un des vice-présidents de la
Chambre.
Au cours de cette législature, il vota pour
l'ajournement indéfini de la revision de la
Constitution, pour la loi restrictive de la li-
berté de la presse et pour les poursuites con-
tre le général Boulanger.
A l'ouverture de la session de il fut
élu Président de la Chambre.
Le 4 décembre 1893, il céda le fauteuil prA-
sidentiel à M. Charles Dupuy pour devenir
Président du Conseil des Ministre», fonctions
qu'il conserva jusqu'au 22 mai 18!>-<
Après la constitution du nouveau Cabinet
Dupuy, M. Casimir-Perier fut nommé de noir-
veau Président de la Chambre, le 2 juin der-
nier.
Au physique, M. Jean Casimir-Perier, dont
la gravure a popularisé les traits depuis long-
temps, a l'air d'un officier, il porte les mous-
taches relevées et a le reste de la figure rasé.
L'ivil est enfoncé et le regard assuré sous des
arcades sourcilières très prononcées.
Ajoutons enîin que le nouveau Président
de la République est à la tête d'une grande
fortune et propriétaire entre autres du châ-
teau' historique de Vieille, on. Dauphiné, où
se réunirent les Etats-Généraux.
En débarquant à !a ga re de Versailles on
constate une animation inusitée.
La présence sur les quais de la gare de sol-
dats du génie, baïonnette au fusil et jugulaire
au menton, indique que les circonstances
sont exceptionnelles.
Le temps est absolument merveilleux et il
semble que les VersailUis aient la coquette-
rie de bien établir que le soleil s'est mis de la
partie. A la gare, au moment où nous som-
mes arrivés, un des contrôleurs s'est écrié
en prenant un paquet de billets des mains
des journalistes « Cette fois au moins, Il fait
beau ̃>
L'AHIMATIOM DE LA RUE
Dans les rues, l'animation est surtout très
vive devant les cafés qui font leur toilette,
devant les restaurants dont les tables sont
déjà prêtes à recevoir la nombreuse clientèle
attendue.
Tout le long des rues qui conduisent au
château, ce n'est qu'un va-et-vient de curieux
ou de gens que leurs occupations appellent
au Palais. Cinquante garçons de la Chambre
et une trentaine du Sénat, venus à Versailles
pour faire le service des couloirs de l'Assem-
blée nationale, sont arrivés ensemble par un
des premiers trains. Ils avaient tous à la main
un paquet volumineux qui dissimulait l'uni-
forme brodé des huissiers et le traditionael
gilet, rouge pour les garçons de la Chambre,
grenat pour les garçons du Sénat.
Dans les grands restaurants et les grands
hôtels, toutes les tables sont retenues depuis
la veille ou depuis le matin.
A l'hôtel des Réservoirs, un membre de la
Droi te, M. de Ramel, a fait retenir pour ses amis
un petit salon qui contient une cinquantaine
de couverts.
M. le comte de Munster, ambassadeur d'Al-
lemagne, a même fait retenir une chambre.
L'ARRIVÉE DES TRAIM8 PARLEMENTAIRE
Vers dix heures, les trains qui arrivent de
Paris apportent de très nombreux voyageurs.
L'animation devient de plus en plus grande
dans la cour de la gare. Une foule déjà com-
pacte attend l'arrivée des trains parlemen-
taires, qui doivent se succéder à cinq minutes
d'intervalle à partir de onze heures et demie.
Les trains parlementaires sont arrivés bon-
dés. Sénateurs, députés et journalistes se sont
répandus aussitôt dans les rues de Versailles,
qui présentaient à ce moment une physiono-
mie toute particulière.
Quelques députés sont venus, par ce temps
splendide, en landaus, calèches ou voitures.
M. Michou, député de l'Aube, est venu jus-
qu'à Versailles en bicyclette, suivi en ce genre
de sport par plusieurs de nos confrères.
LES MESURES 0' ORDRE
A midi, toutes les rues qui conduisent au
Palais sont barrées. Des mesures exception-
nelle ont été prises et nul ne peut pénétrer
dans l'enceinte du Palais s'U ne montre patte
plus défectueuses. Des plaintes s'élèvent de
toutes parts public, huissiers, journalistes et
questeurs, tout le monde est sur les dents.
On a poussé les exigences de la consigne
jusqu'à interdire aux journalistes ce qui
n'avait jamais été fait jusqu'à ce jour la
galerie des Tombeaux.Cette mesure a soulevé
des protestations Indignées et a causé dans
le Palais un très vif émoi.
D'ailleurs, à tous les étages, à toutes les
portes, on est arrêté par des huissiers des
deux Assemblées auxquels il faut montrer un
laissez-passer.
De nombreux agents de la Sûreté empê-
chent les curieux de stationner au dehors.
Vers midi et demi, sénateurs et députés
arrivent très nombreux au Palais.
Beaucoup de dames en toilettes printanlè-
res se pressent dans les couloirs donnant ac-
cès aux tribunes. Au dehors la fouie est
énorme
AVANT LA SÉANCE
Tous les membres du Parlement qui assis-
taient au dernier Congrès, celui du 4 décem-
bre 1887, étaient hier unanimes à constater
que le Congrès du 27 juin 1894 avait été pré-
paré dans des conditions absolument nou-
velles.
Outre le temps, qui était maussade en 1887,
et qui hier était splendide, les préparatifs
même de la réunion du nouveau Congrès ont
absolument différé de ceux du Congrès qui
avait élu Il. Carnot.
En 1887, toute la matinée avait été prise à
Versailles par des réunions diverses qui
avaient précédé une grande réunion plénière
au cours de laquelle tous les républicains
avaient voté sur les candidatures posées.
Hier, au contraire, le parti républicain avait
renoncé à tenir une réunion pféuièr9.
Les incidents tumultueux qui s'étaient pro-
duits mardi, au Luxembourg, dans la réu-
nion que les groupes républicains de la
Chambre avaient tenue avec la Gauche démo-
cratique du Sénat, avaient eu pour effet de
créer entre les groupes une division momen-
tanée.
Le groupe des Républicains de gouverne-
ment et celui de l'Union progressiste, d'accord
avec trois groupes républicains du Sénat,
ceux du Centre-Gauche, de la Gauche républi-
caine et de l'Union républicaine, étaient déci-
dés en arrivant à Versailles à ne tenir aucune
réunion générale et à persister dans la réso-
lution prise par eux de voter au premier tour
de scrutin pour M. Casimir-Perier, sauf à se
concerter avant le deuxième tour, si la néces-
sité apparaissait de faire l'union du parti ré-
publicain sur une seule candidature.
Seuls, les groupes radicaux et la groupe
socialiste étaient convoqués pour une réu-
nit>n géaéralfrqui ̃» été tanue vers dix heure»
à Versailles, au théâtre des Variétés.
LES RÉUNIONS Da LA MATINÉE
La Gauche démocratique du Sénat et un
grand nombre de radicaux et de socialistes
s'étaient réunis dane la matinée au théâtre
des Variétés et avaient adopté à l'unanimité,
au cours de cette réunion, la candidature
Brisson.
En même temps que cette réunion finissait
les droites du Sénat et de la Chambre pre-
naient une résolution à l'Hôtel des Réservoirs
au sujet d'uue candidature tenue scrupuleu-
sement secrète et présentée par six délégués
du parti réactionnaire.
A l'issue de la réunion des Droites. le bruit
courait avec persistance que le parti réaction-
naire ne se préoccupant que des éventualités
du second tour de scrutin n'avait discuté, en
vue de ce second tour, que deux candida-
tures, celle de M. Casimir-Perier et celle de
M. Charles Dupuy.
Vers onze heures, toutes les réunions
finies, la vie politique s'est concentrée dans
les restaurants et dans les hôtels jusqu'à
l'ouverture du Congrès, fixée à une heure de
l'après-midi.
De midi à une heure, c'est surtout à l'Hôtel
des Réservoirs, autour des tables, qu'il était
intéressant de recueillir des impressions,
Les membres de la Droite, très réservésj
prétendaient qu'ils ignoraient eux-mêmes le
nom du candidat de leur parti, et que leurs
délégués, munis de pleins pouvoirs, devaient
leur remettre avant le premier tour de scrutin
et dans la salle même des séancee des bulle-
tins pliés au nom du candidat mystérieux.
A L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Dans les couloirs du Congrès, l'animation
était véritablement extraordinaire à partir de
midi et demi. De toutes les impressions re-
cueillies à ce moment, il ne se dégageait avec
un peu de netteté que celle du succès pro-
bable de la candidature de M. Casimir-Perier.
Dans la salle des Pas-Perdus, plus connue
sous le nom de Galerie des Tombeaux, c'était,
quelques minutes avant la séance, une agita-
tion indescriptible.
Tous les Mmistres sont arrivés en bloc, à
l'exception de M. Charles Dupuy, qui était ce-
pendant venu de Paris avec ses collègues,
mais qui, par discrétion, n'a pas séjourné
dans les couloirs. Au passage, le Président du
Conseil a reçu de nombreuses poignées de
main.
Le Président de la Chambre, M. Casimir
Perier, n'étaitpas encore arrivé à une heure.
Ses amis assuraient que, sll venait à Ver-
sailles, il n'y viendrait qu'assez tard. Les
membres de la Droite, toujours mystérieux,
semblaient indiquer qu'ils avalent pour le
premier tour un candidat spécial qu'on
n'avait pas consulté.
UN INCIDENT
Un incident très amusant s'est produit au
moment même où M. Challomel-Lacour allait
ouvrir la séance.
Plusieurs sénateurs et députés se trouvaient
à ce moment devant la porte d'entrée de la
saHe du Jeu-de-Paume, ordinairement ou-
verte au public et fermée hier sur les ins-
tructions du Président de l'Assemblée natio-
nale. Les huissiers ayant voulu défendre l'an-
trée de la salle, le général lung leur a dit
plaisamment
« Allez dire a votre maître que nous sommes
ici par la volonté du peuple et que nous ne
sortirons que par la force des baïonnettes
Devant cette injonction, renouvelée de Mira-
beau, les huissiers ont ouvert la porte inter-
dite.
C'est à ce moment précis que M. Challemel-
Lacour a traversé avec les membres du bu-
reau la gaierte de» Tombeaux pour se rendre
laséance.
et demie, la galerie des Tombeaux a repris
un aspect très animé.
Dans les groupes, on exprimait l'avis que
si M. Casimir-Perier ne passait pas au pre-
mier tour, il aurait beaucoup de peine i pas-
ser au second; ses amis, prévenus des dispo-
sitions à peu près irréductibles du parti ra-
dical, faisaient une vive propagande dans les
couloirs pour assurer au premier tour le suc-
cès de leur candidat.
Assemblée Nationale
Longtemps avant l'ouverture de la séance,
fixée a une heure, la foule envahissait les
ahords du Palais de l'Assemblée les tribunes
publiques, les tribunes de la preste étaient
rapidement occupées dès midi, pas une
place n'était vide, les membres de l'Assem-
lée, à qui aucune place n'avait été spéciale-
ment réservée dans la salle des séances, se
groupaient selon les affinités de c'iacun en
très peu de temps la Droite, le Centre, la Gau-
elle, étaient constitués seion l'usage admis à
la Chambre et au Sénat.
A une heure dix minutes, M. Challemel-
Lacour,président du Sénat, président de
l'Assemblée nationale, en vertu des lois cons-
titutioanelles, moate au fauteuil l'Assemblée
tout entière est debout, attendant la déclara-
tion de son Président.
M. le Président déclare la séance ouverte,
il prononce l'allocution suivante
Messieurs les membres de l'Assemblée
nationale,
Vous connaissez tous l'événement douloureux
qui a provoqué la réunion de ce Congrès, événe-
ment qui plonge la France dans le deuil et qui
émeut sans exception tous les gouvernements
étrangers, le décès de M. Carnot, president de la
République française.
Vu l'article 7 de la loi constitutionnelle du !5
février 1875 ainsi conçu: « En cas de vacance
par décès ou par toate autre cause, les deux
Chambres réun,es procèdent immédiatement a
îviection d'un nouveau président; dans l'inter-
valle, le Conseil des Ministres est investi du
pouvoir exécutif
Vu l'article 2 de la même loi ainsi conçu Le
Président de la République est <^lu à la majorité
absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre
des di-putés réunis en Assemblée nationale; il
est nommé pour sept ans; il est réélijjibie
Vu le S de l'art. ü de la loi constitutionnelle
du 2
reau se compose des président, vice-présidents
et secrétaires du S<;nat •
4* 44»lare l'Asscoibl6e nationale constituée
pour l'élection du président de la République.
Le scrutin aura lieu à la tribune par appel no-
minai; il va être océdé au tirage au sort de
trente-six scrutateurs, plus douze scrutateurs
suppléants.
Incidents
M. Défaut* demanda la partie pour ré-
clamer la suppression de la Présidence de la
M. Michelin réclame également ls parois.
M. Chaliemel Lacour eane avoir l'air
j d'entendre cette double dit qu'il
va être procédé au tirage au sort des scruta-
teurs.
M. Michelin proteste et s'écrie a A bas la
dictaturel
(Applaudissements d gauche. Exclamations
ati contre.)
Au milieu du bruit, il est procédé au tirage
au sort des trente-six scrutateurs.
M. de Baudry-d'Asson monte alors au
bureau et s'entreticnt quelques instants avec
le Président.
M. le vicomte d'Hugues lui succède: mais
M. Challemel-Lacour, très courtois, niais
très énergique, leur oppose des fins de non-
recevoir.
Le Vote
Le vote commence immédiatement par
appel nominal, en partant de la lettre L,
désignée par le sort. Chaque représentant,
à l'appel de son nom, monte à la tribune;
deux urnes y sont déposées: dans l'une, le
votant dépose le bulletin portant le nom du
candidat de son choix dans l'autre, il dépose
une boule à son nom, constatant qu'il a voté.
Peu d'incideuts pendant le vote cependant,
quand M. Thivrier, revêtu de sa blouse,
monte à la tribune, un certain mouvement se
produit il s'apaise vite; la blouse de M.Tbi-
vrierc'est le sayon de nos pères Gaulois elle
indique le mouvement égalitaire qui s'est
opéré depuis le Grand-Roi.
M. Pierre Vaux, en déposant son vote
dans l'urne, pousae le cri de Vive la Répu-
M. Fabérot, à l'appel de son nom, déclare
qu'il ne votera pas, parce que, dit-il, la Pré-
sidence tuera la République.
L'appel est terminé à trois heures dix mt-
nutes.
Il est procédé immédiatement au contre-
appel.
A ce second appel ne répondent pas MM. Al-
bert de la Berge, Henri de Lacretelle, Laver-
tujon, Legoux-Longpré, Lelièvre, comte d'Os-
moy, Pédebidou, Aristide Rey, Screpel, Sé-
bline, "Irannoy, de la Villegontier, de Voi-
sins-Lavernière, Bascou, Brunel, Casablanca,
Cordier, Couturier, Debray, Dietz-Monin,
Faberot, Gerville-Raaehe, de Kergariou.
Le scrutin est clos à trois heures vingt; il
est procédé au dépouillement.
En très peu de temps le résultat apparaît,
certain. M. Caaimir-Perier a la majorit.6
absolue au premier tour.
Vers quatre heures, tous les députés re-
prennent leurs sièges. Des conversations
bruyante» s'engagent sur toutes les ban-
quettes.
A quatre heures vingt minutes, M. Chal-
lemel-Lacour proclame le résultat définitif.
Sur 853 votants, M. Oaslmir-Perier est
élu par 451 voix.
Un tonnerre d'applaudissements a éclaté
sur tous les bancs de la majorité républicaine;
les députés socialistes protestent par de vio-
tentes clameurs; MM. 8hauvière, Thivrier,
Caraaud. Clovis Hugues, debout, les bras
tendus vers la centre, prononcent des paroles
qui se perdent dans le bruit.
La Proclamation
M. le Président, Impassible, et semblant
ne pas entendre les appels désespérés de cette
minuscule portion de l'Extrème-Gauche, dé-
clare solennellement que M. Caaimir-P*ri«r
ayant obtenu la majorité absolue des «ufflra-
ge», il la proclame Président de la Républi-
que français* pour sept aané*
M. Rouanet s'écrie A balla réaction!
répétés, la protestation du député socialiste.
Le calme se rétablit, et M. le Président
déclare que, en vertu de l'article 7 de la loi
constitutionnelle du 25 février 1875, lA Con-
seil des Ministres fera part à M. Casimir-
Parier de la décision de l'Assemblée natio-
nale.
Tout est termtné; mais, à propos du procès-
verbal, il faut encore entendre les protesta-
tions de MM. Avez, Michelin, Dejeante et
d'Hugues, qui se plaignent qu'on ait violé
la Constitution en les empécl:xnt de dévelop-
per. au début de la séance, leurs propositions
tendant à la revision de la Constitution; per-
sonne ne les écoute, et la séance est levée à
quatre heure» et demie, aux cris de Vive la
République I
APRÈS LA SÉANCE
A l'issue de la séance et pendant près d'une
demi-heure, la Galerie des Tombeaux a été
extrêmement animée. Au passage, chaque
député exprimait, suivant le vote émis par
lui, son sentiment sur le résultat du scrutin.
Sauf les députés socialistes et un certain
nombre de députés radicaux, presque tous
les membres de l'Assemblée nationale recon-
naissaient que, s'il avait été nécessaire de
procéder à un seconl tour de scrutin, M. Ca-
simir-Perier n'aurait pas réuni moins de 650
voix.
La Remise des Pouvoirs
La séance du Congrès lovée, le Président de
l'Assemblée nationale, M. Challemel-Lacour,
a remis au Président du Conseil, qui, depuis
la mort de M. Carnot est chargé du pouvoir
exécutif, le procès-verbal de la séance et s'est
rendu avec lui auprès de M. Casimtr-Perier,
qui déjà était entouré de tous les membres
du Cabinet dans le salon réservé au Président
de la Chambre.
M. Charles Dupuy a donné lecture au Prési-
dent de la République du procès-verbal de la
séance et de la proclamation qui avait suivi
le scrutin, en ajoutant qu'il lui transmettait
le pouvoi- exécutif. Puis M. Challemel-La-
cour, prenant la parole, a prononcé, avec une
très vive émotion, une allocution qui se ter-
minait ainsi
« Monsieur le Président de la République,
la joie du citoyen égale chez moi la joie de
l'ami, et je ne puis rien dire de plus fort. •
Sur ces mots, M. Casimir-Perier, les larmes
aux yeux, a longuement sei-A la main au
président de t'Assemblée nationale et lui a
répondu en ces termes
Je ne puis maîtriser l'émotion que j'éprouve.
L'Assemblée nationale me décerne le plus
grand bnnaeur qu'un citoyen puisse recevoir.
e,!e m'impose les plus lourdes responsabilités
morales qu'un homme puisse porter. Je donnerai
St mon pays tout ce qu'il y a en mol d'énergie et
de patriotisme, j> dnnnerajà la lu publique toute
l'ardeur de convictions qui n'ont jamais v-rié je
donnerai la démocratie tout mon dévouement
et tuUl u»0"i cœur.
Comme celui ;'il; n'est plus et que bous pleu-
rons respectueuaetneut. il' chercherai faire
mon daeoir, tout mon deVou.
Puis !e Président de la Hépuhliqiie a serré
successivement la m«mau Président du Con-
seil et à chacun des Ministre* présents.
A ce moment, on a remarqué que ses yeux
étaient remplis de larmes et que pendant
quelques secondes, il lui a été Impossible de
parier.
Les Réceptions
Le Président de la Répuhlique, prévenu que
de nombreux députés demandaient à lui pré-
senter leurs félicitations, a fait ouvrir la
porte qui sépare de la salle d'attente le salon
du Présidant de la Chambre.
Il est allé au-devant des députés qui se
présentaient. On peut dire que les trois quarts
des membres de l'Assemblée nationale ont
détilé devant le Président de la République
dont tout le monde a remarqué l'émotion et
la pâleur.
Dans les quelques paroles qu'il a pronon-
cées pour remercier ceux qui le félicitaient,
il a plusieurs fois prononcé le nom de M. Car-
not pour rendre hommage à la mémoire du
grand citoyen
Le Président de la République, toujours en-
touré des Ministres ainsi que des secrétaires
généraux du Sénat et de la Chambre, a en-
suite reçu les membres de la presse.
Après avoir serré la main & chacun d'eux,
il leur a dit textuellement
« Messieurs, je vous appartiens. Discutez-
moi, mais n'oubliez jamais la France ni la
République l »
Le Départ du Président
Ces réceptions terminées, des ordres ont
été donnla pour le départ du Président de la
République. A six heures moins un quart,
M. Casimir-Perier, précédé des huissiers de
l'Assemblée nationale et accompagné de tous
lea Ministres, a traversé la longue Galerie des
Tombeaux entre deux haies de soldats du gé-
nie pour se rendre à la voiture qui l'attendait
dans la cour d'honneur du Palais.
La voiture, attelée à la daumont et conduite
par deux artilleurs, a traversé ta cour d'hon-
neur escortée de dragons armés de la lance à
flamme.
Au moment où le Président de la RépubU-
que est monté dans sa voiture, les clairons et
les trompettes ont sonné aux champs, pen-
dant que les troupes présentaient les armes.
Le canon tonnait. Le public, respectueuse-
ment découvert, a longuement acclamé M.
Casimir-Perier en criant: Vive la République
Vive Perier!
Le Président du Conseil était assis à gauche,
du Président de la République; en face d'eux,
avaient pris place les deux colonels, comman-
dants militaires du Sénat et de la Chambre.
Dans la seconde voiture, se trouvaient cinq
Ministres, MM. Guérin, garde des sceaux; Poin-
caré, ministre des Finances; Félix Faure, mi-
nistre de la Marine Leygue», ministre de
l'Instruction publique et Barthoa, ministre
des Travaux pub!ics. Dans une troisième voi-
ture avaient Pris, M. Lourtles, ministre
du Commerce Deteust, ministre des Colo-
nies, et Viger mloistc» de l'Agriculture.
MM. HanotHUX, ministre de» AJTaire» étran-
gère», et le général Mercier, ministre de la
Guerre, qui à appartiennent ni l'un ni L'autre
au Parlement, étaient restés à Pari» pour re-
Un Pétard
massée contre les grilles, a acclamé le cob
Le portail franchi, une légère détonation
se fait entend, e et produit une certaine émo-
tion dana le public. Renseignements pris, It
s'agissait d'un simple pétard oublié uiinaa-
che pendant le feu d'artifice à l'occasion dea
fêtes de Hoche et qui avait éclaté sous lea
roues de la dernière voiture.
Le cortège, sur des instructions donnéet aa
dernier moment, a suivi un itinéraire autre
que celui qui avait été d'abord fixé.
ARRIVÉE Du PRÉSIDENT DE Li l&mniff
A PARIS
Tandis qu'une foule énorme attendait dans
la cour du Havre, à la gare Saint-Lazare,
l'arrivée de M Casimir-Perier, on apprenait,
vers six heures, que des ordres nouveaux
avaient été donnés et que le parcours était
changé.
Tout d'abord, le cortège du nouveau Pré-
sidont devait suivre la rue Tronchet, la rue
Royale, traverser la place de la Concorde el
passer devant le Palais-Bourbon pour se ren-
dre au quai d'Orsay.
Vers six heures, le bruit se répandit parmi
les curieux formant 1% haie que NI. Casimir*
l'erior était arrivé de Versailles, sans escorte,
dans sa propre voiture.
Puis, en annonça officiellement que le lan-
deau amenant le Président do la République
devait s'a.Tcter un instant »u Pont-de-Sèvres.
LA. une escorte de cuirassiers attendaient le
nouvel élu.
La voiture présidentielle, suivie de dit
autres laudaus, et escortée par troll cents cul-
rasssters, traversa le Hols de Boulogne, suivit
l'avenue du Bois et les Champs-Klyïées.
A sept heures un quart, le cortège arrivait
sur la place de la Concorde.
Sur la parcours, quelques gardiens de la
paix etaient espacé», et les curieux se trou,
vaient peu nombreux.
Des vivats furent poussés partout où est
passé le landau présidentiel et chacun s'est
découvert respectueusement.
A la Présidence de la Chambre
Mme Casimir-Perier qui était restée à l'Ho-
tel de la Présidence de la Chambre, située 1
côté de la Chambre des députés, a appris, vert
quatre heures et demie, par téléphone, le ré-
sultat du vote qui appelait son mari à la Pré-
flUianca de la République.
Quelques instants après, des personnes ve-
naient s'inscrire sur les registres disposé.
dans le vestibule de l'hôtel.
Nous avons relevé, entre autre», les noms
du baron et de la baronne Edmond de Roth-
schild et de M. Mascart, de l'institut.
En sortant, nous rencontrons sur le quai,
la fille du nouveau Président, Mllj Germaine
Casimir-Porier, une charmante fillette de
quatorze an», vêtue d'une robe rose.
Elle eat ac<:orrp:i^née de sa gouvernante et
*Il promeue tranquillement dans la foute vou-
lant être la première saluer la rotour de sor
père
Avec une grâce et une affabilité charmant»
elle répond aux compliments et aux I^lieita- ^j
lions que lui adressant des «mi» de sa famille
Ajoutons quiî .M. Casimir-Perier a un autre
enfant, un garçon, âgé de quinze ana.
Au Ministère
des Affaires étrangères
Le corps de M. Carnot se trouvant à l'Elysée,
c'est au Ministère des Affaires étrangères qu'a
eu lieu la réception ofdcielle du nouveau
Président de la Bépublîque.
Lorsque nous arrivons vers cinq heuret
moins le quart, quelques instants après la
proclamation du vote du Congrès, au quai
d'Orsay, les employés du garde-meuble aont
occupées à aménager hâtivement le silon du
rez-de-chausaée situé dans l'aile gauche du
bâtiment et qui jusqu'à nouvel ordre doit
servir de demeure au Président de la Hépu»
blique.
Un service d'ordre est organisé sous la di.
rection de M. Gavrelle, commissaire dé polie6
de la Madeleine.
Dans la cour intérieure se tient, les fais»
ceaux formés, un bataillon du 24* de ligne.
commandé par le colonel et accompagné dit
drapeau et de la musique.
Il est à remarquer que pour recevoir le nou-
veau Président, les officiers ont enlevé la
crêpe qui était à la garde de leur épée et qu'o£
a ôté au drapeau sa gaine de deuil.
La cérémonie terminée, les disposition^
prescrites selon les règlements seront nou«
veau reprises.
Vers six heures, on reçoit un télégramme
annonçant que M. Casimir-Perier n'arrivera
que dans une heure.
Les soldats en profitent pour rompre let
rangs et se rendre dans la cour des commune
où les voitures régimentaires leur ont api»orté
des subsistances.
Sur le quai, la foule commence à grossir,
et M. Lépine, retour de Versailles, donne ses
ordres pour dégager la chaussée.
A ce moment débouche du pont de la Con*
corde un escadron de gardes républicains
cheval qui attendait à Ta gare Saint-Lazare e4
qu'un nouvel ordre vient de renvoyer Ici.
fis sa rangent sur une ligne face au Minis-
Lère.
Au fur et mesure que l'heure avance, les
curieux deviennent de plus en plus nom.
breux.
Des gens sont montés sur les parapets du
quai et sur les jilateaux formés par les pillera
du pont de la Concorde. ]
On n'entend pas un mot, pas un Ci'. i
L'heure avançant, tes esprits s'inquiètent
et les suppositions vont leur train.
Le changement d'itinéraire, décidé la
dernière minute, joint au retard qui corne
mence à devenir anormal, presque inquié-
tant, est l'objet des conversations.
Enfin, à sept heure» vine. on aperçoit, sof
le pont de la Concorde, qu il traverse au g**
lop, uagarde municipal à cheval.
11 annonce la venue du Président.
La dernière voituee qu'on avait laissé s'a*»
gager sur le pont s'est à peine éloignée qu'agi
paraissent les casques brillants des premlMI
cuirassier» qui forment l'escorte. i
Aussitôt let fanfares et clairons retaa-
tt»»eot, les cavalieri mettent sabre au ci&%
seitlctite. 1
Ba moin» de Umps rail ae faut
iJfitif&JtMrttii *rM4sm«r« tr»ac^H
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.34%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.34%.
- Collections numériques similaires Bernard François Bernard François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bernard François" or dc.contributor adj "Bernard François")
- Auteurs similaires Bernard François Bernard François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Bernard François" or dc.contributor adj "Bernard François")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k517133n/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k517133n/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k517133n/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k517133n/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k517133n
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k517133n
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k517133n/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest